D. LE SPORT ET LA PROMOTION DES VALEURS DU CONSEIL DE L'EUROPE

1. La gouvernance du football : les affaires et les valeurs

Mercredi 26 janvier, un débat ayant pour thème « la gouvernance du football : les affaires et les valeurs » a été tenu en séance plénière.

Une résolution et une recommandation ont été adoptées à la suite de la présentation par Lord George Foulkes (Royaume-Uni - SOC) d'un rapport, au nom de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, dans lequel il a expliqué que le football a un rôle important en tant que vecteur de valeurs essentielles. Il faut se féliciter de son succès économique. Cependant les affaires ne doivent pas primer sur les valeurs. La promotion des droits humains doit inspirer constamment les actions des grandes organisations faîtières. Il faut que les pays candidats à l'organisation de grandes compétitions de football respectent les droits humains et que l'organisation des compétitions soit un facteur de progrès réel et durable dans ce domaine. Tant la protection des joueurs et joueuses mineurs que la promotion de l'égalité des genres devraient être des priorités pour les organisations du football, et ce à tous les niveaux. Une proportion davantage significative des ressources disponibles devrait être allouée aux actions visant ces résultats, y compris l'égalité des salaires et des primes pour les équipes féminines.

Dans son rapport, le rapporteur a encouragé les initiatives qui contribuent à créer un environnement plus sûr pour les enfants et les adolescents et il a soutenu sans réserve le projet de création d'une entité pour un sport sûr, afin de traiter les cas d'abus dans le sport. Il s'est inquiété des écarts qui se creusent ainsi que des excès financiers criants et a prôné le renforcement de la solidarité interne au système du football.

Il a appelé les États membres du Conseil de l'Europe à reconnaître la compétence de la Fédération internationale de football (FIFA) pour réglementer, au niveau mondial, le système des transferts du football, y compris par l'adoption de règles visant à assurer la protection des mineurs, la transparence des flux financiers liés aux transferts et un cadre solide pour l'accès aux professions d'agent ou d'intermédiaire et à leur exercice. Enfin, il s'est fermement opposé au projet de Super Ligue européenne et a prôné l'abandon de l'idée d'une coupe du monde de football tous les deux ans.

Au cours de ce débat, M. Giovanni Infantino, président de la FIFA, a été invité à s'exprimer. Il a rappelé que la FIFA a entamé une relation avec le Conseil de l'Europe en 2018. Concernant la défense des droits humains, si l'on peut regretter que la situation des travailleurs au Qatar ne change pas assez rapidement, il faut toutefois reconnaître que, selon lui, l'attribution de la coupe du monde à ce pays a permis de mettre en lumière des réglementations inacceptables et de les faire évoluer. Il a ensuite évoqué le système de transfert des joueurs qui doivent être révisés pour créer notamment une chambre de compensation qui permettra d'organiser la solidarité avec les clubs les moins riches. Concernant la protection des jeunes joueurs, il a défendu la création d'une agence externe indépendante qui serait chargée de venir en aide aux mineurs victimes d'abus dans le monde du football. Enfin, il a défendu l'idée d'une coupe du monde tous les deux ans, qui permettrait de créer un football plus inclusif en associant davantage, notamment, l'Afrique à cette grande compétition mondiale.

Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - Agir Ensemble) , au nom du groupe ADLE, a rappelé le rôle particulier du football qui se doit donc d'être exemplaire face aux défis qui dépassent le simple cadre sportif. Pour elle, deux points sont particulièrement importants : un encadrement renforcé du respect des droits humains et une meilleure régulation financière pour endiguer les dérives croissantes dans l'économie du football. Elle a rappelé que les pays qui souhaitent accueillir de grandes manifestations sportives ont le devoir d'assumer les obligations éthiques. C'est le cas notamment pour le Qatar où, malgré les efforts accomplis, des milliers d'accidents, parfois mortels, ont eu lieu. Elle a appelé la FIFA et l'Union européenne des associations de football (UEFA) à s'assurer que les pays candidats à l'organisation de grands événements de football respectent leurs engagements en matière de droits humains. Pour conclure, elle a évoqué l'économie du football et ses inégalités et appelé à une plus grande régulation du marché des transferts.

