B. UN NOUVEAU DISCOURS À CONSTRUIRE

Il convient par ailleurs de poursuivre l'écriture d'un nouveau « narratif » sur la relation franco-africaine, dans la lignée de ce qui était préconisé par le rapport « L'Afrique est notre avenir » de la commission il y a presque une décennie 3 ( * ) . Il s'agit en effet, autant et plus que de contrer les compétiteurs de la France, de convaincre ses partenaires africains de l'intérêt de la relation qu'elle propose et de la réalité des évolutions affichées depuis maintenant plusieurs décennies dans l'approche française du Continent.

Ainsi, plutôt que de mettre l'accent sur le passé commun et la persistance des liens anciens, c'est vers l'avenir qu'il faut se tourner . Il n'est plus à démontrer que les intérêts en matière de sécurité et de développement économique sont communs entre les pays européens et leurs partenaires africains . Pour les préserver et les développer, la France doit s'adresser davantage à la jeunesse . Non seulement celle-ci est numériquement en majorité écrasante dans la région du fait de la croissance démographique rapide, mais en outre elle concentre les capacités d'innovation et le dynamisme économique.

La France doit également reconnaître que ses concurrents disposent d'arguments solides qui sont susceptibles de susciter l'adhésion des pays de la région. Dès lors, ce n'est qu'en mobilisant le meilleur de son savoir-faire et les plus innovantes de ses entreprises, en s'appuyant sur sa propre jeunesse, qui doit être mieux informée des enjeux du développement (ce qui suppose une mobilisation dépassant le champ des pouvoirs publics), que la France parviendra à maintenir, voire à accroître l'intensité de ses relations avec les pays du golfe de Guinée.

Dans cette optique, le partenariat noué avec les pays anglophones peut , paradoxalement, inspirer le renouvellement de la relation avec les pays francophones . En effet, au Nigeria par exemple, où le poids de l'histoire est moins présent pour la France, celle-ci est déjà, depuis longtemps, un partenaire parmi d'autres. L'« Équipe France » ne peut compter que sur l'attractivité et la pertinence de ses propositions, que ce soit dans le domaine culturel ou dans le domaine économique et entrepreneurial, sans faire appel à des liens historiques qui pourraient lui donner un avantage - ou au contraire, comme c'est plus souvent le cas dans la période récente, constituer un handicap.

Il faut noter que la loi d'orientation et de programmation du 4 août 2021 a déjà pris acte d'une telle évolution dans le domaine du développement, en substituant systématiquement la notion d'un « partenariat » à égalité à celle d'une « aide » et en prévoyant une mobilisation accrue de la société civile française, des diasporas et des acteurs économiques. Il s'agit d'enclencher un processus de développement « par le bas » afin de résoudre certaines impasses d'une relation bilatérale parfois trop ancrée dans son propre passé.

Enfin, en ce qui concerne la francophonie, il est utile de se référer aux préconisations faites par le rapport de notre commission précité. L'une de ces préconisations, l'augmentation de la participation au Partenariat mondial pour l'éducation (PME) est d'ores et déjà une réalité (la France a annoncé une contribution de 200 millions d'euros pour la période 2018-2020, multipliant ainsi par 10 le montant versé lors du triennal précédent, puis 333 millions d'euros pour la période 2021-2025). En revanche, l'amélioration des systèmes éducatifs ( cf. infra les priorités de l'aide publique au développement) et la promotion des partenariats public-privé en faveur des systèmes de formation professionnelle francophone restent des impératifs à mettre en oeuvre. À cet égard, la mission a notamment pu constater qu'il existait une importante demande de formation en français au Nigeria , compte-tenu des relations entretenues par ce pays avec les pays francophones qui l'entourent.

Jouer pleinement le jeu de l'influence pour contrer les compétiteurs stratégiques de la France dans le golfe de Guinée et ainsi éviter une évolution semblable à celle du Sahel, notamment en mobilisant les technologies de communication et les réseaux sociaux à un niveau suffisant.

Renouveler le discours sur les relations entre la France et ses partenaires du golfe de Guinée en mettant l'accent sur des intérêts et sur un avenir communs de ces relations plutôt que sur une histoire commune, en s'efforçant de convaincre la jeunesse de l'intérêt d'un tel partenariat.


* 3 Rapport d'information de MM. Jeanny LORGEOUX et Jean-Marie BOCKEL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

n° 104 (2013-2014) - 29 octobre 2013

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