N° 825

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur le thème : « Le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert »,

Président
M. Gilbert-Luc DEVINAZ,


Rapporteur
M. Vincent CAPO-CANELLAS,

Sénateurs

(1) Cette mission est composée de : M. Gilbert-Luc Devinaz, président ; M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur ; MM. Pierre Cuypers, René-Paul Savary, Sebastien Pla, Bernard Buis, Gérard Lahellec, Henri Cabanel, Franck Menonville, Daniel Salmon, vice-présidents ; Mmes Martine Berthet, Nadia Sollogoub, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mmes Christine Bonfanti-Dossat, Patricia Demas, M. Stéphane Demilly, Mmes Béatrice Gosselin, Nadège Havet, MM. Pierre-Antoine Levi, Serge Mérillou, Cyril Pellevat, Vincent Segouin, Lucien Stanzione.

L'ESSENTIEL

La mission d'information sur « le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert », demandée par le groupe Union Centriste (UC) dans le cadre de son droit de tirage annuel, s'inscrit dans la perspective de l'examen à venir du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat, qui déterminera les futures programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et stratégie nationale bas-carbone (SNBC), ainsi que du projet de loi de finances pour 2024.

La décarbonation de l'économie constitue un enjeu majeur pour lutter contre les dérèglements climatiques, mais aussi pour regagner en souveraineté énergétique. La transition vers une économie et des transports décarbonés ne pourra pas se faire sans ces carburants et vecteurs énergétiques durables.

Le rapport de la mission présente les différents enjeux, en analysant les avantages et les limites des différentes technologies ainsi que les orientations qui se dessinent dans les transports, pour proposer une stratégie volontariste de développement des filières de biocarburants, de carburants synthétiques durables et d'hydrogène vert, articulée autour d'un triptyque : « impulser, accompagner, simplifier ».

auditions plénières

auditions en format
rapporteur

déplacements

UN ENJEU MAJEUR, UN CADRE RÉGLEMENTAIRE INCERTAIN, À CRISTALLISER

Décarboner le secteur des transports est un enjeu majeur pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l'horizon 2050 et de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 que se sont fixés la France et l'Union européenne.

 

Le secteur des transports est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre de la France, et ce depuis 1998. Ils représentaient 30 % des émissions nationales en 2021, soit 126 millions de tonnes équivalent CO(Mt COeq). C'est le seul secteur ayant vu ses émissions augmenter depuis 1990.

 

Au sein des émissions dues aux transports intérieurs, le mode routier est responsable de la grande majorité des émissions. Au total, 94,9 % des émissions (soit 119,6 Mt COeq) sont attribuables au transport routier, dont 53 % proviennent des voitures particulières, 27 % des véhicules lourds et 15 % des véhicules utilitaires légers. 74 % des émissions attribuables au secteur des transports sont générées par des véhicules à motorisation diesel.

 

En 2021, 501 térawattheures (TWh) d'énergie finale ont été consommés par le secteur des transports, sur une consommation totale de 1 618 TWh (31 %).

Les transports sont le premier secteur de consommation d'énergie finale. Ils sont très dépendants des énergies fossiles et des importations d'énergie.

L'exigence de décarbonation de l'économie, et singulièrement du secteur des transports, représente ainsi un enjeu environnemental, mais aussi un enjeu industriel et de souveraineté.

Le recours aux biocarburants, aux carburants synthétiques durables et à l'hydrogène vert n'est qu'une partie de la réponse. Face aux difficultés liées à la concurrence des usages et à la disponibilité de la biomasse, de l'électricité et des matières premières, il faudra en parallèle agir sur d'autres leviers, comme l'efficacité énergétique, le report modal ou une modération des usages. Mais il est impossible de se passer de ces carburants ou vecteurs énergétiques durables pour atteindre les objectifs ambitieux que la France et l'Union européenne se sont fixés.

Confrontée aux conséquences de la guerre en Ukraine sur l'approvisionnement énergétique de l'Europe et à la compétition mondiale en matière de technologies vertes (Chine, États-Unis...), l'Union européenne a tâtonné pour proposer un cadre réglementaire qui a fait - et continue de faire - l'objet de discussions difficiles, sur fond de divergences stratégiques entre États membres, notamment quant à la nécessaire reconnaissance de l'énergie nucléaire comme une légitime source décarbonée pour ces carburants et vecteurs énergétiques durables. Le sentiment de « transition désordonnée » qui en résulte ne favorise pas l'investissement. Parallèlement, le cadre national, qui devra intégrer les nouvelles réglementations européennes, sera revu dans le cadre de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat.

Il est temps de choisir, de fixer un cadre clair, une stratégie d'ensemble, tout en préservant une agilité face aux évolutions technologiques. Nous devons clarifier le cadre d'ensemble, simplifier et accompagner les entreprises et les ménages.

UN PANORAMA DE TECHNOLOGIES ET DE FILIÈRES TRÈS CONTRASTÉ

La transition vers des transports décarbonés implique de prendre en compte le temps de la recherche et de la transition industrielle : de fait, les différentes technologies ne sont pas au même stade de maturité industrielle et soulèvent chacune des débats techniques ou scientifiques.

 

Les règles européennes actuelles, en cours de révision, limitent à 7 % de la consommation d'énergie des transports routier et ferroviaire la part des biocarburants de première génération, c'est-à-dire des biocarburants, bioliquides et biocombustibles produits à partir de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale.

À l'inverse, elles fixent des objectifs croissants de contribution des biocarburants avancés et du biogaz à l'intégration de l'énergie renouvelable dans le secteur des transports : 0,2 % en 2022, 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030, au moins.

Les biocarburants de première génération, qui donnent lieu à de nombreux débats, sont une source de résilience pour l'agriculture française et une filière industrielle mature (environ 29 000 emplois), contrairement à la deuxième et à la troisième génération, qui soulèvent des enjeux de mobilisation de la biomasse et de passage du stade de la recherche ou de démonstrateur au stade industriel.

 

La production d'hydrogène est majoritairement réalisée par le procédé de vaporeformage d'énergies fossiles, qui nécessite l'exposition du charbon ou du gaz à très haute température.

La consommation française d'hydrogène, importante notamment dans l'industrie pétrolière et chimique, s'établit à environ 900 000 tonnes par an et est responsable de 9 Mt de CO2 par an.

À l'échelle européenne, seuls 4 % de la production d'hydrogène sont issus d'électrolyseurs. La stratégie française de l'hydrogène prévoit de déployer 6,5 GW d'hydrogène décarboné par électrolyse d'ici 2030. La stratégie européenne vise 40 GW et 10 Mt de production d'hydrogène renouvelable d'ici 2030, auxquels s'ajouteraient 10 Mt d'importations d'hydrogène renouvelable à la même échéance. L'utilisation de l'hydrogène soulève également de nombreux débats, touchant à la fois au rendement de la technologie par rapport à l'électrification directe, à des enjeux techniques et à des problématiques de sécurité.

Les carburants de synthèse sont produits à partir d'une recombinaison d'hydrogène et de dioxyde de carbone ou d'azote. Selon les combinaisons utilisées et les usages visés, on parle : d'e-ammoniac, pour ceux produits à partir d'hydrogène et d'azote, destinés notamment aux secteurs du transport et de la chimie ; d'e-méthane, pour ceux produits à partir d'hydrogène et de CO2, destinés notamment aux secteurs du transport (sous sa forme liquide) ou du chauffage (sous sa forme gazeuse) ; d'e-méthanol, pour ceux produits à partir de l'hydrogène et du CO2, destinés notamment aux secteurs du transport et de la chimie ; d'e-carburants paraffiniques, pour ceux produits à partir de l'hydrogène et du CO2, destinés à la décarbonation des carburants routiers (e-essence et e-gazole) et aérien (e-kérosène).

Compte tenu du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », ces carburants synthétiques, qui présentent des propriétés identiques ou proches de celles des dérivés du pétrole et du gaz, seront amenés à croître les prochaines années. Ils supposent toutefois une grande quantité d'électricité et de CO2, celui-ci devant également répondre à des critères de durabilité.

Dans tous ces domaines, la recherche avance rapidement. Il importe de préserver une neutralité technologique et une capacité d'adaptation dans le temps. Ces carburants durables étant tous plus coûteux que la base fossile utilisée aujourd'hui, l'un des enjeux essentiels du développement de ces filières consiste à réduire le coût de production de ces carburants avancés et à trouver un équilibre économique satisfaisant au niveau national.

Dans ce contexte, les différentes filières de transport ont mené leurs propres réflexions, débouchant sur des feuilles de route de décarbonation qui intègrent les dernières contraintes réglementaires européennes.

