C. CONSOLIDER ET DÉVELOPPER L'OFFRE DE SERVICES ET FACILITER L'ACCÈS AUX MAISONS FRANCE SERVICES

1. Un enjeu central d'identification et d'appropriation par les usagers qui nécessite de clarifier la communication autour du dispositif
a) Le réseau France services reste insuffisamment identifié par les usagers

On observe une réelle intensification du rythme d'accompagnements par maison (11 visites par jour et par structure en moyenne nationale contre 6 par jour et par lieu dans le cadre des MSAP), ce qui indique entre autres que les structures sont mieux identifiées qu'auparavant. Le dispositif reste cependant confidentiel en volume. À titre d'exemple, seuls 3 % des assurés interrogés par la CNAV connaissent le dispositif , même s'ils en sont majoritairement satisfaits. Le programme est toutefois encore récent et l'appropriation par les usagers n'est pas immédiate. Ces chiffres sont donc appelés à progresser.

On constate cependant de fortes divergences selon les zones. Le programme France services est davantage connu en milieu rural où les maisons de services, puis les MSAP, étaient présentes . Mais il est également fréquent que la maison France services ne soit pas encore repérée sous ce nom dans le territoire, où elle demeure la « maison des services ».

L'ANCT a mis en place au cours des deux dernières années une campagne de communication visant à faire connaitre auprès du grand public les structures France services, sous forme de spots télévisuels également diffusés sur internet. Cette stratégie semble cependant insuffisante car elle ne touche pas forcément les publics cibles, souvent éloignés de la communication institutionnelle . Il semblerait davantage pertinent de mettre l'accent sur des campagnes de proximité adaptées au territoire.

Malgré les efforts de signalétique, le rapporteur spécial a également pu constater un déficit d'identification des maisons France services dans l'espace public . Si le logo France services figure sur le bâtiment, il est rarement assez visible. Même si l'ANCT met à disposition des porteurs de projet des kits de communication incluant également des panneaux d'affichage, il est nécessaire d'aller plus loin en inscrivant dans le cahier des charges une exigence de visibilité de la maison.

b) Clarifier la communication nationale pour davantage de lisibilité

Si elle a le mérite d'exister, la campagne nationale de communication souffre de deux limites.

Affiche de la campagne nationale de communication France services

Source : ministère de la cohésion des territoires

D'une part, elle peut donner à un usager non averti l'illusion que la maison France services peut dispenser une aide de toute nature et que les agents France services peuvent régler l'ensemble des dossiers, voire sont des agents des opérateurs rassemblés dans une même structure. Il est impossible de distinguer dans la communication que les maisons France services ne dispensent généralement qu'un premier niveau d'aide et sont complémentaires des services existants.

Le risque principal est que, face à un dossier complexe qui nécessite de passer le relais à l'opérateur, l'usager ait l'impression que la maison France services a failli dans sa mission d'accompagnement et ne lui a pas fourni l'aide attendue, ce qui serait in fine contre-productif et pourrait accentuer un sentiment d'éloignement vis-à-vis des services publics.

D'autre part, à en croire la communication nationale, France services ne serait qu'un dispositif de l'État . Les associations d'élus ont déploré l'absence de prise en compte des collectivités locales dans les supports nationaux, sans qui France services n'existerait pourtant pas. L'AMF a par exemple indiqué dans ses réponses au questionnaire que « l'État présentait ce dispositif de proximité comme résultant de la seule initiative d'opérateurs nationaux, en gommant la part décisive qu'y prennent les acteurs locaux ». Il est donc nécessaire de clarifier ce point en mettant davantage en avant les collectivités et les autres porteurs de maisons dans la mise en place du programme France services.

Recommandation n° 26 : Clarifier la communication nationale autour de France services et développer la communication à l'échelle locale. (ANCT)

2. Renforcer les exigences de respect du cahier des charges envers les opérateurs

Comme indiqué précédemment, l'investissement local des opérateurs est très variable selon les partenaires et les départements . Il est donc crucial de s'assurer du respect du cahier des charges. L'enjeu est d'autant plus important que France services doit recréer du lien entre l'usager et les administrations : il n'est pas envisageable que la non-réponse des opérateurs en back-office entraîne chez des usagers déjà éloignés des services publics le sentiment que même les agents France services échouent là où eux-mêmes n'ont pas réussi. Le représentant de la Défenseure des droits a indiqué être « préoccupé par un « risque d'écart entre la promesse France services d'un accès direct aux services publics concernés et la réalité de la France services », crainte partagée par le rapporteur spécial.

