PREMIÈRE PARTIE
LES AIRES PROTÉGÉES, DES ESPACES INDISPENSABLES À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ PARTICIPANT AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES ET DONT LE FINANCEMENT MOBILISE UNE PLURALITÉ D'ACTEURS PUBLICS

I. LES AIRES PROTÉGÉES, DES ESPACES CRUCIAUX POUR LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ ET DONT LE DÉVELOPPEMENT EST AMENÉ À SE POURSUIVRE DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES 2030

A. LES AIRES PROTÉGÉES, DES OUTILS INDISPENSABLES À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DONT LE RÔLE EST CONFORTÉ PAR LA NOUVELLE STRATÉGIE NATIONALE POUR LES AIRES PROTÉGÉES

1. De nombreuses structures participent à la gestion des aires protégées

Dans son rapport publié en mai 2019 1 ( * ) , la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a dressé une première évaluation de l'état mondial de la biodiversité dont les résultats sont particulièrement alarmants : « 25 % des espèces appartenant aux groupes d'animaux et de végétaux évalués sont menacés 2 ( * ) , ce qui suggère qu'environ 1 million d'espèces sont déjà menacées d'extinction , beaucoup dans les décennies à venir ». Ce taux global d'espèces menacées d'extinction est d'ores et déjà « des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d'années écoulés ».

Les pressions exercées par l'activité humaine sur les écosystèmes (artificialisation des sols, pollutions, etc. ), combinées à la menace du réchauffement climatique pesant sur les milieux naturels font craindre une amplification de l'effondrement de la biodiversité .

Risque d'extinction actuel au niveau mondial
dans différents groupes d'espèces

Source : Rapport de l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, résumé à l'intention des décideurs, p. 26

L'action en faveur de la biodiversité s'inscrit dans le cadre de nombreux accords internationaux, mis en oeuvre depuis la Convention internationale sur la diversité biologique (CDB) de Rio en 1992 jusqu'aux « objectifs d'Aichi » adoptés par les parties de la CDB en 2010 et qui constituaient le « plan stratégique pour la diversité biologique pour la période 2011-2020 ».

Alors que la conférence des parties signataires de la Convention sur la diversité biologique se tiendra en Chine en 2022 afin d'adapter le cadre mondial en matière de biodiversité, l'Union européenne a adopté en 2020 sa nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité, fixant des objectifs non contraignants en matière d'aires protégées.

Dans ce contexte de mobilisation mondiale visant à enrayer l'effondrement de la biodiversité, l'une des voies d'action pour la préservation de la biodiversité repose sur la création et la gestion d'aires protégées. Cette modalité d'action est d'ailleurs reconnue par l'IPBES comme ayant permis de prévenir l'extinction de certaines espèces 3 ( * ) . L'importance de nos territoires ultramarins, répartis sur plusieurs continents, et plus largement la richesse de nos milieux naturels terrestres et maritimes, imposent à la France de déployer une politique active en matière de conservation de la biodiversité .

Le développement des aires protégées en France s'est déroulé de façon progressive 4 ( * ) , et le renforcement de notre réseau est allé de pair avec l'approfondissement des règles internationales. Au niveau européen, l'action en faveur de la protection de la biodiversité a été marquée par l'adoption de deux directives, la directive dite « Oiseaux » de 1979 5 ( * ) et la directive « Habitats-faune-flore » de 1992 6 ( * ) , fixant le cadre pour le réseau Natura 2000, qui constitue le principal instrument relatif à la biodiversité au niveau européen.

Historique des espaces protégés en France

Source : 100 chiffres expliqués sur les espaces protégées, Inventaire National du Patrimoine Naturel et Observatoire national de la biodiversité, édition 2020, chiffres de 2019

D'après la définition donnée par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), reprise par le ministère de la transition écologique, une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ».

Le rapporteur s'est ainsi intéressé aux outils associés aux aires protégées en France 7 ( * ) , dont la liste est établie dans le tableau ci-dessous :

Les différents types d'aires protégées en France

À terre

En mer, l'ensemble des aires marines protégées figurant à l'article L.334-1 du code de l'environnement

•Parcs nationaux

• Réserves naturelles

• Réserves biologiques

• Réserves nationales de chasse et de faune sauvage

• Arrêtés de protection préfectoraux (biotopes, habitats naturels, et géotopes)

• Sites du conservatoire du littoral

• Sites du conservatoire des espaces naturels (sites acquis et gérés)

