AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Un Français sur cinq - soit 13 millions de personnes - est touché chaque année par un trouble psychique et plus de deux tiers d'entre eux (64 %) a déjà ressenti une souffrance psychique. Avec 22,7 milliards d'euros de dépenses en 2019 1 ( * ) , soit 14 % des dépenses totales remboursées par l'ensemble des régimes, la santé mentale se classe au premier poste des prises en charge par l'Assurance maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires.

Souvent considéré comme un sujet tabou, cet enjeu de santé publique majeur a pris une résonance particulière dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 et face aux restrictions qui l'ont accompagnée et l'accompagnent encore : le climat anxiogène d'incertitude, les mesures de confinement, strict ou partiel, et leurs conséquences sur la vie sociale et économique de nombreux Français, la fermeture des établissements scolaires ou encore le recours massif au télétravail ont bouleversé les repères et affecté la santé mentale d'un grand nombre de nos concitoyens.

L'impact de la crise sanitaire sur certains publics vulnérables (anxiété, dépression, syndrome de stress post-traumatique...) a fait l'objet, dès le printemps 2020, d'alertes par des professionnels de santé, dont la prise en compte par les pouvoirs publics a cependant été tardive. C'est en particulier le cas des enfants et des jeunes, chez lesquels la prévalence des troubles psychiques a connu une hausse générale entre 2019 et 2020 d'après le rapport annuel sur les droits des enfants de la Défenseure des droits, et même un doublement parmi les 15-24 ans (22 % d'entre eux présentaient un syndrome dépressif en mai 2020 après le premier confinement, contre 10 % en 2019) 2 ( * ) .

Cette crise sanitaire, par son ampleur inédite, a donné une visibilité aux problématiques de santé mentale mais elle a également mis en lumière les difficultés bien connues de notre modèle de prise en charge, dont le manque de lisibilité, les cloisonnements, les disparités territoriales et les inégalités d'accès comme le déficit chronique de financement ont été mises en exergue dans de nombreux rapports.

L'inscription de cette crise dans la durée confronte ce modèle en tension au défi d'une prise en charge de premier niveau adaptée, dans des délais raisonnables et des conditions satisfaisantes pour l'ensemble des patients.

Ce faisant, cette crise catalyse les attentes fortes des acteurs du secteur. La tenue des premières Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, les 27 et 28 septembre 2021, à l'initiative du Président de la République, marque une prise de conscience des pouvoirs publics qu'il convient de saluer. Un plan d'urgence de 1,9 milliard d'euros sur cinq ans traduit l'ambition de « redonner du souffle, de la dynamique et de l'envie » aux acteurs du monde de la psychiatrie et de leur « redonner progressivement les moyens de travailler ». Cependant, les annonces faites à cette occasion n'ont pas répondu à l'ensemble des attentes.

Attachée à ces enjeux de santé publique, auxquels le Sénat a déjà consacré plusieurs travaux approfondis qui conservent toute leur pertinence et leur actualité 3 ( * ) , la commission des affaires sociales a engagé une mission d'information sur la santé mentale des Français face à l'épidémie de covid-19.

L'impact collatéral de cette crise sur la santé mentale des Français, au-delà du « choc » collectif constitué par les épisodes de confinement strict, interroge en effet sur la capacité de notre système de prise en charge spécialisée à y faire face et appelle à une vigilance particulière. D'un autre côté, ce contexte inédit, en révélant la résilience des acteurs, a également accéléré la conduite de projets innovants et favorisé une évolution intéressante des pratiques et des outils. Ces évolutions pourraient servir de moteur à une transformation de l'offre spécialisée en santé mentale, susceptible de contribuer à une « dé-stigmatisation » des troubles psychiques indispensable pour mettre fin à une prise en charge actuellement insuffisante.

Sans aborder l'ensemble des problématiques liés à la psychiatrie et au système de prise en charge de la santé mentale, déjà largement documentées, le présent rapport dresse un état des lieux ciblé de l'impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des Français, en l'état actuel des connaissances. Il formule des propositions pour renforcer la recherche et la collecte de données de santé publique sur cette thématique, ainsi que pour faciliter l'accès à des prises en charge de premier niveau qui soient à la fois précoces, pour ne pas laisser les troubles s'installer, et adaptées aux attentes et besoins des différents publics, en particulier les plus vulnérables, en tout point du territoire.


* 1 En regroupant les « maladies psychiatriques » et l'ensemble des « traitements chroniques par psychotropes ». Rapport sur les charges et produits de l'assurance maladie, juillet 2021.

* 2 Défenseur des droits, Santé mentale des enfants : le droit au bien-être , rapport 2021.
D'après Études et résultats n° 1185 de la DREES, « Confinement du printemps 2020 : une hausse des syndromes dépressifs, surtout chez les 15-24 ans », 12 mars 2021.

* 3 Cf . notamment le rapport d'information de la mission présidée par M. Alain Milon sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, dont le rapporteur était M. Michel Amiel, n° 494 (2016-2017).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page