III. PÉRENNISER, DIVERSIFIER ET RENFORCER LE FINANCEMENT DU PROGRAMME FRANCE SERVICES

A. UN SYSTÈME DE FINANCEMENT PARTAGÉ ENTRE ÉTAT, OPÉRATEURS ET PORTEURS DE PROJETS

Le système de financement des maisons France services est à l'heure actuelle le fruit du compromis qui avait été trouvé entre l'État et les opérateurs pour le financement des MSAP . L'accroissement du nombre de maisons France services rend indispensable une remise à jour de ces paramètres, s'agissant tant du niveau de financement apporté par l'État et les opérateurs que du mode de calcul des contributions .

1. Un système de double financement hérité des MSAP désormais forfaitisé

Le système de double contribution de l'État et des opérateurs aux maisons France services au travers de deux fonds différents découle de l'architecture financière des MSAP.

a) Les limites du modèle de financement des MSAP

Le financement des MSAP s'appuyait d'une part sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) côté État, toujours utilisé pour les maisons France services, et d'autre part sur un fonds ad hoc , le fonds national inter-opérateurs (FIO), côté opérateurs, créé en 2015.

Le fonds inter-opérateurs a été doté de 19,4 millions d'euros à sa création avec une montée en charge progressive sur 3 ans, en vue de financer 1 000 maisons. Le fonds fonctionnait dès ses débuts sur un principe de financement paritaire entre État et opérateurs, pour un montant total variable mais compris entre 20 000 et 30 000 euros par maison .

Le fonds inter-opérateurs était en déséquilibre constant . Son déficit s'élevait pour la seule année 2018 à 8,4 millions d'euros et à 12,6 millions d'euros depuis 2015. La Cour des comptes avait donc en 2019 qualifié ce mode de financement « d'impasse » 12 ( * ) , indiquant que « pour faire face à ce déséquilibre structurel de financement, qui se traduit par un décalage dans le versement des subventions, il serait souhaitable que de nouveaux partenaires participent au fonds inter-opérateurs, en sus des sept opérateurs initiaux ».

Les structures postales étaient quant à elles financées par le fonds postal national de péréquation territoriale , à hauteur de 50 % des charges d'une MSAP postale, estimées à 32 000 euros. Le solde était financé comme pour les autres MSAP par le fonds inter-opérateurs.

D'autre part, la Cour indique qu'une part significative du financement des MSAP était « assumée par les collectivités locales, ce qui n'est pas de nature à en garantir la pérennité ». Le coût de fonctionnement des 650 MSAP non postales était évalué par la Cour à 42 millions d'euros, soit 65 000 d'euros en moyenne par maison , pour un financement État et opérateurs compris entre 20 000 et 30 000 euros, soit un reste à charge moyen de 35 000 euros minimum , le plus souvent supporté par les collectivités. D'après la Cour des comptes, pour l'État, le coût du fonctionnement des MSAP représentait 27 millions d'euros.

Autre limite du système de financement des MSAP, la Cour des comptes pointait un coût de la demande unitaire très élevé, d'environ 55 euros par demande formulée dans une MSAP, compte tenu de la faiblesse de la fréquentation des maisons.

Coût de la demande unitaire dans les MSAP en 2017

(en euros)

Source : Cour des comptes, 2019

Ce coût de la demande unitaire était plus particulièrement élevé pour certains opérateurs : 213 euros pour la MSA, 67 euros pour la CNAM ou 57 euros pour la CNAV, « à mettre en regard de celui d'une visite d'un allocataire ou d'un assuré au sein de leurs propres réseaux. Pour la branche famille par exemple, le coût d'une visite dans un point de contact du réseau CAF s'élève à 10 euros, alors que la visite en MSAP relative à un sujet CAF s'élève à 39 euros ».

Selon la Cour des comptes, les principales difficultés du système de financement des MSAP étaient donc les suivantes :

- un poids du financement reposant en grande partie sur les collectivités ;

- le déficit du fonds inter-opérateur ;

- les inégalités du financement selon les maisons du fait du financement variable.

