B. UN COÛT ALÉATOIRE DES DISPOSITIFS AGRÉGÉS CONDUISANT À UN MANQUE DE PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE

1. Le coût globalement plus resserré de la Convention citoyenne sur la fin de vie relativement à celle sur le climat
a) Un coût plus maîtrisé malgré des prestations d'animation représentant encore un tiers du budget

Selon les informations transmises par le CESE au rapporteur spécial en avril 2023, les dépenses pour la convention citoyenne sur la fin de vie se sont élevées à 4,7 millions d'euros, soit 20,3 % de moins que celles de la convention citoyenne pour le climat, de l'ordre de 5,9 millions d'euros.

Ce différentiel de 1,2 million d'euros peut notamment s'expliquer par une baisse du montant des prestations versées aux cabinets de conseil, de l'ordre de - 0,71 million d'euros, soit quasiment 34 % de moins que pour la convention citoyenne pour le climat.

Budget des deux conventions citoyennes organisées par le CESE
par poste de dépenses

(en euros)

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le CESE

Le début d'internalisation des compétences, par l'intégration de cinq agents du CESE dans le collectif d'animation à chaque session de la convention, a permis d'économiser 0,3 million d'euros sur un total d'économies de 0,71 million d'euros. La maîtrise des dépenses d'animation issue d'une internalisation des compétences peut toutefois être légèrement relativisée.

Tout d'abord, la baisse des différents postes de dépenses s'explique par le fait que le calendrier de la convention citoyenne sur la fin de vie a été tenu sur cinq mois, contrairement à celui de la convention citoyenne pour le climat, dont le calendrier avait été bouleversé par la crise sanitaire.

Ensuite, les dépenses d'animation allouées à la société Eurogroup Consulting et ses trois sous-traitants ainsi que les facilitateurs graphiques représentent toujours le même ratio de l'ordre de 30 % du budget total que pour la convention citoyenne pour le climat. Pour cette dernière, ces dépenses représentaient 2,1 millions d'euros pour un budget total de 5,9 millions d'euros, soit 35 %. Pour celle sur la fin de vie, ces dépenses s'élèvent à 1,4 million d'euros pour un montant total de 4,7 millions d'euros, soit 30 %.

Répartition de la rémunération entre les prestataires
en charge de l'animation de la CCFV

(en millions d'euros)

Eurogroup Consulting

Planète Citoyenne

Stratéact Dialogue

EZALEN

Graphistes

TOTAL

0,54

0,24

0,24

0,24

0,14

1,40

Source : Eurogroup Consulting

La rémunération des différents cabinets de conseil assurant l'animation de la convention citoyenne sur la fin de vie a été définie en fonction de leur contribution à l'équipe coeur tout au long de la convention et au nombre de facilitateurs mobilisés par structure. Par ailleurs, la société Eurogroup Consulting a appliqué des frais de gestion de l'ordre de 3,5 % sur la rémunération effective de ses sous-traitants.

Il convient de relever que la rémunération des prestataires extérieurs constitue aussi une part importante du coût des consultations en ligne. En 2022 par exemple, pour les avis sur les métiers de la cohésion sociale et sur la sobriété, 70 % des dépenses ont été destinées au paiement de la plateforme et à l'animation de la journée délibérative.

Au niveau local, la rémunération des prestataires extérieurs en charge de l'animation représente également une majeure partie du budget. À titre d'exemple, pour la convention citoyenne pour le climat de la métropole Grenoble-Alpes, ce poste de dépense équivaut à 50 % du budget.

La convention citoyenne pour le climat de la métropole Grenoble-Alpes67(*)

Par une décision du 29 janvier 2021, le conseil métropolitain a décidé du lancement d'une convention citoyenne pour le climat à l'échelle de la métropole, en se basant notamment sur le plan climat Air Énergie métropolitain pour 2020-2030.

Le coût de cette convention a été de l'ordre de 0,5 million d'euros sur le budget de fonctionnement de la métropole, qui s'élève à 600 millions d'euros. Le tirage au sort des 150 citoyens a été réalisé par la société COHDA, pour un montant de l'ordre de 40 000 euros. L'animation des citoyens a été confiée à la société Res Publica pour 212 000 euros. 30 agents de la métropole volontaires ont aussi appuyé l'équipe de Res publica et ont reçu une formation méthodologique à cet effet.

