Rapport d'information n° 410 (2022-2023) de Mmes Catherine DI FOLCO et Maryse CARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 8 mars 2023

Disponible au format PDF (1,2 Moctet)

Synthèse du rapport (285 Koctets)


N° 410

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 mars 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la formation initiale et continue des personnels de la police et de la gendarmerie nationales ,

Par Mmes Catherine DI FOLCO et Maryse CARRÈRE,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

L'ESSENTIEL

Sommes-nous capables de former un nombre historique de jeunes recrues pour qu'elles puissent assurer rapidement les fonctions de sécurité et d'enquête qui sont attendues d'elles tout en garantissant le respect des libertés et la qualité des relations avec les citoyens qui fondent, en République, la confiance dans nos forces de sécurité ? Pouvons-nous assurer la formation continue de personnels constamment accaparés par leurs missions ? Alors même que la délinquance et la criminalité augmentent et tendent à s'uniformiser sur le territoire et que l'on ne cesse de comparer l'action de la police et celle de la gendarmerie (souvent au détriment de la première) est-il légitime de conserver des formations initiales et continues distinctes pour les deux forces de sécurité ?

C'est pour répondre à ces interrogations que la commission des lois a créé en son sein une mission d'information.

Les huit dernières années ont vu un bouleversement de la politique en matière de sécurité intérieure du fait de la menace terroriste, mais aussi des exigences nouvelles en matière de maintien de l'ordre et de la crise migratoire.

Parallèlement, au sein de la police nationale, la formation a fait l'objet de réformes destinées à faire face à ces nouveaux enjeux. Mais elles ont paradoxalement abouti à isoler la gestion de la formation du reste de la police nationale. Le dernier en date des projets, aux contours encore très incertains, celui de l'Académie de police, est indépendant de la réforme territoriale de la police nationale. Il n'est donc pas conçu sur le modèle des filières comme le seront sans doute à l'avenir tous les métiers de la police nationale.

Suite à ses auditions et déplacements dans les écoles de police et de gendarmerie, la commission des lois formule 16 propositions qui s'ordonnent autour de deux axes :

- donner aux réseaux de formation, dans les trois ans qui viennent, les moyens matériels et humains nécessaires pour accueillir tous les élèves de la police et de la gendarmerie ;

- définir une vision claire des compétences attendues des personnels et de leurs perspectives de carrière, où la formation pourra trouver toute sa place.

I. UN RÉSEAU DE FORMATION CONSTAMMENT SUR-SOLLICITÉ

Le système de formation initiale de la police et de la gendarmerie nationale souffre d'un sous-dimensionnement chronique . La capacité d'accueil des élèves a été limitée du fait des réductions d'infrastructures décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Dix ans après la fin de la RGPP, l'augmentation quasi constante du nombre de recrues n'a pas été accompagnée d'une montée en niveau des locaux et équipements à la hauteur des besoins, et a accru la pression sur les formateurs.

A. UNE CAPACITÉ INSUFFISANTE

Les attentats de 2015, mais aussi la nécessité du maintien de l'ordre public, la crise migratoire et la volonté de mettre en place une police du quotidien ont abouti sur les huit dernières années à trois vagues de recrutement particulièrement importantes de policiers et de gendarmes, dont la dernière a été approuvée par le Parlement dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) .

Le réseau de formation n'a pas pu monter parallèlement au niveau et juxtapose, pour la police nationale, des infrastructures modernes, suffisamment dotées et efficaces, et d'autres devenues vétustes . La variable d'ajustement pour l'intégration rapide des effectifs a été la réduction du temps de formation des élèves en école . Le rétablissement du temps de formation des gardiens de la paix et la prolongation de celui des élèves gendarmes renforce encore la pression sur le réseau de formation. Ceci au moment même où la police nationale se lance dans un ambitieux programme de reconstitution et donc de formation d'une réserve opérationnelle . Ces difficultés, particulièrement visibles du côté de la police nationale, se retrouvent du côté de la gendarmerie qui bénéficie cependant d'une plus forte capacité d'anticipation et de mise en oeuvre de ses projets.

Il est donc souhaitable de concevoir un plan triennal de mise à niveau des infrastructures de formation de la police et de la gendarmerie susceptible de s'appuyer sur les augmentations de crédits prévues par la Lopmi.

Les formateurs, qu'ils soient policiers ou gendarmes, sont les premiers à subir les conséquences de cette montée des recrutements mal corrélée à une augmentation des capacités. Les difficultés de recrutement doivent conduire à une meilleure prise en compte des postes de formateur dans le déroulement de carrière en police et en gendarmerie . Elles sont aussi l'occasion d'une plus grande ouverture de la formation initiale à des intervenants extérieurs - avocats, magistrats, universitaires et institutionnels ou associatifs - destinée à permettre aux élèves de prendre en compte la diversité des attentes dont ils font l'objet.

B. DES CHOIX D'ORGANISATION ENCORE INABOUTIS

Après une réforme ambitieuse en 2017, avec la création de la direction centrale du recrutement et de la formation (DCRFPN), la police nationale peine à surmonter les difficultés liées au manque d'intégration du réseau de formation, et spécialement des écoles, sous une autorité unique. Le projet d'Académie de police, bien qu'annoncé par le Président de la République, ne semble pas pour le moment avoir de contenu réellement défini.

Or la conduite de cette réforme écarte la formation de la réforme territoriale de la police nationale. La formation pourrait donc devenir le seul métier de la police nationale non intégré en filière. Elle ne serait donc pas intégrée au champ de compétence du directeur départemental de la police nationale, ce qui ne peut que continuer à éloigner la formation continue des préoccupations des responsables des équipes opérationnelles.

Surtout, on peut regretter que le lien entre formation et gestion des ressources humaines reste impensé.

La gendarmerie nationale semble avoir choisi de se doter d'une structure proche de la DCRFPN, à partir d'un commandement intégré des écoles de formation. Depuis 1959 existe en effet un commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN), dont l'état-major est implanté à Rochefort-sur-Mer. Dans une démarche globale de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, la fonction d'ingénierie de formation a été transférée au 1 er octobre 2022 au commandement des écoles, devenu opérateur unique du recrutement et de la formation. La plus forte intégration de l'organisation de la gendarmerie nationale rend ces évolutions plus aisées à mener à leur terme.

II. LA FORMATION INITIALE ET L'ENTRÉE DANS LA CARRIÈRE : NE PAS SACRIFIER LA QUALITÉ À LA QUANTITÉ

Les voies d'accès à la police et la gendarmerie nationales sont marquées par la volonté de favoriser le recrutement de jeunes n'ayant pas nécessairement acquis un diplôme . C'est le cas pour les policiers adjoints et les gendarmes-adjoints volontaires, qui ont pour vocation d'exercer des missions opérationnelles en appui des gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie, tout en étant accompagnés pour la préparation des concours. La relative facilité de recrutement de ces personnels a conduit à une augmentation plus que proportionnelle de leur incorporation. Parallèlement, l'augmentation du nombre de postes de gardiens de la paix et de sous-officiers de gendarmerie ouverts a eu mécaniquement pour effet de baisser la sélectivité du concours.

A. LA BAISSE DU NIVEAU DES ÉLÈVES

L'augmentation des recrutements a conduit, selon l'avis général, à une baisse du niveau des élèves . Le constat dressé devant les rapporteurs par les formateurs de la police nationale a été assez sévère. Que ce soit en termes d'aptitudes physiques, de connaissances de base ou de savoir être, le niveau des élèves leur paraît insuffisant. La massification du recrutement a non seulement conduit à intégrer des personnes dont les connaissances sont inadaptées mais aussi dont les motivations sont faibles et, en conséquence, l'implication limitée . Parfois même, une hostilité à la police nationale s'exprime chez des élèves, pouvant conduire à une nette dégradation de l'ambiance et de la capacité d'acquisition des savoirs par une promotion.

Les formateurs de la police nationale ont insisté sur la difficulté à rompre les contrats des policiers adjoints dont le niveau est insuffisant ou l'attitude inadéquate . Il semble en être de même, sauf pour les cas les plus extrêmes, pour les élèves gardiens de la paix. Si une régulation se fait naturellement par l'abandon des élèves les moins motivés ou en rupture avec l'institution, cette situation n'est pas satisfaisante car elle tend à faire primer l'objectif numérique du recrutement sur sa qualité.

Cette difficulté existe pour les deux forces, elle a notamment été signalée aux rapporteurs lors de leur déplacement à l'école de gendarmerie de Chaumont, mais est particulièrement marquée pour la police nationale. Ceci tient notamment aux objectifs assignés par chacune des deux forces à leur formation initiale et à la capacité qu'a développée la gendarmerie nationale de créer une culture commune à tous ses membres .

B. DES VOIES DE RECRUTEMENT EN « CRISE » DANS LA POLICE NATIONALE

Le dispositif ayant la plus forte vocation d'accompagnement vers le concours de gardien de la paix, les cadets de la République, souffre d'une baisse d'intérêt des jeunes non diplômés. Cette désaffection serait notamment due à l'écart de rémunération entre les cadets, rémunérés moins que des stagiaires, et les policiers-adjoints rémunérés au SMIC et dont les contrats sont devenus presque aussi facilement accessibles que celui de cadet.

Parallèlement le dispositif de policier adjoint connaît lui aussi une difficulté d'adéquation en termes de durée de formation et de possibilité de rupture des contrats lorsqu'un recruté n'atteint pas ou plus le niveau requis, qu'il s'agisse de condition physique, de connaissances ou de comportement.

La revalorisation de l'indemnité des cadets de la République et la facilitation de rupture du contrat des policiers adjoint doivent donc être étudiées.

C. LE BESOIN D'ENCADREMENT

Les difficultés de la formation des policiers sont également à mettre en relation avec une des difficultés structurelles de la DGPN : le déficit d'encadrement intermédiaire.

Dans le cadre de la RGPP, la majorité des officiers devaient être remplacés par des gradés issus du corps des gardiens de la paix. En pratique, l'important taux de rotation dans les services les plus sensibles a rendu ce remplacement très inégal selon les directions. Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016, fixe un taux d'encadrement cible de 25 %. Il n'est pas atteint dans les directions les plus sensibles.

Prenant acte de ce fait, la Lopmi prévoit une relance du recrutement des officiers. Ceci implique une adaptation de la capacité d'accueil des écoles ainsi que la création de postes de gradés et un effort de formation des gardiens de la paix pour leur permettre d'accéder à des fonctions de hiérarchie intermédiaire en appui aux officiers en charge du commandement.

Il convient, au moins dans les services affectés par le plus fort taux de rotation, de respecter un taux d'encadrement minimal de 35 % dans chaque service de police, avec une clef de répartition entre gradés et officiers et une identification et une valorisation spécifiques de postes destinés aux fonctions de maître de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

III. LA FORMATION CONTINUE, PARENT PAUVRE DE LA FORMATION QUI DOIT DEVENIR UN ENJEU OPÉRATIONNEL MAJEUR

A. LA FORMATION CONTINUE, VARIABLE D'AJUSTEMENT DE L'ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur du 24 janvier 2023 prévoit l'objectif d'une « formation continue augmentée de 50 % » afin de « préserver l'adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ».

Les rapporteurs ne peuvent que saluer cet objectif, tout en notant sa particulière ambition compte tenu de la situation actuelle. Ils appellent à un changement de mentalité vis-à-vis de la formation continue, à son enrichissement et à sa réorganisation.

Malgré des mécanismes d'adaptation aux demandes du terrain et aux orientations données au niveau central, trop souvent la formation continue reste une variable d'ajustement de l'activité opérationnelle des forces, situation qui semble particulièrement prégnante dans la police nationale. En 2021, plus d'un tiers des policiers actifs n'avaient pu effectuer leurs trois séances de tir obligatoire. L'impossibilité de mettre en place une obligation et l'absence de sanction de cette situation montre les progrès à accomplir pour rendre la formation continue véritablement opérationnelle.

B. PASSER D'UNE FORMATION CONTINUE À UNE FORMATION « CONTINUÉE » PERMETTANT DE DYNAMISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS

Le lien entre la formation initiale et la formation continue doit, idéalement être celui d'une formation « continuée », c'est-à-dire celle qui prend appui et complète, tout au long de la carrière, les acquis de la formation initiale.

Face au manque de formation continue dénoncé par les personnels, la responsabilité des chefs de service dans l'accomplissement des actions de formation continue de leurs subordonnés apparaît essentielle : à la fois pour assurer une prise en compte effective de l'accomplissement des formations obligatoires dans le cadre du cycle de travail, mais également pour imposer aux agents sous leur autorité les formations nécessaires pour l'adéquation à leurs missions de leurs connaissances et savoir-faire.

Pour dynamiser la formation continue, les rapporteurs estiment que le respect d'un plan de formation devrait être un élément d'appréciation de l'évaluation professionnelle des chefs de service.

Ils estiment également que la formation continue en matière promotionnelle pourrait être un moyen de mettre fin au déficit d'encadrement intermédiaire dans les services d'investigation judiciaire, mise en exergue par le récent rapport de Nadine Bellurot et Jérôme Durain au nom de la commission des lois du Sénat sur l'organisation de la police judiciaire .

Or, à ce jour, dans la police nationale, le passage au grade de brigadier-chef n'impose pas que le titulaire ait la qualité d'officier de police judiciaire. Les rapporteurs recommandent donc que le passage à ce grade soit conditionné à la détention de la qualité d'OPJ, ce qui implique donc non seulement de modifier les conditions réglementaires pour y accéder, mais aussi à renforcer l'offre de formation continue pour obtenir la qualification d'OPJ.

C. RÉORGANISER L'OFFRE DE FORMATION CONTINUE

Les rapporteurs insistent sur la nécessité de rapprocher la formation continue des équipes de terrain. Ils soulignent l'intérêt du modèle retenu dans la gendarmerie nationale , dans laquelle la formation est effectuée prioritairement au sein des brigades territoriales.

Tant la gendarmerie nationale que la police nationale ont intégré la possibilité d'une formation à distance, avec du côté de la police nationale une réflexion sur la portée et les limites de ce type de formation qui paraît nécessaire.

Face à l'ampleur des besoins, les rapporteurs estiment que la mutualisation de la formation continue entre les deux forces de sécurité devrait constituer, dans un certain nombre de domaines, le principe, qui ne devrait souffrir d'exception que pour autant que la spécificité de l'action des forces le justifie.

Ils ne peuvent donc qu'appuyer les formations communes du type de celles relatives à la lutte contre le trafic de produits stupéfiants et dans le cadre de la mise en place de l'OFAST, en matière de saisie des avoirs criminels, puisque cette procédure de saisie ne comporte aucune spécificité particulière en zone gendarmerie ou en zone police.

Dans un contexte marqué par une plus grande violence de voie publique, les rapporteurs insistent en particulier sur l'intérêt d'une approche commune plus développée en matière de formation continue s'agissant du maintien de l'ordre. Il en va de même pour les gestes techniques en matière d'interpellation, dès lors notamment qu'avec l'abandon de la technique dite de « l'étranglement » dans la police nationale, ces techniques se sont fortement rapprochées de celles de la gendarmerie nationale.

LES PRINCIPAUX CONSTATS

- Des réseaux de formation sous pression constante depuis dix ans du fait de la réduction des infrastructures et de l'augmentation des recrutements et besoins de formation.

- Une formation initiale confrontée à une baisse du niveau des élèves et au besoin de créer un sens des missions et de l'identité de l'institution de la police nationale, comme paraît y parvenir la gendarmerie nationale.

- Une formation continue qui doit être rapprochée des besoins des équipes de terrain et le plus possible mutualisée entre les forces.

- Un déficit d'encadrement intermédiaire qui doit être résolu.

LES PRINCIPALES PROPOSITIONS

- Établir un programme triennal d'acquisition d'équipements mis à disposition des élèves, de rénovation des bâtiments et de construction pour les écoles de police et de gendarmerie, avec un financement fléché à partir de la programmation budgétaire votée dans le cadre de la Lopmi.

- Valoriser l'appartenance collective à la police nationale au-delà des spécificités métier.

- Préserver la militarité de la gendarmerie par le maintien des formations initiale et continue communes avec les forces armées.

- Ouvrir, par voie de conventions, les formations initiales à d'autres acteurs que les policiers et gendarmes (magistrats, avocats des barreaux, associations).

- Rendre nécessaire la qualité d'officier de police judiciaire pour le passage au grade de brigadier-chef de la police nationale.

- Respecter un taux d'encadrement minimal à 35 % dans chaque service de police avec une clef de répartition entre gradés et officiers et une identification et valorisation spécifiques de postes destinés aux fonctions de maître de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Établir un programme triennal d'acquisition d'équipements mis à disposition des élèves, de rénovation des bâtiments et de construction pour les écoles de police et de gendarmerie avec un financement fléché à partir du programme budgétaire voté dans le cadre de la Lopmi.

Mettre aux normes le site du Centre régional de formation de Draveil.

Créer une nouvelle école de police en Ile-de-France.

Proposition n° 2 : Assurer un lien voire un accompagnement des élèves policiers en attente d'incorporation.

Proposition n° 3 : Renforcer la cohérence de la formation initiale de tous les grades au sein de la police nationale et rétablir le lien organique entre formation et ressources humaines dans la police nationale afin notamment de garantir la prise en compte des formations et concours dans le déroulement de carrière.

Proposition n° 4 : Mieux intégrer les fonctions des formateurs au développement de carrière des policiers et gendarmes.

Proposition n° 5 : Ouvrir davantage, par voie de convention, les formations initiales à d'autres acteurs que les policiers et gendarmes (magistrats, avocats des barreaux, associations).

Proposition n° 6 : Faciliter l'exclusion des élèves policiers et gendarmes dont l'attitude est incompatible avec les attentes.

Proposition n° 7 : Favoriser la pluridisciplinarité des gardiens de la paix sur le modèle de la gendarmerie.

Proposition n° 8 : Valoriser l'appartenance collective à la police nationale au-delà des spécificités métier.

Proposition n° 9 : Préserver la militarité de la gendarmerie par le maintien des formations communes avec les forces armées.

Proposition n° 10 : Rapprocher le statut des Cadets de la République de celui des policiers adjoints.

Proposition n° 11 : Respecter un taux d'encadrement minimal à 35 % dans chaque service de police avec une clef de répartition entre gradés et officiers et une identification et valorisation spécifique de postes destinés aux fonctions de maître de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

Proposition n° 12 : Intégrer la qualité du projet de formation continue à l'évaluation des encadrants en police et en gendarmerie.

Proposition n° 13 : Rendre nécessaire la qualité d'officier de police judiciaire pour le passage au grade de brigadier-chef de la police nationale.

Proposition n° 14 : Développer les formations communes aux équipes, le plus possible sur leur lieu de travail.

Proposition n° 15 : Développer la mutualisation de formations opérationnelles en matière de maintien de l'ordre entre gendarmerie mobile et compagnies républicaines de sécurité et la formation commune aux gestes techniques en matière d'interpellation des policiers et gendarmes en formation continue.

Proposition n° 16 : Garantir l'accès des policiers et gendarmes aux infrastructures de formation gérées par la CNFPT et les collectivités locales pour les policiers municipaux.

AVANT-PROPOS

Il en est de la formation des policiers et gendarmes comme de l'éducation nationale. On s'accorde facilement à penser que toute difficulté, tout incident découle de ses manques, que toute solution passe sa rénovation ou tout au moins par sa modification voire par le fait de la compléter. Il faut donc se garder d'ériger la formation en totem, en bouc émissaire ou en passe partout des difficultés que pose l'intervention des forces de sécurité. À l'inverse sous-estimer l'importance des enjeux de formation serait une erreur.

Sommes-nous capables de former un nombre historique de jeunes recrues pour qu'elles puissent assurer rapidement les fonctions de sécurité et d'enquête qui sont attendues d'elles tout en garantissant le respect des libertés et la qualité des relations avec les citoyens qui fondent, en République, la confiance dans nos forces de sécurité ? Pouvons-nous assurer la formation continue des personnels constamment accaparés par leurs missions ? Alors même que la délinquance et la criminalité augmentent et tendent à s'uniformiser sur le territoire et que l'on ne cesse de comparer l'action de la police et celle de la gendarmerie (souvent au détriment de la première), est-il légitime de conserver des formations initiales et continues distinctes pour les deux forces de sécurité ?

C'est pour répondre à ces interrogations que la commission des lois a créé en son sein une mission d'information confiée à deux co-rapporteurs, représentants de la majorité et de la minorité sénatoriale, respectivement Catherine Di Folco et Maryse Carrère.

Les travaux des rapporteurs ont commencé après la remise en cause par un ministre de l'intérieur d'une technique d'interpellation jugée dangereuse et dont il est apparu qu'elle était encore pratiquée par la police nationale alors qu'elle avait été abandonnée par la gendarmerie nationale. Si l'influence médiatique des débats d'outre-Atlantique n'a pas contribué à apaiser ou à clarifier les débats, la technique dite « de l'étranglement » est aujourd'hui abandonnée. Plus récemment, lors de la finale de la Ligue des Champions de 2022, c'est le recours au gaz lacrymogènes par la gendarmerie mobile pour évacuer les abords du Stade de France qui a été particulièrement critiqué par les observateurs étrangers. Lors de leur déplacement au centre national des forces de gendarmerie de Saint-Astier, ce cas a été cité comme exemple de retour d'expérience (RETEX) destiné à interroger les techniques d'intervention et donc les formations proposées et dispensées par les deux forces de sécurité intérieure.

La formation est ainsi, nécessairement, constamment interrogée et en perpétuelle évolution, que ce soit pour faire face aux évolutions de la délinquance et de la criminalité, du maintien de l'ordre ou de la procédure et du droit pénal, ou encore aux évolutions de la société et aux attentes des populations.

Les huit dernières années ont vu un bouleversement de la politique en matière de sécurité intérieure du fait, initialement, principalement, de la menace terroriste mais aussi, des exigences nouvelles en matière de maintien de l'ordre et de la crise migratoire.

