B. ÉCHANGE DE VUES (MERCREDI 10 MAI 2023)

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Trois mois après le début de notre mission d'information, il est temps de procéder entre nous à un échange de vues sur les principales orientations du rapport qui vous sera soumis dans les derniers jours de juin.

Je vais tout d'abord vous présenter rapidement le bilan de nos travaux, sur les plans statistique et méthodologique. Puis notre rapporteure, Nadège Havet, vous exposera les quelques axes de recommandations issus des auditions et déplacements auxquels nous avons procédé à un rythme soutenu depuis le début de février.

Au cours de 8 auditions en réunion plénière, dont 5 tables rondes, nous avons reçu quelque 48 personnes - représentants d'associations d'élus, professionnels (architectes, paysagistes, entreprises du bâtiment), hauts fonctionnaires, experts et universitaires, représentants des organismes contribuant à l'accompagnement des collectivités territoriales (ADEME, CEREMA, agences locales de l'énergie-climat - ALEC, conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement - CAUE...).

Lors de 14 réunions au format rapporteur, plus de 35 personnes ont été entendues (hauts fonctionnaires, recteurs (de Mayotte et de la Guadeloupe), représentants des syndicats d'enseignants et de chefs d'établissements, d'associations de parents d'élèves, chercheurs, représentants de la Caisse des dépôts-Banque des territoires...).

Je tiens à souligner les séquences particulièrement intéressantes qui ont réuni à nos côtés des collègues issues d'autres structures du Sénat :

- avec la délégation aux outre-mer, nous avons rencontré à distance les recteurs des académies de Mayotte et de Guadeloupe, un élu de la région Guadeloupe ainsi que des représentants du Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (CIRBAT) et du CAUE de La Réunion ;

- le groupe d'études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France » nous a permis de prendre connaissance de l'expérience de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger et de la Mission laïque française.

Le 13 avril, nous avons bénéficié de l'expertise des 14 experts réunis à la préfecture de Nancy, auxquels s'ajoutent les maires, architectes et élus rencontrés lors des deux visites d'écoles qui ont complété ce programme.

Il faut ajouter à tous ces interlocuteurs les quelque 1 379 élus qui nous ont adressé des témoignages de grande qualité via la consultation que nous avons mise en ligne à la fin du mois de mars, et qui est close depuis le 28 avril. Ces témoignages et suggestions feront l'objet d'une synthèse qui, annexée à notre rapport, enrichira considérablement celui-ci et complètera utilement les trois tables rondes dédiées aux associations d'élus.

Depuis le mois d'avril, nous avons commencé un cycle de déplacements qui nous a conduits en Meurthe-et-Moselle, puis à Courbevoie. Nous partons tout à l'heure dans le Finistère où nous attend une nouvelle fois un riche programme d'échanges et de visites de terrain. D'autres déplacements sont prévus, à Marseille les 24 et 25 mai, puis le 5 juin dans le Vaucluse.

Je donne la parole à Nadège Havet pour nous faire part des premiers constats et recommandations auxquels elle est parvenue à ce stade de nos travaux.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Avant de vous présenter les principales orientations du rapport, je voudrais rappeler que la transition écologique des bâtiments scolaires s'inscrit dans la thématique globale de l'adaptation des bâtiments tertiaires aux enjeux climatiques et énergétiques actuels.

Au sein de cette thématique, la spécificité de la transition écologique des bâtiments scolaires tient à cinq facteurs.

Tout d'abord, l'importance centrale des écoles, collèges et lycées dans la vie des collectivités : « l'école est le poumon du village », nous dit joliment l'un des élus ayant répondu à notre consultation en ligne.

Ensuite, le temps qu'y passent nos millions d'élèves, pendant le temps scolaire mais aussi périscolaire, voire pour certains pendant les vacances scolaires.

Troisième facteur : l'intérêt pédagogique que présente l'exemplarité de nos écoles, collèges et lycées en matière de transition écologique, afin de contribuer à former à l'éco-responsabilité les citoyens de demain.

