B. S'APPUYER SUR LA CONCERTATION ET L'ÉVALUATION

1. Mener une réelle concertation et prendre en compte le point de vue des élus

L'élaboration de la première génération des RDDECI a souffert d'une concertation pour le moins lacunaire des maires et de l'ensemble des acteurs de la DECI. L'organisation de cette concertation a trop reposé sur la plus ou moins grande inspiration des services de l'État en la matière. Trop désordonnées, les initiatives auraient gagné à être plus encadrées, ce qui aurait notamment permis d'éviter dans certains départements des consultations « pour la forme » 39 ( * ) , artificielles et inévitablement vouées à l'échec.

Pour sortir de l'« à peu près », une méthodologie de consultation précise, solide et rigoureuse doit être définie.

Le périmètre des acteurs consultés comprend certes les partenaires institutionnels listés par le RNDECI (cf. partie I. E.) et les organisations d'élus (ADF, AMF, AMRF). Mais il ne peut se borner à ce cercle trop restreint. Il s'agit de concerter l'ensemble des maires (comme ce fut le cas dans le Bas-Rhin 40 ( * ) , par exemple) dans un souci d'exhaustivité et parce que chaque commune présente ses propres caractéristiques (géographiques, urbanistiques, économiques, de peuplement...).

Dans cet esprit, le cadre territorial de la concertation peut être l'arrondissement (comme ce fut le cas en Eure-et-Loir 41 ( * ) , par exemple), le territoire couvert par chaque centre de secours (CS) du SDIS ou mieux encore le canton ou l'EPCI.

Le contenu présente une importance toute particulière. Les acteurs de la DECI doivent pouvoir disposer d'éléments d'information objectifs et précis pour étayer leurs décisions. Un état des lieux du territoire constitue bien évidemment un document indispensable pour poser le diagnostic. Une fois celui-ci partagé, une étude d'impact doit être fournie (cf. partie III. B. 2.) afin de mesurer la portée des décisions à prendre et leurs répercussions, notamment financières du fait des coûts induits par telle ou telle option d'investissement.

Au terme de cette démarche d'information, le recueil de l'avis des acteurs de terrain sera utilement suivi d'un processus itératif , comme ce fut le cas dans le Var 42 ( * ) , afin de s'assurer, à chaque étape de l'élaboration des documents de DECI, de la bonne prise en compte des points de vue exprimés. Dans ce département, une démarche de présentation sous l'autorité du préfet a été conduite, un comité de pilotage constitué 43 ( * ) , plusieurs versions du projet de règlement travaillées, puis une dernière version a été soumise à avis, et en l'absence de retours, l'arrêté préfectoral portant le RDDECI a été finalement signé.

Proposition : instaurer une méthodologie précise et exigeante de concertation des acteurs de la DECI (périmètre, cadre territorial, information à disposition, recueil des avis, suivi des avis, processus itératif et information des élus quant au suivi).

Délai : 2022

Acteur(s) : ministère de l'intérieur, direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) et DGSCGC en lien avec les associations d'élus. Le cas échéant, un appui méthodologique pourrait être demandé à l'inspection générale de l'administration (IGA).

Gage d'un travail plus efficace et de décisions mieux comprises et donc acceptées, cette méthodologie de consultation se situe au coeur de l'amélioration de la doctrine de la DECI, dix ans après la réforme de 2011.

2. Réaliser des études d'impact des différents choix

La mise en place des RDDECI n'a pas été précédée d'études d'impact qui auraient permis de mesurer l'incidence, en particulier financière, de ces règles sur les communes.

Même sommaire, une telle étude éclaire les choix des décideurs publics et singulièrement les élus. Pour les SDIS, elle permettra aussi de mesurer les conséquences des dispositions susceptibles de s'imposer aux communes du fait du RDDECI. D'une certaine manière, elle offrira l'opportunité de faire la part des choses entre le « possible » et le « souhaitable », en gardant à l'esprit qu'une norme imposée mais non appliquée est parfois pire qu'une absence de norme.

En termes de méthode, les services de l'État (SDIS et services préfectoraux) sont de toute évidence les mieux placés pour conduire cet exercice d'évaluation. Mais encore faut-il que la démarche soit menée en transparence et dans la concertation avec les élus. De même, si l'arbitrage ultime relève du préfet qui signe le RDDECI, il devra savoir trouver le juste équilibre : entre une décision faisant porter la charge principale d'investissement au SDIS et une autre la faisant supporter aux communes, il ne serait pas admissible que la seconde option soit systématiquement privilégiée . L'étude d'impact préalable est dans cette perspective un outil précieux : elle permet de dégager un optimum entre les moyens des SDIS et leur évolution pour permettre un assouplissement des règles de DECI et un effort budgétaire supplémentaire incombant aux communes.

Dans certains cas, l'effort demandé aux communes a été justifié par le niveau d'équipement insuffisant du SDIS sans envisager une évolution de celui-ci permettant la mise en oeuvre de règles moins strictes.

Proposition : faire précéder les décisions relatives au RDDECI d'une étude d'impact permettant de mesurer leurs conséquences financières sur les communes et les solutions alternatives (augmentation des moyens du SDIS). Confier l'arbitrage au préfet, en transparence et dans la concertation avec les élus.

