N° 761

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la prestation partagée d'éducation de l'enfant,

Par M. Olivier HENNO et Mme Annie LE HOUEROU,

Sénateur et Sénatrice

1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche, présidente ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel.

L'ESSENTIEL

La prestation partagée d'éducation de l'enfant ou PreParE, indemnisant les parents qui interrompent partiellement ou totalement leur emploi pour s'occuper de leur enfant, est née en 2014 de la transformation du complément de libre choix d'activité (CLCA).

La PreParE connaît une chute de ses bénéficiaires et n'a pas permis aux pères de prendre davantage un congé parental. Une nouvelle réforme est donc nécessaire.

En parallèle des dispositions du code du travail prévoyant le congé parental d'éducation (CPE) permettant à un salarié de suspendre son contrat de travail, la branche famille de la sécurité sociale accorde aux parents d'enfants de moins de trois ans, interrompant leur activité, une prestation sous condition d'activité antérieure. La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a instauré la PreParE en lieu et place du CLCA. Cette prestation refondue avait comme ambitions principales de réduire l'éloignement des femmes de l'emploi et d'inciter au partage du congé parental au sein du couple.

Pour ce faire, le dispositif pénalise les familles dont le second parent ne recourt pas à la PreParE. Pour les familles d'un seul enfant, six mois sont accordés au premier parent et six mois au second - le CLCA ne permettait qu'une indemnisation de six mois. Pour les familles de deux enfants ou plus, la durée maximale de versement de la prestation au même parent est limitée à deux années contre trois ans sous le régime de la CLCA. La période de trois années ne peut être atteinte que si chaque parent recourt à la prestation.

Le montant de la prestation dépend de la quotité d'activité professionnelle : 430 euros pour une interruption totale de travail, 278 euros pour un temps de travail inférieur ou égal au mi-temps et de 160 euros pour un temps de travail entre 50 % et 80 %.

Évolution du nombre de bénéficiaires du CLCA/PreParE (régime général)

Source : Données du REPSS Famille, édition 2023

I. LES OBJECTIFS ASSIGNÉS À LA PREPARE N'ONT PAS ÉTÉ ATTEINTS

A. UNE PRESTATION QUI DÉCLINE PAR MANQUE D'ATTRACTIVITÉ

La PreParE est un dispositif de moins en moins utilisé par les parents : le nombre de bénéficiaires a chuté de moitié de 2013 à 2020. Si cette tendance préexistait à l'instauration de la PreParE, la réforme de 2014 a amplifié la désaffection des bénéficiaires pour la prestation. Outre que les caractéristiques de la PreParE ont pu provoquer des renoncements complets au dispositif, l'absence de partage de la prestation au sein du couple conduit de facto à ce que 88 % des bénéficiaires de la PreParE soient sortis du dispositif après les deux ans de l'enfant (chiffres de janvier 2018).

La réforme a donc induit un report sur les autres modes de garde formels (crèches, assistantes maternelles, garde à domicile) mais aussi informels (famille, voisins...).

L'indemnisation des congés parentaux a considérablement perdu en attractivité en raison du faible montant de la prestation. Selon le HCFEA, la prestation s'est dévalorisée de 38 % au regard du salaire mensuel par tête (SMPT) depuis 1994. En 2023, elle ne représente qu'un tiers du salaire minimal interprofessionnel de croissance (Smic).

La diminution des bénéficiaires a conduit à une baisse de 61,3 % des dépenses annuelles liées à la PreParE entre 2014 et 2022 (- 1,2 Md€ par rapport à 2014).

B. LE PARTAGE DES CONGÉS PARENTAUX AU SEIN DU COUPLE N'A PAS EU LIEU

 

des bénificiaires étaient des pères en 2020

Les pères bénéficiaires ont, en nombre, décru de 19 000 en 2014 à 15 000 pères en 2020 loin de l'objectif initial envisagé : 100 000 pères bénéficiaires à terme. L'absence d'engagement des pères dans le dispositif tient en grande partie au faible montant de la prestation qui ne parvient pas à contrecarrer un arbitrage économique défavorable aux femmes au sein des ménages : dans 67,1 % des cas, le bénéficiaire de la PreParE percevait un revenu d'activité inférieur à celui de son conjoint ou sa conjointe.

En outre, des biais de genre sont également à l'oeuvre dans le renoncement des hommes au bénéfice de la prestation. Selon les économistes, Hélène Périvier et Grégory Verdugo, entendus en audition, « les pères ne demandent pas cette allocation soit parce qu'ils supposent qu'ils n'y ont pas droit, soit parce qu'ils estiment que le congé parental est une affaire de femme ».

C. L'EMPLOI DES MÈRES A TOUT DE MÊME ÉTÉ ENCOURAGÉ

Une étude publiée par France Stratégie et le HCFEA en 2023 met en lumière que le raccourcissement de la durée d'indemnisation du congé parental a augmenté la probabilité pour les mères d'occuper un emploi à court comme à moyen terme. Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) corroborent ce résultat : les mères de jeunes enfants - ayant déjà travaillé - sont plus nombreuses à occuper un emploi à temps complet en 2018 qu'en 2014 (+ 9 points). Cependant, un glissement de certaines mères vers le chômage a certainement aussi été provoqué

Situation professionnelle des mères de jeunes enfants ayant déjà travaillé

Source : Commission des affaires sociales, d'après la Drees

II. DES AJUSTEMENTS DE LA PRESTATION SONT NÉCESSAIRES ET PEUVENT ÊTRE APPORTÉS SANS DÉLAI

A. NE PAS DÉCOURAGER LE TEMPS PARTIEL

Les conditions d'activité antérieure pour l'octroi de la prestation, c'est-à-dire avoir cotisé huit trimestres au cours d'une période de référence variant selon le nombre d'enfants, ne trouvent pas de justification dès lors que la prestation est accordée à taux partiel. En effet, les parents sont maintenus en activité le temps de l'indemnisation. Les rapporteurs estiment, en outre, qu'il ne faut pas décourager le temps partiel, lequel est moins pénalisant pour l'emploi ; à la sortie d'une PreParE à taux partiel, 90 % des parents exercent une activité professionnelle contre 57 % des parents en fin de droit à temps plein.

Proposition n° 2 : Supprimer la condition d'activité antérieure pour la PreParE à taux partiel.

Dans cette même optique, les rapporteurs estiment qu'il n'est pas pertinent de plafonner le montant reçu de PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel. Aujourd'hui, la somme perçue par le couple ne peut être supérieure au montant à taux plein de la PreParE (430 euros), ce qui représente une perte de 126 euros pour deux parents à mi-temps.

Proposition n° 4 : Déplafonner le montant de la PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel.

B. REVALORISER LE MONTANT DE LA PRESTATION

Le montant insuffisant de la prestation explique, dans une grande partie, les griefs formulés à l'encontre de la PreParE : chute des bénéficiaires, manque d'engagement de la part des pères, précarisation des bénéficiaires... Dans l'immédiat, les rapporteurs estiment préférable de maintenir le principe d'une indemnisation forfaitaire mais de fortement revaloriser le montant (+ 41 %) pour atteindre un montant équivalent à celui du revenu de solidarité active (RSA) applicable à un foyer bénéficiaire composé d'une personne seule soit 607,75 euros à compter du 1er avril 2023.

Proposition n° 5 : Revaloriser le montant de la PreParE à taux plein pour le porter à hauteur du RSA (41 % d'augmentation).

C. ACCENTUER LES EFFORTS D'ACCOMPAGNEMENT À LA SORTIE DU DISPOSITIF

Enfin, les efforts de formation professionnelle des bénéficiaires de la prestation doivent être accentués. Pour cela, il convient de rendre effectives les dispositions de la loi du 24 décembre 2021 permettant aux allocataires sans emploi de bénéficier d'une formation débutant un an avant l'extinction de leur droit à la PreParE. De même, il convient de lever l'obstacle juridique qui interdit aux bénéficiaires de la PreParE qui souhaiteraient préparer leur reprise d'emploi de reprendre une formation professionnelle rémunérée et de continuer à percevoir la PreParE à taux plein.

Proposition n° 6 : Assurer l'effectivité du droit à une formation professionnelle aux bénéficiaires de la PreParE en fin d'indemnisation, en particulier pour les bénéficiaires sans emploi.

Proposition n° 7 : Permettre aux bénéficiaires sans emploi qui accèdent à une formation professionnelle rémunérée à temps partiel de cumuler leur rémunération et la PreParE à taux plein.

III. À TERME, UNE RÉFORME PLUS AMBITIEUSE DE L'INDEMNISATION DES CONGÉS PARENTAUX

A. UN CONGÉ PLUS COURT ET MIEUX RÉMUNÉRÉ

De nombreuses missions institutionnelles ont proposé de revoir le modèle du congé parental indemnisé en réduisant la durée de versement de la prestation et en passant à une logique d'indemnisation proportionnelle aux revenus antérieurs. Les rapporteurs souscrivent à cette proposition qui présente les deux avantages de réduire l'éloignement des bénéficiaires de l'emploi et de redonner de l'attractivité au congé parental afin de favoriser la présence des parents dans les tout premiers mois de l'enfant.

Dans le scénario recommandé par les rapporteurs, la rémunération serait à hauteur des indemnités journalières (IJ) sur le modèle des congés maternité et paternité. L'indemnisation aurait une durée d'une année, décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois à répartir librement au sein du couple. Cette solution maintiendrait une incitation à partager la prestation entre les deux parents sans restreindre excessivement la durée de versement si un seul parent en bénéficie. Cumulé aux congés maternité et paternité, le congé parental indemnisé permettrait, dans tous les cas, d'atteindre le premier anniversaire de l'enfant.

Proposition n° 8 : À terme, instaurer une indemnisation des congés parentaux à hauteur des indemnités journalières pour une durée décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois transférables au sein du couple.

B. UN EFFORT IMPORTANT SUR LES AUTRES MODES DE GARDE À ENGAGER SANS TARDER

Dans le cas de la réforme d'ampleur proposée par les rapporteurs, la réduction des besoins en accueil d'enfants de moins de 1 an, en raison de l'attractivité retrouvée du congé parental, s'accompagnerait d'une demande supplémentaire d'accueil pour les enfants de plus d'un an jusqu'à leur scolarisation. La condition préalable à une telle réforme est ainsi qu'une offre fournie en modes de garde formels soit accessible aux parents, ce que le secteur de la petite enfance est loin de permettre aujourd'hui. L'objectif de création de 30 000 places en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) n'a pas été atteint sous la précédente législature. La capacité théorique dans les modes d'accueil formels a même décru de 2014 à 2020 et la pénurie de professionnels vient grever encore davantage l'offre disponible.

Réunie le mercredi 21 juin 2023, sous la présidence de Catherine Deroche, la commission a adopté le rapport et les recommandations présentés par Olivier Henno et Annie Le Houerou, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PROPOSITIONS

___________

Proposition n° 1

Assimiler les périodes de chômage ou de formation professionnelle à une activité professionnelle pour les parents d'un seul enfant.

Proposition n° 2

Supprimer la condition d'activité antérieure pour la PreParE à taux partiel.

Proposition n° 3

Modifier la quotité maximale d'activité partielle éligible à la prestation afin de donner plus de souplesse d'organisation aux parents.

Proposition n° 4

Déplafonner le montant de la PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel.

Proposition n° 5

Revaloriser le montant de la PreParE à taux plein pour le porter au niveau du montant du revenu de solidarité active (41 % d'augmentation).

Proposition n° 6

Assurer l'effectivité du droit à une formation professionnelle aux bénéficiaires de la PreParE en fin d'indemnisation, en particulier pour les bénéficiaires sans emploi.

Proposition n° 7

Permettre aux bénéficiaires sans emploi qui accèdent à une formation professionnelle rémunérée à temps partiel de cumuler leur rémunération et la PreParE à taux plein.

Proposition n° 8

À terme, instaurer une indemnisation des congés parentaux à hauteur des indemnités journalières (IJ) pour une durée décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois transférables au sein du couple.

LISTE DES SIGLES

___________

AB

Allocation de base

APE

Allocation parentale d'éducation

BMAF

Base mensuelle des allocations familiales

CLCA

Complément libre choix d'activité

CMG

Complément libre choix du mode de garde

COG

Convention d'objectif et de gestion

CPE

Congé parental d'éducation

DSS

Direction de la sécurité sociale

Drees

Direction de la recherche des études de l'évaluation
et des statistiques

EAJE

Établissement d'accueil du jeune enfant

HCFEA

Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge

Igas

Inspection générale des affaires sociales

LFSS

Loi de financement de la sécurité sociale

ODPF

Organisme débiteur des prestations familiales

Paje

Prestation d'accueil du jeune enfant

PreParE

Prestation partagée d'éducation de l'enfant

RSA

Revenu de solidarité active

SMPT

Salaire mensuel par tête

Smic

Salaire minimum interprofessionnel de croissance

AVANT-PROPOS

___________

La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a profondément remanié l'architecture de l'indemnisation des congés parentaux en créant la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE). De nombreux rapports institutionnels très étayés ont dressé le bilan de cette réforme et, au vu des nombreuses difficultés mises en lumière, ont proposé des voies d'amélioration.

Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (Hcfea) a ainsi rendu un rapport très complet en 20191(*), suivi par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), en avril 2019, mandatée par le Gouvernement2(*). Le rapport de la commission des 1 000 premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik3(*) et lancée par le Président de la République, a ajouté sa contribution en septembre 2020, avant que le rapport de Julien Damon et Christel Heydemann4(*), remis au Gouvernement en septembre 2021, ne se penche aussi sur le sujet. Enfin, plus récemment, la Cour des comptes5(*) a joint sa voix aux demandes de réforme dans le cadre d'une modification plus large de la prestation d'accueil du jeune enfant.

Les nombreux travaux, dont l'énumération précédente n'est pas exhaustive, a constitué pour les rapporteurs une source précieuse d'information, sur laquelle le présent rapport s'appuie, tout en suscitant un sentiment d'étonnement. Alors que la PreParE n'a pas cessé d'être sous les feux des projecteurs depuis cinq ans et que ses défaillances ont été patiemment et précisément mises en exergue, la prestation n'a, paradoxalement, fait l'objet d'aucune modification depuis 2014... La prestation partagée d'éducation de l'enfant et ses bénéficiaires ont, semble-t-il, été délaissés des politiques publiques. Alors que les annonces du Gouvernement se succèdent sur la création d'un « service public de la petite enfance », le silence gardé jusque-là sur l'indemnisation des congés parentaux est révélateur de cet oubli.

