ANNEXE 3 : La carte des 22 métropoles

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Mme Françoise Gatel , présidente. - Nous présentons aujourd'hui le rapport sur les métropoles, dont les rapporteurs ne sont pas paritaires, puisque nous sommes quatre femmes, mais ce n'est qu'un hasard :

Sylvie Robert, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, en visioconférence ;

Michelle Gréaume, sénatrice du Nord, présente avec nous ;

Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes ;

Et moi-même, Françoise Gatel.

Il existe dans notre pays deux catégories juridiques de métropoles, celles de catégorie générique et celles à statut particulier, comme Paris, mais aussi Aix-Marseille-Provence et Lyon. Nous avons exclu ces métropoles à statut particulier, entre autres parce que notre calendrier de travail a dû être revu, la loi 4D arrivant d'une manière inattendue, et pour que notre rapport nourrisse la réflexion sur celle-ci.

Les métropoles sont considérées aujourd'hui comme l'expression la plus aboutie de l'affirmation de l'intercommunalité. Elles répondent à un fait urbain que nul ne peut ignorer. La question de savoir si la métropole est un bien ou non n'est pas notre sujet. Elle a été créée et reprise par des gouvernements successifs, et elle possède une fonction particulière de rayonnement et de capacité sur un territoire, qui doit lui permettre d'agir à armes égales avec des organisations d'autres pays aux régions très puissantes, comme en Allemagne.

À l'intérieur de la métropole générique, des métropoles de catégories différentes ont été créées et la différence est nette entre une métropole née d'une communauté urbaine où l'agrégation est très forte et une métropole née d'une communauté d'agglomération où prévaut davantage l'esprit de coopération que d'intégration. Le rapport de la Cour des comptes montre que toutes les métropoles éprouvent parfois des difficultés à se conformer à l'esprit extrêmement intégrateur, et c'est dans ce sens qu'iront nos propositions.

La volonté des rapporteurs était de parvenir à une évaluation de ces métropoles à partir du critère de l'efficacité de l'action publique et de l'adéquation entre la métropole telle qu'elle a été définie par le législateur et sa mise en oeuvre, sachant que certaines subtilités sont liées à l'étape précédente d'intercommunalité et à la taille de ces intercommunalités, parfois XXL.

Nous avons donc abordé deux questions :

Les métropoles ont-elles répondu au besoin d'efficacité jusqu'au dernier kilomètre ?

Les métropoles ont-elles répondu à cette définition, et donc à cette obligation que la loi leur intimait, d'être non seulement des avions de chasse fulgurants pour le territoire métropolitain, mais aussi une structure qui dynamise tout un territoire : la métropole regarde-t-elle aussi son environnement, qu'on appelle son hinterland ?

Un certain nombre d'auditions ont été conduites et nous avons envoyé un questionnaire aux métropoles et à toutes les communes membres, soit un total de 675, à l'exception des grandes métropoles.

Je laisse la parole à mes collègues, avant que nous ayons un échange.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Merci beaucoup, madame la présidente, et bonjour à toutes et à tous. Effectivement, notre rapport s'articule autour de cinq recommandations principales dans le but d'étendre le champ de l'intérêt métropolitain et de favoriser ce que nous avons appelé une relation gagnant-gagnant entre les métropoles et leurs territoires voisins.

L'intérêt métropolitain est une notion-clé pour la répartition des compétences entre les métropoles et les communes. Or il n'est pas toujours bien identifié.

Six blocs de compétences énoncés dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) sont exercés de plein droit aujourd'hui par les métropoles, en place et lieu des communes membres :

- le développement et l'aménagement économique, social et culturel ;

- l'aménagement de l'espace métropolitain-voirie ;

- la politique locale de l'habitat ;

- la politique de la ville ;

- la gestion des services d'intérêt collectif ;

- l'environnement et la politique du cadre de vie.

À ces compétences obligatoires s'ajoutent des compétences facultatives, dont le périmètre demeure relativement flou et varie selon les métropoles.

L'exercice de certaines compétences obligatoires de la métropole est néanmoins subordonné à la reconnaissance de l'intérêt métropolitain, qui marque la reconnaissance d'une plus-value métropolitaine dans l'exercice de ces compétences. Déterminé par le conseil de la métropole à la majorité des deux-tiers, l'intérêt métropolitain est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. À défaut, la métropole exerce l'intégralité des compétences transférées. Cette définition permet de distinguer, pour l'exercice de certaines compétences obligatoires par la métropole, les actions, les services et équipements qui relèvent de manière pertinente, soit de la commune, soit de la métropole.

