F. ÉVOLUER GRÂCE AU NUMÉRIQUE ET AUX INNOVATIONS

1. Les logiciels de cartographie

Le numérique et les innovations technologiques offrent des opportunités pour mieux optimiser la DECI. L'utilisation des bases de données par des logiciels de cartographie recèlent de fortes potentialités . Toutefois, leurs retombées positives ne profitent pas encore à tous les acteurs de la prévention et de la lutte contre l'incendie.

Une majorité de SDIS sont équipés d'un logiciel de cartographie répertoriant les PEI, ainsi que leurs caractéristiques et leur disponibilité . Les plus fréquemment cités sont Hydraclic, REMOcRA, CR+, Artemis ou encore Hydroweb. Identiques dans leur principe, ces logiciels ne donnent cependant pas tous accès aux mêmes fonctionnalités : l'accès à la base de données varie (SDIS uniquement, accès aux collectivités, aux gestionnaires de réseau, à tout le monde), tout comme les droits rattachés (droit de visualisation, droit de modification...).

L'exemple de la plateforme Hydraclic

Cette solution a été mise en place par l'entreprise Datakode 72 ( * ) et cinq SDIS (Charente-Maritime, Hérault, Tarn, Tarn-et-Garonne et Vaucluse) l'utilisent actuellement.

La plateforme Hydraclic est accessible au grand public sur Internet. Le SDIS administre les données sur la plateforme, puis donne des accès différents selon le statut (expert du SDIS, élu local, prestataire privé). Cela permet d'avoir une information en temps réel sur l'état des PEI (disponible, restreint ou indisponible), ou lorsqu'un PEI est créé ou supprimé. À chaque fois que le SDIS effectue un contrôle et déclare un PEI indisponible sur une commune, le maire est prévenu automatiquement par un mail . Au moment de partir pour un secours, les pompiers sont en mesure de voir les PEI disponibles. Certains personnels du SDIS disposent d'ailleurs de l'application mobile d'Hydraclic.

Source : capture d'écran d'un extrait de la carte des PEI issue de la plateforme Hydraclic en Charente-Maritime (accès grand public)

Source : capture d'écran d'un extrait de la liste des PEI en Charente-Maritime

Hydraclic permet aux élus de voir directement les zones couvertes par un PEI et celles non couvertes, ce qui constitue un avantage pour établir le schéma communal de DECI . Le travail des services d'instruction des permis de construire est aussi facilité par cette solution. Enfin, l'accès libre aux données permet aux architectes , ou aux habitants de la commune, de se renseigner sur la DECI (depuis la liste des PEI, il est même possible d'accéder à une fiche en format Pdf déclinant les caractéristiques du PEI).

Le SDIS de la Charente-Maritime a indiqué à vos rapporteurs que le coût initial de cette solution logicielle s'était élevé à 35 000 euros et qu' un abonnement (de quelques milliers d'euros) est ensuite nécessaire, ces charges étant financées par le SDIS et le syndicat numérique départemental.

L'exemple des logiciels de cartographie illustre l'intérêt de la « Tech » au service de la DECI , mais il pointe également l'effort nécessaire de mise à niveau de l'équipement des SDIS en outils technologiques. Car qui dit logiciel ( software ) de cartographie, suppose aussi l'infrastructure ( hardware ) pour en tirer pleinement parti (tablettes, GPS...). Alors que tous les véhicules des SDIS ne sont pas équipés du GPS, il s'agit aujourd'hui de définir une politique globale d'équipement. Les choix technologiques des SDIS devront, en outre, être compatibles avec ceux de leurs partenaires sur la DECI : par exemple, les syndicats des eaux en cas d'équipement du réseau en système de capteurs pour aller vers des réseaux dits « intelligents ».

Proposition : généraliser l'équipement des SDIS en outils numériques et informatiques performants (logiciels de cartographie, GPS...) et prévoir un partage de données avec les communes (ou les délégataires de la compétence DECI).

Délai : 2022-2024

Acteur(s) : ministère de l'intérieur, DGSCGC et SDIS

2. La numérisation du service de l'autorisation du droit des sols (ADS)

Une DECI au service des citoyens et des élus passe par une simplification des rapports entre l'administration et ses usagers . La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ÉLAN », s'inscrit dans cette logique en projetant que, d'ici le 1 er janvier 2022, toutes les démarches administratives relatives à l'urbanisme puissent être effectuées en ligne.

