II. RENFORCER LES MOYENS DE LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DES APPLICATIONS D'ÉVALUATION, POUR FIABILISER L'INFORMATION

De l'avis de nombre de personnes entendues, la protection du consommateur est le grand impensé des politiques publiques économiques . Pourtant, jamais l'information n'a autant proliféré, et jamais les consommateurs n'ont eu à traiter un aussi grand nombre de données, en aussi peu de temps. Par conséquent, les choix faits ces dernières années de transmettre des informations au consommateur et de lui confier le soin de les traiter et de les comprendre, ce qui revient quelque peu à se défausser sur lui, semblent inopérants.

De fait, bien qu'il n'ait jamais été autant informé, le consommateur d'aujourd'hui ne se sent que rarement en capacité de faire des choix éclairés , sur la base d'une information fiable et transparente. Sont certes en cause les manquements encore nombreux de certains fabricants, mais également un manque de connaissance quant à la façon de traiter ces informations. Déchiffrer l'information s'apprend, en effet, et cet aspect semble loin des préoccupations des pouvoirs publics.

A. LES MANQUEMENTS EN MATIÈRE D'INFORMATION SONT ENCORE NOMBREUX, CE QUI DÉCRÉDIBILISE LES INFORMATIONS FIABLES ET FRAGILISE LA BONNE INFORMATION DU CONSOMMATEUR

1. Les informations facultatives jouent encore trop souvent avec les limites de la légalité pour des raisons marketing
a) Certains labels sont trompeurs - par erreur ou par hasard

Nombre d'exemples nous ont été apportés de labels qui promettent (ou font croire qu'ils promettent, en jouant sur les raccourcis cognitifs qu'opérera le consommateur) des actions ou des résultats pourtant loin de la réalité .

Le label Sustainable Cleaning , mentionné plus haut pour les produits ménagers, laisse penser que le produit garantit une forme de préservation de la planète, alors que certains de ses ingrédients restent polluants (polymères peu biodégradables, silicones, toxiques pour le milieu aquatique, etc.), ainsi que l'a fait remarquer une association de défense des consommateurs.

Le label Slow cosmétique ne dispose pas, quant à lui, de cahier des charges, et propose une évaluation globale du produit : un aspect négatif peut en contrebalancer un positif (un approvisionnement éthique peut être compensé par la présence d'une huile hydrogénée), ce qui n'aide pas le consommateur à savoir s'il achète un produit éthique, ou un produit bon pour l'environnement, ou sain pour la santé.

Autre exemple : nombre de labels garantissent désormais l'absence de test du produit sur les animaux. Or il s'agit d'une exigence réglementaire ... tandis que les autres différences entre eux sont méconnues. Le label One Voice , par exemple, ne garantit pas l'absence de matière d'origine animale (de même que le label « Not tested on animals »), tandis que le label Vegan Society le garantit... mais ne certifie pas la marque dans sa totalité. Le tableau suivant est issu du site PreciousLife et nous a été transmis par une association de défense des consommateurs.

Le nouveau label « Zéro résidu de pesticides », quant à lui, fait l'objet d'une appréciation mitigée par les acteurs entendus. Si certains considèrent que la logique de résultat qu'il poursuit (plus simple à comprendre qu'une logique de moyens) apporte un surcroît de clarté bienvenu pour le consommateur, d'autres craignent au contraire que, comme souvent, « le diable ne se cache dans les détails » :

• le label garantit qu'il n'y a pas de résidu de pesticide dans le produit fini au-delà de la limite de quantification (0,01 mg/kg), mais il peut y en avoir sous cette valeur (ce qui justifie la phrase « dans les limites de quantification » figurant sous le label) ;

• le label peut laisser penser qu'aucun pesticide n'a été utilisé lors de la production, ce qui n'est pas la réalité : les pesticides utilisés ne peuvent normalement pas se retrouver dans l'assiette du consommateur, mais ils peuvent exister dans le sol et dans l'air, ainsi que l'a rappelé l'Agence Bio ;

• selon la Coordination rurale, atteindre zéro résidu de pesticides implique d'utiliser des serres. Or ce label laisserait indirectement penser que les fruits et légumes (qui ont poussé « à l'air libre ») vendus en grande surface sont toxiques pour les consommateurs, même s'ils respectent les normes sanitaires.