D'après le rapport de la Cour des comptes publié en décembre 2020, les métropoles ont éprouvé des difficultés à définir clairement ce qui relève de l'intérêt métropolitain ou de leurs communes membres. Il apparaît ainsi que la définition de l'intérêt métropolitain a le plus souvent été arrêtée de manière quelque peu empirique, voire opportuniste, sans réelle vision stratégique.

Par ailleurs, la répartition des compétences entre métropole et communes peut parfois présenter certaines difficultés. La Cour des comptes a ainsi estimé dans certaines métropoles que le dispositif des conventions de gestion, permettant d'assurer une transition en atténuant provisoirement les effets de transferts de compétences des communes vers les métropoles, a été dévoyé, s'apparentant de facto à de véritables délégations de compétences.

Cette critique de la Cour des comptes plaide pour une plus grande adaptation des compétences en fonction des réalités locales, et donc pour un élargissement du champ de l'intérêt métropolitain, dans l'exercice des compétences de la métropole. Une telle évolution répondrait, nous semble-t-il, aux aspirations légitimes des élus locaux à une plus grande différenciation territoriale, alors que les métropoles présentent une forte hétérogénéité, tant en termes de taille, de poids démographique que de caractéristiques sociales ou économiques. La consultation qui a été menée auprès des élus locaux en février 2021 nous a enseigné que 94 % des élus locaux interrogés sont favorables à une adaptation des compétences communes/intercommunalités en fonction des caractéristiques propres à leur territoire.

Par exemple, la politique de l'habitat relève de la seule compétence métropolitaine, puisqu'il s'agit d'une compétence obligatoire. Cette politique recouvre le programme local de l'habitat, la politique du logement avec les aides financières au logement social, les actions en faveur du logement social, les actions en faveur du logement des personnes défavorisées, mais aussi l'amélioration du parc immobilier bâti, sa réhabilitation, et la résorption de l'habitat insalubre. Or cette compétence ne va pas toujours de soi. Se pose alors la question de l'articulation avec les compétences des communes, dont certaines sont soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU en matière de logements sociaux. Des améliorations seraient nécessaires, car les métropoles sont aujourd'hui de fait les chefs de file de toutes les politiques de l'habitat.

En ma qualité de rapporteur dans le projet de loi 4D, j'essaierai, s'agissant de la réforme de la loi SRU, de proposer une expérimentation au niveau intercommunal, sur la base du volontariat, car les intercommunalités ne sont pas toutes au même stade de maturité. Nous devons prévoir une articulation pour devenir plus efficients. Les métropoles ont aussi leur rôle à jouer, avec leurs obligations en termes d'habitat et d'objectifs pour respecter la loi SRU au niveau des communes.

Je vous remercie et je laisse la parole à Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. - Merci beaucoup. Tout d'abord, je tenais à remercier madame la présidente Gatel, ainsi que mes collègues, pour l'excellent travail effectué ensemble. J'ai été très contente de pouvoir partager avec eux mon expérience. Je remercie également les collaborateurs et les administrateurs du Sénat qui nous aident dans nos missions.

J'interviendrai sur l'intérêt métropolitain, qui doit être élargi et mieux défini, pour permettre une répartition efficace des compétences. Comme tout établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la métropole doit être considérée avant tout comme un outil de coopération au service des communes membres. Elle doit donc démontrer concrètement la plus-value qu'elle leur apporte, sans présumer l'intérêt métropolitain. Elargir le champ de l'intérêt métropolitain apporterait davantage de justesse à la répartition des compétences entre les communes membres et la métropole.

Un tel élargissement permettrait de ne pas automatiquement dessaisir les communes de certaines compétences et d'entretenir la proximité que permet l'échelon communal, contrairement à l'échelon métropolitain, dont la pertinence est parfois mise en doute.

Concernant les compétences facultatives, nous recommandons également que le transfert volontaire de compétences aux métropoles repose uniquement sur l'intérêt métropolitain. Promouvoir l'intérêt métropolitain, c'est faire confiance à l'intelligence territoriale et à l'expérience locale pour garantir une action publique efficace, car proche de ses citoyens.

Dans le domaine du développement économique, l'échelon métropolitain peut être plus adéquat et il peut stimuler une dynamique territoriale de réduction des inégalités. Nous avons donc préféré en l'état exclure cette compétence économique de l'élargissement de l'intérêt métropolitain.

Par ailleurs, cet intérêt métropolitain nécessite d'être défini à partir de critères précis.