Issu de l'article 62 de la loi ÉLAN, l'article L. 423-3 du code de l'urbanisme prévoit que « les communes dont le nombre total d'habitants est supérieur à 3 500 disposent d'une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d'instruire sous forme dématérialisée les demandes d'autorisation d'urbanisme ». Par ailleurs, l'article L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration dispose que toutes les communes devront être en capacité de recevoir des saisines par voie électronique (SVE), selon les modalités mises en oeuvre par ces dernières (courriel, formulaire de contact, télé services...).

Pour atteindre cet objectif et accompagner les demandeurs dans l'établissement de leur demande en ligne, une plateforme d'assistance à la demande d'autorisation d'urbanisme (ADAU) est d'ores et déjà accessible. Le dépôt et l'instruction en ligne de toutes les demandes d'autorisations d'urbanisme, dit « programme Démat.ADS », vise à simplifier le traitement des dossiers en instaurant une démarche totalement en ligne.

Afin d'améliorer les procédures d'urbanisme, il serait intéressant d'associer la documentation de la DECI à cette démarche de dématérialisation . Il est en effet problématique que des terrains soient présentés comme constructibles alors que l'absence de PEI et de PENA les rend impropres à l'octroi d'un permis de construire. L'identification de ces terrains, de fait non constructibles, se ferait en concertation entre le SDIS et les services de la commune compétents. Cette procédure, rendue plus rapide grâce à la dématérialisation, permettrait de réduire le temps d'attente des usagers et les délais pour imaginer une solution alternative en cas de non-conformité avec le RDDECI.

Proposition : intégrer la documentation de la DECI dans le processus de dématérialisation du droit des sols (ADS).

Délai : 2022-2023

Acteur(s) : ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, DGCL

3. La brumisation diphasique : une innovation positive ?

Une innovation technologique en cours d'expérimentation pourrait introduire une avancée significative dans la lutte contre les incendies et avoir un impact positif sur les contraintes inhérentes à la DECI . Cette innovation s'appelle la brumisation diphasique . Son intérêt réside dans un usage raisonné de l'eau, sans diminuer le niveau de performance offert aux sapeurs-pompiers.

L'intérêt de la lance diphasique

L'utilisation de cette lance propageant un brouillard diphasique accroît le niveau de protection du pompier qui opère la lance. Les fines gouttelettes projetées par la lance, ainsi qu'un très fort flux d'air entourant le jet d'eau, réduisent l'exposition du pompier aux particules toxiques émises par le feu.

La lance à brouillard diphasique change la manière d'appréhender une extinction de feu dans un milieu fermé : la consommation intensive d'eau est remplacée par une meilleure utilisation de la ressource disponible. Grâce à cette nouvelle lance, la consommation d'eau pour une même intervention est réduite de 5 à 8 fois . Pour la même quantité d'eau stockée, par exemple dans un camion-citerne, l'autonomie en eau est donc plus importante.

La lance permet aux pompiers d'effectuer des interventions dans des endroits clos, comme les caves, aujourd'hui trop dangereuses. Elle présente aussi un fort potentiel pour les interventions sur les incendies d'hydrocarbures, en autorisant le pompier à se rapprocher des flammes. Les effets du rayonnement thermique sont annulés par le brouillard qui émane de la lance, réduisant ainsi l'exposition du pompier. De plus, les dégâts occasionnés par l'eau sont fortement réduits, contribuant à la préservation des biens épargnés par le feu .

Encore en phase de test, cet équipement repose sur une collaboration entre la société ZELUP (entreprise française, basée à Lyon) et la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) depuis trois ans. Elle a reçu le soutien de la direction générale de l'armement (DGA) et de l'Agence pour l'innovation de défense (AID). Elle fédère plusieurs laboratoires de recherche, dont le Laboratoire énergies et mécaniques théorique et appliquée (LEMTA) de l'Université de Lorraine et le Laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP).

En fonction d'une nouvelle campagne de tests, la lance pourrait être mise en production en 2022 et la BSPP en doter ses engins à compter de 2024 .

Une telle lance, économe en eau, permettrait de pallier l'éloignement des PEI dans les zones rurales . Elle offrirait aux SDIS des garanties supplémentaires quant au fait d'avoir des réserves en eau suffisantes pour leurs interventions. In fine , cela pourrait autoriser une plus grande élasticité sur la distance séparant un lieu d'habitation et le PEI.

Proposition : tirer rapidement les enseignements des tests de la lance diphasique. S'assurer de son intérêt et du fait que cet équipement serait utilisable en zone rurale, tout en évaluant bien les adaptations du matériel (matériel roulant...) qui seraient nécessaires.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'intérieur, DGSCGC


* 72 https://www.datakode.fr/

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