10 PROPOSITIONS
POUR RELANCER L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
ET PROMOUVOIR L'HYDROGÈNE BAS-CARBONE

I. LE NUCLÉAIRE : UN SOCLE DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ ATTRACTIF

A. REPLACER L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE AU CoeUR DE LA PLANIFICATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE

Pour concrétiser la relance annoncée de l'énergie nucléaire, les rapporteurs plaident pour replacer cette énergie au coeur de la planification énergétique et climatique nationale .

En effet, malgré les annonces en faveur de l'énergie nucléaire, l'article L. 100-4 (5°) du code de l'énergie fixe toujours un objectif de réduction à 50 % de l'énergie nucléaire à l'horizon 2035 . De plus, la PPE prévoit l'arrêt de 12 réacteurs, hors ceux de la centrale de Fessenheim, à l'échéance de leur 5 e visite décennale, entre 2029 et 2035, ainsi que de 2 réacteurs, en 2024-2025 et de 2 réacteurs, en 2027-2028 199 ( * ) . La SNBC reprend aussi l'objectif de réduction précité 200 ( * ) . Si la PPE évoque bien « un programme de R&D concourant à la fermeture du cycle du combustible [et] maintenant la perspective d'un éventuel déploiement industriel d'un parc de RNR à la seconde moitié du XXI e siècle » et « s'agissant des SMR, la réalisation d'études jalonnées d'avant-projet d'ici la révision de la PPE » 201 ( * ) , la construction d'au moins 6 EPR2, le déploiement d'un SMR d'ici 2030, l'essor de réacteurs de 4 e génération, au-delà des RNR, et enfin la perspective de la fusion, avec le projet ITER, n'y figurent pas.

S'agissant de l'hydrogène, l'article L. 100-4 (10°) du code de l'énergie fixe un objectif d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone entre 20 et 40 % de la consommation totale d'hydrogène et de la consommation d'hydrogène industrielle d'ici 2030 . Or, la PPE 202 ( * ) prévoit un objectif industriel, en visant un taux de décarbonation de 10 % d'ici 2023 et entre 20 et 40 % d'ici 2028. De plus, elle ne retient dans ses objectifs que la technologie du « power-to-gas » (avec jusqu'à 100 MW d'ici 2028), alors que la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France valorise la technologie de l'électrolyse de l'eau (avec jusqu'à 6,5 GW d'ici 2030). Enfin, elle ne prévoit qu' « un soutien au développement de l'hydrogène décarboné à hauteur de 50 M€ » 203 ( * ) contre 7 Mds par cette stratégie. Au total, cette stratégie n'est intégrée ni à la PPE ni à la SNBC, alors qu'elle fait l'objet d'un important soutien européen via les PIIEC.

Dans ce contexte, les rapporteurs appellent à remplacer l'objectif de réduction de 50 % de l'énergie nucléaire d'ici 2035, par un objectif de maintien à 50 % au moins de l'énergie nucléaire d'ici 2050 : ce scénario, composé pour moitié d'énergie nucléaire, est possible selon RTE.

Parce qu'il faut cesser d'opposer, dans le débat public, les énergies nucléaire et renouvelable , qui contribuent toutes deux à l'atteinte de la neutralité carbone, les rapporteurs proposent de consacrer un objectif de décarbonation des mix électriques et énergétiques : il pourrait être de près de 100 % pour la production d'électricité d'ici 2030 204 ( * ) et de près de 50 % pour la consommation d'énergie finale d'ici 2030 205 ( * ) .

Les rapporteurs suggèrent de consacrer un objectif d'utilisation de matières recyclées pour la production d'énergie nucléaire, pour appuyer l'effort de recyclage existant : il pourrait être d'environ 20 % d'ici 2030, ce qui correspond à l'engagement de la filière, selon la SFEN.

Pour soutenir la production d'hydrogène, renouvelable comme bas-carbone, les rapporteurs appellent à introduire un objectif de déploiement des électrolyseurs : il pourrait être d'au moins 6,5 GW d'ici 2030 206 ( * ) , ce qui renvoie aux besoins de la filière, selon France Hydrogène.

Enfin, l'effort de R&D dans le domaine de l'énergie nucléaire doit être intégré à la planification énergétique , en consacrant la construction des EPR2, l'essor des SMR, la recherche en direction des réacteurs de 4 e génération, dont les RNR, et le projet de fusion ITER. Dans le domaine de l'hydrogène, il en va de même des PIIEC.

Ces objectifs législatifs doivent trouver leur place dans la prochaine loi quinquennale sur l'énergie de 2023.