Parallèlement, au sein de la police nationale la formation a fait l'objet de réformes destinées à faire face à ces nouveaux enjeux. Mais elles ont paradoxalement abouti à isoler la gestion de la formation du reste de la police nationale. Le dernier en date des projets, aux contours encore très incertains, celui de l'Académie de police, est indépendant de la réforme territoriale de la police nationale. Il n'est donc pas conçu sur le modèle des filières comme le seront sans doute à l'avenir tous les métiers de la police nationale.

C'est parce que la formation est toujours au coeur des débats mais tend systématiquement à être marginalisée en pratique qu'il convient de déterminer les buts qu'on lui assigne et les moyens qu'on lui attribue pour y parvenir 1 ( * ) .

Telle a été l'ambition des rapporteurs tout au long de leurs travaux, qui ont mêlé auditions au Sénat et déplacements dans plusieurs centres de formation de la police et de la gendarmerie nationales, en essayant de déterminer les bonnes pratiques et les voies d'amélioration des deux forces, qui à ce jour conçoivent trop leur offre de formation de manière exclusive et singulière, alors qu'elles gagneraient une synergie évidente dans une plus grande mutualisation, dans le respect de leur caractère propre, qu'il ne s'agit aucunement de remettre en question.

« Pour des raisons à la fois historiques et tenant à la nature de l'activité policière, la culture de la formation n'a commencé que tardivement à se propager dans la police nationale » 2 ( * ) . De fait, la critique concernant la formation des gardiens de la paix et de sous-officiers de gendarmerie a été récurrente, pour ne pas dire constante, depuis la fin du XIXème siècle. C'est pour y répondre qu'au début du XXème siècle s'est stabilisé le choix d'un recrutement par concours suivi d'une période de formation en école.

I. L'APPAREIL DE FORMATION : UN EFFORT INDISPENSABLE DE MISE À NIVEAU

A. UNE CAPACITÉ INSUFFISANTE

Le système de formation initiale de la police et de la gendarmerie nationale souffre d'un sous-dimensionnement chronique. La capacité d'accueil des élèves a souffert des réductions d'infrastructures décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Dix ans après la fin de la RGPP, l'augmentation quasi constante du nombre de recrues n'a pas permis de montée en niveau des locaux et équipements à la hauteur des besoins, tout en accroissant la pression sur les formateurs.

1. Une augmentation continue des recrutements depuis 2013
a) Une réponse à la menace terroriste puis à la pression migratoire

En 2015, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve estimait que les effectifs des services de police et des unités de gendarmerie avaient « connu une contraction de plus de 13.000 emplois entre 2007 et 2012 ». Trois plans de renfort des effectifs furent mis en oeuvre cette même année 3 ( * ) , dont deux en lien avec les attentats subis par la France en janvier et en novembre.

En février 2017, le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration sur l'évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationale indiquait que ces plans aboutiraient à la création de 8 200 emplois temps pleins travaillés fin 2017 4 ( * ) . Il indiquait que pour faire face à l'urgence du recrutement au sein des services spécialisés (renseignement, police judiciaire, immigration), ceux-ci avaient été recrutés majoritairement parmi les fonctionnaires expérimentés, eux-mêmes remplacés dans leurs services d'origine par des personnels en sortie d'écoles.

Sur la période 2013-2016, une part importante des nouveaux recrutements a concerné des adjoints de sécurité (ADS) de la police nationale (36 % en moyenne des emplois créés) et des gendarmes-adjoints volontaires (GAV - 60 % des emplois créés). Le rapport souligne qu'« en pratique, les ADS et GAV - dont la durée de formation est de 3 mois environ - ont constitué une part significative des effectifs recrutés par la police et par la gendarmerie en raison, d'une part, de la souplesse que permet leur sélection, en comparaison de l'organisation plus contraignante des concours et, d'autre part, de la capacité plus forte d'ajustement qu'ils procurent aux directions des ressources humaines qui cherchent à réaliser intégralement leur schéma d'emplois en fin d'année . »

b) Le « plan 10 000 » et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur

La politique de recrutement amorcée en 2013 se poursuit depuis dix ans. La première phase de recrutement a conduit à un pic en 2016, suivi d'une nouvelle montée depuis 2021.

Le dernier quinquennat a été marqué par le discours du Président de la République aux forces de sécurité intérieure, le 18 octobre 2017, qui annonçait la création de 10 000 emplois supplémentaires pour les forces de sécurité : 7 500 pour la police nationale et 2 500 pour la gendarmerie nationale, sur la période 2017-2022. Ce « plan 10 000 » reposait sur la volonté de renforcer les effectifs en matière de lutte contre le terrorisme, de renseignement et aux frontières. Surtout, il était fondé sur une nouvelle orientation, la création d'une police de sécurité du quotidien, avec la création de 826 emplois supplémentaires en vue de renforcer la lutte contre la délinquance quotidienne et le rapprochement de la police de la population.

Le nouveau quinquennat a entraîné une relance des recrutements. Le 6 septembre 2022, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes d'ici à 2027, projet intégré à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur 5 ( * ) .

La loi de finances pour 2023 prévoit ainsi la création nette dans les schémas d'emploi de 2 857 emplois dans les deux forces (1 334 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale (ETPT) équivalant à 1 907 emplois et 814 ETPT dans la gendarmerie nationale équivalant à 950 emplois).

Ces emplois supplémentaires se traduiront essentiellement par une augmentation des effectifs des corps d'encadrement et d'application de la police nationale et des sous-officiers de gendarmerie.

L'un des points saillants du nouveau projet est la création sur cinq ans de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. En 2023, 312 effectifs seraient dédiés à la création de ces nouvelles brigades, ce qui devrait permettre la création effective d'une trentaine d'entre elles.

Les effectifs supplémentaires se traduiront également par une amélioration des capacités d'intervention et de maintien de l'ordre en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La Lopmi prévoit ainsi la création de onze nouvelles unités de force mobile, parmi lesquelles sept escadrons de gendarmerie mobile (quatre en 2023 et trois en 2024) et quatre compagnies de CRS sur le modèle de la CRS 8 (dont trois en 2023 à Nantes, Chassieu et Marseille et une en 2024 à Montauban). Les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) devraient également être densifiés.

En parallèle de ces créations d'effectifs, la présence sur la voie publique serait renforcée par la poursuite de la substitution des personnels à vocation opérationnelle par des personnels civils ou des corps militaires de soutien (objectif de 400 substitutions dans la gendarmerie et de 500 substitutions dans la police en 2023), et une montée en puissance des réserves opérationnelles de la police (8,4 millions d'euros supplémentaires en 2023) et de la gendarmerie (14 millions d'euros supplémentaires en 2023).

Sources : DCRFPN et DGGN .

2. Un nombre de places et un accès aux équipements inadaptés
a) Un rattrapage inachevé depuis la fin de la révision générale des politiques publiques (RGPP)

En pratique, la capacité d'accueil des écoles de police et de gendarmerie restreint les possibilités de recrutement dans ces deux corps. Dans le cadre de son suivi budgétaire de la mission Sécurité, le rapporteur pour avis de la commission des lois, Henri Leroy, a souligné les difficultés croissantes rencontrées par l'exécutif pour respecter un plan de recrutement trop ambitieux dans le cadre du « plan 10 000 » 6 ( * ) .

Ces difficultés sont aggravées par la réduction du nombre des infrastructures de formation engagée entre 2009 et 2011 .

Dans le cadre de la RGPP, la gendarmerie a en effet fermé dès le 1 er septembre 2009 quatre de ses huit écoles de sous-officiers ou de gendarmes adjoints volontaires, à Montargis, Libourne, Châtellerault et Le Mans. Ces établissements étaient historiquement des écoles préparatoires de gendarmerie, réunies avec les centres d'instruction de gendarmerie dans la catégorie des « écoles des sous-officiers de gendarmerie » en 1984.

Afin de conduire la « rationalisation de son réseau de formation 7 ( * ) », la police nationale a pour sa part fermé huit centres de formation et quatre écoles (Vannes, Marseille, Chatel-Guyon, Fos-sur-Mer) et procédé à la recomposition ou à la transformation d'autres établissements.

Ainsi, à l'issue de la RGPP, le rapport des inspections précité relève que le réseau de formation des gardiens de la paix disposait fin 2015 de 5 040 places réparties entre formation initiale et formation continue 8 ( * ) . Or, depuis 2014, le nombre annuel d'entrées dans la police nationale n'a jamais été inférieur à 6 000.

b) Une double pression sur l'infrastructure de formation : l'allongement de la durée de la formation initiale en école et l'augmentation des recrutements

Au regard des besoins de formation, la remontée de la capacité de formation a été progressive. Elle a reposé sur des augmentations de places, grâce à la création de nouvelles places en école ainsi qu'à la réaffectation et à l'ouverture de nouvelles écoles. Pour la gendarmerie, l'école de Dijon a ainsi été créée le 1 er septembre 2016, portant à cinq le nombre d'établissements actuellement capables d'accueillir les élèves gendarmes (hors corps de soutien technique et administratif) en métropole.

Source : DGGN

Source : https://www.devenirpolicier.fr

La police nationale dispose pour sa part aujourd'hui de 12 structures de formation initiale pour les gardiens de la paix, notamment par la réaffectation à la formation initiale du centre régional de formation de Draveil qui, créé en tant qu'école nationale de police en 1995, avait été de 2010 à 2016 affecté uniquement à la formation continue.

Mais la gestion des besoins de formation s'est d'abord faite en agissant sur la formation elle-même, d'abord en enchaînant les promotions à flux tendu, avec un rythme de deux par an, voire parfois plus, au sein des écoles, un simple week-end séparant le départ d'une promotion de l'entrée de la suivante. À court terme, le recrutement de personnels en formation courte a également été privilégié, tandis que les temps de formation ont été fortement écourtés. Le rapport des inspections relevait que pour permettre les recrutements de la période 2012-2016, une adaptation de la scolarité avait dû être mise en place, marquée par une réduction du temps de formation théorique de 1,5 à 2 mois (selon les concours, interne ou externe) dans la police, et de 1 à 3 mois dans la gendarmerie.

Sur la durée totale de 24 mois de la formation initiale des gardiens de la paix, le choix avait été fait en 2017, dans la cadre du « plan 10 000 », de réduire le temps de formation en école de 12 à 8 mois. Ce choix était lié à la volonté de renforcer la formation en stage et donc au sein des équipes. Mais il découlait également de la difficulté à organiser la scolarité en école. Critiquée comme n'offrant pas un bagage suffisant aux jeunes recrues, cette formation en école « rapetissée » , selon le mot du ministre de l'intérieur, a été abandonnée après cinq ans de mise en oeuvre . Depuis mai 2022, la période de formation en école a été à nouveau portée à 12 mois pour les élèves gardiens de la paix.

Le temps de formation en école des sous-officiers de gendarmerie, qui était également de 8 mois sur 12 mois au total, sera lui aussi porté à 12 mois d'ici 2025.

Ce choix est cohérent avec les exigences en matière de contenu de la formation, mais il intervient au moment même où une nouvelle vague des recrutements renforce la pression sur l'appareil de formation.

A l'occasion de son discours de clôture du Beauvau de la Sécurité 9 ( * ) , le président de la République faisait le constat qu'entre la réussite au concours de gardien de la paix et l'intégration d'une école, le temps d'attente était d'un à deux ans. Malgré l'objectif fixé alors par le chef de l'État d'un délai maximal de six mois, les conditions de pression sur les écoles et les exigences renforcées en matière de temps de formation n'ont pas permis de réduction significative pour l'ensemble des écoles. Cette situation entraîne nécessairement la perte d'une partie des candidats recrutés, au moins pour ceux qui ne sont pas déjà intégrés à la police en tant que cadet de la République ou policier adjoint. Les rapporteurs considèrent que si l'objectif premier doit rester la réduction du temps avant l'intégration en école, il est nécessaire de prévoir un accompagnement des lauréats du concours de gardien de la paix non entre intégrés.

Proposition : Assurer un lien voire un accompagnement des élèves policiers en attente d'incorporation.

La question se pose de manière un peu différente pour la gendarmerie qui connaît une mise en oeuvre progressive de l'augmentation du temps en école. La durée de la scolarité évoluera progressivement afin d'intégrer les enseignements supplémentaires : depuis le 1 er septembre 2022, la scolarité des élèves-gendarmes issus du secteur civil a été portée à 9 mois au lieu de 8 mois.

Néanmoins, cette augmentation n'a pu se faire à court terme que par transfert de temps disponible . La scolarité des élèves anciens gendarmes-adjoints a été temporairement réduite 7 mois en tirant profit de leur formation initiale de 3 mois et de l'expérience acquise ; leur durée de stage d'application en unité avant la nomination au grade de gendarme a parallèlement été allongée de deux mois. Sur la période 2023-2027, la gendarmerie prévoit d'intégrer l'allongement des durées de formation liée à l'augmentation des recrutements en accroissant le nombre de compagnies d'instruction susceptibles d'être accueillies dans les écoles et en augmentant le nombre de formateurs. Trois compagnies sur les douze envisagées seront créées pour accueillir des élèves dès 2023/2024 dans les écoles de Châteaulin, Rochefort et Fontainebleau. Ceci implique des travaux, notamment pour l'hébergement des élèves. Ils seront pris en charge dans le cadre d'une enveloppe de 85 millions d'euros prévue en autorisations d'engagement sur la période 2022-2028.

A la nécessité de former des élèves s'ajoute celle de former la réserve opérationnelle . La création de la réserve opérationnelle de la police nationale, sur le modèle de celle de la gendarmerie nationale, a été l'une des perspectives offertes pour le renforcement des effectifs depuis le Beauvau de la Sécurité. Le renforcement du budget alloué aux deux réserves opérationnelles voté dans le cadre de la loi de finances pour 2013 doit permettre leur montée en puissance : les objectifs annoncés sont de porter la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale à 50 000 réservistes (contre 30 000 réservistes environ actuellement) et la réserve opérationnelle de la police nationale à 30 000 réservistes (6 000 environ actuellement). Dans la gendarmerie nationale, mais surtout la police, il est nécessaire de former ces réservistes auxquels des tâches extrêmement diverses sont susceptibles d'être confiées. Il s'agit là d'une pression nouvelle sur l'appareil de formation.

Des travaux permettant l'augmentation des capacités d'accueil des établissements sont donc nécessaires. Il apparaît cependant qu'aucune nouvelle création d'école n'est prévue, et ce alors même que le besoin d'un nouvel établissement au moins est établi pour la police nationale en Ile-de-France.

Parallèlement, la création de nouvelles capacités d'accueil pose deux questions : l'entretien de bâtiments parfois vétustes , et la disponibilité d'infrastructures essentielles à la formation , au premier rang desquelles les stands de tir .

S'agissant de la police nationale, les déplacements effectués par les rapporteurs ont montré deux situations très différentes, à l'école nationale de police de Roubaix et au centre de formation régional de Draveil. Les rapporteurs ont pu constater la qualité de l'infrastructure de l'école de Roubaix, premier bâtiment conçu dès l'origine comme une école de police, qui dispose d'équipements, d'hébergements et de salles d'enseignement modernes et adaptés. Le site de Draveil, présenté comme « très dégradé » par la Cour des comptes dans son rapport de février 2022 sur la formation des policiers, nécessite en revanche une mise à niveau. Outre le manque d'un stand de tir, les besoins d'hébergement et de salles de cours ne sont pas suffisamment couverts. Les bâtiments hébergeant les élèves servent également pour les mises en situation, une polyvalence intéressante mais insatisfaisante du point de vue de la qualité des infrastructures. L'ensemble des bâtiments de l'école, dont le corps principal, nécessitent des rénovations. L'un des bâtiments nécessite des travaux de désamiantage. Les travaux sont constants, mais d'ampleur insuffisante en raison de la nécessité de préserver l'usage et par manque de moyens. Les travaux, estimés en 2020 à 13,7 millions d'euros pour une première mise à niveau du centre, mais à minima à 25 millions pour la mise aux normes et la construction de nouveaux bâtiments, n'avaient pas été actés au moment du déplacement des rapporteurs.

La Cour des comptes dans son rapport précité relevait le « sous-investissement dans les travaux d'entretien et d'aménagement » dans l'ensemble des infrastructures. Elle indiquait que « les travaux d'aménagement ont été fléchés sur des projets prioritaires touchant à la sécurité des personnes et des biens, au détriment des travaux liés au maintien en condition du bâti, ou tout du moins au ralentissement de sa dégradation, qui ne sont traités qu'en cas d'urgence. Les arbitrages budgétaires ont conduit à ce que les besoins recensés par les structures sur les travaux d'aménagement soient de plus en plus nombreux à ne pas être satisfaits ». Elle notait par ailleurs que le défaut de renouvellement des équipements, lié aux contraintes budgétaires devenait problématique notamment en matière d'hébergement.

Malgré la programmation budgétaire prévue par la Lopmi, il apparaît que les contraintes budgétaires ne sont pas totalement levées . En réponse aux questions des rapporteurs, la direction générale de la police nationale (DGPN) affirme que : « Des efforts notables sur le plan budgétaire et logistique sont à concéder pour satisfaire à la cible des incorporations . » Elle indique qu'« il est primordial de mener à bien les travaux déjà engagés et d'obtenir les crédits nécessaires à la réalisation de travaux indispensables ».

Le manque de moyens bloque toutes les étapes de l'entretien des bâtiments. La Cour des comptes note ainsi qu'il a fallu attendre plusieurs années pour pouvoir financer la réalisation d'études pour l'installation d'un centre de tir à Draveil ; études qui ne se sont pas traduites par la construction de cet équipement, dont la nécessité est pourtant évidente. Le passage du temps et la dégradation des équipements, ou d'au moins une partie d'entre eux, nourrissent l'élaboration de projets alternatifs, comme l'idée d'une cession du site de Draveil pour financer la construction d'une nouvelle école en Ile-de-France. L'étude et l'existence de ces projets, pour lesquels les arbitrages sont rendus difficilement, contribuent à retarder les décisions d'investissement dans les équipements existants au-delà de l'entretien urgent.

Pour pallier le manque d'équipement propres ou, s'agissant des 36 stands de tirs d'Ile-de-France, « souvent indisponibles en raison de la fréquence d'opérations de maintenance », les rapporteurs se sont penchés sur les perspectives de mutualisation d'équipements et sur la possibilité de garantir l'accès des policiers et gendarmes aux infrastructures privées ou construites pour la formation des policiers municipaux.

Une instruction tripartite (police, gendarmerie, secrétariat général du ministère de l'Intérieur) du 26 octobre 2017, relative à la mutualisation et au suivi technique des infrastructures de tir utilisées par les forces de sécurité intérieure, prévoit déjà que les forces de sécurité intérieure doivent pouvoir bénéficier de l'accès aux stands de tir d'organismes privés (clubs ou sociétés de tir) ou publics (police municipales, collectivités territoriales, établissements publics), dès lors que la configuration de ces installations offre les conditions de sécurité requises. L'utilisation de ces installations nécessite la passation d'une convention locale autorisant et encadrant l'utilisation de ces installations qui devra être, le cas échéant, subordonnée à un processus d'agrément technique préalable.

La mise en oeuvre de cette instruction s'avère cependant difficile sur le terrain. La DGPN indique que si, en théorie, un nombre non négligeable de stands de tir peuvent être utilisés par les forces de sécurité, cette utilisation est limitée par les munitions qui peuvent être utilisées sur les stands ciblés, par leur distance par rapport au service d'origine du service de police concerné ou par les créneaux restant disponibles.

Propositions : Établir un programme triennal d'acquisition d'équipements mis à disposition des élèves, de rénovation des bâtiments et de construction pour les écoles de police et de gendarmerie avec un financement fléché à partir du programme budgétaire voté dans le cadre de la Lopmi.

Mettre aux normes le site du Centre régional de formation de Draveil.

Créer une nouvelle école de police en Ile-de-France.

B. DES CHOIX D'ORGANISATION ENCORE INABOUTIS

La gendarmerie nationale a fait le choix d'une organisation de la formation initiale fondée sur un réseau intégré d'écoles. Pour sa part, la police nationale a fait face aux nouvelles exigences par la création d'une direction centrale dédiée ; son pouvoir d'animation du réseau de formation reste toutefois imparfait. Les difficultés d'articulation entre formation et déroulement d'une carrière au sein de la police comme de la gendarmerie sont particulièrement visibles pour les formateurs, dont le recrutement s'avère, pour les deux forces, difficile.

1. En matière de gouvernance

Les difficultés à adapter le système de formation à la pression croissante liée aux recrutements puis à l'allongement de la durée de scolarité ne sont pas imputables à un manque d'appréhension des enjeux par la police et la gendarmerie nationales. Pour faire face aux exigences d'un recrutement de masse après la période de contraction des moyens qui lui étaient consacrés, la police nationale a procédé à une réforme structurelle importante avec la création en janvier 2017 de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN).

Cette direction a pu constituer une doctrine de la formation initiale et continue dont les rapporteurs ont pu mesurer le caractère complet et cohérent. Complète, elle prend en compte les besoins pratiques de formation des futurs agents de la police nationale en y intégrant notamment la dimension de l'éthique professionnelle qui est au coeur des relations entre police et population. Elle prend aussi en compte la forte implication que nécessitent des métiers qui impliquent tous les aspects de la vie d'une personne et ne permettent pas de considérer comme distinct le comportement privé et l'exercice professionnel. L'attention portée au recrutement de psychologues capables d'évaluer les élèves et de participer à leur formation est également à souligner. Au-delà de la formation initiale, la direction a également développé une vision de ce que doit être le rôle de la formation permanente des policiers au-delà des « recyclages » obligatoires. L'accent est mis sur la définition par les responsables d'équipe des compétences nécessaires par leurs agents pour l'accomplissement des missions qui leurs sont confiées.