Certains labels « bien-être animal » valoriseraient paradoxalement davantage une exploitation intensive de 1 000 vaches dans laquelle elles seraient en stabulation libre, qu'une exploitation d'une vingtaine de vaches dans laquelle elles sont attachées (compte tenu de la taille de l'étable, ou des dangers inhérents à la montagne). De façon générale, plusieurs acteurs agricoles ont regretté, lors de ces travaux, que l'étiquetage du bien-être animal soit souvent confondu avec celui du mode d'élevage, alors que les conditions d'hébergement ne sont qu'une petite partie du sujet.

Par ailleurs, pour les produits non-agricoles, l'appellation « Bio » reste insuffisamment encadrée , ce qui est clairement visible dans les secteurs de la beauté, des textiles, du bricolage. L'utilisation de « Bio » est ainsi possible pour qualifier ces produits dès lors qu'ils utilisent quelques ingrédients certifiés issus de l'agriculture biologique, ce qui est loin des standards habituels du bio auquel un consommateur « moyen » est habitué. Certaines marques inscrivent ainsi sur le produit « XX, bio depuis toujours », alors que le produit n'est pas labellisé bio (il peut être détenteur d'un autre label, voire d'aucun).

L'exemple du cacao et des labels et mentions valorisantes
relatifs au commerce équitable

Dans son ouvrage « Petite histoire de la mondialisation à l'usage des amateurs de chocolat », dont certains chapitres nous ont été transmis par l'auteur, le fondateur des Amis de la Terre, M. Frédéric Amiel, analyse notamment l'écart qui peut exister entre les promesses et les actions concrètes de certains labels et engagements volontaires dans le secteur du cacao . Il s'agit d'un secteur d'élection du « commerce équitable », au sein duquel se mêlent donc nombre d'engagements visant à préserver la planète ou à améliorer les conditions de vie des producteurs.

Il pointe tout d'abord le fait que parmi les engagements volontaires des entreprises du secteur (Nestlé, Mondelez, Cadbury, Mars, etc.), la plupart « matérialisent plutôt un engagement à soutenir les producteurs dans une démarche d'amélioration de leurs pratiques que des engagements sur les prix d'achat ou sur les conditions de la production ». De fait, ces engagements attestent plus souvent d'une démarche en cours vers la durabilité que son atteinte , contrairement à ce qu'imagine certainement le consommateur.

Par ailleurs, il déplore l'addition sur les emballages d'un grand nombre d'annotations dont les objectifs ou les promesses sont hétérogènes entre elles , ce qui conduirait le consommateur à les regrouper dans un concept vague de « durabilité », au détriment des entreprises qui ont réellement déployé des efforts ambitieux en la matière : « il n'y a rien ou presque de commun entre le label Agriculture biologique, qui garantit un produit sans engrais ni pesticides de synthèse, et le label Cocoa Plan de Nestlé, qui certifie que les producteurs ont bénéficié de campagnes de scolarisation pour leurs enfants et d'une aide à la constitution de coopératives. Pourtant, à moins de maîtriser sur le bout des doigts la sémantique des labels, pour le consommateur ou la consommatrice, tous deux se présentent comme des gages de « durabilité » et, dans l'immédiateté de l'acte d'achat, ces différences fondamentales risquent de devenir anecdotiques ».

Plus grave, « dans les conditions actuelles de production du cacao, la majorité des produits présents sur le marché n'est pas conforme aux exigences des cahiers des charges durables », en raison notamment des nouvelles technologies de stockage et de transport qui entraînent un mélange de différentes productions de cacao venues de différentes zones géographiques. La solution trouvée par les industriels semble symptomatique de ce qui est souvent reproché aux labels (à savoir, valoriser l'image de l'entreprise sans réel engagement ambitieux derrière) : le bilan massique, « qui consiste à considérer que, si un volume donné de cacao équitable entre dans une usine de transformation où il sera mélangé avec du cacao non équitable, un volume équivalent du chocolat produit par cette usine pourra être commercialisé avec le label équitable » . Ce qui veut dire qu'en achetant une tablette de chocolat ainsi labellisée, rien ne garantit au consommateur qu'elle possède les vertus qu'il lui attache grâce au label ; ce dernier lui garantit juste qu'une part de la tablette est « durable », sans savoir quelle proportion.

