I. III. LES RECOMMANDATIONS POUR POURSUIVRE LA MODERNISATION DU MÉTIER DE SECRÉTAIRE DE MAIRIE ET EN FAIRE UN MÉTIER D'AVENIR

A. MIEUX RECONNAÎTRE CE MÉTIER

De manière unanime, les secrétaires de mairie font part d'un manque de reconnaissance dans leur métier. Ce ressenti s'ajoute à de multiples freins rendant difficiles leurs fonctions : une charge de travail importante, des amplitudes horaires larges16(*), des interruptions fréquentes au cours de la journée, une charge mentale et un sentiment d'isolement, mais aussi des astreintes le week-end, notamment avec les mariages, les élections, les baptêmes civils. Et pourtant ces agents mettent aussi en avant de nombreux aspects positifs dans leur mission, comme l'autonomie, la relation avec les élus, la polyvalence et le sens dans leur travail.

Aussi est-il nécessaire de donner un nouvel élan à ce métier en faisant des propositions concrètes pour le valoriser. L'évolution doit être l'occasion de simplifier et clarifier le statut des secrétaires de mairie.

1. Le changement d'appellation : de secrétaire de mairie à « secrétaire général de mairie »

La recherche de reconnaissance juridique et administrative des secrétaires de mairie passe souvent, au sein de la profession, par la revendication d'un statut d'emploi spécifique. Toutefois, vos rapporteurs rappellent les réserves exposées par Catherine Di Folco dans son rapport pour avis précité.

La création d'un statut d'emploi spécifique, une option à écarter

« [...], créer un statut d'emploi dans les communes de moins de 2 000 habitants, qui serait accessible [...] à l'ensemble des catégories de la fonction publique, pose la question de la grille indiciaire à appliquer : si celle-ci était trop éloignée de la catégorie C, elle remettrait en question les équilibres de rémunération entre les trois catégories, tandis que si elle était trop proche de la catégorie C, elle impliquerait une faible évolution salariale.

Par ailleurs, l'accès à un statut d'emploi s'effectue, pour les fonctionnaires, par la voie du détachement. Or, la majorité des secrétaires de mairie travaillent à temps non complet, et ont donc plusieurs emplois. Le fonctionnaire ne pouvant être placé que dans une seule position statutaire, il lui est donc impossible d'être détaché sur plusieurs emplois.

En outre, la procédure de détachement pourrait être une source de complexité administrative et de gestion pour les communes de moins de 2 000 habitants.

Pour le rapporteur, la création d'un statut d'emploi n'apparaît donc pas comme un moyen d'offrir des perspectives de carrière améliorées aux agents visés, ni comme un facteur particulier d'attractivité pour de futurs candidats. »

Source : rapport pour avis précité

Bien que nourrissant beaucoup les imaginations, la création d'un statut d'emploi aurait pour conséquence d'introduire de la rigidité, voire d'enfermer dans un cadre administratif très contraint, là où de la souplesse est aujourd'hui appréciée. Un tel cadre rendrait plus difficile la mobilité et la mutation sur d'autres postes de la fonction publique. Le fait est, en revanche, que les images d'Épinal communément véhiculées par le terme de « secrétaire » contribuent à forger une image en décalage avec la réalité de ce métier. Elles l'ancrent dans un registre désuet, routinier et bureaucratique, très éloigné des attentes des candidats sur le marché de l'emploi, surtout parmi les jeunes générations.

Il s'agit donc aujourd'hui de définir clairement, en droit, les missions des secrétaires de mairie.

On l'a vu (cf. Partie I), compte tenu du contexte et de son évolution, le métier exige de plus en plus de compétences et de polyvalence. Cette évidence amène à considérer que le poste de secrétaire et secrétaire général de mairie devrait être tenu par un agent soit de catégorie B (rédacteur territorial) soit, quand cela se révèle nécessaire, de catégorie A (attaché territorial). Or, une majorité de secrétaires de mairie sont actuellement en catégorie C et la plupart des recrutements s'opère également encore en catégorie C.