• Parcs naturels régionaux

• Sites Natura 2000

• Sites RAMSAR (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Réserves de biosphère (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Espaces naturels sensibles

•Parcs nationaux ayant une partie maritime

• Réserves naturelles ayant une partie maritime

• Arrêtés de protection des biotopes, des habitats naturels et des sites d'intérêt géologique ayant une partie maritime

• Parcs naturels marins

• Sites Natura 2000 ayant une partie maritime

• Parties maritimes du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

• Zones de conservation halieutiques

• Parties maritimes des parcs naturels régionaux

• Réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime

• Aires marines protégées créées en application des réglementations de la Polynésie française, du gouvernement et des provinces de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna

• Aires marines ou ayant une partie marine délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux auxquels la France est partie

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du ministère de la transition écologique

On distingue plusieurs catégories d'aires protégées :

- des outils de protection dite « réglementaire » : ces outils visent à encadrer strictement les activités humaines ; il s'agit des réserves naturelles, qu'elles soient nationale, régionale ou de Corse, des réserves nationales de chasse et de faune sauvage, des réserves biologiques, des arrêtés de protection préfectoraux, et des réserves intégrales de parcs nationaux 8 ( * ) ;

- des outils de protection dite « contractuelle » , reposant sur des conventions passées localement : il s'agit de l'aire d'adhésion des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des parcs naturels marins et des sites Natura 2000 ;

- des outils de protection par la maîtrise foncière , désignant les espaces naturels sensibles (ENS), les terrains acquis par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) ou par les Conservatoires d'espaces naturels (CEN).

D'autres outils constituent des aires de protection au titre de conventions et d'engagements européens ou internationaux (réserves de biosphère, biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO ou zones protégées par la convention de RAMSAR).

Par ailleurs, la gestion de ces différents types d'aires protégées mobilise une pluralité d'acteurs , qui peuvent varier pour les mêmes outils. Les structures gestionnaires des réserves naturelles nationales peuvent par exemple être des structures associatives 9 ( * ) ou des collectivités territoriales.

Des structures gestionnaires d'aires protégées très diverses

Les structures impliquées dans la gestion des aires protégées sont de nature multiple. De manière non exhaustive, on peut citer :

- les établissements publics de parcs nationaux (pour les parcs nationaux) ;

- l'Office français de la biodiversité (pour certaines réserves naturelles nationales, les réserves de chasse et de la faune sauvage, les parcs naturels marins, des sites Natura 2000) ;

- les Conservatoires d'espaces naturels et d'autres structures associatives (sites des conservatoires, certaines réserves naturelles nationales ou régionales) ;

- les syndicats mixtes d'aménagement et de gestion de parc naturels régionaux ;

- les collectivités territoriales (pour les réserves naturelles nationales ou régionales, sites Natura 20000) organisées ou non sous forme de syndicats.

Source : commission des finances

Il existe ensuite des instances propres à chaque outil, animées par des têtes de réseau que sont les fédérations, rencontrées par le rapporteur.

Si la mission globale de support national aux aires protégées est tenue par la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), au sein du ministère de la transition écologique, l'Office français de la biodiversité (OFB) est aussi un établissement clé dans la gouvernance de nombreuses aires protégées :

- d'une part, l'OFB assure la gestion directe des parcs naturels marins , de la moitié des sites Natura 2000 en mer et de certaines réserves naturelles nationales ;

- d'autre part, l'OFB exerce une mission d'appui à la gestion pour les parcs nationaux, qui sans être gérés directement par lui, sont rattachés à l'Office.

2. Un rôle conforté et un développement à venir dans le cadre de la nouvelle stratégie pour les aires protégées à horizon 2030

Depuis une dizaine d'années, la création d'aires protégées s'est structurée, avec l'adoption de démarches stratégiques suivant une approche « milieux » : la France a ainsi adopté une stratégie de création et de gestion des aires marines protégées en 2007 (SCGAMP) 10 ( * ) , suivie d'une stratégie de création des aires protégées terrestres en 2009 (SCAP), visant notamment à ce que 2 % du territoire soit placé en protection forte d'ici 2019.

En janvier 2021, la France s'est dotée d'une nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) à horizon 2030, qui pour la première fois couvre aussi bien la métropole, les outre-mer, la terre et la mer . Cette stratégie décennale est accompagnée d'un plan d'action national triennal, le premier plan couvrant la période de 2021 à 2023. Des plans d'actions territoriaux également triennaux déclinent ensuite la stratégie à l'échelle régionale, la région exerçant une mission de « cheffe de file » en matière de biodiversité. Cette stratégie doit constituer le volet « aires protégées » de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité , en cours de révision et qui intégrera les engagements résultant de la Convention de l'ONU sur la biodiversité (COP 15), prévue en Chine en 2022.

