C. DES MOYENS TOUJOURS TROP FAIBLES, DES CONTRÔLES TROP PEU NOMBREUX

1. Une transparence financière encore lacunaire

Le suivi budgétaire du PLAV, propre à chaque financeur, n'est pas harmonisé, ce qui complexifie le calcul de la participation totale des différents partenaires. Cette situation favorise l'affichage de montants parfois éloignés de ceux réellement consommés . Elle favorise aussi des effets de substitution, une part des montants considérés comme intégrés au PLAV correspondant en réalité à des dépenses qui auraient été réalisées en l'absence de plan.

La recommandation n° 23 du rapporteur spécial était donc de mettre en place un tableau de suivi budgétaire, régulièrement mis à jour et publié sur le site du PLAV, commun à tous les financeurs, afin de clarifier les responsabilités financières de chacun. La Cour des comptes a par la suite formulé une recommandation identique, c'est-à-dire l'établissement d'un suivi financier consolidé des actions de lutte contre les algues vertes ainsi que de bilans annuels publiés.

Le rapporteur spécial considère que la publication de ces informations constitue, au-delà de la gestion des financeurs, un enjeu de transparence auprès du grand public . Il est regrettable que ces données ne soient pas publiées, d'autant que la DRAAF Bretagne a mené récemment un important travail de recensement des dépenses. Dès lors que cet outil existe, la publication ne représente pas une charge, alors que son bénéfice pour l'information des acteurs est indéniable.

S'agissant de la recommandation n° 22, mettre fin à la pratique du financement du PLAV par un transfert en gestion ou à défaut anticiper plus largement le transfert qui ne doit pas avoir lieu après le printemps, il semble que celle-ci n'ait pas eu d'écho pour l'instant, au motif que la fongibilité des crédits entre les différents axes de l'action 02 - Eau et agriculture en Bretagne du programme 162 de la mission « Cohésion des territoires » serait suffisante pour pallier les difficultés liées au caractère tardif du transfert en gestion. Force est de constater que ce n'est pas toujours le cas, et que les acteurs sur le terrain ont mis en évidence plusieurs retards liés à ce mode de gestion .

2. La hausse budgétaire à venir pour le PLAV ne peut dispenser d'une réorientation des financements de la PAC dans les territoires algues vertes
a) Un renforcement souhaitable du dispositif expérimental des paiements pour services environnementaux

Dès le printemps 2021, une demande de crédits supplémentaires a été portée par le préfet de région Bretagne à hauteur de 4 millions d'euros par an , soit plus qu'un doublement par rapport aux montants engagés par l'État sur le volet préventif du PLAV, à savoir 3,4 millions d'euros. Cette hausse n'a cependant pas été accordée en loi de finances initiale pour 2022 10 ( * ) , le ministre s'étant notamment opposé à un amendement déposé en ce sens à l'Assemblée nationale.

Toutefois, le dispositif de paiements pour services environnementaux (PSE) , dont l'expérimentation financée par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne est en cours sur trois baies algues vertes, devrait être complété par un dispositif analogue financé par l'État au travers du programme 162 de la mission « Cohésion des territoires » (programme des interventions territoriales de l'État ou « PITE »). Les territoires algues vertes souhaitant mettre en place un dispositif PSE peuvent ainsi candidater jusqu'à la fin du mois de février 2022. La contractualisation des agriculteurs dans le cadre des projets PSE qui seront financés par le PITE est prévue à l'automne 2022.

Les deux appels à projets, celui financé par l'État et celui financé par l'Agence de l'eau, ont vocation à fusionner. Le montant accordé en 2022 pour la mise en place d'un appel à projets PSE algues vertes par l'Agence de l'eau est de 5 millions d'euros. Concernant le financement de l'État pour son propre appel à projets, l'estimation initiale fournie par les services de l'État était de 10 millions d'euros à engager en 2022 pour 5 ans, soit 2 millions d'euros de CP annuels. Les besoins ont été ensuite réévalués à 20 millions d'euros à engager en 2022 pour les PSE. In fine , 4 millions d'euros annuels devraient être accordés sur la période 2022-2027, l'objectif étant que 25 % des exploitations des baies algues vertes, soit environ 675 exploitants, soient amenés à contractualiser dans le cadre des PSE.

Le rapporteur spécial avait souligné l'intérêt que pouvait représenter l'outil PSE , dans la mesure où les agriculteurs engagés dans un PSE sont évalués chaque année et rémunérés suivant l'effectivité du résultat. Il réitère néanmoins sa recommandation sur la nécessité d'effectuer un suivi et un bilan rapide de l'expérimentation.

En outre, malgré l'utilité des PSE et surtout les 4 millions d'euros annuels accordés, soit le plafond autorisé par la Commission européenne en matière d'aides d'État agricoles, il demeure une interrogation sur l'adéquation entre le montant des crédits et les enjeux. Si la cible de contractualisation est de 25 % des 2 700 agriculteurs des baies algues vertes, le montant moyen accordé par exploitation devrait être de 6 000 euros environ par an, ce qui constitue un point de départ mais ne peut constituer la principale réponse aux insuffisances relevées par le rapporteur spécial et la Cour des comptes .

b) Une hausse des crédits dédiés spécifiquement aux baies algues vertes qui ne peut répondre à elle seule à la problématique de la pollution par les nitrates

La nécessité de crédits spécifiques aux baies algues vertes fait désormais consensus. Les services de l'État ont estimé que le besoin de crédits complémentaires pour le seul volet préventif du PLAV hors PSE, et en particulier pour les « actions innovantes » (conseil individuel et chantiers collectifs de semis de couverts notamment) était de 2 millions d'euros annuels . Bien que cette estimation ait par la suite été réévaluée à 3 millions d'euros, les 2 millions supplémentaires devraient être accordés 11 ( * ) .

