B. UN FINANCEMENT DEVENU INSUFFISANT ET UN RESTE À CHARGE TROP ÉLEVÉ, EN PREMIER LIEU POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Un niveau de financement trop bas au regard du coût moyen d'une maison France services et de l'importance que l'État accorde au programme
a) Un coût des maisons France services élevé
(1) Un coût moyen des maisons France services supérieur à 100 000 euros

D'après la DGCL, le coût moyen de fonctionnement des MSAP s'établissait à 65 000 euros par an en 2017 .

La montée en gamme découlant du cahier des charges des maisons France services, en particulier l'obligation du recrutement d'un second agent, a entraîné une augmentation des dépenses des structures, sans que le forfait n'ait quant à lui augmenté.

La DGCL a indiqué au rapporteur spécial que « au niveau national, il n'existe pas de consolidation de données quant aux coûts de fonctionnement des France services ». L'IGA est cependant parvenue à chiffrer à environ 110 000 euros le coût moyen annuel d'une maison en 2020 , sur la base de 376 réponses au questionnaire de la mission. La Poste estime quant à elle que le coût moyen de fonctionnement annuel d'une France services portée par la Poste est de 150 000 euros environ, dont les deux tiers sont constitués de frais de personnel.

Cependant, des écarts importants persistent selon les maisons, essentiellement liés au nombre d'agents présents dans la France services. Le coût d'une maison France services en quartier prioritaire de la politique de la ville est ainsi estimé à 200 131 euros , soit près du double du coût moyen. Comme indiqué plus haut, cet écart est lié à un nombre d'agents autour de 4,5 en moyenne.

Coût moyen d'une maison France services en 2020 selon son implantation

Implantation de la maison France services

Nombre moyen d'agents par maison

Coût moyen (en euros)

Zone rurale

2,2

93 843

Péri-urbain

2,5

101 479

Quartier prioritaire de la politique de la ville

4,5

200 131

Outre-mer

4,2

77 444

Source : commission des finances d'après la DGCL et d'après l'IGA

Au-delà de l'implantation, le coût moyen d'une maison France services varie également selon le type de porteur de projet. Les dépenses prévisionnelles en 2021 étaient les plus élevées pour les maisons qui étaient rattachées au réseau Pimms (dont le nombre d'ETP est très élevé : 5,7 ETP en moyenne) et dont la majorité des implantations se situent en zone urbaine et QPV, soit en moyenne 210 000 euros. En revanche, le coût moyen d'une MSAP Pimms était à peu près équivalent, le passage à France services n'ayant selon l'IGA entraîné une hausse que de 1 % du budget annuel environ.

Viennent ensuite les départements dont les maisons et les bus ont un coût moyen de 124 000 euros pour 2,8 ETP . Les France services portées par des associations (hors Pimms) se situent autour de 110 000 euros de dépenses annuelles avec 2,1 ETP en moyenne. Enfin, les autres collectivités, communes et EPCI, prévoyaient respectivement 91 939 et 103 555 euros de dépenses en 2021 pour 2,5 et 2,2 ETP .

Ce sont les maisons portées par des collectivités qui ont le plus touchées par le passage des MSAP aux France services (+ 26 % en moyenne entre 2019 et 2020) .

Il convient de noter que, selon les informations transmises au rapporteur spécial, ces chiffres n'intègrent pas les coûts de formation des agents France services au niveau local. Une modélisation devrait être en cours pour les estimer plus précisément, ce qui est impératif pour avoir une vision exhaustive du coût du programme.

(2) Mieux intégrer les coûts de fonctionnement des collectivités dans l'évaluation du coût des maisons

Le rapporteur spécial a pu constater à de multiples reprises lors des déplacements qu'il a effectués que les budgets des maisons France services n'intégraient généralement pas l'ensemble des coûts qui en découlent (mise à disposition et entretien des locaux, fourniture d'énergie, etc.). Il semble donc que le coût moyen d'une maison puisse être encore plus élevé que les estimations de l'IGA.

Il est nécessaire de retracer dans une comptabilité analytique, voire si possible un budget annexe, les frais liés au fonctionnement de la maison pour la collectivité .