Il s'agit donc d'encourager le recrutement de secrétaires de mairie à un niveau au moins équivalent17(*) à la catégorie B. Dans ce cadre, vos rapporteurs préconisent de créer le titre de « secrétaire général de mairie » quand le poste est tenu par un agent de catégorie B, (ou de catégorie A s'il n'est pas DGS).

Dans cette logique, les agents de catégorie A pourraient alors soit être appelés « secrétaire général de mairie » s'ils exercent dans une commune de moins de 3 500 habitants, soit conserver leur titre de directeur général des services (DGS dans les communes de plus de 2 000 habitants). Pour ces agents, il est rappelé que le choix du poste fonctionnel18(*) de DGS relève d'une délibération du conseil municipal et, bien évidemment, de l'acceptation par l'agent.

Le titre ne doit pas être fonction de la strate de la commune, mais bien de l'agent qui exerce la fonction. C'est une reconnaissance de la formation et un encouragement à progresser vers le statut de secrétaire général de mairie qui a vocation à devenir, à moyen terme, le statut majoritaire.

Proposition n° 1 : créer le titre de « secrétaire général de mairie » quand le poste est tenu par un agent de catégorie B. Prévoir que les agents de catégorie A puissent soit devenir « secrétaire général de mairie », quelle que soit la strate (- 3 500 habitants), soit demeurer « directeur général des services » (+ 2 000 habitants).

Délai : 1 an

Acteur(s) : Parlement et direction générale des collectivités locales (DGCL)

La création du « secrétaire général de mairie » sera l'occasion, par mesure de coordination, de toiletter un ensemble de textes règlementaires rattachés, dont l'empilement dans le temps a fini par nuire à la cohérence des missions, statuts, obligations et avantages liés au poste de secrétaire de mairie.

Proposition n° 2 : dans une logique de clarté et de simplification administrative : établir une circulaire cadre recensant les différents statuts, missions, sujétions et avantages des différents postes de direction occupés en collectivité territoriale, et présentant les concordances avec les postes occupés dans les établissements publics de coopération intercommunale.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Direction générale des collectivités locales (DGCL)

2. La création d'une prime de responsabilité

Au-delà de la reconnaissance juridique et administrative, se pose aussi la question de la reconnaissance financière des responsabilités assumées et de la polyvalence du poste. La faiblesse relative du niveau de traitement attaché à ce métier nuit incontestablement à son attractivité. Au-delà de la grille indiciaire propre à la fonction publique, deux leviers financiers existent d'ores et déjà pour améliorer la situation financière des secrétaires de mairie, mais il reste à les mettre pleinement en application au niveau des communes. Un troisième levier pourrait utilement compléter l'arsenal et contribuer à la reconnaissance des responsabilités confiées à ces agents.

Le premier levier consiste en la nouvelle bonification indiciaire (NBI), qui est liée à la fonction occupée par l'agent. En application du décret n° 2022-281 du 28 février 2022 relatif à la NBI des secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants, cette bonification a été revalorisée de 15 points le 1er mars 2022. La revalorisation s'est traduite par un gain brut d'un peu plus de 70 euros par mois. Toutefois, elle ne concerne que les agents dans les communes de moins de 2 000 habitants et laisse donc de côté le cas des secrétaires de mairie des communes de 2 000 à 3 500 habitants19(*). Par ailleurs, elle ne bénéficie qu'aux agents ayant le statut de fonctionnaire et pas aux personnels contractuels, creusant ainsi les différences entre les deux types de profil. Enfin, pour entrer en vigueur à l'échelle de la commune, encore faut-il qu'un arrêté soit pris par le maire, ce qui reste à faire dans nombre de communes de moins de 2 000 habitants. En application de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le deuxième levier existant correspond au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Il est davantage lié à l'agent (niveau de qualification, motivation, engagement, mobilité sur plusieurs postes, astreintes du week-end) qu'à la fonction.