La lettre de mission, adressée à l'Igas par le directeur de cabinet du Premier ministre, le 8 octobre 2018, indiquait que « quatre ans après son adoption, la question du bilan de sa mise en oeuvre ainsi que des évolutions possibles et souhaitables de ce dispositif se pose ». Neuf ans après son adoption, la question de l'évolution de la PreParE se pose toujours ; c'est pourquoi, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales du Sénat a confié aux auteurs de ce rapport la présente mission d'information.

I. LA RÉFORME DE L'INDEMNISATION DES CONGÉS PARENTAUX CONDUITE EN 2014 N'A PAS ATTEINT SES OBJECTIFS

A. LA PRESTATION PARTAGÉE D'ÉDUCATION DE L'ENFANT : UNE ALLOCATION PEU LISIBLE ET MAL ALIGNÉE AVEC LE CONGÉ PARENTAL D'ÉDUCATION DE L'ENFANT

Le congé parental d'éducation (CPE)6(*) permet à un parent de suspendre son contrat de travail pendant une durée initiale d'une année au plus, renouvelable deux fois pour atteindre, au plus tard, le troisième anniversaire de l'enfant. Les agents publics bénéficient d'un dispositif similaire7(*). À son retour, le parent est assuré de retrouver son emploi ou un emploi similaire et pour les agents publics, d'être réintégré de plein droit, au besoin en surnombre, dans son administration.

En 1985, une indemnisation adossée au congé parental d'éducation est créée au moyen de l'allocation parentale d'éducation (APE)8(*). Initialement prévue pour les familles de trois enfants ou plus, l'APE fut étendue aux foyers de plus de deux enfants en 19949(*) et ouverte aux parents en activité partielle. Elle fut remplacée en 2004 par le complément libre choix d'activité (CLCA), intégré lui-même dans le dispositif plus large de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Le CLCA maintient les principales caractéristiques de l'APE (voir le tableau ci-dessous) mais étend désormais l'indemnisation aux enfants de rang un et durcit les conditions d'activité antérieure pour le bénéfice de la prestation.

La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes10(*) a instauré la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) qui prend la suite du CLCA afin d'indemniser les interruptions d'activité totales ou partielles des parents de jeunes enfants. La loi a prévu cette nouvelle prestation avec comme ambitions principales de :

- réduire l'éloignement des femmes du marché du travail ;

- inciter au partage du congé parental d'éducation au sein du couple dans un objectif d'égalité entre les femmes et les hommes.

Paramètres du CLCA en vigueur de 2004 à 2014

Durée de versement

6 mois pour les familles d'un seul enfant ;

Jusqu'au mois précédent le troisième anniversaire du deuxième enfant pour les autres familles.

Montant mensuel
(au 1er avril 2013)

Taux plein

388,19 euros en cas de perception de l'allocation de base (AB) de la Paje ;

572,81 euros par mois dans le cas contraire.

Taux partiel pour une activité professionnelle inférieure à 50 %

250,95 euros en cas de perception de l'AB ;

435,57 euros dans le cas contraire.

Taux partiel pour une activité professionnelle comprise entre 50 % et 80 %

144,77 euros cas de perception de l'AB ;

329,38 euros dans le cas contraire.

Conditions d'ouverture

Validation d'au moins huit trimestres de cotisations vieillesse
sur une période de référence.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

1. Des conditions d'octroi complexes

La PreParE, qui a supplanté le CLCA pour les enfants de rang 1 nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2015, est octroyée sous la même triple condition d'avoir un enfant de moins de 3 ans (ou de moins de 20 ans en cas d'adoption), d'interrompre totalement ou partiellement son activité professionnelle, ainsi que d'avoir validé au moins huit trimestres de cotisations vieillesse sur une période de référence de deux ans pour le premier enfant ; quatre ans pour le second ; cinq ans pour le troisième et les suivants11(*).

Ces conditions d'activité diffèrent de celles prévues par le code du travail pour le congé parental d'éducation de l'enfant et la période d'activité partielle, conditionnés à un an d'ancienneté dans l'entreprise12(*). Il en résulte que des salariés n'ayant pas validé suffisamment de trimestres peuvent bénéficier d'un CPE sans indemnisation au titre de la PreParE.

De même, la durée maximale du CPE n'est pas alignée sur la PreParE (voir infra) puisque le CPE ou la période d'activité partielle peuvent durer jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant, quel que soit le nombre d'enfants à charge. Un parent peut donc être maintenu en CPE mais voir ses droits à la PreParE s'éteindre. En 2015, la proportion des bénéficiaires d'un CPE recevant la PreParE ou le CLCA variait entre 83 % et 92 %13(*) illustrant le hiatus existant entre les deux dispositifs.

La complexité des conditions d'octroi couplés à la diversité des durées de versement et des montants accordés rendent particulièrement peu lisible la PreParE pour les familles. Selon un recensement cité par l'Igas14(*), la PreParE est une allocation déclinable en 24 combinaisons différentes. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) concède qu'il existe en particulier une « complexité dans la phase d'instruction préalable des dossiers de bénéficiaires ayant une activité professionnelle discontinue et sujette à des variations de revenus et de statuts ».

2. Une modification de la durée de versement qui s'est traduite par une réduction de fait de l'indemnisation

La durée de versement de la prestation varie en fonction du nombre et du rang de l'enfant (voir tableau ci-dessous). À compter du deuxième enfant, la période d'indemnisation au titre des congés de maternité ou d'adoption est retranchée de la durée maximale de versement de la PreParE. Ainsi les mères ayant recours à la totalité de leur congé de maternité ne peuvent bénéficier de la PreParE que pendant 21 mois.

Durées de versement de la PreParE

 

1 enfant

2 enfants et plus

Naissance multiple

Parents en couple

Chaque parent peut bénéficier de six mois de versement avant le premier anniversaire de l'enfant.

Chaque parent peut bénéficier de 24 mois de versement avant
les trois ans du
dernier né.

Chaque parent peut bénéficier de 48 mois de versement avant les six ans des enfants.

Parent isolé

Le parent peut bénéficier d'un versement jusqu'au premier anniversaire de l'enfant.

Le parent peut bénéficier d'un versement jusqu'aux trois ans de l'enfant.

Le parent peut bénéficier du versement jusqu'aux six ans de l'enfant.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

En comparaison au CLCA, la prestation incite davantage au partage entre les parents avec toutefois des effets différents sur la durée totale de la prestation selon la configuration familiale :

- pour les parents d'un premier enfant, le CLCA ne permettait qu'une indemnisation de six mois alors que, partagée entre les deux parents, la PreParE permet un versement durant un an ;

pour les familles de deux enfants ou plus, la durée maximale de versement de la prestation au même parent est limitée à deux années contre trois ans sous le régime de la CLCA. La période de trois années ne peut être atteinte que si chaque parent recourt à la prestation.

Les familles monoparentales, lesquelles représentent 9,2 % des bénéficiaires de la prestation en 2020, ne sont pas concernées par ces modulations de la durée de versement.

En outre, la PreParE « intéressement » permet au parent assumant la charge d'au moins deux enfants, de recevoir la PreParE à taux plein pour deux mois supplémentaires en cas de reprise d'une activité professionnelle lorsque l'âge de l'enfant est compris entre 18 et 30 mois15(*) - ou 60 mois en cas de naissance multiple. La mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) indique ne pas avoir été capable « de retrouver les raisons du choix de ces bornes »16(*). Ce dispositif est très peu utilisé : en 2020, moins de 1 400 familles en bénéficiaient, dont seulement six monoparentales17(*).

Pour les familles assumant la charge d'au moins deux enfants, la pénalité en cas d'absence de partage du congé parental au sein du couple (voir infra) a eu de facto pour conséquence une réduction de la durée de versement de la PreParE. La réforme a en effet provoqué une chute du taux de recours des mères ayant au moins deux enfants pendant la troisième année de leur dernier né. À taux plein, la part de mères bénéficiaires de la prestation à taux plein est passée de 20,6 % avant la réforme à 5,7 %, ce taux résiduel s'expliquant principalement par une nouvelle naissance. La durée de versement cette troisième année a également décru de 9,4 mois à 5,9 mois18(*).

3. Le faible montant de la prestation

La prestation prend la forme d'un montant forfaitaire calculé selon la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF)19(*), elle-même revalorisée annuellement en fonction de l'inflation le 1er avril, et variant selon la quotité d'activité professionnelle des parents (voir tableau ci-après). Si les deux parents interrompent partiellement leur activité, le montant cumulé de la PreParE perçu par le couple demeure plafonné à hauteur du montant de la PreParE à taux plein (430,86 euros).

Montant de la PreParE au 1er avril 2023 selon la quotité de travail

Activité

Montant

Cessation totale d'activité

430,86 €

Temps de travail inférieur ou égal au mi-temps

278,53 €

Temps de travail entre 50 % et 80 %

160,67 €

Source : Instruction Interministérielle n° DSS/2B/2023/41 du 24 mars 202320(*)

L'article L. 531-4 du code de la sécurité sociale prévoit également une PreParE majorée pour les parents assumant la charge d'au moins trois enfants, cessant complètement de travailler et ayant validé au moins huit trimestres de cotisations vieillesse au cours des cinq dernières années. Les personnes éligibles doivent alors choisir entre la PreParE et la PreParE majorée, sans changement de régime possible. Le montant majoré est porté à 704,26 euros mais la durée de versement est limitée à huit mois maximum pour chaque parent, dans la limite du premier anniversaire de l'enfant le plus jeune. Ce dispositif de PreParE majorée entend répondre à des situations spécifiques mais, mal connu, il ne parvient pas à trouver son public : en 2020, seules 897 familles soient 0,4 % des bénéficiaires avaient opté pour cette formule.

Outre la transformation du CLCA en PreParE précédemment décrite et issue de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, l'indemnisation du congé parental d'éducation a connu une seconde réforme figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014. L'article 75 de cette LFSS a ainsi mis fin à la majoration du CLCA pour les familles qui ne sont pas bénéficiaires de l'allocation de base de la Paje21(*).

L'allocation de base

Prévue à l'article L. 531-3 du code de la sécurité sociale, l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) est octroyée à tout ménage ou personne, sous condition de ressources, ayant à sa charge un enfant de moins de 3 ans. Elle est versée mensuellement jusqu'au dernier jour du mois précédant les 3 ans de l'enfant. En cas d'adoption, elle est aussi attribuée pendant trois ans dans la limite des 20 ans de l'enfant à charge.

Avant 2014, le montant de l'allocation de base était identique pour tous les allocataires et fixé à 45,95 % de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) soit 185,54 euros mensuels en 2013. Il résultait des niveaux de plafonds de ressources que près de neuf familles sur dix pouvaient percevoir l'allocation de base. L'article 74 de la LFSS pour 2014 a désormais prévu que l'allocation de base serait versée :

- à taux partiel aux familles dont les ressources ne dépassent pas le plafond historique de l'allocation de base ;

- à taux plein pour les familles dont les ressources ne dépassent pas un second plafond plus restrictif.

Ce même article avait prévu, par ailleurs, le gel des montants de l'allocation de base jusqu'à ce que le montant du complément familial, revalorisé chaque année, rattrape celui de l'allocation de base.

Enfin, la LFSS pour 201822(*) a aligné les plafonds et les montants de l'allocation de base à taux plein sur ceux, plus bas, du complément familial. Les plafonds de ressources de l'AB à taux partiel et son montant ont été réduits dans les mêmes proportions.

Au 1er avril 2023, les montants de l'AB à taux plein et partiel sont respectivement de 185,73 euros et 92,86 euros. Le nombre de bénéficiaires de l'allocation de base a diminué de 1,89 million en 2013 à 1,51 million en 2021.

Il résulte de ces réformes et de l'absence de revalorisation significative de la PreParE que l'indemnisation des congés parentaux d'éducation n'est assurée à un montant globalement inférieur que sous le régime antérieur du CLCA23(*). En effet, en 2013, le taux de remplacement en cas de cessation complète de l'activité24(*) était de l'ordre de 51,4 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) net. Pour les familles bénéficiaires de l'allocation de base à taux plein en 2023, ce taux de remplacement n'est plus que de 44,6 % du Smic net. Pour les familles non bénéficiaires de l'allocation de base, lesquelles bénéficient du montant unique de PreParE à taux plein depuis 2014, ce ratio est tombé à 34,6 % du Smic net.

La loi du 4 août 2014 a fait le choix de maintenir une indemnisation forfaitaire à un faible niveau et le taux de remplacement s'est même dégradé au fil des ans. Ce décrochage progressif s'explique par des choix de politiques familiales (suppression de la majoration de la prestation, création d'une allocation de base à taux partiel, gel puis diminution du montant de l'allocation de base, sous-revalorisation de la BMAF...) mais aussi par une indexation de la PreParE sur l'inflation qui n'est pas de nature à maintenir le niveau de l'indemnisation en comparaison des salaires. Le HCFEA a ainsi démontré que la prestation s'était dévalorisée de 38 % au regard du salaire mensuel par tête (SMPT) depuis 1994, date de son indexation sur les prix25(*). Selon le Haut Conseil, qui s'appuyait en 2019 sur les projections du comité d'orientation des retraites, « entre 2019 et 2025, le décrochage serait de l'ordre de 8 % dans tous les scénarios. D'ici 2030, il s'établirait entre 13,8 et 17,1 % selon les scénarios et d'ici 2040 entre 25,7 et 39,8 % »26(*). Seule l'indexation de la PreParE sur les salaires permettrait d'éviter toute nouvelle dégradation de la prestation par rapport aux revenus d'activité.

La revalorisation annuelle de la PreParE

La PreParE, à l'instar de la plupart des prestations familiales définies à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale27(*), est réévaluée en appliquant le coefficient de revalorisation annuelle des prestations à la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), ainsi que le prévoit l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, le coefficient de revalorisation annuelle des prestations est « égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées ». Depuis la LFSS pour 201628(*), ce coefficient, qui ne peut être inférieur à 1, prend en compte l'inflation constatée et non plus prévisionnelle.