Quatrième facteur : l'attractivité qu'exercent aujourd'hui les bâtiments scolaires répondant à des normes environnementales exigeantes. L'audition des responsables de l'enseignement français à l'étranger nous l'a montré à l'échelle internationale ; les maires qui ont construit des écoles aux normes environnementales les plus modernes nous l'ont confirmé à l'échelle locale.

Dernière spécificité : si la transition écologique des bâtiments scolaires est rendue obligatoire par des normes européennes et par notre cadre juridique national, c'est une politique publique décentralisée, et son succès dépend en tout premier lieu de l'engagement des collectivités concernées et de leur capacité à financer et mettre en oeuvre ces mesures de transition énergétique. Sa réussite dépend ensuite bien entendu de l'implication des usagers des écoles, collèges et lycées (enseignants, chefs d'établissement, élèves et parents d'élèves) dont le comportement commande l'efficacité des mesures de transition énergétique prises et financées par les collectivités.

Hier, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, a d'ailleurs présenté son plan de rénovation énergétique des écoles avec l'objectif de mobiliser tous les acteurs aux côtés des communes afin de relever ce défi titanesque.

Je vais vous présenter maintenant les premiers résultats de la consultation des élus locaux sur la plate-forme du Sénat, qui a permis de rassembler en un mois un peu plus de 1 300 témoignages, principalement d'élus de l'échelon municipal et plus particulièrement de maires.

Ces témoignages confirment ce que nous avons entendu en audition, ce qui est bon signe !

L'importance centrale de l'école dans la vie des communes est confirmée par cette consultation, même si l'on note quelques interrogations sur la pertinence du maintien d'une école dans chaque commune.

Les constats sont unanimes et sans surprise : les collectivités font face à une explosion des dépenses d'énergie qui mettent à mal leurs budgets. Paradoxalement, cette charge accrue contraindrait même certains maires à reporter des investissements de rénovation énergétique qui avaient été programmés...

Si l'on met de côté les quelques descriptions (d'ailleurs enthousiastes) de bâtiments récents, construits aux normes BBC où les dépenses énergétiques sont très optimisées, l'état des bâtiments est régulièrement qualifié de « vétuste » : les termes de « passoires thermiques », de « gouffres énergétiques » et de « gouffres financiers » reviennent régulièrement.

Je rappelle que la plupart des élus locaux ayant répondu à ce questionnaire sont des maires, qui peuvent ne pas avoir les services dédiés pour prendre en charge cette problématique et peuvent se sentir démunis face à l'ampleur du défi à relever.

Dans ce contexte, l'intérêt pour la rénovation énergétique semble largement partagé. Les élus n'ont pas attendu les échéances fixées par le décret tertiaire pour prendre des initiatives en la matière. Parmi les travaux déjà effectués reviennent souvent l'isolation, les changements d'huisserie et de vitrage, l'installation de pompes à chaleur ou de nouvelles chaudières, parfois assorties d'un système de contrôle à distance...

Les préoccupations suscitées par les vagues de chaleur sont largement partagées également et des initiatives concernant la végétalisation des espaces extérieurs sont souvent mentionnées, de même que l'intérêt des élus pour les « cours oasis ». Toutefois dans les territoires où le réchauffement ne semble pas à l'ordre du jour, comme le notent des élus bretons, normands ou montagnards, ces aménagements ne sont pas une priorité.

Un certain nombre de témoignages reviennent sur des difficultés de compréhension entre élus et communauté pédagogique. Les usagers des bâtiments scolaires seraient parfois éloignés des préoccupations financières des élus. Ce point démontre combien il est compliqué d'optimiser la consommation énergétique des écoles, collèges et lycées, puisque l'efficacité des mesures d'économie dépend du comportement des usagers.

De nombreuses réponses portent sur les obstacles auxquels se heurtent les élus pour mener à bien leurs projets de rénovation ou de construction neuve.

Ces difficultés sont plus particulièrement ressenties par les communes dont les services techniques sont moins développés, et qui sont moins bien outillées pour répondre aux appels à projets que supposent désormais la plupart des demandes de subventions. Sur ce point les départements, les régions et les métropoles se trouvent dans une situation plus favorable.

