B. CONSOLIDER LES FONDAMENTAUX DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE POUR QU'IL CONTRIBUE À RELEVER LES DÉFIS DE L'AGRICULTURE ET DES TERRITOIRES RURAUX

1. Revoir la cartographie des formations pour réussir le renouvellement des générations d'agriculteurs et répondre aux besoins des territoires ruraux
a) Retravailler la cartographie des formations pour mieux connecter l'enseignement agricole avec les besoins des professions agricoles et des territoires ruraux

Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA, a rappelé à la mission que « l'enseignement agricole était riche de près de 163 diplômes différents. »

S'il traduit la diversité des métiers et filières liés à l'enseignement agricole, ce nombre colossal complexifie considérablement la lisibilité de la cartographie des formations de l'enseignement agricole en France pour les élèves, pour les établissements mais également pour les employeurs.

Il apparaît essentiel de travailler à l'émergence d'un véritable tronc commun, donnant lieu, dans un second temps, à diverses spécialisations. Cela serait de nature à mieux mettre en avant la polyvalence des élèves à l'issue des formations proposées afin de mieux favoriser des carrières dynamiques.

Ce travail nécessite sans doute une nouvelle cartographie des formations proposées . Mais certaines formations le proposent déjà, comme le rappelle Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs : « je reviens aux contenus pédagogiques, au nombre de diplômes et à notre demande d'un tronc commun. Lorsque nous avons commencé à examiner le sujet, nous avons remarqué que le tronc commun était effectif sur un diplôme, le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), avec des options vers des BTS différents, adaptés aux territoires, aux productions, à la commercialisation, à la transformation, etc. Nous souhaiterions que ce modèle soit repris dans l'ensemble des diplômes agricoles. Il rendrait plus lisible de surcroît la formation agricole, qui souffre de ses 163 diplômes, en particulier auprès des jeunes qui ne sont pas issus du monde rural. »

Aujourd'hui, la majorité des étudiants de l'enseignement agricole préparent un diplôme qui est plus en lien avec la ruralité, notamment avec des diplômes dans le domaine des services à la personne par exemple, qu'avec l'agriculture à proprement parler.

Cette spécificité fait toute la force de l'enseignement agricole, qui est aujourd'hui particulièrement bien placé pour répondre aux demandes sociétales en matière de bien-être animal, de préoccupations environnementales, de proximité du monde rural...

Une véritable cartographie des métiers à venir dans les milieux ruraux est nécessaire pour que l'enseignement agricole, caractérisé par « une offre de formations à un public peu mobile, susceptible de se maintenir en milieu rural », selon Bruno Ricard du CGAAER, puisse répondre aux mieux à ces besoins.

Proposition n° 10 : simplifier et adapter la cartographie des formations proposées par l'enseignement agricole autour d'un tronc commun enrichi de spécialisations, afin de la rendre plus attractive et mieux en phase avec les attentes du monde agricole et, plus largement, des besoins des territoires ruraux.

Proposition n° 11 : évaluer les demandes de reconversions professionnelles vers les métiers de l'agriculture et prévoir les moyens budgétaires nécessaires à l'accompagnement de ces futurs agriculteurs.

b) Renforcer le volet économique et de gestion

La mission d'information a entendu certaines réserves quant au contenu de la formation proposée aux futurs exploitants agricoles.

Bien souvent, les agriculteurs installés concernés ont estimé que les formations économiques étaient insuffisantes.

Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs, par exemple, juge que « l e baccalauréat professionnel CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles), par exemple, ne permet plus de gérer une entreprise agricole. Les capacités techniques sont souvent acquises ; en revanche, la capacité à gérer un outil ne l'est pas. [...] L'activité est économique. Elle ne consiste pas simplement à aménager le territoire. Parmi ces compétences, nous voyons apparaître des besoins en commercialisation, venant s'ajouter aux compétences en gestion, en production et en ressources humaines. »

Dans leurs contributions écrites, les jeunes agriculteurs estiment que l'enseignement est trop technique et qu'il est essentiel de renforcer les compétences de gestionnaires d'entreprise et les savoirs transversaux, essentiels dans une optique de diversification des besoins et des compétences des chefs d'entreprises.

À bien des égards, la rapporteure est très attachée à ce que l'exploitant soit formé à produire, mais également à gérer sa ferme, à transformer ses produits et à les vendre.

Cette polyvalence est essentielle pour favoriser la diversification des revenus agriculteurs, facteur de résilience.

Au-delà de cet axe de progrès, l'insuffisance d'enseignements économiques peut placer les jeunes installés dans de grandes difficultés.

Or, comme le rappelle le rapport des sénateurs Françoise Férat et Henri Cabanel sur le sujet du suicide en agriculture 48 ( * ) , « un des éléments majeur à l'origine de situations de détresse en agriculture résulte du décalage entre la vision du métier développée par l'aspirant exploitant et le contenu réel de certaines tâches, notamment administratives, devant être effectuées très régulièrement.

