II. DES FORCES DE SOUVERAINETÉ DONT LE FORMAT « TAILLÉ AU PLUS JUSTE » N'EST PAS ADAPTÉ À L'AMPLEUR DE LEURS MISSIONS ET À LEUR RÔLE STRATÉGIQUE

A. DES FORCES MONTÉES EN PUISSANCE DANS LES ANNÉES 60, AYANT FAIT L'OBJET D'UNE « RATIONALISATION » À PARTIR DE 2007 ENTRAINANT UNE FORTE BAISSE DE LEURS EFFECTIFS

1. Des forces de souveraineté réorganisées à partir de 2008 dans le cadre de la RGPP et réduites à leur niveau « strictement nécessaire »

À l'issue d'un processus de consolidation au cours des années 1980 et 1990, les forces de souveraineté ont connu d'importantes réorganisations depuis 2008. La principale a été liée à la révision générale des politiques publiques , dont les objectifs ont été repris dans le livre blanc de 2008, qui prônait une « une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. [...] les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites. » 15 ( * )

Cette volonté de réduction des forces de souveraineté à leur niveau « strictement nécessaire » a amené à une réduction de 20 % de leurs effectifs et profondément changé leur organisation.

Effectifs des forces de souveraineté

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

La LPM 2009-2014 16 ( * ) a recentré le dispositif sur les missions militaires , tout en conservant la capacité d'intervenir en soutien de l'action de l'État dans les situations d'urgence. Il s'est réorganisé selon une logique de théâtre : Antilles-Guyane, Pacifique, et Océan Indien.

Les capacités ont été consolidées en Guyane, à La Réunion, et de manière plus limitée en Nouvelle-Calédonie, avec des dispositifs militaires interarmées capables d'intervenir dans leur zone de responsabilité.

Aux Antilles et en Polynésie, les dispositifs ont été allégés, en y maintenant des points d'appui militaires à dominante maritime, capables d'accueillir des renforts.

L'adaptation des forces s'est également accompagnée d'une réduction des dispositifs de soutien. La c r éation d'une base de défense (BdD) par territoire , dotée d'un groupement de soutien de base de défense (GSBdD), a été le pivot de cette « rationalisation », avec un grand principe : le commandant supérieur est commandant de la base de défense (COM BdD), ce qui le place dans la situation unique de disposer du commandement sur l'ensemble du spectre des compétences militaires, du commandement opérationnel des forces à leur soutien.

La LPM 2014-2019 a imposé une nouvelle réduction des effectifs sur un dispositif venant de subir d'importantes restructurations . Cette déflation, portant sur un effectif déjà très optimisé, s'est traduite par un effort supplémentaire sur le soutien et l'environnement des forces, et sur la transformation de postes permanents en postes en mission à courte durée.

Depuis, la mise en service de deux Patrouilleurs Antilles-Guyane (PAG) en 2017, d'un troisième aux Antilles en 2020, la prolongation d'un patrouilleur P400 en Nouvelle-Calédonie en 2018 et la livraison de quatre bâtiments de soutien et d'assistance d'outre-mer (BSAOM) entre 2016 et 2020 ont permis d'enrayer l'érosion progressive des capacités opérationnelles (transport amphibie, patrouilleurs).

2. Une prise en compte de leur importance stratégique par la LPM 2019-2025 n'entrainant qu'une réévaluation limitée de leurs moyens

Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 prend acte de l'importance stratégique des forces de souveraineté et de ses fragilités, puisque son rapport annexé mentionne la nécessité de pouvoir, au titre de l'Ambition 2030, « conduire [des] opérations dans le cadre d'une approche globale élargie, permise notamment par un dispositif de forces prépositionnées et de forces de souveraineté, toutes deux dotées des effectifs suffisants et des équipements adéquats , par des relais étendus dans les postes diplomatiques et les organisations internationales intéressées aux questions de défense et de sécurité. Elles devront enfin disposer des moyens autonomes d'appréciation de situation, seuls à même de garantir une prise de décision indépendante et souveraine. »

Après un cycle de transformation exigeant, la consolidation du dispositif des forces de souveraineté outre-mer est ainsi apparue comme une nécessité prise en compte dans la LPM 2019-2025, et confirmée par l'actualisation stratégique de 2020, avec notamment :

- l'amélioration des capacités de contrôle des zones maritimes françaises ;

- le renouvellement de la capacité des patrouilleurs (Patrouilleurs Antilles-Guyane en 2019, 6 patrouilleurs outre-mer entre 2022 et 2025, cf. infra III. A.) ;

- des moyens de surveillance par satellites (programme TRIMARAN) et la mise en service prévue de drones (système de minidrone de la marine sur les patrouilleurs outre-mer) ;

- le renforcement ciblé des effectifs, permettant des adaptations limitées du dispositif des forces de souveraineté et de leur soutien ;

- une attention prioritaire accordée aux besoins opérationnels émergents, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française qui sont les territoires les plus éloignés ;

- dans tous les cas, une logique de réponse aux crises, fondée sur la projection de renforts de proximité ou provenant de métropole, maintenue (ex : IRMA, COVID).

L'application de la LPM 2019-2025 permet ainsi une certaine consolidation d'un dispositif taillé au plus juste pour les missions qui lui sont confiées. Les principales difficultés résiduelles pour les forces outre-mer sont dans le domaine des infrastructures (voir infra .) avec un effort financier prévu d'être porté en deuxième partie de LPM qui devra prendre en compte de nombreuses évolutions des équipements (Patrouilleurs outre-mer, A400M, Scorpion).

Depuis 2016, les crédits des forces de souveraineté ont été marqués par leur stabilité, et s'élevaient à 946 millions d'euros en 2020, crédits des personnels civils inclus.

Coûts annuels des forces de souveraineté

(en millions d'euros)

Entre 2016 et 2019, les coûts de T2 de masse salariale sont limités au personnel militaire tandis qu'à partir de 2020, ceux-ci incluent le personnel civil.

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

En matière d'effectifs, le ministère des armées prévoit un rythme d'augmentation des effectifs de plus de 2,5 %, supérieur à celui prévu pour l'ensemble des effectifs par la LPM d'ici à 2025 (+ 2,25 %).

Prévision d'augmentation des effectifs des forces de souveraineté

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées


* 15 Défense et sécurité nationale : le livre blanc de 2008.

* 16 Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

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