Après des débats sur la pertinence d'un choix technologique plutôt que d'un objectif de décarbonation laissant aux industriels les moyens de l'atteindre, la filière automobile s'oriente désormais massivement vers l'électrification directe pour les véhicules légers, même si une clause de revoyure est prévue en 2026. L'électricité devrait également jouer un rôle important dans la décarbonation des véhicules de transport lourds, même si elle n'est pas en mesure de répondre à tous les besoins ou cas d'usage. Au regard des enjeux globaux de mobilisation de la biomasse et de disponibilité de l'électricité, l'intérêt de l'électrification directe réside dans son excellent rendement énergétique. Les biocarburants peuvent néanmoins jouer un rôle important pour accompagner la transition et accélérer la décarbonation de ce secteur.

L'électricité et l'hydrogène sont une priorité pour la filière ferroviaire à long terme, mais les biocarburants apparaissent comme une solution de décarbonation privilégiée à court et moyen termes.

Du côté de la filière aéronautique, les carburants d'aviation durables - biocarburants et carburants de synthèse - constituent un moyen puissant de décarbonation de l'aérien et la priorité claire de la filière, compte tenu des enjeux physiques posés par l'aviation. L'électrification et l'hydrogène peuvent répondre à certains besoins, mais, en l'état des capacités technologiques, ne peuvent apparaître comme des solutions de court terme pour les longs courriers, qui représentent l'essentiel des émissions.

Les options apparaissent ouvertes pour la filière maritime, d'autant plus complexe à décarboner qu'elle comprend une grande diversité de bateaux, dont les fonctions et tailles peuvent considérablement différer d'un bâtiment à l'autre, et qui correspondent souvent à des prototypes. Selon le scénario principal de décarbonation de la filière, les biocarburants pourraient assurer une transition entre l'énergie fossile et les e-carburants qui devraient se développer à partir de 2030 et représenter un peu plus de 70 % des volumes en 2050. Le gaz naturel liquéfié (GNL) fossile pourrait être progressivement remplacé par du bioGNL puis du e-GNL, avec un développement plus tardif du méthanol en raison de l'absence d'infrastructures et de navires compatibles actuellement.

Quant au secteur fluvial, l'activité touristique s'orienterait vers l'électrification, tandis que l'activité fret, qui présente un grand intérêt sur le plan du report modal, s'orienterait vers l'hybride avec une propulsion électrique, les moteurs électriques ou hydrogène ne répondant pas encore aux besoins d'usage. Le recours aux biocarburants présente ainsi un intérêt important pour faciliter la transition, compte tenu de la longue durée de vie des bateaux.

LA FRANCE DOIT ADOPTER UNE STRATÉGIE OFFENSIVE POUR SE POSITIONNER AU BON NIVEAU DANS LA COMPÉTITION MONDIALE ET PERMETTRE UNE TRANSITION ACCEPTABLE SUR LE PLAN SOCIAL

La France dispose indéniablement de nombreux atouts, en termes de mix électrique décarboné, de volume de biomasse mobilisable, en dépit d'incertitudes sur la biomasse sylvicole dans le contexte du réchauffement climatique, de capacités de recherche et industrielles, ainsi que d'infrastructures et de facilités logistiques

Ces atouts sont précieux alors que les besoins en électricité vont connaître une croissance exponentielle : selon les dernières évaluations de RTE, la consommation d'électricité pourrait s'élever entre 580 et 640 térawattheures (TWh) dès 2035, alors que le scénario médian de l'étude précédente « Futurs énergétiques en 2050 » prévoyait une consommation de 655 TWh en 2050 seulement.

Ils seront également précieux pour faire face à une compétition internationale particulièrement vive, dans laquelle certains États comme les États-Unis ont mis en place des dispositifs de soutien (Inflation Reduction Act - IRA) qui apparaissent plus simples et plus attractifs pour les entreprises que ceux mis en place par l'Union européenne. Celle-ci se retrouve en outre desservie par certains choix réglementaires qui pénalisent de fait sa compétitivité par rapport aux choix faits par d'autres États et qui pourraient affaiblir certains pans de notre économie.

La mission considère donc qu'il faudra réévaluer et rectifier certains dispositifs, comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), pour ne pas pénaliser les industries françaises et européennes. Ceci apparaît d'autant plus indispensable que le coût élevé de la transition vers une économie décarbonée nécessitera une priorisation des choix d'accompagnement publics, compte tenu des contraintes pesant sur les finances publiques nationales et européennes.

La mission juge nécessaire de soutenir les investissements d'avenir et développer une approche globale, en mettant notamment en oeuvre certaines mesures défendues par le Sénat en matière d'accroissement de la production d'électricité décarbonée, et singulièrement nucléaire, d'accélération du raccordement aux réseaux électriques et de mobilisation du foncier. La transition écologique nécessite une approche globale cohérente, qui implique un meilleur dialogue entre filières et une plus grande prise en compte des initiatives et des contraintes des collectivités territoriales.

La vision planificatrice de l'État doit mieux se conjuguer avec les initiatives, les besoins et les contraintes des collectivités territoriales, qui jouent un rôle majeur dans le déploiement opérationnel des politiques publiques de décarbonation. Planifier est utile, mais cela reste une démarche macroéconomique soumise à de nombreuses variables.

La mission appelle à privilégier les usages les plus pertinents, pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles, en prenant en compte le rendement énergétique, le coût des technologies et l'efficacité environnementale des carburants ou vecteurs énergétiques.

Elle juge également nécessaire de prévoir des mesures d'accompagnement industriel, économique et social. Certaines filières nécessitent une transition adaptée et les citoyens ont le sentiment d'être confrontés à des injonctions contradictoires et à un coût toujours plus élevé de la décarbonation de leur quotidien (logement, transports...). L'évolution des prix des carburants et son acceptabilité sociale sont à cet égard une source particulière de préoccupation pour la mission d'information, compte tenu des effets potentiels du nouveau cadre européen.

La mission juge également nécessaire de clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants, notamment en consolidant voire en relevant le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération.

Enfin, des simplifications sont nécessaires. La France et l'Union européenne ont pris des longueurs d'avance, mais la lourdeur de certaines procédures et la propension à taxer plutôt qu'à inciter apparaissent comme des handicaps.

La mission d'information formule ainsi 27 propositions pour donner des perspectives fortes aux filières des biocarburants, des carburants synthétiques durables et de l'hydrogène vert, qui nécessitent désormais de disposer rapidement d'un cadre clair et ambitieux.

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

Soutenir les investissements d'avenir et développer une approche globale

1. Face au besoin d'investissement massif et aux contraintes budgétaires, orienter les financements publics vers le lancement des filières pour créer les conditions de marchés matures, puis évaluer et réorienter l'effort public ;

2. Évaluer les pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles ;

3. Sur le plan national, établir un cadre de financement global de la décarbonation permettant une bonne complémentarité entre les modes de transport, sans entrer dans un débat sur la taxation d'une filière au bénéfice d'une autre ;

4. Assurer la relance effective et rapide de l'énergie nucléaire (instruction accélérée des autorisations, actualisation nécessaire de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), préparation urgente de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat) ;

5. Développer massivement l'hydrogène et les carburants de synthèse (simplifier, évaluer la captation et la valorisation du CO2, instituer des contrats de long terme) ;

6. Accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique aux réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

7. Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN), conformément à la démarche engagée par le Sénat ;

8. Développer les échanges entre filières pour accroître la cohérence des positions en vue de renforcer les acteurs économiques français ;

9. Mobiliser la biomasse :

a. renforcer le suivi des ressources de biomasse, au travers d'instances et de schémas nationaux (stratégie nationale de mobilisation de la biomasse) et locaux (schémas régionaux biomasse), afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles ainsi que les impacts sur la biodiversité et les puits de carbone ;

b. lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, sous le pilotage du ministère chargé de l'agriculture ;

c. améliorer, en concertation avec les associations d'élus locaux, la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités ;

d. compléter le programme de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de IFP Énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies ;

10. Étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène ;

11. Adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux :

a. prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de COdes véhicules lourds ;

b. étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi quinquennale sur l'énergie et le climat ;

c. privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques ;

d. raisonner, pour l'essentiel, en termes de bilan carbone et d'efficacité énergétique plutôt qu'en termes de technologie ;

e. concentrer une part significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses.