La DCRFPN assure ainsi le recrutement des personnels ainsi que leur formation initiale et continue. Elle constitue de ce fait quasiment une administration de mission au regard des objectifs fixés par les gouvernements successifs. Elle souffre cependant de deux difficultés.

La première est qu'elle entre en concurrence, pour la définition des programmes de formation continue, avec l'Ecole nationale supérieure de la police (ENSP). Ce point a été relevé par la Cour des comptes, qui déplore la définition de deux offres de formation parallèles entre les deux entités. L'ENSP mène en effet d'après la Cour des comptes un processus de définition des offres de formation parallèle à celui conduit par la DCRFPN et ne lui communique pas le contenu de son offre. La tutelle exercée depuis 2020 par la DCRFPN sur l'ENSP ne paraît pas avoir sensiblement amélioré la situation.

Surtout, conçue pour permettre le recrutement et la formation, la DCRFPN souffre depuis l'origine de son manque de lien avec la gestion des ressources humaines. Alors même que plusieurs formations sont liées aux prises de poste, la promotion peut attendre plusieurs mois voire années, ce que les syndicats de police ont dénoncé à plusieurs reprises. En l'absence de lien organique entre formation et ressources humaines, la police nationale n'est pas en mesure de surmonter aisément ces difficultés, la formation n'étant pas suffisamment intégrée au parcours de carrière.

La création d'une Académie de police , annoncée par le président de la République lors de son déplacement sur la sécurité du quotidien à Montpellier le 18 avril 2021, pose à nouveau la question de la conduite des réformes et de l'organisation de la police nationale. Présentée comme une « école de guerre » destinée à la formation continue des policiers, la vocation de cette institution n'est toujours pas arrêtée près de deux ans plus tard. Si le déménagement des services de la DCRFPN à Montpellier dans un nouveau bâtiment et l'adoption d'un nouveau nom, Académie de Police, semble acquise 10 ( * ) , de même que la vocation de cette nouvelle entité à faciliter les liens entre la formation de la police et la recherche universitaire, plusieurs points essentiels demeurent inconnus. Ainsi la possibilité que l'Académie soit véritablement un lieu d'enseignement « dans laquelle passeront l'ensemble de nos forces de police en France » selon l'affirmation du président de la République 11 ( * ) ne semble pas définitivement arrêtée. Surtout, cette Académie sera-t-elle simplement le nouveau lieu d'implantation de la DCRFPN, ou une nouvelle modalité d'organisation de la formation au sein de la police nationale ? Cela ne semble pas tranché.

Semble écartée l'idée d'un lieu commun de formation initiale de tous les grades de la police nationale . Bien que particulièrement difficile à mettre en place cette option répondait à une interrogation récurrente sur la formation initiale de la police. Celle du trop grand cloisonnement entre les formations de gardien de la paix, d'officier et de commissaire . Bien que régulièrement envisagées, des formations initiales communes, même entre officiers et commissaires peines à être mises en oeuvre.

La question fondamentale est celle du lien entre l'Académie et les écoles . La création d'un label commun au réseau de formation, évoquée comme une des pistes possibles par le directeur général adjoint de la police nationale, est très en deçà d'une intégration de la gouvernance, qui serait seule à même de garantir la cohérence de la formation initiale et continue. L'idée d'une Académie de police destinée à remplacer la DCRFPN et à devenir une vraie tête du réseau de formation peine à s'imposer.

L'absence de diagnostic clair sur les difficultés rencontrées et sur les besoins en termes de pilotage combiné avec un projet présidentiel visiblement inabouti ne permettent pas d'offrir des perspectives claires pour l'avenir de la gouvernance de la formation au sein de la police nationale. Cela empêche par ailleurs d'intégrer la formation à la réforme de la police nationale, qui est en cours avec la création des directions départementales de la police nationale et des filières métier. Ceci ne peut conduire qu'à marginaliser la formation dans le processus de décision des responsables territoriaux de la police.

On peut de plus regretter que le lien entre formation et gestion des ressources humaines reste impensé. Surtout la conduite de cette réforme écarte la formation de la réforme territoriale de la police nationale. Comme le souligne à plusieurs reprises le rapport des inspections sur cette réforme 12 ( * ) , la formation pourrait donc devenir le seul métier de la police nationale non intégré en filière. Elle ne serait donc pas intégrée au champ de compétence du directeur départemental de la police nationale, ce qui ne peut que continuer à éloigner la formation continue des préoccupations des responsables des équipes opérationnelles.

La gendarmerie nationale semble avoir choisi de se doter d'une structure proche de la DCRFPN, à partir d'un commandement intégré des écoles de formation. Depuis 1959 existe en effet un commandement des écoles de la gendarmerie nationale, dont l'état-major est implanté à Rochefort-sur-Mer. Dans une démarche globale de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, la fonction d'ingénierie de formation a été transférée au 1 er octobre 2022 au commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN), devenu opérateur unique du recrutement et de la formation. La plus forte intégration de l'organisation de la gendarmerie nationale rend ces évolutions plus aisées à mener à leur terme.

Proposition : Renforcer la cohérence de la formation initiale de tous les grades au sein de la police nationale et rétablir le lien organique entre formation et ressources humaines dans la police nationale afin notamment de garantir la prise en compte des formations et concours dans le déroulement de carrière.

2. Pour le recrutement des formateurs

Le manque d'attractivité des postes de formateurs est établi de longue date, que ce soit pour les matières théoriques « généralistes » ou, surtout, pour les techniques et la sécurité en intervention (TSI). Nécessitant un investissement personnel important en termes de formation, la qualification de formateur souffre du manque d'attractivité financière comme de perspectives d'évolution ou de prise en compte des compétences acquises lors d'un retour en unité active. Par ailleurs, il s'avère particulièrement complexe de combiner, pour des agents ayant la qualification de formateur, l'exercice de cette fonction à temps partiel avec un poste en unité.

La police nationale doit, pour faire face à l'augmentation des recrutements, disposer dès l'année 2023 de 124 formateurs supplémentaires répartis en formation initiale (65), formation continue (44) et formation drones (15). À ces nouveaux postes s'ajoute la nécessité de pourvoir les postes déjà vacants dans les structures. La DGPN indique que 353 candidats ont été recensés : le ratio candidats/postes est donc inférieur à celui de trois par poste relevé par la Cour des comptes pour 2021, lui-même en baisse par rapport à 2017 où il s'élevait à cinq candidats par poste.

Doivent également être pris en compte les besoins en psychologues, soit 45 en formation initiale et 5 en formation continue. Leur recrutement sera lancé au 1er semestre 2023.

Le processus de formation des formateurs impose nécessairement un délai avant leur entrée en fonction. Les candidats retenus suivront une formation d'une durée d'au moins 10 semaines, et de 18 semaines pour les candidats aux fonctions de formateurs TSI (FTSI). Ces formations spécialisées se déroulent au sein du centre national des techniques et sécurité en intervention et du centre national de tir.

Les rapporteurs ont pu noter lors de leurs entretiens le sentiment d'usure professionnelle des formateurs en école, spécialement en FTSI. Celui-ci découle de la pression constante à laquelle ils font face pour faire parvenir les élèves à un niveau conforme aux exigences de la police dans un délai particulièrement contraint et sans interruption entre les promotions. C'est sur eux que pèse l'ensemble des contraintes matérielles et temporelles ; ainsi lorsque le temps nécessaire aux formalités administratives, à l'installation des nouveaux élèves dans une école de police puis aux vacances, ampute en pratique le temps théorique de formation de cinq à dix jours.

La gendarmerie semble connaître moins de difficultés de recrutement. Dans le cadre du « plan 10 000 », 209 ETP ont été créés pour la formation et 252 ETP sont prévus dans le cadre de la Lopmi (140 ETP en formation initiale, 112 ETP en formation continue). Mieux intégré au déroulement de carrière, mieux valorisé, le passage par des fonctions de formateur paraît a priori plus souple en gendarmerie. Les échanges des rapporteurs avec des formateurs laissent cependant penser que le retour au sein des unités opérationnelles pourrait encore gagner en fluidité.

Lors de leur déplacement au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier, unanimement reconnu comme un pôle d'excellence de la gendarmerie, les rapporteurs ont pu assister à des séances de formation initiale et continue de formateurs en intervention opérationnelle. Elles ont pu constater le haut niveau d'exigence et la nécessité pour des personnels ayant une pratique de terrain de savoir la remettre en cause pour faire évoluer les techniques d'intervention. Elles ont également pu noter l'écart qui existe nécessairement entre la présentation théorique des enseignements et la réalité des gestes enseignés pour les interventions opérationnelles. La gendarmerie nationale avait, dès le début des années 2000, abandonné la technique parfois dite de « l'étranglement », considérée, à juste titre, comme dangereuse. En pratique cependant, des gestes tendant à maîtriser un adversaire en agissant sur sa capacité à respirer ont été enseignés jusqu'à la fin des années 2010. Ils ne le sont plus aujourd'hui et les formateurs ont en charge de faire partager cette évolution aux élèves qu'ils peuvent avoir à nouveau, qu'ils aient été formés en tant que gendarmes adjoints volontaires ou qu'ils participent à une formation continue.

Les formateurs ont présenté, tant du côté de la police que de la gendarmerie, leur mission comme étant double. Elle est bien sûr pédagogique et destinée à permettre à des jeunes issus de la vie civile d'intégrer les forces de sécurité et de surmonter les appréhensions liées à leurs fonctions, que ce soit le contact avec le public ou le maniement des armes. Mais elle est aussi de garantir l'adaptation des enseignements aux évolutions des réalités de terrain et des attentes de la société . Il s'agit donc de pouvoir remettre en cause les savoirs acquis et intégrer les nouvelles connaissances. Les rapporteurs ont ainsi pu entendre le témoignage d'une formatrice intervenante spécialisée sur les violences sexuelles. Demander à une victime de viol comment elle était habillée est perçue comme une remise en cause. Cette formatrice a expliqué qu'il s'agissait à l'origine pour les policiers à qui cette question était enseignée de chercher à récupérer des preuves matérielles. Son action en tant que formatrice est notamment de faire prendre conscience de la violence que peut subir la victime du fait des questions qui lui sont posées et d'enseigner comment conduire un entretien qui permette tout à la fois l'investigation et le respect des personnes.

Tant les représentants de la police que de la gendarmerie ont insisté sur la nécessité d'enseigner les fondamentaux en formation initiale et, à cette fin, de recourir à des formateurs issus respectivement de chacun des forces. Il est incontestablement nécessaire que les élèves puissent avoir devant eux des formateurs qui ont eu l'expérience du terrain. Néanmoins la prise en compte de l'environnement général au sein duquel évoluent policiers et gendarmes est également importante.

Les rapporteurs souhaitent donc que puissent se développer les partenariats avec les barreaux et les cours d'appel , afin que des avocats et magistrats puissent intervenir dès la formation initiale et en formation continue. La pratique décrite par le directeur central de la formation de la police nationale s'agissant de l'intervention des délégués de la Défenseure des droits sur la question des pratiques de la police est aussi particulièrement intéressante et montre l'intérêt de cette ouverture 13 ( * ) . Plus largement, des enseignants issus du monde scolaire et universitaire et du sport pourraient aussi venir enrichir les formations, voire soulager le manque de formateurs recrutés en interne.

Proposition : Mieux intégrer les fonctions des formateurs au développement de carrière des policiers et gendarmes.

Proposition : Ouvrir davantage, par voie de convention, les formations initiales à d'autres acteurs que les policiers et gendarmes (magistrats, avocats des barreaux, associations).

II. LA FORMATION INITIALE ET L'ENTRÉE DANS LA CARRIÈRE : NE PAS SACRIFIER LA QUALITÉ À LA QUANTITÉ

Les voies d'accès à la police et la gendarmerie nationales sont marquées par la volonté de favoriser le recrutement de jeunes n'ayant pas nécessairement acquis un diplôme. C'est le cas pour les policiers adjoints et les gendarmes-adjoints volontaires, qui ont pour vocation d'exercer des missions opérationnelles en appui des gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie, tout en étant accompagnés pour la préparation des concours.

La vocation sociale du recrutement dans la police nationale est également visible au travers du dispositif des cadets de la République, recrutés sur dossier avant des épreuves psychologiques et sportives, qui à l'issue de leur formation deviennent policiers adjoints. Les cadets en gendarmerie constituent davantage pour leur part un processus de découverte ou d'engagement au sein du service national universel qu'une formation à vocation de recrutement.

Les cadets de la République et policiers-adjoints, les gendarmes-adjoints volontaires, constituent une base d'augmentation des recrutements permettant de disposer rapidement d'un apport en personnels tout en favorisant le passage des concours. Plusieurs difficultés se posent néanmoins et il convient de prévenir tout risque futur d'une dégradation de la qualité professionnelle des forces de sécurité intérieure.

A. LA BAISSE DU NIVEAU DES ÉLÈVES

L'augmentation des recrutements a conduit, selon l'avis général, à une baisse du niveau des élèves . Le constat dressé devant les rapporteurs par les formateurs de la police nationale a été assez sévère. Que ce soit en termes d'aptitudes physiques, de connaissances de base ou de savoir être, le niveau des élèves leur paraît insuffisant. La massification du recrutement a non seulement conduit à intégrer des personnes dont les connaissances sont inadaptées mais aussi dont les motivations sont faibles et, en conséquence, l'implication limitée. Parfois même une hostilité à la police nationale s'exprime chez des élèves, pouvant conduire à une dégradation nette de l'ambiance et de la capacité d'acquisition des savoirs par une promotion.

Les formateurs de la police nationale ont insisté sur la difficulté à rompre les contrats des policiers adjoints dont le niveau est insuffisant ou l'attitude inadéquate. Il semble en être de même, sauf pour les cas les plus extrêmes, pour les élèves gardiens de la paix. Si une régulation se fait naturellement par l'abandon des élèves les moins motivés ou en rupture avec l'institution, cette situation n'est pas satisfaisante. Elle tend à faire primer l'objectif numérique du recrutement sur sa qualité.

Cette difficulté existe pour les deux forces, elle a notamment été signalée aux rapporteurs lors de leur visite à l'école de gendarmerie de Chaumont, mais est particulièrement marquée pour la police nationale. Ceci tient notamment aux objectifs assignés par chacune des deux forces à leur formation initiale et à la capacité qu'a développée la gendarmerie nationale de créer une culture commune à tous ses membres .

L'article 2 de l'arrêté du 23 mai 2016 fixant les conditions de déroulement de la période de formation initiale des militaires engagés en qualité d'élèves gendarmes dispose que « les objectifs de la formation initiale sont de forger l'identité de sous-officier de gendarmerie et de faire acquérir les connaissances et les compétences fondamentales du métier ». L'arrêté du 24 juin 2020 portant organisation de la formation statutaire et de l'évaluation des gardiens de la paix dispose pour sa part que « la formation statutaire des gardiens de la paix prépare l'élève puis le stagiaire à acquérir les compétences et aptitudes professionnelles et personnelles, nécessaires à l'exercice des missions énoncées à l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, en particulier dans le poste occupé à compter de la première affectation ».

La capacité de la gendarmerie à forger une identité repose sur l'intégration de deux notions, la « militarité » et la « rusticité » qui s'expriment positivement par la mise en place d'une formation militaire et négativement par la mise à l'écart des élèves ne parvenant pas à remplir ces critères. Les rapporteurs ont pu constater l'importance que revêt l'identité de la gendarmerie, la perception de son histoire et de ses missions qu'ont les élèves sous-officiers et officiers. Il était marquant de constater l'absence d'équivalence des deux forces aux yeux des élèves, le choix de la gendarmerie apparaissant toujours comme un choix d'adhésion.

Comme l'a souligné le commandement de l'école de Chaumont caractère militaire de la formation est en pratique un moyen de mesurer la motivation des élèves. Elle permet notamment de marquer la rupture en la vie civile et ses libertés et le statut de représentant de l'ordre. Très concrètement, les élèves sont ainsi tenus de masquer les tatouages qu'ils peuvent avoir sur les bras ou qui pourraient être visibles lorsqu'ils sont en uniforme. L'importance de la formation initiale strictement militaire, commune avec les forces armées, a également été mise en avant. Les rapporteurs partagent pleinement l'importance de la conservation du caractère militaire de la gendarmerie et de ces formations.

La spécificité militaire de la gendarmerie ne doit pas occulter un point commun à développer dans la formation initiale des policiers et gendarmes, la multiplicité des tâches qui leurs sont confiés. Chargée de couvrir 96 % du territoire national, la gendarmerie a intégré comme un élément de l'identité de sous-officiers la capacité de conduire l'ensemble des missions de sécurité. La notion de pluridisciplinarité est ainsi au coeur de la formation des gendarmes. Le besoin pour les gardiens de la paix d'exercer des missions multiples est incontestable. Leur formation initiale le prend en compte et la DGPN indique à juste titre que « les retours d'expérience ont démontré que la formation initiale des gardiens de la paix répond pleinement aux missions validées par le DGPN et l'ensemble des directeurs centraux ». Cependant les missions sont plus conçues comme une juxtaposition que comme une polyvalence tenant à la nature même des fonctions. Une évolution de l'approche pourrait être envisagée afin de renforcer l'intégration de l'ensemble des missions.

Proposition : Faciliter l'exclusion des élèves policiers et gendarmes dont l'attitude est incompatible avec les attentes.

Proposition : Favoriser la pluridisciplinarité des gardiens de la paix sur le modèle de la gendarmerie.

Proposition : Valoriser l'appartenance collective la police nationale au-delà des spécificités métier.

Proposition : Préserver la militarité de la gendarmerie par le maintien des formations initiales et continue communes avec les forces armées.

B. DES VOIES DE RECRUTEMENT EN « CRISE » DANS LA POLICE NATIONALE

La DGPN a souligné la baisse d'intérêt des jeunes non diplômés pour le dispositif des cadets de la République. Cette désaffection serait notamment due à l'écart de rémunération entre les cadets, rémunérés moins que des stagiaires, et les policiers-adjoints rémunérés au SMIC et dont les contrats sont devenus presque aussi facilement accessibles que celui de cadet.

Les cadets auditionnés par les rapporteurs ont effectivement fait part de leur difficulté à accéder à une forme d'autonomie financière avec 552,15 euros nets par mois alors qu'un policier adjoint gagne 1 502 euros nets par mois (en Ile-de-France). Le faible nombre de candidats rend le recrutement moins sélectif, le nombre de postes ouverts a donc régulièrement diminué au cours des dernières années. Seuls 290 postes sont ouverts pour 2023, alors que 894 cadets avaient été recrutés en 2015.

Le « statut » des policiers-adjoints est lui aussi source de difficultés. Le fait qu'ils soient contractuels rend plus difficile de mettre fin à leur recrutement s'ils s'avèrent incapables de suivre correctement leur formation. En pratique, seul l'échec au concours de gardien de la paix mettra un terme à leur engagement.

Il paraît logique que la formation de cadet de la République, destinée à offrir un accompagnement plus long (un an de formation avant de devenir policier-adjoint) à un public plus éloigné de la possibilité de passer les concours soit moins rémunérée que la fonction de policier-adjoint, ces derniers devant être opérationnels au bout de quatre mois de formation. Néanmoins, afin de préserver ce dispositif, il convient de réduire l'écart de rémunération entre cadets et Policiers adjoints. Une rémunération nette de l'ordre de 1000 euros nets par mois paraît un niveau envisageable.

Pareille revalorisation, liée à des campagnes d'information serait de nature à relancer ce dispositif intéressant pour l'intégration des jeunes, particulièrement dans les outre-mer où il s'était initialement particulièrement développé.

Malgré le nombre de policiers-adjoints accueillis depuis dix ans en formation initiale, les formateurs ont souligné la difficulté à adapter les fiches ou mallettes pédagogique au temps de formation particulièrement court (16 semaines) de ces élèves en école. Ceci d'autant plus que les supports des enseignements ne semblent pas adaptés la diversité du public.

Proposition : Rapprocher le statut des Cadets de la République de celui des policiers adjoints.

C. LE BESOIN D'ENCADREMENT

Les difficultés de la formation des policiers sont également à mettre en relation avec une des difficultés structurelles de la DGPN : le déficit d'encadrement intermédiaire .

La diminution du taux d'encadrement est due en premier lieu à la réforme des corps et carrières, votée en 1995, et au protocole d'accord sur les corps et carrières de la police nationale signé le 17 juin 2004, qui a prévu une diminution du corps des officiers de 14 000 personnels en 2004 à 9 000 à l'horizon 2012. Ces officiers devaient être remplacés par des gradés issus du corps des gardiens de la paix. En pratique, l'important taux de rotation dans les services les plus sensibles a rendu ce remplacement très inégal selon les directions. Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016, fixe un taux d'encadrement cible de 25 %. En pratique, la Cour des comptes a relevé en 2019 que les deux directions les plus nombreuses de la préfecture de police avaient des taux d'encadrement de 17,1 % et 13,3 %. En police judiciaire, le taux d'encadrement des effectifs en sécurité publique est passé de 9,5 % en 2015 à 5,1 % en 2020, tandis qu'il est resté plus élevé en police judiciaire (30,9 % en 2020 contre 43,5 % en 2015).

Comme le souligne le rapport du Sénat sur la réforme de la police judiciaire au sein de la police nationale 14 ( * ) , « cette faiblesse de la hiérarchie intermédiaire dans les services de la sécurité publique exerçant des missions de police judiciaire est particulièrement préjudiciable : la transmission de savoir et la priorisation des dossiers incombent en effet à cette strate, qui joue par ailleurs un rôle fondamental dans la qualité des procédures. Elle explique également en partie la constitution de stocks au sein des services de la sécurité publique . »

La Lopmi entend remédier à cette difficulté en organisant le recrutement de nouveaux officiers de police. Ceci pose bien sûr des questions matérielles. La DGPN a ainsi indiqué aux rapporteurs que le site de Cannes-Écluse, qui accueille la formation des officiers, devra désormais accueillir 440 élèves, auxquels s'ajouteront jusqu'à 20 fonctionnaires de catégorie A détachés dans le corps de commandement : or, il est parvenu à la limite de ses capacités d'accueil.