Dans la période récente, la revalorisation des prestations familiales légales fut utilisée, à plusieurs reprises, comme un levier de modération des dépenses de la branche famille. La LFSS pour 201229(*) a ainsi prévu que les prestations ne seraient plus revalorisée par décret « une à deux fois par an » mais une seule fois le 1er avril. La LFSS pour 201930(*) a dérogé aux règles de revalorisation des prestations familiales pour limiter la hausse à 0,3 %.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

B. UNE CHUTE DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES CONDUISANT À UNE DIMINUTION DES DÉPENSES.

1. Une désaffection croissante des familles pour le dispositif.
a) Des bénéficiaires de la PreParE de plus en plus rares

Au fil des années, les parents sont de moins en moins nombreux à choisir la PreParE. Tout régime de prestations familiales confondu, l'effectif de bénéficiaires chute de moitié de 2013 à 2020 (passant de 514 000 à 255 000 familles). Pour le régime général, la perte de bénéficiaires s'établit à 57,9 % de 2011 à 2021 (voir le graphique ci-après).

Nombre de bénéficiaires du CLCA/PreParE
pour le régime général (données des Caf)

Source : Données du REPSS Famille, édition 2022.

Tout d'abord, le ralentissement du nombre de naissances depuis 2014 pèse structurellement à la baisse sur le nombre de bénéficiaires des prestations familiales. Toutefois, ce premier élément explicatif ne peut suffire à lui-même puisque, comme le note le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) 2023, « quelle que soit la quotité d'activité, le taux de couverture du CLCA/PreParE des familles d'au moins deux enfants est moins élevé qu'avant 2014 »31(*).

En réalité, cette diminution du nombre de bénéficiaires d'une aide à l'interruption totale ou partielle d'activité professionnelle pour l'accueil d'un jeune enfant (CLCA ou PreParE) s'est amorcée dès 2006 et préexistait donc à la mise en place de la PreParE. Selon Hélène Périvier, économiste et présidente du Haut conseil de la famille, entendue en audition, « les alternatives au congé parental (crèches, assistantes maternelles, etc.), les préférences des parents, la montée de l'activité des femmes y compris lorsqu'elles ont de jeunes enfants sont des facteurs de long terme importants » qui agissentt négativement sur le recours au congé parental d'éducation.

Toutefois, la réforme de 2014 a bien intensifié ce mouvement de repli en raison de facteurs intrinsèques à la PreParE, c'est ce qui ressort des travaux conduits par les rapporteurs. Le rapport de la mission de l'Igas indique ainsi que « le premier effet de la réforme de 2014 (...) a été d'augmenter la vitesse de diminution des allocataires »32(*).

Contrairement aux attentes qui inspiraient la réforme, l'absence de partage de la prestation au sein du couple (voir infra), conduit mécaniquement à ce que, en janvier 2018, 88 % des bénéficiaires de la PreParE soient sortis du dispositif après les deux ans de l'enfant33(*).

D'autre part, les nouvelles caractéristiques de la prestation la rendent moins attractives (voir infra). Une étude des économistes Mathieu Narcy et Florent Sari, parue en 202134(*), conclut que la probabilité que les mères actives au moment de la naissance prennent un congé parental à taux plein s'est réduite de 8,6 points de pourcentage. Par ailleurs, cette même étude met en lumière que la contraction de la durée de versement de la PreParE à un seul parent aurait provoqué des renoncements complets au dispositif : « (...) parmi les mères qui auraient souhaité prendre un congé parental jusqu'au troisième anniversaire de leur enfant, il y a un très fort comportement de "trois ans ou rien". En d'autres termes, pour ces mères, l'intérêt majeur du congé parental résidait dans sa durée d'indemnisation qui permettait de garder son enfant jusqu'à sa scolarisation »35(*). En 2017, une enquête conduite pour la Cnaf révélait que 69 % des parents ayant un enfant né en 2016 seraient attachés à la continuité du mode d'accueil jusqu'à l'entrée à l'école36(*).

b) Le profil socio-économique des bénéficiaires

La répartition des bénéficiaires de la PreParE en 2019 par décile de niveau de vie fait apparaître que les allocataires sont moins nombreux aux deux extrémités de la distribution de revenus (voir graphique ci-après). Pour les déciles supérieurs, la prestation perd probablement de son attractivité en raison de son faible montant. En outre, les mères relevant des catégories socio-professionnelles supérieures sont plus susceptibles de continuer à travailler à temps plein ou à temps partiel37(*).

Répartition des bénéficiaires de la PreParE en 2019 par décile
de niveau de vie des ménages après redistribution

Source : DSS, Dossier statistique des prestations familiales, octobre 2022, p.47

S'agissant du faible nombre de bénéficiaires dont les revenus sont inférieurs au premier décile de la distribution, une première explication résiderait dans les conditions d'éligibilité à la PreParE que ces parents sont moins susceptibles de remplir. Le nombre moyen de trimestres acquis aurait baissé après la crise économique de 2008 pouvant partiellement, quoique marginalement, expliquer la baisse des recours à la prestation selon l'Igas38(*).

Ces éléments sont corroborés par les données de la direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques (Drees)39(*), laquelle constate que parmi les mères qui, sans activité ou ayant une activité à temps partiel, ne bénéficient pas de la PreParE, il existe une probabilité accrue de ne pas être diplômée ou bien de détenir un diplôme inférieur au baccalauréat, ce qui les expose à la précarité financière. En 2018, 8 % des mères d'enfants de moins de 3 ans n'avaient jamais travaillé, ce qui les rend inéligibles à la PreParE. Elles étaient alors 7 sur 10 à se trouver dans un ménage exposé à la pauvreté. Ces mères sont en outre moins susceptibles d'avoir connaissance de la prestation.

2. Un report vers des solutions alternatives de garde

Le bilan de la réforme de 2014, à travers la perte d'attractivité de la prestation et la réduction de facto de la durée de versement de la PreParE, soulève la question du report vers d'autres modes de garde pour l'enfant de moins de trois ans qui, en principe, n'est pas encore scolarisé. Le Gouvernement, dans l'étude d'impact de la loi du 4 août 2014, anticipait que le « raccourcissement du CLCA exercer[ait] une pression sur le besoin de garde des enfants »40(*). Effectivement, au sein de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), alors que la PreParE perdait 8,5 % de bénéficiaires en moyenne par an de 2010 à 2021, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) n'en perdait que 0,5 %, au sein duquel le CMG dit « structure », solvabilisant le recours aux structures de garde à domicile ou aux microcrèches, en gagnait 14,9 %.

Les enquêtes Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants de la Drees montrent que la garde, à titre principale, des enfants de moins de trois ans par leurs parents décroît au sein des modes de garde de 70 % en 2002 à 56 % en 2021. Sur la période 2013 à 2021, la diminution de 5 points de pourcentage de la garde par les parents est compensée par une hausse de même ampleur de recours aux établissements d'accueil pour jeune enfant (voir graphique ci-après). Les baromètres petite enfance de la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) montrent la même tendance, cette fois-ci, pour les enfants de 6 mois à 1 an ; la garde par les parents est passée de 54 % en 2013 à 47 % en 2021 tandis que le recours à une crèche a augmenté de 14 à 19 %.

Évolution du mode de garde ou d'accueil principal des enfants
de moins de 3 ans en semaine entre 2002 et 2021

Source : Drees, Enquêtes Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants41(*)

Une évaluation de la réforme de 2014, menée par les chercheurs Mathilde Guergoat-Lariviere, Mathieu Narcy et Floren Sari, et publiée sous le timbre de France stratégie et du HCFEA42(*), vise à identifier l'effet précis imputable à la réforme de 2014 sur le recours aux modes de garde. Selon les auteurs, qui n'ont pu exploiter des données pour le recours à la crèche, la réduction d'un an de la durée d'indemnisation a provoqué une hausse de 10,6 points de pourcentage de la probabilité de recourir au CMG pour les mères ayant renoncé à une troisième année d'indemnisation en comparaison de celles ayant eu un enfant en décembre 2014 et pour lesquelles la réforme ne s'applique pas.

Les auteurs déduisent43(*), en outre, qu'il existe « un nombre important de mères qui retournent en emploi dès la fin de la perception de la PreParE sans disposer d'un mode d'accueil formel »44(*). Il est donc très probable que le recours à un mode informel (garde par les grands-parents, des amis ou des voisins, etc.) ait été largement favorisé par la réforme.

3. Les économies budgétaires générées pour la branche famille

Sans que les économies budgétaires ne soient affichées comme un objectif prioritaire de la réforme, ces dernières étaient bien anticipées par l'étude d'impact qui projetait une baisse de 300 millions d'euros des dépenses de CLCA/PreParE du fait de la mesure consistant à réserver 6 mois pour le second parent.

Il ressort des travaux des rapporteurs que l'économie exacte générée par la réforme ne peut être précisément documentée. Toutefois, la baisse des dépenses de PreParE a été bien plus importante que prévue pour la branche famille en raison de la chute des bénéficiaires. De 2014 à 2022, les dépenses liées à l'indemnisation des congés parentaux ont baissé de 61,3 %.

Dépenses liées au CLCA/PreParE

(en millions d'euros)

Source : DSS, dossier statistique des prestations familiales 2022 et rapport de la CCSS, mai 2023

Cette économie pour les finances publiques reste à nuancer en raison de la hausse induite, sans guère de doute, des dépenses liées au chômage, au revenu de solidarité active (RSA) ou au congé maladie45(*). De même, le recours accru aux autres modes d'accueil a certainement limité les économies pour la branche famille, comme l'anticipait le Gouvernement, qui prévoyait un report sur les dépenses associées aux autres modes de garde estimé à près de 250 millions d'euros. Le retour précoce des mères vers l'emploi (voir infra) a tout de même pu faire augmenter les recettes de prélèvements obligatoires.

C. L'OBJECTIF CIBLÉ D'UN PARTAGE PLUS ÉQUILIBRÉ DU CONGÉ PARENTAL AU SEIN DES COUPLES N'A PAS ÉTÉ ATTEINT

1. Les pères bénéficiaires : des oiseaux rares

Dans une perspective d'égalité entre les femmes et les hommes, la loi de 2014 ambitionnait d'accroître le partage des temps domestiques et parentaux au sein du couple. Elle s'inspirait pour cela de la réforme allemande de 2004 (voir encadré ci-après). L'étude d'impact de la loi indiquait que « l'effet attendu est un effet similaire à celui enregistré en Allemagne, où une réforme du même type a permis de multiplier par six en trois ans la proportion de pères prenant leurs congés (de 3 à 21%). Si on applique ce taux en France, ce sont donc 100 000 pères qui seront conduits à prendre leur congé »46(*). Le législateur a ainsi retenu le choix de pénaliser les couples dont le second parent ne recourt pas à la prestation afin d'inciter à un partage des responsabilités parentales. C'est sur ce point que la réforme est le plus loin d'avoir réalisé son ambition. En 2018, seules 2,5 % des familles partageaient la prestation entre les conjoints (2 % pour la prestation à taux plein).

Réforme des congés parentaux en Allemagne

Depuis 2005, l'Allemagne a profondément modifié sa politique familiale pour tenter d'enrayer la baisse du taux de fécondité et accroître la participation des femmes au marché du travail. Ces changements se traduisent par un effort financier important : + 26,6 Mds d'euros par an en 2017 par rapport à 2006.

L'indemnisation du congé parental (Basiselterngeld) a vu sa durée être raccourcie par la réforme de 2007 pour atteindre douze mois. Autrefois forfaitaire, elle a été revalorisée pour atteindre 65 % de la moyenne des revenus des douze derniers mois en cas de congé à temps complet et de 65 % de la différence avec les revenus actuels pour une interruption d'activité à temps partiel. Le montant est toutefois majoré à un seuil de 300 euros et plafonné à 1 800 euros. Les parents peuvent aussi choisir une indemnisation plus longue (24 mois) mais dont le montant est alors réduit de moitié (ElterngeldPlus).

L'éligibilité est plus souple qu'en France : il suffit de travailler moins de 30 heures par semaine sans condition de trimestres cotisés. Les familles disposant de plus de 500 000 euros de revenus en sont cependant exclues.

Enfin, une incitation au partage a été prévue : lorsque le second parent recourt à au moins deux mois de congé (ou quatre mois dans le cadre du ElterngeldPlus), la période de versement est étendue de deux mois (ou quatre mois). Pour l'ElterngeldPlus, quatre mois supplémentaires de congé sont octroyés lorsque les deux parents travaillent à temps partiel (de 25 à 30 heures par semaine) pendant quatre mois consécutifs.

La réforme a porté ses fruits : la proportion des pères n'a cessé de croître depuis 2007. En 2021, 25,3 % des 1,9 millions de bénéficiaires sont des pères (contre 20,9 % en 2015). Un écart important persiste cependant quant à la durée de bénéfice de la prestation : les mères y recourent pour une durée moyenne de 14,6 mois en 2021 contre 3,7 mois pour les hommes47(*).

Source : Rapport précité de l'Igas et Statistisches Bundesamt

Les pères bénéficiaires ont, en nombre, décru de 19 000 en 2014 à 15 000 pères en 2020. En proportion, ils ont néanmoins légèrement augmenté depuis 2014 pour atteindre 6,1 % des bénéficiaires de la prestation ; il faut donc y voir l'effet d'une diminution plus dynamique du nombre de mères bénéficiaires. Il est intéressant de noter, par ailleurs, que les trois-quarts des pères recourent à la PreParE à taux réduit, maintenant ainsi leur activité professionnelle, contre seulement 45 % des mères bénéficiaires48(*).

Dans un article publié en 202149(*), Hélène Périvier et Grégory Verdugo, auditionnés par les rapporteurs, montrent, en étudiant deux groupes de parents dont les enfants sont respectivement nés en décembre 2014 et en janvier 2015, que le taux de recours des pères, sous l'effet de la réforme, est passé de :

- 0,5 % à 0,8 % pour le congé à taux plein ;

- 1 à 1,8 % pour le congé à taux partiel (pour les pères ayant plus de deux enfants).