Le lien avec les opérateurs ne se traduit que trop rarement par l'instauration de véritables permanences physiques dans les France services. La présence physique des opérateurs en France services ne doit pas être systématique, mais elle doit rester en revanche une possibilité selon les périodes et les opérateurs. Par exemple, une permanence de la DGFiP en France services peut être très bénéfique lors des campagnes de déclaration d'impôt, là où elle ne s'impose pas le reste de l'année. Les permanences physiques peuvent également répondre à des problématiques locales.

Il est en outre indispensable de s'assurer du maintien de lignes téléphoniques directes et dédiées aux agents France services en back-office , qui est une obligation figurant dans le cahier des charges mais dont la réalité montre qu'elle n'est pas toujours respectée. Lorsque cette ligne directe existe, l'absence d'emploi dédié au lien avec les France services chez les opérateurs implique qu'en cas d'engorgement, le lien téléphonique ne puisse plus être assuré et la communication par mail est alors la seule option.

Il est indispensable d'instaurer des outils adaptés à la mise en place d'un lien facilité avec les agents en s'inspirant des bonnes pratiques existant dans certains départements et pour certains opérateurs. Le rapporteur spécial souligne par exemple la création d'agendas partagés entre les agents France services et certains opérateurs , permettant aux agents France services de planifier un rendez-vous avec l'opérateur dès le premier contact avec l'usager. Cet usage devrait être, sinon généralisé, du moins très encouragé par l'ANCT. De même, plusieurs opérateurs ont mis en place des outils efficaces de visio-accueil communs avec les France services .

Recommandation n° 7 : Veiller à ce que tous les opérateurs nationaux respectent le cahier des charges dans chaque département. ( Ministère de la transformation et de la fonction publiques - ANCT - préfectures de département)

3. Élargir le nombre d'opérateurs pour mieux répondre aux besoins des usagers

Le rapporteur spécial a pu entendre qu'il serait préférable de stabiliser dans un premier temps le réseau France services. La consolidation de l'offre de services ne s'oppose pourtant pas à son extension. Bien au contraire, France services est un réseau dynamique qui ne peut être considéré comme achevé à l'heure actuelle .

La principale limite à l'extension de l'offre est la difficulté pour les agents France services de maîtriser les procédures d'un nombre trop grand d'opérateurs. Le rapporteur spécial considère cependant qu'un grand nombre d'opérateurs nationaux ont vocation à terme à rejoindre le réseau France services .

Deux expérimentations sont d'ailleurs en cours depuis quelques mois avec le réseau Information jeunesse (dans deux régions) et avec la Banque de France pour les questions de surendettement. Si ces expérimentations étaient généralisées, toutes les maisons France services pourraient à terme délivrer des informations à destination des jeunes .

Ces expérimentations sont positives et mériteraient d'être étendues.

Le rapporteur spécial regrette que la SNCF et EDF, qui faisaient partie des opérateurs des MSAP, aient souhaité ne pas intégrer France services du fait de la participation financière que cela impliquait. Leur présence dans les maisons France services aurait du sens, en particulier alors que la SNCF continue de dématérialiser ses procédures de vente de billets. Le désengagement de l'Agirc-Arrco , pourtant associé à la création de France services en 2019 mais qui s'est finalement retiré du réseau, est également regrettable. Les réflexions en cours pour associer le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires (Crous) ou la confédération des buralistes doivent en parallèle être approfondies .

Beaucoup de ministères n'ont pas encore identifié l'intérêt que représentent les France services. L'ensemble des ministères devrait sur le long terme être associés aux maisons France services pour que France services devienne un guichet de premier niveau des services de l'État.

La ministre de la transformation et de la fonction publiques avait annoncé en février 2022 que les 250 démarches de l'Observatoire des démarches en ligne (c'est-à-dire les 250 démarches les plus utilisées par les Français) seraient prises en charge par les agents France services d'ici à fin 2022. Cela paraît toutefois très ambitieux dans un délai aussi court , alors que de nombreuses démarches n'appartiennent pas au champ de compétence des opérateurs actuels mais à d'autres ministères (ministère de l'agriculture, ministère de l'économie, ministère de l'éducation nationale...). La montée en compétence des agents France services sur un si grand nombre de procédures semble d'ailleurs difficile à atteindre . En outre, cela impliquerait de revoir complètement le système de financement des maisons, le poids du réseau France services ne pouvant se concentrer sur les quelques ministères actuellement contributeurs.

À court terme, il semble plus utile de se concentrer sur quelques nouveaux partenaires prioritaires. C'est particulièrement le cas du réseau France Rénov' . Le besoin d'accompagnement individuel dans le cadre de Ma Prime Rénov' est énorme du fait de la complexité des procédures, et il est indispensable de mettre l'accent sur son accessibilité, même si selon le ministère, les agents France services bénéficient d'ores et déjà de formations pour accompagner et orienter cette démarche depuis mi-2021. Il serait donc logique et souhaitable que le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (plus particulièrement le réseau France Rénov' géré par l'agence nationale de l'habitat - Anah) soit formellement associé à France services en devenant un nouvel opérateur national.

