D. REPENSER LE TRAVAIL SOCIAL

1. La formation des travailleurs sociaux

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) identifie environ 250 000 travailleurs sociaux agissant en faveur de la lutte contre la pauvreté , tous employeurs confondus (associations, départements, centres communaux d'action sociale, organismes de sécurité sociale, etc .).

Le travail social est peu visible mais joue un rôle fondamental. La question de la valorisation et la reconnaissance des métiers du travail social est lancinante et une réponse est attendue depuis plusieurs années, d'autant plus que le contexte d'intervention des travailleurs sociaux est allé en se complexifiant : augmentation du nombre de personnes devant être accompagnées, apparition de nouvelles problématiques comme celle des mineurs non accompagnés... La crise sanitaire apparaît comme un catalyseur de toutes ces difficultés.

À la suite du rapport « Bourguignon » de 2015 130 ( * ) , qui préconisait notamment la création d'un socle commun de compétences afin de forger une identité commune à l'ensemble des travailleurs sociaux, une réforme des diplômes d'État en travail social a été engagée. Après que les diplômes post-baccalauréat ont été portés au grade de licence en 2018, le diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social a été rénové. Les travaux actuels portent sur les deux diplômes d'encadrement du travail social et se poursuivront jusqu'en 2023 avec les diplômes de moniteur éducateur et de technicien d'intervention sociale et familiale.

En matière de formation continue, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit un plan de formation des travailleurs sociaux qui doit se déployer jusqu'en 2022. Ce plan identifie six thématiques jugées prioritaires dans l'évolution des pratiques professionnelles des travailleurs sociaux : « Participation des personnes accompagnées » ; « Développement social et travail social collectif » ; « Travail social et numérique » ; « Aller vers » ; « Travail social et territoires » ; « Travail social et insertion socio-professionnelle ».

Selon le comité d'évaluation de la stratégie pauvreté, le plan de formation est doté d'un financement de 30 millions d'euros sur trois ans , à comparer aux 66 millions d'euros initialement prévus. 80 % de ce montant sont versés aux départements dans le cadre de la contractualisation de la stratégie et 20 % alloués aux opérateurs de compétences (OPCO) ainsi qu'à l'Association nationale pour la formation permanente des personnels hospitaliers (ANFH) et au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Trois premiers modules devaient être disponibles en 2021 : « Participation des personnes accompagnées », « Développement social et travail social collectif » et « Travail social et numérique » 131 ( * ) .

Toutefois, aucune donnée concernant le nombre de formations dispensées n'est à ce jour disponible. Selon la DGCS, un retard important a été pris dans la mise en oeuvre de ce dispositif du fait de la crise sanitaire. L'année 2021 devrait voir le début de la montée en charge de cette mesure avec une accélération prévue en 2022.

Comme le souligne un récent rapport du Haut-Conseil du travail sociale (HCTS) 132 ( * ) , le travail social doit aller au-devant de la population pour réinvestir la prévention. Il semble donc prioritaire de mener à bien ce plan de formation en mettant l'accent sur le développement des pratiques d'« aller vers » et le travail social collectif. Les actions collectives, en tant qu'elles permettent de donner du pouvoir d'agir aux personnes accompagnées, doivent en effet être promues.

Ce rapport préconise par ailleurs d'organiser des formations croisées entre travailleurs sociaux et professionnels de différentes politiques publiques (santé, justice, Éducation nationale...) afin de lutter contre le cloisonnement des institutions.

Proposition n° 19 : Mener à bien le plan de formation des travailleurs sociaux en mettant l'accent sur le développement des pratiques d'« aller vers » et le travail social collectif.

2. L'organisation du travail social et la répartition des tâches

Le rapport précité du HCTS appelle à des travaux de simplification des procédures et de décloisonnement, que ce soit entre services sur un même territoire, entre politiques publiques ou entre secteurs social et sanitaire, ainsi qu'à une clarification des missions des différents acteurs qui concourent à l'accompagnement des personnes. Une attention particulière pourrait également être portée à l'accompagnement des personnes sujettes à des troubles psychiques.

A la lumière de la crise sanitaire, il paraît en effet possible de procéder à une simplification des processus que doivent mettre en oeuvre les professionnels , notamment en luttant contre l'empilement des dispositifs et des normes, afin de recentrer l'intervention des travailleurs sociaux sur leur coeur de métier, à savoir l'accompagnement individuel et collectif des personnes et des groupes. Le rapport « Cols » relève à cet égard que « l'allègement des tâches administratives et la simplification des circuits de validation pendant le confinement a libéré du temps et favorisé une plus grande disponibilité des travailleurs sociaux auprès des publics. »

Il serait également pertinent de donner plus de responsabilité aux travailleurs sociaux en créant les conditions favorables à l'initiative et à l'innovation. L'enjeu est de permettre le développement de pratiques adaptées aux situations des personnes, des groupes et des territoires.

Enfin, la promotion des actions de développement social peut permettre de concrétiser le rôle que peuvent jouer les travailleurs sociaux comme acteurs du territoire. Dans cette perspective, un guide d'appui pratique aux interventions collectives du travail social en faveur du développement social a été diffusé en 2019 par le HCTS. Comme le précise ce document, « le développement social ne relève pas de la boite à outils standard et n'appartient pas aux seuls travailleurs sociaux, mais à tous les acteurs d'un territoire qui veulent sortir d'une approche sectorielle de l'action publique pour passer à une approche plus globale et transversale ». Cette conception exige un changement de posture et une évolution des pratiques professionnelles du travail social, ainsi que le passage à une logique de coopération et de transversalité.

Proposition n° 20 : Recentrer l'intervention des travailleurs sociaux sur l'accompagnement individuel et collectif par l'allègement des circuits et des procédures. Reconnaître la capacité d'initiative des travailleurs sociaux au moyen de délégations de compétences. Promouvoir les actions de développement social.

Comme l'ont révélé les auditions menées par le rapporteur, notamment celles des représentants de la Collectivité européenne d'Alsace, les travailleurs sociaux sont, en pratique, de plus en plus amenés à se substituer à tous les services publics (Caf, CPAM...) qui se sont retirés des territoires. En complément des mesures de simplification proposées, le recentrage des travailleurs sociaux sur leur coeur de métier serait également facilité s'ils pouvaient disposer d'interlocuteurs au sein des administrations et organismes de sécurité sociale.

Proposition n° 21 : Mettre en place dans chaque administration concernée un relais pour les travailleurs sociaux.


* 130 Reconnaître et valoriser le travail social, rapport de Mme Brigitte Bourguignon, députée, à M. Manuel Valls, Premier ministre, juillet 2015.

* 131 Rapport du Comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, France Stratégie, mars 2021 - « Les 35 mesures, suivi et évaluation ».

* 132 Le travail social au défi de la crise sanitaire, rapport coordonné par Marie-Paule Cols, Haut-Conseil du travail social, janvier 2021.

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