N° 636

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mai 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur les perspectives de la politique d' aménagement du territoire et de cohésion territoriale , sur le volet « logistique urbaine durable »,

Par Mmes Martine FILLEUL et Christine HERZOG,

Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

Passer d'une logistique vue exclusivement comme une contrainte à une logistique appréhendée comme une opportunité pour nos agglomérations : tel est l'objectif que s'est donné la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, en confiant aux rapporteures Martine Filleul et Christine Herzog le soin de formuler des propositions sur le sujet.

Sources : Ademe, 2016 et rapport « Logistique urbaine durable », 2021,
de Mmes Idrac et Jean et M. Bolzan

La logistique urbaine est « l'art d'acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville » 1 ( * ) . Elle occupe une place grandissante dans les zones urbaines.

Essentielle pour l'approvisionnement de nos centres urbains, ses impacts environnementaux et sociaux (émissions de gaz à effet de serre [GES] et de polluants atmosphériques, congestion, insécurité, etc.) doivent être maîtrisés.

Sous l'effet de l' urbanisation , du développement du commerce en ligne , mais aussi de l' augmentation à venir du nombre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), la place de la logistique dans nos agglomérations va croître ces prochaines années.

Dans ce contexte, et pour anticiper ce défi , la commission a adopté, suivant la proposition des rapporteures, 14 recommandations , autour de 4 axes , pour faire émerger une logistique urbaine plus durable :

Mieux intégrer la logistique dans l'espace urbain

Améliorer les règles de circulation et de stationnement afin d'optimiser le partage de la voirie

Accompagner la décarbonation des flottes et soutenir le report vers des modes moins polluants

Sensibiliser les consommateurs sur l'impact environnemental de leurs livraisons

I. ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DE LA LOGISTIQUE DANS L'ESPACE URBAIN

Pour la mission d'information, trois principaux obstacles nuisent à l'intégration de la logistique dans son environnement urbain :

Face à ces difficultés, la commission formule plusieurs recommandations.

Renforcer l'information des agglomérations sur les flux de marchandises traversant leur territoire, notamment par la réalisation d'enquêtes sur le transport de marchandises en ville au sein des agglomérations de plus de 150 000 habitants d'ici fin 2024, grâce à un co-financement État/collectivités territoriales

Prolonger le programme Interlud pour la période 2023-2025

Favoriser le dialogue entre les acteurs publics et économiques intervenant en matière de logistique urbaine par :

l'ouverture d'une phase de concertation en amont de la mise en place d'une ZFE-m

à l'échelle de l'agglomération, l'élargissement du comité des partenaires au transport de marchandises dans le prolongement de la LOM ou, à l'échelle de la région, l'organisation d'une concertation

Approfondir l'intégration de la logistique urbaine dans les documents de planification des collectivités territoriales (plan de mobilité et schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation)

3

II. OPTIMISER LES RÈGLES DE CIRCULATION ET DE STATIONNEMENT AU SERVICE D'UN MEILLEUR PARTAGE DE LA VOIRIE

Expérimenter localement des livraisons en horaires décalés dans les grandes agglomérations , avec une méthode d'accompagnement pour garantir le respect de la tranquillité des riverains et des conditions de travail des professionnels de la logistique

Constituer rapidement une base de données afin de partager les règles applicables à la circulation et au stationnement des véhicules de livraison de marchandises dans les grandes agglomérations et prévoir la transmission de ces informations aux transporteurs par l'intermédiaire des services numériques d'assistance au déplacement

Accélérer le développement de la lecture automatique de plaques d'immatriculation (LAPI) pour faciliter le contrôle des règles de circulation en ZFE-m

Faciliter le stationnement des véhicules de livraison en ville grâce :

à la création d'aires de livraison en nombre suffisant, dotées d'un gabarit adéquat, dans le cadre de l'enrichissement du volet logistique des plans de mobilité

au renforcement du contrôle du stationnement illicite sur des aires de livraison via l'application du forfait post-stationnement instauré par la loi MAPTAM pour les places de stationnement, plus dissuasif que le régime actuel d'amende pénale

à des expérimentations facilitant le partage des aires de livraison avec d'autres usagers de la voirie et favorisant une gestion plus fluide de ces espaces

III. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT D'UNE FLOTTE PLUS PROPRE ET SOUTENIR LE REPORT VERS DES MODES DÉCARBONÉS

À l'heure actuelle, le transport de marchandises est majoritairement assuré par des poids lourds , dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 3,5 tonnes et, pour une part croissante, par des véhicules utilitaires légers ( VUL ), dont le PTAC est inférieur ou égal à 3,5 tonnes. Or, la grande majorité des poids lourds et des VUL qui fonctionne au diesel libère d' importantes émissions (gaz à effet de serre et polluants atmosphériques).

