B. OUTRE LEUR RÔLE FONDAMENTAL DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ, LES AIRES PROTÉGÉES GÉNÈRENT DE NOMBREUSES EXTERNALITÉS POSITIVES POUR LES TERRITOIRES

1. Ces outils peuvent être complémentaires sur un même territoire, au bénéfice d'une protection renforcée de la biodiversité

Globalement, les aires protégées produisent des résultats forts en matière de protection et même de restauration d'espèces. Par exemple, les réserves naturelles protègent 35 % des espèces menacées identifiées sur la liste rouge nationale. D'après les données communiquées par Réserves naturelles de France (RNF), l'abondance des oiseaux communs a augmenté de 12,5 % dans les réserves ces 15 dernières années (+0,9 % par an en moyenne) alors que durant le même temps, elle a baissé de 6,6 % en France hors réserves (soit -0,5 % par an).

Toutefois, le rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de la multiplicité des outils d'aires protégées et des structures gestionnaires. Celle-ci apparaît à la fois comme une source de flexibilité, car elle permet d'apporter une réponse la plus adaptée aux spécificités locales, mais aussi de complexité, que ce soit en terme de pilotage de politiques publiques ou de lisibilité pour les citoyens .

Ces différents outils peuvent ainsi s'articuler entre eux, afin de renforcer l'efficacité de la gestion et de la protection sur le territoire. Par exemple, une convention de partenariat a été signée entre RNF et les parcs nationaux en 2019 : RNF souhaite ainsi monter une ingénierie commune avec les parcs nationaux autour de la problématique du loup qui pourrait se traduire par le recrutement d'un mi-temps porté par les deux réseaux pour animer et coordonner les actions sur les réserves naturelles et les territoires de parcs nationaux.

En outre, les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux comprennent des réserves naturelles sur leur territoire : 35 % des réserves naturelles sont sur un territoire de PNR (122 des 351 réserves). Les PNR gèrent ou co-gèrent ainsi près de 40 % des réserves situées sur leur territoire.

Au total, en 2019, 5,5 % de la surface des espaces protégés terrestres l'est par plusieurs outils combinés .

Recouvrement des espaces protégés terrestres

(en %)

Source : 100 chiffres expliqués sur les espaces protégées, Inventaire National du Patrimoine Naturel et Observatoire national de la biodiversité, édition 2020, chiffres de 2019

Les réserves peuvent elles-mêmes combiner sur leur territoire différents outils de protection (sites RAMSAR, réserves de biosphère, sites du conservatoire du littoral, sites de CEN, sites Natura 2000, etc. ).

L'exemple du territoire de la Baie de Somme, où le rapporteur a effectué son déplacement, est à ce titre très parlant .

Le rapporteur a ainsi pu visiter le parc ornithologique du Marquenterre, site propriété du CELRL et géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard 12 ( * ) .

Le site était initialement une propriété privée, consacré à la culture de bulbes, puis à vocation naturaliste. La volonté d'en faire un espace touristique et protégé a conduit à sa cession au CELRL en 1986 13 ( * ) . Le site fait désormais partie de la Réserve naturelle nationale de la Baie de Somme, créée en 1994, et qui s'étend sur 3 000 hectares, également gérée par le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard . Le Syndicat anime également les deux sites Natura 2000 que comporte le territoire , « Estuaires et littoral picards » et « Marais arrière-littoraux picards ».

Au sein du parc, premier site créé en France pour l'observation des oiseaux et dont l'entrée est payante compte tenu de la présence permanente de guides nature, une boutique et un restaurant sont gérés par la régie commerciale « Destination Baie de Somme » du Syndicat mixte (dont l'emprise bâtie lui appartient). Le parc emploie environ 50 salariés de droit privé, dont une vingtaine de guides nature, et reçoit entre 150 000 et 180 000 visiteurs par an.

Le territoire de la Baie de Somme se caractérise ainsi par une forte volonté politique de préservation de ses espaces naturels et une activité touristique importante, deux enjeux importants désormais inscrits dans les projets d'aménagement de ce territoire : la création en juillet 2020 du parc naturel régional Baie de Somme Picardie Maritime complète ainsi la palette des outils d'aires protégées . Ce récent PNR est géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme 3 Vallées, également en charge du SCoT et du plan climat air énergie territorial (PCAET).