En l'état actuel des textes, le conseil métropolitain dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation, avant de déterminer l'intérêt métropolitain. Il pourrait être opportun de donner une définition dans le CGCT de l'intérêt métropolitain en conformité avec le principe de subsidiarité. Pour caractériser l'intérêt métropolitain, le conseil métropolitain devrait examiner si la compétence peut être mieux mise en oeuvre à l'échelon de la métropole qu'à celui de ses communes membres. Rappelons en effet que l'application du principe de subsidiarité implique d'organiser les politiques publiques à l'échelon le plus proche des citoyens, la commune devant être en principe préférée à l'intercommunalité.

Cette définition pourrait utilement être complétée par un faisceau de critères non exhaustifs, à l'aune desquels cet intérêt métropolitain devrait être apprécié :

- l'efficacité et la réactivité de l'action métropolitaine au regard de celles des communes membres ;

- la technicité et l'ampleur des compétences considérées ;

- la capacité de la métropole à engendrer des mutualisations et des économies d'échelle ;

- la capacité de la métropole à contribuer à la stratégie, à la structuration et au rayonnement du territoire métropolitain ;

- la capacité de la métropole à réduire la fracture urbaine du territoire métropolitain ;

- les besoins de la population ;

- les caractéristiques économiques, sociales et géographiques du territoire métropolitain.

Cette liste ne serait pas limitative. Nous songeons par exemple à d'autres critères tels que la proximité nécessaire à l'exercice des compétences concernées, l'évaluation du fonctionnement de la compétence exercée par les communes ou encore la capacité de la métropole à prendre en compte les particularités de chaque commune membre dans l'exercice des compétences concernées.

Je laisse maintenant la parole à ma collègue Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. - Bonjour madame la présidente et bonjour à mes collègues, que je souhaite moi aussi remercier pour avoir travaillé sur ce rapport très intéressant, avec l'aide des services de la délégation, que je souhaite également remercier.

J'évoquerai un état des lieux et la question de l'alliance des territoires. Nous nous sommes en effet aperçues, et cela fera l'objet d'une recommandation présentée par Françoise Gatel dans la dernière partie, que cet état des lieux sur l'alliance des territoires, qui est un objectif des métropoles fixé par la loi, amène à un bilan nuancé, en demi-teinte.

La loi Maptam a assigné aux métropoles l'objectif de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. La métropole doit donc s'inscrire dans une logique de solidarité et de partage, au-delà de ses frontières administratives. Les contrats de réciprocité ville-campagne et les contrats de coopération métropolitaine soulignent la nécessité de sortir de cette image « paternaliste » du ruissellement des effets positifs de la métropole sur son hinterland , comme le disait Françoise Gatel, pour s'intéresser particulièrement aux bénéfices mutuels obtenus de leur coopération, dans une logique de complémentarité.

Cette logique « gagnant-gagnant » montre que le dynamisme et l'attractivité d'une métropole dépendent en effet aussi, et c'est très important de le souligner, de ceux des communes voisines. Nous constatons ainsi l'importance pour les métropoles de regarder leur hinterland et de travailler avec eux.

Néanmoins, si les objectifs et les outils sont explicites, nous avons constaté que le bilan est en demi-teinte. Des travaux universitaires mettent en avant le fait que toutes les métropoles n'ont pas eu l'effet d'entraînement escompté sur leur périphérie. France Urbaine a même évoqué, pour certaines métropoles, l'« assèchement des territoires alentour ».

Nous avons toutefois relevé de bonnes pratiques, comme 17 contrats de réciprocité signés par certaines métropoles. Ceux-ci se focalisent souvent sur le développement économique, l'environnement, la santé, l'agriculture, la mobilité ou l'alimentation. Ils ont permis aux élus de mieux se connaître, de découvrir les potentialités de coopération entre leurs territoires et de mettre en oeuvre des échanges d'informations.

Ces exemples réussis tiennent selon nous à une combinaison de facteurs favorables, à savoir une forte volonté politique, portant sur un projet de territoire et capable de fédérer les acteurs locaux sur le long cours, mais s'appuyant aussi sur la conviction que ces initiatives sont mutuellement, et je souligne cet adverbe, profitables. En effet, le contrat permet d'institutionnaliser les relations et de faciliter les contacts.

Nous avons pris comme exemple Nantes-Métropole et sa politique de coopération avec sa périphérie, en particulier avec le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Retz, soit quatre EPCI, 38 communes et 154 000 habitants. Tous ont travaillé sur cette coopération dans le domaine de l'alimentation, et particulièrement sur le circuit court avec les agriculteurs pour alimenter les cantines en produits bio. Ce projet alimentaire territorial du Pays de Retz a connu un très fort développement, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans, et il est reconnu comme étant une expérience extrêmement profitable pour l'ensemble de la métropole.