Plus fondamentalement, cette situation implique la création de postes de gradés et un effort de formation des gardiens de la paix pour leur permettre d'accéder à des fonctions de hiérarchie intermédiaire en appui aux officiers en charge du commandement.

Proposition : Respecter un taux d'encadrement minimal à 35 % dans chaque service de police avec une clef de répartition entre gradés et officiers et une identification et valorisation spécifiques de postes destinés aux fonctions de maître de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

III. LA FORMATION CONTINUE, PARENT PAUVRE DE LA FORMATION QUI DOIT DEVENIR UN ENJEU OPÉRATIONNEL MAJEUR

Si la formation initiale doit permettre d'apporter aux élèves policiers ou gendarmes le niveau minimum requis de connaissances, savoir-faire et savoir-être pour qu'ils assurent leurs missions de sécurité au service des citoyens, il importe qu'une fois en fonctions, policiers et gendarmes bénéficient d'une formation continue adéquate et exigeante afin de faire face à l'évolution des conditions opérationnelles des forces de sécurité intérieure et des missions nouvelles qui peuvent leur être assignées. Or, la formation continue reste pourtant, à ce jour, le parent pauvre des forces de sécurité.

Le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur du 24 janvier 2023 prévoit néanmoins l'objectif d'une « formation continue augmentée de 50 % » afin de « préserver l'adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ».

Les rapporteurs ne peuvent que saluer cet objectif, tout en notant sa particulière ambition compte tenu de la situation actuelle. Ils appellent à un changement de mentalité vis-à-vis de la formation continue, à son enrichissement et à sa réorganisation.

A. LA FORMATION CONTINUE, VARIABLE D'AJUSTEMENT DE L'ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

1. Une offre de formation continue effective, offerte à tous les personnels de la police et de la gendarmerie nationale

La formation continue est une réalité tant dans la gendarmerie que dans la police nationales. Les deux forces assument un effort certain, quoique perfectible, en la matière, à la fois par le nombre de formations dispensées, mais également par leur diversité, ce qui se justifie par le nombre des personnels civils et militaires - 149 685 emplois équivalent temps plein (ETPT) pour la police nationale et 101 348 ETPT pour la gendarmerie nationale en 2022 - et la diversité des métiers et des fonctions assurées.

Ainsi, selon les informations transmises aux rapporteurs, la gendarmerie nationale a dispensé en 2021 environ 400 formations de natures différentes au titre de la formation continue. Chaque année, environ 15 000 sous-officiers et 2 000 officiers sont en formation, sans compter les formations obligatoires liées au maintien en condition opérationnelle auxquels sont astreints tous les personnels. Ces actions de formation continue bénéficieront en partie de l'augmentation des crédits de 4 M€ prévues au titre de la formation dans la gendarmerie nationale par la loi de finances pour 2023.

Nombre de stagiaires et de jours de formation continue dans la gendarmerie nationale (y compris les formations obligatoires en matière de tir)

Nombre de stagiaires

Nombre de jours de formation

2017

19 367

191 257

2018

18 530

205 558

2019

22 444

251 307

2020

17 581

169 590

2021

17 563

197 882

Source : DGGN

La police nationale assure un décompte par stage, ce qui la conduit à comptabiliser un même agent plusieurs fois s'il a suivi plusieurs stages au cours de l'année. Ainsi, selon la DCRFPN, en 2021, 727 983 stagiaires de la police nationale ont bénéficié de formations continues, représentant 678 269 journées de formation fonctionnaire, tandis que pour les commissaires, l'école de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or a accueilli 1 254 stagiaires, contre 758 en 2020, soit une hausse de 65,44 %, représentant 3 525,5 journées de formation fonctionnaire, contre 2 092,5 en 2020. La DCRFPN a consacré sur son budget, au titre de la formation continue, une enveloppe de 11,613 M€ en 2022, à laquelle il faut ajouter un peu moins de 1 M€ pour ce qui concerne l'ENSP.

Nombre de stagiaires et de jours de formation continue dans la police nationale (y compris les formations obligatoires en matière de tir)

Nombre de stagiaires

Nombre de jours de formation

2018

647 907

682 768

2019

646 770

685 814

2020

562 417

522 058

2021

729 493

681 175

2022

716 900

679 417

Source : DGPN

2. Une offre de formation qui cherche à s'adapter à l'évolution des fonctions

Les rapporteurs font le constat, dans la police nationale, d'une « archipélisation » de la définition de la formation continue , liée à la multiplicité des entités en charge, chacune dans son « coeur » de métier, de définir et mettre en place la formation continue, alors que la définition apparaît plus intégrée dans la gendarmerie.

Dans la police nationale , un plan national de formation (PNF), est défini chaque année par la DCRFPN, comportant des stages prioritaires et des stages priorisés, assorti d'un document de cadrage pour les directions zonales (DZRFPN). Ce plan s'appuie à la fois sur les priorités institutionnelles qui sont déterminées par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), le ministère de l'intérieur et la DGPN, et sur une analyse des besoins exprimés par les services opérationnels.

La DCRFPN a présenté aux rapporteurs ce document comme « un outil stratégique à destination de l'ensemble des directions qui concourt à définir une programmation pédagogique, un outil de pilotage partagé permettant d'accompagner l'agent et sa hiérarchie dans la construction d'un projet de formation dans le cadre de l'entretien professionnel et un outil de communication à destination des agents. »

Cette procédure lui permet de définir des axes prioritaires , qui peuvent varier d'une année à l'autre.

Axes retenus pour le plan national de formation 2023 de la police nationale

- Préparation des forces de sécurité aux nouvelles formes de contestations violentes

- Développement des capacités d'investigation en lien avec les mutations technologiques et les évolutions de la criminalité

- Renforcement du lien police-population

- Développement des compétences managériales des encadrants et de la prévention des risques psychosociaux,

- Accompagnement de la transition numérique

Pour ce qui concerne les officiers et les commissaires de police, l'ENSP enrichit également annuellement son offre de formation en prévoyant de nouveaux stages pour tenir compte des besoins opérationnels. À ce titre, ont été développées des formations sur la saisie des avoirs criminels, sur les techniques d'optimisation du potentiel (TOP), le cyber, les violences familiales, le management, soit en interne, soit par des marchés de formation, soit dans le cadre de partenariats.

Dans la gendarmerie nationale , le transfert de la fonction d'ingénierie de formation au commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN), devenu opérateur unique du recrutement et de la formation, vise à renforcer la coordination et la gestion des formations continues au sein de l'institution. À cette fin, un service dédié, le bureau des formations aux compétences spécialisées et d'expertise (BFCSE), en charge notamment des formations continues, a été créé au sein de la division des compétences du CEGN le 1 er août 2022.

Cette organisation permet d'articuler la formation en trois volets complémentaires, avec :

- des formations organisées dorénavant par le CEGN sous l'impulsion de la Sous-direction des Compétences de la DGGN, et souvent en coordination avec des prestataires extérieurs ;

- des formations déconcentrées, laissées à l'initiative des échelons territoriaux de commandement (régions, groupements, compagnies, escadrons, unités élémentaires), sous le contrôle et l'impulsion du CEGN ;

- des enseignements à distance (EAD), regroupant tant des formations 100 % digitales que des parcours d'enseignement hybrides ou tutorés, imposés dans le cadre d'un cursus particulier ou laissés à la libre disposition des personnels.

Dans les deux forces, les services en charge de la formation continue cherchent à adapter au mieux l'offre de formation aux besoins des services , en fonction des retours d'expérience ainsi que des évolutions des phénomènes sociaux ou de délinquance auxquels les forces de sécurité intérieure doivent faire face.

Comme le rappelait notamment aux rapporteurs le général Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, le gendarme - comme le policier - exerce un métier complexe en constante mutation : « il doit être polyvalent, capable d'exécuter des missions de police judiciaire, de police administrative, de sécurité routière ou encore de défense nationale, dans un environnement extrêmement mouvant », compte tenu des nouvelles formes de délinquance, des évolutions technologiques, des inégalités territoriales...

L'offre de formation de la police nationale et de la gendarmerie est donc réévaluée régulièrement pour être en prise avec les réalités opérationnelles.

Des exemples d'évolution de l'offre de formation continue

Police nationale

À la suite du retrait de la technique dite « de l'étranglement », jugée trop dangereuse, trois nouvelles techniques permettant de maîtriser un individu récalcitrant ont été mises en place. Il en est résulté l'adaptation en 2020 des formations aux techniques et à la sécurité en intervention, afin de développer l'apprentissage de la technique dite de la « prise arrière », accompagnée d'une sensibilisation à la « détection des signes de détresse respiratoire ».

Dans le domaine de la cybercriminalité, pour répondre à un besoin opérationnel émergent relatif à « l'enquête sous pseudonyme », une formation spécifique a été conçue, permettant aux enquêteurs de maîtriser les aspects procéduraux et pratiques dans le cadre de l'utilisation d'un pseudonyme, lors des investigations sur Internet.

Dans la perspective de la coupe du monde de rugby 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 des formations axées sur des thématiques spécialisées nécessaires à ces manifestations de grande ampleur (routier, langues étrangères, maintien de l'ordre, accueil du public ou mise à niveau des connaissances judiciaires) seront proposées aux agents concernés.

Gendarmerie nationale

Outre la densification des enseignements liés au numérique, le contenu de certaines formations initiales et continue a été modifié pour tenir compte du retour d'expérience du drame de Saint-Just (Puy-de-Dôme), en décembre 2020, au cours duquel trois gendarmes ont perdu la vie : renforcement des enseignements tactiques en formation initiale des officiers et sous-officiers de gendarmerie ; refonte du diplôme d'armes qui est désormais ouvert aux militaires des pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG) et de pelotons spécialisés de protection gendarmerie ; entraînements communs des PSIG avec l'armée de terre.

Depuis 2020, un parcours de formation à l'accueil et la prise en compte des victimes de violences intrafamiliales (VIF) a été mis en place, complété en 2021 par la formation des militaires affectés dans les nouvelles unités dites « maisons de protections des familles », ainsi qu'aux techniques d'audition de mineurs victimes.

Enfin, depuis 2019, une journée annuelle de formation pour tous portant sur un thème spécifique a été instaurée dans chaque département : après la maîtrise des applications métiers en 2019, l'intelligence artificielle en 2020, et l'effet des armes, des munitions et leur réglementation en 2021, cette journée a porté en 2022 sur la cybersécurité.

Elle doit également évoluer en fonction des orientations générales qui sont données sur certaines thématiques, soit par les autorités centrales de la police et de la gendarmerie, soit par le législateur lui-même, comme en témoigne le souci porté à certaines actions de formation spécifiques dans le cadre de l'examen de la Lopmi, dont témoignent les modifications apportées dans le rapport annexé à ce texte sur le contenu des formations 15 ( * ) .

3. Un objectif de formation qui reste non prioritaire en pratique

Néanmoins, trop souvent, la formation continue reste une variable d'ajustement de l'activité opérationnelle des forces, situation qui semble particulièrement prégnante dans la police nationale.

Ainsi, la formation est insuffisamment prise en compte comme un élément central de l'activité policière. Il en découle le constat, fait par les autorités de la police nationale elles-mêmes, d'une inadaptation des connaissances, savoir-être et savoir-faire aux fonctions réellement exercées sur le terrain, à mesure que les personnels gagnent en ancienneté opérationnelle.

Selon la DCRFPN, les gardiens de la paix sont soumis à une obligation de 4 à 5 jours de formation par an, avec des formations complémentaires en distantiel.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont pu constater, avec une certaine stupéfaction, que des obligations de formation continue, qui portent sur l'activité opérationnelle des personnels de la police nationale, ne sont pas satisfaites par un nombre important d'agents.

Ainsi, il est admis par les autorités de la DGPN que 60 à 65 % des agents en fonction dans la police nationale ne satisferaient pas à l'obligation, définie dans l'arrêté du 27 juillet 2015 relatif à la formation continue aux techniques et à la sécurité en intervention des personnels actifs de la police nationale et des adjoints de sécurité (nouvellement policiers adjoints), à l'entraînement aux techniques et à la sécurité en intervention d'un volume horaire minimal annuel de 12 heures, et incluant notamment trois séances de tir par an 16 ( * ) .

Ainsi, en 2021, 77 222 agents ont effectué au moins trois séances de tirs réglementaires ou plus, ce qui représente 63 % des personnels actifs .

Source : DCRFPN

Alors que les effectifs de la police nationale sont majoritairement sur le terrain, cette statistique sonne à elle seule comme un échec de la mobilisation de l'institution policière sur son coeur de métier, qui est la sécurité de voie publique, qui met quotidiennement les forces de police en position d'intervention.

Au surplus, le manquement à cette obligation n'a, à ce jour, aucune incidence sur l'activité opérationnelle des intéressés : comme les autres membres de la police astreints à cette obligation, ils peuvent continuer à exercer leurs missions, y compris les interventions de terrain. La seule incidence d'un tel manquement est sans rapport réel avec l'exercice des fonctions : elle vise uniquement le port d'arme hors service, lequel est interdit aux personnels qui n'ont pas satisfait à leurs trois tirs annuels 17 ( * ) .

Les chefs de service sont simplement « incités » par la hiérarchie policière, à permettre à leurs subordonnés d'accomplir ces obligations annuelles.

Au regard de ces éléments, on ne peut manquer de se demander si les agents qui sont placés dans des situations opérationnelles difficiles qui peuvent justifier l'emploi de techniques de contrainte, comportant le cas échéant l'usage d'armes à feu, ont tous bien la pleine maîtrise des techniques destinées à assurer un usage proportionné et adéquat de la force pour réaliser leurs missions.

Certaines observations des autorités de la police nationale entendues par les rapporteurs semblent d'ailleurs confirmer cette appréhension, lorsque notamment certaines d'entre elles ont pu s'interroger devant la commission sur la capacité qu'aurait eu un personnel de police depuis longtemps en fonction à réagir efficacement face à Mickaël Harpon, le terroriste de la préfecture de police, abattu par un jeune policier en 2015 18 ( * ) ...

Le respect des obligations de formation continue dans la gendarmerie nationale semble, en revanche, mieux assuré.

À ce jour, cette obligation porte sur quatre éléments : pour l'emploi des armes, une obligation de deux tirs annuels ; une formation sur les techniques en intervention professionnelle, et une en matière de secourisme, le gendarme étant souvent le premier sur les lieux d'accidents ; ainsi qu'un test de condition physique.

Ces formations sont nécessaires pour l'évolution de carrière et les spécialités opérationnelles. Elles sont effectuées au niveau local, voire au niveau départemental, la gendarmerie renforçant par ailleurs le rôle de ses centres d'entraînement régionaux auxquels est désormais confié l'essentiel de la formation continue des personnels.

En outre, lors de leurs entretiens, les rapporteurs ont été informés d'une formation de recyclage obligatoire tous les 5 ans à l'école de gendarmerie de Dijon. De même, en matière de maintien de l'ordre, les escadrons mobiles doivent assurer un stage de 11 jours tous les quatre ans au centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG).

L'aptitude des militaires à l'emploi des armes de dotation fait l'objet d'un suivi dans le dossier individuel informatisé de chaque militaire à travers le système d'information RH Agorh@. Cette traçabilité des habilitations et des recyclages permet au commandement de vérifier, à tout moment, l'aptitude d'un militaire placé sous ses ordres au port et à l'emploi d'une arme de dotation, le commandement pouvant, au besoin, prendre des mesures allant jusqu'à l'interdiction de port et d'emploi d'une arme de dotation.

B. PASSER D'UNE FORMATION CONTINUE À UNE FORMATION « CONTINUÉE », PERMETTANT DE DYNAMISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS

Le lien entre la formation initiale et la formation continue doit, idéalement être celui d'une formation « continuée », c'est-à-dire celle qui prend appui et complète, tout au long de la carrière, les acquis de la formation initiale.

1. Donner une vraie place à la formation dans l'activité des personnels

Pour satisfaire à l'objectif affiché d'accroitre de 50 % la formation, la gendarmerie nationale a souligné aux rapporteurs l'effort fait pour disposer d'un dispositif structuré de centres régionaux d'instruction , implantées dans les 13 régions de gendarmerie, afin d'y dispenser notamment des formations du diplôme d'arme ou de l'examen OPJ ainsi que le recyclage des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG).

Par ailleurs, créé le 1 er août 2022 à Lille, le centre national de formation cyber de la gendarmerie pilotera l'ensemble du contenu cyber dispensé dans les différents cursus de formation, réalisera des formations en son sein et recherchera des synergies avec le milieu universitaire pour concevoir de nouveaux cursus de formation.

De son côté, la DCRFPN entend poursuivre ses efforts en étoffant encore son offre de formation. En ce sens, elle a accentué les conceptions pédagogiques numériques, librement accessibles depuis le e-campus de la police nationale, cette stratégie numérique étant censée faciliter la « formation de masse ».

Les rapporteurs insistent néanmoins sur la nécessité d'une action résolue en la matière.

Au cours des auditions, les syndicats de police ont estimé que les effectifs en service actif manquent « cruellement » de formation continue . Selon eux, beaucoup de stages ou de remise à niveau sont annulés car les effectifs en service actif ne sont pas libérés pour venir en stage ou formation. Certains appellent ainsi à « sacraliser » les temps de formation 19 ( * ) .

De plus, il apparaît que ce sont surtout des stagiaires volontaires qui participent aux actions de formation continue, alors que, selon les syndicats entendus, certains stages devraient pouvoir être davantage imposés pour certains effectifs.

La responsabilité des chefs de service dans l'accomplissement des actions de formation continue de leurs subordonnés apparaît à cet égard essentielle : à la fois, et c'est bien la priorité, pour assurer une prise en compte effective dans le cadre du cycle de travail de l'accomplissement des formations obligatoires, mais également pour imposer aux agents sous leur autorité les formations nécessaires à l'adéquation de leurs connaissances et savoir-faire à leurs missions.

Pour dynamiser la formation continue, les rapporteurs estiment que le respect d'un plan de formation devrait être un élément d'appréciation de l'évaluation professionnelle des chefs de service.

Proposition : Intégrer la qualité du projet de formation continue à l'évaluation des encadrants en police et en gendarmerie.

2. Renforcer les capacités d'évolution professionnelle par la formation

Dans ce contexte, la formation promotionnelle doit être orientée non seulement vers la réalisation légitime des aspirations individuelles des personnels, notamment dans un cadre promotionnel et de souhait de spécialisation de carrière, mais doit également être un moyen d'assurer une adéquation avec les besoins opérationnels des services.

Sur ce point, les rapporteurs relèvent l'intérêt de la réforme récente des voies d'avancement au sein du corps d'encadrement et d'application (CEA) pour les brigadiers-chefs et les majors , notamment ceux responsables d'unités locales de police (RULP). Des formations managériales ont en effet été rendues obligatoires pour tout avancement dans les six mois suivant la prise de nouvelles responsabilités. Appliquées depuis le premier tableau d'avancement en 2023, ces formations apparaissent très pertinentes pour valoriser les compétences managériales des gradés de la police nationale.

À cet égard, les rapporteurs estiment que la formation continue en matière promotionnelle pourrait être un moyen de mettre fin au déficit d'encadrement intermédiaire dans les services d'investigation judiciaire , mise en exergue par le récent rapport de Nadine Bellurot et Jérôme Durain au nom de la commission des lois du Sénat sur l'organisation de la police judiciaire.

Or, à ce jour, dans la police nationale, le passage au grade de brigadier-chef n'impose pas que le titulaire ait la qualité d'officier de police judiciaire. Les rapporteurs recommandent donc que le passage à ce grade soit conditionné à la détention de la qualité d'OPJ, ce qui implique donc non seulement de modifier les conditions réglementaires pour y accéder, mais aussi à renforcer l'offre de formation continue pour obtenir la qualification d'OPJ.

Proposition : Rendre nécessaire la qualité d'officier de police judiciaire pour le passage au grade de brigadier-chef de la police nationale.

C. RÉORGANISER L'OFFRE DE FORMATION CONTINUE

1. Rapprocher la formation continue des personnels
a) Développer une offre de formation de proximité et collective

Lors de leurs déplacements et de leurs échanges au Sénat avec les acteurs de la formation de la police nationale , l'attention des rapporteurs a été souvent appelée sur le fait que les actions de formation offertes étaient souvent éloignées du terrain, et qu'elles impliquaient non seulement que les personnels s'absentent pendant plusieurs jours pour y participer, en leur imposant par ailleurs des frais de déplacement ou d'hébergement non intégralement pris en charge.

En outre, les actions de formation ont tendance à s'effectuer individuellement, alors qu'elles gagneraient, sous réserve de continuité opérationnelle, à davantage être opérées collectivement, ce qui peut être un instrument de cohésion du service dans son entier ou du moins en partie. Au surplus, les actions in situ permettent aussi de mieux appréhender certaines situations ou organisations spécifiques, qui leur permettent de gagner en opérationnalité.

Pour faciliter l'accomplissement de la formation continue, les rapporteurs insistent sur la nécessité de rapprocher les actions de formation du terrain, et de mener, lorsqu'elles s'y prêtent, les actions de formation directement dans les commissariats.

Ce rapprochement des formations du terrain est appelé de ses voeux par les syndicats. L'Union des officiers UNSA évoque ainsi la nécessité de « décentraliser des modules de formation continue opérationnelle dans les services, avec dans chaque commissariat, une unité de formation qui puisse organiser tout type de stage selon les besoins du service (hors formations obligatoirement organisées à l'extérieur du service - telles que le tir) » 20 ( * ) .

Les rapporteurs soulignent à cet égard l'intérêt du modèle retenu dans la gendarmerie nationale , dans laquelle la formation est effectuée prioritairement au sein des brigades territoriales.