2. Les arbitrages économiques au sein des ménages, ainsi que des facteurs socio-culturels expliquent ce désintérêt pour le dispositif
a) Une indemnisation insuffisante pour contrecarrer des arbitrages économiques défavorables aux mères

Ainsi qu'il a été rappelé plus en amont, la réforme de 2014 a fait le choix de ne pas revaloriser l'indemnisation. L'étude d'impact annexée à la loi du 4 août 2014 justifiait ainsi que « les solutions consistant à améliorer le taux de remplacement peuvent avoir l'effet paradoxal de renforcer l'attractivité du CLCA pour les mères et ainsi d'amplifier leur sortie du marché du travail ». La loi de 2014 s'est donc écartée, sur ce point, de la réforme menée en Allemagne qui au contraire avait privilégié une indemnisation élevée.

La sous-représentation des hommes parmi les bénéficiaires de la PreParE est, en premier lieu, déterminée par des arbitrages économiques au sein des couples, le marché du travail étant marqué par une inégalité salariale persistante en défaveur des femmes. Dans 67,1 % des cas, les bénéficiaires de la PreParE percevaient un revenu d'activité inférieur que leur conjoint ou conjointe au cours de l'année précédant la naissance de leur benjamin50(*).

L'insuffisance de l'indemnisation a été unanimement présentée en auditions aux rapporteurs comme un élément ne favorisant pas l'engagement des pères dans le dispositif. Dans sa contribution écrite aux rapporteurs, Grégory Verdugo souligne que dans tous les pays ayant opté pour une indemnisation modeste du congé parental sur une durée longue (France, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, etc.), une très faible participation des pères est observée. Au contraire, les pays scandinaves ou l'Allemagne, suivant le modèle d'un congé court et bien rémunéré, parviennent à entraîner une majorité des pères. Ainsi, selon lui, « les comparaisons internationales suggèrent que la principale raison de l'échec est la faiblesse de l'allocation versée ».

b) Les stéréotypes de genre

Des déterminants socio-culturels expliqueraient également l'écart entre les pères et les mères dans le recours à la prestation. L'étude précitée d'Hélène Périvier et Grégory Verdugo pointe la responsabilité des biais de genre dans le renoncement des hommes aux bénéfices de la prestation. En effet, les taux de non-recours à la PreParE des pères travaillant à temps partiel sont très élevés, alors même qu'ils y sont éligibles sans modification de comportement. Ces taux atteignent 80 % pour les pères d'un premier enfant et 70 % pour ceux d'au moins deux enfants, contre seulement 25 % pour les mères dans les deux cas. Ces taux diminuent légèrement avec le temps mais demeurent à un niveau très élevé, ce qui laisse suggérer aux chercheurs que « les pères ne demandent pas cette allocation soit parce qu'ils supposent qu'ils n'y ont pas droit, soit parce qu'ils estiment que le congé parental est une affaire de femme », soit enfin en raison d'un environnement professionnel qui les en dissuade51(*).

D. LE MAINTIEN DES FEMMES DANS L'EMPLOI : DES ATTENTES PLUTÔT SATISFAITES

1. Le retour des femmes vers l'emploi a globalement été encouragé
a) L'emploi des mères

 L'étude d'impact de la loi du 4 août 2014 établissait que la durée du CCLA « renfor[çait] le risque d'éloignement du marché du travail d'autant plus [que] 70 % des allocataires [allaient] jusqu'au terme réglementaire de la prestation ». Il était donc envisagé un retour anticipé des mères à l'emploi en retenant que 60 % des mères sortant plus tôt du dispositif reprendraient une activité professionnelle.

Les rapporteurs constatent que les rapports de l'Igas et du HCFEA ont jugé plutôt sévèrement les résultats de la réforme sur ce plan. Ces derniers notaient que le taux global d'emploi des mères d'enfants de moins de trois ans avait légèrement baissé. Entre 2015 et 2017, la part des mères ayant au moins un enfant de moins de trois ans au chômage a augmenté de 2 points, ce qui laisse suggérer, selon le Haut Conseil, que la réforme de la PreParE « aurait pu avoir pour effet, non pas d'augmenter le taux d'emploi des mères concernées (...), mais se serait davantage traduit par une baisse de celles se déclarant en congé parental et une augmentation de femmes se déclarant au chômage »52(*). La mission de l'Igas pointait néanmoins qu'en décourageant les mères de prendre un congé parental à temps plein, la réforme a augmenté la proportion de mères prenant un congé à temps partiel, maintenant alors une partie des mères dans l'emploi53(*).

 Des travaux plus récents suggèrent que le bilan de la réforme sur le retour des mères vers l'emploi serait plus satisfaisant qu'initialement évalué. La Cour des comptes, tout en pointant « un soutien à l'emploi des femmes en-deçà des attentes », souligne que le taux d'emploi des femmes a progressé de 65 % en 2014 à 68 % en 202054(*).

L'étude précitée publiée par France Stratégie et le HCFEA, met en lumière que le raccourcissement de la durée d'indemnisation du congé parental a augmenté la probabilité pour les mères d'occuper un emploi, non seulement au cours de la troisième année de leur enfant (+ 20 points de pourcentage), ce qui était assez attendu, mais aussi sur les trois années suivantes (+ 3,4 points de pourcentage). Les auteurs montrent ainsi que la réforme a pu avoir un effet de moyen terme sur l'activité professionnelle des mères en incitant certaines, « qui n'auraient pas repris d'emploi après trois ans de congé parental indemnisé, à [en reprendre un] quand ce congé ne dure que deux ans »55(*).

L'étude précitée de la Drees corrobore ces résultats en constatant que les mères de jeunes enfants - ayant déjà travaillé - sont plus nombreuses à occuper un emploi à temps complet en 2018 qu'en 2014 (+ 9 points). Concomitamment, les arrêts d'activité (- 6 points) et le recours au temps partiel (- 2 points) diminuent56(*).

Situation professionnelle des mères de jeunes enfants* ayant déjà travaillé
selon qu'elles bénéficient ou non d'une prestation de congé parental

* Mères ayant au moins deux enfants dont un âgé de moins de trois ans

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données de la Drees

b) L'effet de la réforme sur les revenus des mères

L'effet de la réforme sur les revenus des mères est plus nuancé. D'une part, le HCFEA montre que la baisse des montants de prestations perçues sous l'effet de la réforme n'a eu d'incidence sur les revenus des mères ayant deux enfants que pour les foyers appartenant aux parts supérieures de la distribution de revenus (à compter du troisième quartile de revenus). En revanche, la réduction de durée de versement aurait induit des pertes de revenus pour toutes les mères entre les deux ans et l'entrée à l'école de l'enfant.

Cette analyse est cependant infirmée par l'étude précitée de l'OFCE qui suggère que la réforme a permis de réduire les écarts de revenus entre parents dans l'ensemble de la population. Grégory Verdugo explique ainsi dans sa contribution aux rapporteurs : « nos résultats suggèrent que [l'objectif de retour à l'emploi] a été atteint pour les parents d'enfants de rang 2 et plus, sans que la réduction du congé parental appauvrisse la population affectée. En conséquence, les écarts salariaux entre les pères et les mères d'un second enfant, qui se creusent considérablement après la naissance d'un enfant, se sont réduits après la réforme pour cette population ». Alors que la troisième année après la réforme était marquée d'une chute de 6 % des revenus des mères, après la réforme, le revenu des mères retrouve la troisième année son niveau antérieur à la naissance. Il faut bien sûr y voir l'effet de la reprise d'emploi de certaines mères mais aussi, de manière plus marginale, de l'augmentation du montant moyen des allocations chômage versées aux mères - qui passe de 600 euros à 840 euros57(*).

Selon la publication de France Stratégie et du HCFEA de 2023, « le retour plus précoce en emploi de ces mères s'est traduit par une augmentation, au cours de la troisième année suivant la naissance, de leur expérience professionnelle d'environ 2,3 mois et de leurs revenus de 4 500 euros »58(*). Toutefois, ainsi que le soulignent les auteurs, les hausses de revenus mises en avant par ces travaux ne tiennent pas compte des frais de garde de l'enfant induits par la reprise d'emploi de la mère. L'augmentation nette des revenus des ménages est donc probablement inférieure.

2. Des situations toutefois disparates selon le profil des bénéficiaires

Si la réduction de la durée d'indemnisation a produit des résultats positifs sur l'emploi des mères, l'effet de la réforme diffère selon la catégorie socio-professionnelle des mères. L'étude précitée de 2023 établit que ce sont surtout les mères aux revenus les plus faibles qui ont davantage été encouragées à retourner en emploi la troisième année après la naissance de leur enfant59(*). En revanche, la suppression de toute indemnisation de leur troisième année de congé parental n'est pas une incitation suffisante pour encourager les mères des deux quartiles les mieux rémunérés à reprendre une activité professionnelle. La Drees observe également que les mères cadres ou exerçant une profession intermédiaire interrompent leur activité dans les mêmes proportions en 2018 qu'en 2014.

En outre, au chapitre des effets contrastés de la réforme, la direction de la sécurité sociale note par exemple que « les mères les plus exposées à la pauvreté ne travaillent pas plus souvent à temps complet en 2018 qu'en 2014 ». De même, les chiffres de la Drees font ressortir entre 2014 et 2018 une hausse de 4 points des mères ayant déjà travaillé dorénavant sans PreParE et sans emploi et dont certaines ont dû, par conséquent, se tourner vers d'autres prestations (allocations chômage, RSA...). Le taux de pauvreté des mères de plusieurs enfants, dont un âgé de moins de 3 ans, a augmenté de 2014 à 2018 de 1,3 point, alors qu'il est demeuré stable pour l'ensemble de la population.

II. UNE NOUVELLE RÉFORME DE LA PRESTATION PARTAGÉE D'ÉDUCATION DE L'ENFANT APPARAÎT INDISPENSABLE

Les rapporteurs ont conscience qu'une réforme ambitieuse de la PreParE ne pourrait être menée que difficilement dans l'immédiat en raison du contexte défavorable de l'offre d'accueil du jeune enfant et de l'anticipation nécessaire par les caisses débitrices d'un changement profond de logique de la prestation. Cependant, le bilan de la PreParE fait ressortir quelques points d'amélioration qui pourraient, sans plus attendre, trouver une réponse dans une simple réforme paramétrique. Ces recommandations seraient bien sûr à garder à l'esprit dans le cadre d'une transformation d'ampleur de la prestation telle que proposée plus loin dans ce rapport.

A. DE NOMBREUX PARAMÈTRES DE LA PREPARE POURRAIENT ÊTRE REVUS À COURT TERME POUR RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE LA PRESTATION ET ASSOUPLIR LE DISPOSITIF

1. Les conditions d'ouverture et de cumul : simplifier et encourager l'activité partielle

 La mission de l'Igas et le HCFEA pointent les difficultés que peuvent représenter les conditions tenant au nombre de trimestres devant être validés pour être éligible à la PreParE60(*). Selon la Drees, 24 % des mères ayant au moins deux enfants, dont un âgé de moins de 3 ans, se trouvaient sans emploi et sans PreParE ; certaines ne remplissant pas les conditions d'octroi. La LFSS pour 2004 et ses décrets d'application ont durci les conditions pour bénéficier du nouveau CLCA remplaçant l'APE. Depuis le 1er janvier 200461(*), deux ans d'activité au cours des quatre dernières années sont nécessaires au lieu de deux ans dans les cinq dernières années pour le versement de la prestation au deuxième enfant. De même, la période de référence pour la validation des deux ans d'activité a été réduite de dix à cinq ans pour les familles de trois enfants et plus. Le durcissement de ces conditions se justifiait par l'effet néfaste sur l'activité des femmes que l'APE pouvait avoir : 50 % des mères restaient au chômage plusieurs années après la sortie du dispositif62(*).

Pour les parents d'un seul enfant, les conditions d'octroi sont encore plus restrictives. Alors que les périodes de chômage et de formations professionnelles étaient assimilées à une activité pour l'APE, l'extension au parent d'une indemnisation en 2004 ne s'est pas faite aux mêmes conditions. L'article D. 531-15 du code de la sécurité sociale ne reconnaît les périodes de chômage et de formations rémunérées comme des périodes d'activité qu'à compter du deuxième enfant. Cette situation fait qu'une proportion importante des parents d'un seul enfant peut être éligible à un congé parental d'éducation, en ayant plus d'un an d'ancienneté dans une entreprise, mais non à la PreParE. Selon la Drees63(*), 27 % des mères d'un seul enfant ne remplissaient pas les critères d'activité pour le bénéficie de la PreParE.

Les rapporteurs estiment que cette situation inégalitaire ne se justifie plus et peut placer des mères dans une situation exacerbée de précarité. Ils recommandent dès lors, à l'instar de l'Igas et du HCFEA, de reconnaître les périodes de chômage et de formation professionnelle rémunérée comme satisfaisant les conditions d'activité préalable à l'octroi de la PreParE pour les familles d'un enfant de rang 1.

Proposition n° 1 :  Assimiler les périodes de chômage ou de formation professionnelle à une activité professionnelle pour les parents d'un seul enfant.

 Les conditions d'activité antérieure s'appliquent aussi bien pour le bénéfice de la PreParE à taux plein que pour celui de la prestation à taux partiel. Cette situation paraît incohérente aux rapporteurs puisque les parents recevant la PreParE à taux partiel demeurent, par définition, en activité professionnelle le temps de l'indemnisation. Exclure les mères et pères qui n'auraient pas cotisé assez au préalable ne trouve pas de justification.

De plus, pour les rapporteurs, il convient de ne pas décourager le recours à la prestation à taux partiel. Selon une étude de la Cnaf de 201964(*), à la sortie d'une PreParE à taux partiel, 90 % des parents exercent une activité professionnelle contre 57 % des parents en fin de droit à temps plein. Les parents reprenant une activité à temps complet sont même 39 % à la fin du versement de la PreParE à taux partiel contre 25 % à la sortie de l'allocation à taux plein. Recourir à la PreParE à taux partiel est ainsi moins pénalisant pour l'emploi.

