C. DES ENSEIGNEMENTS D'EXCELLENCE QUI S'INSCRIVENT DANS UN RÉSEAU DÉJÀ FOURNI DE CONSERVATOIRES PUBLICS DÉDIÉS AU SPECTACLE VIVANT

Le programme 361 retrace également les financements du ministère de la culture en direction des autres structures dédiées à l'enseignement du spectacle vivant :

- établissements d'enseignement supérieur en musique, danse et théâtre

- conservatoires territoriaux ;

- pôles d'enseignement supérieur ;

- organismes de formation aux techniques du spectacle 4 ( * ) .

Crédits prévus par le programme 361 « Transmission des savoirs » en loi de finances pour 2022 pour les structures dédiées à l'enseignement du spectacle vivant

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'ensemble forme un réseau dense de structures de formation réparti partout sur le territoire et dont les quatre opérateurs du ministère de la culture peuvent apparaître, à des degrés divers, comme les plus beaux fleurons.

1. Les conservatoires territoriaux : un rôle appelé à évoluer
a) 380 structures dédiées à l'enseignement de la musique, de la danse et du théâtre

La France compte aujourd'hui 380 conservatoires territoriaux. Ceux-ci sont répartis, depuis 2006, en trois catégories :

- 238 conservatoires à rayonnement communal et intercommunal (CRC et CRI) ;

- 99 conservatoires à rayonnement départemental (CRD) ;

- 43 conservatoires à rayonnement régional (CRR).

Ce classement est établi pour sept ans par le ministère de la culture. Au terme de ce délai, les collectivités territoriales sont invitées à formuler une demande de renouvellement. Les conservatoires à rayonnement régional doivent développer une filière de formation au sein de chacune des trois spécialités : danse, musique et théâtre. Les conservatoires à rayonnement départemental doivent, quant à eux, proposer deux spécialités, déclinées au travers de plusieurs disciplines ou esthétiques.

Les établissements dédiés à l'enseignement artistique relèvent, en principe, de la compétence des collectivités territoriales. La participation de l'État à leur financement est motivée par une dynamique d'aménagement culturel du territoire, dans un souci de développer un véritable maillage territorial et de favoriser l'accès aux contenus culturels pour le plus grand nombre. Dans ces conditions, le réseau des conservatoires est soutenu directement par le ministère de la culture, qui exerce un contrôle pédagogique.

b) Une loi LCAP pour partie inappliquée

La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), adoptée en 2016 5 ( * ) , a, en principe, clarifié le cadre juridique applicable aux conservatoires. La loi répondait en ce sens à un double objectif :

- permettre d'achever la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, censée décentraliser les enseignements artistiques aux différents échelons territoriaux et, en particulier, transférer aux régions l'organisation et le financement des troisièmes cycles professionnalisant des conservatoires ;

- faire face au fort recul des financements de l'État constaté à partir de 2013. Seules deux régions - Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes -s'étaient engagées dans la mise en place de cycles d'enseignement professionnel initial (CEPI).

La loi LCAP ouvre en premier lieu la voie à l'élaboration de schémas régionaux de l'enseignement artistique, appelés à structurer l'enseignement au niveau territorial. En 2019, seule la Normandie avait demandé un transfert de compétences.

Le contrôle pédagogique du ministère de la culture est encore appelé à évoluer. L'abandon du contrôle a priori est ainsi envisagé, au profit d'une procédure de suivi. Celle-ci s'appuierait sur un dialogue régulier avec les collectivités. Celui-ci devrait permettre de vérifier que le cahier des charges des établissements est respecté et que la qualité des enseignements est garantie.

Au classement mis en place pour une durée de sept ans devrait succéder une certification , attribuée pour une durée indéterminée. Celle-ci résulterait d'un échange avec les collectivités sur les choix, en particulier pédagogiques, retenus pour l'établissement et leur pertinence au regard des réalités territoriales et des besoins de la population. La certification pourrait être attribuée à un ensemble d'établissements afin de reconnaître et d'encourager les dynamiques de mise en réseau. Tout établissement certifié bénéficierait d'une appellation unique, « Conservatoire », complétée par l'énoncé des spécialités qu'il dispense.