En effet, celle-ci a fait le choix de longue date d'une formation au plus proche du terrain. Son offre s'articule autour de trois volets complémentaires dont un volet déconcentré très développé, ces formations déconcentrées étant laissées à l'initiative des échelons territoriaux de commandement (régions, groupements, compagnies, escadrons, unités élémentaires), sous le contrôle et l'impulsion de la direction générale. Selon les représentants de la gendarmerie entendus, la totalité des gendarmes, de tous statuts, suit chaque année plusieurs formations (notamment dans les domaines du tir, des exercices de préparation aux interventions sur les tueries de masse, de l'emploi des outils numériques, du secourisme, de la criminalistique, de la déontologie, de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ou les violences intra-familiales, de l'annonce de la mort).

Proposition : Développer les formations communes aux équipes, le plus possible sur leur lieu de travail.

b) Mieux tirer parti des potentialités de l'enseignement à distance

Le développement du numérique offre de nouvelles perspectives à la formation continue, qui peut ainsi être enrichie d'actions de formation menées entièrement ou partiellement à distance. À cet égard, si la crise sanitaire est apparu comme une puissante incitation à monter en puissance dans l'offre d'enseignement à distance, force est de constater que la gendarmerie nationale semble avoir plus résolument pris le tournant du numérique que la police nationale.

La gendarmerie nationale a ainsi développé la plateforme d'enseignement à distance « GendForm 3.0 ». Selon ses représentants, la formation à distance est devenue un mode d'apprentissage courant et usité, un effort particulier étant mené pour rendre accessible à distance toutes les formations qui s'y prêtent. Ainsi, la plateforme dispose à ce jour d'un catalogue de 787 formations et 2 700 modules pédagogiques, imposés dans le cadre d'un cursus particulier ou laissés à la libre disposition des personnels.

Les personnels de la gendarmerie semblent adhérer à cette démarche numérique puisque, par exemple, la formation à distance « Cyber pour tous » mise ligne le 16 mars 2022, a généré dans les trois mois 68 622 inscriptions ayant conduit à la délivrance de 61 328 attestations de suivi de cet enseignement.

La formation continue doit accompagner la montée en puissance du gendarme numérique, celui qui tire parti des technologies numériques dans tous les aspects de son métier, curieux de leurs évolutions et sachant s'y adapter. À cette fin, outre les formations spécifiques développées en interne, la gendarmerie a développé un partenariat avec PIX et avec Open Classrooms afin de permettre aux militaires dès la phase école mais également au cours de la carrière d'évaluer et de perfectionner leurs connaissances dans ce domaine.

Pour autant, les représentants au Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie, entendus par les rapporteurs, ont estimé que des efforts budgétaires supplémentaires seraient opportuns pour renforcer cette montée en puissance.

Une évolution sensible s'est également fait sentir dans la police nationale . Selon les représentants de l'ENSP, l a crise sanitaire a entraîné une véritable « innovation de rupture » qui a conduit l'école à reconsidérer en profondeur tant son approche que ses moyens d'e-formation. Le confinement a ainsi été l'occasion de concevoir une nouvelle plate-forme de formation, plus moderne et ergonomique.

Ainsi, certains stages sont passés du 100 % présentiel au 100 % distanciel, principalement avec le format classe virtuelle. Par ailleurs, par exemple, l'ingénierie pédagogique du parcours de formation professionnelle pour l'accès au grade de commandant de police (qui représente 353 stagiaires) a été revu pour passer à deux semaines en distanciel, suivie d'une semaine en présentiel.

Pour le reste de la police nationale, la DCRFPN se dit engagée dans une « transformation numérique de ses pratiques pédagogiques », avec le développement du « e-campus » destiné à accompagner maintenant les personnels tout au long de leur carrière. Dans ce cadre, l'accent est donné aux formations assurant le développement des compétences numériques des agents, telles que la mise en place de la procédure pénale numérique ou le nouveau logiciel « GesTT » sur la gestion du temps de travail.

2. Des efforts de mutualisation à amplifier

Plus que la formation initiale, dans laquelle la spécificité des forces de police ou de gendarmerie justifie des formations « maison », la formation continue se prête à une mutualisation des enseignements, en particulier pour les formations techniques et juridiques.

A l'heure actuelle, un certain nombre de mutualisations sont bien présentes. Les travaux des rapporteurs ont été l'occasion d'en donner un certain nombre d'exemples, dans des domaines variés.

Les représentants de la gendarmerie nationale ont pu évoquer plusieurs domaines dans lesquels des formations communes avaient été mises en place, en soulignant leur intérêt.

Il en va ainsi, en particulier, dans le domaine de la formation de référent-sûreté, impliquant un encadrement et des formateurs issus des deux forces de sécurité, a été créée en 2007 au centre national d'études et de formation de la police nationale à d'Oissel. Depuis 2016, cette formation des référents sûreté est conduite par une équipe pédagogique mixte de policiers et de gendarmes et se déroule sur le site de Cannes-Ecluse (77) de l'École nationale supérieure de la police (ENSP).

Dans le domaine de la police judiciaire, une commission commune pour l'attribution de l'examen technique d'officier de police judiciaire (OPJ) a été constituée.

Par ailleurs, les formations à la lutte contre le travail illégal organisées par la gendarmerie nationale sont ouvertes aux fonctionnaires de police. De même, dans le cadre de la lutte contre le faux-monnayage, l'Office central pour la répression du faux monnayage dispense, en collaboration avec la Banque de France, des stages au profit de policiers et de gendarmes affectés en unités de recherches.

Dans le domaine du soutien opérationnel, depuis 2012, le centre national de formation des corps de soutiens de la gendarmerie (CNF-CSTAGN) accueille des membres de la police nationale pour les former aux fonctions d'armuriers ou dans le cadre de stages de munitionnaires magasiniers.

Dans le domaine de la lutte contre la criminalité, en particulier transnationale, une convention a été signée en 2020 pour permettre la formation d'une trentaine de formateurs gendarmerie par la DCRFPN à l'outil API PNR 21 ( * ) .

Enfin, si les formations communes entre l'ENSP et la gendarmerie nationale apparaissent encore embryonnaires, l'attention des rapporteurs a été attirée sur l'ouverture réelle du catalogue de formation continue aux officiers de gendarmerie, notamment dans le domaine du renseignement.

Pour autant, au cours de leurs travaux au cours de l'année 2022, les rapporteurs ont pu relever que ces exemples restaient ponctuels et surtout très limités en termes capacitaires et, ainsi, tirer un constat identique à celui du législateur dans le cadre de la Lopmi : les outils de formation entre forces restent peu mutualisés alors que, comme le souligne le rapport annexé à la loi, « aujourd'hui rien ne s'oppose à ce que des modules de formation continue soient ouverts à l'ensemble des forces ». Ils ne peuvent donc que saluer l'objectif de mutualisation des outils de formation continue affiché visant notamment à « mutualiser les parcours de formation au numérique afin de créer une culture commune ».

À cet égard, les rapporteurs estiment que la mutualisation de la formation continue entre les deux forces devrait constituer, dans un certain nombre de domaines, le principe, qui ne devrait souffrir d'exception que pour autant que la spécificité de l'action des forces le justifie.

Ils ne peuvent donc qu'appuyer les formations communes du type de celles relatives à la lutte contre le trafic de produits stupéfiants et dans le cadre de la mise en place de l'OFAST, en matière de saisie des avoirs criminels, puisque cette procédure de saisie ne comporte aucune spécificité particulière en zone gendarmerie ou en zone police.

Dans un contexte marqué par une plus grande violence de voie publique, les rapporteurs insistent en particulier sur l'intérêt d'une approche commune plus développée en matière de formation continue s'agissant du maintien de l'ordre . Il en va de même pour les gestes techniques en matière d'interpellation, dès lors notamment qu'avec l'abandon de la technique dite de « l'étranglement » dans la police nationale, ces techniques se sont fortement rapprochées de celles de la gendarmerie nationale.

Proposition : Développer la mutualisation de formations opérationnelles en matière de maintien de l'ordre entre gendarmerie mobile et compagnies républicaines de sécurité et la formation commune aux gestes techniques en matière d'interpellation des policiers et gendarmes en formation continue.

Une mutualisation doit, du reste, également être recherchée au-delà même des seules police et gendarmerie nationales.

Si la Lopmi évoque à juste titre la nécessaire mutualisation de formation avec les sapeurs-pompiers , notamment dans le cadre du pilotage de drones, elle ne parle guère des actions qui peuvent être mutualisées avec les autres acteurs de la sécurité publique que sont les polices municipales .

Or, ces dernières, dans le cadre notamment du catalogue de formation proposé par le centre national de la fonction publique territoriale, bénéficient d'actions de formation qui rejoignent celles menées par la police et la gendarmerie. Une convergence de certaines formations, en matière par exemple d'accueil du public ou d'exercice de fonctions d'encadrement, pourrait être ainsi envisagée, permettant le cas échéant aux personnels des trois forces de sécurité de bénéficier d'un tronc commun dans le cadre de leur formation continue obligatoire.

Par ailleurs, les polices municipales bénéficient, grâce aux investissements des collectivités territoriales, d'infrastructures qui pourraient avantageusement être davantage ouvertes aux autres forces de sécurité intérieure, dans le contexte actuel de pénurie que connaissent la police et la gendarmerie nationale.

Proposition : Garantir l'accès des policiers et gendarmes aux infrastructures de formation gérées par la CNFPT et les collectivités locales pour les policiers municipaux.

COMPTE-RENDU DE L'AUDITION EN COMMISSION

Audition de MM. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint, Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation, de la police nationale, et le général de corps d'armée Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale

(Mercredi 8 février 2023)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous recevons maintenant M. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint de la police nationale, et Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation.

Nous recevons également le général de corps d'armée Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale et le colonel Guilhem Phocas, sous-directeur des compétences.

Cette audition s'inscrit dans le prolongement des auditions menées par notre mission d'information sur la formation initiale et continue des personnels de la police et de la gendarmerie nationales, dont Maryse Carrère et Catherine Di Folco sont les rapporteurs.

La loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur et le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont mis de nouveau en lumière un certain nombre d'ambitions, mais aussi de besoins en termes de recrutement et de formation de nos forces de sécurité intérieure. Nous savons que les écoles manquent de moyens matériels, et parfois de formateurs, qu'il est difficile de recruter des jeunes dont les profils soient parfaitement adaptés aux missions des forces de sécurité, et que la formation continue des personnels n'est pas facile à organiser.

Nous savons également que la police et la gendarmerie sont mobilisées sur ces questions. Clairement, des progrès ont été faits, en matière de temps de formation initiale et continue, mais également en matière d'accent mis sur la police judiciaire, quelles que soient les questions du moment sur le sujet.

M. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint de la police nationale . - Je suis accompagné de Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale, qui sera en mesure d'apporter toutes précisions utiles à mon propos.

L'ambition de la police nationale dans le domaine de la formation est une ambition forte, puisque le Parlement l'a dotée de moyens humains supplémentaires, ce qui implique un effort de recrutement et de formation.

Nous observons une progression quantitative assez marquée de nos recrutements. Pour 2023, notre schéma d'emplois prévoit le recrutement et la formation de 4 180 gardiens de la paix et de 3 570 policiers adjoints. C'est un véritable défi ! Nous parviendrons à y faire face grâce à la montée en puissance de nos capacités d'accueil et de notre réseau de formateurs et à la mutualisation de bonnes pratiques.

Il y a aura aussi un choc dans le recrutement des officiers, vu l'importance des départs en retraite. Nous avons recruté l'an dernier environ 400 officiers de police. Cette année, nous en recruterons 460, soit une hausse de 12 %. Même défi pour les commissaires de police, puisqu'il faudra en recruter et en former 94 cette année, soit 30 % de plus que l'an passé. Cette hausse s'explique notamment par l'importance des personnels détachés.

Dernier champ important de recrutement pour nous : à l'instar de ce que fait la gendarmerie depuis plusieurs décennies, la police nationale se lance dans un recrutement important de réservistes opérationnels. Nous en avons formé 1 150 en 2022, et notre plan de charge prévoit d'en former désormais 2 500 chaque année.

Le cyber est aussi un vrai sujet pour le recrutement et la formation dans la police nationale. Cette année, le service commun à la police et à la gendarmerie dans le domaine du numérique va changer d'échelle, puisque le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure deviendra l'Agence nationale des forces de sécurité intérieure. Cette évolution exige que nous formions avant l'été 150 policiers sur les sujets du numérique.

Une forte progression quantitative de nos recrutements est donc en cours.

L'amélioration qualitative du recrutement et de la formation passe par l'allongement de huit à douze mois de la formation des gardiens de la paix. L'objectif, entre autres, est de mieux les former à la mission de police judiciaire. Les premiers résultats observés dans les écoles de police sont bons et témoignent d'une bonne appétence pour le judiciaire. Nous devrions arriver à ce qu'en sortie d'école, des gardiens de la paix puissent devenir officiers de police judiciaire, comme le souhaite le ministre.

La formation initiale des policiers adjoints s'allonge aussi puisqu'elle passe de trois à quatre mois.

Certaines formations initiales très spécifiques sont aussi adaptées pour tenir compte de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Ainsi, les assistants d'enquête bénéficieront d'une formation améliorée d'au moins cinq semaines, commune à la police et à la gendarmerie, pour qu'ils puissent apporter aux enquêteurs toute l'aide nécessaire sur des tâches matérielles qui ne sont pas strictement des tâches d'enquête.

De même, le ministre nous a demandé de substituer aux policiers déployés dans les aubettes des personnels contractuels et administratifs. Nous prévoyons pour les effectifs concernés deux semaines de formation à ces nouvelles missions. Cette évolution leur procure de nouveaux débouchés, ce qui est toujours intéressant.

Enfin, le ministre nous a demandé de faire progresser de 50 % la formation continue. Il s'agit d'un programme ambitieux, auquel s'ajoutent les formations qui seront dès cette année obligatoires pour obtenir les grades de brigadier-chef et de major.

Nous développons aussi des formations conjointes avec la gendarmerie, dans tous les secteurs spécialisés de la police judiciaire, mais aussi dans le domaine du cyber, où nous avons une forte ambition commune. La gendarmerie a ouvert une école du cyber à Lille, dans laquelle elle a proposé à la police nationale, qui l'a bien évidemment accepté, de suivre des formations communes.

Général de corps d'armée Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale . - La gendarmerie nationale fait face à trois enjeux majeurs en matière de formation. Le premier est de renforcer la militarité des gendarmes, leur robustesse et leur polyvalence, vu la complexité et la dangerosité des interventions. Le deuxième est de les former au numérique, ou au moins de les y sensibiliser. Le troisième, face aux augmentations d'effectifs que nous prévoyons avec joie pour les années à venir, est de développer la capacité de nos écoles : nous allons recruter comme nous ne l'avons jamais fait depuis au moins trente ans !

Dans la formation initiale, nous continuons d'insister sur la formation militaire générale et sur la robustesse, mentale ou physique, tactique ou individuelle. Nous travaillons donc beaucoup en lien avec les armées et nous continuons de développer des partenariats avec elles pour que chaque élève gendarme puisse être formé à des programmes de robustesse et de manoeuvre tactique à l'échelon du groupe. De fait, lors de certaines interventions, nous sommes confrontés à de véritables scènes de guerre. Ce sont ainsi 80 formations, initiales ou continues, que la gendarmerie suit en abonnement auprès des armées.

Nous insistons aussi beaucoup sur le concept du gendarme polyvalent. L'éparpillement des unités de gendarmerie, spécifique à notre métier, fait que le même gendarme, au cours d'un même service ou d'une même journée, peut être confronté à des situations très différentes. Nous renforçons donc la formation pour aider le gendarme primo-engagé qui, par définition, sur tout événement, est seul pendant les quinze premières minutes. Quelles que soient les dominantes choisies par nos élèves, ceux-ci reçoivent donc tous une formation au maintien de l'ordre, à la sécurité routière, à la police judiciaire. C'est sur ce socle partagé que se greffent ensuite les formations spécialisées. Former nos gendarmes aux métiers de police de demain, c'est continuer à développer l'intervention professionnelle. Chacun sait que, face à la dangerosité des interventions, face aussi à leur médiatisation, il faut que les gestes professionnels soient parfaitement maîtrisés, dans l'intérêt de tous - du délinquant comme du militaire - et avec le souci de la sécurité et du juste emploi de la force.

Nous avons aussi développé, au cours des deux dernières années, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et les discriminations.

Conformément au souhait du Président de la République, nous renforçons notre formation en police judiciaire : depuis le mois de septembre dernier, tous les élèves gendarmes entrant en école font un mois de scolarité en plus, consacré au renforcement de la formation d'officier de police judiciaire. Le total est donc désormais de douze mois : neuf en école et trois en stage. La partie théorique de la formation à l'examen d'officier de police judiciaire est désormais enseignée pendant la formation initiale. C'est au cours des deux années suivantes, passées en unité, que les gendarmes acquièrent la partie plus pratique de la formation nécessaire pour être habilités officiers de police judiciaire.

Nous avons un programme ambitieux de sensibilisation au numérique, grâce auquel tout élève gendarme entrant en école reçoit une formation en la matière. Ce domaine représente à peu près 15 % du volume de formation d'un élève gendarme. Nous développons aussi ce que nous appelons des e-compagnies, constituées d'élèves gendarmes volontaires qui, ayant déjà une appétence pour ce domaine, bénéficient d'une formation allongée dans le domaine du numérique.

Nous avons beaucoup développé l'enseignement à distance. Nos unités sont en effet éparpillées partout dans le monde. Nous proposons 787 formations sur notre intranet, représentant 2 700 modules pédagogiques. Beaucoup de formations, en fait, comportent une partie faite à distance, en amont d'une partie faite en présentiel dans les écoles.

Nous avons mieux distingué, depuis un an, ce qui relève de la direction des personnels et ce qui dépend des écoles. Nous avons mis en place un opérateur de recrutement et de formation au sein du commandement des écoles et nous continuons à développer la formation initiale et continue. Nous avons créé des centres régionaux d'instruction dans chacune des treize régions de France et dans chacune des collectivités d'outre-mer. Une grosse partie de la formation continue est désormais dévolue aux échelons régionaux ou assimilés, en complément de nos 25 centres et écoles.

Enfin, nous avons un défi capacitaire à relever puisque, en 2023-2024, pas moins de 11 000 à 12 000 élèves passeront dans nos écoles. Pour y répondre, nous comptons doter l'ensemble de nos écoles de douze compagnies d'élèves supplémentaires.

Pour rappel, au cours des vingt dernières années, nous avions dû fermer quatre écoles. Nous avons fait le choix de ne pas ouvrir de nouvelles écoles ex nihilo , mais de développer les écoles existantes, en particulier celle de Dijon, qui comptera six compagnies supplémentaires.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Les débuts de cette mission d'information remontent à il y a bien longtemps. Avant d'interrompre nos travaux en raison de la crise du covid, nous nous intéressions surtout, avec Maryse Carrère, aux différentes techniques d'interpellation pratiquées par la police et la gendarmerie.

Depuis la reprise de nos travaux, nous avons quelque peu modifié les contours de la mission, en l'axant davantage sur la formation initiale et sur la formation continue. Au cours de nos nombreux déplacements dans les écoles, nous avons toujours été bien reçues et avons appris énormément de choses. Nous espérons remettre un rapport assorti de préconisations à la fin de ce trimestre.

J'en viens à ma question. L'académie de police est une sorte d'arlésienne. Pouvez-vous nous en préciser les contours et la finalité ?

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Nous sommes ravies de constater que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) apporte des réponses à des besoins - déficit d'écoles et de centres de tir notamment - que nous avions constatés sur le terrain. Le renforcement quantitatif et qualitatif des formations qui est à l'oeuvre nous rassure et nous réjouit.

Pour la police, comment comptez-vous vous absorber l'augmentation de 50 % de la formation continue que prévoit le rapport annexé à la Lopmi ? En dépit des différences de culture - militarité de la gendarmerie notamment -, une mutualisation plus poussée des moyens est-elle possible entre la police et la gendarmerie, en matière d'équipements techniques et de centres de tir par exemple ? Enfin, prévoyez-vous de recourir à des formateurs extérieurs et si oui, selon quelles modalités ?

M. Jérôme Leonnet. - Je resterai modeste dans mes propos sur l'académie de police, le ministre de l'intérieur n'ayant pas encore rendu tous ses arbitrages.

À ce jour, le lieu, Montpellier, a été désigné par le Président de la République. Nous savons également que l'option retenue n'est pas de créer un lieu de formation unique pour l'ensemble de la police nationale, mais de conserver un réseau constitué d'écoles de gardiens de la paix, d'une école d'officiers et d'une école de commissaires de police.

Il n'est donc pas question d'un « chamboule-tout ». En revanche, il est envisagé de créer un label propre à l'ensemble du réseau de formation de la police nationale. Le réseau pourrait ainsi s'outiller, avec Montpellier, d'un lieu de formation continue emblématique.

Enfin, reconnaissons que la police nationale n'est pas en avance dans le domaine de la recherche. Si l'école des commissaires de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or dispose d'un service de recherche, ce dernier n'est pas à la hauteur des besoins de la police nationale. L'académie de police sera demain un lieu d'échanges croisés en matière de recherche, à la fois avec nos partenaires en interne, mais aussi à l'échelle internationale.

M. Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale. - L'objectif d'augmenter la formation continue de 50 % dans la police nationale est extrêmement ambitieux. À l'instar de ce que nous avons fait pour la formation initiale, nous avons tenté d'adopter une approche originale.

La réflexion traditionnelle sur la formation continue consiste à dire, en effet, que les gens ne se formant pas suffisamment par manque de temps ou de volonté, il faut donc les y obliger. Or nous savons très bien que l'obligation de formation ne fonctionne pas : il y a toujours de bonnes raisons de ne pas se former.