« Pour beaucoup, le quotidien d'une exploitation est fait essentiellement de contacts avec la nature, la terre, les animaux, les matières premières. Si ces éléments sont, bien évidemment, très présents, ils tendent à occulter les autres aspects du quotidien d'un exploitant agricole : adaptation aux normes environnementales et sanitaires, démarches administratives chronophages à effectuer, préparation et réponse aux contrôles des pouvoirs publics, relations financières avec la MSA, réalisation d'un plan d'affaires pour décrocher un prêt, etc.

« La perception de ce décalage entre les aspirations et la réalité du terrain accentue, quand elle ne crée pas, une forme de mal-être au travail, qui prospère sur un sentiment de désillusion et un stress accru. »

Une contribution écrite, reçue par la rapporteure, le dit en d'autres termes : « il est possible de se relever d'une erreur technique ; une erreur de gestion peut être fatale à l'entreprise. »

Proposition n° 12 : revoir l'équilibre des référentiels de formation pour mieux valoriser les enseignements économiques et de gestion, mais aussi réglementaires et de santé-sécurité au travail.

c) Utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle

La mission a entendu diverses prises de position sur les modalités de prise en compte de l'agriculture biologique au sein de l'enseignement agricole.

Elle a pris note de la convention de partenariat signée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et la Fédération nationale de l'agriculture biologique, qui fait l'objet de déclinaisons au niveau régional, comme elle a pu le constater en Auvergne-Rhône-Alpes, la convention passée entre la DRAAF-SRFD et la FRAB mettant notamment l'accent sur le développement des partenariats et interrelations locales entre les groupements de producteurs bio et les établissements de l'enseignement agricole, ainsi que sur la promotion et l'intégration de l'agriculture biologique dans les cursus de formation.

Lors de sa visite du campus agronomique de VetAgro Sup à Clermont-Ferrand-Lempdes, Mathieu Capitaine, directeur de l'enseignement et de la vie étudiante sur le campus agronomique, a souligné l'intérêt que présentait l'analyse de l'agriculture biologique pour les autres modes d'agriculture et expliqué la démarche de l'École de ne pas ouvrir de formation spécifique au bio. La durabilité et la multiperformance, dans une démarche agroécologique, des systèmes agricoles et alimentaires et des territoires constitue ainsi l'un des quatre domaines prioritaires d'expertise de VetAgro Sup, défini dans son projet d'établissement axé autour du concept de santé globale.

La mission partage cette approche et considère que le développement de l'agriculture biologique, qui est l'un des aspects de la transition agro-écologique, peut et doit être utilisé par les établissements d'enseignement agricole, tant technique que supérieur, afin d'améliorer les connaissances et les réflexions d'ensemble sur les pratiques agronomiques, mais sans enfermer les apprenants dans un modèle. Ce point a été souligné à la mission par plusieurs syndicats agricoles.

Par ailleurs, l'agriculture biologique n'est pas la seule composante des évolutions portées par la transition agro-écologique. Il est important que chaque apprenant ait accès, au cours de sa formation, à une présentation exhaustive du fonctionnement d'une exploitation, notamment de petite taille, et de l'ensemble des pratiques agro-écologiques.

La force de l'enseignement agricole consiste à donner un socle de connaissances suffisamment large pour permettre aux futurs agriculteurs de bâtir leur modèle et de l'adapter le cas échéant en cours de carrière. Cette force doit demeurer, ce qui n'interdit pas de proposer davantage de spécialisation par pratique pour les élèves qui le souhaitent.

Proposition n° 13 : utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle et de s'adapter en cours de vie professionnelle.

d) Ajuster la composition de la commission professionnelle consultative

Le lien entre le monde enseignant et le monde professionnel agricole est assuré par une gouvernance fonctionnelle, qu'il convient toutefois de renforcer.

Au niveau national, les organisations professionnelles siègent au sein du Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA) 49 ( * ) .

En outre, en application de l'article 31 de la loi précitée pour la liberté de choisir son avenir professionnel créant l'article L. 6113-3 du code du travail, une commission professionnelle consultative de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'aménagement des espaces (CPCAAA) a été constituée afin d'examiner les projets de création, de révision et de suppression des diplômes à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État et leurs référentiels relevant des champs professionnels de l'agriculture, l'agroalimentaire et de l'aménagement des espaces.

Cette commission associe des représentants de l'État à des représentants des organisations professionnelles des exploitants agricoles et des organisations syndicales des salariés, permettant aux acteurs du monde agricole d'être associés à l'élaboration des diplômes destinés à former les jeunes agriculteurs et salariés agricoles de demain.

Il est surprenant de constater que les chambres d'agriculture n'y sont pas associées, alors qu'elles le sont dans d'autres organes et qu'elles jouent un rôle essentiel.

Proposition n° 14 : nommer un représentant des chambres d'agriculture au sein de la CPCAAA.

e) Mieux prendre en compte l'ensemble de la filière agricole et agroalimentaire, notamment le volet transformation

Comme le rappelle Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA, « les métiers de l'agriculture sont non seulement divers et variés, mais aussi très nombreux. Ces derniers nécessitent des chefs d'entreprises, mais aussi des salariés, des techniciens et des ingénieurs par exemple. Cette diversité s'explique par l'étendue des missions relatives à l'agriculture qui s'effectuent à la fois dans les champs, mais aussi dans la distribution alimentaire . »

Or l'appariement entre les besoins en matière de recrutement des métiers de l'agriculture et les aspirations des élèves sortis de l'enseignement agricole pourrait être amélioré.