M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) a tout d'abord évoqué la situation des personnes venues notamment d'Asie pour travailler au Qatar sur les chantiers de la coupe du monde 2022 qui, pour de nombreuses ONG, s'assimile à de l'esclavage moderne. Pour lui, la réforme du droit du travail engagée au Qatar reste bien insuffisante et la FIFA doit continuer à faire pression sur le Qatar pour que la situation évolue. En outre, il a évoqué la situation des joueurs mineurs et les différents abus observés lors de leur transfert. Il s'est déclaré opposé à une remise en cause du principe d'interdiction des transferts internationaux des joueurs mineurs aujourd'hui en vigueur, à quelques exceptions près. Il s'agit selon lui d'éviter que ces jeunes soient victimes d'agents peu scrupuleux qui les abandonnent lorsque leur contrat n'est pas renouvelé.

M. Dimitri Houbron (Nord - Agir ensemble) a indiqué être opposé au projet de Super ligue européenne et de coupe du monde tous les deux ans. Pour lui, ces projets ne sont alimentés que par l'appât du gain, réduisant le football à une simple dimension comptable et financière et ignorant le fait que, comme l'a rappelé le Parlement européen, la culture sportive européenne doit être alignée sur les valeurs de solidarité, de durabilité et d'inclusion. Ceci implique des compétitions ouvertes reposant sur le mérite sportif et l'équité. En effet, le projet de Super ligue européenne permettrait aux vingt clubs participants de se partager plus de 5 milliards d'euros chaque année. De même, le projet de coupe du monde tous les deux ans permettrait d'augmenter les revenus de 3,9 milliards d'euros. Ce projet a fait l'objet de vives critiques de la part de l'UEFA et des joueurs qui pointent du doigt des calendriers déjà surchargés.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'il ait été connecté lors du débat, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a fait publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Il a rappelé l'importance que l'Assemblée parlementaire puisse s'exprimer sur les valeurs portées par le sport le plus populaire sur le continent européen, le football. Il s'est tout d'abord inquiété de l'impact environnemental de l'organisation de la prochaine coupe du monde au Qatar, avec des stades climatisés à ciel ouvert, et l'installation dans les États voisins de supporters qui devront ensuite rejoindre le Qatar en avion, faute de places d'hébergement suffisantes Il s'est ensuite interrogé sur les conditions d'attribution de l'organisation de cette coupe du monde et, plus généralement, sur la corruption dans le monde du football, rappelant qu'une enquête avait été ouverte en France. Il a appelé la FIFA à poursuivre sa coopération avec le groupe d'États contre la corruption (GRECO) et à mettre en place des critères transparents pour l'attribution d'une telle compétition. Le pays hôte devra s'engager à respecter ces critères, sous le contrôle de la FIFA.

2. Politiques du sport en temps de crise

Mercredi 26 janvier, sous la présidence de Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), en tant que Vice-présidente de l'Assemblée parlementaire, un débat sur le thème des politiques du sport en temps de crise a été organisé.

Une résolution a été adoptée à la suite de la présentation, par M. Carlos Alberto Gonçalves (Portugal - PPE/DC), d'un rapport au nom de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé le monde du sport et il faut aujourd'hui veiller à préserver le sport et l'activité physique en tant que facteurs de développement humain, de bien-être personnel comme collectif, de développement social et de croissance économique.

Le rapporteur a invité les États membres à inclure le sport dans les plans de relance et de résilience et à intégrer les mesures de soutien à ce secteur dans les stratégies de développement économique et social durable, afin de soutenir la relance du sport de masse. Il faudrait développer des programmes de soutien financier, avec une attention particulière pour les petits clubs et les personnes les plus vulnérables, sans oublier le sport féminin, mais aussi promouvoir le développement des infrastructures sportives, favoriser l'accès des familles à faible revenu à la pratique des activités sportives, adopter des mesures incitatives de l'offre et valoriser le sport et l'éducation physique dans le cadre des systèmes éducatifs.