L'auteur, par ailleurs, considère que le prix minimum garanti, pourtant pivot du commerce équitable, n'est en réalité bien souvent pas respecté , et que les producteurs sont payés en-dessous du cours du marché. Enfin, il déplore la faiblesse du cahier des charges de certains labels et engagements volontaires des industriels : « Les labels UTZ et Rainforest Alliance, eux, sont régulièrement pointés du doigt pour privilégier l'amélioration de la productivité des plantations 50 ( * ) plutôt que leur durabilité. Quant aux engagements des entreprises, en dépit de certaines avancées marginales sur la scolarisation des enfants, ils sont souvent des prétextes pour imposer de nouvelles contraintes aux producteurs afin de mieux conformer les produits aux attentes des entreprises (amélioration des processus de fermentation, augmentation de la productivité à l'hectare) ».

b) En dépit de certaines réglementations sectorielles quant aux allégations autorisées, nombre de situations restent à la limite de la loyauté
(1) Un cadre réglementaire encore assez lâche

Face au constat d'une multiplication des allégations potentiellement trompeuses, les pouvoirs publics (européens et nationaux) sont intervenus à plusieurs reprises pour esquisser une ébauche de cadre réglementaire .

Comme vu supra , la loi AGEC a interdit les mentions « biodégradables », « respectueux de l'environnement » ou toute autre mention équivalente , et a restreint l'usage du terme « compostable ».

Par ailleurs, d'autres allégations environnementales sont interdites , notamment au niveau européen :

• le règlement CLP 51 ( * ) (Classification, Étiquetage, Emballage) interdit que des mentions comme « non toxique », « non nocif », « non polluant », « écologique », ou toute autre mention indiquant que la substance ou le mélange n'est pas dangereux, ne figurent sur l'emballage ou l'étiquette des substances ou mélanges dangereux ;

• le règlement Biocides 52 ( * ) interdit l'emploi des mentions « produit biocide à faible risque », « non toxique », « ne nuit pas à la santé », « naturel », « respectueux de l'environnement », « respectueux des animaux » ou toute autre indication similaire dans l'étiquetage et les publicités des produits biocides.

L'exemple le plus abouti en la matière est la réglementation des allégations nutritionnelles et de santé ( voir partie I, B., 1. a) ).

Pour autant, certaines mentions, y compris environnementales, restent peu réglementées . C'est par exemple le cas du terme « naturel », ainsi que l'a déploré l'Institut national de la consommation en audition (d'autant que l'eau est souvent comprise parmi les ingrédients dits « naturels »), ou de l'allégation « sans ... » (cette mention est toutefois encadrée dans le cas des cosmétiques 53 ( * ) ). Certains produits non-cosmétiques affichent en effet par exemple les termes :

• « sans [nom d'une substance déjà interdite] », comme « sans corticostéroïdes », ou mettent en avant des caractéristiques déjà imposées par la réglementation (« non testé sur les animaux ») ;

• « sans [nom d'une substance] » pourtant invérifiables, comme par exemple « sans perturbateur endocrinien » alors qu'il n'existe pas de définition officielle de ce qu'est un perturbateur endocrinien.

Nous considérons que la multiplication des mentions « sans ... » (hors secteur cosmétique) est susceptible d'entraîner une forme de confusion chez le consommateur, tant certaines de ces allégations peuvent être légitimes tandis que d'autres paraissent clairement trompeuses. Nous appelons donc les régulateurs européens et nationaux à s'emparer du sujet et à définir un ensemble de critères communs au regard desquels la mention « sans ... » pourrait être utilisée (sur le modèle de l'encadrement prévu pour les cosmétiques : conformité avec la législation, véracité, éléments probants, sincérité, équité, choix en connaissance de cause). Ce faisant, des allégations comme « sans eau de Javel » alors que le composant devient lui-même de l'eau de Javel lorsqu'il est mélangé, deviendraient illégales.