Si plusieurs de ces aspects ont été améliorés dans le cadre des maisons France services, certaines de ces difficultés persistent cependant et seront développées plus bas.

b) Le maintien en 2019 de l'architecture budgétaire des MSAP, malgré la mise en place d'un système forfaitaire

En 2019, lors de la transformation des MSAP en France services, le choix a été fait de forfaitiser les financements, afin de limiter les inégalités entre maisons et entre territoire s. Désormais, la subvention attribuée aux structures labellisées est de 30 000 euros par maison, soit une somme qui correspond à ce que percevaient déjà la majeure partie des MSAP. Ce forfait se décompose comme suit :

- pour les structures postales, le fonds postal national de péréquation territoriale finance 26 000 euros et le fonds national France Services (FNFS) finance à hauteur de 4 000 euros ;

- pour les structures non postales, le FNFS finance à hauteur de 15 000 euros ; le FNADT apporte également un financement de 15 000 euros par an et par maison .

Le système de financement paritaire entre État et opérateurs a quant à lui été maintenu. En dehors du cas particulier des France services postales, le forfait est pris en charge à 50 % par le FNADT et à 50 % par un nouveau fonds, le fonds national France Services (FNFS), né de la transformation du fonds inter-opérateurs. Ce changement a permis d'apurer la dette du FIO en négociant son annulation avec les opérateurs au travers de contributions complémentaires de certains partenaires.

Schéma du financement du forfait de 30 000 accordé aux maisons France services

(en euros)

Source : commission des finances

2. Une contribution de l'État en hausse du fait de l'augmentation du nombre de maisons France services

Le mode de financement de France services, impliquant les différents partenaires nationaux, l'ANCT, la DGCL et la Banque des territoires, rend complexe le calcul des dépenses totales relatives au programme France services et la prise en compte du reste à charge pour les porteurs de la maison.

a) Les dépenses de l'État financent essentiellement la moitié du forfait accordé à chaque maison
(1) Des dépenses d'investissement par le biais des dotations aux collectivités dont l'ampleur reste limitée

Les dépenses d'investissement de l'État pour le réseau France services sont indirectes. Elles passent par les dotations d'investissement que sont la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Entre 2020 et 2021, la DETR a financé 231 projets pour un montant total de subvention de 12,6 millions d'euros. Sur la même période, la DSIL a financé 78 France services pour un montant total de subvention de 6,9 millions d'euros.

D'après la DGCL, depuis 2020, 15 % des France services ont fait l'objet d'un financement au titre de la DSIL ou de la DTER . Le taux de subvention moyen est d'environ 35 %.

Nombre de maison France services ayant bénéficié de dotations d'investissement

(en euros et en pourcentage)

Nombre de maisons France services subventionnées

Coût total des opérations

Montant total de subvention allouée

Taux de subvention moyen

2020

DETR

69

14 766 149,86

5 363 783,61

36,32 %

DSIL

20

9 679 181,22

2 558 815,20

26,44 %

2021

DETR

162

20 082 311,62

7 259 569,58

36,15 %

DSIL

58

11 198 143,57

4 340 074,23

38,76 %

Total

309

55 725 786,27

19 522 242,62

35,03 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Pour mémoire, la DSIL et la DETR à l'échelle nationale représentent ensemble 1,5 milliard.

(2) Des dépenses de fonctionnement concentrées sur le programme 112 de la mission Cohésion des territoires

Les dépenses de fonctionnement des MSAP puis des maisons France services sont depuis 2015 prises en charge par le FNADT , qui figure sur le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » . Plus précisément, les France services figurent sur la section dite « générale » de ce fonds, la section dite « locale » finançant essentiellement les contrats de plan État-régions.

On constate depuis 2018 une augmentation continue des crédits programmés pour les MSAP et le programme France Services, qui s'explique par le développement du réseau sur la période . Ces dépenses ont ainsi augmenté de 31 % depuis 2016, première année du financement des MSAP sur le programme 112, pour atteindre 21 millions d'euros en 2021 et 36 millions d'euros en 2022. Cela représente une hausse de 28 % sur la seule dernière année, résultant des différentes vagues de labellisation . On constate notamment sur le graphique ci-après que le financement est désormais réellement paritaire entre FNADT et FNSF, ce qui n'était pas le cas précédemment du fait des déficits successifs du FIO.