L'idée a donc été de travailler à la fois sur le développement de la formation en distanciel et sur la notion de proximité. En effet, une intervention opérationnelle pour un cambriolage ou des violences conjugales primera toujours sur une action de formation.

Nous souhaitons en particulier sensibiliser systématiquement les cadres à la formation et, au-delà, les faire réfléchir sur les compétences. Il est en effet très efficace de demander à un brigadier-chef, à un major, à un officier ou à un commissaire de police s'il dispose au sein de son service des compétences nécessaires, judiciaires par exemple, pour atteindre les objectifs opérationnels.

La notion de proximité implique en outre la réappropriation locale de formateurs. Demander aux gens de faire vingt à cinquante kilomètres pour suivre une formation n'est pas ce qu'il y a de plus efficace. Il est de loin préférable de mettre à profit un temps d'activité moindre, qui peut être la matinée, pour faire progresser les équipes dans leurs techniques d'interpellation, par exemple, par des mises en situation, des débriefings et des retours d'expérience immédiats.

En matière de formation en distanciel, notre e-campus compte près de 160 000 inscrits. Il est fréquenté en moyenne par 4 000 fonctionnaires par jour, avec des pics à plus de 7 000, et 120 000 fonctionnaires s'y forment chaque année. Cela nous oblige à présenter une offre qui soit adaptée en permanence, et qui soit évolutive.

Par ailleurs, la dimension d'accompagnement est absolument nécessaire. Proposer des formations intégralement à distance reviendrait à méconnaître l'acte de formation lui-même. Voilà quelques mois, j'ai reçu deux associations de policiers - l'Association police en souffrance (APS) et PEPS-SOS Policiers en détresse -, particulièrement investies dans la prévention du suicide. Je leur ai demandé d'intervenir dans des écoles de gardiens de la paix. Cela ne va pas nécessairement de soi : il peut paraître contre-productif qu'une association vienne parler suicide dans la police à des jeunes qui entrent dans la carrière. La première intervention, à Périgueux, a toutefois rencontré un franc succès.

Si je prends cet exemple, c'est que lors de notre entretien a été évoquée une e-formation obligatoire, sur le repérage des signaux faibles de situation pouvant conduire à un suicide. Les représentants des associations m'ont alerté sur le fait que certaines mises en situation avaient pu correspondre à des situations déjà vécues par les stagiaires. Or quand on est seul devant son écran, il peut être difficile de vivre des réminiscences de situations professionnelles qui ont pu être traumatisantes.

Il est donc important que les stagiaires qui suivent des formations en distanciel puissent être accompagnés. Certes, les stagiaires peuvent échanger sur les forums existants, mais il nous semble essentiel de développer le tutorat, comme l'a fait par exemple le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

L'idée de proximité suppose aussi de réfléchir à un service local et de proposer des microformations, qui peuvent très bien ne durer qu'une demi-heure ou une heure.

S'agissant des centres de tir, la mutualisation de la formation entre gendarmerie, centres privés et polices municipales existe depuis longtemps déjà, par la force des choses, en raison du manque criant d'équipements. La seule limite est liée aux conditions de sécurité, qui doivent être validées par le secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (Sgami).

D'autres types de mutualisation sont à l'oeuvre, en matière d'investigation numérique, de lutte contre les infractions liées à l'environnement ou encore de stupéfiants, dans le cadre de la création de l'Office antistupéfiants (Ofast). Enfin, la formation des assistants d'enquête sera mutualisée avec la gendarmerie.

Les possibilités sont donc larges. Si les questions de la militarité ou des différences de doctrine se posent, elles peuvent être discutées. Les lieux de formation eux-mêmes peuvent être mutualisés, même si les sites existants sont déjà très largement occupés. Quoi qu'il en soit, il existe une volonté partagée de mutualiser les compétences.

Nous sommes enfin très attentifs à la question des interventions extérieures, le manque d'ouverture étant un grief qui est souvent fait à la police nationale. D'une manière générale, nos formations sont assurées par des policiers, qui ne sont pas des formateurs professionnels. S'ils sont formés pendant douze semaines à la pédagogie et à la gestion de groupe, ce sont avant tout des policiers qui ont exercé sur le terrain et qui peuvent apporter leur expérience et leur expertise.

Par ailleurs, nous faisons intervenir de manière régulière l'association Flag !, le Défenseur des droits, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) ou encore la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). J'insiste sur ce point : ces interventions ne relèvent pas de l'affichage. Nous travaillons beaucoup sur la progression pédagogique. Ainsi, le Défenseur des droits, par exemple, n'intervient pas à n'importe quel moment de la scolarité. Son intervention a été travaillée en amont.

La solution de facilité aurait été d'opter pour une présentation par le Défenseur des droits, lui-même, de son rôle et de sa fonction, mais cela aurait eu un intérêt relativement limité. La présentation du Défenseur des droits se fait donc en distanciel. Tous les élèves ont l'obligation préalablement de se connecter sur l'espace numérique de travail pour s'informer concrètement du statut du Défenseur des droits, etc. Le délégué du Défenseur des droits, lorsqu'il intervient, aborde plutôt des situations extrêmement concrètes en s'appuyant sur des interventions de policiers ayant pu poser problème dans le passé. Tout cela est à mettre en parallèle avec l'ensemble des situations professionnelles analysées au travers des exemples types. Nous travaillons, notamment après la période de stage, sur des vidéos de contrôles d'identité à partir de caméras-piétons relayées par Le Monde et Mediapart , qui ne sont pas totalement à la gloire de la police, en particulier en matière de tutoiement. Il nous semble en effet important de montrer qu'un certain nombre de techniques et d'agissements ne sont pas conformes à ce qui est attendu d'un policier au quotidien, preuve de notre ouverture d'esprit en matière de formation.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Je souhaite compléter la question de Maryse Carrère sur la formation. Lors de nos auditions, notamment de magistrats, certains ont insisté sur l'importance de former les officiers de police judiciaire (OPJ), qui ne rédigent pas toujours suffisamment bien les procès-verbaux. In fine , ces derniers ne sont pas exploitables. Qu'en est-il ?

M. Philippe Lutz . - La promotion en cours, c'est-à-dire la 266 e promotion, entrée en mai 2022, est préparée dès la formation initiale aux fonctions d'OPJ. Cette formation s'opère en deux temps. Premier temps, durant la période de scolarité, un contrôle national judiciaire est organisé, après quatre semaines de formation, qui compte pour 300 points sur les 1 000 points du classement général. Le taux de réussite des élèves est estimé aux alentours de 60 % à 65 %. Les élèves qui auront la moyenne pourront suivre alors le deuxième module OPJ. Ils bénéficieront, lorsqu'ils seront en stage à la fin de l'année 2023, de huit semaines de formation - deux en distanciel et six en présidentiel - auprès de magistrats. Ils passeront ensuite l'examen d'OPJ au mois de janvier 2024. Nous essayons donc de coller au mieux aux besoins, en associant les magistrats à nos formations. Je rappelle que la commission OPJ est présidée par un magistrat de la Cour de cassation. Les magistrats contrôlent également les sujets donnés aux examens, tant pour la gendarmerie que pour la police. Et ils participent, pour la police, à l'oral de l'examen d'OPJ.

Mme Brigitte Lherbier . - J'appuierai l'intervention de M. Lutz par un certain nombre d'exemples. Compétence et proximité sont effectivement deux pôles absolument essentiels. Vous avez mis l'accent sur la formation initiale et la formation continue. À Roubaix, un colloque a été organisé avec Abdelkader Haroune, commissaire général, et Céline Kichtchenko, directrice de l'École nationale de police. Tous deux sont formels : la majorité des candidats envisagent la police comme un ascenseur social. Il s'agit d'un constat optimiste. Les jeunes ayant participé à ce colloque étaient très motivés à l'idée d'entrer dans la police ou la gendarmerie. Ils ont beaucoup apprécié les possibilités de tutorats et de stages.

J'ai dirigé l'Institut d'études judiciaires (IEJ) de Lille, qui préparait au concours de commissaire de police. Les candidats issus du terroir étaient motivés, compétents, formés, mais ils n'avaient pas l'habitude de passer des concours. Pourtant, des classes d'écoles intégrées ont été mises en place pour les épauler. Or il est important que les commissaires soient originaires du territoire où ils travaillent : d'une région à l'autre, les mentalités sont complètement différentes.

Lors du colloque, beaucoup de jeunes étaient plus que partants pour s'en sortir. Il faut leur donner un coup de pouce. À l'IEJ, nombre d'étudiants n'arrivaient pas à passer le concours de commissaire malgré des compétences réelles. Ne pourrions-nous pas essayer de trouver des métiers passerelles ? Tout le monde ne peut pas être commissaire, mais chacun dispose d'un bagage pouvant être utile à la police. Un travail de repérage des compétences me semble nécessaire.

Enfin, vous avez parlé de la cybercriminalité. Le Forum international de la cybersécurité (FIC) se tient à Lille. Des classes d'ingénieurs recrutent et proposent d'entrer dans la police. Nous pourrions effectivement nouer des partenariats avec de nombreuses écoles en France.

M. Alain Marc . - Je me réjouis du fait que vous ayez évoqué les caméras-piétons. Il s'agit d'une avancée considérable sur laquelle le Sénat a beaucoup travaillé. Elles permettent aujourd'hui, dans la pratique quotidienne de nos policiers et gendarmes, d'éviter certains problèmes et surtout d'améliorer les relations.

Ma question porte sur la cybersécurité et la cybercriminalité, qui prendront certainement à l'avenir de plus en plus d'importance. Le cadre d'emplois de la fonction publique d'État, avec ses salaires limités, permet-il de recruter suffisamment ? Les compétences ne préfèrent-elles pas se tourner vers le privé ? Vous donne-t-on les moyens de recruter hors du cadre de la fonction publique pour assurer la formation des futurs policiers et gendarmes ?

M. Jérôme Durain . - Ma première question à M. Leonnet et à M. Lutz porte sur l'enjeu de pilotage de l'ingénierie de formation globale. La Cour des comptes a formulé des observations sur l'architecture budgétaire de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), regrettant le manque de dialogue de gestion. Elle déplorait également des dysfonctionnements au niveau du système d'information des ressources humaines (RH). Ces problèmes sont-ils résolus ?

Mes collègues Catherine Di Folco et Maryse Carrère ont évoqué les problématiques de sécurité en intervention. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain est extrêmement attaché aux rapports entre la police et la population. De nombreuses questions se posent sur les refus d'obtempérer et l'usage des armes. Vous avez parlé de la mutualisation des stands de tir entre la police et la gendarmerie, mais globalement les policiers se plaignent de ne pas pouvoir s'entraîner suffisamment. Quel pourcentage de personnel actif a-t-il pu réaliser les trois séances de tir et les douze heures d'entraînement annuel réglementaires ? Comment peut-on sanctuariser le temps consacré à ces formations ?

Mme Laurence Harribey . - Dans la continuité de la question posée par nos collègues rapporteurs au sujet de l'ouverture et de la diversification des profils de formateurs, j'aimerais connaître la réponse du général Bruno Arviset. On fait appel à des compétences de plus en plus diversifiées en matière de cybersécurité, de violences intrafamiliales, etc. Qu'en est-il dans la gendarmerie ?

En matière de formation initiale, du fait de la diversité des compétences et des expertises, seriez-vous favorables à une modification des concours d'entrée, je pense en particulier au renforcement des connaissances juridiques ? Cela permettrait d'aller beaucoup plus vite ensuite lors de la formation initiale, sur laquelle vous avez beaucoup insisté...

M. Henri Leroy . - On ne peut que se réjouir des annonces faites aujourd'hui. Le Sénat a conduit une commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité et, chaque année, la commission des lois suit ce dossier. Nous avons également participé pendant six mois au Beauvau de la sécurité. Tous nos travaux avaient mis en évidence un déficit en termes de formation continue. À Nîmes comme à Dijon, nous avions constaté que les encadrants n'avaient ni le temps ni les moyens de former les agents de police judiciaire confrontés à une évolution de leurs tâches. C'est un grand bonheur de constater aujourd'hui que nos préconisations ont été transmises à l'ensemble des cadres de la gendarmerie et de la police. Demain, il n'y aura plus que des OPJ. Le Gouvernement a pris conscience des difficultés et vous a donné des instructions. Dans vos écoles et vos centres de formation, disposez-vous des moyens nécessaires pour former raisonnablement à l'évolution sociale à laquelle sont confrontés les agents des forces de sécurité ?

M. Hussein Bourgi . - Je reviendrai sur l'ouverture prochaine d'une académie de police à Montpellier. En ma qualité de Montpelliérain, sénateur de l'Hérault, je me réjouis de cette annonce. En revanche, l'installation de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police et de ses 227 agents à Montpellier est-elle toujours à l'ordre du jour ? Si nous nous félicitons de la création d'une académie de police à Montpellier, les organisations syndicales de la police nationale sont perplexes : quelle différence y aura-t-il avec l'école de police de Nîmes, qui se trouve dans le département voisin ? À ce jour, toutes nos interrogations demeurent. L'académie de police sera-t-elle un simple label ? Si l'objectif est de transformer les écoles de police nationale en académies de police, disons-le clairement !

La formation des policiers et des gendarmes est amenée à s'accroître puisque la Lopmi est particulièrement ambitieuse : ouverture de 200 brigades de gendarmerie dans les prochaines années, augmentation des effectifs de police nationale, etc. Je suis délégué du CNFPT en Occitanie. Je travaille au quotidien avec les policiers municipaux, mais aussi avec les policiers nationaux et la gendarmerie, qui nous demandent de pouvoir venir s'entraîner dans les locaux qui sont les nôtres. Des questions subsistent quant au volume d'activité : qui dit plus de policiers et de gendarmes dit plus de personnes à former. La police et la gendarmerie disposent-elles de suffisamment de formateurs ?

Par ailleurs, et ce sera la conclusion de mon intervention, nous assistons aujourd'hui à une montée en puissance des violences intrafamiliales dans notre pays, ou à une plus grande visibilité de ces dernières. En milieu rural, c'est-à-dire en zone de gendarmerie, il existe des zones blanches en matière d'hébergement. Un effort particulier est-il réalisé en termes d'accueil et d'accompagnement des femmes et des enfants, qui sont bien souvent les victimes collatérales de ces violences ? La question de la qualité de l'accueil de la victime au moment du dépôt de la plainte est également une thématique récurrente, aussi bien en zone de police qu'en zone de gendarmerie. Malheureusement, lorsque des drames surviennent, on s'aperçoit bien souvent rétrospectivement que plusieurs mains-courantes avaient déjà été déposées par la victime.

Mme Esther Benbassa . - Merci pour les informations que vous nous avez apportées.

Les nouveaux gendarmes et policiers seront-ils formés à la discrimination, ainsi qu'à la désescalade en cas de conflit ? Lors des dernières manifestations à Paris, on a pu observer un vrai changement : on discute désormais avec les manifestants nerveux, de manière à éviter les incidents graves.

Existe-t-il une sensibilisation aux nouveaux sujets qui interpellent de plus en plus la police ? Mon collègue a évoqué l'accueil des femmes violentées par leur compagnon ou leur conjoint.

Y aura-t-il une forme de consensus sur les règles en matière de contrôles au faciès ?

M. Jean-Pierre Sueur . - La loi donne désormais aux policiers et aux gendarmes davantage de possibilités de faire usage de leur arme pour se défendre légitimement dans des situations très difficiles de violences ou d'agression.

Certes, la question de l'entraînement au tir est très importante. C'est d'ailleurs un sujet que nous évoquons avec les élus s'agissant des polices municipales : il n'est pas sérieux d'armer des policiers sans de longues et régulières séances de formation. Pour ce qui est de la gendarmerie et de la police nationales, vous nous avez dit y veiller particulièrement.

Au-delà des séances de tirs, comment formez-vous les policiers et les gendarmes à la situation précise de stress absolu où il faut prendre une décision en une seconde ? Il est facile de critiquer, mais de telles situations demandent une maîtrise psychologique très forte, pour laquelle j'éprouve une certaine admiration.

Général Bruno Arviset . - J'ai beaucoup entendu parler de formateurs extérieurs, d'autres profils pour former nos gendarmes... Nous sommes convaincus de la nécessité de ce partenariat.

Pour ce qui concerne la gendarmerie, ce n'est pas tant sur la formation initiale que sur les formations continues et techniques que nous développons des partenariats. Nous avons noué de nombreuses conventions avec des universités, de sorte que beaucoup de formations internes à la gendarmerie - et, parfois, partagées avec la police nationale - ont des blocs qui se font en faculté. On se raccroche à des cours de BTS ou d'autres formations, selon le niveau.

En outre, des intervenants extérieurs sont à nos côtés sur des matières extrêmement techniques. Il faut bien distinguer ce qui relève de la formation initiale et du coeur de métier, qui a plutôt vocation à être assuré par nos professionnels, de ce qui relève d'une formation plus technique, où nous devons évidemment aller chercher les professionnels de la technicité.

Oui, la cybersécurité est aujourd'hui un domaine extrêmement concurrentiel. On entend souvent des ingénieurs nous dire que, dans le privé, leur salaire afficherait un zéro de plus. Que ce soit vrai ou non, nous essayons de développer les contrats à durée déterminée, les CDI ou même le recrutement spécifique de ce que l'on appelle des « officiers commissionnés », c'est-à-dire des civils qui ont déjà une technicité et que nous recrutons pour combler les lacunes que nous pourrions avoir dans certains domaines.

Bien évidemment, cela ne se fait pas tout seul ! Nous essayons au maximum de développer des partenariats en amont dans ce domaine, surtout avec des écoles d'ingénieurs, de sorte que les élèves puissent, lors de leurs deux dernières années de formation, faire des stages chez nous et découvrir le milieu de la gendarmerie, pour continuer ensuite à servir dans nos services techniques. Au reste, s'il est vrai que l'on peut gagner plus dans le privé, j'observe que de nombreux jeunes ne rechignent pas à travailler plusieurs années dans la gendarmerie pour avoir une carte de visite avant de basculer dans le civil... Certains préfèrent aussi travailler chez nous pour servir le bien commun - il y a encore des gens qui y croient !

Ce problème de tension dans les métiers de la cybersécurité est évidemment partagé, notamment avec les armées, le domaine étant concurrentiel.

Enfin, nous développons les formations à l'étranger. Nous nous efforçons d'envoyer des gendarmes en formation dans de proches pays européens. Nous avons sorti, au mois de juin, une promotion qui a suivi sa scolarité à Madrid, auprès de la Guardia Civil. Nous le faisons avec d'autres pays, comme avec l'Italie, de sorte qu'une culture commune avec des pays frontaliers amis puisse se développer. Bien évidemment, nous avons ensuite des sujets partagés communs sur le plan opérationnel.

Faut-il accroître le niveau juridique aux concours? Je distinguerai les officiers des sous-officiers. Nos sous-officiers étant recrutés au niveau du baccalauréat, nous n'imposons pas d'épreuves juridiques. En revanche, dans les faits, un bon nombre de lauréats ont déjà étudié quelques années en faculté, et souvent en faculté de droit, avant de devenir élèves gendarmes. Cependant, c'est bien pendant leur année de scolarité qu'on leur donne ce bagage juridique. S'agissant des officiers, nous avions ouvert, il y a une vingtaine d'années, un concours dont les épreuves étaient de nature universitaire, et avant tout juridique : 90 % des lauréats étaient des juristes. Nous avons, depuis, souhaité diversifier le recrutement, en ouvrant d'autres voies, plus scientifiques, pour éviter une culture « monochrome » de l'officier de gendarmerie, considérant la multiplicité des enjeux. L'avenir nous a donné raison compte tenu des besoins en matière de cyber et d'ingénierie dans tous les domaines. À ce titre, nous nous efforçons de développer toutes les filières. Aujourd'hui, pour ce concours universitaire au sens large, à peu près la moitié des candidats sont des juristes. Les autres sont plutôt des ingénieurs ou, à tout le moins, des personnes de culture scientifique. Il est important de bien diversifier.

Je vous confirme que, dans la Lopmi, des effectifs supplémentaires sont bien prévus au titre de la formation : il y va de 252 équivalents temps plein (ETP), qui se répartiront entre nos écoles de formation initiale, pour former 12 compagnies supplémentaires, et nos centres régionaux d'instruction, davantage axés sur la formation continue.

Oui, bien sûr, nos gendarmes reçoivent des formations sur l'accompagnement aux violences intrafamiliales (VIF). Il est vrai que, dans les zones rurales, il y a un trou dans la raquette en matière d'associations et de capacité d'hébergement. Le primo-intervenant est seul dans son unité.

Au-delà des formations à l'accueil, nous avons mis en place des unités spécifiques, avec au moins une maison de protection des familles par département, avec des relais, des cellules de protection des familles, jusqu'à l'échelon des compagnies, de sorte que, dès que des dossiers deviennent complexes, des gendarmes un peu plus spécialisés puissent prendre le relais au plus vite, ce qui n'enlève rien à ce qu'a pu faire le premier intervenant.

Nous avons toujours eu, en matière de maintien de l'ordre, le souci de veiller à la désescalade. Ceux qui sont allés au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier ont pu le constater : le leitmotiv est que les forces de l'ordre ne doivent pas conduire à l'escalade d'une manifestation, et que la riposte doit toujours être graduée et adaptée à la menace. De mon point de vue, l'approche de notre conception du maintien de l'ordre n'a pas beaucoup changé depuis que ce centre existe.

Enfin, l'augmentation du droit d'usage des armes est discutable, parce que bien des mesures de la nouvelle loi figuraient déjà dans le décret du 20 mai 1903 sur l'organisation et le service de la gendarmerie. Il y a eu peu d'évolution en la matière. Nous essayons, autant que faire se peut, de former nos personnels et de les faire réfléchir à des situations qui se présentent assez communément, notamment sur la base de scénarios présentés à des groupes de gendarmes par un moniteur d'intervention professionnelle dont le dénouement comporte un usage des armes. Cependant, la dernière seconde appartient évidemment à chacun.