La note de conjoncture de janvier 2021 de l'Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) fait état de 30 000 emplois restés non pourvus dans l'industrie agroalimentaire en 2020, contre 10 000 en 2013, une entreprise sur deux rencontrant des difficultés de recrutement. Ce vivier d'emplois, essentiellement en milieu rural, peine à trouver des jeunes talents répondant à des critères de formation attendus.

Aujourd'hui, l'enseignement agricole peine à répondre à cette demande. Malgré une proximité quasi-immédiate avec des formations agricoles proposées au sein de l'enseignement professionnel, seuls 4 % des élèves sont inscrits dans des filières de formation destinée à la transformation agroalimentaire.

Ce décalage entre l'offre et la demande d'emplois provient de plusieurs facteurs. Une étude ManageriA / RégionJob estime que si 6 jeunes sur 10 disent avoir une bonne image du secteur, seulement 30 % d'entre eux déclarent qu'ils aimeraient y travailler, la majorité s'estimant plutôt mal informés sur les métiers du secteur (59 %), et plus encore sur les formations qui y mènent (65 %). Des jeunes, rencontrés par la mission d'information, ont confirmé cette impression, en avouant méconnaître les métiers proposés et les opportunités de carrière. Un vrai travail d'information auprès des jeunes de l'enseignement agricole reste ainsi à réaliser.

Dominique Chargé, président de La Coopération agricole et président du conseil de l'Institut Agro, souligne l'importance du lien entre enseignement agricole et filière de la transformation : « Nous avons besoin de matière grise car la transformation se situe à tous les échelons de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette. En 2019, les coopératives ont embauché 13 300 jeunes soit 10 % de plus qu'en 2018. Nous recrutons dans les métiers d'accompagnement et de conseil auprès des agriculteurs et dans la transformation et la commercialisation des produits. Nous avons aussi besoin de talents digitaux car le métier d'agriculteur se numérise via les Outils d'Aide à la Décision et le traitement de la donnée qui permettent de suivre l'état de santé des végétaux ou des animaux et d'intervenir en préventif. Enfin, nous recrutons des architectes capables de convertir un besoin nouveau en modèle économique coopératif structuré et rentable. (...) Nous avons besoin d'une connaissance fondamentale puissante pour trouver des solutions alternatives . » 50 ( * )

Par ailleurs, les industriels, que la mission a rencontrés au travers de La Coopération agricole et de l'ANIA, et les recruteurs estiment que les formations proposées aux élèves sont parfois trop généralistes, aboutissant à un manque d'expertise produit, et que la formation pratique, par les stages ou l'alternance, au sein de leurs établissements, demeure insuffisamment développée. Cela s'explique, avant tout, par une offre de formation hétérogène selon les territoires et, partant, des difficultés à remplir les promotions des CFA.

Il importe donc de mieux prendre en compte les besoins des transformateurs agroalimentaires, qui sont souvent des PME et les premiers employeurs industriels ruraux.

Proposition n° 15 : associer davantage les représentants des employeurs des entreprises de la transformation alimentaire à l'élaboration de la carte des formations, afin de mieux répondre à leurs besoins, et renforcer l'information autour des métiers proposés par la transformation agroalimentaire au sein de l'enseignement agricole.

f) Inciter à une meilleure coordination des représentants professionnels

Au niveau local, de nombreux professionnels siègent dans les conseils d'administrations des établissements de l'enseignement agricole, technique comme supérieur, et, parfois, en assurent la présidence. Par exemple, parmi les 30 membres des conseils d'administrations des EPLEFPA siègent le président de la chambre d'agriculture, des élus locaux et cinq représentants des « organisations professionnelles et syndicales représentatives des employeurs, des exploitants et des salariés des professions agricoles et des professions para-agricoles concernées par les missions de l'établissement public local ». Ils sont également membres du conseil régional de l'enseignement agricole (chambre d'agriculture, organisations professionnelles représentatives).

L'appréciation de l'efficacité de la gouvernance, à tout le moins d'une bonne association des professionnels agricoles, est plutôt positive malgré quelques réserves de certains syndicats minoritaires, exprimées notamment par Joris Miachon, de la Coordination rurale : « au niveau de la gouvernance, nous sommes minoritaires dans les instances. Les administrations compétentes ne nous considèrent pas comme des partenaires valables. Nous considérons en tout état de cause que la gouvernance ne peut que s'améliorer. »

Toutefois, sans en modifier la composition, des marges de manoeuvre existent pour que les acteurs professionnels se structurent davantage au sein de ces instances pour peser et orienter les débats en exprimant davantage leurs besoins professionnels.