Je laisse la parole à Françoise Gatel, puisque cet état des lieux nous permet aussi de formuler une recommandation sur ces alliances métropole- hinterland .

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup, chère Sylvie. La recommandation émise par les quatre rapporteurs est sans aucun doute une proposition audacieuse et je ne doute pas qu'elle stimulera la curiosité, l'intérêt ou parfois l'agacement de certains de nos collègues.

La loi charge les métropoles de contribuer au rayonnement et au développement d'un territoire, et nous savons que les métropoles sont dans un rapport de réciprocité entre leur territoire et ce qu'on appelle les hinterlands . L' hinterland bénéficie certainement de la puissance de feu de la métropole et cette dernière ne peut se développer que si elle est en lien étroit avec ses territoires.

Beaucoup de travailleurs métropolitains doivent habiter dans des territoires voisins, soit par choix, soit parce que l'habitat est moins cher. Cette arrivée de population est une chance pour les communes périphériques, mais elle rend nécessaire certains équipements. L'arrière-pays peut aussi accueillir des industries qui ne peuvent l'être dans les métropoles et il peut fournir l'alimentation et de la ressource en eau. Il ne s'agit pas d'être dans un rapport de charité et la métropole ne doit pas être considérée comme une dame-patronnesse devant aider ses voisins. Nous sommes bien dans des territoires qui contribuent à la fertilité d'un territoire plus large que celui de la métropole.

Nous pensons qu'il faut inviter, inciter : l'homme est bon par nature, mais s'il est encouragé, cela peut éviter les amnésies. Nous osons proposer une reconnaissance ou une obligation pour les métropoles de faire, d'agir, avec un impact financier.

Les contrats de plan État-région (CPER) comprennent un volet sur la coopération métropole-territoires voisins, et nous connaissons des métropoles où cela est effectif, d'autres où cela est beaucoup plus léger, où ce qui est réalisé ne l'est que par obligation. Nous nous interrogeons sur la possibilité d'intégrer dans les critères de dotation globale de fonctionnement (DGF) une sorte de modulation qui serait liée à l'existence ou non de véritables contrats de partenariat entre les métropoles et leur hinterland .

Nous savons que cette recommandation est audacieuse, mais la délégation est là pour faire preuve d'audace, en tout cas pour stimuler et réfléchir. Chaque année, au moment de la loi de finances, certaines audaces s'affirment. Rappelez-vous la taxe de 1 % métropole qui avait été proposée à deux reprises. Nous ne pouvons pas ne pas parler aujourd'hui du développement durable et solidaire du territoire régional, parce qu'il en va de la cohésion nationale. Il faut lutter contre cette idée d'une France à deux vitesses telle qu'elle est ressentie par les territoires périphériques. Il ne s'agit en aucun cas d'opposer la ruralité à la métropole et de plaider pour que les métropoles soient revues. Sylvie Robert l'a dit précédemment, tout comme France Urbaine : l'un des enjeux de ce mandat est de voir les métropoles travailler en intelligence avec les territoires. Nous nous sommes longtemps placés dans une logique d'intégration plutôt que de coopération. On peut toujours intégrer, mais la dimension devient telle à un moment donné qu'il n'est plus possible de gérer, puisqu'on n'est plus dans la proximité et que de toutes façons il y aura toujours des territoires frontaliers. L'heure est donc plus à l'intelligence territoriale et aux coopérations.

Nous allons ouvrir le temps des questions. Je suis très heureuse de la proposition fort pertinente de notre collègue Dominique Estrosi Sassone sur le logement. Elle constitue un excellent exemple de la manière dont on doit pouvoir traiter à l'échelle des métropoles et d'une manière apaisée l'action de la commune et la cohérence au sein d'un territoire plus large. Je suis très heureuse que ce rapport se conjugue avec celui que vous avez mené avec Valérie Létard sur le logement et que nous ayons cette opportunité avec le projet de loi 4D, qui contient un volet logement important, d'introduire cet aspect.

Je remercie à nouveau mes collègues de ce quatuor et les administrateurs à qui un train d'enfer a été imposé.

Je ne m'étonne pas que la première demande de parole soit celle de M. Dallier, qui aime les métropoles et qui doit être très intéressé ou stimulé par ma dernière recommandation.

