II. DÉCARBONER L'ÉLECTRICITÉ, LE GAZ ET LE PÉTROLE

A. LES PRÉCONISATIONS : PROMOUVOIR ET RELOCALISER TOUTES LES SOURCES D'ÉNERGIES DÉCARBONÉES

1. La directive sur la taxation de l'énergie : verdir la fiscalité énergétique sans l'alourdir

La directive sur la taxation de l'énergie prévoit une taxation différenciée des carburants ou des combustibles en fonction de leurs émissions, à compter du 1 er janvier 2023, avec une période transitoire jusqu'au 1 er janvier 2033. Quatre catégories sont prévues, avec plusieurs taux, du plus fort au plus faible : gazole et essence ; gaz naturel, gaz de pétrole liquéfié (GPL), hydrogène fossile ; biocarburants non avancés ; électricité, biocarburants avancés, bioliquides, biogaz et hydrogène renouvelable. Une exonération obligatoire est supprimée pour la navigation aérienne et maritime, y compris pour le secteur de la pêche, après une période transitoire de 10 ans. Les États membres conservent la faculté de prévoir une exonération pour les ménages reconnus comme vulnérables et des réductions pour certains ménages, secteurs (agriculture, horticulture, aquaculture, sylviculture notamment), entreprises (grands consommateurs d'énergie notamment), ou produits (électricité renouvelable ou combinée).

Face à la « flambée des prix énergies », les rapporteurs appellent à tenir compte du contexte de crise des prix des énergies, et de son impact sur les ménages et les entreprises.

Pour ce faire, ils plaident pour alléger la fiscalité applicable aux entreprises énergo-intensives .

Dans sa contribution écrite, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a ainsi mis en garde contre un « effet cocktail » induit par le paquet : « les taxes sur les combustibles fossiles ne doivent pas s'ajouter au coût des quotas de CO 2 au risque de pénaliser la compétitivité des entreprises, notamment des industries énergo-intensives en l'absence de mécanisme supplémentaire de protection contre les fuites de carbone. »

Cette position est convergente avec celle de l'Union des entreprises utilisatrices d'énergie (Uniden), qui a indiqué : « afin de préserver la compétitivité internationale de l'industrie européenne, les exemptions et exonérations existantes pour les industries à forte intensité énergétique exposées à la concurrence internationale ou fournissant des secteurs exposés aux fuites de carbone doivent être maintenues. »

Pour l'Uniden, il est nécessaire de prévoir une période transitoire, d'éviter les distorsions de concurrence entre les entreprises énergo-intensives (qu'elles soient exposées ou non à la concurrence, que leurs activités soient externalisées ou internalisées) et d'exonérer certaines activités (consommant plus de 50 % d'énergie, relevant de la minéralogie ou consommant de la biomasse de résidus ou de déchets).

La prise en compte spécifique des entreprises énergo-intensives est également souhaitée par les représentants des fournisseurs d'énergie, l'Union française de l'électricité (UFE) indiquant que « les réductions pour les clients énergo-intensifs doivent être maintenues » et l'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) plaidant pour « le maintien des exonérations fiscales pour le gaz et sur l'électricité » .

De plus, les rapporteurs estiment utile d'appliquer un principe de neutralité technologique entre l'électricité et l'hydrogène renouvelables ou bas-carbone .

S'agissant de la réduction prévue pour l'électricité renouvelable, le groupe EDF estime que « la lutte contre le changement climatique impose de l'étendre à toute l'électricité décarbonée, y compris donc le nucléaire. »

Pour ce qui est de la taxation de l'hydrogène, France Hydrogène regrette qu' « une différence de traitement soit introduite à partir de 2033, date à laquelle le niveau de taxation de l'hydrogène bas-carbone passe à 0,64 €/kg pour un usage dans les transports et 0,54 €/kg pour un usage combustible [contre 0,01 €/kg pour celui renouvelable] », précisant qu'elle « s'oppose à ce choix discriminant et pénalisant la compétitivité de l'hydrogène bas-carbone, sans que cet arbitrage n'ait aucun fondement environnemental qui pourrait justifier une telle différence de traitement ».