Pour Marianne Dutoit, présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA, il existe « une inquiétude sur la gouvernance de la CPC, une réforme ayant renforcé la représentation des interprofessions, alors que nous sommes multi-professionnels. Le nombre de personnes qui connaissent parfaitement les différents métiers me paraît en retrait. Nous devons donc davantage nous coordonner. Nous avons toutefois peu de recul sur cette réforme récente. »

De même, les Jeunes agriculteurs, dans leur rapport d'orientation de 2020 sur le renouvellement des générations, estiment que « le réseau Jeunes Agriculteurs n'a jamais été organisé pour travailler sur la formation initiale : partage des informations entre échelons, construction des positions et défense d'une seule voix. Les représentants Jeunes Agriculteurs, même s'ils sont volontaires, vont parfois dans les instances sans pouvoir porter une position claire du réseau pouvant entrainer leur désintérêt pour le dossier. Les places, laissées libres, sont « occupées » par différentes structures qui ne partagent pas les mêmes objectifs que Jeunes Agriculteurs » et appellent à ce que le syndicat puisse s'affirmer « en tant que leader sur la formation initiale en participant, à tous les échelons, aux instances existantes sur le sujet et en se structurant pour prendre des positions cohérentes et les porter. »

Proposition n° 16 : inciter les représentants professionnels participant aux instances consultatives nationales et locales relatives à l'enseignement agricole à mieux se coordonner pour peser davantage.

2. Le besoin d'un lien plus étroit avec le monde de la recherche pour mieux valoriser les pratiques innovantes
a) Développer les partenariats

Pour relever ces défis économiques, environnementaux et sociétaux, l'enseignement agricole doit s'appuyer sur les dernières innovations issues du monde de la recherche pour les mettre le plus rapidement possible à la disposition des futurs professionnels du vivant qu'il est chargé de former.

Mais cette vocation est sans doute plus générale, comme le rappelle Gilles Trystram, directeur général d'AgroParisTech. Pour lui, l'enseignement agricole « est en réalité indispensable au coeur de l'ensemble des filières. En effet, les enjeux relatifs au carbone renouvelable, au changement climatique, aux transitions en cours, trouveront leur réponse, d'une manière ou d'une autre, dans un lien avec l'agriculture et avec le monde situé en aval de l'agriculture ».

C'est pourquoi la mission d'information estime crucial de mobiliser et de consolider l'ensemble des outils renforçant les interactions entre la recherche et l'enseignement agricole, technique comme supérieur.

Cette coordination passe d'abord par un lien permanent entre les organismes de recherche et les établissements de l'enseignement supérieur agricole, notamment au sein des unités mixtes de recherche , des écoles universitaires de recherche...

Comme le rappelle Cyril Kao, directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe de l'Inrae, « notre relation à l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire [...] est consubstantielle à nos missions et à notre organisation, puisque nous comptons 125 unités mixtes de recherche au niveau national. 70 d'entre elles font partie des équipes de ces écoles. Les enseignants-chercheurs des écoles du supérieur et nos propres chercheurs travaillent conjointement à des projets scientifiques, ce qui participe directement au ressourcement mutuel, pour faire évoluer à la fois les connaissances et les enseignements associés qui sont dispensés aux communautés d'élèves dans ces écoles. »

Ces partenariats bilatéraux sont essentiels et doivent être davantage promus pour renforcer ces interactions. Si cette dynamique est incontestable, notamment au sein des stratégies de sites, par la signature de nouvelles conventions-cadres ou des mécanismes de co-programmation des moyens entre l'Inrae et des acteurs de l'enseignement supérieur pour certains programmes, elle doit être accompagnée et renforcée pour dégager de nouvelles synergies entre le monde de la recherche et le monde universitaire agricole.

Proposition n° 17 : renforcer les interactions entre organismes de recherche et établissements de l'enseignement supérieur agricole au travers de partenariats bilatéraux ou multilatéraux.

b) S'appuyer sur l'alliance Agreenium

Ce dialogue permanent entre la recherche et l'enseignement supérieur doit également s'appuyer sur l'alliance Agreenium, récemment réformée par l'article 46 de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 51 ( * ) .

Le législateur a entendu réformer sa gouvernance, en substituant à son statut d'établissement public celui d'une alliance, ayant le statut juridique de convention de coopération territoriale, sous l'égide de l'Inrae. L'ambition du nouveau dispositif est de renforcer les liens entre les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire tout en développant de nouvelles dynamiques internationales et la mise en ligne de contenus numériques de formation.

Cette instance de coordination, rassemblant désormais des membres volontaires, pourrait jouer le rôle de prototype de coordination entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique afin d'accélérer les transferts des dernières connaissances et techniques jusqu'au monde agricole.

Proposition n° 18 : expérimenter un enrichissement du rôle de l'alliance Agreenium d'une mission de coordination au niveau national entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique agricole.

c) Mieux prendre en compte la recherche agronomique et agricole dans les dispositifs de soutiens publics

À l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour la recherche, Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a déclaré devant le Sénat qu'il « n'y a pas de grande nation sans une recherche d'excellence à la hauteur des défis globaux de notre temps ». La rapporteure prend acte des intentions du Gouvernement pour renforcer la recherche française, à travers cette loi de programmation qui prévoit notamment « un réinvestissement massif et inédit dans tous les domaines de connaissance ».