(2) Une variété d'exemples de pratiques à la limite de la légalité

Les exemples d'auto-proclamation marketing qui, même légaux, ne sont pas moins susceptibles de susciter la confusion, sont nombreux.

Par exemple, se développent rapidement depuis plusieurs années les noms de marque à connotation environnementale ou vertueuse , notamment dans le secteur des cosmétiques : « We love the planet », « Naturae Bioty », « Love Beauty and Planet », « Douce nature », « Cosmonaturel », etc. Ces noms de marques jouent sur le fait que le consommateur va attribuer aux produits ainsi estampillés des caractéristiques particulièrement vertueuses, alors que la réglementation du nom commercial d'une marque est bien moins stricte que celle de la composition desdits produits. Pour le dire autrement, une marque au nom « positif » peut très bien vendre des produits nocifs .

De même, certaines allégations mettent en avant un produit sur un critère qui, en réalité, ne le distingue pas de ses concurrents (un lait de coco qui indique « végétarien » ou « sans gluten », par exemple).

D'autres allégations sont encore plus clairement trompeuses : « sardines à l'huile d'olive » alors que l'huile d'olive représente 2 % du produit contre 15 % pour l'huile de tournesol, « pain à la farine complète », qui contient bien plus de farine blanche que de farine complète, etc.

Enfin, certains fabricants mettent en avant des informations de toute façon obligatoires, de telle sorte que le consommateur pense qu'il fait là un effort de transparence par rapport à ses concurrents . Cette technique est assez répandue, notamment dans les publicités (par exemple la mise en avant d'une garantie d'un an lors de la vente de produits d'occasion, la présence d'un droit de rétractation, alors qu'il s'agit d'obligations légales).

La plupart des interlocuteurs entendus ont déploré ce « brouillage du paysage » générateur de confusion. Le consommateur, ne sachant pas ce qui est réglementé et ce qui ne l'est pas, traite en effet toutes les informations sans les hiérarchiser par rapport aux réglementations.

Recommandation n° 13 : renforcer la réglementation de certaines allégations pouvant être trompeuses, comme les termes « sans [...] » et « naturel », sur l'ensemble des produits de grande consommation, en prévoyant un ensemble de critères communs et cumulatifs devant être remplis pour pouvoir les employer.

2. Renforcer le cadre des pratiques commerciales trompeuses et développer l'information autour du vrac

Les consommateurs sont en « quête de sens et de réassurance 54 ( * ) », et demandent à ce titre un nombre croissant d'informations sur des thèmes variés : santé, environnement (biodiversité, carbone, consommation d'eau, déforestation, etc.), bien-être animal, origine, traçabilité, RSE, rémunération du producteur (national via un Rémunérascore, ou étranger via le commerce équitable), etc.

Tous les sondages, enquêtes, entretiens qualitatifs, réalisés auprès des consommateurs, confirment cette demande et cette évolution sociétale et, dans certains cas, la disposition du consommateur à payer davantage pour obtenir une qualité plus grande ou un produit plus vertueux. Certes, le « biais de désirabilité sociale », qui peut pousser les répondants à formuler une réponse qui les met en valeur, associé au « biais de confirmation », qui les conduit à retenir avant tout les moments où ils ont effectivement eu un comportement socialement valorisé, joue certainement un rôle en la matière ; mais le niveau très élevé des scores atteints, le quasi-unanimisme dans les réponses aux questions et, surtout, l'évolution des réponses sur plusieurs années, font de ces enquêtes des indicateurs pertinents.

Le graphique suivant, issu des travaux du Credoc, montre par exemple la proportion croissante depuis 30 ans de Français qui répondent être avant tout préoccupés par l'environnement lors de leur achat :

Évolution de la part de Français
ayant répondu en premier ou second « l'environnement »
à la question « qu'est-ce qui vous préoccupe le plus ? »

Source : Credoc.

