B. FAIRE MONTER EN COMPÉTENCE CES AGENTS 

La plupart des métiers ont une formation dédiée en vue de préparer les jeunes à les exercer, ou les personnes en reconversion à s'y réorienter. Mais vos rapporteurs regrettent que les secrétaires et les secrétaires généraux de mairie n'aient pas (ou guère), jusqu'à présent, ce type de formation spécifique. Face aux besoins qui se font sentir dans tous les territoires, de nombreuses initiatives territorialisées tendent à se développer, mais de manière disparate et sous forme de diplômes universitaire (DU), aux niveaux de qualification ou aux contenus très différents malgré des intitulés identiques.

Pour faciliter le recrutement sur les postes de secrétaire et secrétaire général de mairie et garantir le niveau de compétences de ces agents, il est aujourd'hui urgent de structurer le parcours de formation initiale mais également tout au long de la carrière.

1. En amont du recrutement : la création au niveau national d'une filière universitaire de formation au métier

Parmi les paradoxes caractérisant la fonction de secrétaire et secrétaire général de mairie, on ne peut manquer de relever qu'aucune formation initiale spécifique ne s'attache à préparer à cette responsabilité, alors que ces agents sont essentiels au bon fonctionnement de nos mairies. L'une des explications tient vraisemblablement au passé de cette fonction, tenue historiquement par l'instituteur de la commune. Implicitement, on a ainsi pu considérer acquis que les secrétaires de mairie arrivent avec leur « bagage » de connaissances générales et se trouvent de fait suffisamment outillés pour faire face aux aléas, la confrontation au terrain permettant ensuite de combler les manques.

Cette croyance ne résiste cependant plus à la réalité des affaires communales, face à leur complexité et leur exigence de technicité dans des champs toujours plus vastes.

Bien que tardive, cette prise de conscience n'en demeure pas moins bien réelle. Elle se traduit d'ailleurs par une multiplicité d'initiatives locales, alliant les communes, les CDG, les associations d'élus, les établissements universitaires et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Le panorama des initiatives locales en matière de formation initiale

Ces initiatives émanent souvent d'universités et prennent la forme d'un DU, plus facilement mis en place qu'une licence professionnelle nécessitant une validation au niveau national. C'est le cas, par exemple, à l'Université catholique de l'Ouest, l'Université de Limoges ou l'Université de Nîmes.

Parfois en partenariat avec des associations d'élus, elles répondent toutes à un besoin pressant et urgent des collectivités territoriales de former du personnel et de susciter des vocations.

Accessibles au niveau BAC ou équivalent, ces formations sont récentes et offrent un nombre de places assez réduit, entre 15 et 30 étudiants par promotion. Cette taille réduite facilite toutefois le suivi pédagogique et l'obtention d'un stage.

L'organisation de ces formations consiste en une recherche d'équilibre entre théorie et pratique, dans l'objectif de répondre à la polyvalence attendue dans l'exercice du métier de secrétaire de mairie. Il s'agit de fournir aux étudiants un contenu à la fois en termes de connaissances générales (droit administratif, finances publiques, décentralisation...) mais aussi « pratico-pratique » (maîtrise des logiciels), ce qui se traduit par des interventions pouvant mêler professionnels et universitaires.

À l'issue de la formation, les étudiants formés partent travailler en collectivité, l'insertion étant facilitée par le stage.

À titre d'exemple, l'Université Catholique de l'Ouest propose dès la rentrée prochaine, en partenariat avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), une formation initiale spécifiquement destinées aux futurs secrétaires de mairie, en alternance (15 jours en cours / 15 jours en stage dans une mairie), pour un total de 247 heures de cours à la fois théoriques et pratiques.

Face à la multiplicité des initiatives et des formations sur le territoire, il semble pertinent de ne pas perdre de temps pour :

1. uniformiser (niveau d'entrée ou pré-requis, contenus, attendus...) les DU existants et faire que ces formations soient certifiantes, inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

2. créer et uniformiser un diplôme d'État (au niveau BTS, licence professionnelle ou apprentissage).

Dans cette organisation d'ensemble, il conviendrait en outre que ces formations soient accessibles également en formation continue, dans le cadre d'une reconversion professionnelle ou d'un agent en poste en recherche de perfectionnement.

Le financement de ces formations devrait pouvoir s'appuyer sur divers partenaires (Pôle emploi, Régions, CNFPT...) et passer également par le Compte personnel de formation (CPF), en lien avec France compétences.

Afin de préciser ces grandes orientations, vos rapporteurs estiment nécessaire qu'une mission d'évaluation soit diligentée en vue de la création d'une filière universitaire dédiée à la formation au métier de secrétaire général de mairie.