Lors de son audition, Philippe Mauguin, président-directeur général de l'INRAE, a relevé que cette loi de programmation « devrait permettre de relancer les recrutements dans la recherche française en général, après une dizaine d'années de tassement ou de léger retrait de l'emploi dans le secteur. (...) La baisse dans la recherche a atteint environ 1 % par an sur dix ans, soit 10 % au global. Nous nous félicitons de la perspective de hausse qui se dessine désormais pour les jeunes du supérieur qui souhaitent s'engager dans la recherche ».

Aussi la mission appelle-t-elle à tirer pleinement les conséquences de cette volonté politique et à bien prendre en compte le financement de la recherche en matière agronomique et agricole. Ce point a notamment été abordé lors de la visite de la mission à VetAgro Sup. À cet égard, il lui semble nécessaire que l'instrument de financement « jeune chercheur-jeune chercheuse », porté par l'Agence nationale de la recherche et dont le but est de préparer la nouvelle génération de jeunes chercheurs et chercheuses, inclut expressément la recherche agronomique dans ces domaines. De manière générale, la mission appelle à la création de postes pérennes et au lancement d'appels à projets génériques sur ces thématiques par l'Agence nationale de la recherche.

Enfin, la rapporteure relève, dans le cadre de cette loi, la hausse de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ainsi que celle des effectifs sous plafond de l'État et des opérateurs. Elle s'interroge néanmoins sur la bonne prise en compte de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles. Elle regrette notamment que la hausse des crédits prévue par l'article 2 de cette loi - qui doivent notamment permettre des créations de postes - concerne les programmes budgétaires « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (programme 172), « Recherche spatiale » (programme 193) et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150), mais pas le programme 142, dédié à l'enseignement supérieur agricole et la recherche.

Proposition n° 19 : renforcer les aides à la recherche en matière agronomique et agricole, notamment par la création de postes pérennes dans ce domaine ainsi que par des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et à travers le dispositif « jeune chercheur-jeune chercheuse ».

d) Accélérer le transfert des innovations issues du monde de la recherche

Les transferts des innovations issues du monde de la recherche jusqu'aux lycées agricoles pourraient en outre être accélérés.

Des partenariats nationaux et territoriaux, au plus près des besoins locaux, sont mis en oeuvre en associant les organismes de la recherche pour faciliter la réalisation d'expérimentation et la recherche d'innovation pratique bénéficiant, in fine , aux exploitants agricoles, par le biais de financements fléchés (par le compte d'affectation spécial au développement agricole et rural (CasDAR) notamment) et des moyens humains mis à disposition pour conduire ces projets.

Concernant ce lien, comme le rappelle Philippe Mauguin, président directeur général de l'Inrae, « l'importance des stages et des fermes dans les lycées agricoles est tout à fait claire. [...] Ces lieux sont des lieux privilégiés de confrontations des univers car il est possible d'y traduire de façon concrète les avancées des connaissances techniques. »

François Beaupère, au nom de l'APCA, le dit autrement : « l'agronomie ne s'apprend pas uniquement dans les livres, mais en grande partie sur le terrain . »

En 2020, ces 192 exploitations agricoles et 35 ateliers technologiques et centres équestres au sein des établissements d'enseignement agricole publics représentaient une surface cultivée de 19 031 hectares.

Les établissements sont extrêmement actifs au service des nouvelles pratiques culturales et agronomiques : fin 2020, près de 25 % de la surface cultivée dans ces établissements étaient en agriculture biologique ; 70 % de ces exploitations n'utilisent plus de glyphosate et, dans les mêmes proportions, sont partenaires d'au moins un dispositif Ecophyto, notamment au sein du réseau de fermes de démonstration DEPHY.

Proposition n° 20 : accroître la diffusion des pratiques innovantes dans les exploitations agricoles au sein des établissements d'enseignement agricole, en renforçant le dispositif de suivi de ces exploitations.

L'autre véhicule permettant d'accélérer les transmissions des dernières innovations au monde de l'enseignement réside, bien entendu, dans la formation des enseignants et dans le contenu des référentiels de formation .

Sur ce dernier point, les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur gagneraient à être davantage associés à l'élaboration des référentiels des formations pour s'assurer d'un enrichissement suffisant du contenu des programmes en récentes découvertes issues du monde de la recherche. À l'image de la révision des référentiels en 2016-2017, lors de laquelle des chercheurs de l'Inrae et d'AgroParisTech avaient été associés à la réflexion sur les nouveaux référentiels des BTSA option Analyse et conduite des systèmes d'exploitation (ACSE), la DGER pourrait plus systématiquement consulter les chercheurs les plus qualifiés sur certaines questions techniques pour renouveler et améliorer ces référentiels.