Plus largement, aucune donnée n'existe au niveau national sur l'apport en nature des porteurs de projets, qui augmente encore leur reste à charge. Le rapporteur spécial considère qu'il serait opportun de consolider ces données au niveau national, ce qui implique que les porteurs de projets prennent en amont conscience de l'ensemble des dépenses pour les intégrer dans leurs budgets.

b) Face au coût du programme France services pour les porteurs de projets, une nécessaire hausse de la participation de l'État
(1) Le programme France services est en réalité essentiellement à la charge des porteurs de projets

Si le coût moyen d'une maison France services est d'environ 110 000 euros, le reste à charge moyen pour les porteurs de projet, une fois décompté le forfait de 30 000 euros, est donc de 80 000 euros . En d'autres termes, le forfait finance à peine plus du quart des coûts de fonctionnement d'une maison France services .

Environ 70 % des élus ayant répondu à la consultation effectuée par le rapporteur spécial considèrent que le financement apporté par le forfait est insuffisant ou très insuffisant .

Réponse des élus locaux à la question « Jugez-vous que le financement apporté annuellement par l'État et les opérateurs au fonctionnement d'une maison France services est »

Source : réponses des élus locaux au questionnaire du rapporteur spécial sur la plateforme de consultation du Sénat

Ces chiffres sont cohérents avec ceux avancés par les associations d'élus. Les réponses de l'AMF au questionnaire adressé par le rapporteur spécial indiquent que « l'enveloppe qui permettait de financer pour moitié les anciennes MSAP ne représente plus, en moyenne, que 40 % des charges des structures avec l'obligation d'avoir deux agents présents. Mais elle peut même être réduite à moins de 25 % dans certaines structures ».

Les estimations de l'IGA vont également dans le même sens. Selon la mission, seuls 28 % du coût réel du réseau France services sont financés par le FNADT et les opérateurs .

La mission souligne là encore d'importantes différences selon les porteurs de projet. La mission de l'IGA indique également que le reste à charge varie selon l'implantation géographique de la maison France services .

En outre, dans certains territoires (très peuplés ou à l'inverse très peu denses et très étendus), une même collectivité peut porter plusieurs maisons France services. Le calcul du reste à charge ne dépend alors pas uniquement du coût de la maison mais de celui de l'ensemble des maisons situées sur le territoire de la commune.

En termes de financement, France services représente donc à l'heure actuelle moins une politique de l'État qu'une politique locale prise en charge essentiellement par les porteurs de projets, et en premier lieu les collectivités.

(2) Une participation de l'État qui doit progresser pour être à la hauteur de l'ambition du programme France services

Il est indéniable que la participation de l'État a constitué un réel effet levier pour la création de nouvelles maisons France services . Cependant, la part très importante de reste à charge finira sans doute par avoir un effet désincitatif et pourrait à terme constituer un frein à leur développement.

Alors que France services est un programme considéré comme une réussite du Gouvernement, le rapporteur spécial considère que l'État doit mettre les moyens à la hauteur des enjeux d'accessibilité aux services publics.

Les objectifs sont doubles. D'une part, il est fondamental de s'assurer d'une réelle pérennisation dans le temps des France services et de leur financement par l'État et les opérateurs . Le Gouvernement doit en premier lieu rassurer les acteurs locaux sur le soutien financier de l'État au programme France services. En second lieu, il est nécessaire de donner de la visibilité sur les financements , non seulement aux opérateurs comme cela a été évoqué plus haut, mais surtout aux porteurs de projets et en premier lieu aux collectivités.

Le deuxième enjeu est bien entendu celui du niveau de financement apporté par l'État et les opérateurs et de la maîtrise du reste à charge pour les porteurs de projet.

Le montant du forfait doit en outre être aligné avec les ambitions qu'il est nécessaire d'avoir en termes de perspectives de développement de ces maisons et de nombre d'opérateurs.

Selon le rapporteur spécial, la cible doit être un forfait finançant la moitié du coût médian d'une maison France services, soit 50 000 euros par maison, donc un reste à charge compris en 50 000 et 60 000 euros en moyenne .

Cela représente une hausse de 20 000 euros par maison, soit, selon l'objectif de 2 500 France services, 50 millions d'euros supplémentaires . Le financement devant selon le rapporteur spécial rester paritaire entre l'État et les opérateurs, les dépenses sur le programme 112 augmenteraient donc de 25 millions d'euros , soit 61 millions d'euros au total contre 36 millions aujourd'hui.