Les freins aux travaux exprimés sur la plate-forme de consultation sont sans surprise :

- tout d'abord leur coût, considéré comme « hors de portée » des petites communes (de fait, le rapport présentera divers scénarios de coût au mètre carré en fonction de la nature des travaux réalisés ; les opérations ciblées de rénovation thermique coûtent environ 550 à 1 000 euros par mètre carré ; il faut compter entre 2 800 et 3 200 euros par mètre carré pour une construction neuve, mais nous avons connaissance de chantiers plus coûteux : 3 700 euros par mètre carré). Encore ces estimations ne comprennent-elles pas la végétalisation des espaces extérieurs rendue souhaitable par les vagues de chaleur, et qui s'ajoute à ces devis ;

- les contraintes liées au calendrier scolaire ;

- la faiblesse des moyens en matière d'ingénierie, plus particulièrement dans les petites communes, et le prix des études préalables qui s'ajoutent à celui du chantier ;

- les incertitudes sur d'éventuelles fermetures de classes ou d'écoles ;

- le poids des normes, qui parfois se juxtaposent (qualité de l'air et isolation, par exemple), voire dans certains cas se contredisent (je pense notamment à la difficulté de poser des panneaux solaires dans les zones sous contrôle de l'architecte des bâtiments de France (ABF), régulièrement mentionnée). Les variations fréquentes auxquelles sont sujettes les normes sont une complication supplémentaire ;

- et enfin une certaine défiance à l'égard des professionnels - entreprises du bâtiment, bureaux d'études ou architectes - dont les prestations peuvent dans certains cas ne pas être à la hauteur des attentes des collectivités.

Les témoignages concernant l'accompagnement des collectivités dans leurs projets de rénovation ou de construction soulèvent le problème de la diversité de structures et organismes susceptibles d'assurer cet accompagnement.

Même si nous avons reçu des témoignages positifs sur les articulations mises en place dans certains territoires et sur le rôle des autres collectivités (départements, intercommunalités et régions) ainsi que de structures telles que les agences locales de l'énergie et du climat (ALEC), les agences départementales de l'énergie ou les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), certains élus déclarent pourtant se sentir « isolés » face à cette diversité d'acteurs et avoir du mal à trouver le bon interlocuteur : ils appellent à clarifier le rôle de chacun.

Certains élus ironisent d'ailleurs sur le contraste entre la diversité des structures d'accompagnement et l'insuffisance des financements : « des conseils et des préconisations à foison, des aides pas vraiment ».

On note aussi des appréciations différentes du rôle de l'État : certains revendiquent des préfectures ou sous-préfectures « mieux équipées » pour accompagner les collectivités, d'autres se prononcent en faveur de « bureaux d'études privés, efficaces et performants »

La complexité des démarches à entreprendre pour obtenir des subventions est régulièrement déplorée, illustrée par les termes d'« usine à gaz » ou de « parcours du combattant ».

Les aides sont critiquées :

- pour leur insuffisance par rapport au prix des travaux, ce qui confirme ce que nous ont dit les associations d'élus ;

- pour des critères d'attribution jugés peu clairs, ainsi les critères d'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du Fonds vert sont jugés « interchangeables », en dépit de différences sensibles dans les démarches à effectuer ;

- pour les difficultés liées aux appels à projets, dont la temporalité est en outre régulièrement critiquée ;

- et enfin pour les incertitudes sur le montant des subventions. Ce constat rejoint les remarques que nous ont faites les associations d'élus, qui demandent plus de visibilité pour mieux anticiper et appellent à une attribution des subventions dans une logique pluriannuelle.

En effet, ces incertitudes sur l'attribution des aides et sur leur montant contraint les collectivités à procéder par « petits pas » alors qu'une approche globale serait plus rationnelle et probablement moins coûteuse à long terme.

Par ailleurs, quelques réponses s'interrogent sur les effets pervers de ces aides, qui favorisent les « mauvais élèves de la transition écologique » : leurs critères d'attribution pénalisent en effet les collectivités qui ont déjà pris des mesures de rénovation énergétique et qui de ce fait, peinent à satisfaire l'objectif de 30 % d'économie conditionnant leur éligibilité à ces subventions.