Par conséquent, les initiatives se multiplient de la part des fabricants et distributeurs, pour apporter ces informations supplémentaires et davantage de transparence : étiquetage environnemental volontaire, labels, informations volontaires sur l'origine du produit, sur le degré de transformation de la denrée alimentaire, mise en avant de l'exploitant agricole à l'origine des matières premières (par exemple dans le lait), en sont autant d'exemples.

Dans les faits toutefois, il ressort des analyses conduites par certaines associations de défense des consommateurs que les informations les plus consultées et les plus déterminantes sont : le prix et l'origine du produit, puis seulement ensuite la nutrition, la marque et les labels, l'impact environnemental et la RSE. Dans l'ensemble, le consommateur rechignerait à traiter plus de 2 ou 3 informations 55 ( * ) . Du reste, 21 % des achats effectués par un échantillon de consommateurs suivis par l'association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) et l'INRA dans le cadre d'une étude 56 ( * ) , étaient réalisés « à l'aveugle », sans qu'aucune information ne soit consultée.

Bien entendu, ce rapport n'ambitionne pas de relater les nombreuses études mettant en lumière cette évolution des attentes des consommateurs, tant le constat est désormais établi.

En revanche, ces nouvelles attentes augmentent parallèlement l'ampleur de la déception, le sentiment d'« à quoi bon », et la défiance des consommateurs, lorsque ces informations sont erronées ou que le consommateur a été victime de tromperie . Plusieurs exemples ont été rapportés en audition : par exemple, des produits « fabriqués en France » mais sans ingrédients français, des produits « à la viande bovine de France » mais qui contiennent du poulet d'origine allemande (en proportions plus importantes que la viande bovine), etc. Pour reprendre les mots d'une association de défense des consommateurs, ces derniers « ont le sentiment d'être pris pour des idiots » lorsque les informations mélioratives leur semblent exagérées, si ce n'est parfois purement inventées. Une autre association a par ailleurs formulé le constat suivant : « trop d'informations tuent l'information et cela engendre un sentiment de méfiance de la part des consommateurs qui ne savent plus vraiment à quelles informations se fier ».

Une étude 57 ( * ) de 2018, réalisée par Opinionway pour French Food Capital , établissait par ailleurs le constat suivant : 65 % des consommateurs considéreraient les informations liées à la composition des produits alimentaires incomplètes, 62 % les jugeraient peu claires et 57 % les trouveraient peu fiables. Plus généralement, 27 % seulement des répondants déclaraient avoir confiance dans tous les labels ou garanties (15 % n'avaient confiance en rien, hormis dans les petits producteurs), et seuls 37 % accordaient leur confiance aux grandes marques de l'alimentaire (l'étude ne portait pas sur les produits non-alimentaires).

Nombre d'interlocuteurs ont appelé de leurs voeux un encadrement plus fort de ces initiatives privées compte tenu du niveau hétérogène des garanties apportées aux consommateurs par ces informations facultatives et (souvent) de leur faible degré de transparence (cf. infra pour les labels).

Il convient par ailleurs de noter que la confusion ressentie par les consommateurs paraît également être accentuée par les errements ou erreurs de certaines mentions facultatives pourtant validées par les pouvoirs publics . Une étude 58 ( * ) d'UFC Que Choisir réalisée avec l'appui de l'Inrae a ainsi conclu, en septembre 2021, que 3 AOP fromagères sur les 8 étudiées et 2 filières Label Rouge sur les 4 analysées n'étaient pas entièrement conformes à leur cahier des charges. Bien entendu, l'impact sur la confiance du consommateur est plus diffus, compte tenu des efforts demandés pour percevoir ce décalage entre la promesse du SIQO et le résultat (il faut se renseigner sur le cahier des charges), par rapport aux informations qui apparaissent immédiatement comme « louches » (lorsque l'origine ou l'ingrédient mis en avant ne correspond que partiellement avec la liste des ingrédients).

a) Compléter la liste des pratiques commerciales trompeuses et renforcer les sanctions de ce délit

Le foisonnement de mentions et allégations sur les produits alimentaires et non-alimentaires qui « jouent » avec les limites de la loi appelle une réponse du régulateur , dans un objectif de protection du consommateur (notamment de sa santé) et de l'environnement.

