ANNEXE 3
LA QUESTION DES DÉBITS RÉSERVÉS

1. L'obligation de débit réservé
a) Le principe d'un débit réservé sur tous les cours d'eau

Le « débit réservé » est le débit minimal d'écoulement des eaux (exprimé en litres par seconde ou en m 3 par seconde) qui doit être préservé par tout exploitant d'un ouvrage construit dans le lit d'un cours d'eau (ouvrage hydro-électrique, pompage pour alimenter un canal ou une réserve d'eau etc...).

Le principe du débit réservé est posé par la loi depuis 1919. Il figure désormais à l'article L. 214-18 du code de l'environnement (issu de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques dite LEMA de 2006).

La charge du maintien d'un débit réservé pèse sur l'exploitant de l'ouvrage, qui est sanctionnable au titre de la police de l'eau en cas de non-respect de cette obligation.

b) Les justifications du débit réservé

Le débit réservé résultait initialement d'un objectif de partage équitable de la ressource entre l'amont et l'aval d'une rivière : il s'agissait que les intervenants de l'amont ne privent pas d'eau les intervenants en aval (par exemple pour l'irrigation).

Le débit réservé répond aujourd'hui davantage à une préoccupation environnementale, de gestion de la réserve en eau pour l'alimentation des nappes superficielles et souterraines, mais aussi de garantie de la bonne circulation des sédiments ou encore de préservation de la biodiversité en assurant une continuité écologique tout le long du cours d'eau afin de conserver la faune et la flore.

c) Les modalités de calcul du débit réservé

Au-delà du principe qu'il pose, l'article L.214-8 du code de l'environnement précise la manière de calculer le débit réservé : il doit correspondre au moins au 10 ème du « module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur ». Il peut même être supérieur au 10 ème du module lorsque le maintien en aval de la vie biologique du cours d'eau le justifie. En théorie, le débit réservé peut être la totalité du débit (ce qui revient à interdire tout prélèvement d'eau) si le maintien de la faune et la flore en aval l'exige.

Ce minimum d'écoulement peut aller jusqu'à 1/20 ème pour les cours d'eau à débit important (plus de 80 m 3 par seconde), ou pour les cours d'eau connaissant des étiages naturels très bas.

Le débit réservé peut varier selon les périodes de l'année, avec un débit réservé en période hivernale et un débit réservé d'étiage, pour les périodes de basses eaux, permettant de descendre jusqu'à 1/40 ème du débit moyen.

Une étude scientifique doit être effectuée dans le cadre de la procédure d'autorisation initiale ou de concession des ouvrages, et actualisée à chaque renouvellement d'autorisation ou de concession, afin de fixer le débit minimum biologique.

Le niveau des débits réservés doit être compatible avec les objectifs du SDAGE.

Les débits réservés sont fixés par arrêtés préfectoraux (après avis du CODERST).

Une circulaire ministérielle du 5 juillet 2011 détaille les modalités de calcul à retenir pour les débits réservés 106 ( * ) .

2. Les difficultés d'application pratique du débit réservé
a) Des critiques de fond sur le principe même du débit réservé

Si la préservation d'un débit réservé est un principe en apparence vertueux pour une gestion équilibrée des écoulements dans les cours d'eau, il peut conduire à favoriser l'amont sur l'aval, alors même que le dessèchement de l'aval peut poser davantage de problèmes que le celui de l'amont.

Par ailleurs, conserver un débit réservé peut ne pas être possible lorsque des cours d'eau s'assèchent totalement en période d'étiage.

Enfin, la fixation d'un débit réservé répond prioritairement à un objectif environnemental, ce qui peut conduire à négliger les considérations liées aux autres usages de l'eau pourtant indispensables (dits usages anthropiques) : alimentation en eau potable, usages touristiques, navigation, irrigation.

b) La mise en oeuvre difficile du débit réservé

Les modalités pratiques de calcul du débit réservé sont extrêmement complexes, même s'il existe des méthodes standardisées rappelées dans la circulaire de 2011.

On peut manquer de données précises permettant de calculer les débits de référence (le module naturel), issues essentiellement de la banque hydro (hydroportail).

En outre, là où le pompage et l'irrigation sont importants, il est très difficile de connaître ce qu'est le niveau normal d'écoulement d'un cours d'eau (module naturel). Il peut donc être nécessaire de réaliser des calculs pour estimer le module naturel reconstitué.

Au demeurant, chaque bassin versant a ses caractéristiques propres, et il est très difficile de définir des critères objectifs et harmonisés pour la fixation des débits réservés.

Les textes prévoient des ajustements pour prendre en compte de sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique (disparition d'écoulements naturels pendant une partie de l'année, portions de cours d'eau dont certaines espèces sont absentes), mais ces particularités peuvent facilement être débattues et contestées.

La fixation des débits réservés est ainsi un nid à contentieux, appelé vraisemblablement à prospérer dans un contexte de raréfaction de la ressource et de baisse des écoulements en période d'étiage.


* 106 https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Bulletinofficiel-0025146&reqId=ebe1ba28-782c-4032-98da-24560e7668d5&pos=2

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