Cette nouvelle stratégie repose sur les objectifs de protection de 30 % du territoire national, dont 10 % sous protection forte 11 ( * ) (aujourd'hui, 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction est protégé, et 1,8 % sous protection forte).

Objectifs de la stratégie nationale pour les aires protégées 2030
et déclinaison par mesures

Source : stratégie nationale pour les aires protégées 2030, p. 2

Dans ce contexte, le congrès mondial de l'UICN, qui s'est tenu à Marseille du 3 au 11 septembre, a été le théâtre de nombreuses annonces, dont la création et l'extension d'aires protégées .

Principales annonces faites lors du congrès mondial de l'UICN
s'agissant des aires protégées

Le congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) s'est tenu à Marseille, du 3 au 11 septembre 2021.

Lors de la cérémonie d'ouverture du congrès, le Président de la République a appelé à renforcer l'action de protection de la nature et à rapprocher cet agenda de celui de la lutte contre le changement climatique. La France a également pris plusieurs engagements visant à accélérer cette protection, notamment en Méditerranée, et à intégrer la protection des écosystèmes aux politiques publiques, au même titre que la lutte contre le changement climatique. Les principaux engagements pris lors du congrès sont les suivants :

- 5 % des eaux françaises méditerranéennes seront placées en protection forte d'ici 2027. La France accueillera courant 2022 un sommet mondial dédié à l'océan (« one ocean summit ») en coordination avec les Nations unies ;

- afin de contribuer à l'objectif d'atteindre 30 % de protection des surfaces maritimes et terrestres d'ici 2022, dont 10 % en protection forte, une nouvelle réserve intégrale et deux nouveaux parcs naturels régionaux ont été créés ; une réserve naturelle nationale et une zone Natura 2000 ont été étendues ; une 51 ème zone humide d'importance internationale a été labellisée « Ramsar » ;

- le processus d'identification d'un douzième parc national dédié aux zones humides a été défini ;

- le renforcement en 2022 des moyens liés à la biodiversité et des effectifs des opérateurs de l'eau et de la biodiversité que sont l'Office français de la biodiversité et les agences de l'eau a été confirmé.

Source : commission des finances


* 1 Rapport de l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, résumé à l'intention des décideurs, p.12.

* 2 D'après les critères de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

* 3 « Les investissements dans la conservation réalisés entre 1996 et 2008 ont permis de réduire le risque d'extinction pour les mammifères et les oiseaux de 29 % par pays (valeur médiane) dans 109 pays, alors que le taux de diminution du risque d'extinction pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens aurait été plus élevé d'au moins 20 % sans les mesures de conservation prises au cours des dernières décennies » (id. p.35).

* 4 Loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux ; les réserves naturelles ont été créées par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux ; loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ; loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, créant l'Office français de la biodiversité.

* 5 Directive 79/409/CE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

* 6 Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 modifiée par la directive 97/62/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

* 7 Dès lors qu'ils comprennent une structure gestionnaire. Les sites RAMSAR ne sont donc pas directement abordés dans le cadre du présent rapport dans la mesure où dans la grande majeure partie des cas, ils ne font pas l'objet d'une gestion par une structure.

* 8 Ils comprennent un coeur terrestre fortement réglementé et une aire d'adhésion volontaire participant à la protection du coeur.

* 9 Les conservatoires des espaces naturels (CEN) gèrent par exemple 36 réserves naturelles nationales et 73 réserves naturelles régionales et sont ainsi le premier réseau constitué de gestionnaires de réserves naturelles.

* 10 L'objectif de 20 % des eaux marines françaises protégées de la SCGAMP en 2020 a été atteint. Les eaux ultramarines y occupent une place majeure, représentant 97 % de la surface totale.

* 11 Ces objectifs sont fixés pour 2022. Toutefois, ce réseau devra être effectivement géré d'ici 2030 : comme le rappelle la SNAP, il existe une distinction entre la création qui est l'acte juridique ou d'acquisition foncière et la gestion effective qui est le fait de disposer de tous les attributs d'une zone effectivement opérationnelle, matérialisée par une équipe, des moyens, une gouvernance, un plan de gestion ou équivalent, des dispositifs de contrôle et d'évaluation.

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