M. Philippe Dallier. -  Oui, je suis toujours très intéressé par les métropoles, mais je suis aussi un peu perturbé par ce que je viens d'entendre. Vous avez effectivement brossé un bilan en demi-teinte. Ma première question serait de demander s'il n'est pas encore un peu tôt pour porter un jugement. Avant, nous avions les communautés urbaines et les communautés d'agglomération, et les problèmes auxquels ces territoires au sens large étaient confrontés existaient déjà. Nous avons voulu dénommer « métropole » ces territoires, et on se souvient dans quelles conditions cela s'est passé : tout le monde voulait devenir métropole, ce qui nous a conduit à donner cette dénomination à un certain nombre de territoires qui ne sont pas exactement des métropoles au sens des urbanistes et des géographes. En tout état de cause, les problèmes, et notamment ceux de l' hinterland , se posaient déjà, et ce n'est pas le fait d'avoir dénommé ces territoires « métropoles » qui a changé la donne.

Pour autant, je suis tout de même un peu perturbé par la proposition qui consisterait à agir sur la DGF pour contraindre certains à aller dans la bonne direction. Nous parlons toujours de l'intelligence territoriale, de décentralisation, du poids de la règlementation qui vient d'en haut : n'allez-vous pas trop loin dans ce domaine ? Les élus sont responsables : soit ils regarderont la réalité en face et s'engageront dans cette politique de coopération que vous appelez de vos voeux, soit ils ne le feront pas et ils seront battus aux prochaines élections. Sur quels critères allez-vous faire tomber d'en haut des contraintes nouvelles, et notamment en allant jusqu'à une modulation de la DGF ? Ce sera extrêmement compliqué. Je suis certes un peu perturbé par cette proposition, mais cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de problèmes à régler. Pour terminer, un mot à l'attention de Dominique Estrosi Sassone : elle a tout à fait raison de poser la question de la politique du logement qui, à l'évidence, devrait être dans le périmètre de la métropole. C'est aussi le cas dans la métropole du Grand Paris, avec la complexité des établissements publics territoriaux (EPT), et je regrette que le futur texte 4D ne puisse proposer des solutions que pour les métropoles de droit commun. Nous constatons bien les difficultés des politiques du logement avec l'effondrement de la construction : il y aurait tout intérêt à porter ces politiques de manière générale sur les périmètres les plus pertinents, qui sont à l'évidence ces métropoles.

Mme Françoise Gatel, présidente. - En écho, cher Philippe, nous ne doutions pas du grand succès de notre provocation, mais il faut avoir de l'audace, à un moment. Nous ne portons pas de jugement, mais tu as raison : les métropoles sont des créatures encore un peu jeunes et très différentes. Il est difficile de parler de « la métropole », et il faut bien distinguer la métropole née d'une communauté urbaine et qui avait déjà une intégration très forte de celles qui sont nées de communautés d'agglomération. Mais la loi est la même pour tout le monde et j'entends bien qu'il faut que nous soyons vigilants.

Ce qui nous intéressait était d'émettre un certain nombre de constats parce qu'il s'agit d'un sujet dont nous n'arrêtons pas de parler depuis la loi Engagement et Proximité. Nous en avons reparlé dans les 50 propositions du Sénat. Dans la consultation des élus effectuée par la délégation, nous n'avons cessé de parler de cela.

Nous ne parlons pas de « grand soir », pas de révolution ou de détricotage des métropoles, mais nous voyons bien que ces dernières sont un peu bloquées et que, pour avoir des métropoles apaisées et heureuses, il faut qu'elles fonctionnent bien. Voilà ce que nous proposons. Nous sommes plutôt dans l'encouragement à la réflexion et au progrès.

En ce qui concerne le terme hinterland , Michelle Gréaume a constaté que ce mot est beaucoup utilisé par des géographes. Quant à nous, nous gardons ce mot pour nous faire comprendre des techniciens. Nous pourrions utiliser l'expression « arrière-pays », mais il a une connotation négative. Après avoir essayé plusieurs mots, nous avons choisi hinterland tout en limitant ses occurrences.

Sur la provocation que constitue notre réflexion financière, nous nous sommes engagées à formuler une proposition qui n'arrivera pas de manière sauvage dans le projet de loi de finances. Nous souhaitons qu'un dialogue et un échange aient lieu avec la commission des finances sur ce sujet. Il est vrai que les élus sont responsables et des esprits éminents ont soutenu que l'homme était bon et vertueux, mais certaines métropoles ne regardent jamais autour d'elles, au point de ne pas desservir les territoires extérieurs où habitent pourtant leurs travailleurs. Nous ne sommes pas dans un rapport de charité, mais dans un rapport contributif de chacun pour réussir. Des actions vertueuses sont menées en certains endroits, parfois naturellement, mais les autres doivent faire de même, parce que cela répond à la mission initiale des métropoles.

Je n'aime pas pénaliser, je préfère encourager, mais lorsqu'on ose aller jusqu'à dire que ce pourrait être un critère de la DGF, ce n'est pas un caprice de la délégation : la loi définit les métropoles comme des structures ayant pour mission d'assurer le rayonnement de leur territoire, qui n'est pas qu'administratif.