Faire des choix d'accompagnement industriel, économique et social

12. Soutenir le développement des filières :

a. maintenir un soutien élevé à la recherche-développement (R&D) et à l'investissement innovant ;

b. mettre en place des aides pour les dépenses d'exploitation (OPEX), permettant par exemple de garantir des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, afin d'amorcer les marchés ;

c. prévoir des dispositifs d'accompagnement des filières en transition ;

13. Mettre en place une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nouveaux besoins des filières ;

14. Clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants :

a. donner de la lisibilité aux politiques de soutien nationale et européenne ;

b. consolider voire relever le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ;

c. défendre un cadre fiscal favorable au développement de la filière des biocarburants de première génération ;

d. accompagner l'émergence de la filière de deuxième génération ;

15. Évaluer les risques de hausse du prix des carburants résultant du nouveau cadre européen et mesurer son acceptabilité sociale ;

16. Ajuster la trajectoire de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) : prendre davantage en compte la contribution à la décarbonation ; donner plus de visibilité aux acteurs économiques ; mieux intégrer l'état des marchés (disponibilité de la ressource) ;

17. Accompagner l'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) dans le transport aérien par un soutien complet à l'offre et à la demande :

a. créer un dispositif de suramortissement à l'adaptation et au renouvellement des aéronefs ainsi qu'aux infrastructures d'avitaillement aéroportuaires, dès le prochain projet de loi de finances initiale ;

b. définir une trajectoire pérenne de soutien budgétaire à la production de carburants aériens durables, dans le cadre de la prochaine PPE ;

c. instituer de nouveaux outils de financement de long terme (contrats pour différence - CfD - et Power Purchase Agreements - PPA) pour l'achat de SAF, à l'image de ceux prévus par la réforme du marché européen de l'électricité ;

18. Accélérer les délais d'instruction des aides financières (projets importants d'intérêt européen commun - PIIEC, appels à projets nationaux...) et de demandes d'homologation administrative de nouveaux matériels ;

19. Autoriser la construction de stations de distribution poly-carburants pour le secteur ferroviaire, afin de favoriser le recours aux biocarburants dans cette filière ;

20. Inciter à la conversion plus massive de véhicules (rétrofit) et poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés ;

21. Veiller à ce que les aides publiques viennent soutenir le déploiement de l'offre française et européenne de véhicules peu polluants ;

22. Accompagner les collectivités territoriales qui jouent un rôle moteur sur les territoires, notamment dans leur rôle d'autorités organisatrices des mobilités.

Adopter une stratégie offensive pour faire face à la compétition mondiale
en matière de technologies vertes

23. Compléter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières afin d'éviter que les industries européennes se retrouvent pénalisées ;

24. Établir une analyse économique et industrielle approfondie en vue de la clause de revoyure de 2026, permettant de mieux mesurer l'impact réel du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne, État par État ;

25. Renforcer la vigilance sur les contournements dont la réglementation européenne peut faire l'objet en matière de biocarburants avancés et mettre en place d'un système de certifications de production durable de la biomasse au niveau international ;

26. Reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie ;

27. Assurer une concurrence équitable pour le secteur aérien : mesurer les effets des nouvelles règles européennes ; développer des accords bilatéraux ; faire de la négociation au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une priorité pour parvenir à un standard mondial d'approvisionnement.

AVANT-PROPOS

La mission d'information sur « le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert », demandée par le groupe Union Centriste (UC) dans le cadre de son droit de tirage annuel, s'inscrit dans la perspective de l'examen à venir du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat, qui déterminera les futures programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie nationale bas-carbone.

La décarbonation de l'économie constitue un enjeu majeur pour lutter contre les dérèglements climatiques, mais aussi pour regagner en souveraineté énergétique, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et par une forte concurrence internationale dans le domaine des technologies vertes.

En pleine cohérence avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, la France et l'Union européenne ont affiché l'objectif ambitieux d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et de réduire de 55 %, d'ici à 2030, les émissions domestiques nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) par rapport aux niveaux de 1990.

Dans ce cadre, le secteur des transports, sur lequel se concentre ce rapport, nécessite une attention particulière et des actions fortes. Premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France, il en représentait à lui seul 30 % en 2021 et il s'agit du seul secteur à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990.

Les biocarburants, les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert sont appelés à jouer un rôle important dans la décarbonation de ce secteur, quoique variable suivant les filières considérées, certaines s'orientant désormais vers l'électrification directe. Agir sur d'autres leviers - comme l'efficacité énergétique, le report modal ou une modération des usages - sera nécessaire, mais il est certain que la transition vers une économie des transports décarbonée ne pourra pas se faire sans ces carburants et vecteurs énergétiques durables.

Cela appelle des choix. Il est temps d'agir, de fixer un cadre clair, une stratégie d'ensemble, tout en préservant une agilité face aux évolutions technologiques. Nous devons clarifier le cadre d'ensemble et simplifier notre vision, accompagner nos compatriotes, nos PME-PMI, ETI...

La transition écologique est aujourd'hui trop souvent un facteur de stress, elle doit devenir un élément de construction partagée assurant une confiance dans l'avenir. Nous essayons d'apporter de ce point de vue une contribution (modeste) à cette construction.

Trois points majeurs sont à souligner.

D'abord, la décarbonation des transports fera appel à des quantités importantes de biomasse et d'électricité, bien supérieures à ce qui avait été anticipé auparavant. Une action résolue pour augmenter les capacités de production d'énergie de notre pays est donc nécessaire, faute de quoi il n'aura le choix qu'entre la sobriété contrainte ou le passage d'une dépendance énergétique à une autre, via des importations massives. Une telle orientation requiert également une politique foncière adaptée, ce qui suppose des choix clairs.

Ensuite, cette transition aura un coût significatif, qu'il convient d'accompagner pour éviter de mettre en péril certains pans de notre économie ou de laisser certains de nos concitoyens au bord du chemin de cette transition verte. Nous devons le faire dans le cadre de nos capacités budgétaires contraintes, donc là aussi choisir, accompagner des filières qui devront devenir matures, réorienter les financements et en réévaluer le besoin.

Enfin, la maturité des technologies considérées diffère et l'intérêt des différentes solutions technologiques pourrait varier d'ici à 2050. Cela suppose de l'agilité, mais n'interdit pas des choix. Le surplace est aussi un risque.

La France, grâce notamment à son mix électrique décarboné, à la qualité de son écosystème de recherche-développement et celle de ses industries, dispose d'atouts considérables. La prise en compte de ces atouts par l'Union européenne et la préservation des intérêts de notre industrie sont des enjeux majeurs.

Le rapport de la mission présente ces différents enjeux, en analysant les avantages et les limites des différentes technologies ainsi que les orientations des filières de transport qui se dessinent, pour proposer une stratégie volontariste de développement des filières de biocarburants, de carburants synthétiques durables et d'hydrogène vert, articulée autour d'un triptyque : « impulser, accompagner, simplifier ».

« Impulser », car même si tous les choix ne peuvent être faits dès maintenant, un besoin de clarification des orientations apparaît.

« Accompagner », car des filières nécessitent une transition adaptée et nos compatriotes ont le sentiment d'être confrontés à des injonctions contradictoires et à un coût toujours plus élevé de la décarbonation de leur quotidien (logement, transports....). Compte tenu des effets potentiels du nouveau cadre européen, l'évolution des prix des carburants et son acceptabilité sociale sont une source de préoccupation pour la mission.

« Simplifier », car si la France et l'Union européenne ont pris des longueurs d'avance, la lourdeur des procédures, la taxation plutôt que l'incitation, pèsent sur notre capacité à nous adapter.

Pour la mission, la vision planificatrice de l'État doit également mieux se conjuguer avec les initiatives, les besoins et les contraintes des collectivités territoriales, qui jouent un rôle majeur dans le déploiement opérationnel des politiques publiques de décarbonation. Planifier est utile, mais cela reste une démarche macroéconomique soumise à de nombreuses variables.

Si un cadre global et une vue d'ensemble permettent d'éprouver les faisabilités, notamment quant à la capacité de mobiliser la biomasse ou de produire de l'énergie, mieux apprécier les dynamiques technologiques à l'oeuvre dans les start-up ou sur les territoires serait un apport considérable.

Sur ces différents points, nous livrons des propositions. Compte tenu de la complexité des enjeux et du temps imparti, ce rapport n'est pas un point d'aboutissement, mais plutôt une étape dans la réflexion du Sénat en vue de l'examen, prévu à l'automne, du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat et du projet de loi de finances pour 2024.

LISTE DES PROPOSITIONS

Premier axe : Soutenir les investissements d'avenir et développer une approche globale

1. Face au besoin d'investissement massif et aux contraintes budgétaires, orienter les financements publics vers le lancement des filières pour créer les conditions de marchés matures, puis évaluer et réorienter l'effort public ;

2. Évaluer les pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles ;

3. Sur le plan national, établir un cadre de financement global de la décarbonation permettant une bonne complémentarité entre les modes de transport, sans entrer dans un débat sur la taxation d'une filière au bénéfice d'une autre ;

4. Assurer la relance effective et rapide de l'énergie nucléaire (instruction accélérée des autorisations, actualisation nécessaire de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), préparation urgente de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat) ;

5. Développer massivement l'hydrogène et les carburants de synthèse (simplifier, évaluer la captation et la valorisation du CO2, instituer des contrats de long terme) ;

6. Accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique aux réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

7. Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN), conformément à la démarche engagée par le Sénat ;

8. Développer les échanges entre filières pour accroître la cohérence des positions en vue de renforcer les acteurs économiques français ;

9. Mobiliser la biomasse :

a. renforcer le suivi des ressources de biomasse, au travers d'instances et de schémas nationaux (stratégie nationale de mobilisation de la biomasse) et locaux (schémas régionaux biomasse), afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles ainsi que les impacts sur la biodiversité et les puits de carbone ;

b. lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, sous le pilotage du ministère chargé de l'agriculture ;

c. améliorer, en concertation avec les associations d'élus locaux, la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités ;

d. compléter le programme de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de IFP Énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies ;

10. Étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène ;

11. Adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux :

a. prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de COdes véhicules lourds ;

b. étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi quinquennale sur l'énergie et le climat ;

c. privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques ;

d. raisonner, pour l'essentiel, en termes de bilan carbone et d'efficacité énergétique plutôt qu'en termes de technologie ;

e. concentrer une part significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses.