Plusieurs rapports récents dont le rapport précité du HCFEA et le rapport de Julien Damon et Christel Heydemann sur la conciliation de la vie professionnelle et familiale65(*) préconisent de supprimer toute condition d'activité antérieure lorsque le parent est bénéficiaire de la PreParE à taux partiel. Les rapporteurs, pour les raisons exposées en amont, souscrivent à cette proposition. Cette suppression induira, en outre, une simplification du service de la prestation pour les organismes débiteurs des prestations familiales (ODPF).

Proposition n° 2 :  Supprimer la condition d'activité antérieure pour la PreParE à taux partiel.

 L'article L. 531-4 du code de la sécurité sociale renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir les quotités minimale et maximale de l'activité ou de la formation ouvrant droit à la PreParE à taux partiel. L'article D. 531-4 du code de la sécurité sociale fixe à 80 % la quotité maximale d'activité pour en bénéficier. Il ressort de l'audition des organisations représentatives des salariés que ce seuil peut induire une rigidité pour l'organisation des responsabilités parentales au sein des couples, empêchant par exemple deux parents d'interrompre chacun de 10 % leur activité. Les rapporteurs proposent donc de revoir les quotités d'activité partielle éligibles à la PreParE toujours dans une optique de simplifier le recours à la prestation à taux partiel.

Proposition n° 3 :  Modifier la quotité maximale d'activité partielle éligible à la prestation afin de donner plus de souplesse d'organisation aux parents.

2. Les montants accordés : une nécessaire revalorisation

 Le droit existant66(*) interdit aux deux membres d'un couple bénéficiant de la PreParE à taux partiel de recevoir un montant cumulé supérieur à celui du montant de la prestation à taux plein (430 euros au 1er avril 2023). Cette règle représente, pour un parent exerçant une activité à mi-temps et l'autre parent travaillant aux 4/5e, une perte mensuelle de 8,34 euros. La perte atteint 126,2 euros lorsque les deux parents d'un même foyer sont à mi-temps.

Le temps partiel simultané des deux parents permet un partage des responsabilités parentales tout en maintenant les deux parents dans l'emploi. Il réduit également les besoins en mode alternatif de garde du jeune enfant. Pourtant, très peu de couples bénéficiaires de la PreParE à taux réduit sont aujourd'hui dans cette situation. En 2020, seules 2 860 mères, soit 3 % des femmes bénéficiaires, recevaient une PreParE à taux partiel simultanément à leur conjoint67(*).

Les rapporteurs estiment donc que le plafonnement du montant cumulé de deux prestations à taux partiel défavorise une solution souhaitable de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Il conviendrait de le supprimer. Selon le HCFEA, le coût de cette réforme serait assez faible à comportement constant. Couplé à une bonification de 100 euros lorsque les deux parents travaillent à temps partiel, le Haut Conseil estime le coût de la mesure à 5 millions d'euros68(*). Si la réforme induit un doublement des couples partageant le temps partiel, la dépense s'établirait entre 25 et 70 millions d'euros.

Proposition n° 4 :  Déplafonner le montant de la PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel.

 Les rapporteurs constatent que le trop faible montant de la PreParE est un constat partagé par les différentes missions s'étant attelées à évaluer la prestation. Il ressort des auditions que ce montant insuffisant se trouve à la racine, au moins dans une grande partie, des griefs aujourd'hui formulés à l'encontre de la PreParE : chute des bénéficiaires, manque d'engagement de la part des pères, précarisation des bénéficiaires... Considérant le faible taux de remplacement que représente le montant forfaitaire de la PreParE (34,6 % du Smic net en 2023), l'Union nationale des associations familiales (Unaf), entendue par les rapporteurs, estime que « très peu de couples aujourd'hui peuvent se permettre financièrement une telle perte de revenus ».

Les rapports du HCFEA et de l'Igas proposaient une revalorisation de 38 % de la prestation pour atteindre le niveau d'indemnisation relatif aux salaires qui était celui de 1994. En 1994, l'indemnisation au titre de l'allocation parentale d'éducation (APE) correspondait à 26 % du salaire moyen par tête (voir supra). Ce taux de 26 % du SMPT serait de nouveau atteint, en 2023, pour une personne bénéficiant d'une PreParE revalorisée de 38 % cumulée à l'allocation de base.

Les rapporteurs sont favorables à une revalorisation de la PreParE à hauteur de 41 %, portant le montant de la prestation au niveau de celui du revenu de solidarité active (RSA). La PreParE à taux plein serait d'un niveau équivalent au montant du RSA applicable à un foyer bénéficiaire composé d'une personne seule soit 607,75 euros à compter du 1er avril 2023. À comportement constant des bénéficiaires, cette mesure aurait une incidence budgétaire de 300 millions d'euros. L'attractivité de la prestation s'en trouvant renforcée, la réforme devrait cependant avoir un coût supérieur pour la branche famille, quoique partiellement compensé par les économies générées sur les dépenses liées aux autres modes de garde.

Proposition n° 5 : Revaloriser le montant de la PreParE à taux plein pour le porter au niveau du montant du revenu de solidarité active (RSA).

Dans ce modèle, le principe d'un montant forfaitaire serait conservé mais les rapporteurs estiment nécessaire, à terme, d'instaurer une indemnisation proportionnelle au revenu (voir la réforme plus structurelle proposée infra). Le passage à une logique proportionnelle induit des changements importants dans le service de la prestation et ne pourrait être mis en place dans l'immédiat. L'Unaf, consciente qu'une transformation d'ampleur demanderait une « progressivité dans la montée en charge de la réforme », plaide pour qu' « un signal fort [soit] donné dès le PLFSS 2024 avec une augmentation significative du montant de la PreParE ». Les rapporteurs ne peuvent que s'associer à ces propos. En tout état de cause, un montant proportionnel aux revenus ou sensiblement revalorisé inciterait les pères à faire usage de leurs droits et faciliterait la prise du congé parental par les deux parents comme la directive européenne du 20 juin 2019 le prévoit (voir encadré ci-dessous).

L'indemnisation des congés parentaux en droit de l'Union européenne

La directive européenne du 20 juin 201969(*) a modifié la précédente directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, et a fixé des critères minimaux pour les congés parentaux dans les États membres. Aux termes de l'article 5 de cette directive, les États membres doivent faire en sorte, à compter du 2 août 2022, que chaque parent puisse individuellement bénéficier d'un congé parental « de quatre mois, à prendre avant que l'enfant n'atteigne un âge déterminé pouvant aller jusqu'à huit ans » et que deux mois sur cette période de quatre ne soient pas transférables à l'autre parent.

L'article 8 prévoit que la période de deux mois non transférable attribuée à chaque parent doit faire l'objet d'une rémunération ou allocation « définie par l'État membre ou les partenaires sociaux et (...) fixée de manière à faciliter la prise du congé parental par les deux parents ». À son considérant (31), la directive indique en outre que pour fixer le niveau adéquat de l'indemnisation, les États membres « devraient tenir compte du fait que la prise du congé parental entraîne souvent une perte de revenu pour la famille et que le parent qui gagne le revenu principal de la famille n'est en mesure d'exercer son droit au congé parental que si ce dernier est suffisamment bien rémunéré pour permettre un niveau de vie décent ». L'expiration du délai de transposition de cette disposition de l'article 8 par les États membres est fixée au 2 août 2024.

Dans sa contribution écrite aux rapporteurs, l'Unaf fait valoir qu'un effort de transposition est encore nécessaire en France dans la mesure où l'indemnisation est fixée à un niveau trop faible et ne facilite donc pas la prise du congé par les deux parents. De même, dans sa contribution écrite, Force ouvrière juge que le droit national n'est pas conforme à la directive européenne sur ce point. Interrogée par les rapporteurs, la direction de la sécurité sociale estime que la PreParE est conforme aux dispositions de la directive européenne du 20 juin 2019 considérant que « le congé parental est solvabilisé par la PreParE puisque cette prestation aide financièrement les parents qui interrompent ou réduisent leur activité. Chacun des parents peut en bénéficier ».

3. L'accompagnement professionnel à renforcer en sortie de prestation

L'article L. 531-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit que Pôle emploi et les caisses d'allocations familiales concluent une convention qui définit les conditions dans lesquelles les allocataires de la PreParE sans emploi à l'entrée dans le dispositif bénéficient de la prestation d'aide à retour à l'emploi avant la fin de versement de la PreParE.

Une convention tripartite entre l'État, Pôle emploi et la Cnaf a en effet été signée le 11 avril 2014 afin de confier aux Caf la mission de repérer les allocataires, à douze mois de la fin de versement de leur prestation, qui sont sans emploi à l'entrée dans la PreParE. Les bénéficiaires sont alors informés par courrier de l'accompagnement dont ils peuvent disposer de droit par Pôle emploi et de l'accès aux formations. L'Igas dresse un bilan très défavorable de ce dispositif en 2019 : seules 275 familles auraient participé à des réunions d'information pour 4 000 familles contactées70(*). Pourtant, une étude de la Cnaf précitée rend compte de la situation professionnelle des bénéficiaires de la PreParE sortant du dispositif en 2018 et ayant au moins deux enfants à charge : 36 % d'entre eux étaient sans emploi avant de recevoir la prestation à taux plein et 43 % demeurent sans activité professionnelle à la fin de l'indemnisation71(*).

S'agissant des formations mobilisables, les bénéficiaires inactifs de la PreParE, qui ont nécessairement travaillé pour être éligibles à la prestation, peuvent mobiliser les crédits inscrits sur leur compte personnel de formation (CPF). Ils peuvent également avoir recours aux dispositifs de formation ouverts aux demandeurs d'emplois, six mois avant la fin de leur droit, avec le statut de stagiaire de la formation professionnelle.

La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle72(*) a renforcé le droit à la formation des bénéficiaires de la PreParE en prévoyant que « les parties à la convention s'assurent de l'accès des bénéficiaires de la prestation à des actions de formation pendant une période de deux ans, qui débute un an avant l'expiration de leurs droits à la prestation ». Elle prévoit également que la convention fixe les modalités de suivi du dispositif notamment par la publication du taux de bénéficiaires occupant un emploi six mois après la fin de la formation. La loi du 24 décembre 2021 impose donc la signature de nouvelles conventions par les Caf et les organismes Pôle emploi.

Les rapporteurs ne peuvent qu'encourager à la mise en oeuvre de ces dispositions, qui demeurent encore aujourd'hui peu connues des bénéficiaires. Les rapporteurs encouragent les parties à actualiser les conventions qui les lient dans les meilleurs délais et à les mettre en oeuvre pour assurer l'effectivité du droit à la formation professionnelle des bénéficiaires de la PreParE.

 Le droit en vigueur ne permet toutefois pas à un bénéficiaire sans emploi qui reprendrait une formation professionnelle rémunérée, à temps partiel, de continuer à bénéficier de la PreParE à taux plein. L'article R. 531-4 du code de la sécurité sociale prévoit que le bénéficiaire reçoit une PreParE à taux réduit à compter du premier jour du mois civil au cours duquel la formation professionnelle a commencé. Le montant versé dépend de la quotité de formation professionnelle. Cet impossibilité de cumuler, y compris dans les derniers mois d'indemnisation, la prestation à taux plein et le statut de stagiaire d'une formation rémunérée décourage les parents à se former pour préparer leur reprise d'activité. L'Igas propose ainsi d'autoriser le cumul d'une PreParE à temps plein et de revenus d'une formation professionnelle73(*). Les rapporteurs s'associent à cette recommandation s'agissant de l'accès des bénéficiaires à une formation à temps partiel.

Proposition n° 6 : Assurer l'effectivité du droit à une formation professionnelle aux bénéficiaires de la PreParE en fin d'indemnisation, en particulier pour les bénéficiaires sans emploi (Pôle emploi, Cnaf).

Proposition n° 7 : Permettre aux bénéficiaires sans emploi qui accèdent à une formation professionnelle rémunérée à temps partiel de cumuler leur rémunération et la PreParE à taux plein.

B. À TERME, LE DISPOSITIF POURRAIT ÉVOLUER VERS UN CONGÉ PLUS COURT, PLUS SIMPLE ET MIEUX RÉMUNÉRÉ

1. Le scénario retenu par la mission d'information

Compte tenu du bilan de la PreParE, et de son inadéquation au regard des attentes des familles, il apparaît indispensable de revoir à terme l'architecture même de la prestation. Les auteurs de ce présent rapport ont pris connaissance des nombreuses propositions de réformes d'ampleur qui ont été versées au débat public. Ils constatent que le modèle d'un congé parental plus court et mieux rémunéré a fait florès, bien qu'il puisse encore se décliner sous des formes très diverses de durée et de montant.

Sans prétendre à l'exhaustivité, le tableau ci-dessous synthétise les propositions de réforme qui ont émergé depuis quelques années. Le Haut Conseil se singularise en préconisant plusieurs scénarios dans lesquels les parents disposeraient d'un droit d'option entre une prestation courte mais bien rémunérée et une prestation plus longue, notamment jusqu'à la scolarisation, offrant un plus faible montant.

Tableau synthétisant les propositions de différents rapports institutionnels quant à une réforme de la PreParE

Mission ou rapport

Teneur de la proposition

HCFEA (2019)

Les parents choisiraient entre une PreParE aménagée (versement long mais faiblement rémunéré) et une prestation plus courte et mieux rémunérée avec deux scénarios :

- montant de la PreParE majorée jusqu'au 1er anniversaire de l'enfant ;

- rémunération par des indemnités journalières (IJ) pour 4 mois à taux plein, 8 mois pour un temps partiel à mi-temps et 20 mois pour un temps partiel à 80 %.

IGAS (2019)

Instaurer une prestation rémunérée par des IJ (plafonnement à 1,8 Smic) versée pendant 8 mois à temps plein (2 mois non transférables attribués à chaque parent et 4 mois à répartir au sein du couple), 16 mois à mi-temps et 40 mois à 80 %.

Commission des
1000 premiers jours (2020)

Mettre en place un congé parental de 9 mois partageable entre les deux parents, indemnisé à 75 % du revenu antérieur.

Rapport de Julien Damon
et Christel Heydemann (2021)

Instaurer une prestation d'une durée de 6 à 12 mois mieux rémunérée (jusqu'au niveau des indemnités journalières).

