II. LES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION POUR MIEUX ACCOMPAGNER ET VALORISER L'ENTREPRENEURIAT AU FÉMININ

Face à ces différents constats et après avoir entendu de nombreuses représentantes de réseaux féminins, la délégation formule sept recommandations visant à mieux accompagner et valoriser l'entrepreneuriat au féminin dans les territoires ruraux.

Ces recommandations recouvrent trois domaines principaux :

- l'accompagnement des femmes lors de la création comme du développement des entreprises ;

- la valorisation des projets et activités portés par les femmes ;

- le rôle des réseaux féminins.

A. MIEUX INFORMER ET MIEUX ACCOMPAGNER

1. Mieux informer

Il est aujourd'hui primordial de développer les canaux permettant de mieux informer les femmes sur les possibilités d'entrepreneuriat et les aides existantes.

La délégation est favorable à la mise en place d'un guichet unique permettant d'obtenir toutes les informations sur l'entrepreneuriat, notamment les aides, les prêts, les possibilités de financement, les actions de formation numérique, les réseaux. Un travail important de compilation est d'ores et déjà accompli par Bpifrance Création qui recense toutes les aides existantes.

La délégation invite les communes et intercommunalités à utiliser leurs newsletters et bulletins, ainsi que la presse quotidienne régionale et les réseaux sociaux , afin de toucher les femmes au plus près et d'atteindre également les plus jeunes. Les collectivités territoriales et Bpifrance doivent davantage collaborer pour informer les femmes des territoires ruraux des opportunités existantes.

La spécificité des territoires ruraux implique de multiplier les événements de communication, ainsi que l'a exposé Ophélie Héliès devant la délégation : « en zone rurale, il faut vraiment multiplier les actions pour arriver à toucher le public . En zone urbaine, hors période de restrictions sanitaires, vous pourrez rassembler facilement 150 ou 300 personnes en organisant un événement. En zone rurale, en revanche, il faut organiser dix ou vingt événements pour réussir à mailler le territoire et à toucher autant de monde. La densité de population est en effet beaucoup plus faible. Les problèmes de mobilité sont considérables. Il est donc nécessaire de multiplier les événements pour être au plus proche du public . »

Cette information doit être la plus complète et objective possible. Comme l'a rappelé Alain Griset devant la délégation, il ne s'agit pas de donner l'illusion que créer et diriger une entreprise est une tâche facile. En outre, l'entrepreneuriat peut malheureusement aussi être synonyme de précarisation. Le statut de micro-entrepreneure, perçu comme un levier d'accès à l'emploi dans les territoires où disposer d'un travail salarié paraît difficile, est bien souvent moins rémunérateur et protecteur que celui de salariée.

Recommandation n° 20 : Mieux communiquer sur les aides à la disposition des femmes entrepreneures, en utilisant les canaux de communication des communes et intercommunalités et en organisant des événements locaux.

2. Financer et accompagner de façon ciblée

Au-delà de l'information, l'accompagnement est essentiel, tant au moment de la création d'une entreprise qu'au fil de son développement . Afin de lever les freins à l'entrepreneuriat spécifiques aux femmes, et de les accompagner dans l'obtention de financements, la délégation recommande le développement d'outils centrés sur l'entrepreneuriat au féminin.

Les Plans d'Action Régionaux en faveur de l'Entrepreneuriat par les Femmes (PAREF) sont des outils à mobiliser. La délégation attend beaucoup du déploiement des nouveaux PAREF initiés par le renouvellement de l'accord-cadre sur l'entrepreneuriat par les femmes signé entre l'État et Bpifrance en 2021, dont le soutien porte notamment sur le développement de l'accès aux financements pour les femmes entrepreneures, et l'accroissement de dispositifs d'accompagnement ou de mentorat adaptés aux besoins spécifiques des femmes créatrices ou repreneures d'entreprises.

La délégation recommande également la mise en place d'un fonds dédié à l'entrepreneuriat au féminin , auquel Alain Griset a apporté son soutien devant la délégation : « Si vous considérez qu'il s'agit d'un élément important, je suis favorable à des outils fléchés pour les femmes, en particulier concernant les financements affectés à la création d'entreprises ou à leur reprise. J'ai déjà évoqué la création d'un fonds dédié à l'entrepreneuriat au féminin avec la banque publique d'investissement (Bpifrance). Un tel fonds permettrait de remédier aux difficultés de financement rencontrées par les femmes lors de la création d'entreprise. Notons qu'il existe déjà un grand nombre d'initiatives au sein de Bpifrance sur ce sujet . »

Une mixité devra être garantie au sein de la gouvernance de ce fonds, comme d'ailleurs des différents comités de crédit au sein de Bpifrance. C'est d'ailleurs un des objectifs poursuivis par les articles 8 et 8 bis de la proposition de loi notre collègue députée Marie-Pierre Rixain, visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, en cours d'examen au Sénat 18 ( * ) .