Deuxième axe : Faire des choix d'accompagnement industriel, économique et social

12. Soutenir le développement des filières :

a. maintenir un soutien élevé à la recherche-développement (R&D) et à l'investissement innovant ;

b. mettre en place des aides pour les dépenses d'exploitation (OPEX), permettant par exemple de garantir des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, afin d'amorcer les marchés ;

c. prévoir des dispositifs d'accompagnement des filières en transition.

13. Mettre en place une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nouveaux besoins des filières.

14. Clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants :

a. Donner de la lisibilité aux politiques de soutien nationale et européenne ;

b. Consolider voire relever le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ;

c. défendre un cadre fiscal favorable au développement de la filière des biocarburants de première génération ;

d. accompagner l'émergence de la filière de deuxième génération.

15. Évaluer les risques de hausse du prix des carburants résultant du nouveau cadre européen et mesurer son acceptabilité sociale ;

16. Ajuster la trajectoire de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) : prendre davantage en compte la contribution à la décarbonation ; donner plus de visibilité aux acteurs économiques ; mieux intégrer l'état des marchés (disponibilité de la ressource) ;

17. Accompagner l'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) dans le transport aérien par un soutien complet à l'offre et à la demande :

a. créer un dispositif de suramortissement à l'adaptation et au renouvellement des aéronefs ainsi qu'aux infrastructures d'avitaillement aéroportuaires, dès le prochain projet de loi de finances initiale ;

b. définir une trajectoire pérenne de soutien budgétaire à la production de carburants aériens durables, dans le cadre de la prochaine PPE ;

c. c. instituer de nouveaux outils de financement de long terme (contrats pour différence - CfD - et Power Purchase Agreements - PPA) pour l'achat de SAF, à l'image de ceux prévus par la réforme du marché européen de l'électricité ;

18. Accélérer les délais d'instruction des aides financières (PIIEC, appels à projets nationaux...) et de demandes d'homologation administrative de nouveaux matériels ;

19. Autoriser la construction de stations de distribution poly-carburants pour le secteur ferroviaire, afin de favoriser le recours aux biocarburants dans cette filière ;

20. Inciter à la conversion plus massive de véhicules (rétrofit) et poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés ;

21. Veiller à ce que les aides publiques viennent soutenir le déploiement de l'offre française et européenne de véhicules peu polluants ;

22. Accompagner les collectivités territoriales qui jouent un rôle moteur sur les territoires, notamment dans leur rôle d'autorités organisatrices des mobilités.

Troisième axe : Adopter une stratégie offensive pour faire face à la compétition mondiale en matière de technologies vertes

23. Compléter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières afin d'éviter que les industries européennes se retrouvent pénalisées ;

24. Établir une analyse économique et industrielle approfondie en vue de la clause de revoyure de 2026, permettant de mieux mesurer l'impact réel du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne, État par État ;

25. Renforcer la vigilance sur les contournements dont la réglementation européenne peut faire l'objet en matière de biocarburants avancés et mettre en place d'un système de certifications de production durable de la biomasse au niveau international ;

26. Reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie ;

27. Assurer une concurrence équitable pour le secteur aérien : mesurer les effets des nouvelles règles européennes ; développer des accords bilatéraux ; faire de la négociation au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une priorité pour parvenir à un standard mondial d'approvisionnement.

RAPPORT

I. UN ENJEU MAJEUR, UN CADRE RÉGLEMENTAIRE INCERTAIN À CRISTALLISER

A. L'ENJEU MAJEUR DE LA DÉCARBONATION DU SECTEUR DES TRANSPORTS

La décarbonation du secteur des transports s'inscrit dans une ambition européenne et nationale d'atteindre la neutralité carbone en 2050, mais également dans une perspective économique et industrielle révisée à la lumière de la guerre en Ukraine et de la compétition industrielle mondiale.

1. L'ambition nationale et européenne d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050
a) Une matrice commune : l'Accord de Paris et les projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)

L'ensemble des mesures prises ou envisagées en matière de décarbonation de l'économie doivent s'analyser à la lumière de l'Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015, dont l'objectif primordial inscrit à l'article 2 est de contenir « l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et de poursuivre « l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques », ainsi que des travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui a mis l'accent en 20181(*) sur la nécessité de parvenir à une neutralité carbone à l'horizon 2050, puis une neutralité d'émission pour les autres gaz à effet de serre plus tard dans le siècle, pour être en phase avec les objectifs de l'Accord de Paris.

C'est à la lumière de ce cadre et de ces analyses que la France et l'Union européenne ont présenté, à compter de 2017, des plans2(*) ou des communications3(*) puis ont adopté, à compter de 2019, des mesures volontaristes visant à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

b) La stratégie française pour l'énergie et le climat

L'article 1er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat a ainsi révisé à la hausse les ambitions de lutte contre le changement climatique associées à la politique énergétique, en posant comme objectif « d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six », alors que les ambitions précédentes, fixées dans la loi n °2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, reposaient sur un « facteur quatre ».

La stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), qui décline de manière opérationnelle la loi relative à l'énergie et au climat précitée, fixe le cadre général de décarbonation de l'économie française. Elle constitue la feuille de route de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et assurer l'adaptation de la société aux impacts du changement climatique. Elle concerne les secteurs de la construction, des transports, de l'agriculture, de l'industrie, de l'énergie ou encore des déchets.

Publiée en avril 2020, elle comprend aujourd'hui deux composantes :

- la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui est la feuille de route de la France pour atteindre l'objectif de neutralité carbone à 2050 ;

- la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui est la trajectoire énergétique de la France pour ces 10 prochaines années.

Deux décrets du 21 avril 20204(*) sont venus définir les actuelles PPE, pour 2019-2028, et SNBC, pour 2019-2033.

Pour ce qui concerne l'hydrogène, l'article L. 100-4 du code de l'énergie fixe un objectif de 20 à 40 % d'hydrogène renouvelable et bas-carbone dans les consommations industrielles et totales d'hydrogène, depuis la loi « Énergie-Climat », de 20195(*). À l'initiative du Sénat, cet article vise aussi à développer « ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité ».

La PPE vise un taux de 20 à 40 % d'hydrogène décarboné dans la consommation industrielle, omettant toute référence à la consommation totale, ce qui est moins ambitieux que la loi. Pour autant, elle prévoit 10 à 100 mégawatts (MW) de démonstrateurs et 400 à 1 000 stations d'ici 2028.

S'agissant des biocarburants, l'article précité fixe un objectif d'au moins 15 % d'EnR dans la consommation finale de carburants d'ici 2030, depuis la loi même « Énergie-Climat ». C'est le Sénat qui a souhaité que cet objectif constitue un plancher, et non un plafond.

Par ailleurs, depuis la loi de « Transition énergétique » de 20156(*), l'article L. 641-6 du même code consacre un objectif d'au moins 10 % d'EnR dans la consommation finale d'énergie des transports d'ici 2030. Plus concrètement, l'article L.  661-1-1 du même code prévoit que la PPE fixe un objectif d'incorporation de biocarburants avancés dans cette consommation d'énergie des transports. Une liste des biocarburants conventionnels et avancés7(*), de même que des mesures nécessaires à l'atteinte de cet objectif, sont prévues.

Dans ce contexte, la PPE fixe des objectifs d'incorporation de biocarburants avancés : ils sont 1,2 % en 2023 et 3,8 % en 2028, pour la filière essence, et de 0,4 % en 2023 et 2,8 % en 2028, pour la filière gazole. Ces objectifs irriguent le mécanisme fiscal de la Taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT), prévu à l'article 266 quindecies du code des douanes, depuis la « LFI pour 2021 »8(*),9(*).

Enfin, les biocarburants de deuxième et de troisième générations sont intégrés à l'effort de recherche, depuis la loi « Grenelle I », de 200910(*).

Les biocarburants aéronautiques ont fait l'objet d'une attention spécifique de la part des pouvoirs publics.

Tout d'abord, l'Engagement pour la croissance verte relatif à la mise en place d'une filière de biocarburants aéronautiques durables en France11(*), conclu entre l'État et la filière en 2017, a prévu de développer les biocarburants aéronautiques durables. Par la suite, des objectifs d'incorporation, de 5 % en 2030 et 50 % 205012(*), ont été intégrés à la PPE. Ces objectifs ont été complétés par un premier jalon, de 2 % en 2025, par la Feuille de route française pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables, de 202013(*).