Proposition n° 21 : mieux associer les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur à l'élaboration des référentiels de formation des enseignements techniques agricoles.

e) Valoriser le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA)

Concernant la formation des nouveaux enseignants, Christophe Fachon, directeur général délégué à Junia pour ISA Lille, rappelle que « pour former les enseignants et les CPE, il est nécessaire de mobiliser la recherche à la fois dans le domaine des sciences de l'éducation et dans le domaine des sciences agronomiques. Nous avons besoin d'un aller-retour en termes de recherche pour obtenir les meilleurs professionnels possibles en tant qu'enseignants et CPE dans les lycées agricoles. »

À cet égard, l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) joue un rôle essentiel . Implantée au sein de l'Agrobiopôle Auzeville-Tolosane, cette école a la charge de la formation professionnelle initiale et continue des enseignants et personnels d'éducation de l'enseignement agricole. Elle conduit également des actions de recherche, d'innovation et d'ingénierie pour l'enseignement agricole. Elle joue un rôle particulier comme passerelle entre le monde de la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique.

Emmanuel Delmotte, ancien directeur de l'ENSFEA, doyen de l'Inspection de l'enseignement agricole du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, estime que cette école ne forme « pas en effet les enseignants et les CPE comme l'Éducation nationale. Il est important de réaliser une transposition dans l'enseignement agricole, en respectant ses spécificités pour développer une véritable culture de l'enseignement agricole . » À cet égard, la transposition de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (dite « loi Blanquer »), doit mieux prendre en compte les spécificités du modèle agricole selon Emmanuel Delmotte : « le cadre de la formation est, en l'occurrence, le Master Métiers de l'éducation, de l'enseignement et de la formation (MEEF). Quand nous parlons de transposition de la loi Blanquer à l'enseignement agricole, le premier point concerne le fait que l'établissement soit accrédité à délivrer ce Master MEEF, mais avec des spécificités qui correspondent aux aspects en termes de politique publique portée par le ministère de l'agriculture. Par exemple, une place importante est accordée à la transition agroécologique. Il s'agit de faire exister un tronc commun qui permette d'intégrer un certain nombre d'enseignements pour que l'ensemble des enseignants possèdent une culture commune. Il ne s'agit pas par exemple pour un enseignant en mathématiques de devenir un spécialiste en agroécologie. En revanche, lorsqu'il enseignera les mathématiques dans le lycée agricole, il pourra partager un certain nombre de références avec les élèves et ses collègues des autres disciplines. La communauté pédagogique et éducative sera ainsi constituée d'un groupe d'enseignants capables de travailler ensemble, afin de délivrer les formations générales, professionnelles ou technologiques les mieux adaptées à l'environnement de l'établissement. »

Proposition n° 22 : valoriser le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) pour mieux prendre en compte les spécificités de l'enseignement agricole dans la formation des enseignants et des personnels d'éducation, notamment dans la transposition de la loi pour une école de la confiance.

f) Renforcer les moyens consacrés aux réseaux mixtes technologiques

Enfin, d'un point de vue plus organisationnel, un dialogue intéressant s'opère, lorsqu'ils existent, au sein des réseaux mixtes technologiques (RMT), qui constituent un outil dont les mérites ont été vantés par de nombreuses personnes auditionnées.

Créés par la loi d'orientation agricole de 2006 52 ( * ) , ils rassemblent des équipes de recherche, de formation et de développement, autour de thématiques innovantes présentant des enjeux environnementaux et socio-économiques et environnementaux.

Chaque RMT doit comprendre au minimum cinq organismes dont trois instituts techniques ou chambres d'agriculture, au moins un établissement d'enseignement technique et un établissement de recherche publique ou un établissement d'enseignement supérieur (article D. 800-3 du code rural et de la pêche maritime).

Coordonnés par des professionnels sous l'égide des chambres d'agriculture et des instituts techniques agricoles ou agroalimentaires, ces réseaux peuvent proposer des programmes de recherche afin d'être soumis, par exemple, aux appels à projets du programme national de développement agricole et rural (PNDAR).

Pour promouvoir le décloisonnement entre les acteurs de la recherche et du développement et ceux de l'enseignement, cet outil permet de réaliser des synthèses de connaissances scientifiques, de mieux valoriser des résultats de recherche, de mettre au point des techniques et outils innovants et de mieux valoriser leur transmission par la formation et le conseil aux agriculteurs.

Pour le domaine agricole, 22 réseaux mixtes technologiques sont à recenser dans le champ de la production et 7 dans le champ des industries agro-alimentaires. Les lycées agricoles y sont très présents puisque, sur un total de 200 établissements participant à ces RMT, on retrouve 45 lycées agricoles.

Au sein de ces dispositifs, la DGER a affecté un enseignant qui dispose d'un tiers-temps afin d'améliorer la gestion de la recherche et du développement et de faciliter l'irrigation des établissements agricoles affiliés au réseau. Le rôle de ces enseignants dans la transmission des pratiques innovantes est essentiel et mériterait d'être revalorisé, en augmentant le nombre de référents ou en augmentant la durée de la décharge accordée par la DGER.

Proposition n° 23 : au sein des réseaux mixtes technologiques, augmenter les moyens affectés aux tiers temps des enseignants y participant, en envisageant un passage à un mi-temps, ou en augmentant le nombre d'enseignants éligibles.

3. Renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre pour donner aux filles et aux femmes toute leur place

La mission relève que la place des filles et des femmes dans l'enseignement agricole s'est nettement améliorée, grâce à l'engagement des acteurs de l'enseignement, tant dans l'enseignement technique que dans l'enseignement supérieur. Elle salue l'action du Gouvernement pour briser les stéréotypes de genre sur ces filières de formation et valoriser leurs témoignages.

Néanmoins, et ce point a été souligné par Sabine Brun-Rageul, directrice de Bordeaux Sciences Agro et co-fondatrice du réseau de femmes en agriculture en Nouvelle-Aquitaine intitulé Gaïa, les constats dressés en 2017 par le rapport d'information d'Annick Billon, Marie-Pierre Monier et plusieurs de leurs collègues, au nom de la délégation aux droits des femmes, sur les femmes et l'agriculture restent d'actualité, tout comme ses recommandations 53 ( * ) .

La mission d'information les reprend donc à son compte et considère qu' une politique volontariste pour lutter contre les préjugés de genre demeure nécessaire .

Proposition n° 24 : poursuivre et renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre sur la base des recommandations formulées par le Sénat dans son rapport « Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires ».

4. Favoriser un accès diversifié à l'enseignement supérieur agricole

Plusieurs personnes rencontrées par la mission ont mis en évidence l'importance de la diversification des profils recrutés au sein de l'enseignement supérieur agricole.

La mise en place de la plateforme Parcoursup a, à cet égard, été saluée par de nombreux acteurs. Christophe Degueurce, directeur de l'ENVA, a ainsi souligné que la mise en place d'une nouvelle voie de recrutement au sein des écoles nationales vétérinaires, via Parcoursup, permettait de voir apparaître de nouveaux profils ( cf . infra).

Les échanges que la mission a eus avec les équipes de Bordeaux Sciences Agro ont également souligné l'intérêt de l'apprentissage au sein de l'enseignement supérieur agricole.

L'attention de la mission a toutefois été appelée, à l'occasion de la visite du campus de VetAgro Sup à Clermont-Ferrand, sur l'intérêt de la filière de recrutement dite « Fontanet », permettant d'obtenir un diplôme d'ingénieur au titre de la formation continue. Les personnes rencontrées ont regretté la disparition de cette filière au sein de cette école.

La mission souhaite donc que le Gouvernement envisage le recours à la voie Fontanet au sein des différentes écoles de l'enseignement supérieur agricole afin de permettre un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long.

Proposition n° 25 : envisager le recours à la voie Fontanet au sein des différentes écoles de l'enseignement supérieur agricole afin de permettre un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long.

5. Lutter contre la désertification vétérinaire dans les territoires ruraux et mieux comprendre les raisons des vétérinaires qui quittent la profession

Ne pas former suffisamment de vétérinaires, c'est exposer la ruralité à une absence de ces professionnels essentiels au maintien d'activité agricole. Trop d'erreurs et d'inactions ont abouti à l'apparition de déserts médicaux : il est essentiel de tirer les leçons de cet échec, en donnant notamment aux écoles nationales vétérinaires la capacité de former dans de bonnes conditions un nombre suffisant de vétérinaires, sous peine de voir se multiplier, sous peu, des déserts vétérinaires qui sont déjà une réalité dans certains territoires.

Aujourd'hui, ce phénomène s'explique avant tout par la raréfaction des vétérinaires spécialisés dans les animaux de ferme formés en France, compte tenu des aspirations des jeunes générations à travailler au plus près des animaux de compagnie, tout en ayant un cadre de vie plus urbain. Cela pose des difficultés en matière de suivi sanitaire et de permanence des soins aux animaux d'élevage et met en péril certaines pratiques agricoles.

L'Ordre national des vétérinaires, dans son atlas démographique vétérinaire, constate que 40 départements sont désormais concernés par ce phénomène de désertification vétérinaire, notamment dans des zones à faible densité d'élevage.

Toute la difficulté vient du fait que l'insuffisance de vétérinaires pour animaux de rente s'accroît : le nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux d'élevage a reculé de 15 % ces 5 dernières années. Si la tendance se poursuit, à défaut de remplacement par les jeunes praticiens des anciens vétérinaires ruraux proches de la retraite, le manque de couverture vétérinaire dans certaines zones d'élevage, denses cette fois, s'aggravera.

Dans ce contexte, la mission rappelle l'importance stratégique de promouvoir un enseignement vétérinaire répondant aux besoins constatés dans les territoires et de remettre en avant les activités vétérinaires auprès d'animaux de rente.

La mission prend acte à cet égard des dernières informations communiquées par la DGER, qui souligne que l'année 2022 sera la première année d'un plan pluriannuel, sur 10 ans, de renforcement de la capacité d'accueil des quatre écoles nationales vétérinaires. Cette capacité devrait progressivement être portée à 3 500 étudiants, avec le recrutement de 180 encadrants supplémentaires. La DGER précise que, dès 2022, les écoles nationales vétérinaires bénéficieront de crédits supplémentaires à hauteur de 2,3 millions d'euros (en plus des crédits inscrits dans les contrats de plan État-région 2021-2027) et de 28 emplois supplémentaires permettant des recrutements pour renforcer leur capacité clinique et pédagogique et assurer les accréditations européennes. Ces orientations apparaissent positives.