Qu'est-ce que le RIFSEEP ?

Le RIFSEEP se définit comme un complément facultatif de rémunération. Il a vocation à remplacer progressivement l'ensemble des primes et indemnités existantes attribuées par les collectivités territoriales et leurs établissements.

Il s'applique à l'ensemble des agents publics à l'exception des salariés relevant du code du travail.

Il est versé dans le respect du principe de légalité (ie en fonction de l'existence d'un texte législatif ou réglementaire) et dans la limite des montants versés aux agents de l'État, en application du principe de parité entre les deux fonctions publiques (nationale et territoriale).

Cependant, trois freins viennent réduire l'impact attendu de ce mécanisme sur le niveau de traitement et l'attractivité des postes de secrétaire et secrétaire général de mairie :

- la délibération requise pour son entrée en vigueur au niveau de la commune n'a pas encore été prise partout. Le retard est notamment à signaler parmi les plus petites des communes. Les directions départementales des finances publiques (DDFiP) doivent avoir un rôle pour inciter à la mise en place du RIFSEEP dans l'ensemble des communes ;

- les montants versés au titre du RIFSEEP sont bien en-deçà des plafonds autorisés. Ainsi, par exemple et selon une étude de la direction générale des collectivités locales (DGCL) à partir des montants établis en 2019, le régime indemnitaire moyen s'élevait à 5 408 euros pour les adjoints administratifs territoriaux, contre un plafond autorisé à 12 600 euros ;

- le RIFSEEP ne s'applique pas automatiquement aux personnels contractuels et les délibérations qui instituent le régime indemnitaire ne prévoient pas toujours cette extension à cette catégorie de personnels.

Le décret n° 2022-1362 du 26 octobre 2022 modifiant le décret n° 88-631 du 6 mai 1988 relatif à l'attribution d'une prime de responsabilité à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés précise que les agents publics exerçant un emploi fonctionnel de direction, tels que les DGS d'une commune de plus de 2 000 habitants ou d'une communauté de communes de plus de 10 000 habitants, peuvent cumuler une prime de responsabilité avec le RIFSEEP. Pour le calcul de cette prime de responsabilité, on applique au montant du traitement, soumis à retenue pour pension, un taux individuel, fixé dans la limite d'un taux maximum de 15 %.

Vos rapporteurs proposent de créer une prime équivalente de responsabilité aux secrétaires de mairie et aux secrétaires généraux de mairie, dans la mesure où ces emplois, dans les petites communes, correspondent au même niveau de responsabilité que ceux des emplois fonctionnels de direction institués dans des communes plus importantes. Cette prime pourrait alors être assise sur différents critères (liste non exhaustive, à définir par voie réglementaire) tels que :

- le nombre d'habitants (permanents et/ou saisonniers) ;

- le nombre ou le montant des budgets suivis ;

- le nombre d'agents de la collectivité ;

- la position d'encadrement hiérarchique ou de management ;

- le fait que l'agent soit seul à la mairie ;

- le suivi d'équipements présents sur le territoire de la commune (Maison France Services, bibliothèques, équipements liés à un site touristique, école, agence postale communale...).

Attribuée à tous les secrétaires et secrétaires généraux de mairie, cette prime de responsabilité aura le mérite de prendre en compte les responsabilités que ces agents portent, souvent seul. À cet égard, il faut d'ailleurs rappeler que, depuis le 1er janvier 2023, ils ont également la responsabilité personnelle et pécuniaire de gestionnaires publics. Du point de vue du régime des pensions de retraite de la fonction publique, les primes présentent toutefois un inconvénient bien identifié. Les indemnités sont en effet moins prises en compte dans le calcul des droits à pension que le revenu indiciaire, et ce malgré le dispositif de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP).