Cette hausse serait de la même ampleur pour les opérateurs. Dans l'hypothèse d'un nombre d'opérateurs constants, elle serait comprise entre 1,5 et 3 millions d'euros par opérateur, une augmentation qui pour être conséquente n'en semble pas moins absorbable. Néanmoins, le rapporteur spécial est d'avis que de nouveaux partenaires devraient rejoindre le programme, comme il le développera plus bas. Dans cette hypothèse, la hausse serait absorbée par les nouveaux opérateurs, de sorte que la contribution des opérateurs actuels resterait inchangée.

Schéma de financement dans l'hypothèse d'un forfait de 50 000 euros
par maison France services

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial est conscient de l'importance des montants en jeu. Mais les arguments en faveur de cette hausse sont triples :

- d'une part, il est certain que, dans la mesure où France services représente aujourd'hui un des programmes phares du Gouvernement et une priorité de l'Agenda rural, celui-ci doit pouvoir mettre les moyens qui correspondent à ses ambitions ;

- d'autre part, le modèle financier actuel des maisons France services n'est pas soutenable à moyen terme pour les porteurs de projet , en particulier pour les collectivités en milieu rural qui financent parfois plusieurs maisons ;

- enfin, les enjeux d'accessibilité et de facilité des services publics méritent selon le rapporteur spécial que l'État y consacre 61 millions, ce qui reste comparativement limité pour une politique qui fonctionne et qui répond aux besoins de la population .

Recommandation n° 1 : Porter la contribution cumulée de l'État et des opérateurs à 50 % du coût minimal d'une maison, soit 50 000 euros par an et par maison, tout en maintenant la parité entre État et opérateurs nationaux. (État et opérateurs)

c) L'enjeu de la pérennisation des financements des conseillers numériques France services

En parallèle du réseau des maisons France services, le plan France Relance prévoit de financer le recrutement de 4 000 conseillers numériques France services. L'État prend en charge la totalité du salaire des conseillers numériques pendant 18 à 24 mois sur la base d'un SMIC et finance également la formation de prise de poste.

Le dispositif Conseillers numériques France Services a été annoncé en novembre 2020 et l'État en a confié l'opérationnalisation à la Banque des Territoires dans le cadre d'une convention de mandat signée en avril 2021 entre la DGCL, l'ANCT et la Caisse des dépôts. Comme pour le programme France services, l'ANCT est en charge du pilotage du dispositif , de la coordination territoriale et de la sélection des structures d'accueil en relation avec les préfets de département ainsi que du développement des plateformes numériques de recrutement et d'outillage des structures et des Conseillers numériques.

L'objectif des conseillers numériques France Services est d'accompagner les usagers en difficulté avec le « numérique du quotidien » au travers d'un accompagnement individuel ou d'ateliers collectifs d'initiation au numérique.

Le dispositif monte actuellement en puissance : d'après la DGCL, en mars 2022, 2 441 conseillers numériques déjà formés et en poste avaient d'ores et déjà réalisé plus de 211 007 accompagnements . L'objectif de 4 011 conseillers numériques recrutés et formés devrait donc être atteint à l'été 2022.

Le rapporteur spécial a pu constater sur le terrain l'efficacité du dispositif, qui répond à un immense besoin d'accompagnement numérique et dont la démarche « d'aller vers » permet de toucher des publics très éloignés des services publics et de leur dématérialisation.

En dépit de leur appellation, seuls 35 % à 40 % des conseillers numériques France services sont intégrés à des maisons . Environ 46 % des conseillers numériques sont rattachés à d'autres structures, notamment associatives. Il s'agit donc d'un programme complémentaire à l'action des agents des espaces France Services et les conseillers numériques n'ont pas vocation à remplacer un agent France services . Le rapporteur spécial considère toutefois que les conseillers numériques ont toute leur place dans les maisons France services, les missions de ces derniers étant cohérentes avec les objectifs du programme France services. Il est souhaitable que chaque maison France services puisse accueillir un conseiller numérique, il y va de la réussite de la politique d'inclusion numérique.

Une mission d'évaluation du dispositif des conseillers numériques par des chercheurs est en cours. Le rapporteur spécial sera très attentif à ses conclusions.