Plus encore, une Stratégie d'accélération « Produits biosourcés et carburants durables » a été dévoilée en 202114(*), afin de soutenir l'effort de recherche et d'innovation sur les produits biosourcés et faire émerger une filière des carburants durables, notamment aériens. La politique française de soutien au déploiement des carburants durables est détaillée en deuxième partie du rapport.

Pour autant, le recours à la biomasse à des fins de valorisation énergétique est encadré.

D'une part, la biomasse a été définie, par la loi « Grenelle I », de 200915(*), comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d'origine biologique provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l'aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets, notamment les déchets industriels ainsi que les déchets ménagers et assimilés lorsqu'ils sont d'origine biologique » (article L. 211-2 du code de l'énergie).

D'autre part, sa valorisation à des fins énergétiques a été promue par le Sénat, mais assortie de conditions, dans la loi « Énergie-Climat » précitée : depuis lors, l'article L. 100-4 du code de l'énergie fixe l'objectif de valorisation de la biomasse à des fins de production de matériaux et d'énergie « en conciliant cette valorisation avec les autres usages de l'agriculture et de la sylviculture, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire ainsi qu'en préservant les bénéfices environnementaux et la capacité à produire, notamment la qualité des sols ».

Tout comme le code de l'énergie et la PPE, la SNBC fixe des objectifs quantifiés sur l'essor des biocarburants.

Son scénario de référence prévoit d'ailleurs de faire passer la consommation d'énergie finale des transports domestiques de plus de 500 à environ 200 TWh, de 2015 à 2050. Pour y parvenir, les biocarburants représenteraient environ 50 TWh, soit 25 % du total, contre 100 TWh pour l'électricité (50 %) et 40 TWh pour le gaz (20 %). Pour les produire, une part d'environ 120 TWh de biomasse serait nécessaire, soit 25 % du total16(*).

Au-delà de ces objectifs généraux, la PPE et la SNBC comportent également des objectifs plus techniques (voir encadré ci-après).

Les autres objectifs en matière d'hydrogène vert, de carburants de synthèse
et de biocarburants de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)

La PPE et la SNBC comportent plusieurs objectifs plus techniques afférents à l'hydrogène vert, aux carburants de synthèse et aux biocarburants.

En matière d'hydrogène, la PPE prévoit la mise en place d'un soutien au développement de l'hydrogène décarboné, à hauteur de 50 M€ par an, ainsi que le lancement de projets sur les électrolyseurs et la mobilité. Dans le domaine de la mobilité, 800 à 2 000 véhicules lourds et 20 000 à 50 000 véhicules légers sont prévus d'ici 2028. L'avitaillement des bateaux en hydrogène, dans tous ports français, le soutien au suramortissement des véhicules lourds à hydrogène, en particulier les poids-lourds, et l'appui à la recherche et au développement (R&D), dont les avions à hydrogène, sont aussi mentionnés. L'accompagnement de l'industrialisation, avec 10 à 100 MW de démonstrateurs Power-to-Gas (P-t-G) d'ici 2028, ou l'évolution des infrastructures, avec 400 à 1 000 stations à la même échéance, sont également prévus. Plus généralement, la simplification des procédures administratives, le renforcement des critères de durabilité, l'évolution des infrastructures gazières et la réutilisation des cavités saline sont poursuivis. De son côté, la SNBC identifie l'hydrogène parmi les leviers de décarbonation des secteurs de l'énergie, de l'industrie (dont la sidérurgie et la chimie) et des transports (dont ceux routiers, maritimes, fluviaux et aériens). Elle met l'accent sur les investissements nécessaires, notamment en termes de R&D et d'infrastructures.

S'agissant des carburants de synthèse, la PPE prévoit d'accélérer leur déploiement dans les transports. Dans le même esprit, la SNBC propose plus précisément de soutenir le kérosène de synthèse dans les avions.

Enfin, pour ce qui concerne les biocarburants, la PPE les vise par la négative, en rappelant le plafond de 7 % d'ici 2028 sur ceux de première génération, en prohibant ceux présentant un risque élevé en termes de changements d'affectation des sols indirects (CASI) d'ici 2030 et en appelant à un renforcement des critères de durabilité et de traçabilité. Pour autant, la PPE plaide pour maintenir un soutien national au développement des biocarburants, substituer les biocarburants aériens aux énergies fossiles, à hauteur de 50 %, et recourir aux biocarburants, dans tous les ports français. Quant à la SNBC, en plus de soutenir les biocarburants maritimes et aériens, et de prohiber ceux de première génération à fort risque de CASI, elle propose de diversifier les biocarburants, en développant ceux de deuxième génération, et de prendre en compte leurs effets antagonistes, notamment sur la préservation des espaces, des sols et des eaux ou la qualité de l'air.

c) Le pacte vert pour l'Europe et la « loi européenne sur le climat »

Parallèlement aux démarches françaises, la Commission européenne a présenté en 2019 un pacte vert pour l'Europe décliné, de manière opérationnelle, par la « loi européenne sur le climat »17(*), adoptée le 30 juin 2021, qui a rendu juridiquement contraignant l'objectif de neutralité climatique de l'Union européenne d'ici 2050 et a, dans cette perspective, relevé l'ambition pour 2030, en prévoyant une réduction domestique des émissions nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Le règlement affirme également la volonté de l'Union d'augmenter les absorptions de gaz à effet de serre (GES) par les puits de carbone. Même si la prise en compte des puits pour l'atteinte des objectifs climatiques est plafonnée à 225 millions de tonnes d'équivalent CO2, le règlement invite à aller au-delà, ce qui conduit de fait à majorer l'ambition de l'Union. C'est sur la base de ce règlement qu'ont ensuite été présentés les nombreux textes des paquets « Ajustement à l'objectif 55 » et gaz, qui proposent des mesures concrètes et sectorielles pour respecter cette trajectoire d'ensemble (cf. infra).

La trajectoire des émissions de gaz à effet de serre découlant de la loi européenne
sur le climat à l'échelle de l'Union européenne

Source : étude d'impact de la Commission européenne sur le paquet
« Ajustement à l'objectif 55 »

Le graphique ci-dessus, issu de l'étude d'impact présentée par la Commission européenne, témoigne de l'ampleur de l'inflexion qui résulte de la loi européenne sur le climat : la ligne orange marquait la trajectoire précédemment visée, la ligne jaune représente l'effort à réaliser pour atteindre le nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. L'impact budgétaire, économique et social de cette inflexion est majeur. Pour reprendre les termes utilisés par la Commission européenne dans sa communication sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le pacte vert conduit bien à une « transformation radicale » de l'économie et des pratiques.

Ainsi que l'a souligné le directeur général de l'énergie et du climat devant la mission d'information, « les enjeux énergétiques et climatiques se conjuguent. Il faut aussi articuler les dimensions européenne, nationale et territoriale ». Pour autant, on peine aujourd'hui à distinguer un cadre clair donnant aux acteurs des filières concernées une visibilité à moyen-long terme et, surtout, une stratégie d'ensemble associée à des moyens identifiés.

2. La part importante du secteur des transports dans les émissions de gaz à effet de serre, en grande majorité attribuables au mode routier

Cette « transformation radicale » de l'économie concerne au premier chef le secteur des transports, puisque celui-ci est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre de la France, et ce depuis 1998.

Les transports représentaient ainsi 30 % des émissions nationales en 2021, soit 126 millions de tonnes équivalent CO(Mt COeq). D'après les données du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires18(*), après une année 2020 caractérisée par une forte baisse des émissions du secteur en raison de la crise sanitaire (- 16,5 %), les émissions liées au transport ont connu une progression de l'ordre de 11,5 % en 2021 par rapport à 2020. En définitive, et « malgré ce rebond, les émissions des transports restent inférieures à celles de 2019 et proches de celles constatées en 1990 (+ 1,9 % en 2021 par rapport à 1990) ».

Évolution des émissions françaises de gaz à effet de serre

(en indice base 100 en 1990)

Le secteur des transports est le seul ayant vu ses émissions augmenter depuis 1990, quand l'ensemble des autres secteurs ont connu une diminution de leurs émissions. Ainsi, alors que les émissions liées aux transports ont augmenté de 1,9 % en 2021 par rapport à 1990, celles des autres secteurs ont diminué de 30,5 % sur la même période.

Au sein des émissions dues aux transports intérieurs, le mode routier est responsable de la grande majorité des émissions, comme le détaille le schéma ci-après. Au total, 94,9 % des émissions (soit 119,6 Mt COeq) sont attribuables au transport routier, dont 53 % proviennent des voitures particulières, 27 % des véhicules lourds et 15 % des véhicules utilitaires légers. Plus précisément, 74 % des émissions attribuables au secteur des transports sont générées par des véhicules à motorisation diesel.

Émissions de gaz à effet de serre des modes de transport

(en millions de tonnes équivalent CO(Mt COéq))

En outre, il convient de noter que les émissions générées par les voitures particulières sont restées stables depuis 1990, comme l'illustre le schéma ci-dessous. Celles des poids lourds ont quant à elle augmenté d'environ 15 %, sous l'effet de la hausse de la demande de transport de marchandises.