En matière de biocarburants, de biogaz et de bois-énergie, plusieurs demandes se font également jour :

- la simplification de la fiscalité applicable aux biocarburants , la Fédération des oléagineux et protéagineux (FOP) appelant à trois fiscalités « incitative, [...] plus avantageuse [et] nulle » et le Syndicat des énergies renouvelables (SER) à deux fiscalités « durable et non durable [en] appliquant au biocarburant durable le taux minimal de 0,15 €/gigajoule » ;

- la simplification de la fiscalité afférente au biogaz , l'Association française du gaz (AFG) proposant deux fiscalités « durable [et] non durable », de même que le SER qui souhaite en outre « appliquer à l'ensemble du biogaz durable le taux minimal de 0,15 €/gigajoule » ;

- la distinction de la fiscalité applicable aux gaz naturel liquéfié (GNL) et au gaz naturel comprimé (GNC) de celle prévue pour l'essence et le gazole , Gaz réseau de transport (GRTgaz) étant désireux d' « assurer un niveau de taxation différent pour le GNV (GNC et GNL) par rapport au pétrole » ;

- la prise en compte du bois-énergie, au même titre que les autres bioénergies , la Fédération des services énergie environnement (Fedene) souhaitant « fixer à zéro le niveau minimum de taxation des bioliquides, biogaz, produits solides utilisant la biomasse en bois et des combustibles provenant de déchets [...] en respectant les critères de durabilité et de GES ».

Les rapporteurs jugent nécessaire de tenir compte de la situation particulière des collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE).

Sans êtes hostiles aux incitations fiscales prévues, les AODE souhaitent être associées aux réformes de la fiscalité énergétique locale , et singulièrement à celle prévue pour l'électricité, qui peuvent avoir pour effet une réduction de leurs recettes .

C'est pourquoi la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a indiqué aux rapporteurs qu'elle n'est « pas opposée par principe à des exonérations, des réductions ou des remboursements de taxe, mais à condition que ces mesures, qui seront prises et appliquées uniformément au niveau national, ne soient pas purement et simplement imposées aux collectivités, en ayant systématiquement et mécaniquement pour effet de diminuer leurs recettes fiscales ».

De plus, les AODE souhaitent voir clarifié leur statut fiscal , pour être assimilées à des consommateurs professionnels, et non particuliers.

Aussi la FNCCR a-t-elle indiqué aux rapporteurs la nécessité d' « assimiler les consommations d'électricité des organismes de droit public ou à tout le moins des autorités régionales et locales à des consommations professionnelles, à titre dérogatoire et le cas échéant de manière limitée dans le temps, afin de pouvoir soulager le budget de ces autorités quand une hausse excessive des prix l'impose ».

Enfin, les rapporteurs jugent crucial que les États puissent déterminer eux-mêmes les ménages vulnérables devant être soutenus fiscalement .

Si la fiscalité indirecte doit légitiment faire l'objet d'une harmonisation à l'échelle européenne, en vertu des articles 113 et 115 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la politique sociale et celle énergétique relève largement de la compétence souveraine des États membres, aux titres des articles 152 et 194 du même traité.

Directive sur la taxation de l'énergie

1. Tenir compte du contexte de crise des prix des énergies et de son impact sur les ménages et les entreprises.

2. Consolider les incitations fiscales prévues pour les entreprises énergo-intensives.

3. Appliquer une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'électricité renouvelable et celle bas-carbone dans la taxation de l'électricité ; prévoir une fiscalité simple et
incitative, pour les biocarburants, le biogaz, le gaz bas-carbone et le bois-énergie.

4. Prendre en considération la spécificité des collectivités territoriales et de leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), en leur appliquant un régime fiscal idoine et en les associant aux négociations sur la taxation de l'électricité.

5. Garantir la compétence des États membres dans la définition des ménages en situation de précarité énergétique susceptibles d'être soutenus fiscalement.