Cour des comptes (2022)

Réfléchir à une PreParE recentrée sur la première année de l'enfant et mieux rémunérée, avec une possibilité de modulation selon les revenus des bénéficiaires.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Les rapporteurs souscrivent au principe d'une réforme plus large qui supprimerait toute possibilité de congé long indemnisé, considérant qu'un congé de plus d'un an éloigne les bénéficiaires du marché du travail. Le congé parental d'éducation, pouvant s'étendre jusqu'à trois années, resterait bien entendu possible en droit du travail mais n'aurait plus vocation à être doublé, au-delà de la première année, d'un financement par la branche famille. La prestation serait également mieux rémunérée afin de la rendre attractive et ainsi de favoriser la présence parentale jusqu'au premier anniversaire de l'enfant. Les rapporteurs proposent la mise en place d'une indemnisation des congés parentaux à hauteur des indemnités journalières (IJ) pour une durée décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois transférables au sein du couple.

 Attachés à la liberté de choix du mode de garde des parents, les rapporteurs estiment que le modèle scandinave, dans lequel la dépense publique ne finance quasiment aucun mode de garde pour les enfants de moins d'un an, n'est pas adapté à la situation française. C'est pourquoi, la solution d'une indemnisation courte à hauteur des IJ permettrait de rendre beaucoup plus attractive la prestation, sans faire du congé parental la solution unique de garde des très jeunes enfants.

a) Une rémunération attractive pour favoriser la présence des parents dans les tout premiers mois de l'enfant

 Proposée par des rapports institutionnels, la solution d'un congé plus court et mieux rémunéré est également apparue comme une voie consensuelle lors des auditions conduites dans le cadre de cette mission d'information. Les organisations représentatives des salariés, entendues en audition, le mouvement des entreprises de France (Medef) et l'Unaf y sont favorables. En revanche, le niveau d'indemnisation préconisé varie d'une rémunération à hauteur des indemnités journalières à une proportionnalité égale à 75 %, 80 % voire 100 % du salaire antérieur.

Les rapporteurs estiment qu'une indemnisation par des indemnités journalières sur le modèle des congés maternité ou paternité - ce qui représente un taux de remplacement de l'ordre de 60 % du dernier salaire net - s'avère une revalorisation significative. Le coût de la réforme proposée par les rapporteurs, trop dépendant des comportements des parents, ne peut être évalué en l'état ; si la prestation retrouve son attractivité comme anticipé, il pourrait toutefois dépasser le milliard d'euros74(*). Un niveau de remplacement plus élevé représenterait, en tout état de cause, un coût budgétaire excessif.

L'indemnisation par les indemnités journalières

Au titre de l'assurance maternité75(*), le montant de l'indemnité journalière est calculé en déterminant le salaire journalier de base du bénéficiaire obtenu par la somme des trois derniers salaires bruts perçus avant la date d'interruption du travail, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, divisé par un coefficient de 91,25. Pour l'année 2023, le montant de l'indemnité journalière versée ne peut être inférieur à 10,24 euros par jour et est plafonné à 95,22 euros. Sur cette somme, l'Assurance maladie applique une déduction forfaitaire de 21 % de contributions sociales avant versement. Le montant perçu correspond à environ 60 % du salaire antérieur net.

Une évolution de la PreParE sur ce modèle ne pourrait être législativement décidée sans anticipation suffisante de son entrée en vigueur. La Cnaf indique ainsi aux rapporteurs que « la branche famille de la sécurité sociale ne verse à ce stade aucune prestation proportionnelle au salaire du bénéficiaire ». Une telle réforme demanderait une évolution de son système d'information, alors que des chantiers « déjà très ambitieux avec notamment la solidarité à la source et le service public de la petite enfance » sont en cours de négociation dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG). L'Assurance maladie pourrait aussi être amenée à verser la prestation, compte tenu des compétences des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) dans le versement des congés maternité et paternité, seulement financés par la branche famille76(*).

 Rendre ainsi plus avantageux le congé parental répond aux aspirations des familles, telles que les enquêtes d'opinion peuvent le mettre en lumière. Selon les études de la Cnaf, une importante majorité de parents (87 %) estiment préférable qu'un des parents assure la garde jusqu'aux six mois de l'enfant - et en particulier, dans 61 % des cas, la mère. La garde par un parent reste encore souhaitée par 45 % des familles pour les enfants âgés de 6 à 12 mois (voir le graphique ci-après).

Mode d'accueil perçu par les familles comme le plus adapté selon l'âge
de l'enfant (ensemble des familles ayant un enfant âgé de six mois à un an)

Source : TMO - enquête baromètre petite enfance, octobre-novembre 202177(*).

Cette préférence pour une présence parentale est étayée par la littérature scientifique : c'est au cours de la première année que les parents peuvent devenir des figures d'attachement sûres et solides pour leur enfant. Le rapport de la commission des 1 000 premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik, rappelle ainsi que « les relations précoces parents-enfants et la présence des parents pendant les premiers mois de la vie ont une incidence positive, durable et déterminante sur la santé et le développement des enfants. Il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu'ils construisent avec leur bébé les relations harmonieuses et les contextes favorables aux apprentissages clés des 1000 premiers jours. C'est en disposant de ce temps qu'ils pourront soutenir l'établissement d'un lien d'attachement sécure (sic) chez leur enfant et accompagner au mieux chaque étape de son développement cognitif »78(*).

b) Une durée de versement réduite pour ne pas inciter à un éloignement prolongé du marché du travail tout en répondant aux attentes des parents

 La direction de la sécurité sociale a mis en exergue auprès des rapporteurs la dualité d'effet du congé parental. Garantie légale qui permet aux femmes de garder un attachement à l'emploi et une certitude de reprise de poste, il induit des effets négatifs sur l'emploi de ses bénéficiaires dès lors que sa durée devient trop longue - ce point de basculement se situerait entre 6 et 24 mois selon la DSS - en dépréciant leurs compétences et leur employabilité.

 La durée d'un an retenue dans le scénario des rapporteurs aurait comme avantage de ne pas éloigner trop longtemps les bénéficiaires, notamment les mères, d'une activité professionnelle. Elle se décomposerait en deux périodes de quatre mois, chacune attribuée en propre à un parent, et une troisième période de quatre mois transférable librement au sein du couple, selon la répartition préférée (voir schéma infra). Si les parents font usage de l'entièreté de leurs droits, le dispositif permettrait à un couple de bénéficier de douze mois d'indemnisation, auquel s'ajouteraient les congés maternité postnataux (10 semaines ou 18 semaines pour les mères de 3 enfants) et paternité (25 jours).

 Une incitation au partage de la prestation au sein des couples, sous la forme d'une période perdue de quatre mois en cas de non-recours par le second parent, est ainsi maintenue tout en écartant une répartition strictement égalitaire des congés parentaux (6 mois / 6 mois). Cette solution couplée à une rémunération avantageuse permettrait d'inciter à un partage des responsabilités parentales, sans toutefois restreindre excessivement la durée d'indemnisation si un seul des deux parents recourt à la prestation. En effet, la voie préconisée permet d'atteindre le premier anniversaire de l'enfant, y compris si un des parents ne fait pas usage de sa période attribuée, grâce aux congés maternité postnatal et paternité. Il restera primordial que des actions de communication ciblant les parents et, en particulier les hommes, soient mises en place pour éviter la perpétuation des stéréotypes de genre dans le recours à la prestation.

Schéma des congés familiaux proposé par la mission d'information
dans le cas de la naissance d'un enfant de rang 1 ou 279(*)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

 Le dispositif serait plus simple en cessant d'être modulé selon le nombre d'enfants à charge. La durée d'indemnisation serait donc plus courte pour les familles de deux enfants ou plus que dans la PreParE actuelle. Mais ce raccourcissement serait compensé par l'avantage accordé à la naissance du premier enfant, les conditions de rémunération étant réunies pour que les deux parents s'engagent dans le congé parental. Enfin, les rapporteurs estiment que la durée de l'indemnisation pourrait être allongée si la prestation était versée à taux réduit en raison d'une activité maintenue à temps partiel.

Proposition n° 8 : À terme, instaurer une indemnisation des congés parentaux à hauteur des indemnités journalières (IJ) pour une durée décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois transférables au sein du couple.

2. Une solution qui exige un effort important sur les autres modes de garde

 Les rapporteurs ont pleinement conscience qu'une réforme de la PreParE ne peut s'inscrire que dans une réflexion plus globale sur l'accueil collectif et individuel du jeune enfant et sur les choix de politique familiale. Ainsi qu'il a été dit plus en amont, les congés parentaux et les autres modes de garde entretiennent des liens étroits. Une réforme affectant un mode de garde ne peut être conduite sans prendre en compte ses effets de bord. Une réduction de la durée d'indemnisation de la PreParE aura nécessairement une incidence sur le besoin et l'offre d'accueil collectif et individuel du jeune enfant.

 En l'état des dispositifs actuels, il existe déjà, selon l'Igas, une « déconnexion persistante entre l'offre et la demande de modes de garde formelle qui peut jouer sur la décision d'interrompre l'activité »80(*). Les estimations de la Cnaf  du décalage entre le mode d'accueil souhaité et le mode effectivement utilisé laisseraient entendre que certains parents gardent eux-mêmes leurs enfants faute de places en crèche (voir graphique infra). C'est pourquoi, tant la mission Igas que le HCFEA, en 2019, construisaient leurs scénarios de réforme de la prestation dans un contexte plus large de modification ambitieuse de la politique d'accueil du jeune enfant, qui malheureusement n'a, jusqu'à présent, pas eu lieu.

Graphique présentant les modes de gardes souhaités
et utilisés par les parents

Source : TMO - enquête baromètre petite enfance, octobre-novembre 2021

 Dans le cas de la réforme d'ampleur proposée par les rapporteurs, la réduction des besoins d'accueil d'enfants de 0 à 1 an, en raison de l'attractivité retrouvée du congé parental, s'accompagnerait d'une demande supplémentaire d'accueil pour les enfants de plus d'un an jusqu'à leur scolarisation. Il est clair que l'état du secteur de la petite enfance ne permet pas de satisfaire la condition préalable d'une telle évolution de la PreParE : celle d'une offre fournie et accessible en modes de garde formels. Non seulement l'objectif de création de 30 000 places en crèches n'a pas été atteint sous la précédente législature81(*), mais, selon le REPSS 202382(*), la capacité théorique de places dans les modes d'accueil formels a même légèrement décru de 2014 à 2020. En outre, le secteur et les familles doivent subir une pénurie de professionnels de la petite enfance réduisant encore davantage l'offre effective de place en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE). Selon le comité de filière « petite enfance », 21,6 équivalents temps plein (ETP) sont manquants pour 1 000 places en EAJE83(*). Une étude de la Cnaf de 2022 pointe, à la date du 1er avril 2022, que 8 908 postes auprès d'enfants sont déclarés durablement vacants ou non remplacés84(*).

Les rapporteurs prennent certes acte des annonces du Gouvernement, dans le cadre du service public de la petite enfance, de la création de 200 000 places de crèches d'ici 2030 et de la résorption de la pénurie de professionnels de la petite enfance. De même que les objectifs de la COG (2018-2022) ont paru inatteignables très rapidement, la crédibilité de ces annonces pourra être appréciée très vite, selon les dispositions concrètes prises pour bâtir une offre ambitieuse d'accueil du jeune enfant.

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 21 juin 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport d'information de M. Olivier Henno et Mme Annie Le Houerou, rapporteurs, sur la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE).

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre la communication d'Olivier Henno et Annie Le Houerou faisant suite à la mission d'information qu'ils ont conduite au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur la prestation partagée d'éducation de l'enfant, la PreParE. Je vous rappelle que les travaux de nos collègues s'inscrivent dans le programme des contrôles de la Mecss pour la session 2022-2023, dont le bureau de la commission a pris acte à la fin de l'année dernière.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Nous remercions tout d'abord le président René-Paul Savary de nous avoir confié la rédaction de ce rapport. Je remercie également Annie Le Houerou ; nous n'étions pas d'accord sur tout, mais nous avons su dépasser nos désaccords et même nous en enrichir.

La prestation partagée d'éducation de l'enfant, ou PreParE, indemnise les parents qui interrompent partiellement ou totalement leur emploi pour s'occuper de leur enfant de moins de 3 ans. Depuis sa naissance en 2014, à travers la transformation du complément de libre choix d'activité (CLCA), cette prestation a fait l'objet de nombreux rapports institutionnels : Conseil de la famille, inspection générale des affaires sociales, Commission des 1 000 premiers jours, Cour des comptes... Pourquoi dès lors se saisir une nouvelle fois du sujet dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) ? Tous ces rapports ont dressé un bilan peu élogieux de la prestation telle qu'elle fonctionne actuellement et, pourtant, jamais le législateur n'a été saisi d'un projet de réforme. Elle a visiblement été oubliée, jusqu'à présent, par le Gouvernement. Il fallait donc bien que notre commission se saisisse du sujet et dessine des perspectives pour les congés parentaux.

Permettez-moi de rappeler brièvement les paramètres de cette prestation, qui ne doit pas être confondue avec le congé parental d'éducation. Ce dernier permet au salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise de suspendre son contrat de travail pendant une durée maximale d'un an, renouvelable trois fois, pour élever un enfant de moins de 3 ans.

La branche famille de la sécurité sociale accorde par ailleurs une prestation aux parents d'enfants de moins de 3 ans à temps partiel ou cessant totalement leur activité. Ni les durées de versement ni les conditions d'octroi, plus restrictives, de la PreParE ne sont alignées sur celles du congé parental. De 8 % à 17 % des bénéficiaires d'un congé parental d'éducation ne perçoivent donc pas la PreParE.

Le montant de la prestation dépend de la quotité d'activité professionnelle : 430 euros pour une interruption totale de travail, 278 euros pour un temps de travail inférieur ou égal à un mi-temps et 160 euros pour un temps de travail entre 50 % et 80 %.

Les durées de versement ont évolué avec la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, l'ambition étant de réduire l'éloignement des femmes de l'emploi et d'inciter au partage du congé parental au sein du couple. En instaurant la PreParE en lieu et place du complément de libre choix d'activité (CLCA), la réforme de 2014 a ainsi pénalisé les familles dont le second parent ne recourait pas à la PreParE. Pour les familles ayant un seul enfant, la durée du congé indemnisé a été étendue de six mois à un an, sous réserve que six mois soient pris par le second parent. Pour les familles de deux enfants ou plus, la durée maximale de versement de la prestation au même parent est limitée à deux années contre trois ans sous le régime du CLCA. Les trois années ne peuvent être atteintes que si chaque parent recourt à la prestation.