Nous ouvrons donc le débat, la discussion, sachant que cela est difficile en restant à DGF constante, mais cher Philippe, je rappellerai ce que j'ai dit avec gravité au moment de la loi de finances, lorsque nous avons parlé des communes nouvelles qui au bout de trois ans perdaient brutalement des dotations : lors de la révision de la DGF, l'écart de dotation entre différentes catégories d'intercommunalités n'était pas forcément juste, c'est-à-dire qu'une communauté de communes avait une dotation largement inférieure par habitant à une métropole ou à une communauté urbaine, sachant qu'il faut défendre le fait qu'il y a des fonctions de centralité qui sont importantes.

Pour que les métropoles gardent leur niveau de dotation, nous avons changé leurs critères. Pour faire simple, afin qu'une intercommunalité ait une dotation de 100, il fallait qu'elle possède par exemple un coefficient d'intégration fiscal de 50 ou 60. Pour avoir 100, avec la réforme de la DGF, la métropole n'avait plus besoin que d'un critère d'intégration de 35 ou de 40. Nous avons donc bien parfois révisé certains aspects.

Je laisse la parole à Jean-Michel Houllegatte.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Je tiens en premier lieu à féliciter les auteurs de ce rapport, qui permet de se poser les bonnes questions. À travers celles-ci, c'est le modèle d'aménagement du territoire que l'on souhaite qui est en jeu. Le scénario auquel nous assistons actuellement, celui du « fil de l'eau » ou du « laisser-faire », est celui de l'hyper-concentration, souvent présentée comme la solution. Nous assistons en matière économique au départ des fonctions tertiaires supérieures d'un certain nombre de pôles locaux comme les préfectures, pour rejoindre les nouvelles préfectures de région, et pour se concentrer dans les métropoles. Nous voyons ainsi disparaître des sièges sociaux, et il nous est dit que c'est le développement du futur. Ce qui m'intéresse dans le rapport, c'est aussi son titre, qui consiste à organiser des dynamiques territoriales, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de hiérarchie territoriale, avec d'un côté l'« élite » des organisations territoriales que sont les métropoles et de l'autre les territoires de relégation. C'est pourquoi je n'aime pas le ruissellement, qui suppose un mouvement du haut vers le bas. Sans reprendre la parabole de Lazare qui se contente des miettes de la table du riche, cela veut dire qu'il faut que nous ayons d'autres formes d'organisation.

Dans ce rapport, vous mettez le doigt sur un point qui me semble tout à fait intéressant : la contractualisation, et peut-être avant, la planification. Nous avons les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), et il est peut-être intéressant de mettre l'accent dessus, sans oublier qu'il doit y avoir une coopération entre les différentes formes de territoires, parce que les uns et les autres sont complémentaires. Donc, contractualisation oui, planification également, et il me semble intéressant de repenser ou de revisiter l'organisation des relations entre les territoires infrarégionaux.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Dominique, Michelle ou Sylvie, si vous souhaitez intervenir pour répondre, je vous en prie.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Ce n'est pas forcément une réponse à Philippe Dallier ou à Jean-Michel Houllegatte, mais je voulais juste rappeler l'esprit dans lequel nous avons essayé de formaliser ce rapport. Nous ne nous sommes pas placées dans cette notion que certains qualifient de « métropole- bashing », même si le rapport de la Cour des comptes nous semble particulièrement sévère. Comme le disait Philippe, nous pensons que c'est encore prématuré, que les métropoles sont encore jeunes, et que tous les rendez-vous ne peuvent pas être tenus aussi vite. Tout ne doit pas être remis en question et il ne faut pas considérer que les métropoles ont été, dans l'organisation territoriale de notre pays, un échec. Concernant la définition de l'intérêt métropolitain, nous pensons que nous pourrions aider à une meilleure réflexion. L'intérêt métropolitain ne nous semble en effet pas assez identifié, en tout cas pas sur l'ensemble des territoires concernés par une métropole. Il faut peut-être privilégier la souplesse, que l'on trouve dans les territoires, et non pas un retour en arrière, ou un détricotage de ce qui est aujourd'hui avéré et qui marche plus que convenablement sur un certain nombre de territoires métropolitains.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Ce que présente Dominique est extrêmement important. Nous voyons bien en effet la sensibilité de certaines grandes institutions, comme l'Assemblée des communautés de France (ADCF) ou France Urbaine, qui considèrent que, dès que l'on touche, on détricote. Mais nous ne détricotons pas, nous constatons que le tricot précédent était tellement serré, normé et uniformisé que ce qui était vrai ici ne l'était pas là-bas. Dans les préconisations que nous pourrons formuler et qui seront certainement reprises dans 4D, car c'est une position cohérente du Sénat, il ne s'agit pas de dire que nous reprenons toutes les compétences obligatoires et que nous obligeons à redéfinir l'intérêt métropolitain. Pas du tout : nous proposons qu'en cas de constatation par la métropole que la totalité d'une compétence a du mal à être exercée, elle ait la possibilité, au moment où elle en aura besoin, de dire que telle compétence relèvera de la commune.