Recommandation n° 8 : Étendre le nombre d'opérateurs nationaux (comme par exemple le réseau France Renov') dès la prochaine convention en 2023. À moyen terme, inciter l'ensemble des guichets des ministères à intégrer France services. (Ministère de la transition écologique et la cohésion des territoires - Ministère de la transformation et de la fonction publiques)

Au-delà des nouveaux opérateurs nationaux qui devraient être envisagés, le rapporteur spécial considère qu'il serait souhaitable de renforcer les partenariats avec les départements. Les compétences des départements font en effet écho aux objectifs du réseau France services : on pense notamment à l'action sociale, à la lecture publique, à la gestion des bourses à destination des étudiants, à l'accompagnement au numérique réseau (c'est-à-dire la mise en place de la fibre internet), etc. D'ailleurs, à l'exception de quelques départements qui n'ont pas souhaité s'impliquer dans le réseau France services, la plupart d'entre eux sont déjà acteurs du programme France services, à des niveaux d'engagement très différents .

La participation des départements peut prendre plusieurs formes : transformation des maisons départementales en France services (Calvados, Rhône, Essonne) ; création et financement de bus France services (de nombreux départements dont le Nord ou le Cantal) ; a nimation du réseau (Calvados, Vosges) ; mise en place de formations complémentaires (Vosges) ; financement du réseau directement auprès des porteurs de France services (Manche) ou simplement permanences de services départementaux (dont les assistantes sociales) dans les maisons France services.

La signature d'une convention nationale entre l'État et les départements permettrait de clarifier l'association de ces derniers au réseau France services et d'en faire de réels opérateurs.

Recommandation n° 13 : Formaliser la participation des départements au déploiement de France services. (ANCT - Départements)

4. Des enjeux de mobilité à mieux prendre en compte pour rapprocher les usagers des services

L'une des nouveautés de France services par rapport aux MSAP est la mise en place des maisons itinérantes, sous la forme de bus. En mars 2022, 106 bus France services étaient déployés, soit 9 % des structures France services . Une pirogue France services est également déployée en Guyane.

Les bus France services sont portés à 54 % par des collectivités territoriales, essentiellement des départements ; 37 % par des associations (dont 14 % par le réseau Pimms) ; et 6 % par la MSA (3 sont co-portés par la MSA et des EPCI).

Les bus France services font l'objet de la même procédure de labellisation que les France services fixes.

Concernant leur financement, les bus France services font l'objet d'une aide à l'investissement particulière. Les bus circulant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville font l'objet d'une aide à hauteur de 60 000 euros entièrement prise en charge par la Banque des territoires. Les autres bénéficient d'un financement de 30 000 euros devant être complété pour l'autre moitié par des dotations d'investissement (DSIL ou DETR). S'agissant des dépenses de fonctionnement, les bus France services bénéficient du même forfait de 30 000 euros que les maisons, calculés selon les mêmes modalités.

Le rapporteur spécial souligne l'intérêt de ces bus, qui permettent de rayonner au-delà des maisons France services en se rapprochant des usagers . Le bus permet également de s'aligner sur les temps forts de la commune (notamment les jours de marché). À ce titre, il semble nécessaire de renforcer la flotte de bus France services .

Afin que le passage d'un bus France services reste pertinent, il faut toutefois que son trajet s'articule de façon complémentaire à celui du réseau fixe. Le passage doit en outre être régulier, afin que les usagers identifient son passage en amont , et à une fréquence suffisamment rapprochée pour que le bus puisse devenir une réelle habitude.

Recommandation n° 21 : Développer les bus France services en complément du maillage des structures France fixes. (Ministère de la transformation et de la fonction publiques - ANCT)

Au-delà des bus France services, la question de la mobilité des usagers vers les maisons France services a été insuffisamment prise en compte . Si toutes les maisons doivent être accessibles à moins de 30 minutes, cette distance peut cependant devenir rédhibitoire faute de moyens de transport suffisants . Or, les maisons France services ciblent des publics (notamment des seniors) qui ont parfois des difficultés à se déplacer, dans des territoires où le réseau de transport en commun ne permet pas toujours de se rendre à la maison France services la plus proche.

« L'aller vers » constitue pourtant une dimension indispensable du programme France services . Le rapporteur spécial considère que, dans les territoires ruraux où il n'existe pas de services de transport en commun, l'instauration d'un service de transport à la demande peut constituer une solution efficace . Elle nécessite cependant un accompagnement financier des petites collectivités , sous peine de voir augmenter les coûts additionnels à celui de la maison France services elle-même.

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