Cette certification serait complétée par un financement de l'État conditionné au respect de deux exigences :

- le respect de l'ancrage territorial et la valorisation du travail en réseau réalisé par les établissements avec les acteurs de l'enseignement et de la musique sur le territoire ;

- l'innovation pédagogique et la diversité des esthétiques d'autre part.

L'établissement devrait, en outre, enseigner au minimum deux spécialités, directement ou indirectement (via une convention avec un autre établissement territorial). Les arts plastiques ou les arts du cirque pourraient constituer la seconde spécialité. L'établissement devrait en outre présenter des garanties sur le maintien du niveau d'emploi des enseignants et élaborer des propositions de parcours différenciés à destination des élèves. Trois offres pourraient être ainsi proposées : des parcours d'études, des parcours pluridisciplinaires pour permettre une offre plus personnalisée et différenciée, et une offre d'enseignements ciblés sur des besoins spécifiques : ateliers, stages ou laboratoires, dédiés à la diversification des pratiques artistiques.

Les conservatoires pourraient, enfin, se voir habilités à délivrer un diplôme national d'études musicales, chorégraphiques ou théâtrales . Cette faculté supplémentaire irait de pair avec une révision de la philosophie des apprentissages et de la pédagogie, désormais fondée sur un suivi personnalisé et une évaluation conjointe (enseignants, auto-évaluation de l'élève). Il s'agirait ainsi de se démarquer du modèle scolaire de progression dans les acquisitions.

Le principe d'une étude d'impact concernant la révision de la procédure et des critères de classement des conservatoires a été approuvé en juin 2019 par le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). La crise sanitaire n'a pas permis d'engager les transformations réglementaires sur les établissements d'enseignement spécialisé relevant des collectivités territoriales.

Recommandation n° 1 : La sortie de la crise sanitaire doit être accompagnée d'une relance de la réforme des conservatoires, afin de clarifier la cartographie de l'enseignement du spectacle vivant et y définir la place des opérateurs du ministère de la culture.

c) Un financement de l'État à clarifier

On constate depuis 2016, une reprise de l'investissement de l'État dans le financement des conservatoires. Sa participation doit cependant répondre à un certain nombre de critères, visant en particulier les questions d'éducation artistique et culturelle.

La loi de finances pour 2022 prévoit différents financements pour les conservatoires territoriaux :

- une subvention de fonctionnement versée à ces établissements. Les moyens dédiés des conservatoires sont maintenus en 2022 à leur niveau de 2021, soit 21,3 millions d'euros (AE=CP) afin de faciliter l'accès du plus grand nombre de jeunes à un apprentissage de la musique et du chant choral (en lien avec l'objectif d'une chorale par établissement scolaire), de la danse, du théâtre ou des arts plastiques en temps scolaire ou sur le temps de loisirs en établissements classés ;

- les aides individuelles - 1,6 million d'euros - destinées au soutien aux pratiques artistiques des élèves de l'enseignement initial dans les domaines du spectacle vivant (musique, danse et théâtre). Ces aides sont versées aux élèves des conservatoires à rayonnement départemental et régional (CRR/CRD) adossés à des pôles d'enseignement supérieur du spectacle vivant ;

- les subventions des conservatoires à rayonnement régional (CRR) ou départemental (CRD) adossés à des pôles d'enseignement supérieur du spectacle vivant. Elles sont inscrites, depuis 2015, sur l'action 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » du programme 361. Elles représentent 4,4 millions d'euros (AE =CP) en loi de finances pour 2022, soit le montant déjà prévu en loi de finances pour 2021.

Si le montant versé demeure relativement stable d'une année à l'autre, les modalités d'attribution des aides semblent cependant manquer de clarté et sont jugées inégales selon les directions régionales des affaires culturelles.

La réforme des conservatoires, actuellement en cours de concertation n'a pas d'incidence financière à ce stade.

2. Des pôles d'enseignement supérieur à valoriser
a) Un rôle clé dans la structuration de l'enseignement supérieur du spectacle vivant

La mise en place de « Pôles d'enseignement supérieur » constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux participe du processus de structuration juridique, administrative, financière et scientifique de l'enseignement supérieur du spectacle vivant souhaité par le ministère de la culture.

13 établissements sont concernés.