Il a également prôné la collaboration entre les autorités publiques et les organisations sportives pour créer les conditions qui facilitent et normalisent l'accès à l'activité physique et au sport. Il a enfin appelé le mouvement sportif à rechercher, dans le cadre de processus inclusifs, des solutions équilibrées afin que les manifestations sportives se déroulent en toute sécurité pour les athlètes et le public, mais aussi pour accroître la résilience du système sportif, y compris par le renforcement de la solidarité financière qui doit jouer du sport de haut niveau vers le sport de masse ainsi qu'entre les différents sports et à travers le monde.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , au nom du groupe PPE/DC, a rappelé combien le monde du sport a été touché par la pandémie de Covid-19. En effet, le produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne liée au sport a chuté de 15 % en 2020. Or le sport crée un lien social essentiel. Elle s'est réjouie que la Charte européenne révisée du sport du Conseil de l'Europe proclame que l'accès au sport pour tous est un droit fondamental. Elle a également plaidé en faveur d'une ratification par tous les États membres du Conseil de l'Europe de la convention de Saint-Denis, afin que les championnats puissent reprendre dans les meilleures conditions possibles. De même, elle a souhaité que l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe ratifient la convention de celui-ci sur la manipulation des compétitions sportives.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) , au nom du groupe socialiste, a expliqué que le sport doit être le pivot de la politique en faveur de la santé et combien celui-ci contribue aux relations sociales. Pour accompagner le développement des activités extérieures simples, comme la marche ou le vélo, il faut repenser les espaces urbains et créer des aménagements pour encourager ces activités. Puis, elle a indiqué qu'il était nécessaire de développer des politiques pour aider les acteurs du monde du sport à faire aimer l'activité physique et encourager la pratique de celle-ci. Enfin, elle a souhaité que l'on s'inspire de modèles et de bonnes pratiques mises en oeuvre dans certains pays européens avec d'importants programmes de consultation à destination des plus jeunes qui peuvent ainsi participer activement à la planification à la mise en oeuvre des programmes qui les concernent.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a commencé son propos en relayant l'appel à signer les trois conventions du Conseil de l'Europe contribuant à une pratique intègre du sport : la Charte européenne du sport révisé, la convention de Saint-Denis et la convention de Macolin. Rappelant que le Parlement français a récemment adopté une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, il a insisté sur la nécessité de mettre en place un soutien financier et des politiques adaptées au développement de la pratique sportive. Puis, il a souligné l'importance des pratiques locales du sport mises en oeuvre par les collectivités territoriales, qu'il convient de respecter. Enfin, il a appelé à davantage de solidarité du mouvement sportif de haut niveau pour permettre l'accès au sport du plus grand nombre.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'ils aient été présents ou connectés lors du débat, plusieurs membres de la délégation française ont pu faire publier leur intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE.

Mme Isabelle Rauch (Moselle - La République en Marche) a détaillé les principes du modèle européen du sport, à savoir notamment la gouvernance des organisations sportives régies selon les principes de démocratie et de respect des droits fondamentaux, une solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, ainsi qu'une structure pyramidale avec promotion et relégation. Elle s'est inquiétée des répercussions économiques et sociales négatives de la pandémie sur le secteur du sport. En France, plus de 8 milliards d'euros d'aide lui ont été attribués mais le secteur demeure fragile et aura besoin d'un accompagnement spécifique.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a expliqué que la pandémie a notamment touché les petits clubs et les associations sportives qui contribuent à la vie sociale de nos villes et de nos villages. De plus, la diminution de la pratique du sport induit un risque pour la santé qui n'est pas négligeable, en favorisant un mode de vie sédentaire. Il est donc nécessaire de porter une attention toute particulière à ce réseau de clubs et d'associations qui doit être soutenu pour pouvoir perdurer. Dans une logique d'inclusion sociale, il a soutenu la nécessité de favoriser l'accès des familles à faible revenu à la pratique des activités sportives, en mettant notamment en place des mécanismes de solidarité financière entre sport de haut niveau et sport de masse.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), a estimé que la pratique sportive et le réseau des petits clubs amateurs sont un formidable outil d'inclusion sociale et d'animation territoriale. Elle a rappelé l'impact des nouvelles technologies, qui favorisent la sédentarisation au détriment de la pratique d'activités sportives, et l'impact de la contrainte financière, qui peut limiter la pratique de certaines activités sportives. Mais pour pratiquer un sport, il faut surtout en avoir envie et cela passe par la découverte des sports au travers, notamment, de l'éducation sportive. Dans le cas des femmes et des personnes en situation de handicap, la capacité et la qualité d'accueil au sein de la communauté sportive sont déterminantes. Enfin, elle a souligné que la corruption et la triche causent un tort terrible à l'image du sport et cite l'exemple de l'Agence française de lutte contre le dopage, dont les moyens ont été renforcés.

Enfin, Mme Liliane Tanguy (Finistère - La République en Marche), a rappelé que le sport constitue un secteur économique à part entière. Il se doit, cependant, de véhiculer des valeurs de respect et d'équité, en particulier dans le cadre des compétitions. En effet, les enjeux économiques majeurs liés au sport ne doivent pas être un frein au respect des valeurs inscrites dans la Charte européenne du sport. Puis elle a particulièrement insisté sur le respect de la parité. C'est une des préoccupations majeures de l'organisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, qui consacrent la parité comme valeur directrice, avec une parité parfaite entre les athlètes femmes et hommes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page