J'en viens à quelques orientations qui pourraient donner lieu à des recommandations.

Je pense tout d'abord à l'information des élus, qui doit impérativement être améliorée. De nombreux acteurs, dans les territoires, peuvent accompagner nos collectivités dans la conduite de leurs projets. Certains territoires offrent des exemples d'organisation et de coordination réussie ; la consultation que nous avons menée le confirme.

Toutefois cette diversité n'est pas partout un gage d'efficacité :

- ainsi l'auteur du rapport Demarcq avait renoncé à établir un inventaire de tous les guides censés aider les collectivités dans la mise en oeuvre de leurs projets,

- l'information des élus municipaux semble perfectible dans ce domaine, comme cela a été relevé lors de notre déplacement à Nancy.

Des séances de formation pourraient être proposées, avec le soutien des associations d'élus, de manière à aider les collectivités, et plus particulièrement les petites communes, à identifier un interlocuteur susceptible d'accompagner leurs projets.

Nous pourrions aussi inviter tous les acteurs contribuant à accompagner les collectivités (ALEC, agences départementales de l'énergie, ADEME, CEREMA...) à mettre en commun leurs ressources pour créer un centre de documentation et d'information coordonnée et fusionnée sur la rénovation des bâtiments scolaires.

Les guides publiés par la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale devraient y figurer. Bien qu'ils soient diversement appréciés par les associations d'élus, ils n'en constituent pas moins des sources d'information utiles et gagneraient à être mieux diffusés auprès des élus municipaux.

Un deuxième axe de recommandations pourrait avoir pour objectif le partage des bonnes pratiques et des erreurs à éviter lorsqu'une collectivité conduit un projet de rénovation ou de construction de bâtiment scolaire.

Une base de données pourrait être mise en place pour que les collectivités mettent en commun leurs retours d'expérience. À quel type d'acteur confier la création et le suivi de cet outil ? Ce point reste posé.

Nos établissements français à l'étranger mériteraient de figurer en bonne place dans cette base de données, au chapitre des bonnes pratiques en matière de lutte contre les fortes chaleurs. Les associations d'élus que nous avons auditionnées ont d'ailleurs exprimé beaucoup d'intérêt pour ces exemples.

Un troisième axe pourrait concerner l'accès aux subventions.

Tous nos interlocuteurs demandent de manière unanime la création d'un guichet simplifié : la mission d'information pourrait recommander la mise en place d'un point d'entrée unique dans les demandes de subventions, permettant la mise en contact des collectivités avec leurs financeurs potentiels.

Une autre amélioration consisterait à rapprocher le calendrier des dépôts de candidature aux aides de l'État et le calendrier des aides régionales : les préfectures et les régions pourraient travailler ensemble à cette mise en cohérence des calendriers.

Enfin, nous devons appeler à assurer la prévisibilité du montant des aides.

Une proposition de simplification a été faite lors de la table ronde du 6 avril, consistant à établir le montant des aides sur une base forfaitaire (une somme donnée par mètre carré, qui varierait selon le niveau de performance énergétique prévu : moins 30%, moins 40% ou moins 50%).

Cette formule me semble mériter d'être débattue, tout en sachant que la capacité contributive de chaque commune devrait aussi être nécessairement prise en compte, comme nous l'avons noté avec notre président, Jean-Marie Mizzon. Cela pourrait être une autre porte d'entrée.

Par ailleurs, nous devons essayer de trouver une solution pour sécuriser les décisions des élus et limiter l'aléa que représente la menace de fermeture de classe ou d'école qui contraignent fortement la mise en oeuvre de travaux de rénovation.

Lors de notre déplacement à Nancy, la présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) du département a relevé l'amélioration qu'a constituée l'association du directeur académique des services de l'éducation nationale à l'étude des dossiers concernant le bâti scolaire candidats à la DETR, assurant une meilleure cohérence entre les projets des maires et les éventuelles perspectives de fermeture de classes ou d'écoles.