Les pôles d'enseignement supérieur du spectacle vivant

École

Localisation

Pôle d'enseignement supérieur Paris Boulogne-Billancourt (PSPBB)

Paris

Pôle d'enseignement supérieur de la musique Seine-Saint-Denis Île-de-France « Pôle Sup'93 »

La Courneuve

Pôle d'enseignement supérieur spectacle vivant Bretagne/Pays de la Loire « Le Pont Supérieur »

(Département musique)

Rennes

École supérieure musique et danse Hauts-de-France - Lille (ESMD)

Lille

Pôle Aliénor - Centre d'études supérieures de musique et de danse de Nouvelle-Aquitaine

Poitiers

École supérieure des arts de Lorraine (ESAL)

Metz

Haute école des Arts du Rhin (HEAR)

Strasbourg

Institut supérieur d'Arts de Toulouse (ISDAT) (Département spectacle vivant)

Toulouse

Pôle d'enseignement supérieur de la musique et de la danse (PESMD) Bordeaux-Aquitaine

Bordeaux

École Supérieure de Musique Bourgogne-Franche-Comté (ESM Bourgogne-Franche-Comté)

Dijon

CEFEDEM Normandie

Mont-Saint-Aignan

CEFEDEM Auvergne-Rhône-Alpes

Lyon

Institut d'Enseignement Supérieur de la Musique Europe et Méditerranée (IESM)

Aix -en-Provence

Source : commission des finances

Ces établissements complètent aujourd'hui le paysage de l'enseignement supérieur du spectacle vivant au côté des opérateurs nationaux. Un processus d'habilitation des établissements pour la délivrance du diplôme d'État de professeur de théâtre, de professeur de cirque, de professeur de danse ainsi que pour la délivrance du certificat d'aptitude (CA) aux fonctions de professeur de musique et de professeur de danse devrait être mis en oeuvre . 11,3 millions d'euros (AE = CP) sont dégagés pour le financement de ces pôles en loi de finances pour 2022, soit un montant inchangé par rapport à la loi de finances pour 2021.

b) Un positionnement à affirmer

Reste, de l'avis même de la direction générale à la création artistique, plusieurs écueils s'agissant de ces pôles.

Le premier tient à leur identité et à leur positionnement par rapport aux conservatoires nationaux et aux conservatoires territoriaux à rayonnement régional (CRR). Les formations délivrées par les pôles peuvent être assimilées à des cycles préparatoires aux deux conservatoires nationaux alors que le sentiment d'appartenance reste encore diffus par rapport à un CRR. Les partenariats avec les universités peuvent, par ailleurs, être améliorés, notamment dans l'organisation concrète des enseignements pratiques et théoriques appelés à mieux s'articuler. Les pôles peinent enfin à s'affirmer au niveau international.

Le second écueil tient à leurs moyens : les pôles ont ainsi additionné les missions, sans réelle consolidation des moyens, au risque de connaitre une réelle une crise de croissance.

Enfin, la principale difficulté des pôles supérieurs concerne l'absence de locaux dédiés ou de locaux en propre. Il en résulte un éclatement des activités préjudiciable à la bonne organisation des cursus ( temps de transport étudiants importants, impact négatif sur la « vie étudiante », éloignement des locaux administratifs des espaces d'enseignement) mais aussi à l'identité et à la visibilité de ces pôles.

Recommandation n°2 : Parallèlement à la mise en oeuvre effective de la réforme des conservatoires nationaux, définir la position des 13 pôles supérieurs au sein d'une cartographie de l'enseignement du spectacle vivant, en précisant notamment leurs rapports avec les conservatoires nationaux.


* 4 Il s'agit de l'école supérieure de cirque Fratellini (0,8 million d'euros), de l'institut supérieur des techniciens du spectacle d'Avignon (0,7 million d'euros), de l'école de la comédie de Saint-Etienne (0,23 million d'euros), de l'école nationale de danse de Marseille (0,6 million d'euros), désormais regroupée en un établissement unique avec l'école supérieure de danse de Cannes - Rosella Hightower (0,35 million d'euros), de l'école régionale d'acteurs de Cannes - ERAC (0,31 million d'euros), et d'autres établissements visant en priorité l'insertion professionnelle.

* 5 Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

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