Les interlocuteurs rencontrés en Baie de Somme par le rapporteur témoignent d'une volonté de structurer les flux touristiques (notamment en développant les mobilités douces) afin de pérenniser la qualité paysagère du grand estuaire, tout en favorisant le développement économique du territoire.

2. Les aires protégées génèrent de nombreuses externalités positives, pour les territoires et l'économie

Comme l'a rappelé le vice-président de France Nature Environnement en charge des questions de biodiversité, il n'existe pas aujourd'hui de définition du « bénéfice » rapporté à la gestion de la nature . Cela ne signifie pas que le bon état des espèces et des milieux n'ait pas aussi une dimension économique pour la société 14 ( * ) (on parle de services écosystémiques), mais ils ne sont pas comptabilisés. Si l'on peut donc difficilement parler de « rentabilité » d'une aire protégée, force est de constater que ces espaces génèrent de nombreuses externalités positives, pour les territoires et l'économie.

Le rapporteur a ainsi pu constater lors de son déplacement que les nombreux outils existants ne constituent pas une « mise sous cloche », mais ont vocation à s'ancrer dans un territoire et à organiser la protection avec les activités humaines et le développement économique.

Les aires protégées sont ainsi le vecteur d'écotourisme, d'attractivité des territoires et proposent des emplois non délocalisables . Elles concourent pour certaines aux objectifs de nombreuses autres politiques, telles que le développement rural, l'éducation, ou encore l'intégration sociale. C'est notamment le cas des PNR, dont les missions dépassent l'enjeu de la protection de la biodiversité 15 ( * ) . Ils ont vocation à construire des outils d'aménagement et d'attractivité du territoire, tant en matière d'urbanisme, de gestion du foncier 16 ( * ) que de développement économique ou de services touristiques durables : leurs nombreux apports à l'aménagement et au développement durable des territoires ont été mis en exergue par un rapport récent du CESE 17 ( * ) .

De même, l'investissement dans la protection des milieux participe d'une nouvelle création de richesse à moyen terme, qui vient soutenir les activités économiques , en produisant des effets sur le renouvellement de la ressource. Une récente étude internationale a ainsi démontré que la mise en place d'aires marines protégées avec des règles strictes en matière d'activités favorise la reconstitution de populations de poissons, participant d'un renouvellement de la ressource bénéfique pour les pêcheurs 18 ( * ) . La limitation de pratiques dommageables à l'environnement au sein d'aires protégées (telle la surpêche ou les pêches destructrices comme le chalutage de fond consistant à traîner un filet raclant le plancher océanique, ce qui conduit à libérer du carbone séquestré), si elle constitue une perte de rentabilité à court terme, contribue à un retour des espèces trois à quatre ans après l'instauration d'une protection 19 ( * ) .


* 12 Créé en 1974, le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard a pour mission de développer le territoire par la gestion et l'aménagement des espaces bâtis et naturels et leur valorisation. Ses principales compétences sont l'aménagement des espaces et milieux naturels, la protection du trait de côte, le développement littoral et économique, mais il concentre également ses actions notamment sur le Plan Vélo Baie de Somme et la régie commerciale « Destination Baie de Somme ».

* 13 Toutefois, une zone limitrophe du parc d'environ 1 000 hectares de massifs dunaires demeure une propriété privée et poursuit un objectif exclusivement commercial (activités de 4x4, chasses privées). La proximité entre l'espace protégé et la zone privée poursuivant un objectif exclusif de rentabilité économique en dehors de toute problématique de protection pose la question de la cohabitation entre ces deux espaces, dont les vocations sont différentes.

* 14 Les services écosystémiques désignent les bénéfices économiques et sociaux que rend une nature en bon état à la société.

* 15 Même si leur action en la matière est cruciale : par exemple les PNR sont les premiers animateurs de sites Natura 2000 en France et la moitié de la surface des réserves naturelles nationales sont situées dans leur périmètre.

* 16 La charte du PNR s'impose en effet aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou le cas échéant aux documents équivalents.

* 17 « Les parcs naturels régionaux : apports à l'aménagement et au développement durable des territoires et perspectives, Alain Feretti, CESE, octobre 2018.

* 18 Sala, E., Mayorga, J., Bradley, D. et al. Protecting the global ocean for biodiversity, food and climate. Nature 592, 397-402 (2021).

* 19 Cette étude a également identifié plusieurs zones mondiales où la protection stricte est susceptible d'apporter le plus de résultats : en France, la zone Méditerranéenne et la façade atlantique devraient ainsi davantage être ciblées.

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