2. La directive sur les énergies renouvelables : mobiliser toutes les sources d'énergies décarbonées

La directive sur les énergies renouvelables relève de 32 % à 40 % la part de ces énergies dans la consommation finale brute de l'Union européenne d'ici 2030. Elle prévoit également des sous-objectifs par secteur pour les bâtiments (objectif indicatif de 49 %), l'industrie (objectif contraignant de 50 %), le chauffage et le refroidissement (objectif contraignant de + 1,1 point annuel) et les transports (objectif de 13 % de réduction des émissions de GES, de 0,2 % en 2022, 0,5 % en 2025 et 2,2 % en 2030 pour les biocarburants avancés et le biogaz et de 2,6 % pour les carburants durables d'origine non biologique). De plus, la directive renforce les exigences de réduction des émissions de GES, en introduisant un objectif de 70 % aux carburants renouvelables d'origine non biologique ou aux carburants à base de carbone recyclé. Elle consolide les critères de durabilité, en appliquant, à la biomasse forestière, ceux prévus pour la biomasse agricole, et aux installations existantes d'électricité, de chaleur ou de froid, ceux prévus pour les nouvelles installations ; elle prévoit un mécanisme de vérification pour les installations entre 5 et 10 mégawatts (MW) et une base de données pour les carburants renouvelables ou à base de carbone recyclé. Enfin, la directive renforce les obligations d'information des gestionnaires de réseaux de distribution et de transport en matière d'énergies renouvelables et d'émissions de GES, de même que les obligations de transparence des fabricants de batteries et de capacité de recharge ouvertes au public.

Les rapporteurs souhaitent que la directive sur les énergies renouvelables fasse progresser la décarbonation à l'échelle européenne.

Pour ce faire, ils estiment essentiel de bien tenir compte de la réalité des caractéristiques économiques et climatiques des mix des États membres. Les objectifs de diversification de ces mix doivent donc être généraux, adaptés et réalistes. Leur impact sur les prix des énergies, de même que sur l'équilibre, le pilotage, le stockage et le « bilan carbone » de ces énergies doit être mesuré avec attention .

De plus, les rapporteurs rappellent que la détermination du mix énergétique relève de la seule compétence des États membres. Ceux dont le mix électrique est déjà largement décarboné ne doivent pas être pénalisés.

En effet, l'article 194 du TFUE reconnaît le droit des États membres de définir les conditions d'exploitation de leurs ressources énergétiques, le choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique.

En outre, le Conseil européen, dans sa Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre , notifiée le 6 mars 2020 à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a rappelé le droit des États membres de décider de leur mix énergétique et de choisir leurs techniques, précisant que « certains États membres ont indiqué qu'ils utilisaient l'énergie nucléaire comme part de leur mix énergétique ».

Sollicité par les rapporteurs , RTE considère l'objectif de 40 % d'énergies renouvelables comme « ambitieux », mais « indispensable » ; à  l'horizon 2030, il n'identifie ni « problématique de gisement » ni « mise en péril de la sécurité d'approvisionnement » .

En revanche, il estime indispensable de permettre, en parallèle, un fort recours à l'énergie nucléaire : « Dans le cadre du Pacte vert, l'Union européenne s'est fixée d'atteindre une réduction des émissions nettes de 55 % d'ici 2030. L'atteinte de cet objectif renforcé ne sera possible que sous réserve de maximiser la production bas-carbone, indispensable pour décarboner les usages domestiques et industriels. »

De surcroît, il juge nécessaire de veiller à la performance du système électrique, en évitant les pertes d'électricité induites par la transition énergétique : « Avec la transition énergétique, les pertes sur les réseaux vont augmenter en raison de facteurs exogènes qui ne sont pas spécifiques au réseau : il serait préférable de mettre l'accent sur la réduction de l'empreinte carbone du système électrique dans son ensemble (production-transport et distribution). »

Dans le même esprit, le groupe EDF considère l'objectif précité comme « ambitieux », mais « nécessaire » , relevant que certains objectifs sectoriels sont « très ambitieux » (bâtiments et industrie), « ambitieux » (transports) ou « plus réalistes » (réseaux de chaleur et de froid).

En outre, il considère incontournable d'offrir aux États membres des flexibilités, avec pour la France un fort recours à l'énergie nucléaire : « EDF soutient cet objectif au niveau européen, mais considère qu'il est nécessaire d'offrir plus de flexibilités aux États membres concernant les cibles à atteindre au niveau national. [...] Notamment dans le cas de la France, il apparaît contre-productif de fixer a priori une part EnR 54 ( * ) dans un mix énergétique si cela entraîne le remplacement de moyens de production déjà décarbonés. »

Enfin , il estime utile d'encourager parmi les États membres un chantier de simplification et d'accélération des projets d'énergies renouvelables : « Par ailleurs, cette cible sera très difficile à atteindre si les procédures d'autorisation des projets EnR ne sont pas simplifiées et accélérées. Les délais maximaux (3 ans pour un nouveau projet EnR et 2 ans pour des projets de ? repowering “) indiqués aujourd'hui dans la directive ne sont pas respectés par la plupart des États membres. »