Évolution du montant des dépenses de fonctionnement entre les MSAP et les maisons France Services

(en euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

En 2022, les crédits dédiés aux maisons France Services ont augmenté de 8 millions d'euros par rapport à l'année précédente, pour atteindre 36,4 millions d'euros, contre 28,3 millions d'euros en 2021 .

La part des crédits pour France Service au titre du programme 112, passe de 6 % des autorisations d'engagement (AE) et 4 % des crédits de paiement (CP) programmés en loi de finances initiale (LFI) 2018 à 16 % des AE et 12 % des CP en LFI 2021.

Évolution des crédits du programme 112

(en millions d'euros)

Actions et sous-actions

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2022/2021

(Programme 112)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11 : FNADT section locale

124

111

75

103

84

90

12%

-13%

Contrat de projets État-Régions

108

101

66

102

66

85

0%

-17%

Contrat de convergence et de transformation

5

4

5

1

5

2

0%

200%

Pactes territoriaux

11

6

3

1

12

3

265%

465%

Plan de transformation et d'investissement pour la Corse**

Action 12 : FNADT section générale

25

33

34

39

61

66

77%

68%

Restructuration des sites de défense

3

6

2

5

1

5

-33%

-4%

Maisons France services

19

19

28

28

36

36

28%

28%

Centres bourgs

0

1

0

0

0

0

Crédits à la discrétion du ministre

2

4

2

4

2

4

0%

0%

Auto-développement en montagne

1

1

1

1

1

1

0%

0%

Programmes ANCT - agenda rural

0

0

0

0

19

19

Fabriques de territoire

0

0

0

0

0

0

Action 13 : Soutien aux opérateurs

56

56

65

65

65

65

0%

0%

Action 14 : PAT, Pacte État-métropoles et contrats de ruralité

3

44

0

23

19

-16%

TOTAL

208

244

175

230

210

240

20%

4%

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

D'après un récent rapport non publié de l'inspection générale de l'administration 13 ( * ) que le rapporteur spécial a pu consulter, les dépenses de fonctionnement des maisons représentent 87 % des dépenses du programme France services , 6 % étant dédiés au pilotage du programme et 7 % aux dépenses d'animation et de formation .

b) Une comptabilisation complexe des dépenses d'animation

Les dépenses d'animation des MSAP jusqu'en 2018 étaient portées par la Caisse des dépôts et consignations. Elles ont ensuite été internalisées au CGET puis partagées entre la DGCL et l'ANCT lors de la mise en oeuvre de France Services.

Au sein de l'ANCT, l'équipe du programme France services est constituée de 6 ETP. Parmi ces derniers, seul un est chargé du suivi de l'animation du réseau. Eu égard à l'importance du programme France services, le rapporteur spécial s'interroge sur le dimensionnement de ces équipes par rapport aux besoins de coordination et d'animation du réseau , sans compter l'appui à l'ingénierie qui incombe dans les faits aux préfectures.

En conséquence, les dépenses de l'État pour l'animation du réseau restent à l'heure actuelle très limitées et s'élevaient à moins de 2 millions d'euros en 2021 et un million d'euros seulement en 2020 .

Coût d'animation du dispositif MSAP / France Services

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Il faut également ajouter à ces sommes les dépenses d'animation de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) , en vertu de la convention conclue entre l'ANCT et la CDC qui confie une partie de l'animation du réseau France services à la Banque des territoires 14 ( * ) . Dans le cadre du partenariat stratégique, une enveloppe de 13 millions d'euros triennale a été mise en place pour accompagner le programme , à savoir 10 millions pour l'animation, la formation et la réalisation de la plateforme et 3 millions d'euros pour financer les bus France services.