Évolution des émissions dans l'air de COdes véhicules particuliers
et des véhicules utilitaires légers depuis 1990 en France

Source : Citepa, avril 2021, depuis la proposition de feuille de route de décarbonation
de la chaîne de valeur de l'automobile

Comme le relève la feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, « si d'importants efforts ont été réalisés par l'industrie depuis 30 ans pour réduire le niveau moyen d'émissions de COpar kilomètre parcouru, la progression en parallèle du nombre de kilomètres par véhicule n'a pas permis de réduire les émissions globales du transport routier », comme l'illustrent les graphiques ci-après.

Évolution comparée de la circulation et des émissions CO2
du parc des véhicules légers en France

Source : Citepa, avril 2021, depuis la proposition de feuille de route de décarbonation
de la chaîne de valeur de l'automobile

Les émissions de polluants atmosphériques

Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, dont il est le premier contributeur, le transport routier est également le mode le plus émetteur de polluants atmosphériques. 75 % des émissions de cuivre, 50 % des émissions de zinc et 49 % des oxydes d'azote lui sont ainsi attribuables, ainsi que 13 % des particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 um (PM2,5).

Compte tenu de l'impact sanitaire et environnemental de ces polluants, des normes ont été définies à l'échelle de l'Union européenne (normes Euro). Ces normes, qui fixent des seuils maximum d'émissions à l'échappement des oxydes d'azote, du monoxyde de carbone, des hydrocarbures ainsi que des particules, s'appliquent aux constructeurs pour la mise sur le marché de véhicules neufs.

Il convient de préciser que les normes Euro concernent les émissions depuis les pots d'échappement. Or, d'après l'Ademe19(*), plus de la moitié des particules générées par le trafic routier en Europe ne proviennent pas des émissions à l'échappement, mais d'autres systèmes du véhicule (freins, contact pneu/chaussée, remise en suspension des particules).

Les chiffres mentionnés ci-avant concernent uniquement le transport intérieur ; il est en effet prévu, par convention internationale, que les émissions liées aux transports internationaux aériens, maritimes et fluviaux, ne sont pas pris en compte dans les inventaires nationaux (seules sont comptabilisées les émissions des déplacements entre deux ports ou aéroports localisés en France).

Pour autant, et pour ce qui concerne les modes maritime et aérien, les émissions générées par les transports internationaux sont plus élevées que celles produites par le transport intérieur. À titre d'illustration, Air France a ainsi indiqué à la mission d'information que 80 % des émissions de COdu secteur aérien mondial étaient attribuables aux vols de plus de 1 500 kilomètres.

Aussi, et afin de mettre en perspective les émissions liées au transport national avec celles générées par le transport international, le graphique ci-après représente l'évolution des émissions de gaz à effet de serres liées au transport maritime, d'une part, et au transport aérien, d'autre part.

Évolution des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et aérien

(en millions de tonnes équivalent CO(Mt COéq))

À l'échelle de l'Union européenne, le transport aérien et le transport maritime représentent respectivement 14,4 et 13,5 % des émissions dues aux transports au sein de l'Union.

Part des émissions de gaz à effet de serre dues au transport maritime et aérien
au sein de l'Union européenne

Source : Conseil de l'Union européenne

3. Les transports, premiers consommateurs d'énergie

Premier secteur de consommation d'énergie, les transports sont très dépendants des énergies fossiles et des importations d'énergie.

En 2021, 501 térawattheures (TWh) d'énergie finale ont été consommés par ce secteur, sur une consommation totale de 1 618 TWh20(*).

Représentant 31 % de ce total, les transports constituent le premier secteur de consommation d'énergie, devant le secteur résidentiel (492 TWh, soit 30 %), l'industrie (311 TWh, soit 19 %), le secteur tertiaire (261 TWh, soit 16 %) et l'agriculture et la pêche (52 TWh, soit 3 %).

Ces trente dernières années, la consommation totale d'énergie finale est demeurée globalement stable. En effet, le niveau atteint en 2021, de plus de 1 600 TWh, est inférieur à celui de début 2000, de plus de 1700 TWh ; pour autant, il reste supérieur aux minima, d'environ 1 500 TWh, de 1990 et 2020.

Sur la même période, la consommation d'énergie finale du secteur des transports a connu une évolution similaire. Ainsi, le niveau atteint en 2021, d'environ 500 TWh, est moindre que celui de début 2000, de plus de 500 TWh ; cependant, il demeure plus élevé que les minima, d'environ 450 TWh, de 1990 et 2020.

La consommation d'énergie finale du secteur des transports repose encore largement sur les énergies fossiles. Pour preuve, en 2021, 91 % de cette consommation est issue de produits pétroliers (essence, gazole, carburéacteurs), 7 % de biocarburants incorporés, 2 % d'électricité21(*) et moins de 1 % de gaz22(*). Pour autant, une diversification est en cours, cette part des biocarburants étant passée d'un taux minime à 7 % en vingt ans seulement.

Témoin du dynamisme des biocarburants, parmi les carburants routiers en vente « à la pompe » en 2021, le SP95-E10, qui contient 10 % de bioéthanol, atteint environ 5 millions de tonnes d'équivalent pétrole (Mtep), sur un total de 40,2 Mtep pour les carburants, dont environ 10 pour les essences. Il représente ainsi 12,5 % des ventes de carburants et 51 % de celles d'essences.

Les tableaux et graphiques suivants, issus de la présentation faite par l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDRRI) devant la mission d'information, précisent la décomposition de la consommation de biocarburants et son évolution.

Ce dynamisme des biocarburants ne modifie pas fondamentalement la situation de dépendance énergétique, certes relative, mais réelle, de la France.

En 2021, la production d'énergie primaire s'est ainsi élevée à 1 524 TWh, dont 1 150 TWh pour l'énergie nucléaire (75 %), 260 TWh pour les énergies renouvelables (EnR) thermiques (17 %), 107 TWh pour les EnR électriques (7 %) et 10 TWh pour les énergies fossiles (1 %)23(*).

De son côté, la consommation d'énergie primaire a atteint 2 769 TWh, dont 1 108 TWh pour l'énergie nucléaire (40 %), 775 TWh pour le pétrole (28 %), 415 TWh pour le gaz (15 %), 388 TWh pour les EnR (14 %) et 83 TWh pour le charbon (3 %). La consommation excédant très largement la production, le taux d'indépendance énergétique n'est en France que de 55 %.

Cette situation de dépendance énergétique relative est, pour l'essentiel, imputable aux importations d'hydrocarbures, et singulièrement de pétrole. À lui seul, il a nécessité des importations de 34,7 Mtep en 2021. Les quatre principaux pays de provenance sont le Kazakhstan et les États-Unis (environ 4,5 Mtep, soit 13 %, chacun), ainsi que l'Algérie et le Nigéria (environ 4,0 Mtep, soit 12 %, chacun), la Russie représentant elle aussi une part non négligeable de ces importations (3,1 Metp, 9 %).

4. Un enjeu industriel et de souveraineté à conforter

Les développements qui précèdent soulignent que la décarbonation des transports, composante majeure de la décarbonation de l'économie, représente à la fois un enjeu environnemental, mais aussi un enjeu industriel et de souveraineté.

À cet égard, le contexte dans lequel s'inscrit la stratégie de décarbonation de l'Union européenne a été très fortement impacté par la crise de la Covid, qui a fait apparaître des vulnérabilités dans les chaînes d'approvisionnement de l'Union, par le déclenchement de la guerre en Ukraine, alors qu'une partie de l'Europe était grandement dépendante du gaz russe, et par les stratégies économiques agressives de la Chine et des États-Unis en matière d'industrie verte.

La guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine a ainsi entraîné une forte hausse des prix des commodités et une volatilité des prix, qui influe sur le prix des biocarburants, particulièrement tributaire du prix des matières premières agricoles, ce qui a eu des répercussions sur les prix à la pompe, notamment pour le superéthanol E85, et a conduit à ajuster le plafond de la pénalité du mécanisme incitatif de la taxe relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT).

La Chine, de son côté, a investi massivement dans des usines de production de biocarburants et entreprend de capter les ressources permettant de produire des biocarburants à plus haute valeur ajoutée, tels que les biocarburants avancés. Comme l'a souligné la direction générale de l'énergie et du climat à la mission d'information, « ces nouvelles usines peuvent concurrencer les plans d'approvisionnement des projets européens et induisent des risques de fraude élevés, les contrôles étant difficiles à effectuer ». Elle se montre également très en pointe sur la transition des véhicules légers vers l'électrique, ce qui a conduit plusieurs personnes auditionnées par la mission d'information mettre en garde contre cette concurrence chinoise qui ne cesse de s'accroître, portée par son marché intérieur, mais aussi la Cour des comptes européenne à douter de la capacité de l'Union à atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés, à mesures constantes24(*). La Cour des comptes européenne souligne ainsi que la Chine a une grande longueur d'avance, avec 76 % de la capacité de production mondiale de batteries, et souligne que « les batteries ne doivent pas devenir le nouveau gaz naturel de l'Europe. Il faut éviter qu'elle se retrouve dans la même situation de dépendance : il en va de sa souveraineté économique ».