Parmi les points d'attention indiqués aux rapporteurs figure l'évolution des critères de durabilité de la biomasse : font ainsi l'objet de réserves le principe de l'utilisation de la biomasse en cascade, l'abaissement de 20 à 5 MW du seuil de puissance des installations concernées, l'extension des objectifs de 70 à 80 % des émissions de GES des installations nouvelles à celles existantes, et enfin l'interdiction du recours au bois rond.

L'ADEME-ATE a ainsi rappelé ces difficultés : tout d'abord, « le premier point concerne l'interdiction d'utiliser du bois rond de qualité pour des utilisations énergétiques » ; plus encore « dans le projet de directive, la Commission européenne met en avant le principe d'utilisation en cascade. [...] Néanmoins, il faudra veiller à ne pas imposer d'exigences qui pourraient être contre-productives » ; s'agissant de l' « abaissement du seuil de puissance à partir duquel il faut apporter la preuve du respect des critères de durabilité et GES de 20 MW à 5 MW, il faudra que l'Ademe analyse les impacts de cette mesure et la capacité des petites installations à mettre en place cette exigence » ; concernant l' « application des critères GES à toutes les installations y compris existantes (- 70 % d'émissions jusqu'au 31 décembre 2025 puis - 80 %). L'Ademe devra évaluer l'impact de cette mesure sur les installations accompagnées par le fonds chaleur. »

Les difficultés ainsi indiquées par l'ADEME-ATE sont largement partagées par les professionnels auditionnés ou interrogés.

Dans ce contexte, les rapporteurs considèrent qu'un principe de neutralité technologique doit être appliqué entre les différentes énergies renouvelables :

- aux biocarburants, quelle que soit leur génération , la FOP estimant que « l'atteinte de l'objectif de 2,2 % de biocarburants avancés paraît être la plus en risque » et plaidant pour intégrer « toutes les générations et tous les types » et mieux valoriser «  la contribution des biocarburants produits à partir de cultures alimentaires » ;

- aux biogaz et gaz renouvelables ou bas-carbone , le SER regrettant l'absence d' « objectif spécifique pour le gaz renouvelable » pour les « bâtiments, industrie, réseaux de chaleur et de froid » et le Medef relevant que « le biométhane est également un élément clé de la feuille de route de l'Union européenne en matière de décarbonation » ;

- à la cogénération à haut rendement , l'Uniden regrettant « l'extinction du soutien » à l'électricité produite à partir de la biomasse, tandis que la Fedene appelle à maintenir « des objectifs raisonnables » et le SER « des soutiens publics » ;

- aux réseaux de chaleur et de froid , le Medef promouvant « la récupération [de la chaleur et de froid résiduels par les réseaux urbains de chaleur et de froid » , et la Fedene « l'exploitation du gisement de chaleur fatale » .

Les rapporteurs observent que le même principe de neutralité technologique doit également être appliqué entre l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables :

- les objectifs sectoriels de décarbonation relatifs à l'électricité ne visent que celle renouvelable , alors que l'énergie nucléaire pourrait être utile notamment dans les transports. C'est pourquoi le groupe EDF a regretté que « s eule l'électricité d'origine renouvelable [puisse] être comptabilisée dans le secteur des transports pour atteindre la nouvelle cible de 13 % de réduction en intensité carbone. L'électricité bas-carbone nucléaire est donc exclue alors même qu'elle apporte des bénéfices comparables en termes de décarbonation » ;

- dans le même ordre d'idées, les objectifs sectoriels de décarbonation afférents à l'hydrogène ne ciblent que celui renouvelable , alors que l'énergie nucléaire pourrait, ici encore, être utile notamment dans l'industrie. Ainsi, France Hydrogène a déploré que « le cadre proposé par la Commission ne respecte pas le principe de neutralité technologique, puisqu'il impose le recours à de l'hydrogène renouvelable pour satisfaire les objectifs sectoriels dans l'industrie. [...] Par conséquent, France Hydrogène soutient l'idée que de plus grandes souplesses et marges de manoeuvre puissent être confiées aux États membres dans l'atteinte des objectifs sectoriels » ;

- s'agissant des obligations d'information prévues pour les produits industriels, elles pourraient être étendues de l'électricité renouvelable à l'électricité nucléaire car, pour le groupe EDF, il apparaît plus pertinent de donner des informations sur l'impact carbone des produits industriels plutôt que sur le "contenu" EnR seul ».