Budget de la convention citoyenne métropolitaine pour les années 2021, 2022 et 2023 par poste de dépense

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la métropole Grenoble-Alpes

Un comité opérationnel, composé de dix universitaires, nommés intuitu personae par la métropole, a été chargé de diriger les travaux de la convention. Deux citoyens tirés au sort parmi les volontaires ont été intégrés à ce comité avec voix délibérative. Afin d'assurer l'indépendance des travaux de la convention, un conseiller méthodologique a été nommé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Sur sa proposition, le président de la métropole a nommé un collège de trois garants pour s'assurer du respect des principes d'impartialité et de sincérité pendant le déroulé des cinq sessions les week-ends de mars à octobre 2022.

Les 246 propositions des citoyens ont été présentées en conseil métropolitain extraordinaire le 28 avril 2023. Les propositions complexes ou suscitant un débat important au sein du conseil métropolitain ont vocation à faire l'objet d'une votation citoyenne sous forme d'avis consultatif.

b) Des gains annulés par une hausse des frais de prise en charge des citoyens

Les économies issues des prestations d'animation ont été quasiment toutes annulées par la hausse des frais de prise en charge des citoyens pour cette convention citoyenne sur la fin de vie. Les frais de restauration, d'hébergement et de transport des 185 citoyens se sont élevés à 1,5 million d'euros, ce qui représente une hausse de 0,68 million par rapport à la convention citoyenne pour le climat. Ainsi, 32 % du budget total a été attribué aux frais de prise en charge des citoyens.

Outre le nombre de citoyens légèrement plus important, cette augmentation s'explique principalement par l'absence de négociation possible des prix du transport et de l'hébergement des citoyens pour cette convention citoyenne. En effet, pour la convention citoyenne pour le climat, la société nationale des chemins de fer français (SNCF), en raison du sujet de la convention en lien avec son activité, avait accepté de prendre en charge le prix des billets à hauteur de 75 %. Par ailleurs, le logement des citoyens dans la capitale est plus coûteux le week-end, et d'autant plus lorsque les sessions de la convention se superposent avec d'autres évènements organisés à Paris.

S'agissant des autres postes de dépenses, ils ont été globalement moins élevés que pour la convention citoyenne pour le climat, à raison de la durée moins longue de la convention citoyenne sur la fin de vie. Excepté la prise en charge des citoyens, le seul poste de dépenses qui a connu une légère augmentation de 71 000 euros est le tirage au sort des citoyens. Il y a eu en effet plus de citoyens tirés au sort et plus de refus selon le CESE, ce qui explique cette hausse.

Si les coûts ont été plus maîtrisés que pour la dernière convention citoyenne, force est de constater toutefois que les dépenses ont été plus élevées qu'anticipées et dépassent déjà la somme de 4,2 millions d'euros allouée à tous les dispositifs de participation citoyenne au CESE pour l'année 2023.

2. Un coût de la participation citoyenne atteignant déjà les crédits alloués en loi de finances initiale en 2023
a) Des dispositifs plus coûteux que prévus de nature à nuire à la sincérité budgétaire

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 15 janvier 2021, le coût de la participation citoyenne a toujours fait l'objet d'une évaluation difficile pour le CESE, de nature à nuire à la sincérité budgétaire.

Dans un premier temps, le CESE a mis du temps à se saisir de tous les dispositifs de participation citoyenne, si bien que les crédits débloqués par le Gouvernement68(*) n'étaient pas consommés. Sur les années précédentes, les crédits n'ont été que partiellement utilisés. En 2020 par exemple, sur ces 4,2 millions d'euros, seul un million aura été utilisé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat. Les 3 millions restants n'ont été que partiellement dégelés. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a par conséquent procédé à l'annulation d'une partie de ces crédits, à hauteur de 2,5 millions d'euros.

Aujourd'hui, la tendance tend à s'inverser dès lors qu'au mois de juin 2023, le CESE a déjà dépensé l'ensemble des crédits alloués à tous les dispositifs de participation citoyenne en loi de finances initiale en 2023. Le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie dépasse à lui seul l'enveloppe de 4,2 millions dédiée à tous les dispositifs.

Le CESE avait prévu une enveloppe de 3,05 millions d'euros pour la convention citoyenne sur la fin de vie avant les préconisations du comité de gouvernance et les premiers entretiens avec les prestataires. C'est finalement ce poste de dépenses qui a connu la plus forte variation, avec un coût supérieur à 70 % de plus qu'anticipé.