De leur côté, les États-Unis, après avoir marqué un recul par rapport à leurs engagements climatiques sous la présidence de Donald Trump, ont présenté à l'initiative du Président Joe Biden un plan très ambitieux de soutien à l'industrie verte américaine, l'Inflation Reduction Act, dont nombre de personnes auditionnées ont loué la simplicité et l'attractivité, alors que les États-Unis bénéficient par ailleurs d'un avantage compétitif important en matière de prix de l'énergie.

Le président-directeur général de TotalEnergies, M. Patrick Pouyanné, a ainsi souligné devant la mission « qu'au-delà des nouvelles incitations fiscales pour les infrastructures vertes, vous avez, de part et d'autre de l'Atlantique, deux continents qui sont en train de diverger profondément sur la compétitivité industrielle. Jusqu'à la fin des approvisionnements en gaz russe, on avait une énergie peu chère en Europe, auquel contribuait également le nucléaire français. Cet avantage a pris fin et notre énergie européenne va coûter durablement cher. Or, pour l'investisseur industriel, l'énergie, est un facteur très important. Pour sa part, l'énergie américaine est bon marché et elle va le rester, car les États-Unis disposent de ressources naturelles en grande quantité. Du côté du facteur travail, les salaires en Europe sont plus élevés et la flexibilité du travail est supérieure aux États-Unis. S'ajoutent les ressources financières qui sont également abondantes aux États-Unis. Indépendamment des mesures d'incitation, les fondamentaux de la compétitivité industrielle ne sont pas les mêmes sur les deux continents ».

États-Unis : Une stratégie offensive en faveur de la décarbonation
de l'économie et du renforcement de la compétitivité des entreprises américaines

Après la présidence de Donald Trump, marquée par le retrait des États-Unis de l'Accord de Paris, l'Administration Biden a élaboré la stratégie de long terme des États-Unis (LTS), deuxième version soumise dans le cadre institué par cet accord. Intitulée « Pathways to Net-Zero Greenhouse Gas Emissions by 2050 » et publiée en novembre 2021, elle remplace la version de novembre 2016, qui avait été élaborée sous l'Administration Obama et repose sur une électrification massive des usages et sur la décarbonation de la production d'électricité. Cette stratégie ne constitue pas un outil de pilotage, mais s'apparente plutôt à un rapport d'études dont les conclusions fondent l'action du gouvernement fédéral. Elle n'est pas non plus adossée à un plan de financement spécifique.

Néanmoins, sous l'Administration Biden, le Congrès a adopté quatre lois importantes qui traduisent la volonté des États-Unis de s'engager sur la voie de la décarbonation de l'économie en y consacrant des moyens significatifs (à l'échelon fédéral, sans préjudice des actions qui peuvent être menées au niveau des États fédérés) :

• l'Energy Act 2020 (EA2020), votée en décembre 2020, qui est une loi de programmation dans le domaine de l'énergie. Des programmes existants du Department of Energy, actifs ou réanimés, irriguent toutes les filières de l'énergie. Les laboratoires fédéraux reçoivent près de 35 Md $ sur 5 ans ;

• la Bipartisan Infrastructure Law (BIL), votée à l'automne 2021, qui vise à adapte certaines infrastructures à la transition énergétique. Une fraction des nouvelles dépenses envisagées (au moins 44 milliards de dollars) vient compléter l'Energy Act 2020. Des hubs carbone ou hydrogène, des usines de fabrication de batteries, des projets d'extraction et de raffinage de minerais critiques sont notamment visés par cette loi ;

• le CHIPS and Science Act (CHIPS), voté en août 2022, cherche à créer un avantage concurrentiel américain pour les technologies de demain par l'innovation et le transfert technologique. Au moins 63 milliards d'euros concernent l'énergie, le climat et la recherche fédérale qui y est associée ainsi que ses transferts technologiques. Les énergies propres reçoivent un soutien de près de 21,5 milliards de dollars.

• enfin, l'Inflation Reduction Act (IRA), votée en août 2022, vise compléter les trois lois précédentes pour stimuler l'investissement et la demande. Elle prévoir la mise à disposition de 370 milliards de dollars au profit de plusieurs acteurs sous différentes formes : crédits d'impôt, prêts, subventions, augmentation des budgets fédéraux. Environ 250 milliards de dollars relèvent de crédits d'impôt fédéraux, à destination de la fabrication, de l'investissement ou de la production des énergies propres. Les incitations existantes à la production de biocarburants routiers ont également été prolongées jusqu'en 2027. Selon les débats au Congrès, les fonds devraient permettre de réduire d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 2005.

Source : d'après les données recueillies auprès de la direction générale du Trésor

C'est ce bouleversement de la donne énergétique mondiale et ce contexte de vive compétition internationale pour le développement de filières industrielles contribuant à la décarbonation de l'économie, et en particulier en matière de biocarburants, d'hydrogène vert et d'électrolyseurs, de carburants de synthèse, que l'Union européenne s'efforce de prendre en compte via le plan Repower EU25(*) et le pacte industriel vert pour l'Europe26(*), en vue de permettre le déploiement dans de bonnes conditions du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », et dont la France tire les conséquences au travers du projet de loi relatif à l'industrie verte, adopté par le Sénat en première lecture le 22 juin 2023.

5. Les carburants et vecteurs énergétiques durables, des leviers en complément d'autres actions

Le recours à des carburants ou des vecteurs énergétiques moins carbonés, voire neutres, en termes d'émission de gaz à effet de serre est un paramètre nécessaire de la décarbonation des transports, mais il vient en complément d'autres actions.

Ainsi que l'a souligné M. Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, lors de son audition par la mission d'information, « pour réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre dans les transports, on devra agir sur plusieurs leviers : améliorer l'efficience générale des transports, optimiser l'utilisation des véhicules, favoriser le report vers les modes de transport les moins émetteurs et les plus faciles à décarboner, développer d'électrification, mais cela ne suffira pas, d'où l'importance de travailler sur de nouveaux carburants liquides ou gazeux. Il convient de prendre aussi en compte la demande croissante de mobilité. À défaut de pouvoir la réduire, il est nécessaire de rendre les transports plus efficaces. Les enjeux énergétiques et climatiques se conjuguent. Il faut aussi articuler les dimensions européenne, nationale et territoriale : rien ne sert de lancer un plan Vélo s'il ne donne pas lieu à des déclinaisons sur tout le territoire. Bref, ce problème appelle une approche systémique, en particulier pour les transports : il faut réfléchir à la fois à leur organisation, à leurs interconnexions et au lien entre les motorisations et les infrastructures de ravitaillement ».

De son côté, l'Ademe a également souligné la décarbonation du secteur des transports doit inclure une réflexion plus globale, portant notamment la sobriété dans la mobilité (autopartage, covoiturage, télétravail...), le report vers des moyens de transports moins polluants (transport en commun, marche, vélo, cyclologistique, train...) et l'amélioration de l'efficacité énergétique des chaînes de traction/production d'énergie.

L'enjeu du recours à des carburants durables est également étroitement lié :

- d'une part, à celui de la décarbonation du reste de l'économie, et en particulier de l'industrie, qui aura de fait besoin de recourir massivement à l'hydrogène pour se décarboner, comme il ressort des feuilles de route présentées par les filières et les cinquante sites les plus émetteurs lors du Conseil national de l'industrie (CNI), le 23 juin 2023. À cette occasion, le gouvernement a notamment annoncé le lancement d'une consultation publique sur un projet de stratégie CCUS (captage, stockage et utilisation du CO2), mais aussi de nouveaux appels d'offres pour soutenir la décarbonation, afin de soutenir la chaleur biomasse industrielle et les grands projets de décarbonation et les technologies à un stade de développement plus précoce ;

- d'autre part, à celui de la disponibilité de la biomasse et de l'énergie, le changement de paradigme en termes de vecteurs ayant un très fort impact et impliquant une production massive d'électricité supplémentaire.

Ces différents éléments conduisent donc la mission à mettre en relief les enjeux liés à la concurrence des usages, tant s'agissant de la disponibilité des matières premières utilisées pour fabriquer ces carburants ou vecteurs énergétiques, en particulier de la biomasse, que de leur meilleure utilisation possible au regard de leur rendement et des alternatives pour contribuer à la décarbonation de tel ou tel secteur.

B. UN CADRE JURIDIQUE QUI PEINE À SE CRISTALLISER À L'ÉCHELLE DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Des cadres progressivement ajustés au regard des contraintes extérieures : une vision stabilisée ?
a) La stratégie hydrogène de l'Union européenne

En juillet 2020, la Commission européenne a présenté une communication intitulée « Une stratégie de l'hydrogène pour une Europe climatiquement neutre », qui prévoit une trajectoire progressive pour accélérer le développement de l'hydrogène propre en trois phases entre 2020 et 2050 :

- une première phase, jusqu'à 2024, dédiée au déploiement initial à proximité des centres de demande ;

- une deuxième, allant jusqu'en 2030, visant à réduire les coûts et assurer l'expansion des infrastructures ;

- une troisième, à partir de 2030, visant un déploiement et une demande à grande échelle, en considérant que les technologies de l'hydrogène renouvelable auront atteint leur maturité.