Même en intégrant l'objectif d'un doublement de la part modale du fret ferroviaire et fluvial d'ici 2030 2 ( * ) , il est probable que la part du camion restera majoritaire dans les flux de marchandises. Aussi, et pour tenir nos objectifs de décarbonation du secteur des transports routiers , le verdissement des flottes utilisées pour la logistique urbaine doit être plus ambitieux .

Les acteurs se heurtent néanmoins à trois principaux obstacles pour mener à bien cette transition :

• les technologies les plus sobres en émissions ne sont, pour l'heure, pas encore toutes matures pour tous les gabarits de véhicules, et notamment les plus lourds ;

• plusieurs difficultés pratiques peuvent constituer des freins au verdissement du parc (l' autonomie limitée ou le poids des batteries pour ce qui concerne le véhicule électrique, mais encore le coût d'acquisition bien plus élevé que celui d'un véhicule thermique) ;

• les délais de commande sont, à ce jour, particulièrement longs (24 mois pour certains véhicules).

Le soutien massif à la décarbonation des poids lourds et des VUL, maillons stratégiques de la logistique est donc une priorité .

Verdir le transport routier de marchandises en :

définissant au plus vite une feuille de route relative à la transition énergétique du secteur, définissant des objectifs intermédiaires de renouvellement des flottes et d'installation de bornes d'avitaillement en énergies alternatives

priorisant le soutien à l'acquisition de véhicules propres avec des aides ciblées (augmenter l'enveloppe dédiée à l'acquisition de véhicules propres, envisager la création d'un prêt à taux zéro garanti par l'État pour l'achat de poids lourds et de VUL peu carbonés, etc.)

accompagnant le déploiement de bornes de recharge électriques privatives par un soutien à l'investissement pour l'installation de ces infrastructures

En parallèle, le développement des modes peu polluants , et plus particulièrement du transport fluvial et de la cyclologistique doit devenir une priorité .

Lever les obstacles au développement du transport fluvial de marchandises en :

rendant le schéma de desserte fluviale obligatoire pour les agglomérations desservies par la voie d'eau

donnant à Voies navigables de France (VNF) les moyens d'acquérir du foncier et d'aménager des terrains en bord à voie d'eau, notamment afin de développer les expérimentations de quais à usage partagé

lissant l'effort d'investissement de VNF jusqu'en 2027

Développer la cyclologistique, notamment en clarifiant la doctrine fiscale en matière de déductibilité de la TVA pour faciliter l'achat de vélos-cargos affectés au transport de marchandises

IV. RENDRE LES LIVRAISONS DU COMMERCE EN LIGNE PLUS RESPONSABLES ÉCOLOGIQUEMENT

Les livraisons aux particuliers constituent une part croissante du transport de marchandises en ville du fait de l'essor du commerce en ligne. La crise sanitaire a amplifié ce phénomène : en 2021 , le secteur du commerce en ligne a dépassé 129 Mds € (+ 15,1 % en un an) 3 ( * ) . Aujourd'hui, 90 % des 15-79 ans ont recours aux commandes en ligne 4 ( * ) .

Par ailleurs, si des expériences positives existent (expérimentation d' espaces logistiques de proximité , développement des points relais , qui sont désormais 22 000 sur le territoire, déploiement des « boîtes de logistique urbaine » sous la forme de consignes automatiques, etc.), la mission d'information estime nécessaire d' encourager davantage les transporteurs à mettre en oeuvre des pratiques de mutualisation des livraisons .

Sensibiliser les consommateurs au coût environnemental de leurs livraisons en :

interdisant la mention « livraison gratuite » sur les sites de vente en ligne aux particuliers à compter du 1 er janvier 2023

donnant une information sur le coût environnemental d'une livraison a posteriori , associée à des recommandations en vue de réduire ce coût lors de futures livraisons

Encourager la massification des livraisons aux particuliers par l'instauration d'un label destiné à valoriser les entreprises engagées dans une démarche de logistique durable


* 1 Danièle Patier, la Logistique dans la ville, Celse, Paris, 2002, cité par le Cerema dans « Logistique urbaine et planification des déplacements : quel bilan après 20 ans d'intégration ? Comment concilier ambition stratégique et mise en oeuvre opérationnelle ? ».

* 2 Article 131 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 3 Source : Fédération du e-commerce et de la vente en ligne, chiffres 2021.

* 4 Source : Ademe.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page