Dépenses de la Banque des territoires pour le réseau France services

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

Total

Animation et formation

0,12

0,379

2,612

1,604

4,715

Plateforme France services

0,175

2,245

1,35

/

3,77

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Au niveau de la Banque des territoires, une équipe de 8 personnes est mise à disposition pour accompagner l'animation et la coordination du réseau , au sein de laquelle trois personnes sont en charge de l'animation nationale . Ces ETP représentent une dépense annuelle de 500 000 euros. Là encore, la question du sous-dimensionnement de ces équipes a été soulevée à de nombreuses reprises lors des déplacements effectués par le rapporteur spécial.

La multiplicité des acteurs rend complexe la comptabilisation des dépenses totales d'animation , d'autant que certaines actions, par exemple la stratégie de communication, sont partagées entre l'ANCT et la Banque des territoires. En outre, les actions de formation étant généralement intégrées aux dépenses d'animation, le rapporteur spécial n'a pu les isoler . C'est également le cas des dépenses de pilotage du réseau, la frontière entre animation et pilotage étant mal définie, notamment dans le cas des équipes de l'ANCT. La mission IGA aboutit à un total de 3,89 millions d'euros de dépenses de pilotage dont les 6 ETP de l'ANCT et 3 millions de dépenses de communication.

Le rapporteur spécial insiste sur la nécessité de mieux retracer et isoler ces dépenses dans les documents budgétaires .

Dépenses totales d'animation et de pilotage du réseau

(en euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

3. Les contributions financières des partenaires nationaux : la question de la prise en compte de l'activité dans les maisons France services
a) Un mode de calcul initial des contributions des opérateurs basé sur la fréquentation potentielle

En 2019, lors de la forfaitisation, la contribution de chaque partenaire (opérateur ou ministère) au fonds national France Services (FNFS) a été calculée suivant une clé de répartition à partir des visites annuelles constatées et de leurs usagers potentiels au niveau national , ce qui conduit à trois blocs de contributeurs finançant chacun à hauteur de :

- 13,75 % lorsqu'il y aurait plus de 12 millions de contacts physiques/usagers potentiels du service public par an ;

- 11,75 % entre 5 et 12 millions de contacts physiques/usagers potentiels par an ;

- 6,5 % lorsqu'il y aurait moins de 5 millions de contacts physiques/usagers potentiels par an.

La contribution de chaque opérateur est calculée par l'ANCT en N-1. La clé de répartition créée en 2019 est actuellement toujours utilisée, mais la répartition des contributions a évolué du fait notamment du début de la contribution du ministère de la Justice en 2021 et du désengagement de l'Agirc-Arrco dont la participation avait été prise en compte dans le calcul préalable des contributions 2021.

Part de la contribution des différents opérateurs au FNFS en 2022

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Ce système a donc abouti à la répartition des opérateurs en trois groupes :

- le premier, dont les contributions sont les plus élevées, regroupe la Poste, l'ANTS, la DGFiP, la CNAM et Pôle emploi ;

- le deuxième concerne les contributions intermédiaires. En 2021, seule la CAF appartient à cette catégorie ;

- les plus petits contributeurs sont à l'heure actuelle le ministère de la justice, la CNAV et la MSA.

b) Une contribution certes à la hausse mais qui ne met pas en jeu la soutenabilité financière du programme pour les différents opérateurs

Les opérateurs ayant le plus contribué au réseau depuis la création du FIO sont Pôle emploi et la CNAM, suivis de la CNAF et la MSA. Sur 2021, première année avec l'intégralité des opérateurs actuels, les premiers contributeurs sont la CNAM et la DGFiP, à hauteur de 3,272 millions d'euros chacun.