Enfin, les rapporteurs constatent que l'association des collectivités territoriales en tant qu'AODE aux projets d'énergies renouvelables est encore perfectible .

La FNCCR leur a ainsi indiqué que « les collectivités et leurs groupements doivent être au coeur des projets », l'objectif étant pour ces acteurs locaux « de développer directement ou de permettre le développement de projets d'énergie renouvelable. »

Directive sur les énergies renouvelables

6. Tenir compte des caractéristiques économiques et climatiques des bouquets énergétiques, en prévoyant des objectifs de diversification généraux, réalistes et adaptés ; prendre en considération l'impact de ces objectifs de diversification sur l'équilibre et la performance du système énergétique, notamment sur les prix des énergies, de même que sur l'équilibre, le pilotage, le stockage et le « bilan carbone » de ces énergies.

7. Garantir la compétence des États membres dans la définition de leur bouquet énergétique, et notamment de l'ampleur et du délai de leur diversification ; ne pas imposer d'objectifs de diversification inadaptés aux États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée.

8. Promouvoir les biocarburants, quelle que soit leur génération, en veillant à exclure ceux présentant un risque élevé en termes de bilan carbone, notamment au regard du changement d'affectation des sols, tels que ceux issus de l'huile de palme ou du soja.

9. Mieux intégrer le biogaz et le gaz bas-carbone, en particulier issus de déchets exempts de conflits d'usages, les réseaux de chaleur et de froid et la cogénération.

10. Appliquer une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone dans la décarbonation de l'industrie.

11. Ne pas déstabiliser les critères de durabilité applicables à la biomasse, s'agissant notamment du principe de cascade, des seuils de puissance, du niveau d'émission et de l'encadrement du bois-énergie.

12. Étendre l'obligation d'information, prévue pour les produits industriels, de l'énergie renouvelable vers celle bas-carbone.

13. Prendre en considération la spécificité des collectivités territoriales et de leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), en renforçant leur association à la mise en oeuvre des projets d'énergies renouvelables.

3. Le paquet gazier : relocaliser le gaz pour moins en dépendre

Le paquet gazier est un ensemble de trois textes destinés à faciliter l'intégration du gaz renouvelable ou bas-carbone ainsi que de l'hydrogène.

La directive sur les marchés du gaz et de l'hydrogène applique aux gaz, hydrogène et carburants bas-carbone une réduction des émissions de GES de 70 %. Elle organise le marché du gaz et d'hydrogène : règles d'accès, obligations de service public, procédures d'autorisation, système de certification, de relevé et d'accès, règles d'autonomisation et de protection des consommateurs, règles des gestionnaires des réseaux de distribution, de transport de stockage et des autorités de régulation. Les États membres doivent protéger et soutenir les ménages en situation de précarité énergétique. De son côté, la Commission européenne doit instituer un système de certification des carburants renouvelables et bas-carbone. Enfin, les gestionnaires des réseaux de transport doivent réaliser un plan de développement du réseau d'hydrogène et se voient interdits d'exercer une activité de production ou de fourniture d'hydrogène.

Le règlement sur les marchés du gaz et de l'hydrogène prévoit l'évaluation du marché du gaz renouvelable et bas-carbone, l'application d'un taux de réfaction tarifaire et une coopération entre les gestionnaires de réseaux (de distribution, de transport, de stockage ou d'hydrogène). La sécurité d'approvisionnement en gaz doit également être garantie. Elle oblige les États membres à évaluer en commun les risques, mais aussi à prendre des mesures préventives 55 ( * ) et d'urgence - en cas de risque régional - ou de solidarité - en cas d'état d'urgence décrété. Elle leur permet de passer conjointement des marchés de stockage.