Comment se calcule la RAFP ?

La RAFP est une pension de retraite complémentaire à la retraite de base de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

La cotisation à ce régime tient compte des éléments de rémunération que sont les primes et indemnités (quelles qu'elles soient), ainsi que les avantages en nature (logement ou véhicule de fonction, par exemple).

L'ensemble de ces éléments de rémunération est pris en compte dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire brut annuel. De-là est ensuite calculé le montant de la cotisation, à hauteur de 5 % des rémunérations prises en compte dans le plafond mentionné. Le montant annuel des cotisations patronales de l'administration employeur est identique.

Exemple :

Pour un traitement indiciaire brut de 18 000 euros par an et des primes pour un montant annuel total brut de 5 400 euros, la cotisation sur le montant des primes s'établit dans la limite de 20 % de 18 000 euros, soit 3 600 euros. La cotisation annuelle s'élèvera ainsi à 3 600 euros x 5 % = 180 euros. Le montant annuel des cotisations patronales de l'administration employeur est identique.

Source : d'après le site www.service-public.fr

Pour que les effets positifs de la prime de responsabilité créée et de la revalorisation du RIFSEEP préconisée se fassent sentir sur l'ensemble du cycle de vie de l'agent, y compris au niveau du calcul de la pension de retraite, vos rapporteurs soulignent la nécessité de réviser l'assiette de cotisation du RAFP et son plafond.

De l'analyse menée par vos rapporteurs, il résulte donc les quatre propositions suivantes pour une meilleure reconnaissance salariale.

Proposition n° 3 : créer une prime de responsabilité pour les emplois de secrétaire de mairie et de secrétaire général de mairie désignés par arrêté du maire, dont le montant sera fixé par le maire sur la base de critères objectifs clairement établis par voie réglementaire.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Parlement, direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et direction générale des collectivités locales (DGCL).

Proposition n° 4 : mettre en place une procédure de nomination du secrétaire ou secrétaire général de mairie par un arrêté du maire qui vaut attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et mise en place de la prime de responsabilité pour les communes de moins de 3 500 habitants. Il est rappelé qu'il ne peut y avoir qu'un seul secrétaire de mairie, secrétaire général de mairie ou DGS par collectivité.

Cette préconisation implique l'extension du bénéfice de la NBI pour les secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie pour les communes de 2 000 à 3 500 habitants.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Maires, direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

Proposition n° 5 : adopter la délibération, lorsqu'elle n'a pas encore été prise par la commune, en vue de l'entrée en vigueur du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Conseils municipaux.

Proposition n° 6 : réviser l'assiette de cotisation du régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et son plafond (30 % au lieu de 20 %).

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Parlement.

Les propositions du présent rapport ont pour objectif de favoriser l'attractivité de ces postes, notamment avec la NBI (liée à l'exercice de la fonction) et la prime de responsabilité (liée à l'exercice du poste).

Pour autant, il conviendra de veiller à l'équité avec les contractuels en poste : ils ne seront en effet pas impactés par les évolutions proposées, mais ils ne devront pas non plus s'en trouver pénalisés. La mission préconise donc d'engager des négociations avec les agents recrutés sous le statut contractuel pour prendre en compte, le cas échéant, les évolutions ainsi apportées aux agents sous statut de la fonction publique.

Pour conclure sur le volet de la reconnaissance par la rémunération, le schéma ci-dessous reprend la logique d'ensemble.


* 16 Du fait de réunions en soirée (conseil municipal, réunion publique...) et d'événements le week-end (élections, mariages, baptêmes républicains...).

* 17 Équivalent du fait d'une formation initiale ou de passerelles.

* 18 Cf. la définition d'un emploi fonctionnel en Partie III. C. 2.

* 19 Il s'agit en l'espèce des agents qui ne sont pas DGS, car n'étant pas de catégorie A ou n'ayant pas fait le choix d'un emploi fonctionnel.

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