Contribution des opérateurs au fonds inter-opérateurs / fonds national
France services

(en euros)

Opérateurs

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Total

CNAF

917 156

1 384 003

1 802 948

2 369 995

2 160 000

2 768 700

13 772 797

CNAM

834 513

1 259 294

1 640 489

2 619 595

2 505 600

3 272 100

14 751 186

CNAV

421 300

635 748

828 193

1 090 558

1 036 800

1 510 200

6 613 357

GRDF

217 093

327 596

426 761

128 159

-

-

1 099 609

MSA

1 082 525

1 082 525

1 082 525

1 261 436

1 036 800

1 510 200

8 317 447

Pôle Emploi

970 474

1 464 460

1 907 761

2 705 034

2 505 600

3 272 100

15 530 463

La Poste

224 024

338 056

440 387

2 192 400

465 600

1 232 100

4 892 567

DGFiP

-

-

-

-

2 505 600

3 272 100

5 777 700

Ministère de l'intérieur / ANTS

-

-

-

-

2 325 600

2 702 100

5 027 700

Justice

-

-

-

-

-

1 510 200

1 510 200

Total

4 667 085

6 491 682

8 129 064

12 367 177

14 541 600

21 049 800

21 049 800

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les niveaux de contribution ont augmenté au cours des dernières années, pour chaque opérateur, proportionnellement au rythme de la densification du réseau.

Évolution de la contribution des différents opérateurs

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Cette hausse devrait se poursuivre en 2022 suivant la dynamique de poursuite des labellisations. La participation des opérateurs devrait s'élever par exemple à 3,9 millions d'euros pour la CAF, soit une hausse de plus d'un million d'euros par rapport à 2021 ; à 4,6 millions en 2022 pour le ministère de l'intérieur (+ 1,9 million d'euros) ; à 2,5 millions pour la Poste (+ 1,3 million d'euros).

Lors des auditions, les opérateurs ont indiqué que cette hausse continue avait été perçue comme très brutale, voire remettant en question la soutenabilité financière du programme. Cette vision doit être nuancée : d'une part, la hausse des contributions atteindra un plafond dès que le nombre de maisons France services sera stabilisé . D'autre part, cette croissance était prévisible car l'objectif final de 2500 maisons a été affichée dès 2019.

En outre, le rapporteur spécial insiste sur le fait que ces montants doivent être mis en regard des budgets respectifs des différents opérateurs et des bénéfices que ceux-ci tirent du désengorgement de leurs antennes locales par le biais de France services . Une hausse d'un million d'euros ne saurait par exemple remettre en cause la participation de la CAF alors que les recettes de la branche Famille s'élevaient en 2021 à 49,6 milliards d'euros. Ce constat peut d'ailleurs être étendu à l'ensemble des opérateurs.

En conséquence, si des pistes d'ouverture à de nouveaux partenaires nationaux doivent être développées comme cela a été proposé plus haut, la trajectoire financière des dépenses France services demeure soutenable pour les opérateurs actuels.

c) Les enjeux de la renégociation de la prochaine convention avec les partenaires
(1) Un écart entre la fréquentation potentielle utilisée dans le mode de calcul de la contribution des opérateurs et la fréquentation réelle des maisons

L'accord cadre national France Services signé en novembre 2019 prévoyait une clause de révision des critères d'évaluation de la contribution des opérateurs , qui serait arrêtée pour 2021-2022, en prenant éventuellement en compte la part effective des démarches effectuées au titre des services proposés par chaque partenaire rapportée à l'ensemble des démarches effectuées auprès des structures France services.

Cette clause n'ayant pour instant pas été mise en oeuvre, le système de calcul reste basé comme en 2019 sur des fréquentations potentielles , et non sur les fréquentations réelles au cours des trois dernières années. La DGCL a notamment indiqué au rapporteur spécial que « la part supportée par les opérateurs doit être interrogée en termes de volume global alors que la fréquentation du réseau augmente, et en termes de répartition afin d'être cohérente avec la réalité de la fréquentation ».

Plusieurs opérateurs ont exprimé au rapporteur spécial leur souhait de réviser le système de financement pour calculer celui-ci en fonction des données réelles de fréquentation observées sur le réseau France services.

C'est en particulier le cas de la Poste, qui contribue à hauteur de 13,75 % pour l'année 2022 pour une utilisation moyenne des citoyens du panier d'offre de services postaux inférieure à 5 %. C'est également le cas de la DGFiP, qui contribue elle aussi à hauteur de 13,75 % pour 10 % des demandes d'actes effectuées en France services en 2021. Pôle emploi et la MSA seraient également bénéficiaires. Les autres opérateurs verraient quant à eux leurs contributions augmenter, parfois substantiellement dans le cas de la CNAF, de l'ANTS et de la CNAM.