M. Jérôme Leonnet . - De même que pour la gendarmerie, la diversification de notre recrutement est aujourd'hui un vrai challenge. La police nationale, probablement un peu plus encore que la gendarmerie, se construit très souvent sur des recrutements de juristes. Beaucoup de candidats viennent des Instituts d'études politiques (IEP), en particulier de l'IEP de Paris s'agissant des concours de cadres supérieurs - commissaires et officiers. Nous avons malheureusement encore peu de scientifiques, là où la gendarmerie nationale a, au coeur de ses concours, un recrutement scientifique.

Nous faisons un effort sur ce plan, à plusieurs niveaux. D'abord, il y a de plus en plus de sujets scientifiques dans les épreuves de concours, ce qui permet de donner une place à des étudiants qui ont cette dominante. Nous avons aussi des partenariats avec des écoles d'ingénieurs. La police nationale forme, depuis plusieurs années maintenant, des stagiaires polytechniciens. Notre ambition, aujourd'hui, est de parvenir, avec Polytechnique, mais aussi avec l'école des Mines, ainsi qu'avec des écoles d'ingénieurs un peu moins prestigieuses, à recruter, dans un schéma d'école d'application, des cadres pour entrer en école de commissaires ou d'officiers. Pour l'instant, nous en sommes toujours au stade des échanges, mais les concrétisations pourraient être très prochaines. Je pense notamment à l'accord de principe qu'a donné le conseil d'administration de Polytechnique au fait que des polytechniciens - c'est vrai aussi d'autres ingénieurs - puissent, dès l'an prochain, étudier en école d'application.

Enfin, pour recruter davantage de scientifiques, nous recourons aux contractuels. Cette préoccupation est évidemment partagée avec la gendarmerie. Il est vrai que nous avons du mal à nous aligner en termes de rémunération. Le ministre de l'intérieur a donné des instructions assez claires aux services pour que nous essayions d'être le plus compétitifs possible. Nous avons aujourd'hui des programmes de recrutement qui fonctionnent, des ingénieurs qui nous rejoignent. Le nomadisme professionnel qui caractérise nos jeunes générations s'applique à ces scientifiques comme à d'autres : ils passent chez nous deux ou trois ans, puis vont voir ailleurs. Notre objectif, surtout dans le domaine du renseignement, est d'essayer de conserver ces profils, au moins dans le périmètre de la sécurité intérieure, c'est-à-dire de leur permettre de faire un passage en gendarmerie, en police nationale, et pourquoi pas dans les services de renseignement, qui proposent une offre très diversifiée. Restons modestes : ce n'est pas quelque chose de totalement achevé aujourd'hui. Le processus est en cours. Cependant, cela marche mieux qu'avant, et nous avons de bons recrutements.

De nombreux candidats au concours de gardien de la paix ont plus que le baccalauréat et ont acquis un bagage juridique, ce qui explique sans doute que, à l'issue du premier module de formation dont parlait Philippe Lutz tout à l'heure, nous ayons déjà à peu près 65 % de réussite. La culture juridique est tout de même assez bien ancrée.

Je veux répondre à M. Bourgi sur l'académie de police. Je vais essayer, sur ce sujet, d'être moins prudent, tout en restant dans les limites du mandat qui est le mien. L'école de Nîmes est aujourd'hui notre plus grand centre de formation, et il n'est pas question que le projet d'académie de police la mette en difficulté. Notre programme de recrutement étant beaucoup plus important que l'an passé, l'école de Nîmes a de beaux jours devant elle. En revanche, l'académie de police a vocation à accueillir le réseau de la formation. Les effectifs qui composent aujourd'hui la direction centrale du recrutement et de la formation ont naturellement vocation à rejoindre l'académie de police et à en être le terreau de base.

Ensuite, il faut que nous construisions, avec cette académie, des programmes de formation continue pour les gradés et gardiens et des programmes de recherche. Il n'est pas question de vous dorer la pilule : nous devons accomplir des progrès dans le domaine de la recherche, compte tenu de ce que certains de nos camarades peuvent faire au plan national et de ce que certaines polices étrangères peuvent faire. Il y a là un champ à explorer avec l'académie de police. Le label dont je vous ai parlé touchera l'ensemble du réseau de formation, mais l'académie de police sera aussi un creuset de formation. Ce sera un bel établissement. Faites confiance à la police nationale pour porter le sujet conformément à ce qui nous a été demandé !

M. Philippe Lutz . - L'usage de l'arme est un point essentiel. Quand on entre dans la police, quel que soit le corps d'appartenance - il en va de même dans la gendarmerie -, il n'est pas tout à fait naturel de porter une arme et de savoir s'en servir. Toute la formation initiale vise notamment à l'aptitude au port de l'arme et au fait d'être à l'aise avec celle-ci.

Dans ce cadre, nous testons actuellement, dans les écoles de police, et plus particulièrement à Nîmes, en lien avec la sous-direction qui s'occupe de la formation initiale, des simulateurs de tirs et des simulateurs d'aide à la décision, qui doivent permettre d'acquérir une attitude naturelle vis-à-vis de l'arme, notamment pour ceux qui étaient complètement extérieurs à la police - l'immense majorité des 40 % d'externes n'ont jamais porté d'arme.

Nous pouvons également nous appuyer sur le réseau des psychologues de la police nationale. Depuis deux ans, nous avons fait un effort extrêmement important en matière de recrutement de ces contractuels.

Les formateurs généralistes apportent leurs connaissances juridiques, leurs connaissances de terrain. Les psychologues axent leur propos sur la relation à la personne, apprennent à réagir face à des personnalités différentes.

Au demeurant, la formation initiale, en la matière, n'est sans doute pas le seul élement.

Je veux citer l'exemple dramatique de l'affaire Mickaël Harpon en 2019. Lorsque celui-ci a descendu l'escalier au coin de la préfecture de police, il s'est retrouvé face à un fonctionnaire de police stagiaire, sorti quinze jours plus jours de l'école de Nîmes. J'ai discuté à plusieurs reprises avec ce fonctionnaire, très rapidement après les faits, puis lors des obsèques, puis à l'école de Nîmes, où il vient témoigner parfois de son vécu professionnel. Lors de l'événement, il s'est littéralement remis dans une bulle. Face à un individu qui venait vers lui un couteau à la main, de combien de temps a-t-il disposé pour se remémorer la technique, le cadre juridique ? Je ne suis pas certain qu'un fonctionnaire qui aurait eu quinze ans d'ancienneté aurait eu le même cheminement mental...

Globalement, 60 à 65 % des fonctionnaires font leurs trois tirs à l'année, ce qui est naturellement insuffisant. Un certain nombre de chefs de service considèrent que la formation doit se concentrer sur ces trois tirs. Comme je l'ai déjà dit au directeur général de la police nationale (DGPN) et aux directeurs territoriaux, je considère que c'est le degré zéro de la réflexion en matière de formation !

Il est beaucoup plus important de savoir maîtriser les techniques d'interpellation et d'intervention. J'ai été inspecteur avant d'être commissaire. Je l'ai été durant dix-sept ans dans le département un tantinet agité de la Seine-Saint-Denis, et je n'ai jamais utilisé mon arme ! En revanche, j'ai plusieurs fois dû procéder à des interpellations.

On peut programmer des formations de manière quasi institutionnelle, rien ne remplace le travail qui doit être fait en proximité. Il me semble essentiel, quand on forme les brigadiers-chefs ou les majors, de faire quelques rappels simples sur les gestes ou l'utilisation de la force.

Voilà quelques années, au moment de la mise en place de la police de sécurité du quotidien (PSQ), j'ai discuté avec un préfet de police qui me disait qu'il était essentiel de former les gens en école à la proximité. Je lui ai répondu que cela se faisait déjà. En effet, de très nombreuses heures de formation par des psychologues sont désormais prévues dans les écoles de police, sur le rapport à l'autre, sur la capacité à se maîtriser, avec notamment les « techniques d'optimisation du potentiel », qui sont des techniques de relaxation, de gestion du stress. Mais le plus important, c'est ce qui se passe après : l'utilisation qui va être faite de cette formation et la manière dont elle va être mise en oeuvre dans les services.

Sur l'infocentre Dialogue, la situation s'améliore, mais reste largement perfectible. Je veux être très précis : nous avons une application de formation en distanciel, le « e-campus », et une application, qui s'appelle « Dialogue », où sont enregistrées toutes les informations en matière de ressources humaines et de formation. Actuellement, de petites mains réalisent un travail de fourmi en saisissant dans Dialogue ce qui a déjà été enregistré dans le e-campus, ce qui est n'est tout de même pas très satisfaisant intellectuellement. Dans un monde parfait, les données du e-campus seraient automatiquement basculées sur Dialogue. Nous travaillons à cette connexion directe, et j'ai bon espoir que nous y parviendrons en 2024. Il y va du confort et de l'amélioration des conditions de travail des agents, mais l'objectif est aussi que toutes les formations réalisées soient comptabilisées, ce qui n'est pas le cas pour le moment.

S'agissant de la proximité, le Nord est extrêmement gâté, puisque la majorité des policiers sont issus des Hauts-de-France, zone géographique la plus attractive en termes de recrutement, devant l'Île-de-France, qui, théoriquement, concentre la majorité des postes à la sortie des écoles, surtout de celles de gardiens de la paix. Nous avons développé un certain nombre de dispositifs pour préparer au concours, en lien avec 70 universités partenaires et des écoles. Les directions zonales réalisent un travail de préparation directe avec l'organisation de journées thématiques, où les épreuves des concours sont présentées.

Sur la zone Sud, cela va encore plus loin, avec quasiment une semaine complète d'entraînement pour les candidats externes - beaucoup de choses existent déjà pour l'interne.

Le nombre de candidats est bien plus nombreux qu'en Île-de-France. Je suis complètement d'accord avec vous, la connaissance du territoire est extrêmement importante, voire fondamentale. Nous réalisons un important travail en ce sens avec des universités partenaires.

Je regrette, à titre personnel, que l'Est, notamment l'Alsace, se voie beaucoup moins bien doté. Nous essayons véritablement de remédier à cette situation.

M. François-Noël Buffet , président . - Il me reste, messieurs, à vous remercier de votre présence ce matin et de vos réponses précises, qui ont permis d'éclairer nos rapporteurs et d'informer l'ensemble des commissaires du travail que vous réalisez, ainsi que de la situation de la formation dans la gendarmerie et la police nationales.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 8 mars 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais revenir sur l'historique de cette mission d'information. En juin 2020, nous avons été mandatés par le président Bas pour engager nos travaux. L'idée d'un travail sur le thème de la formation dans la police et la gendarmerie nationales avait germé après la remise en cause par le ministre de l'intérieur de l'époque, Christophe Castaner, d'une technique d'interpellation jugée dangereuse et dont il est apparu qu'elle était encore pratiquée par la police nationale alors qu'elle avait été abandonnée par la gendarmerie nationale. Un fait largement médiatisé outre-Atlantique n'avait pas contribué à apaiser ni à clarifier les débats sur cette technique dite « de l'étranglement », qui est aujourd'hui abandonnée.

Plus récemment, lors de la finale de la Ligue des champions de 2022, le recours aux gaz lacrymogènes par la gendarmerie mobile, pour évacuer les abords du Stade de France, a été particulièrement critiqué par les observateurs étrangers. Lors de notre déplacement au Centre national d'entrainement des forces de gendarmerie de Saint-Astier, ce cas a été cité comme un exemple de retour d'expérience (Retex) destiné à s'interroger sur les techniques d'intervention, ainsi que les formations proposées et dispensées par les deux forces de sécurité intérieure.

Ainsi, il importe de s'interroger sur la formation afin de faire face aux évolutions de la délinquance et de la criminalité, à celles des modalités du maintien de l'ordre comme à celles de la procédure et du droit pénal, ou pour tenir compte des changements de la société et des attentes des populations.

Les huit dernières années, la politique en matière de sécurité intérieure a connu des bouleversements, d'abord et principalement du fait de la menace terroriste, mais aussi en raison de la crise migratoire et d'exigences nouvelles en matière de maintien de l'ordre.

Au sein de la police nationale, la formation a fait l'objet de réformes destinées à répondre à ces nouveaux enjeux. Toutefois, celles-ci ont paradoxalement abouti à isoler la gestion de la formation du reste de la police nationale. Le dernier projet en date, dont les contours sont encore incertains et qui prévoit la création d'une Académie de police, reste indépendant de la réforme territoriale de la police nationale. Il n'est donc pas conçu sur le modèle des filières comme le seront sans doute à l'avenir tous les métiers de la police nationale.

C'est parce que la formation est toujours au coeur des débats, mais tend systématiquement à être marginalisée en pratique qu'il convient de déterminer les objectifs qu'on lui assigne et les moyens qu'on lui attribue.

Après avoir entendu les représentants des administrations et du personnel, nous nous sommes déplacées dans les écoles et les centres de formation de la police et de la gendarmerie à Draveil, à Roubaix, à Chaumont et à Saint-Astier. Nous avons échangé avec les formateurs et les élèves, afin de comprendre ce qu'implique concrètement la formation de nos forces de sécurité intérieure, ce que l'on attend d'elles et les difficultés rencontrées.

La comparaison entre police et gendarmerie est éclairante et, au-delà des échanges déjà mis en place entre les deux forces, des mutualisations plus nombreuses pourraient être développées. Néanmoins, je le précise d'emblée, il n'est pas question d'une quelconque fusion, et chaque force doit conserver son identité.

Afin de distinguer au mieux les enjeux, nous traiterons d'abord de la formation initiale puis de la formation continue au sein de ces deux forces.

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Cette mission nous a permis de mettre en lumière des différences existant entre les milieux de la gendarmerie et de la police en matière de formation. Les attentats de 2015, la nécessité de maintenir l'ordre public et la volonté de mettre en place une police du quotidien ont entrainé trois vagues importantes de recrutement de policiers et de gendarmes au cours des huit dernières années, dont la dernière a été approuvée par le Parlement dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Les ordres de grandeur sont parlants. En 2012, les écoles de police avaient intégré 2 500 élèves gardiens de la paix, policiers adjoints ou cadets de la République. Depuis 2014, elles n'ont jamais intégré moins de 6 000 élèves par an et ont connu un pic à près de 9 400 élèves en 2016. En 2023, elles devraient intégrer 8 238 élèves.

Du côté de la gendarmerie, les écoles ont intégré 6 505 élèves gendarmes et gendarmes adjoints volontaires en 2013, plus de 13 000 en 2016 et plus de 9 500 en 2021.

Or le réseau de formation, largement réduit par la révision générale des politiques publiques (RGPP), ne s'est pas développé en conséquence. Dans le cas de la police nationale, ce réseau comprend à la fois des infrastructures modernes, suffisamment dotées et efficaces, et d'autres devenues vétustes. Nous avons pu le constater à Draveil, où la création d'un stand de tir est envisagée depuis plus de cinq ans sans se concrétiser. Le centre ne peut utiliser une partie de ses bâtiments, qui sont amiantés, et se sert des dortoirs des élèves comme lieux d'entrainement faute de place. Pourtant, tout le monde, y compris la Cour des comptes, convient de la nécessité d'une école de police supplémentaire en Île-de-France.

La variable d'ajustement ayant permis l'intégration rapide des effectifs a été la réduction du temps de formation des élèves en école. Ainsi, le rétablissement du temps de formation des gardiens de la paix et la prolongation de celui des élèves gendarmes renforcent encore la pression s'exerçant sur le réseau de formation, au moment où la police nationale se lance dans un ambitieux programme de constitution et de formation d'une réserve opérationnelle. Ces difficultés, particulièrement visibles du côté de la police nationale, se retrouvent aussi du côté de la gendarmerie, qui bénéficie toutefois d'une meilleure capacité d'anticipation et de mise en oeuvre de ses projets.

Il nous semble donc souhaitable de concevoir un plan triennal de mise à niveau des infrastructures de formation de la police et de la gendarmerie, qui soit susceptible de s'appuyer sur les augmentations de crédits prévues par la Lopmi.

Les formateurs, qu'ils soient policiers ou gendarmes, sont les premiers à subir les conséquences de cette hausse du nombre de recrutements mal corrélée à l'augmentation des capacités. Les difficultés de recrutement doivent conduire à une meilleure prise en compte de l'occupation du poste de formateur dans le déroulement des carrières, dans la police comme dans la gendarmerie. Elles offrent aussi l'occasion d'ouvrir plus largement la formation initiale à des intervenants extérieurs - avocats, magistrats ou universitaires, institutionnels ou associatifs -, pour permettre aux élèves de prendre en compte la diversité des attentes dont ils font l'objet.

Selon l'avis général, l'augmentation des recrutements a conduit à une baisse du niveau des élèves. À cet égard, le constat dressé par les formateurs de la police nationale a été sévère : que ce soit en termes d'aptitude physique, de connaissances basiques ou de savoir-être, le niveau des élèves leur paraît insuffisant. La massification du recrutement a conduit à intégrer des personnes dont les connaissances sont inadaptées, mais dont on déplore aussi les motivations faibles et l'implication limitée. Une hostilité à la police nationale est même exprimée par certains élèves, ce qui conduit à une dégradation nette de l'ambiance et de la capacité d'acquisition des savoirs par une promotion.

Les formateurs de la police nationale ont insisté sur la difficulté à rompre les contrats des policiers adjoints dont le niveau est insuffisant ou l'attitude inadéquate. Il semble en être de même, sauf dans les cas les plus extrêmes, pour les élèves gardiens de la paix. Cette situation n'est pas satisfaisante puisqu'elle tend à faire primer le nombre de recrutements sur leur qualité.

Cette difficulté concerne les deux forces et nous a notamment été signalée lors de notre déplacement à l'école de gendarmerie de Chaumont. Cependant, la capacité de la gendarmerie nationale à créer une culture commune à tous ses membres lui permet de maintenir un niveau d'exigence supérieur. Cette volonté est inscrite dans les textes. Ainsi, l'article 2 de l'arrêté du 23 mai 2016 fixant les conditions de déroulement de la période de formation initiale des militaires engagés en qualité d'élèves gendarmes dispose que « les objectifs de la formation initiale sont de forger l'identité de sous-officier de gendarmerie et de faire acquérir les connaissances et les compétences fondamentales du métier ».

Cette formulation peut être comparée à celle de l'arrêté du 24 juin 2020, portant organisation de la formation statutaire et de l'évaluation des gardiens de la paix, qui dispose que « la formation statutaire des gardiens de la paix prépare l'élève puis le stagiaire à acquérir les compétences et aptitudes professionnelles et personnelles, nécessaires à l'exercice des missions énoncées à l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, en particulier dans le poste occupé à compter de la première affectation ».

La capacité de la gendarmerie à forger une identité repose sur l'intégration de deux notions : la « militarité » et la « rusticité ». Ces concepts fondent l'adhésion des élèves et nous avons été marquées par l'importance que revêt l'identité de la gendarmerie, ainsi que la perception de son histoire et de ses missions, par les élèves sous-officiers et officiers.

Nous partageons pleinement l'idée que le caractère militaire de la gendarmerie et de ses formations doit être conservé.

La notion de pluridisciplinarité se trouve aussi au coeur de la formation des gendarmes, en lien avec la nécessité de couvrir 96 % du territoire.

Les gardiens de la paix exercent eux aussi des missions multiples, pour lesquelles ils sont formés. Toutefois, cette multiplicité relève davantage de la juxtaposition que de la polyvalence, ce qui tient à la nature même des fonctions exercées. Une évolution de l'approche pourrait être envisagée afin de renforcer l'intégration de l'ensemble des missions.

Par ailleurs, nous avons constaté que les voies destinées à favoriser le recrutement de jeunes n'ayant pas nécessairement acquis un diplôme traversent une crise. C'est le cas pour les cadets de la République, qui ont pour vocation d'exercer des missions opérationnelles en appui des gardiens de la paix et policiers adjoints, tout en étant accompagnés dans la préparation des concours. Leur rémunération, qui se situe à un tiers du Smic alors que les policiers adjoints gagnent le Smic, a considérablement fait baisser l'attractivité de cette voie d'intégration. Une revalorisation paraît nécessaire.

Les difficultés rencontrées dans la formation des policiers sont également liées à l'un des problèmes structurels de la direction générale de la police nationale (DGPN) : le déficit d'encadrement intermédiaire.

Dans le cadre de la RGPP, la majorité des officiers devait être remplacée par des gradés issus du corps des gardiens de la paix. En pratique, le taux important de rotations au sein des services les plus sensibles a rendu ce remplacement très inégal selon les directions.

Prenant acte de ce fait, la Lopmi prévoit de relancer les recrutements d'officiers, ce qui nécessite d'adapter la capacité d'accueil des écoles, de créer des postes de gradés et de fournir un effort en matière de formation des gardiens de la paix, afin de leur permettre d'accéder à des fonctions intermédiaires, en appui des officiers en charge du commandement.

Nous proposons, au moins dans le cas des services affectés par les taux de rotation les plus élevés, de respecter un taux d'encadrement minimal de 35 % dans chaque service de police, en ayant recours à une clef de répartition entre gradés et officiers, ainsi qu'à une identification et à une valorisation spécifiques de postes destinés aux fonctions de maitre de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, vice-président -

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - J'en viens à la formation continue.

Le rapport annexé à la Lopmi du 24 janvier 2023 prévoit l'objectif d'une « formation continue augmentée de 50 % », afin de « préserver l'adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ».

Nous ne pouvons que saluer cet objectif, tout en notant qu'il paraît particulièrement ambitieux au regard de la situation. Les mentalités doivent évoluer en matière de formation continue et son enrichissement comme sa réorganisation nous paraissent nécessaires.