J'ai entendu une remarque hier : tout cela peut se réaliser par le biais de conventions. Mais la responsabilité reste au détenteur de la compétence. Quand la métropole conclut une convention pour déléguer des compétences à une commune, c'est la métropole qui garde la responsabilité. Nous l'avons vu quand nous avons parlé de la compétence « eau et assainissement » dans des communautés de communes où il y a une subdélégation. Nous pouvons prendre comme exemple la métropole Aix-Marseille-Provence, totalement atypique mais tout de même intéressante : 205 conventions de délégation ont été conclues entre la métropole et les communes membres. Si nous élargissions le champ de l'intérêt métropolitain, nous mettrions chacun à l'abri de risques.

Nous donnons donc juste une possibilité. Si les élus ne souhaitent pas l'utiliser, ils ne le font pas. Mais il faut sortir des situations bloquées durant trois ou quatre ans. Le rapport de la Cour des comptes pointe des conventions de délégation qui deviennent illégales et que des préfets refusent d'acter. Les élus sont donc obligés d'inventer. Notre idée est de sécuriser sans lourdeur par la loi. Comme le dit Philippe, les élus sont responsables, nous leur faisons confiance et nous souhaitons leur donner des outils efficaces.

Mme Sylvie Robert. - Je souhaitais intervenir pour préciser que ce qui m'a vraiment beaucoup intéressée dans ce rapport est son positionnement absolument pas manichéen. Les métropoles ne sont pas noires et le reste blanc, et la vertu ne se pose pas qu'à l'extérieur des métropoles, même si nous avons vu que le constat est assez nuancé en termes de coopération. L'intérêt est d'être parti des territoires de vie de nos habitants. Il y a une évolution significative de la société en termes de temps, de nouvelles mobilités, de logement. Nous voyons bien que cela va très vite. C'est pour cela que les géographes, les sociologues, les philosophes s'intéressent à ces questions. Aujourd'hui, la coopération territoriale doit se fonder aussi sur l'appréhension de ces nouvelles dispositions qui se font d'abord sur des territoires de vie. Je trouve comme vous que le terme d' hinterland est difficile à traduire et complexe à appréhender, les hinterlands étant très divers en fonction des métropoles et difficilement définissables administrativement : cela peut être un bassin de vie, un département, etc. Ce qui est intéressant, c'est de démontrer que tout le monde a à y gagner, en considérant que les territoires qui composent ces territoires de vie à l'extérieur de la métropole ont une vraie valeur ajoutée qui peut, en termes de coopération, permettre à ce que chacun s'y retrouve.

Effectivement, ce sont des leviers d'incitation, voire d'accompagnement, mais je crois qu'il faut inciter pour permettre une prise de conscience que certaines métropoles, comme nous l'avons vu dans les auditions, ont asséché les territoires alentours. L'idée était de trouver cet équilibre et de montrer que, par des leviers incitatifs, peut-être un peu audacieux comme le disait Françoise, nous pouvions permettre cette prise de conscience que nous sommes dans une logique de « gagnant-gagnant ». C'est un peu la philosophie qui est défendue par ce rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, Sylvie. Tu as raison de dire que ce terme d' hinterland que nous n'aimons pas est un terme de géographe. C'est cet espace de vie qui est très différencié selon les thématiques. Une famille qui a des enfants dans un lycée possède une aire de vie qui n'a rien à voir avec celle d'une personne âgée, mais celle-ci doit parfois aller à l'hôpital.

Nous voyons bien que ces échelles de vie sont des échelles de temps et des échelles de connexion. Nous avons trop souvent raisonné par frontières administratives, en disant que c'est à l'intérieur d'un pré carré administratif que les gens devaient vivre : la frontière est là parce qu'on en a besoin, mais tout cela est très poreux.

Notre idée repose vraiment sur cette notion de gagnant-gagnant. Ceux qui sont autour d'une métropole ont à gagner, tout comme la métropole elle-même.