Nous considérons qu' il importe d'envoyer un signal fort en la matière, afin de limiter progressivement ces pratiques qui profitent notamment des silences de la loi. Nous proposons donc de compléter la liste des pratiques commerciales trompeuses figurant à l'article L. 121-4 du code de la consommation pour tenir compte de ces évolutions. Nous recommandons notamment d'agir en priorité sur :

• les mentions valorisantes qui ne font que respecter les règles légales ;

• et les mentions valorisantes qui mettent en avant des modifications de recettes dites « favorables » tout en passant sciemment sous silence les modifications concomitantes qui seraient « défavorables ».

Par ailleurs, nous proposons de muscler les sanctions pouvant être infligées aux auteurs de telles pratiques trompeuses.

Le régime de sanction pour pratique commerciale trompeuse

Le régime de sanction pour les pratiques commerciales trompeuses a été renforcé par la loi du 17 mars 2014 59 ( * ) . Si elles étaient initialement punies de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 euros d'amende, la sanction est désormais de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende 60 ( * ) (1,5 million d'euros pour une personne morale 61 ( * ) ).

En outre, le montant de l'amende peut être modulé, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Ce taux de 50 % est porté à 80 % lorsque la pratique commerciale trompeuse repose sur des allégations en matière environnementale.

Il s'agit donc d'un délit pénalement répréhensible, le Conseil constitutionnel ayant par ailleurs précisé que le code de la consommation ne prévoit pas de sanction administrative pour ces manquements 62 ( * ) . Des sanctions complémentaires peuvent par ailleurs être prononcées par le juge, comme l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, ou l'exclusion des marchés publics 63 ( * ) .

Le juge d'instruction ou le tribunal saisi des poursuites peut, par ailleurs, ordonner la cession de la pratique commerciale trompeuse.

Il ressort des auditions que ce nouveau régime de sanctions, qu'il ne paraît pas pertinent d'alourdir en matière d'emprisonnement, pourrait toutefois être encore renforcé, afin d'en augmenter le caractère dissuasif. Par exemple, la condition que l'allégation trompeuse doit avoir eu lieu en matière environnementale pour que le montant de la peine soit modulé à 80 % du montant engagé dans la pratique au lieu de 50 %, pourrait être généralisée et devenir le droit commun .

Recommandation n° 16 : muscler le régime des pratiques commerciales trompeuses en :

- complétant la liste de l'article L. 121-4 du code de la consommation par les pratiques qui ont pour objet de : « mettre en avant certaines caractéristiques du produit ou de son mode de production alors qu'elles résultent uniquement de prescriptions légales » ;

- en complétant la même liste par les pratiques qui ont pour objet de : « mettre en avant une modification de la composition du produit ou service destiné à avoir des effets bénéfiques sur l'environnement, la santé du consommateur et son bien-être tout en ne mentionnant pas clairement les autres modifications de ladite composition qui pourraient avoir un effet inverse à celui mis en avant » ;

- en autorisant le juge à porter le montant de l'amende à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la pratique commerciale trompeuse dans tous les cas, et non uniquement lorsque la pratique en question repose sur des allégations en matière environnementale.

Nous avons conscience que la liste des pratiques commerciales trompeuses est normalement fixée par le droit européen. Mais nous prenons acte des propos tenus dans l'hémicycle du Sénat par le ministre de l'agriculture à l'occasion de l'examen de la loi « Egalim 2 », qui indiquait alors, au sujet de la répression de la tromperie liée à l'affichage d'un drapeau français sur les produits alimentaires (art. 3 bis ) : « Mme la rapporteure a raison : le problème de la compatibilité avec le droit européen est réel. Il me semble toutefois que, si le Parlement votait sur le sujet, il enverrait un message et permettrait d'appuyer les efforts que nous déployons au niveau européen pour faire évoluer les doctrines européennes qui empêchent l'application efficace de ces dispositions ». Nous considérons que le sujet de la tromperie du consommateur via ces allégations toujours plus nombreuses justifie, justement, que le droit national évolue plus rapidement que le droit européen .