Estimation initiale par les services de l'État des besoins de crédits supplémentaires portés par le programme 162

(en millions d'euros)

PLAV 2

Prévision PLAV 2022-2027

Évolution

Volet curatif

1,3

1,7

+ 0,4

Volet recherche

0,3

0,5

+ 0,2

Volet préventif

Dont PSE

3,4

9,8

+ 6,4

Hors PSE

3,4

5,8

+ 2,4

Total

5

12

+ 7

Source : commission des finances d'après la MIRE

Concernant le volet préventif, la hausse devrait majoritairement être orientée vers l'accompagnement financier des exploitations dans le cadre des nouvelles dispositions réglementaires du PAR 6 modifié, ainsi que vers la mise en place des ZSCE.

Estimation par les services de l'État de la ventilation des crédits supplémentaires demandés pour le volet préventif

(en millions d'euros)

Financement PAR 6 modifié

1

Financement ZSCE et contrats de territoires

4

Dispositifs d'accompagnement direct des exploitants (hors PSE)

0,8

Total

5,8

Source : commission des finances d'après la MIRE

Concernant la mise en place de la nouvelle MAEC « algues vertes », les premières évaluations étaient d'environ 5 millions d'euros sur la base des exploitations potentiellement concernées, et 3 millions d'euros devraient être finalement accordés . Sur le plan budgétaire, les crédits utilisés ne devraient pas être inscrits sur le programme 162, dont les crédits devraient être exclusivement dédiés aux actions mentionnées ci-dessus.

Le rapporteur spécial sera attentif à la traduction de ces engagements budgétaires dans la prochaine loi de finances .

Toutefois, les montants consacrés à la lutte contre la pollution par les nitrates sont sans commune mesure par rapport aux aides de droit commun de la PAC, essentiellement en l'absence de toute conditionnalité environnementale, qui pourraient s'élever en Bretagne à 426 millions d'euros en 2022.

Seule une réorientation des crédits de la PAC dans ces territoires vers davantage d'aides conditionnées au respect de pratiques agricoles prenant en compte le contexte spécifique de ces baies permettrait d'agir efficacement et durablement contre la pollution par les nitrates.

3. Des effectifs de contrôle toujours très insuffisants

Le rapporteur spécial l'a souligné précédemment, la question de la réglementation ne peut être séparée de celle des contrôles des exploitations agricoles , afin de s'assurer que celles-ci respectent les mesures prévues par le PAR. Dans la mesure où seuls 0,2 équivalents temps plein (ETP) sont aujourd'hui affectés au suivi du PLAV dans les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et des directions départementales de la protection des populations (DDPP) des Côtes d'Armor et du Finistère, la recommandation n° 20 consistait à renforcer les moyens de ces services . Le tribunal administratif l'a également souligné : « l'efficacité de ces mesures [réglementaires] est très fortement tributaire de la qualité et de l'intensité du suivi et des contrôles mis en oeuvre par les services de l'État, en particulier par les inspecteurs des installations classées pour la protection de l'environnement ».

Le constat effectué par la Cour des comptes est également sévère que celui du rapporteur spécial : « La baisse significative des effectifs a entrainé au niveau régional, une chute de 40 % des contrôles et de 44 % dans les Côtes d'Armor et le Finistère entre 2010 et 2018. Cette régression des contrôles est encore plus marquée dans les bassins versants algues vertes : - 73 %. La Cour constate qu'aucune stratégie partagée et coordonnée entre les collectivités chargées de la mise en oeuvre du plan de lutte et les services de l'État n'existe en matière de contrôle des exploitations ».

Le rapporteur spécial regrette l'absence d'évolution sur ce sujet . Les effectifs de contrôles n'ont en effet pas cru et devraient, d'après ses informations, demeurer stables par la suite ou n'évoluer que marginalement, malgré les demandes de renforcement des services concernés. Les besoins ont été évalués par les services de la préfecture de Bretagne à 2 ETP pour le seul volet nitrates des contrôles des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

Concernant l'accès aux bases de données par les services de contrôle, il ne semble pas constituer un réel objectif pour le ministère de l'agriculture, du fait des réticences de la profession agricole. Ce sujet n'étant pas propre aux baies algues vertes, la Cour des comptes a indiqué qu'elle devait transmettre prochainement au Parlement le résultat de ses travaux sur les ICPE agricoles, qui développera plus précisément cet aspect.

Le renforcement des moyens de contrôle demeure indispensable et doit constituer une priorité, parallèlement aux évolutions réglementaires .


* 10 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 11 Audition du secrétaire général aux affaires régionales de Bretagne, le 18 janvier 2021.

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