Le budget total du programme sur les deux dernières années était de 200 millions d'euros. Alors qu'aucun crédit n'est prévu à ce titre au-delà de 2022, le rapporteur spécial s'interroge sur l'avenir de ces recrutements , alors que le besoin est réel et ne saurait se résoudre par un renfort ponctuel. Il est donc crucial d'aller au-delà des deux ans de financement de l'État, d'autant plus que le coût d'un conseiller numérique s'ajoute souvent pour une collectivité à celui d'une maison France services. L'État doit donc prolonger son soutien financier à ce dispositif.

Recommandation n° 2 : Pérenniser le dispositif des conseillers numériques France services en les adossant aux maisons et garantir une véritable visibilité budgétaire au programme en maintenant le niveau actuel de participation de l'État sur la durée. (Ministère de la transformation et de la fonction publiques - DGCL - ANCT) .

2. La forfaitisation, un acquis à maintenir pour garantir un socle commun dans tous les territoires
a) Préserver les collectivités les moins riches : la modulation selon la fréquentation, une « fausse bonne idée » qui créerait un réseau à deux vitesses

D'après les informations fournies au rapporteur spécial, il pourrait être envisagé d'introduire des modalités de financement et de fonctionnement différenciées selon les maisons. En particulier, certains considèrent qu'il serait possible d'augmenter le forfait uniquement pour les maisons France services les plus fréquentées ou celles où les agents sont les plus nombreux , ce qui revient à accorder une bonification pour les maisons situées en QPV.

Lors de son audition, la DGCL a indiqué qu'il serait possible de différencier les financements en fonction des catégories de maisons France services, en distinguant celles nettement plus fréquentées ; celles dans des zones très vulnérables ou enfin un dispositif spécifique pour les maisons en QPV ayant également des problématiques de sécurité plus importantes.

Le rapporteur spécial est d'avis que la modulation selon la fréquentation irait totalement à rebours de l'objectif de France services de garantir des services identiques aux usagers dans tous les territoires . Les territoires les plus isolés, et plus largement les zones rurales où la fréquentation en valeur absolue est moindre, ne verraient pas leurs moyens augmenter, alors que ce sont généralement les collectivités dont les moyens financiers sont les plus réduits.

En tout état de cause, la mesure de la fréquentation n'est selon le rapporteur spécial acceptable que dans le cadre de ratios prenant en compte le bassin de population (ou de la zone de chalandise) de la maison.

Autre limite, le financement à la fréquentation revient également à faire dépendre le financement de l'investissement local des opérateurs , dans le sens où les maisons seraient financièrement pénalisées si les opérateurs ne jouaient pas le jeu. Par ailleurs, cela a déjà été souligné, les systèmes de reporting (qui fonctionnent sur du déclaratif) ne sont pas assez robustes actuellement pour réellement faire dépendre les financements de la fréquentation.

Enfin, la tarification selon la fréquentation irait à l'encontre de l'objectif d'assurer un vrai accompagnement individualisé aux usagers , en instaurant une forme de logique de rendement qui n'a selon le rapporteur spécial pas lieu d'être s'agissant de l'accès aux services publics.

Pour l'ensemble des raisons exprimées ci-dessus, le rapporteur spécial ne saurait trop souligner la nécessité de ne pas s'engager sur la voie de la modulation du financement selon la fréquentation des maisons.

b) Maintenir le principe du forfait pour ne pas accentuer les inégalités entre les maisons

Au-delà de la modulation selon la fréquentation, plusieurs hypothèses ont été soulevées au cours des auditions devant le rapporteur spécial. Ont ainsi été évoquées pêle-mêle des idées de modulation des financements selon l'amplitude des plages d'ouverture des maisons, de la qualité du service rendu, de la diversité des partenariats locaux, du nombre d'actes les plus coûteux effectués dans les maisons, etc .

Si certaines de ces possibilités peuvent paraître intéressantes de prime abord, elles se heurtent le plus souvent à des difficultés opérationnelles . Par exemple, il n'existe pas à l'heure actuelle de base de données recensant les partenariats locaux. Les critiques soulevées à l'encontre du système de reporting limitent pareillement la tarification en fonction d'une typologie d'actes. Quant à la qualité du service rendu, elle est également difficilement objectivable à court terme.