La PreParE a perdu 54 % de ses bénéficiaires entre 2014 et 2021. Cette tendance à la baisse préexistait certes à l'instauration de la PreParE mais la réforme de 2014 a amplifié le désintérêt des familles pour la prestation. La réforme a, au contraire, provoqué un report vers les autres modes de garde formels - crèches, assistantes maternelles, garde à domicile - mais aussi vers de modes de garde informels - famille, voisins.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette chute de bénéficiaires. Premièrement, le partage - pourtant espéré - entre parents de la prestation ne s'est pas produit, comme vous le verrez. Dès lors, 88 % des bénéficiaires de la PreParE sortent du dispositif après les 2 ans de l'enfant.

Deuxièmement, certaines mères attachées à la continuité du mode de garde ont préféré renoncer complètement à la prestation.

Troisièmement, d'autres mères se sont détournées d'un dispositif qui ne permettait pas une indemnisation suffisante de leur interruption d'activité : en 2023, cette prestation ne représente qu'un tiers du Smic.

En conséquence, en 2022, les dépenses annuelles liées à la PreParE pour la branche famille étaient inférieures de 1,2 milliard d'euros par rapport à 2014, soit une chute de 61 %. Un report sur les dépenses liées aux autres modes de garde a certainement été induit en partie.

Le premier objectif de la réforme de 2014, consistant à mieux répartir les responsabilités parentales au sein du couple, n'a donc pas été une grande réussite. Le nombre de pères bénéficiaires a décru, passant de 19 000 en 2014 à 15 000 en 2020. Seules 2,5 % des familles bénéficiaires partagent la prestation. L'absence d'engagement des pères tient en grande partie au faible montant de la prestation, qui ne parvient pas à déjouer les arbitrages économiques défavorables aux femmes au sein des ménages : dans 67 % des cas, le bénéficiaire de la PreParE percevait un revenu d'activité inférieur à celui de son conjoint ou de sa conjointe. En outre, des stéréotypes de genre peuvent encore expliquer le renoncement des hommes au bénéfice de la prestation.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. - En revanche, le second objectif, consistant à inciter les mères à garder un lien avec l'emploi, est plus satisfait. Une étude récente publiée par France Stratégie et le Conseil de la famille montre que la réduction de la durée d'indemnisation du congé parental a augmenté la probabilité pour les mères non seulement de reprendre une activité professionnelle lors de la troisième année mais encore d'être en emploi trois ans après la sortie de la prestation. Autrement dit, la réforme de 2014 a agi positivement sur l'emploi des femmes à moyen terme. Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) étayent ce résultat : la proportion de mères de jeunes enfants ayant déjà travaillé occupant un emploi à temps complet est plus élevée de neuf points de pourcentage en 2018 qu'en 2014.

De même, le revenu des mères a globalement augmenté grâce à la reprise précoce d'un emploi mais aussi, il faut le dire, à un glissement de certaines d'entre elles vers le chômage. La réforme a en effet eu des effets disparates selon les profils socio-économiques des bénéficiaires et la Drees signale ainsi que « les mères les plus exposées à la pauvreté ne travaillent pas plus souvent à temps complet en 2018 qu'en 2014 ».

Sans atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés, la réforme de 2014 a tout de même eu des effets plus nuancés que ce que les tout premiers rapports d'évaluation ont pu laisser entendre. Il n'en demeure pas moins que les voies d'amélioration de la PreParE sont nombreuses. En nous appuyant sur les propositions qui ont été versées au débat depuis quelques années, nous recommandons de réformer la prestation en deux temps. La première réforme est paramétrique et devrait être engagée sans plus attendre. La seconde, plus structurelle, devra nécessairement être entreprise lors d'une réflexion globale sur les modes d'accueil de la petite enfance.

La PreParE est une prestation complexe, peu lisible pour les familles et verrouillée à de nombreux égards. Nombre de ses règles ne nous semblent plus aller de soi et nécessiteraient d'être assouplies, voire, pour certaines, supprimées.

Seuls les parents ayant cotisé huit trimestres au cours d'une période de référence variant selon le nombre d'enfants sont éligibles à l'allocation. Or les périodes de formation professionnelle rémunérée et les périodes de chômage ne sont présumées satisfaire cette condition d'activité antérieure que pour les parents de plus de deux enfants. Nous proposons d'étendre cette reconnaissance aux parents d'un seul enfant.

En outre, ces conditions d'activité antérieure pour l'octroi de la prestation sont exigées y compris lorsque la prestation est accordée à taux partiel et que les parents maintiennent, par définition, une activité professionnelle. Nous estimons que cette situation ne se justifie pas et qu'il convient de supprimer toute condition d'éligibilité pour la prestation à taux réduit. Cet assouplissement est d'autant plus cohérent que le temps partiel est bien moins pénalisant pour l'emploi des parents. À la sortie d'une PreParE à taux partiel, 90 % des parents exercent une activité professionnelle contre seulement 57 % des parents ayant opté pour une PreParE à temps plein.

À cette même fin - ne pas décourager l'activité partielle -, nous souhaitons déplafonner le montant reçu de PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel. Aujourd'hui, la somme perçue par le couple ne peut être supérieure au montant à taux plein de la PreParE, soit 430 euros, ce qui représente une perte de 126 euros pour deux parents à mi-temps. Nous proposons également de revoir les quotités maximales d'activité professionnelle pour être éligible à la prestation. En l'état, deux parents réduisant chacun de 10 % leur activité ne peuvent recevoir une prestation à taux réduit.

J'en viens maintenant au défaut principal de la prestation sous sa forme actuelle : le trop faible niveau de son montant assure un remplacement insuffisant des revenus d'activité des parents. L'indemnisation, aujourd'hui fixée à 430 euros, a diminué de 38 % depuis 1994 par rapport aux salaires... Afin de redonner aux familles une réelle liberté de choix du mode de garde, d'inciter les pères à recourir à la prestation et d'éviter la paupérisation des bénéficiaires, nous proposons de revaloriser le montant de la PreParE de 41 % pour le porter à 607 euros, soit le montant du revenu de solidarité active (RSA). À comportement constant des familles, les dépenses de PreParE majorées de 41 % représenteraient un coût annuel de 300 millions d'euros pour la branche famille.

À terme, nous jugeons nécessaire de remplacer le principe d'une indemnisation forfaitaire par une logique de prestation proportionnelle au revenu, mais cette réforme, complexe à mener pour les caisses d'allocations familiales, ne peut se faire dans l'immédiat.

Enfin, nous pensons que les efforts sur la formation professionnelle des bénéficiaires de la prestation doivent être accentués. Pour cela, il convient de rendre effectives les dispositions de la loi du 24 décembre 2021 permettant aux allocataires sans emploi de bénéficier d'une formation débutant un an avant l'extinction de leur droit à la PreParE. De même, il convient de lever l'obstacle juridique qui interdit aux bénéficiaires de la PreParE qui souhaiteraient préparer leur reprise d'emploi de cumuler une formation professionnelle rémunérée avec une PreParE à taux plein.

Voilà, mes chers collègues, les quelques axes d'amélioration qui, pour celles qui relèvent du domaine de la loi, pourraient nous être soumis dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

À plus long terme, nous pensons qu'une réforme d'ampleur est indispensable. Celle-ci pourrait suivre le modèle qui semble aujourd'hui faire consensus. Il ressort des nombreux rapports institutionnels qui nous ont précédés, mais aussi de nos auditions, que la formule d'un congé plus court mais mieux rémunéré présente de nombreux avantages.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Dans le scénario de réforme que nous proposons, l'indemnisation des congés parentaux aurait une durée d'une année, quel que soit le nombre d'enfants à charge. Cette durée se composerait de quatre mois non transférables, attribués à chaque parent, et de quatre mois à répartir librement au sein du couple. Cette solution maintiendrait une incitation à partager la prestation entre les deux parents sans restreindre excessivement la durée de versement si un seul parent en bénéficie.

En effet, cumulé aux congés maternité et paternité, le congé parental indemnisé permettrait, dans tous les cas, d'atteindre le premier anniversaire de l'enfant. Or favoriser la garde parentale la première année est conforme tant aux préconisations scientifiques, qui insistent sur l'intérêt de la présence des parents dans les tout premiers mois de l'enfant, qu'aux aspirations des familles. Au moins 45 % d'entre elles trouvent préférable qu'un parent garde l'enfant jusqu'à ses 12 mois.

Notre scénario de réforme aurait pour objectif de redonner aux familles une réelle liberté de choix du mode de garde. Pour ce faire, il convient d'améliorer l'indemnisation du congé pour que les parents n'y renoncent pas en raison d'arbitrages économiques. La prestation serait ainsi rémunérée par des indemnités journalières permettant d'assurer un taux de remplacement équivalent à 60 % du salaire antérieur net, dans la limite du plafond de la sécurité sociale.

Enfin, la réduction de deux ans à huit mois de la durée de prestation au titre d'un seul parent permettrait de réduire l'éloignement à l'emploi et l'effet de la parentalité sur les carrières.

Le coût de cette réforme dépend du comportement des familles mais il serait, de toute évidence, assez important. Comme la prestation regagnerait en attractivité, il est tout à fait possible que les dépenses liées à la PreParE retrouvent un niveau équivalent aux années antérieures à 2014 et se traduisent par une hausse de plus de 1 milliard d'euros par rapport aux dépenses de 2022.

Toutefois, cette réforme ne serait pas sans incidence sur les autres modes de garde : elle réduirait la demande pour les accueils d'enfants de moins de 1 an mais s'accompagnerait d'un besoin supplémentaire pour l'accueil des enfants, de leur premier anniversaire jusqu'à leur scolarisation. Il convient donc qu'une offre fournie en modes de garde formels soit accessible aux parents : cette condition préalable n'est pas aujourd'hui satisfaite par le secteur de la petite enfance. L'objectif de création de 30 000 places en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) n'a pas été atteint sous la précédente législature. La capacité théorique dans les modes d'accueil formels a même décru de 2014 à 2020 et la pénurie de professionnels vient réduire encore davantage l'offre disponible.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. - Mes chers collègues, notre rapport propose donc des pistes concrètes d'amélioration d'une prestation laissée en pilotage automatique depuis neuf ans. En identifiant les défaillances du dispositif actuel, à commencer par un montant dérisoire, nous pouvons réformer une allocation pour réellement répondre aux besoins des familles. Nous verrons si le Gouvernement, dans le cadre du service public de la petite enfance, saura entendre nos recommandations.

Nous vous remercions pour votre attention.

Mme Catherine Procaccia. - Je vous remercie de votre travail. J'ai participé à ces débats en 2014 ; les intentions étaient positives mais je n'y croyais pas. J'avais l'impression très nette qu'il s'agissait, en premier lieu, de faire des économies. Aussi, quand vous évoquez les montants qui ne sont plus alloués, je comprends que c'était bien la politique familiale qui était en cause.

Votre proposition de réduire à un an la durée du congé tout en proposant une meilleure indemnisation est difficile à appliquer, surtout en milieu urbain dense où, pour l'enfant âgé de 1 an, il n'y a plus de mode de garde disponible, que ce soit en crèche ou chez une assistante maternelle.

Le Val-de-Marne est l'un des rares départements à avoir ses propres crèches ; il en compte 80 mais il ne parvient pas à les remplir faute de personnel. La loi ne résoudra pas ce problème. Il s'agit surtout de rendre les métiers de la petite enfance plus attractifs. Merci donc pour ce travail : il est très bon sur le fond, mais il conforte mes inquiétudes sur ce sujet.

Mme Michelle Meunier. - Ce travail permettra de compléter utilement ce qui est en préparation pour le service public de la petite enfance. En 2014, j'étais la rapporteure de ce projet et j'entendais déjà les réticences concernant les faibles taux d'indemnisation par rapport aux salaires.

Réduire le congé à un an ne me paraît pas judicieux du point de vue du bien-être de l'enfant, parce que c'est l'âge auquel il a développé un attachement très fort à sa mère, à son père, au parent qui lui donne du soin.

Je pense qu'il faut reprendre ce travail de conciliation entre la vie personnelle et la vie familiale ; il faut redonner de l'espérance aux couples qui souhaitent avoir des enfants : cela passe par une revalorisation des aides accordées et par l'accompagnement.

Mme Pascale Gruny. - Votre travail est important, notamment parce que vous avez pensé, d'une part, aux femmes et à la manière de préserver l'emploi, via la formation, et, d'autre part, à l'indemnisation, qui est ridicule et n'offre pas de réel choix dans la mesure où ce sont les femmes qui s'arrêtent le plus souvent puisque leur rémunération est inférieure à celle de leur conjoint. Je souligne également que l'article 10 du projet de loi pour le plein emploi ne révolutionne pas les choses. Les plans Crèches qui se succèdent sont toujours aussi peu efficaces et les assistantes maternelles, indispensables dans les communes rurales, perçoivent des rémunérations trop faibles...

Mme Colette Mélot. - En effet, les crèches peinent à recruter : 49 % des structures manquent de bras, il manque 10 000 agents et l'on estime que 120 000 assistantes maternelles partiront à la retraite en 2030. Si rien n'est fait, nous serons dans une situation compliquée. Les conditions de travail sont dures et les jeunes ne sont plus intéressés par les métiers de la petite enfance : espérons que le nouveau service public de la petite enfance prendra ce problème à bras-le-corps, parce que les parents ont besoin de crèche, notamment dans les villes.

M. René-Paul Savary. - Quand vous parlez d'un congé d'un an, voulez-vous dire un an par enfant ? En effet, cela favorise l'allaitement qui, s'il a lieu sur le temps long, est bénéfique au développement de l'enfant. À cet égard, cette prestation est vraiment importante.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il faudrait que les entreprises se montrent plus tolérantes pour que les femmes souhaitant allaiter après la reprise du travail puissent le faire.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Monsieur Savary, à chaque naissance, il y a effectivement une recharge des droits.