Recommandation n° 21 : Développer, en lien avec Bpifrance, les outils de financement fléchés pour les femmes et créer un fonds dédié à l'entrepreneuriat au féminin.

La délégation entend également apporter son soutien aux projets menés par l' Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) qui, comme l'a exposé devant la délégation Ophélie Héliès « défend l'idée que chacun peut devenir entrepreneur, même sans capital et sans diplôme, s'il a accès au crédit et à un accompagnement professionnel personnalisé fondé sur la confiance, la solidarité et la responsabilité. La mission de l'ADIE est de donner accès à l'entrepreneuriat et à l'emploi, par le microcrédit et l'accompagnement, à ceux dont les projets ne peuvent pas bénéficier de crédits bancaires . » Depuis 2016, l'ADIE a lancé le projet Regain pour améliorer l'accessibilité de ses services en milieu rural et renforcer l'accompagnement des entrepreneurs. Ce projet a été mené dans cinq départements : le Cher, la Nièvre, l'Ariège, les Hautes-Alpes et l'Aveyron.

Plusieurs exemples ont été évoqués par Ophélie Héliès devant la délégation, qui souhaite les mentionner afin d'inspirer d'autres organismes et collectivités :

- en Pays de la Loire, l'ADIE a développé un projet de boutique éphémère dédiée aux créatrices pour leur permettre de tester leur activité et de prendre confiance en elles ;

- en Occitanie et en Pays de la Loire, des événements ont été organisés, tels que le forum destiné à révéler les talents des femmes entrepreneures, le forum sur l'entrepreneuriat au féminin ou encore les rencontres La boss c'est moi ;

- dans le Lot-et-Garonne, à plus petite échelle, l'ADIE met depuis peu ses locaux à disposition du réseau Bouge ta boîte et organise des ateliers collectifs sur le financement des entreprises, lorsque ce réseau identifie plusieurs « bougeuses » ayant besoin d'un financement.

3. Former

La délégation tient également à mettre en avant le sujet central de la formation pour l'accompagnement des femmes dans leur démarche d'entrepreneuriat.

Marie Eloy a déploré devant la délégation l'insuffisance de l'accompagnement de Pôle emploi en la matière : « Un problème se pose au niveau de Pôle emploi, qui est le principal pourvoyeur d'aides auprès des entrepreneurs, entre autres via l'Aide à la reprise ou création d'entreprise (ARCE). En effet, nous bénéficions de la part de Pôle emploi de 50 % de nos indemnisations sous la forme de capital, puis nous ne sommes jamais recontactées. Nous disposons donc d'un capital pour fonder une entreprise puis nous sommes littéralement “ lâchées dans la nature ” sans que Pôle emploi ait pris la peine de savoir si nous avons réalisé un business plan et si nous connaissons les bases de l'entrepreneuriat. Une telle situation n'est pas possible. Dans mes souvenirs, il existait auparavant un stage obligatoire de cinq jours ; aujourd'hui il n'existe plus rien . »

Une formation aux compétences de base nécessaires à la création et à la gestion d'une entreprise doit être systématiquement proposée aux femmes qui s'orientent dans une démarche de création ou de reprise d'entreprise.

Cette offre de formation initiale doit être complétée par des possibilités de formation continue au fil du développement de l'entreprise. Comme l'a mis en avant Marie Eloy : « Accompagner les femmes dès le début de la création d'entreprise est essentiel. Néanmoins, il est encore plus crucial de les accompagner dans le développement de l'entreprise et sa pérennisation. Si 70 % des dirigeantes d'entreprise ne vivent pas de leur activité, on doit y voir le signe qu'elles ne disposent pas des codes et qu'elles doivent être accompagnées sur tous les sujets qui ont trait à la vie d'une entreprise (marge, rentabilité, prospection, etc.). »

Recommandation n° 22 : Proposer de façon systématique des formations initiales et continues aux femmes engagées dans une démarche d'entrepreneuriat.

Enfin, la délégation tient à rappeler ici que toutes les initiatives destinées à favoriser l'articulation des temps de vie (voir la première partie du présent rapport) faciliteront l'exercice de leur activité par les femmes entrepreneures.


* 18 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-592.html

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