Contributions des opérateurs en 2022

Contributions dans l'hypothèse d'une contribution sur la base de la fréquentation réelle entre le 1 er janvier 2020 et le 31 mars 2022

Source : commission des finances d'après les données de l'ANCT

À l'été 2020, le programme France services a proposé aux opérateurs partenaires du réseau, contributeurs au FNFS, de modifier la clé de répartition pensée sur la base d'un public potentiel pour calculer désormais les contributions sur les démarches réellement effectuées pour le compte des opérateurs dans le réseau. Cependant ce passage « au réel » n'a pas pu selon la DGCL être acté à cette date pour deux raisons. D'une part, les données d'activité étaient basées sur un nombre restreint de France services labellisées à ce stade du déploiement . D'autre part, les données d'activité n'étaient pas considérées comme représentatives du fait de la crise sanitaire .

Si la réévaluation des contributions paraît à terme nécessaire et juste, elle ne doit en aucun cas conduire à basculer vers une forme de paiement à l'acte. La DGCL, s'appuyant sur les constats de la mission de l'IGA, a indiqué au rapporteur spécial qu'un calcul des contributions des partenaires fondé sur l'activité effective des France services, « paraît à la fois prématuré et désincitatif ». Prématuré du fait d'un recul insuffisant et de la perturbation découlant de la crise sanitaire, et désincitatif du fait du risque de désengagement de l'animation du réseau .

Le principal problème, qui rejoint la recommandation de fiabilisation de la mesure de la fréquentation exprimée plus haut par le rapporteur spécial, est que le système de reporting , ne dispose pas encore de la fiabilité suffisante pour que les clés de financement soient entièrement fondées dessus. Les opérateurs eux-mêmes ne disent pas autre chose, comme la MSA ayant indiqué en réponse au questionnaire que « cette évolution nécessiterait toutefois notamment un suivi fiable des données d'activité des France Services par la banque des territoires ».

Si le rapporteur spécial considère qu'une révision du mode de calcul doit in fine avoir lieu, dans la mesure où les règles de fonctionnement de 2019 vont finir par s'avérer caduques, cette évolution doit être progressive . Le système de calcul ne pourra, même à terme, être uniquement fondé sur la fréquentation réelle. La prochaine convention conclue avec les opérateurs pourrait permettre d'introduire un calcul hybride . Celui-ci pourrait comporter une part de prise en compte de la fréquentation réelle et le maintien partiel des modalités de calcul existantes, qui deviendrait la part « fixe » de la contribution des opérateurs en maintenant le principe actuel des trois groupes .

Recommandation n° 10 : Repenser les modalités de calcul de la contribution des opérateurs au fonds national France services lors de la négociation de la prochaine convention, sans basculer sur une tarification entièrement fondée sur le nombre d'actes (Direction du budget - DGCL)

(2) L'enjeu de la prise en compte ou non des contributions en nature

Comme mentionné précédemment, certains opérateurs contribuent également de façon indirecte au programme France services et estiment que ces dépenses devraient être valorisées. L'accord cadre national France Services de 2019 prévoyait également une clause de révision des critères d'évaluation de la contribution des opérateurs afin d'intégrer leurs dépenses en nature .

Le ministère de la justice estime ainsi qu'aux 1,5 million d'euros versés au FNFS s'ajoutent 2 millions d'euros qui correspondent au coût des permanences tenues dans les Point justice implantés dans une France Services, finançant des prestations à des avocats ou des associations. Le rapporteur spécial considère que, dans la mesure où il s'agit d'accès au droit et où ces permanences sont en l'absence de France services tenues dans les Points justice, ces dépenses ne peuvent être perçues comme justifiant une baisse de la contribution globale de l'opérateur .