Différentiel des postes de dépenses de la CCFV entre les prévisions
et leur exécution au 1er mars 2023

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations communiquées par le Conseil économique, social et environnemental

En incluant le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, le CESE a dépensé, au 1er mai 2023, 5,1 millions d'euros pour tous les dispositifs de participation citoyenne69(*) mis en place.

Pour le reste de l'année 2023, le CESE a communiqué au rapporteur spécial ses prévisions de dépenses, estimées, au 1er juin 2023, à 0,52 million d'euros :

- 320 000 euros sont prévus pour les saisines dites « participatives » (200 000 euros pour le thème du financement de la perte d'autonomie, 20 000 euros pour l'avenir de l'élevage, 40 000 euros pour l'école de la réussite et 60 000 euros pour l'éducation à la sexualité) ;

- 35 000 euros devraient être consacrés aux partenariats (20 000 euros alloués dans le cadre des Rencontres européennes de la participation citoyenne et 15 000 euros dans le cadre du lancement de la revue « Démocratie(s) » de l'institut de la concertation et de la participation citoyenne) ;

- 15 000 euros seront dédiés à la formation des 40 personnes volontaires au CESE pour devenir animateurs ;

- 150 000 euros sont envisagés au titre de la redevabilité de la convention citoyenne sur la fin de vie. Ce budget sera dédié aux frais liés au portage de l'avis par les citoyens, avec notamment les frais de transport et d'hébergement des citoyens dans le cadre des différents rendez-vous institutionnels et la session de redevabilité visant à faire le point sur les suites données aux recommandations de la convention citoyenne sur la fin de vie.

Par ailleurs, la mise en place de la plateforme des pétitions, développée par Open Source Politics, s'élève à 85 000 euros en phase de création initiale70(*).

Au total, si ces dépenses sont exécutées, le CESE aura dépensé 5,7 millions d'euros pour les dispositifs de participation citoyenne en 2023, soit 36 % de plus que l'enveloppe initiale de 4,2 millions d'euros. Par ailleurs, le CESE anticipe de dépenser 0,52 million d'euros de plus pour le reste de l'année, et ce, alors même qu'au 1er juin 2023, le budget total dédié à la participation citoyenne a déjà été dépassé de presque un million d'euros.

Ce dépassement anticipé de l'enveloppe initiale de l'ordre de 1,5 million d'euros peut être de nature à nuire au principe de sincérité budgétaire.

b) Une demande de six millions d'euros par an pour financer la participation citoyenne en décalage avec l'objectif d'organisation d'une convention citoyenne tous les 18 mois

Partant du constat que le budget de 4,2 millions d'euros n'a même pas suffi à couvrir le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, le CESE a engagé en janvier 2023 des négociations avec la direction du budget pour obtenir dès le prochain projet de loi de finances un montant annuel de 6 millions d'euros pour la participation citoyenne. Cette somme permettrait au CESE d'absorber les coûts des conventions citoyennes, qui seront nécessairement à cheval sur deux exercices budgétaires.

Au 1er juin 2023, le CESE n'a pas eu de retour concernant cette demande de hausse du budget. Il lui a toutefois été indiqué lors de la conférence technique en mai dernier que le montant des crédits alloués dépendra des annonces présidentielles sur les nouvelles conventions citoyennes organisées par le CESE.

Cette situation appelle deux remarques de la part du rapporteur spécial.

En premier lieu, si une convention citoyenne est organisée tous les 14 à 18 mois, le rapporteur spécial doute de la nécessité pour le CESE d'obtenir un budget de 6 millions d'euros par an pour tous les dispositifs de participation citoyenne. En effet, des crédits seront nécessairement annulés l'année « creuse » de la convention citoyenne.

En second lieu, le rapporteur spécial attire l'attention de nouveau sur le potentiel inflationniste du budget dédié à la participation citoyenne, qui ne saurait augmenter de 1,5 million d'euros par an. Les dépenses doivent être dès lors contenues pour pallier cette trajectoire exponentielle.


* 67 Selon les réponses écrites de la métropole de Grenoble-Alpes transmises au rapporteur spécial.

* 68 Le CESE gère désormais en propre l'enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne.

* 69 Pour rappel, le CESE a dépensé 0,41 million d'euros hors convention citoyenne.

* 70 Le forfait annuel pour les trois prochaines années sera de 40 000 euros par an pour la maintenance technique, l'hébergement et l'assistance technique aux utilisateurs.