b) Combler le manque actuel d'information autour du vrac

La demande croissante d'informations, formulée par les consommateurs, peut sembler contradictoire avec certaines évolutions récentes du commerce : le développement du vrac limite les possibilités d'informer, la réduction de la taille des emballages restreint la surface sur laquelle apposer ces informations, l'essor du commerce en ligne distend le lien entre l'acheteur, le produit et les informations qui figurent d'ordinaire sur l'emballage.

Par conséquent, la combinaison des différents impératifs est rendue plus complexe : d'une part, la lutte contre le gaspillage (en permettant d'acheter la juste quantité souhaitée grâce au vrac), de l'autre côté une information plus étoffée du consommateur. En outre, dans le cas du vrac, des problématiques spécifiques se posent quant à la sécurité sanitaire et la traçabilité des denrées (notamment aval, pour déterminer quel client a acheté les denrées concernées par un éventuel incident).

Nous considérons que l'information du consommateur doit rester exigeante, quelle que soit la modalité de vente . Dans le droit en vigueur, issu du règlement INCO de 2011 (cf. supra ), les informations obligatoires pour les denrées alimentaires non-préemballées (ce qui concerne donc le vrac) se résument pourtant à la dénomination de la denrée, aux allergènes et, le cas échéant, au lieu de naissance, d'élevage et d'abattage pour la viande bovine. Or, compte tenu des problématiques sanitaires que peut soulever le vrac, il importe de prévoir la mise à disposition, à proximité immédiate des lieux de vente, d'informations supplémentaires 64 ( * ) .

Recommandation n° 12 : pallier le manque d'information concernant les produits vendus en vrac en prévoyant, au-delà des informations déjà obligatoires :

- la mention de la date limite de consommation ou de la date de durabilité minimum ;

- la mention du mode d'emploi (mode de conservation, modalités de préparation, d'utilisation) ;

- des éléments d`identification des produits (comme le numéro de lot) afin de permettre d'éventuelles procédures de rappel.


* 50 Car ces labels partent du principe qu'une plus grande production à l'hectare permettra d'éviter l'augmentation de la surface des exploitations.

* 51 Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006.

* 52 Règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides.

* 53 DGCCRF, ANSM, « Allégations "sans" dans les produits cosmétiques : précisions des autorités de contrôle ».

* 54 Audition de Mme Céline Gallen, du 20 mai 2022.

* 55 Selon l'étude, « des différences d'effort pour s'informer ont été observées entre les participants. Les personnes avec de faibles niveaux de vie ou d'études ont consulté un nombre d'informations moins important que celles de niveaux supérieur ». Par ailleurs, « l'origine a constitué la référence privilégiée des plus âgés et des moins éduqués, alors que le label tendait à être la référence des consommateurs plus favorisés et de ceux qui font les courses alimentaires occasionnellement ».

* 56 CLCV, INRA, « L'étiquetage au service d'une alimentation durable : le point de vue des consommateurs », février 2017.

* 57 Opinionway pour Frenchfoodcapital, « Les Français et l'alimentation : confiance, attentes d'informations et perception de la qualité des produits », octobre 2018.

* 58 UFC-Que Choisir, Greenpeace, WWF, « Labels alimentaires et signes de qualité : des promesses non tenues : une révision s'impose ! », 28 septembre 2021.

* 59 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 60 Art. L. 132-2 du code de la consommation.

* 61 Art. 131-38 du code pénal.

* 62 QPC, Décision n° 2019-790 QPC du 14 juin 2019.

* 63 Art. 131-39 du code pénal.

* 64 Anses, note d'appui scientifique et technique relative à un projet de décret prévoyant une liste d'exceptions à l'obligation de vente en vrac prévue à l'art. L. 120-1 du Code de la consommation pour des raisons de santé publique, saisine n° 2021-SA-0051.

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