Malgré des mécanismes d'adaptation aux demandes du terrain et aux orientations données au niveau central, la formation continue reste trop souvent une variable d'ajustement de l'activité opérationnelle des forces. Cette situation semble particulièrement prégnante dans la police nationale. Ainsi, en 2021, plus d'un tiers des policiers actifs n'avaient pas pu effectuer leurs trois séances de tir obligatoires. Quelle que soit la pertinence de cet indicateur, l'impossibilité de faire respecter une obligation et l'absence de sanction prise en la matière montrent l'étendue des progrès à accomplir pour rendre la formation continue véritablement opérationnelle.

Idéalement, formation initiale et formation continue devraient être liées dans le cadre d'une formation « continuée », qui prendrait appui sur les acquis de la formation initiale et les complèterait, tout au long de la carrière.

Face au manque de formation continue dénoncé par les personnels, le rôle et la responsabilité des chefs de service apparaissent essentiels, pour assurer une prise en compte effective, dans le cadre du cycle de travail, de l'accomplissement des formations obligatoires, mais aussi pour imposer aux agents les formations nécessaires pour mettre en adéquation leurs missions à leurs connaissances et à leur savoir-faire.

Pour dynamiser la formation continue, le respect du plan de formation devrait compter parmi les éléments d'appréciation pris en considération lors de l'évaluation professionnelle des chefs de service.

De plus, l'obligation de la formation continue dans l'obtention d'une promotion pourrait constituer un moyen de mettre fin au déficit en matière d'encadrement intermédiaire dans les services d'investigation judiciaire. Ce déficit a été mis en exergue par le récent rapport d'information de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, portant sur l'organisation de la police judiciaire.

Toutefois, à ce jour, le passage au grade de brigadier-chef n'impose pas dans la police nationale que le titulaire ait la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ). Nous recommandons que le passage à ce grade soit conditionné à la détention de cette qualité, comme c'est le cas dans la gendarmerie, ce qui impliquerait de modifier les conditions réglementaires pour y accéder, mais aussi de renforcer l'offre de formation continue pour obtenir la qualification d'OPJ.

Nous insistons également sur la nécessité de rapprocher la formation continue des équipes de terrain. Le modèle retenu dans la gendarmerie nationale, dans laquelle la formation s'effectue prioritairement au sein des brigades territoriales, paraît particulièrement opérationnel. La police nationale a marqué son intérêt pour le développer en son sein.

Par ailleurs, tant la gendarmerie nationale que la police nationale ont intégré la possibilité de développer la formation à distance. Du côté de la police nationale, une réflexion est menée sur la portée et les limites de ce type de formation, ce qui paraît nécessaire.

Enfin, face à l'ampleur des besoins, la mutualisation de la formation continue entre les deux forces devrait constituer, dans un certain nombre de domaines, un principe qui ne devrait souffrir d'exception que lorsque la spécificité de l'action des forces le justifie.

Dans un contexte marqué par une plus grande violence sur la voie publique, nous insistons en particulier sur l'intérêt d'une approche commune plus développée en matière de formation continue s'agissant du maintien de l'ordre. Il en va de même pour les gestes techniques utilisés lors des interpellations, dès lors notamment qu'après l'abandon par la police nationale de la technique dite de « l'étranglement », les techniques utilisées par les deux forces se sont fortement rapprochées.

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Comme l'éducation nationale, la formation est souvent présentée comme la solution à tous les problèmes ; il faut se garder de l'ériger en solution unique et toute puissante. Cependant, elle demeure essentielle et reflète le sens que nous voulons donner à l'action de nos forces de sécurité. Nous souhaitons donc rendre opérationnel ce qui est essentiel et cette volonté donne le titre que nous proposons pour ce rapport.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Je veux remercier les écoles et centres de formation qui nous ont reçues. Ces rencontres ont été très enrichissantes.

M. Jérôme Durain . - En ce qui concerne la formation initiale et continue des forces de police et de gendarmerie, des questions d'organisation, de moyens et de doctrine d'emploi se posent. Les questions ayant suscité la création de cette mission d'information, notamment celle des techniques d'interpellation et de maintien de l'ordre, sont subordonnées à un contexte lié à la doctrine d'emploi des forces de l'ordre. Ainsi, alors que des manifestations importantes ont lieu en ce moment dans le pays, ces sujets sont moins présents. La doctrine d'emploi des forces de sécurité est déterminante dans l'impact qu'elles ont sur la société.

J'en viens à la question des moyens. Mon groupe a voté la Lopmi, qui doit nous offrir un cadre de travail sur le long terme pour apporter des réponses aux questions que votre rapport soulève. À ce titre, la stabilité dans l'usage de ces moyens doit prévaloir. En effet, les errements liés à l'abaissement de la durée de formation à huit mois, puis à son rallongement à douze mois, n'ont pas facilité la réalisation d'un travail de qualité, inscrit dans la durée.

Enfin, les syndicats et représentants, notamment de policiers, indiquent à quel point la faiblesse du niveau de recrutement représente un enjeu. Vous avez présenté une proposition d'exclusion qui parait bienvenue. Il ne faudrait pas que l'enjeu capacitaire l'emporte sur l'enjeu qualitatif, la formation d'aujourd'hui assurant la qualité du service public de demain.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Vos observations concernent tout le territoire national, y compris les outre-mer. Cependant, comme pour de nombreux sujets, la situation ultramarine mériterait qu'une étude complémentaire soit conduite.

Il s'agit notamment de mettre en lumière l'obligation pour les personnes voulant embrasser ces carrières de se déplacer pour se former dans l'Hexagone. Nous les appelons pudiquement « les originaires ». Après leur formation, ils doivent rester ici un certain temps avant d'espérer pouvoir « rentrer au pays ». Il ne se passe pas une semaine sans que les parlementaires des outre-mer soient saisis de demandes de retour. Compte tenu des problèmes sécuritaires que traversent la plupart des territoires d'outre-mer, le recours aux policiers et gendarmes originaires de ces territoires qu'ils connaissent pourrait offrir une bonne solution. À ce titre, ne serait-il pas opportun de mener une réflexion sur la formation des futurs gendarmes et policiers des territoires d'outre-mer ?

M. Hussein Bourgi . - Je commencerai par la dernière recommandation du rapport, qui vise à garantir l'accès des policiers et des gendarmes aux infrastructures de formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Je suis délégué du CNFPT de la région Occitanie et nous avons la charge de former les policiers municipaux de notre région, mais aussi d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Nous mettons en oeuvre un projet de construction de bâtiment, qui doit aboutir dans deux ans, et pour lequel nous nous sommes dotés d'infrastructures adaptées à une pratique du tir suffisante. De nombreuses communes et collectivités envoient leurs policiers s'entrainer dans des salles privées, et les chambres régionales des comptes relèvent de façon systématique le coût de la location de ces lieux. Nous serons en mesure de répondre aux besoins des polices municipales, mais je suis déjà saisi par des syndicats nationaux de policiers, qui me demandent s'ils pourront venir pratiquer au sein de nos équipements. Ce sera le cas, mais il nous faut convaincre la hiérarchie et le ministère de passer contrat avec nous, ce qui coûterait beaucoup moins cher. De plus, les armes seraient dans des lieux destinés à cet usage. La recommandation n° 16 satisfera les organisations syndicales et les responsables des policiers nationaux que j'ai rencontrés, et je vous remercie de l'avoir retenue.

Par ailleurs, on attire souvent mon attention sur la manière dont les femmes ne reçoivent pas toujours un accueil de qualité dans les bureaux de police ou de gendarmerie. Il ne faut pas généraliser, certains font très bien leur travail, accueillent, écoutent et orientent de manière performante. En revanche, dans certaines situations, on se contente d'orienter vers France Victimes alors que, parfois, la déléguée aux droits des femmes présente à la préfecture a passé une convention avec une association offrant une écoute adaptée. Je me permets d'insister sur l'importance de l'accueil, de l'audition, mais surtout de l'orientation. Il faut aller plus loin que ce simple document d'orientation vers l'association d'aide aux victimes, remis avec le procès-verbal d'audition, dont on sait que parfois les victimes ne le reçoivent pas.

Enfin, la formation doit être plus qualitative et optimale en matière de cyberdélinquance et de cybercriminalité. À ce titre, je souhaiterais évoquer le harcèlement scolaire - au sujet duquel la mission d'information conduite par le Sénat a mis en lumière qu'il se transforme souvent en cyberharcèlement -, la pédopornographie et la délinquance en ligne, qui peut prendre la forme d'un piratage de données bancaires ou personnelles. Dans ce domaine, si certains policiers et gendarmes appartenant à la nouvelle génération semblent très aguerris, d'autres n'ont pas suivi de formation continue.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur . - Je vous remercie pour ces interventions qui rejoignent plusieurs des préconisations de notre rapport.

La question des outre-mer mérite certainement un approfondissement. Je voudrais mentionner la proposition de loi envisagée de Mme Tetuanui sur la question de l'affectation des personnels. Se pose aussi celle de leur rotation.

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - En ce qui concerne la doctrine d'intervention, elle se décline aussi en adaptant les formations. Celles-ci évoluent, même si elles le font peut-être moins vite que les besoins. On observe notamment un renforcement des formations en matière de déontologie, dans la police comme dans la gendarmerie.

De plus, dans le domaine des violences intrafamiliales, des formations importantes se développent, qui ont recours à des formateurs extérieurs. Néanmoins, nous avons demandé leur renforcement.

Nous avons également insisté sur l'accompagnement des policiers et des gendarmes dans leur gestion de leur rapport au stress. Dans ce cas aussi, les centres de formation font appel à des intervenants extérieurs, tels que des psychologues. Il s'agit d'aider policiers et gendarmes à gérer leur stress ou à passer des caps difficiles, quand ils ont été confrontés à des situations compliquées.

Pour répondre à M. Bourgi, la gendarmerie est très en pointe sur les questions liées à la cybercriminalité et elle a développé une direction dédiée au sein de la direction générale. Il s'agit d'un sujet sur lequel la mutualisation pourrait être développée.

Les outre-mer sont aussi particulièrement touchés par la baisse d'attractivité du statut de cadet de la République. Les cadet étaient près de 900 il y a quelques années et ne sont plus que 290. Or les candidats venus outre-mer étaient particulièrement nombreux.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Il faudrait lancer des campagnes de publicité. À Mayotte et en Guyane, la population augmente et elle est de plus en plus jeune, ce qui n'est pas le cas dans d'autres territoires. Il y aurait là des viviers intéressants, mais il faut faire connaitre ces carrières. Cette question de la communication pourrait faire partie des préconisations.

M. Philippe Bonnecarrère, vice-président . - Je vous propose désormais de mettre au vote les recommandations présentées par les rapporteurs.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

JEUDI 2 JUIN 2022 - DRAVEIL (91)

Déplacement au centre régional de formation de la police nationale

JEUDI 23 JUIN 2022 - ROUBAIX (59)

Déplacement à l'école nationale de police

MARDI 5 JUILLET 2022 - CHAUMONT (52)

Déplacement à l'école de gendarmerie

MARDI 6 ET MERCREDI 7 SEPTEMBRE 2022 - SAINT-ASTIER (24)

Déplacement au centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG)

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

AUDITIONS DES RAPPORTEURS (2019-2020)

Syndicats de la police nationale

CFE-CGC

M. Frédéric Lagache , représentant Alliance Police Nationale

M. Stanislas Gaudon , représentant Alliance Police Nationale

M. Pascal Disant , représentant Alliance Police Nationale

M. Anthony Lope , représentant Synergie Officiers

M. Olivier Boisteaux , représentant Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP)

M. Jean-Paul Megret , représentant Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP)

SCSI-CFDT

M. Christophe Rouget , secrétaire général adjoint du syndicat des cadres de sécurité intérieure (SCSI)

M. Léo Moreau , chargé de mission au SCSI

UNSA-FASMI

M. Pierrick Agostini , secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de la police nationale

M. Denis Hurth , secrétaire national de l'UNSA POLICE

M. Bastien Joly , représentant UNSA POLICE

M. Basile Orsetti , secrétaire national de l'Union des Officiers/UNSA

FSMI-FO

M. Jérôme Moisant , secrétaire national chargé des conditions de travail

M. Dominique Le Dourner , secrétaire national chargé des conditions de travail

M. Emmanuel Pasquier , secrétaire national chargé de la formation

Conseil supérieur de la fonction militaire de la gendarmerie nationale (CFMG)

Colonel Louis-Mathieu Gaspari , secrétaire général du CFMG

Membres du groupe de liaison du CFMG :

Colonel Sébastien Baudoux

Adjudant Michel Rivière

Maréchal des logis-chef Gregory Rivière

Major Patrick Boussemaere

Adjudant-chef Erick Verfaillie

Adjudant Patrick Beccegato

Adjudant-chef Raoul Burdet

Adjudant-chef Vanessa Georget

Adjudant-chef Francis Prevel

Adjudant Régis Poulet

Maréchal des logis-chef Frédéric Le Louette

Direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN)

M. Philippe Lutz , directeur

Commissaire divisionnaire Agathe Peyret , cheffe de la division des formations en techniques de sécurité en intervention

Commandant fonctionnel Ludovic Delenclos , adjoint à la cheffe de division FTSI

Groupe de travail du ministère de l'intérieur sur les techniques alternatives à l'étranglement

M. Frédéric Lauze , directeur départemental de la sécurité publique du Val d'Oise

AUDITIONS EN COMMISSION (2022)

Ministère de l'intérieur

Direction générale de la police nationale (DGPN)

M. Jérôme Leonnet , directeur général adjoint de la police nationale

M. Philippe Lutz , directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale

Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

Général de corps d'armée Bruno Arviset , directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale

Général de brigade Gilles Martin , sous-directeur des compétences de la gendarmerie nationale

Commandant Gildas Lepetit , chef de section soutien et finances

AUDITIONS DES RAPPORTEURS (2022)

Syndicats de police

UNSA-FASMI

Mme Hélène Tournois , déléguée nationale secteur formation UNSA Police

M. Laurent Massoneau , secrétaire général Union des Officiers

SCSI-CFDT

M. Christophe Rouget , secrétaire général

M. Léo Moreau , chargé de mission

CFE-CGC

Mme Caroline Nicoleau , Alliance Police Nationale

M. Mathieu Valet , Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP)

Mme Vanessa Ciappara , Synergie-Officiers

FSMI-FO

M. Grégory Joron , secrétaire général d'Unité SGP Police FO

M. Emmanuel Pasquier , secrétaire national Secteur Formation

Conseil national des barreaux (CNB)

Mme Laurence Roques, présidente de la commission Liberté et droits de l'homme

M. Boris Kessel, vice-président de la commission Liberté et droits de l'homme

M. Gérard Tcholakian, membre de la commission Liberté et droits de l'homme

École nationale supérieure de la Police (ENSP)

Mme Martine Coudert , directrice

M. William Marion , directeur adjoint, directeur des formations et de la recherche

M. Laurent Guilmet , chef du département des formations professionnelles des commissaires de police

M. Emmanuel Bonifay , adjoint au directeur des formations et de la recherche, chef du département des formations professionnelles des officiers de police, chef du site de Cannes-Ecluse

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

M. Rémi Coutin , procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chartres

CONTRIBUTION ÉCRITE

Amnesty international France

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Établir un programme triennal d'acquisition d'équipements mis à disposition des élèves, de rénovation des bâtiments et de construction pour les écoles de police et de gendarmerie avec un financement fléché à partir du programme budgétaire voté dans le cadre de la Lopmi.

Mettre aux normes le site du Centre régional de formation de Draveil.

Créer une nouvelle école de police en Ile-de-France.

Gouvernement, DGPN, DGGN,

2023-2026

Circulaire

2

Assurer un lien voire un accompagnement des élèves policiers en attente d'incorporation.

Gouvernement, DGPN

2023

Arrêté

3

Renforcer la cohérence de la formation initiale de tous les grades au sein de la police nationale et rétablir le lien organique entre formation et ressources humaines dans la police nationale afin notamment de garantir la prise en compte des formations et concours dans le déroulement de carrière.

DGPN

2023

Arrêté

4

Mieux intégrer les fonctions des formateurs au développement de carrière des policiers et gendarmes.

Gouvernement

DGPN, DGGN

2023

Arrêté

5

Ouvrir davantage, par voie de convention, les formations initiales à d'autres acteurs que les policiers et gendarmes (magistrats, avocats des barreaux, associations).

DGPN, DGGN

2023

Conventions

6

Faciliter l'exclusion des élèves policiers et gendarmes dont l'attitude est incompatible avec les attentes.

DGPN

2023

Circulaire

7

Favoriser la pluridisciplinarité des gardiens de la paix sur le modèle de la gendarmerie.

Gouvernement

DGPN

2023

Arrêté

8

Valoriser l'appartenance collective à la police nationale au-delà des spécificités métier.

Gouvernement

DGPN

2023

Arrêté

9

Préserver la militarité de la gendarmerie par le maintien des formations communes avec les forces armées.

Gouvernement

DGGN

2023

Circulaire

10

Rapprocher le statut des Cadets de la République de celui des policiers adjoints.

Gouvernement

DGPN

2023

Arrêté

11

Respecter un taux d'encadrement minimal à 35 % dans chaque service de police avec une clef de répartition entre gradés et officiers et une identification et valorisation spécifique de postes destinés aux fonctions de maître de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.

DGPN, DGGN

2023

Arrêté

12

Intégrer la qualité du projet de formation continue à l'évaluation des encadrants en police et en gendarmerie.

DGPN

2023

Circulaire

13

Rendre nécessaire la qualité d'officier de police judiciaire pour le passage au grade de brigadier-chef de la police nationale.

DGPN

2023

Arrêté

14

Développer les formations communes aux équipes, le plus possible sur leur lieu de travail.

DGPN, DGGN

2023

Circulaire

15

Développer la mutualisation de formations opérationnelles en matière de maintien de l'ordre entre gendarmerie mobile et compagnies républicaines de sécurité et la formation commune aux gestes techniques en matière d'interpellation des policiers et gendarmes en formation continue.

Gouvernement

DGPN, DGGN

2023

Circulaire

16

Garantir l'accès des policiers et gendarmes aux infrastructures de formation gérées par la CNFPT et les collectivités locales pour les policiers municipaux.

Gouvernement

DGPN, DGGN, CNFPT, collectivités territoriales

2023

Conventions


* 1 Au regard de la multiplicité des enjeux de la formation, les rapporteurs ont choisi de se concentrer sur les formations généralistes (hors police scientifique et corps de soutien) au sein des deux forces.

* 2 Pierre Antonmattei, « La formation des policiers », Pouvoirs, 2002/3, n° 102.

* 3 Il s'agit du plan de lutte anti-terroriste après les attentats de janvier, du plan de lutte contre l'immigration clandestine à l'automne et, enfin, du pacte de sécurité après les attentats de novembre.

* 4 « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

* 5 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023.

* 6 Dans son avis numéro 146 Tome XIII sur le programme Sécurités du Projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur notait l'« appauvrissement inquiétant des viviers de recrutement » des forces de sécurité.

* 7 Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'Etat, inspections (IGA, IGF, IGAS), Septembre 2012

* 8 « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017

* 9 Discours de clôture à l'École Nationale de Police de Roubaix, le 14 septembre 2021

* 10 Les déclarations du ministre de l'Intérieur en février 2022 ont été confirmées par le directeur général adjoint de la police nationale lors de son audition par la commission des lois le 8 février 2023. Ce bâtiment devrait être livré en juin 2027.

* 11 Discours de clôture du Beauvau de la sécurité, 14 septembre 2021.

* 12 Bilan de la création des directions territoriales de la police nationale dans les outre-mer et des expérimentations des directions départementales de la police nationale, Inspection générale de l'administration, Inspection générale de la justice, Inspection générale de la police nationale, janvier 2023.

* 13 Audition de MM. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint, Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation, de la police nationale, et le général de corps d'armée Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, mercredi 8 février 2023.

* 14 La police judiciaire dans la police nationale : se donner le temps de la réussite, Rapport d'information n° 387 (2022-2023) de Mme Nadine BELLUROT et M. Jérôme DURAIN, fait au nom de la commission des lois, 1 mars 2023

* 15 Par exemple : garantir la transparence et l'exemplarité de l'action de police et de la gendarmerie nationale ; renforcement des formations relatives à la déontologie et à l'éthique, au délit d'outrage sexiste et sexuel, à la crise climatique et ses enjeux...

* 16 À côté de cette obligation générale, des obligations spécifiques s'appliquent pour le port de certaines armes, qui donne lieu à une habilitation particulière.

* 17 L'instruction DGPN relative à l'arme individuelle ou de service du 26 mai 2021 rappelle que l'agent doit avoir effectué les trois tirs réglementaires lors des 12 mois précédents et avoir effectué au moins une séance de tir au cours des quatre derniers mois.

* 18 Audition de M. Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation, de la police nationale, devant la commission des lois, le 8 février 2023 : « Je veux citer l'exemple dramatique de l'affaire Mickaël Harpon en 2019. Lorsque celui-ci a descendu l'escalier au coin de la préfecture de police, il s'est retrouvé face à un fonctionnaire de police stagiaire, sorti quinze jours plus tôt de l'école de Nîmes. J'ai discuté à plusieurs reprises avec ce fonctionnaire, très rapidement après les faits, puis lors des obsèques, puis à l'école de Nîmes, où il vient témoigner parfois de son vécu professionnel. Lors de l'événement, il s'est littéralement remis dans une bulle. Face à un individu qui venait vers lui un couteau à la main, de combien de temps a-t-il disposé pour se remémorer la technique, le cadre juridique ? Je ne suis pas certain qu'un fonctionnaire qui aurait eu quinze ans d'ancienneté aurait eu le même cheminement mental... »

* 19 Tel est le cas notamment d'Unité SGP Police-FO-FASMI.

* 20 Union des officiers UNSA - Analyse : « La formation dans la police nationale - Un enjeu majeur ».

* 21 Advanced Personal Information - Passenger name record.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page