Proposition n° 7 : demander au Gouvernement un rapport d'évaluation des voies et moyens pour créer, au niveau national, une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Parlement

2. À la prise de poste : un accompagnement rapproché

Qu'il ait été en poste dans la fonction publique lors de ses précédentes fonctions ou qu'il vienne du secteur privé, le nouvel agent doit être accompagné dans ses premiers pas dans la mairie au moment de sa prise de poste. Cet accompagnement sur les premiers mois constitue autant un gage de réussite dans le poste qu'un accélérateur de prise de responsabilités. Souffrant souvent d'une forme d'isolement, les secrétaires et secrétaires généraux de mairie doivent pouvoir bénéficier d'un environnement de travail attentif aux inévitables difficultés d'une prise de poste.

Tel est d'ailleurs l'un des objectifs visés par la proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 avril 2023. Pour faciliter l'intégration dans le poste, on peut imaginer une formation spécifique ordonnée autour de contenus pratico-pratiques et de stages dans les communes (y compris dans de grandes collectivités, au sein des services de l'état-civil, de l'urbanisme...). Cette formation serait organisée par le CNFPT en lien avec le CDG.

En complément de cet accompagnement au démarrage, pourraient être mis en place des dispositifs de soutien continu dans le temps. Paraissent ainsi particulièrement appropriées à l'objectif poursuivi les formules de tutorat, en créant un corps de tuteurs formés, identifiés et rémunérés. Ce tutorat peut prendre la forme d'un accompagnement général (coaching), mais aussi passer par la création de référents thématiques (pour l'état-civil, l'urbanisme, les marchés public, l'organisation des élections...). Le CDG pourrait en être l'organisateur et mettre en relation les agents qui souhaitent être tuteur avec les secrétaires de mairie nouvellement en poste.

Pourrait enfin être instauré un service « Allô Secrétaire de mairie » et, éventuellement, une boîte mail dédiée, soit au niveau national soit au niveau local, pour répondre aux urgences et rendre une réponse de premier niveau.

Proposition n° 8 : pour aider à la prise de poste, encourager le tutorat, développer le service d'accompagnement (grâce notamment aux services de secrétaires de mairie itinérants et à des formations spécifiques dispensées par le centre de gestion - CDG - en lien avec le centre national de la fonction publique territoriale - CNFPT -), instaurer un service « Allô secrétaire de mairie ».

Délai : 3 ans

Acteur(s) : Centres de gestion.

3. Pour les agents en poste : le renforcement de la formation continue

L'accès à une formation continue tout au long de la carrière représente un enjeu essentiel pour l'affirmation et la reconnaissance d'un métier. Or, de manière quasi unanime, les secrétaires de mairie témoignent de difficultés pour participer aux sessions de formation continue. Ces difficultés peuvent tenir à un site de formation trop éloigné de leur lieu de travail ou de leur domicile, une formation annulée par manque de candidats, ou encore une absence du bureau impactant trop lourdement la charge de travail au retour de la formation. Au surplus, il est souvent regretté par les secrétaires de mairie des formations trop théoriques et pas assez pratiques, tout comme le fait que ces formations ne sont pas certifiantes, le CNFPT ne disposant pas encore de la certification dite « Qualiopi »20(*).

Les freins à la formation des secrétaires de mairie

Lieu de la formation trop éloigné

49 %

Manque de temps

33 %

Absence de remplacement

14 %

Refus et annulations de stages

4 %

Source : enquête réalisée en 2021 par le CDG 73 auprès des 216 communes de moins de 2 000 habitants

Souvent, formation initiale et formation continue vont de pair. Les formations de type DU recouvrent en effet fréquemment ces deux volets, s'adressant ainsi à la fois aux étudiants, à des personnes en reprise d'études ou déjà en poste ayant besoin de monter en compétences, ainsi qu'à des demandeurs d'emploi. C'est notamment le cas des formations proposées par l'Université de Nîmes et celle de Limoges.

Au vu de ces constats, il paraît indispensable d'adapter la formation continue pour les secrétaires et secrétaires généraux de mairie en mettant en place une formation spécifique et concrète, délocalisée dans les départements si besoin. Afin de répondre au plus près aux attentes, ces cycles de formation pourraient être créés en lien avec le CNFPT, le CDG et les universités qui ont mis en place une formation initiale (licence professionnelle ou DU). L'objectif consiste à permettre un perfectionnement des pratiques professionnelles et à donner la possibilité aux secrétaires et secrétaires généraux de mairie de ressortir de la formation avec des procédures, des modèles et un enrichissement du réseau professionnel.

Le CNFPT a développé des webinaires à destination des secrétaires de mairie et des MOOCS permettant à ces agents de se former à leur rythme. Certains de ces MOOCS permettent d'obtenir, en fin de session, une certification qui viendra compléter un éventuel dossier de promotion interne. La mission ne peut qu'inciter le développement de ce type de formations, qui font l'objet de retours très positifs des agents les ayant suivis.

Proposition n° 9 : renforcer la formation continue avec un accent porté sur la pratique professionnelle. Favoriser impérativement le rapprochement entre le site de formation et le lieu de travail.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Centres de gestion (CDG) et établissements universitaires


* 20 Le CNFPT a engagé une démarche de certification censée aboutir au cours de cette année.

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