S'agissant de la bonification pour les maisons réalisant des services supplémentaires, cela revient à une forme d'achat de prestations pour les opérateurs non inclus dans le bouquet national. Les maisons disposant du plus grand nombre de partenaires locaux, c'est-à-dire les plus anciennes, seraient donc les premières bénéficiaires de cette modulation. Cela conduirait donc à « geler » les différences entre les maisons historiques et les maisons nouvellement créées, même si le rapporteur spécial admet que cela serait incitatif à la conclusion de nouveaux partenariats.

Le rapporteur spécial exprime la crainte que l'introduction de nouvelles modulations, c'est-à-dire un financement à géométrie variable, ne réintroduise de l'hétérogénéité entre les maisons, ce que le système du forfait cherchait précisément à éviter. Il s'agit d'éviter la création d'un réseau France services à deux vitesses.

Recommandation n° 3 : Maintenir le modèle de financement forfaitaire, en évitant tout recours à des systèmes de modulation selon la fréquentation qui ouvrirait la voie à des maisons France services à deux vitesses (DGCL - ANCT )

3. Diversifier les sources de financement des maisons France services
a) Une extension nécessaire du nombre des opérateurs nationaux dans le prolongement des expérimentations en cours

Comme indiqué plus haut, l'élargissement à de nouveaux opérateurs est souhaitable en termes de qualité et d'offre de services pour les usagers . Mais il constituerait également une réponse partielle aux difficultés de financement du programme et à la hausse des contributions pour les neuf partenaires actuels. Cela serait d'autant plus vrai dans l'optique de la hausse du forfait souhaitée par le rapporteur spécial. L'arrivée de nouveaux opérateurs nationaux permettrait en effet d'absorber cette augmentation et de maintenir le niveau de participation des partenaires actuels.

Cette recommandation figurait déjà dans le rapport de la Cour des comptes en 2019, à l'époque s'agissant des MSAP. La Cour indiquait ainsi que « pour faire face au déséquilibre structurel de financement, il serait souhaitable que de nouveaux partenaires participent au fonds inter-opérateurs, en sus des sept opérateurs initiaux ».

D'autres ministères bénéficient de la mission apportée par les France services sans participer à leur financement. C'est en particulier le cas du ministère de la transition écologique avec « Ma prime rénov' », dans la mesure où la DGCL a indiqué au rapporteur spécial que « les agents France services sont néanmoins formés à accompagner et orienter ce type de démarches depuis mi-2021 ». Il serait donc juste par rapport aux autres opérateurs de rééquilibrer les contributions financières en tenant compte du service déjà apporté.

En outre, les expérimentations en cours s'agissant de l'association de la Banque de France et du réseau des Points information jeunesse devraient également se traduire en termes budgétaires lors de la négociation de la nouvelle convention entre l'État et les opérateurs.

b) Encourager le financement sur fonds propres par la rentabilisation des espaces France services et la mutualisation avec d'autres services

La circulaire de juillet 2019 sur la création de France services indiquait aux préfets : « La mutualisation avec des structures et services préexistants (mairies, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), sous-préfectures, trésoreries, gendarmeries, centres sociaux, tiers-lieux, locaux associatifs) devra être vivement encouragée ». La Charte France services précise également que « les structures France Services veillent par ailleurs à favoriser l'accès à l'offre culturelle locale (information, diffusion, pratique), soit à la faveur d'une co-implantation ou d'une mutualisation avec un équipement culturel (bibliothèque), soit par des partenariats avec des structures culturelles du territoire ».

Extrait des critères de labellisation relatifs à la mutualisation des services
dans la Charte France services

Source : Charte France services

Or l'esprit de la circulaire semble ne pas avoir toujours été perçu. L'AMF a ainsi indiqué au rapporteur spécial le cas d'une communauté de communes rurale de la Loire qui n'avait pas pu obtenir le label France service car le deuxième poste était mutualisé entre l'accueil de la communauté de communes et la MSAP. Le rapporteur spécial souligne que la mutualisation des infrastructures et des personnels constitue la seule manière pour les petites collectivités de parvenir à financer le dispositif .

Au-delà des bénéfices strictement budgétaires, la mutualisation permet de simplifier l'accès à un plus grand nombre de services pour les usagers , voire à enclencher un cercle vertueux. Le rapporteur spécial a par exemple connaissance de maisons France services mutualisées avec des offices de tourisme qui permettent aux touristes de découvrir la maison France services, tandis que les usagers de la maison France services sont incités à redécouvrir l'office de tourisme. Le regroupement de différents services nationaux et locaux s'inscrit pleinement dans le cadre de la logique du réseau France services.

