ENTREPRENEURIAT AU FÉMININ : DES ENVIES ET PROJETS À ENCOURAGER

La délégation a souhaité se pencher sur les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes cheffes d'entreprise dans les territoires ruraux, lors de la création, de la reprise et du développement d'une entreprise, mais aussi aux mécanismes de solidarité à l'oeuvre entre femmes dans ces territoires.

Elle a ainsi organisé, le 25 mars 2021, une table ronde sur l'entrepreneuriat des femmes dans les territoires ruraux, en présence d'Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.

I. DES ENVIES ET PROJETS D'ENTREPRENEURIAT FREINÉS PAR UN MANQUE DE MOYENS ET DES STÉRÉOTYPES À LA FOIS EXTERNES ET INTERNALISÉS

A. UN VIVIER DE FEMMES ENTREPRENEURES À EXPLOITER

1. Une progression de l'entrepreneuriat au féminin

Les politiques publiques des dix dernières années ont encouragé la création d'entreprise, en particulier avec la mise en place du statut de micro-entrepreneur. De plus en plus de femmes osent aujourd'hui se lancer dans l'entrepreneuriat.

Au plan national, selon les derniers chiffres de l'Insee sur les créations d'entreprises 16 ( * ) , les femmes ont créé 39 % des nouvelles entreprises individuelles en 2020 . Cette proportion augmente progressivement depuis 30 ans (29 % en 1987 et 33 % en 2000), même si elle est quasi stable depuis 2015.

La part des hommes est la plus élevée dans la construction (98 %), les transports et l'entreposage (92 %) ainsi que l'information et la communication (74 %). À l'opposé, les femmes sont majoritaires dans la santé humaine et l'action sociale (74 %), les autres services aux ménages (71 %), l'industrie (58 %) et l'enseignement (52 %).

Des données communiquées à la délégation par l'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) donnent des éléments sur les secteurs investis par les femmes entrepreneures qui sont financées et accompagnées par cet organisme. Ophélie Héliès, directrice territoriale adjointe Nord Occitanie et Lot-et-Garonne à l'ADIE, en charge de la mise en oeuvre du programme Regain sur l'entrepreneuriat en milieu rural, a ainsi indiqué devant la délégation : « en zone rurale, selon les chiffres du projet Regain sur les départements où nous avons mené cette expérimentation, 50 % des femmes financées et accompagnées pendant cette période réalisent des projets liés au commerce. 12 % des projets concernent des prestations de services (prestations de service généraux et artisanat). Enfin, un pourcentage plus faible concerne d'autres secteurs comme l'agriculture ou les services aux particuliers. Les secteurs artistique, culturel, des transports et de la restauration-hôtellerie sont très peu concernés . »

Un rapport de l'Union des entreprises de proximité de mars 2019 17 ( * ) indique quant à lui que 38 % des entreprises de proximité (artisanat, commerce alimentaire de détail, hôtellerie-restauration et professions libérales) sont aujourd'hui dirigées par des femmes. Parmi les dirigeants indépendants non-salariés, les femmes font plus souvent le choix du régime micro-entrepreneur que les hommes : elles sont 36 % à s'être installées sous ce régime, contre 34 % des hommes. Enfin, 26 % des dirigeantes résident dans une commune rurale (contre 23 % des dirigeants hommes).

Marie Eloy, fondatrice du réseau Bouge ta boîte et cofondatrice du réseau Femmes des territoires a témoigné devant la délégation du dynamisme de l'entrepreneuriat au féminin : « Depuis des années, je sens un “ vent puissant ” d'entrepreneuriat féminin dans les territoires. De son côté, la crise a permis de mettre en lumière les très petites entreprises (TPE). Plus largement, il est important de montrer à quel point celles-ci font vivre les villes et les villages. Nous le constatons sur le terrain . »

2. Un potentiel encore sous exploité

La délégation est convaincue que les opportunités sont aujourd'hui nombreuses pour l'entrepreneuriat au féminin dans les territoires ruraux.

Elle fait sienne l'analyse de Marie Eloy : « Les territoires ruraux constituent un vivier impressionnant, aujourd'hui sous-exploité et peu mis en avant alors qu'il est indispensable pour la relance . » Cette dernière a présenté un exemple marquant devant la délégation : « Récemment, nous avons ouvert une antenne à Saint-Geniès-de-Comolas, situé à vingt minutes d'Avignon. Dans ce village qui compte seulement 1 500 habitants, vingt-huit femmes voulaient entreprendre . »

Cette analyse rejoint la conviction de l'ADIE qui a lancé le projet Regain en 2016. Comme l'a indiqué Ophélie Héliès devant la délégation : « Nous pensions qu'il existait des dynamiques entrepreneuriales en zones rurales et nous avons fait le pari qu'investir du temps pour aller à leur rencontre permettrait de les faire émerger . »

Faire fructifier ce potentiel inexploité suppose d'identifier les obstacles spécifiques auxquels font face les femmes entrepreneures, dont les défis ont été parfaitement résumés par ces propos d'Ophélie Héliès devant la délégation : « Lorsque j'ai commencé à préparer cette intervention avec les femmes entrepreneurs que nous avons accompagnées sur le territoire dont je suis chargée, les mots que j'ai le plus entendus sont “ courage ”, “ réseau ”, “ connectée ”, “ passion ”, “ énergique ”, “ pugnacité ” ou encore “ fierté ”. Ce sont des mots forts, montrant l'envie et le dynamisme des femmes entrepreneures en milieu rural. Nous pouvons nous appuyer sur cette implication et cette énergie pour développer l'entrepreneuriat féminin en zone rurale. Cependant, durant ces interviews, j'ai également entendu le mot “ combat ” ou les expressions “ devoir en faire deux fois plus ”, “ démontrer mes compétences ”, “ me battre pour exister ”, “ ne rien lâcher pour y arriver ”. Un travail de fond doit être mené pour tendre vers l'égalité. »


* 16 https://www.insee.fr/fr/statistiques/5016913

* 17 https://u2p-france.fr/les-entreprises-de-proximite-au-feminin

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