Le ministre de l'Éducation nationale a annoncé mi-avril devant le Sénat son Plan ruralité, qui inclut une réflexion sur une meilleure prévisibilité sur les fermetures de classes en milieu rural. Je pense que nous devons avoir un échange à ce sujet. Je m'interroge notamment pour savoir si un délai de trois ans suffit pour sécuriser des travaux dont la rentabilité s'étend sur de nombreuses années.

Enfin, l'ampleur des travaux de rénovation énergétique à entreprendre au cours des années à venir, tant dans le parc public que dans le parc privé, impose la définition d'une stratégie globale de rénovation du bâti scolaire à l'échelle du pays, afin de prioriser les travaux, par exemple en fonction de la période de construction des bâtiments, comme le suggérait l'Ordre des architectes, et de coordonner ceux-ci avec les autres rénovations à programmer en dehors du parc scolaire.

Une telle organisation présenterait l'avantage de permettre aux entreprises de s'organiser et de limiter les difficultés liées à leur disponibilité. Cette proposition nous a d'ailleurs été suggérée, à Nancy, par le représentant de la Fédération française du bâtiment (FFB).

Cette stratégie, que nous devrions recommander, concrétiserait un engagement affirmé de l'État en faveur de la rénovation du bâti scolaire. Elle devrait aller de pair avec un financement assurant une meilleure visibilité des subventions, dans la logique pluriannuelle demandée par es élus.

Mme Monique de Marco. - Je voudrais revenir sur la table ronde du 6 avril relative à l'accompagnement des collectivités territoriales. Ces échanges ont été trop brefs, à mon avis. Cette question aurait mérité d'autres auditions, car ces acteurs sont très actifs dans les territoires et mériteraient d'être entendus plus en détail. J'aimerais que nous puissions les rencontrer de nouveau, car ils ont peut-être de nouvelles propositions à formuler.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Parallèlement à cette table ronde, ils ont répondu au questionnaire écrit que je leur ai adressé ; certains de ces organismes étaient également représentés lors des déplacements.

Mme Monique de Marco. - Parallèlement à nos travaux se déroule la commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments. Il serait bien, à mon avis, de croiser nos regards sur le sujet. Il me semblerait utile de faire un point avec nos collègues, notamment pour s'inspirer des conclusions auxquelles ils envisagent aboutir.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Les travaux de la commission d'enquête sont surtout orientés vers la question des aides à la rénovation énergétique des logements.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - La mission commune d'information a une fin ! Il est prévu que nous approuvions le rapport à la fin du mois de juin.

Mme Monique de Marco. - Il me semble que des travaux sur le même sujet sont également en cours à l'Assemblée nationale.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - La mission d'information de l'Assemblée est plus large ; elle intègre la prise en compte des enjeux climatiques dans les programmes scolaires et la formation des enseignants, par exemple. Elle devrait remettre son rapport à l'automne.

Je fais régulièrement lors des auditions la promotion des établissements français d'enseignement à l'étranger. Les exemples de rénovation qui nous ont été exposés sont extrêmement intéressants, notamment en termes d'ouverture sur la ville et d'adaptation aux fortes chaleurs. Il serait utile de communiquer davantage sur leurs bonnes pratiques.

M. Yan Chantrel. - Ces établissements sont souvent implantés dans des pays qui sont soumis à des températures élevées. Le rythme des horaires d'enseignement s'adapte aussi à ces contraintes climatiques. Je tiens à souligner également que les établissements français d'enseignement à l'étranger en gestion directe ne peuvent plus avoir recours à l'emprunt. Il me semble important de leur permettre à nouveau de pouvoir disposer de cette faculté.