Il convient selon le rapporteur spécial d'encourager la mutualisation entre les maisons France services et d'autres structures locales, notamment en la valorisant davantage lors de la labellisation puis en la mettant au coeur des échanges de bonnes pratiques entre élus. L'ANCT a indiqué au rapporteur spécial qu'il n'existait pas de base de données nationale sur les France services dont les espaces ou les agents étaient mutualisés avec d'autres structures. La constitution d'une telle base de données semble pourtant un élément important de connaissance du réseau.

Recommandation n° 6 : Encourager la mutualisation des services avec les structures locales, en particulier en secteur rural. (Porteurs de projets)

Outre la question de la mutualisation, le rapporteur spécial considère que l'accroissement de la capacité d'autofinancement des petits EPCI ruraux ou communes isolées portant une France services passe par un encouragement à la location de bureaux ou d'espaces dans le cas de permanences régulières de partenaires locaux .

Location de bureaux à des partenaires effectuant des permanences dans la maison France services - Quelques exemples du Cantal

Lors de son déplacement, le rapporteur spécial a visité plusieurs maisons France services dans le Cantal qui disposaient d'un grand nombre de partenaires locaux. Les responsables de ces maisons ont indiqué que la maison France services louait ses espaces dès que la présence de ces partenaires passait par la mise à disposition d'un bureau exclusif ou permanent.

Nombre de rendez-vous pris avec un partenaire de la maison France services

France services de Ruynes-en-Margeride France services de Pierrefort

Ces locations ont permis de dégager une capacité d'autofinancement de la maison France services de 13 000 euros dans le premier cas et de 15 000 euros dans le second.

Source : Saint-Flour Communauté

c) Systématiser la recherche de fonds européens

Le rapporteur spécial a plusieurs fois observé des MSAP ou des maisons France services qui ont bénéficié de financements européens pour leur création . Il convient de soutenir cette démarche, d'une part en faisant connaître cette possibilité aux collectivités, d'autre part en accompagnant les collectivités, y compris celles dont les moyens en termes d'ingénierie de projets sont les plus réduits mais où une maison France services est nécessaire.

Les fonds européens peuvent être mobilisés en faveur d'investissements, soit pour la création de nouvelles maisons, soit pour la mise en place de projets particuliers nécessitant des investissements spécifiques.

La DGCL considère que des financements par le biais du fonds européen de développement régional (FEDER) sont adaptés à l'investissement France services. Les régions sont les autorités de gestion des crédits FEDER. Le rapporteur spécial indique qu'il pourrait donc être intéressant, dans le cadre des contrats de plan État-régions, de flécher une part des crédits européens à la main des régions vers des projets France services .

Le FEDER n'est pas le seul fonds européen qui pourrait être mobilisé dans le cadre des France services. La DGCL a indiqué dans sa réponse au questionnaire que « la logique d'intervention du fonds social européen (FSE +) vise l'accompagnement des personnes, a contrario du FEDER qui vise les investissements physiques dans les territoires, et conviendrait davantage aux projets des France services ». Le FSE + ayant pour objectif d'améliorer l'inclusion de personnes en difficulté, le rapporteur spécial considère qu'il répond aux objectifs du programme France services d'inclusion numérique et de cohésion sociale et il pourrait donc être mobilisé pour des actions en ce sens .

En revanche, le rapporteur spécial émet des doutes sur la capacité de l'ANCT, en l'état actuel des moyens dont elle dispose, à mettre à disposition une ingénierie permettant aux collectivités de bénéficier du FSE +. Il convient donc de mener une réflexion sur l'accompagnement des collectivités pour mobiliser ces financements. Le rapporteur spécial souhaite qu'une réflexion soit engagée au niveau national pour envisager la possibilité d'une procédure simplifiée, voire automatique, permettant aux maisons France services qui conduisent des actions d'inclusion sociale et numérique de bénéficier de ces financements européens.

Recommandation n° 4 : Mobiliser les fonds européens, (notamment le fonds social européen) pour accompagner les actions d'inclusion sociale et numérique portées par les maisons France services. (Direction du budget - DGCL)

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