Ces arguments peuvent être étendus aux autres opérateurs qui participent en nature, soit par la mise à disposition de personnel (cas qui n'a pas été observé par le rapporteur spécial mais qui existe de façon sporadique) soit par la participation à des formations supplémentaires. Le renforcement des actions de formation, indispensable comme cela a été mentionné plus haut, participe de l'amélioration globale du front office de ces opérateurs et devrait théoriquement limiter le taux de renvoi au deuxième niveau, c'est-à-dire aux opérateurs eux-mêmes.

Le ministère de l'intérieur signale également qu'il contribue au travers de l'animation du réseau par les préfectures . Dans ce dernier cas, le rapporteur spécial est d'avis qu'il s'agit du cadre normal de l'action déconcentrée de l'État. La comptabilisation de la contribution « en nature » du ministère de l'intérieur au programme France services ne se justifie pas selon lui davantage que pour l'ensemble des programmes pilotés nationalement par l'ANCT .

Recommandation n° 11 : Supprimer la prise en compte des contributions en nature des différents opérateurs figurant dans l'actuelle convention. (Ministère de la transformation et de la fonction publiques - DGCL - ANCT)

(3) Donner de la visibilité : espacer davantage la renégociation des conventions cadres avec les opérateurs

Au-delà du niveau et du mode de calcul de la contribution des opérateurs, se pose la question de la fréquence de révision des conventions reliant l'État et les opérateurs et, plus généralement, de la visibilité budgétaire du programme pour les opérateurs et les collectivités.

D'après les informations fournies au rapporteur spécial, les opérateurs considèrent que la détermination actuelle des contributions offre peu de visibilité. Les appels de fonds pour le FNFS sont trop tardifs par rapport aux périodes d'élaboration des budgets . Il serait donc nécessaire d'anticiper davantage cette étape pour les années à venir. L'ANCT a indiqué avoir conscience de cet aspect.

Les opérateurs regrettent d'ailleurs le manque de transparence de la gestion du FNFS. Pôle emploi a par exemple indiqué au rapporteur spécial qu'à « ce jour, nous ne disposons d'aucune visibilité sur l'état financier du FNFS (éventuels reliquats non utilisés ou éventuelle dette à résorber), malgré nos demandes répétées auprès de l'ANCT suite aux interrogations de notre conseil d'administration ». Les données concernant l'appel de fonds 2022 n'ont pas été fournies au rapporteur spécial lui-même.

Enfin, pour améliorer la visibilité budgétaire du programme, il serait opportun d'espacer davantage la renégociation des conventions cadre entre l'État et les opérateurs . Une révision triennale semble maintenant d'autant moins s'imposer que le nombre de France services devrait augmenter dans de moindres proportions au cours des prochaines années.

Cette question se pose particulièrement dans l'hypothèse d'une modification des modes de calcul pour prendre en compte la fréquentation réelle. En effet, réviser trop fréquemment les contributions pour les adapter à la fréquentation réelle limiterait d'autant la lisibilité budgétaire du programme France services. Une réévaluation annuelle apparaît donc à exclure pour cette raison . La part réelle pourrait être réévaluée à échéance de cinq ans , le maintien d'une révision triennale paraissant être un facteur d'instabilité et permettrait de « lisser » les anomalies liées à certaines années ou à l'intégration de nouveaux partenaires nationaux. Une renégociation quinquennale permettrait également d'adopter le rythme de renégociation des conventions d'objectif et de gestion (COG) liant l'État et les organismes de sécurité sociale.

Recommandation n° 12 : Porter de trois à cinq ans la durée des conventions cadres avec les opérateurs pour davantage de visibilité donnée aux acteurs locaux. (Ministère de la transformation et de la fonction publiques - DGCL-ANCT)


* 12 L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, Cour des comptes, enquête demandée par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, mars 2019.

* 13 Mission d'expertise sur le modèle de financement du réseau France services, inspection générale de l'administration, juin 2021.

* 14 Convention de partenariat 2020-2022 relative à l'accompagnement, l'animation du programme France services et à la transformation du réseau des Maisons de services au public, entre la Caisse des dépôts et des consignations et l'ANCT, 12 novembre 2019.

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