N° 746

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1)
de la commission des affaires sociales (2) sur l'
application de la loi
de
financement de la sécurité sociale pour 2020 ,

Par M. Jean-Marie VANLERENBERGHE,

Sénateur

(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. René-Paul Savary , président ; Mme Monique Lubin, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Daniel Chasseing, Mme Véronique Guillotin, M. Martin Lévrier, Mme Raymonde Poncet Monge, secrétaires ; M. Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Pascale Gruny, Corinne Imbert, M. Bernard Jomier, Mme Annie Le Houerou, MM. Alain Milon, Philippe Mouiller.

(2) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile .

L'ESSENTIEL

La crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 et la très forte récession qu'elle a provoquée ont eu des conséquences majeures pour la sécurité sociale, tant en termes opérationnels qu'en termes financiers.

Pendant la crise, la sécurité sociale a su répondre présente, au service des Français. Les prestations de toutes les branches ont ainsi pu être versées et chacun a pu mesurer, en particulier, la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble du système de santé.

Mais après le déficit « historique » enregistré en 2020 et les nouveaux transferts massifs à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui vont s'ensuivre, il importe de réfléchir dès à présent à une stratégie de retour à l'équilibre à moyen terme des comptes de la sécurité sociale, condition même de sa pérennité, sous le contrôle renforcé du Parlement.

I. EN 2020, UN DÉFICIT HISTORIQUE SOUS L'EFFET D'UNE CRISE SANS PRÉCÉDENT

A. UN DÉFICIT DE PRÈS DE 40 MILLIARDS D'EUROS

1. Un déficit qui touche l'ensemble des branches

La sécurité sociale, sur le périmètre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), a enregistré en 2020, sous l'effet de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, un déficit d'un montant inédit de 38,7 milliards d'euros . Toutes les branches sont retombées dans le rouge, ce que montre le tableau suivant.

Recettes, dépenses et solde des branches du régime général en 2020

en milliards d'euros

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

208,3

238,8

- 30,4

AT/MP

12,1

12,3

- 0,2

Vieillesse

135,9

139,6

- 3,7

Famille

48,2

50,0

- 1,8

Régime général

391,6

427,8

- 36,2

FSV

16,7

19,1

- 2,5

Régime général + FSV

390,8

429,4

- 38,7

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Au niveau de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ( ROBSS ), qui intègrent également les régimes spéciaux (en particulier les régimes de retraite), on observe une tendance similaire, avec un déficit global atteignant 39,8 milliards d'euros . La plupart des régimes bénéficient d'une subvention d'équilibre, ce qui explique l'écart relativement faible entre ces deux masses financières.

L'écart avec le régime général provient principalement de la Caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL) qui ne bénéficie pas de ce mécanisme et qui a enregistré, en 2020, un déficit de 1,5 milliard d'euros (contre 0,7 milliard d'euros en 2019).

Il est à souligner que l'exercice 2020 s'est caractérisé par une forte incertitude, que symbolise le très fort écart entre le résultat finalement constaté et les prévisions : la prévision initiale, bien entendu, mais également (en sens inverse) la prévision rectifiée figurant dans la LFSS pour 2021, pourtant promulguée le 14 décembre 2020.

Prévisions de soldes et résultats constatés de la sécurité sociale en 2020

en milliards d'euros

Source : commission des affaires sociales, d'après LFSS

Malgré cette amélioration relative du solde par rapport aux prévisions de l'automne, due à un moindre recul de la croissance et des recettes, ce résultat constitue de loin le déficit le plus lourd de l'histoire de la sécurité sociale.

Ce déficit dépasse d'environ 10 milliards d'euros le précédent record , qui datait de 2010 alors que les conséquences de la crise financière de 2008 se faisaient pleinement sentir.

Soldes consolidés des ROBSS et du FSV entre 2010 et 2020

en milliards d'euros

Source : Commission des affaires sociales, d'après LFSS

2. Des recettes en forte baisse en raison de la crise

En 2020, les recettes de la sécurité sociale ont diminué de 2,9 %. Si cette contraction peut sembler modeste rapporté au niveau de la baisse du PIB (8,3 %), elle contraste fortement avec le dynamisme de ces dernières années. Surtout, elle s'est traduite par un manque de recettes de 18,8 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2020 (390,8 milliards au lieu de 409,6 milliards d'euros).

Écart entre les recettes du régime général et du FSV
constatées en 2020 et la prévision de la LFSS pour 2020

en milliards d'euros

Source : CCSS

Cette évolution s'explique en premier lieu par la forte baisse de la masse salariale du secteur privé (-5,7%), sous l'effet de la crise et de la forte progression de l'activité partielle. Les cotisations des non-salariés ont même baissé de 27% , en raison des mesures d'étalement mises en place pour accompagner les restrictions d'activités (report de six mois des prélèvements sociaux, abattement de 50 % sur le dernier revenu déclaré, suspension des échéances de fin d'année).

Les recettes fiscales ont globalement moins souffert de la conjoncture en raison de leur assiette. Ainsi, la CSG concerne également les revenus de remplacement, ce qui a en partie compensé la diminution de la contribution sur les revenus d'activité. Par ailleurs, les impôts et taxes affectés au régime général sont restés globalement stables.

Enfin, les transferts nets retracent le versement exceptionnel de 5 milliards d'euros du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à la branche vieillesse , correspondant à la totalité de la soulte versée par le régime des industries électriques et gazières (IEG) en 2005 dans le cadre de son adossement au régime de droit commun.

3. Une forte augmentation des dépenses d'assurance maladie

Pour ce qui concerne les dépenses, les constats diffèrent fortement entre :

- les branches vieillesse, famille et AT-MP, dont les charges n'ont été que peu affectées par la crise et qui finissent relativement proches de la prévision de la LFSS 2020 ;

- et la branche maladie qui, en première ligne face à l'aspect proprement sanitaire de la crise, a dû financer un surcroît de dépenses de 16 milliards d'euros, dont 14 milliards au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) .

Décomposition des écarts à la prévision de l'Ondam en 2020

en milliards d'euros

Source : Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie

Les principaux écarts à la prévision ont concerné :

- les établissements de santé et médico-sociaux ( 8,4 milliards d'euros) , dont 4,5 milliards de dotations pour couvrir les dépenses exceptionnelles, 2,3 milliards d'euros de financement des « primes covid-19 » et des majorations au titre des heures supplémentaires et 1,4 milliard de revalorisations salariales dans les établissements de santé et médico-sociaux au titre des accords dits du « Ségur de la santé » ;

- la dotation à l'agence Santé publique France (4,8 milliards d'euros) de dotation pour faire face aux achats de masques, d'équipements de protection individuelle à destination des professionnels de santé, de respirateurs, de molécules utilisées en réanimation et de réactifs pour les tests PCR ;

- et les soins de ville , pour un montant net de 2,3 milliards d'euros entre indemnités journalières, tests et indemnisations des professionnels touchés par des restrictions d'activité.

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