Mme Céline Brulin. - Dans un entretien au Parisien, le Président de la République a fait des annonces sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. De tels travaux nécessitent, semble-t-il, une enveloppe de 40 milliards d'euros. Prévoyons-nous d'en rester aux financements actuels, ou envisageons-nous d'en suggérer de nouveaux, comme par exemple un fonds spécial ? Je pense qu'il y a unanimité sur le fait que ce chantier est un immense défi à prendre en compte. Il me semble qu'il faut plaider pour que l'État fasse plus qu'aujourd'hui. Je pense que des mesures supplémentaires sont attendues par les élus locaux.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, accompagné de quatre autres ministres, a lancé, le 9 mai dernier, un programme de rénovation du bâti scolaire. À cette fin, 10 000 projets totems seront accompagnés dans les territoires. Le fonds EduRénov sera doté d'une enveloppe de 2 milliards d'euros sur quatre ans. Le ministre a également annoncé la pérennisation du Fonds vert, sans toutefois indiquer de chiffrage précis. Nous demanderons des précisions sur ce point lors de notre audition ministérielle.

Mme Véronique Del Fabro. - J'ai assisté à ce lancement, qui m'a semblé plutôt imprécis. De nombreux interlocuteurs étaient présents. Cette audition est, en effet, nécessaire pour disposer de plus d'informations.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je partage votre réflexion. Nous avons besoin d'une clarification. Des annonces de dépenses supplémentaires ont été faites dans des domaines divers. Il y a la rénovation énergétique, mais aussi la loi de programmation militaire. Je m'interroge sur ces annonces au regard de la volonté affichée de baisser le niveau de la dépense publique...

Je voudrais soulever le problème des objectifs de diminution des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre (-30%, -40%, -50%). Il est d'autant plus facile à une collectivité d'atteindre ces objectifs, qui conditionnent l'accès aux subventions, qu'elle n'a rien fait pour s'en rapprocher. C'est plus difficile pour les collectivités qui, déjà vertueuses, ont investi dans ce domaine. Il est important que tous les acteurs locaux puissent bénéficier des aides, quelles que soient les opérations déjà réalisées. Je pense qu'il faut trouver un système moins injuste.

Est-il nécessaire d'aider toutes les communes de la même manière ? Il me semble qu'il faut prendre en compte la capacité contributive de chaque commune. C'est d'ailleurs une observation qui peut être faite dans d'autres domaines. Les critères d'attribution des subventions au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), par exemple, ne prennent pas en compte cette singularité. Le système actuel nourrit l'injustice. Paradoxalement, les collectivités qui « consomment » le plus de subventions sont celles qui ont déjà des moyens importants. Nous pourrions faire une recommandation qui consisterait à tenir compte de la capacité contributive des communes.

M. Jean-Paul Prince. - Il faut distinguer celles qui n'ont rien fait pour se rapprocher des objectifs du décret tertiaire de celles qui ne disposent pas de moyens pour conduire des projets de rénovation. S'agissant de la DETR, il est important de faire partie de la commission d'élus et de demander dans ce cadre des taux de subvention plus importants.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Il faut mentionner les difficultés rencontrées cette année sur l'attribution des subventions au titre du fonds vert. Les élus, en effet, n'ont pas été informés des nouvelles procédures. Il est important d'avoir une pratique harmonisée dans toutes les commissions. Par ailleurs, certaines subventions sont subordonnées à des études préalables, qui ont pour effet d'alourdir le coût des projets de rénovation. Or l'impact de certains travaux en termes de performance énergétique - je pense à l'installation d'ampoules LED - relève du bon sens.

Mme Anne Ventalon. - Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard. Quels sont les résultats de la consultation des élus locaux lancée sur le site du Sénat ? Peut-être en avez-vous déjà parlé ?

Mme Nadège Havet, rapporteure. - La consultation a recueilli 1 370 réponses, qui émanent pour l'essentiel de maires. C'est une bonne participation. Sa synthèse sera annexée au rapport.

Mme Céline Brulin. - Les maires devraient pouvoir disposer de plus de visibilité, dans la durée, sur la répartition et l'affectation des postes d'enseignants. Je plaide depuis longtemps en ce sens. Il faudrait, en effet, s'assurer de la stabilité de la carte scolaire sur trois ans. Pourquoi trois ans ? C'est l'âge de l'entrée des enfants à l'école maternelle, mais peut-être que cette perspective n'est pas suffisante.

M. Jean-Paul Prince. - Il me difficile d'aller au-delà.

Mme Céline Brulin. - Il faudrait sans doute prendre aussi en compte les projets de construction de logements.