Les situations sont très différentes selon la structuration urbaine d'un département, par exemple. L'impact métropolitain est très différent dans un département constitué autour d'une grande ville et composé seulement de petites villes et dans un département où l'armature urbaine est plus articulée.

À Lyon, nous avons une adéquation département-métropole. À Aix-Marseille-Provence, nous voyons aujourd'hui des réflexions très intéressantes. Quand vous avez une commune à 100 kilomètres du centre de la métropole, l'exercice, même avec la visioconférence, est un peu compliqué. Quand la métropole possède tous les pouvoirs, à l'exemple de la ville de Marseille, dont beaucoup de compétences sont transférées à la métropole, il est intéressant de s'y attarder.

Encore une fois, la métropole existe et c'est très bien. L'idée est qu'avec ces observations, nous regardions, nous parlions, mais à la fin, ce sont les élus qui sont effectivement responsables.

Mme Catherine Di Folco. - Lorsque la métropole de Lyon a été créée, il a fallu considérer qu'il y avait deux entités dans le même département : la métropole et le reste. Le préfet avait alors parlé de « Rhône résiduel » pour nous qui n'étions pas dans la métropole. Vous imaginez le nom, c'est pire qu' hinterland . Donc, mesurons nos propos. Heureusement, cela n'a pas duré trop longtemps, car nous, élus, avons réagi en parlant de Rhône rural, de Rhône vert, ce qui était tout de même plus joli.

La métropole de Lyon a un statut particulier puisqu'elle possède la compétence du département. Le problème qui se pose et qui a été soulevé par les maires des communes composant la métropole est qu'ils n'ont pas voix au chapitre, contrairement à l'époque où la métropole était la communauté urbaine de Lyon. Chacun avait alors sa place à l'intérieur de la gouvernance, ce qui n'est plus le cas maintenant et qui soulève un très gros problème de démocratie.

Il faudra un jour ou l'autre se pencher sur cette question très particulière du statut de la métropole de Lyon.

Mme Françoise Gatel, présidente. - On parle souvent de la légitimité de la métropole, qui gère aujourd'hui des budgets considérables. En Bretagne, la métropole de Rennes a un budget quasiment équivalent à celui de la région et des compétences très importantes. Nous avons beaucoup entendu dire que l'importance de ces compétences et de ce budget légitimerait une élection au suffrage universel direct. Cela existe par le biais du fléchage, il faut le rappeler.

Les propos de Mme Catherine Di Folco sont très intéressants et doivent nous amener à nous interroger. Les communes ne sont pas représentées à la métropole de Lyon en tant que telles...

Mme Catherine Di Folco. - ... voire pire, puisque leurs opposants sont présents, car sur une autre liste. Et voir l'opposant d'un maire siéger à la métropole est ce qu'il y a de plus terrible.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument. C'est extrêmement important : comment peut-on avoir une action publique efficace quand il y a l'opposant du maire dans la métropole ? On marche sur la tête. Si nous sommes favorables à un suffrage universel direct, cela veut dire que l'intercommunalité n'est plus un espace de coopération, mais une collectivité, et dans ce cas, quid de la pertinence d'une survivance des communes ? Nous avons le choix, pour moi, entre deux modèles : l'un consisterait à dire que les communes sont trop nombreuses, trop petites et que pour être intelligent il faut forcément être très grand. L'intercommunalité devient une collectivité, ce qui est un choix. L'autre choix, privilégié en France, est celui de la coopération : l'intercommunalité est alors l'émanation de la commune. Il est fort heureux que ce ne soit pas l'opposition qui soit représentée à l'intercommunalité. Je trouve intéressant que l'on regarde ça à un moment. Aujourd'hui, l'idée du suffrage universel direct n'est plus trop d'actualité, même pour les grandes associations qui y sont traditionnellement favorables. Choisir entre deux modèles n'est pas gênant, mais il faut être lucide sur le résultat.

Mme Catherine Di Folco. - Le modèle particulier de la métropole de Lyon doit vraiment être étudié. Il faut faire attention à tous les problèmes qui sont posés, que l'on découvre en marchant et qui n'avaient pas été bien étudiés au moment de la loi, notamment par les maires qui composaient à l'époque le Grand Lyon. Je pense que l'on découvre des choses aujourd'hui en termes de fonctionnement qui sont délicates.

Mme Françoise Gatel, présidente. - En effet, la métropole de Lyon n'est pas un EPCI, puisqu'elle a les compétences du département.

Voilà, chers collègues, merci beaucoup pour ces échanges extrêmement stimulants et intéressants. Merci aux collègues pour leur implication, la qualité de nos relations pendant ce rapport, et merci à vous de ne pas avoir été trop bousculés mais juste stimulés.

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