Les auditions que nous avons menées nous ont permis d'identifier un besoin de souplesse et nous avons cherché à y répondre, d'où cette proposition d'un congé mieux rémunéré, même plus court. Dans l'idéal, il faudrait donc réfléchir à la proportionnalité de l'indemnisation au regard du salaire si l'on voulait vraiment résoudre la question des inégalités de traitement entre les hommes et les femmes ; cela nous emmènerait vers des questions budgétaires plus lourdes et donc une réforme plus globale.

C'est vrai, la question du mode de garde d'un enfant se pose pendant trois ans ; c'est donc une source de stress pour les couples qui envisagent de fonder une famille. C'est d'autant plus stressant que s'arrêter pour s'occuper d'un enfant représente un sacrifice pour sa carrière. Sur ce point, notre pays présente un retard par rapport aux pays scandinaves et le monde professionnel doit encore évoluer.

Il est vrai aussi que les métiers de la petite enfance attirent moins. À cela s'ajoute la difficulté pour les communes et leurs élus de mener des projets d'ouvertures de crèches publiques, en raison des coûts d'investissement et de fonctionnement.

Mme Jocelyne Guidez. - Pour moi, ce n'est pas l'investissement qui pose le plus problème mais les charges de fonctionnement qui pèsent lourdement dans les budgets des communes dans un contexte financier difficile pour elles.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. - Le premier objectif de la PreParE et de sa réforme était un meilleur partage de la responsabilité parentale entre les pères et les mères. On constatait, par ailleurs, que les mères enchaînaient plusieurs congés parentaux indemnisés et se retrouvaient très éloignées de l'emploi dix ans après la naissance de leur premier enfant. Le deuxième objectif était donc de faciliter leur retour vers l'emploi. Un troisième objectif était la maîtrise des dépenses publiques dans le contexte des finances publiques dont nous nous souvenons tous. L'absence de partage de la PreparE au sein des ménages et d'engagement des pères
- du fait de plusieurs facteurs dont le faible montant de la prestation - a conduit la branche famille à réaliser des économies plus élevées qu'attendues.

Les prestations familiales doivent pouvoir inciter à ce meilleur partage de la parentalité, de la même manière que la loi a permis d'instaurer la parité parmi les élus. Je trouve la comparaison intéressante : sans intervention législative, nous n'aurions pas amélioré la parité en politique. Par ailleurs, pour faire bouger la société, il faut mieux communiquer auprès des pères. L'objectif non tenu de partage des responsabilités au sein des familles est en effet le premier échec de la PreParE.

Les mesures concernant la PreParE ne doivent pas faire oublier les enjeux d'une vraie politique d'accueil du petit enfant, en matière d'investissement, de fonctionnement et d'attractivité des métiers. Rappelons qu'aujourd'hui des crèches ferment, faute de personnel ; l'enjeu est donc moins de créer des places pour les enfants que de recruter des personnes pour s'en occuper.

Enfin, la clé reste l'égalité femme-homme : le couple fait son calcul, et tant que l'égalité salariale n'aura pas été atteinte, le partage de la parentalité telle que nous la souhaitons n'aura pas lieu.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

___________

Auditions

· Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA)

Hélène Périvier, présidente

· Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)

Nicolas Grivel, directeur général

Damien Ranger-Martinez, directeur en charge des relations avec le Parlement et les élus

· Union nationale des associations familiales (Unaf)

Jean-Philippe Vallat, directeur des politiques et actions familiales et des études

Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

· Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Bruno Lamy, secrétaire confédéral en charge de la politique familiale

Christophe Blanco, mandaté CFDT au CA de la Cnaf, président de la commission d'administration générale et de la qualité de service

· Confédération générale du travail (CGT)

Alexis Jeamet, conseiller confédéral

Joël Raffard, conseiller confédéral

· Confédération Force ouvrière (FO)

Jacques Rimeize, administrateur national et chef de file Cnaf

Léo Lasnier, assistant confédéral en charge de la branche famille

· Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Philippe Baux, délégué national protection sociale

Louis Delbos, chargé d'études économie et protection sociale

· Association des maires de France (AMF)

Claude Favra, 1ère adjointe au maire de Montrouge

Sarah Reilly, conseillère petite enfance

Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

· Mouvement des entreprises de France (Medef)

France Henry-Labordère, directrice générale adjointe et responsable du pôle social

Nathalie Buet, directrice de la protection sociale

Adrien Chouguiat, directeur de mission au pôle affaires publiques

· Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Christian Gelis, mandataire social CPME, vice-président du conseil d'administration de la Cnaf

Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice

Anouk Canet, cheffe de bureau

Noémie Aubertin, chargée de mission prestation d'accueil du jeune enfant et accueil individuel

· Inspection générale des affaires sociales (Igas)

Geneviève Auzel, inspectrice en chef de santé publique

Erik Rance, inspecteur général des affaires sociales

Frédéric Remay, inspecteur général des affaires sociales, directeur du cabinet et des territoires à l'ARS Grand Est

· Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

Grégory Verdugo, chercheur

Contributions écrites

· Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

· Assemblée des départements de France (ADF)

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

_______

Recommandations

Acteurs concernés

Support

1

Assimiler les périodes de chômage ou de formation professionnelle à une activité professionnelle pour les parents d'un seul enfant.

Gouvernement

Texte réglementaire

2

Supprimer la condition d'activité antérieure pour la PreParE à taux partiel.

Gouvernement,
Parlement

Textes législatif et réglementaire

3

Modifier la quotité maximale d'activité partielle éligible à la prestation afin de donner plus de souplesse d'organisation aux parents.

Gouvernement

Texte réglementaire

4

Déplafonner le montant de la PreParE lorsque les deux parents travaillent à temps partiel.

Gouvernement

Texte réglementaire

5

Revaloriser le montant de la PreParE à taux plein pour le porter au niveau du montant du revenu de solidarité active (RSA).

Gouvernement,
Parlement

Textes législatif et réglementaire

6

Assurer l'effectivité du droit à une formation professionnelle aux bénéficiaires de la PreParE en fin d'indemnisation, en particulier pour les bénéficiaires sans emploi.

Gouvernement,
Pôle emploi, Cnaf

Convention tripartite

7

Permettre aux bénéficiaires sans emploi qui accèdent à une formation professionnelle rémunérée à temps partiel de cumuler leur rémunération et la PreParE à taux plein.

Gouvernement,
Parlement

Textes législatif et réglementaire

8

À terme, instaurer une indemnisation des congés parentaux à hauteur des indemnités journalières (IJ) pour une durée décomposée en quatre mois non transférables attribués à chaque parent et quatre mois transférables au sein du couple.

Gouvernement,
Parlement

Textes législatif et réglementaire


* 1 HCFEA, Voies de réforme des congés parentaux dans une stratégie globale d'accueil de la petite enfance, rapport adopté par le Conseil de la famille le 13 février 2019.

* 2 Igas, Mission d'évaluation du congé parental d'éducation et de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), avril 2019.

* 3 Commission des 1 000 premiers jours, Les 1000 premiers jours : là où tout commence, septembre 2020.

* 4 Julien Damon, Christel Heydemann, Renforcer le modèle français de conciliation entre vie des enfants, vie des parents et vie des entreprises, rapport remis au Gouvernement en septembre 2021.

* 5 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2022.

* 6 Article L. 1225-47 du code du travail.

* 7 Article L. 515-1 du code général de la fonction publique.

* 8 Loi du 4 janvier 1985 relative aux mesures en faveur des jeunes familles et des familles nombreuses.

* 9 Loi du 25 juillet 1994 relative à la famille.

* 10 Loi n° 2014-873.

* 11 Article R. 531-2 du code de la sécurité sociale.

* 12 Article L. 1225-47 du code du travail.

* 13 Issues d'une exploitation par la Drees des données de l'Insee datant de 2015, cité par l'Igas (rapport précité, p. 19).

* 14 Igas, Rapport précité (2019), p. 22.

* 15 En application du VI des articles L. 531-4 et D. 531-16 du code de la sécurité sociale.

* 16 Rapport précité (2019), p. 22.

* 17 Insee, cité par le rapport précité (2022) de la Cour des comptes, p. 280.

* 18 H. Périvier, G. Verdugo (OFCE, Sciences Po), « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », Policy brief, 88, 6 avril 2021.

* 19 Article D. 531-4 du code de la sécurité sociale.

* 20 Instruction relative à la revalorisation au 1er avril 2023 des prestations familiales servies en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et dans le département de Mayotte

* 21 Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

* 22 Article 37 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 23 Le CLCA, combiné avec l'allocation de base, assurait un montant minimal de 575 euros à taux plein, 437 euros pour une activité inférieure à un mi-temps et 330 euros pour un temps de travail entre 50 % et 80 %.

* 24 CLCA + AB ou CLCA majoré soit un montant de 572,81 euros.

* 25 Prévue par l'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 pour la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999.

* 26 HCFEA, Rapport précité (2019), p. 208.

* 27 Seule l'allocation journalière de présence parentale, depuis 2022, ne suit plus la revalorisation de la BMAF. Tel sera également le cas du complément libre choix du mode de garde, à compter de 2025.

* 28 Article 89 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 29 Article 104 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

* 30 Article 68 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 31 Repss Famille, édition 2023, p. 50.

* 32 Igas, rapport précité (2019), p. 42.

* 33 D'après le rapport précité du HCFEA (2019), p. 156.

* 34 M. Narcy, F. Sari, « Quel est l'effet d'une réduction de la durée d'indemnisation du congé parental sur l'activité des mères ? Une évaluation de la réforme de 2015 », Presses de Sciences Po, Revue économique - vol. 72, n° 2, mars 2021, p. 185-213.

* 35 Ibid., p. 205.

* 36 Cnaf - enquête EMBLEME, cité par le HCFEA, rapport précité (2019), p. 35.

* 37 HCFEA, rapport précité (2019), p. 126.

* 38 Igas, rapport précité (2019), p. 43.

* 39 Drees, « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : Profils et évolutions après la réforme de 2014 », Les dossiers de la Drees, n° 91, janvier 2022.

* 40 Étude d'impact, p. 27.

* 41 Drees, Études et résultats n° 1257, février 2023.

* 42 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, L'impact de la PreParE sur l'activité, les revenus et les modes de garde, 17 avril 2023.

* 43 Compte tenu de l'impossibilité pour l'accueil en crèche d'expliquer le différentiel entre le taux d'emploi des femmes qui augmente cette troisième année (voir partie I. D.) et la hausse moindre du recours au CMG.

* 44 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, rapport précité, p. 114.

* 45 Igas, rapport précité (2019), p. 49.

* 46 L'avis n° 794 (2012-2013), déposé le 23 juillet 2013, de Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat, recommandait en revanche à la prudence en soulignant, à juste titre, que « la réforme allemande [n'était] pas exactement de même nature que celle proposée ici ».

* 47 Statistisches Bundesamt, communiqué de presse, n° 141, 31 mars 2022.

* 48  D'après l'Observatoire national de la petite enfance (Onape), L'accueil du jeune enfant en 2020, édition 2021, p. 69.

* 49 H. Périvier, G. Verdugo (OFCE, Sciences Po), « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », Policy brief, 88, 6 avril 2021.

* 50 D'après l'Onape, rapport précité, p. 71.

* 51 H. Périvier, G. Verdugo, p. 10.

* 52 HCFEA, rapport précité (2019), p. 159.

* 53 Igas, rapport précité (2019), p. 44.

* 54 Il convient de rappeler que le taux d'emploi global de la population s'est accru durant ces années.

* 55 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, rapport précité (2023), p. 129.

* 56 Drees, « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : Profils et évolutions après la réforme de 2014 », Les dossiers de la Drees, n° 91, janvier 2022.

* 57 H. Périvier, G. Verdugo, article précité, p. 12.

* 58 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, p. 97.

* 59 Ibid., p. 101.

* 60 Article R. 531-2 du code de la sécurité sociale.

* 61 Décret n°2003-1394 du 31 décembre 2003.

* 62 Rapport de M. Alain Vasselle au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, Tome V, 12 novembre 2003.

* 63 Citée par le HCFEA, rapport précité (2019), p. 113.

* 64 C. Laporte (Cnaf), « Les sortants de la Prepare : retour à l'emploi et mode de conciliation familiale », L'e-ssentiel, n° 186, 2019.

* 65 Julien Damon, Christel Heydemann, Renforcer le modèle français de conciliation entre vie des enfants, vie des parents et vie des entreprises, septembre 2021, p. 42.

* 66 Dernier alinéa du II de l'article D. 531-4 du code de la sécurité sociale.

* 67 Onape, Rapport précité (2021), p. 69.

* 68 Cette estimation a été réalisée avec des données de 2019. Depuis, le nombre de bénéficiaires a chuté mais la prestation a été revalorisée.

* 69 Directive (UE) 2019/1158 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2019 concernant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.

* 70 Igas, rapport précité (2019), p. 46.

* 71 Laporte C. (Cnaf), « Les sortants de la PreParE : retour à l'emploi et mode de conciliation familiale », L'e-ssentiel, n° 186, 2019.

* 72 Article 4 de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021.

* 73 Igas, rapport précité (2019), p. 74.

* 74 Le coût net d'une solution d'indemnisation à hauteur des IJ pendant 4 mois pour chaque parent était estimé à 577 millions d'euros (sur les données de 2017) par l'Igas.

* 75 Art. R. 331-5 du code de la sécurité sociale.

* 76 S'agissant du seul congé maternité postnatal.

* 77 D. Boyer et A. Crépin (Cnaf), « Baromètre de l'accueil du jeune enfant 2021 », L'e-ssentiel, n° 209, 2022.

* 78 Commission des 1 000 premiers jours, rapport précité (2020), p. 96.

* 79 Pour les naissances simples de rang 1 et 2, dix semaines de congé maternité postnatal sont accordées.

* 80 Igas, rapport précité (2019), p. 55.

* 81 Selon le Repss Famille 2023, cet objectif n'est satisfait qu'à environ 50 % à fin 2022 en termes de places créées (p. 10).

* 82 Repss Famille 2023, p. 35.

* 83 Comité de filière « petite enfance », document de la réunion plénière du cycle 4, 11 mai 2023.

* 84 Cnaf, Note à l'attention des membres du comité « petite enfance » quant à la restitution des résultats de l'enquête nationale « pénurie de professionnels en établissements d'accueil du jeune enfant », 11 juillet 2022.