Mme Véronique Del Fabro. - On dit souvent : un parpaing ne fait pas un bambin ! La plupart du temps les ménages qui font construire leur maison ont déjà des enfants. Il est difficile d'anticiper en la matière...

M. Jean-Paul Prince. - ans une commune voisine de la mienne, la construction de logements n'a fait venir que des primo-accédant et des jeunes ménages, tandis que dans une autre, seuls des retraités se sont installés. Je constate ainsi que dans la première commune, le nombre d'élèves scolarisés s'accroît tandis que dans la seconde, le nombre de classes diminue, passant de six à trois, en quelques années. Les choix d'installation sont différents d'une commune à l'autre, ils sont aléatoires et l'on ne peut en connaître vraiment les raisons.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'idéal serait, en matière de carte scolaire, de disposer d'une pluriannualité sur cinq ans, du cours préparatoire à la fin de l'école primaire, mais c'est encore plus compliqué !

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Cela fait sens si on parle d'école primaire. J'ai une autre remarque qui concerne les bureaux d'études, les agences techniques et autres structures d'ingénierie. C'est une véritable nébuleuse ! Elles ont été créées de façon empirique, suite à diverses initiatives. Toutes ces structures sont compétentes dans les services rendus aux collectivités, mais c'est un maquis pour les élus.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Il existe des spécificités locales très marquées en fonction des départements ou régions. Les territoires ne font pas appel aux mêmes acteurs.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il serait pertinent qu'en matière d'ingénierie il y ait un chef de file à l'échelle des territoires. Quel organisme choisir pour une telle mission de coordination ? L'Agence de la transition écologique (ADEME) ? Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), présents dans de nombreux départements ? Ce sont des structures anciennes, financées en partie par la taxe d'aménagement, et qui ont une bonne connaissance du terrain.

M. Jean-Paul Prince. - Il y a souvent des divergences d'appréciation entre les CAUE et les architectes, notamment en termes d'estimation du coût des travaux.

Mme Céline Brulin. - J'ai été co-rapporteure, avec mon collègue Charles Guené, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, d'un récent rapport sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Nous avions relevé que selon les départements, il existe un maquis de bureaux d'études, publics et privés. Dans une première approche, nous souhaitions rendre plus lisible la répartition des compétences entre ces structures. Or elles sont souvent le fruit d'une histoire et de besoins très spécifiques. Il nous semblait donc plus pertinent que le préfet, qui est le représentant de l'ANCT dans chaque département, soit pilote pour organiser et faire connaître les différents outils d'ingénierie existants à la disposition des collectivités. Il faut fédérer et organiser les acteurs locaux, mais aussi donner un peu plus de moyens aux préfets pour assurer ce rôle, ainsi qu'aux sous-préfets.

Mme Monique de Marco. - S'agissant des recommandations, je voudrais attirer votre attention sur la loi récemment votée concernant le tiers financement, qui semble compliqué à mettre en oeuvre. Je crois que la Banque des territoires devrait accompagner ce dispositif.

Mme Véronique Del Fabro. - Ce sujet a été abordé hier, lors de la présentation du plan du gouvernement. Ce mécanisme me semble, en effet, assez compliqué à actionner. Il nécessite d'attirer des financeurs, ce qui est plus difficile pour les petites communes rurales. Il est suggéré que les petites communes se regroupent afin d'attirer des tiers financeurs, ce qui suppose des besoins identiques au même moment. Il est également envisagé de développer le rôle des intercommunalités dans cette logique. J'ai l'impression que le tiers financement est un beau projet, mais qu'il va se révéler difficile à mettre en oeuvre, notamment pour les territoires ruraux, alors qu'il leur est destiné. On en revient toujours à la dissociation entre le rural et l'urbain !

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Le ministre a reconnu lui-même qu'il ne fallait pas prêter trop de vertu au tiers financement ! Ce système est conçu pour attirer des projets d'envergure susceptibles de générer d'importantes économies et, rappelons-le, son expérimentation est prévue sur cinq ans.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Ce dispositif est accueilli avec quelques réserves, d'après les témoignages que nous avons entendus. Il devra faire ses preuves.