Mais l'enseignement ne peut pas tout : la mission estime qu'en parallèle, l'installation de jeunes vétérinaires en zone rurale doit être davantage promue. Elle souligne, à cet égard, l'intérêt du dispositif d'aides financières à l'installation des jeunes vétérinaires dans les zones tendues, proposé par le Sénat en 2020 et aujourd'hui en vigueur.

Inspiré des mécanismes permettant de lutter contre les déserts médicaux, ce dispositif, figurant à l'article L. 1511.-9 du code général des collectivités territoriales permet, dans des zones tendues déterminées par arrêté du ministre de l'agriculture, aux collectivités territoriales qui le souhaiteront, de distribuer des aides à l'installation et au maintien des vétérinaires. En outre, elles peuvent verser des indemnités d'étude et de projet professionnel à des étudiants s'engageant, en signant une convention, à exercer sur leur territoire s'il se situe dans une zone désertée. En cas de non-exercice ou de non-installation ou d'une durée d'exercice inférieure à la durée minimale de cinq ans prévue par décret (art. D. 1511-62 du CGCT), l'étudiant ou le professionnel doivent bien entendu rembourser les sommes dues.

Ce dispositif, entré en vigueur en décembre 2020, doit déployer ses effets et être promu, notamment pour aider financièrement les jeunes vétérinaires à s'installer, en veillant au respect des engagements pris.

Enfin, les directeurs de l'ENVA et de VetAgro Sup ont souligné que de nombreux vétérinaires quittaient la profession après quelques années d'exercice. La mission souhaite qu'une étude soit systématiquement menée auprès des sortants afin de mieux analyser les raisons de ces évolutions de carrière et d'être en mesure d'en tirer toutes les conséquences.

Proposition n° 26 : ajuster le nombre de vétérinaires formés aux besoins des territoires ; assurer le bon déploiement du dispositif d'incitation à l'installation dans les territoires ruraux adopté à l'initiative du Sénat, en veillant au respect des engagements pris ; mener systématiquement une étude auprès des sortants afin de mieux analyser les raisons de ces évolutions de carrière et d'être en mesure d'en tirer toutes les conséquences.

6. Mobiliser l'enseignement agricole sur le thème du bien-être de l'agriculteur

Le bien-être animal a pris une place croissante dans les débats de société et est de plus en plus pris en compte par l'enseignement agricole.

La mission d'information souhaite pour sa part mettre l'accent sur le « bien-être des agriculteurs », car comme l'a souligné la responsable de la ferme pédagogique du lycée agricole de Rochefort-Montagne, cultiver ou élever ne doit pas obligatoirement se faire dans la pénibilité et la douleur.

Grâce à leur pédagogie centrée sur l'expérience et au formidable atout que constituent les fermes pédagogiques, l'enseignement agricole peut jouer un rôle majeur pour améliorer les outils et les pratiques, et contribuer ainsi au changement de regard sur la pénibilité ou les contraintes de la profession agricole.

Dans le prolongement de l'examen de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs 54 ( * ) , la mission considère également important de mettre l'accent sur la rémunération des agriculteurs. Au-delà des aspects économiques et de gestion qu'il convient de renforcer, l'enseignement agricole, par sa capacité à intégrer les problématiques liées au changement climatique, à la maîtrise des charges et à l'évolution des différentes normes, est un dispositif essentiel pour permettre aux futurs agriculteurs d'améliorer demain leurs conditions de vie.

Proposition n° 27 : mobiliser l'enseignement agricole sur la thématique du bien-être de l'agriculteur.


* 48 « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse », Rapport d'information n° 451 (2020-2021) de M. Henri Cabanel et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 mars 2021.

* 49 Aux termes de l'article L. 814-1 du code rural et de la pêche maritime. Le CNEA est l'une des trois instances consultatives nationales placées auprès de la DGER, avec le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (CNESERAAV) et le Comité technique de l'enseignement agricole (CTEA), plus spécifiquement chargé de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des établissements de l'enseignement agricole, sur les effectifs, les emplois et les compétences, les règles statutaires, les méthodes de travail, les grandes orientations en matière de politique indemnitaire, à la formation, à l'insertion professionnelle, à l'égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations. Le Comité régional de l'enseignement agricole (CREA) est par ailleurs une instance régionale placée auprès du préfet de région.

* 50 Monde des grandes écoles, 19 janvier 2021.

* 51 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 52 Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

* 53 « Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires » , rapport n° 615 de Mmes Annick Billon, Corinne Bouchoux, Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, M. Didier Mandelli et Mme Marie-Pierre Monier, 2016-2017.

* 54 http://www.senat.fr/seances/s202109/s20210921/s20210921008.html#Niv1_SOM8

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