Délai : 2022

Acteur(s) : ministère de l'intérieur, DGSCGC et DMAT, SDIS

Enfin, le réflexe de l'évaluation doit s'étendre au suivi des dépenses communales en DECI . Actuellement, celui-ci ne fait l'objet d'aucune disposition particulière, ce qui explique notamment que ni les préfets ni même les communes ne sont capables de fournir des chiffres précis dans ce domaine. Pourtant ce suivi représente une pierre essentielle à l'édifice du chantier de l'évaluation de la DECI au niveau local. Il doit s'accompagner d'une consolidation au niveau national pour disposer d'une vision d'ensemble de la mise en oeuvre de cette politique publique.

La DECI : un objet comptable mal identifié

L'instruction budgétaire et comptable s'appliquant à la comptabilité des collectivités locales, dite « M 14 », ne permet pas d'identifier aisément les dépenses des collectivités en matière de DECI .

En principe, les dépenses de DECI peuvent être retrouvées dans la nomenclature par fonction :

- Fonction 1 : sécurité et salubrité publique

o Sous-fonction 11 : sécurité intérieure

? Rubrique 113 : pompiers, incendies et secours

Néanmoins, la rubrique 113 est beaucoup plus large que la DECI, et il est donc impossible de retracer précisément les dépenses qui y sont dédiées. Deux difficultés se posent. D'une part, ce périmètre comptable n'est pas assez fin . D'autre part, cette nomenclature fonctionnelle ne s'applique qu'aux communes de plus de 10 000 habitants .

En pratique , il est possible de retrouver le détail des dépenses de la rubrique 113 dans les budgets des grandes villes, mais l'exercice est beaucoup plus difficile dans ceux des petites villes.

Un écueil supplémentaire réside dans le fait que la compétence DECI est budgétairement proche de celle de l'eau et de l'assainissement : de fait, les dépenses de DECI sont souvent incluses dans ce budget annexe, mélangeant ainsi toutes les dépenses.

Afin d'isoler les dépenses de DECI et de faciliter leur suivi et leur pilotage, il pourrait être tentant de les faire figurer dans un budget annexe (comme pour l'eau et l'assainissement, par exemple). Toutefois, en application de l'article L. 1412-2 du CGCT, cette création d'un budget annexe devrait alors s'accompagner de la création d'une régie, ce qui compliquerait grandement la gestion budgétaire des communes.

Pour cette raison, vos rapporteurs ne retiennent pas cette option et préconisent plutôt de détailler la nomenclature fonctionnelle de la rubrique 113 afin de mieux faire ressortir les dépenses de DECI, d'en assurer un suivi effectif et de permettre une consolidation au niveau national offrant une vision globale, aujourd'hui absente .

Proposition : assurer un suivi effectif des dépenses communales en DECI, en détaillant la nomenclature « M 14 ». Réaliser une consolidation au niveau national.

Délai : 2023 / 2024

Acteur(s) : ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, DGCL

3. La révision quinquennale

Loin d'être figée dans le temps, la DECI doit être évolutive , non seulement pour tirer les enseignements de ce qui fonctionne, ou pas, dans le RDDECI de chaque département, mais aussi pour s'adapter aux mutations des territoires.

D'ores et déjà, neuf départements ont modifié leur RDDECI depuis leur parution initiale (Alpes de Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Finistère, Isère, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Calais, Savoie, Seine-Maritime, Vaucluse), selon la DGSCGC 44 ( * ) . La proportion demeure toutefois relativement faible par comparaison aux mécontentements exprimés par les élus. La raison tient pour beaucoup au fait que l'initiative de la révision du règlement départemental revient au préfet 45 ( * ) . Certes, elle peut être encouragée par le conseil d'administration du SDIS (CASDIS), mais les élus municipaux y sont minoritaires.

Si le RNDECI ouvre la porte à des modifications ponctuelles du RDDECI, il ne prévoit en revanche aucun rendez-vous régulier .

Vos rapporteurs considèrent pourtant qu'une revoyure régulière présenterait une grande utilité en donnant un horizon temporel à l'application du RDDECI et en facilitant le dialogue et l'échange entre les acteurs de cette politique.

En ce sens, ils sont rejoints par les maires qui se prononcent à 77 % en faveur de cette clause. Celle-ci réunit également très largement les préfets et les SDIS qui soutiennent l'idée à 88 % .

La fréquence de cette revoyure pourrait être de cinq ans, durée fréquemment évoquée dans les réponses au questionnaire de vos rapporteurs.

Proposition : instaurer une révision quinquennale des RDDECI sur la base d'un bilan précis établi en concertation avec l'ensemble des élus.

Délai : 2022

Acteur(s) : ministère de l'intérieur, DGSCGC, SDIS


* 39 Dans certains cas, il ne s'est agi que de simples réunions d'information et de présentation d'un projet déjà finalisé de RDDECI, sans recueil de l'avis des élus.

* 40 Réponse du SDIS du Bas-Rhin au questionnaire de vos rapporteurs.

* 41 Réponse du SDIS d'Eure et Loir au questionnaire de vos rapporteurs.

* 42 Réponse du SDIS du Var au questionnaire de vos rapporteurs.

* 43 Avec les associations des maires.

* 44 Réponses écrites de la DGSCGC à vos rapporteurs, le 4 mars 2021.

* 45 En application de l'article 2 du décret du 27 février 2015.

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