Le règlement sur les émissions de méthane prévoit plusieurs dispositions pour le secteur du pétrole et du gaz, mais aussi du charbon. Dans le premier secteur, il oblige les exploitants et les entreprises à déclarer ces émissions et à instituer un programme de détection et de réparation des fuites, ainsi qu'un inventaire des puits inactifs. De plus, il leur interdit, sauf dérogations, le recours à l'éventage 56 ( * ) et au torchage 57 ( * ) . Dans le second secteur, le règlement oblige les exploitants de mines à prévoir un mesurage et une quantification de ces émissions, de même qu'un inventaire des mines fermées et désaffectées. Il interdit également, sauf dérogation, le recours à l'éventage et au torchage, d'ici le 1 er janvier 2025 ou le 1 er janvier 2027. Enfin, s'agissant des émissions produites en dehors de l'Union européenne, sont prévus la communication d'informations par les importateurs, ainsi que l'établissement d'une base de données européenne et d'un outil de surveillance international.

Pour réaliser concrètement la sortie des combustibles fossiles russes, les rapporteurs forment le voeu que le paquet « gazier » contribue urgemment à décarboner et à relocaliser le secteur du gaz.

À cette fin, une vigilance doit s'exercer sur l'acte délégué, notamment pour garantir un traitement identique entre l'hydrogène bas-carbone et celui renouvelable.

C'est vrai pour le seuil d'émission.

France Hydrogène appelle ainsi à « instaurer un seuil similaire à celui de l'hydrogène renouvelable au sens de RED III 58 ( * ) (donc 3,38 kgCO 2eq /kgH 2 ) ».

C'est aussi vrai pour les critères d'additionnalité et de corrélation.

Engie appelle ainsi à éviter « des exigences trop strictes en termes d'additionnalité et de corrélations temporelle et/ou géographique pour la production d'hydrogène renouvelable ».

De plus, l'hydrogène doit être utilisé avec discernement, c'est-à-dire qu'il doit servir à décarboner les secteurs les plus difficiles, et non être injecté sans mesure dans les réseaux de gaz naturel .

Pour France Hydrogène, « l'injection d'hydrogène dans le réseau de gaz [constitue un] débouché complémentaire, à n'autoriser qu'en dernier recours ».

L'hydrogène ne doit pas non plus évincer les autres moyens de décarbonation du gaz plus répandus, le biogaz ou les gaz renouvelable ou bas-carbone.

Pour GRTgaz, le paquet doit ainsi favoriser « le biométhane » et « les autres types de gaz renouvelables », mais aussi « le gaz bas-carbone ».

Un autre point de préoccupation indiqué aux rapporteurs est la dissociation prévue des activités de production et de fourniture de l'hydrogène de celle de son transport ou de son stockage, qui exclurait de facto les gestionnaires de tels réseaux ou infrastructures.

Selon GRTgaz, « les règles de dissociation entre activités de transport H 2 et production/fourniture H 2 [...] excluraient de fait les nombreux gestionnaires de réseaux opérant sous le régime ITO 59 ( * ) en Europe ».

Enfin, pour répondre à la crise gazière née de la guerre en Ukraine, les dispositions relatives à la sécurité d'approvisionnement doivent être utilisées à plein, pour contrôler la provenance du gaz, favoriser son stockage et corriger les déséquilibres , ainsi que la commission l'a indiqué dans ses mesures d'urgence, proposées le 28 février dernier 60 ( * ) .

Paquet gazier

14. Appliquer une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone, dans l'appréciation des seuils d'émission.

15. Accorder une attention spécifique aux seuils d'émission et aux critères d'additionnalité et de corrélation prévus pour l'hydrogène, devant être fixés par un acte délégué de la Commission européenne.

16. Ne faire de l'injection d'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel qu'un débouché limité.

17. Accorder une place au biogaz et au gaz bas-carbone, aux côtés de l'hydrogène, dans la décarbonation du secteur du gaz.


* 54 Energies renouvelables (EnR).

* 55 Telles que des mesures liées aux stocks stratégiques de gaz.

* 56 Soit le fait de retirer du gaz.

* 57 Soit le fait de brûler du gaz.

* 58 Renewable Energy Directive III (RED III) ; en français, directrice énergies renouvelables III (EnR III).

* 59 C'est-à-dire les gestionnaires de réseaux de transport indépendants.

* 60 Commission des affaires économiques du Sénat, « Guerre en Ukraine : la commission des affaires économiques du Sénat propose 5 mesures d'urgence pour sortir de la dépendance française et européenne au gaz russe » , 28 février 2022.

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