Sans attendre cette révision, le Gouvernement peut et doit modifier , dès à présent, la PPE et la SNBC en abrogeant les dispositions afférentes à l'arrêt des 12 réacteurs , hors ceux de la centrale de Fessenheim, pour mettre la règlementation en conformité avec les annonces du discours de Belfort. Dans le domaine de l'hydrogène, il doit viser un objectif total, et non industriel, pour que la règlementation respecte pleinement la législation.

Dans ce contexte , très perturbé, une communication auprès du grand public et des parlementaires sur la politique énergétique, et notamment nucléaire, est indispensable . Le Gouvernement doit proposer une synthèse et réaliser un débat au Parlement dans le cadre de la révision de la PPE (articles L. 141-1 et L. 141-4 du code de l'énergie). Ces rendez-vous attendus doivent être l'occasion de réaliser cette communication.

Les rapporteurs sont convaincus de l'intérêt de cette clarification stratégique, pour apporter aux acteurs de la filière la visibilité et la stabilité nécessaire.

Ce besoin a été relevé par les acteurs industriels : ainsi, le Gifen a indiqué que « la trajectoire d'évolution de la part du nucléaire dans le mix énergétique français doit être révisée. » ; de son côté, la SFEN a estimé qu' «  il faut réévaluer le calendrier de fermeture des réacteurs nucléaires d'ici 2030 [et] ne pas programmer de fermeture d'un réacteur autorisé à fonctionner par l'autorité de sûreté sauf proposition de l'exploitant pour des contraintes industrielles » ; dans le même esprit, France Hydrogène a ajouté que « les prochaines PPE et SNBC, ainsi que la loi quinquennale sur l'énergie, devront prendre en compte les nouveaux élans politiques impulsés par le Gouvernement, y compris la Stratégie nationale pour le déploiement de l'hydrogène décarboné [...] poursuivant un objectif de 6,5 GW de capacité d'électrolyse à 2030 ».

Ce besoin a aussi été relevé par les opérateurs de recherche : d'une part, le CEA a appelé à l'intégration des annonces du discours de Belfort dans loi quinquennale sur l'énergie de 2023 : « Suite aux annonces du Président de la République, les orientations de la politique énergétique devront être traduites dans le cadre usuel des textes encadrant la politique énergétique. La loi pourra permettre de préciser les attendus et les voies de déploiement ». D'autre part, The Shift Projet a insisté sur la revalorisation de l'énergie nucléaire dans les PPE et SNBC : « La PPE et la SNBC ne tiennent pas compte des nouvelles orientations annoncées par le Gouvernement sur le nucléaire. La décarbonation est vue uniquement sous l'angle du développement des renouvelables. Il convient sans doute de reprendre ce dossier, qui évidemment conditionne l'électrification des usages ».

1. Replacer l'énergie nucléaire au coeur de la planification énergétique nationale :

- Pour relancer la filière nucléaire, remplacer l'objectif de réduction de 50 % d'énergie nucléaire d'ici 2035 par un objectif de maintien à 50 % au moins à l'horizon 2050 ;

- Pour cesser d'opposer énergies nucléaire et renouvelable, introduire un objectif de décarbonation pour les mix électrique (100 % d'ici 2030) et énergétique (50 % d'ici 2030) ;

- Pour valoriser le cycle du combustible, introduire un objectif de production d'énergie nucléaire à partir de matières recyclées (20 % d'ici 2030) ;

- Pour favoriser l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire, introduire un objectif de production de 6,5 GW d'hydrogène par électrolyse ;

- Intégrer l'effort de R&D à la planification énergétique (EPR2, SMR, ITER, réacteurs de 4e génération, PIIEC sur l'hydrogène) ;

- Revenir sur la fermeture de 12 réacteurs et la restriction de l'hydrogène à l'industrie dans l'actuelle PPE ;

- Communiquer auprès du grand public et de ses représentants sur la politique conduite en matière nucléaire, notamment via les débat et synthèse de la future PPE.


* 199 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat, Programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2023 et 2024-2028 , pp. 159 et 160.

* 200 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie nationale bas-carbone. La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone , 2020, p. 120.

* 201 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat, Programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2023 et 2024-2028 , 2020, p. 144 et 145.

* 202 Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (article 5).

* 203 Ministère de la transition écologique (MTE), Stratégie française pour l'énergie et le climat, Programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2023 et 2024-2028, 2020 , p. 109.

* 204 Actuellement, le taux de décarbonation de la production d'électricité (nucléaire comme renouvelable) est de 92,2 % en 2021, selon RTE.

* 205 Actuellement, le taux de décarbonation de la consommation d'énergie finale (nucléaire comme renouvelable) est de 35,2 % en 2021, selon le MTE.

* 206 France Hydrogène a précisé que cela correspondrait à une production de 670 000 tonnes d'hydrogène et à une consommation de 37 TWh d'électricité.

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