Parallèlement s'est constituée l'Alliance européenne pour un hydrogène propre, un forum rassemblant les acteurs industriels, les autorités publiques et les représentants de la société civile et vise à coordonner les investissements.

La communication souligne que l'hydrogène constitue une priorité pour l'Union européenne, notamment pour pallier les manques des énergies renouvelables. L'hydrogène peut ainsi « permettre de pallier les variations saisonnières et de relier les sites de production à des centres de demande plus éloignés. Selon les projections figurant dans la vision stratégique pour une UE neutre pour le climat, publiée en novembre 2018, la part de l'hydrogène dans le bouquet énergétique européen devrait passer de moins de 2 % actuellement à 13-14 % d'ici à 2050 ». La Commission estimait alors que l'Union européenne pourrait faire de l'hydrogène propre « une solution viable pour décarboner progressivement différents secteurs, en atteignant une capacité installée d'au moins 6 GW d'électrolyseurs pour la production d'hydrogène renouvelable dans l'UE d'ici à 2024, qui passera à 40 GW d'ici à 2030 ».

b) « Ajustement à l'objectif 55 » : un paquet interdépendant et complexe qui influe largement sur la décarbonation des transports

Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », présenté par la Commission européenne le 14 juillet 2021, est un ensemble de treize propositions visant à réviser et à actualiser la législation de l'Union ainsi qu'à mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l'Union soient conformes aux objectifs climatiques arrêtés par le Conseil et le Parlement européen (réduire d'ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % par rapport à 1990 et atteindre la neutralité climatique d'ici 2050). La stratégie de l'Union européenne pour les forêts à l'horizon 2030 a été présentée en même temps que le train de mesures.

Le graphique suivant présente l'architecture d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

Vue d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55 »

Source : Commission européenne

Ce paquet a été complété en décembre 2021 par un « paquet gazier » comprenant en particulier :

- une proposition de directive concernant des règles communes pour les marchés intérieurs des gaz renouvelables, des gaz naturels et des gaz à effet de serre et de l'hydrogène ;

- une proposition de directive sur les marchés intérieurs des gaz renouvelables et naturels et de l'hydrogène ;

- une proposition de règlement relatif à la réduction des émissions de méthane dans le secteur de l'énergie.

Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » comprend trois pièces maîtresses, déjà révisées en 2018, qui donnent le cadre général. Il s'agit de :

- la révision du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'UE, y compris son extension au transport maritime, la révision des règles relatives aux émissions de l'aviation et la mise en place d'un système distinct d'échange de quotas d'émission pour le transport routier et les bâtiments ;

- la révision du règlement sur la répartition de l'effort en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions des États membres dans les secteurs ne relevant pas du SEQE de l'UE, même si le paquet introduit des zones de recouvrement pour le transport et les bâtiments ;

- la révision du règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF).

Deux textes totalement nouveaux apparaissent comme des « boucliers » destinés à protéger les ménages et les acteurs économiques européens du choc induit par ce paquet. Il s'agit du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et du fonds social pour le climat.

Les autres textes sont plus ciblés et apparaissent comme des déclinaisons sectorielles destinées à permettre l'atteinte des objectifs assignés par les trois règlements posant le cadre. Il s'agit de :

- la révision de la directive sur les énergies renouvelables ;

- la refonte de la directive sur l'efficacité énergétique ;

- la révision de la directive sur la taxation de l'énergie ;

- la révision de la directive sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs ;

- la modification du règlement établissant des normes d'émission de COpour les voitures et les camionnettes ;

- l'initiative ReFuelEU Aviation pour l'utilisation de carburants durables dans l'aviation ;

- l'initiative FuelEU Maritime, pour un espace maritime européen vert.

Le plan RepowerEU, présenté à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, a renforcé les objectifs du plan « Ajustement à l'objectif 55 » en portant de 40 % à 42,5 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie de l'Union à l'horizon 2030, avec l'ambition d'atteindre 45 %.

La quasi-totalité des propositions du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », à l'exception notable de la directive sur la taxation de l'énergie qui requiert l'unanimité au Conseil, a donné lieu à des accords, notamment sous la présidence française du Conseil.

La Commission européenne a ensuite présenté, le 14 février 2023, une proposition de règlement renforçant les normes de performance en matière d'émission de CO2 pour les nouveaux véhicules lourds. Elles donnent désormais un cadre et des trajectoires sectorielles, en particulier dans le domaine des carburants ou vecteurs énergétiques. Pour faciliter la compréhension des implications de ces mesures sur les différentes filières industrielles et modes de transport, l'impact des textes sectoriels fait l'objet d'une présentation dans la deuxième partie du présent rapport.

c) Le paquet gazier

Présenté le 15 décembre 2021 comme un complément du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le paquet gazier vise notamment à décarboner la consommation de gaz et à créer un marché de l'hydrogène doté d'infrastructures adaptées et coordonnées par-delà les frontières, y compris des interconnexions, dans lequel l'hydrogène peut être acheminé de façon rentable depuis les sites où il peut être facilement produit à partir de sources d'énergie renouvelables vers les clients industriels qui en ont besoin.

La Commission européenne relevait alors que « quelque 300 Mtep (350-400 milliards de m) de combustibles gazeux sont consommés chaque année dans l'UE, dont 95 % sont du gaz naturel. Ils représentent environ 25 % de la consommation totale d'énergie dans l'UE et servent pour 20 % à la production d'électricité dans l'UE et 39 % à la production de chaleur. Conformément aux scénarios stratégiques qui sous-tendent l'initiative « Ajustement à l'objectif 55 », le biogaz et le biométhane, l'hydrogène renouvelable et à faible teneur en carbone et les carburants de synthèse (gaz de synthèse) viendront progressivement remplacer le gaz naturel fossile et représenteront une part très importante des combustibles gazeux dans le bouquet énergétique à l'horizon 2050 ».

d) Le plan RepowerEU

Les objectifs et propositions présentés dans ces différents paquets ont été réévalués à la hausse par la Commission européenne, à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, dans le cadre de son plan RepowerEU, visant renforcer la résilience de l'Union et à réduire sa dépendance au gaz russe.

Comme le relevait la Commission, « le plan REPowerEU s'appuie sur la mise en oeuvre intégrale des propositions du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » présentées l'an dernier sans modifier l'ambition de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030 et de parvenir à la neutralité climatique d'ici à 2050 conformément au pacte vert pour l'Europe ».

Selon l'analyse de la Commission, ce nouveau plan, qui met à nouveau l'accent sur l'importance de l'hydrogène, implique des investissements supplémentaires de 210 milliards d'euros d'investissement d'ici à 2027, qui viendront s'ajouter à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des propositions du paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

e) Le plan pour une industrie verte européenne (NZIA)

Enfin, confrontée à la fois à la concurrence chinoise, notamment pour la production de véhicules électriques, et aux conditions très favorables mises en oeuvre par les États-Unis dans le cadre, notamment, de l'Inflation Reduction Act, la Commission européenne a présenté le 1er février 2023 une communication relative au plan industriel du pacte vert, puis le 16 mars 2023 une proposition de règlement relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », dit règlement pour une industrie « zéro net ».

La proposition de règlement vise ainsi à encourager les investissements dans la production de technologies « zéro net », en prévoyant :

- une simplification du cadre réglementaire ;

- une amélioration de l'investissement dans la capacité de production de l'Union en ce qui concerne les technologies essentielles à la réalisation des objectifs de neutralité climatique de l'Union et à la résilience de son système énergétique décarbonné, tout en contribuant à réduire la pollution ;

- une réduction des dépendances de l'Union, qui est fortement importatrice nette de technologies « zéro net » alors que celles-ci jouent un rôle clé dans son autonomie stratégique ouverte.

Quoique présenté comme une réponse à l'IRA, ce cadre n'est pas assorti de nouveaux financements européens. Les projets pourront toutefois bénéficier des possibilités existantes offertes par les instruments de l'Union (Fonds pour l'innovation, programme InvestEU, facilité pour la reprise et la résilience, Horizon Europe, programmes de cohésion), et bénéficier d'aides d'État dans le cadre du régime temporaire applicable jusqu'à fin 2025.

2. Une transition désordonnée ?

Dans une interview accordée au Grand Continent le 15 janvier 2023, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, observe que « le scénario par défaut de la transition climatique européenne est un scénario de transition désordonnée ».

Dans le cadre d'une contribution écrite adressée à la mission d'information, la Banque publique d'investissement relève que « le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le plan industriel vert de l'Union européenne et le règlement « zéro émission nette » sont trois initiatives européennes successives pour accélérer la transition verte de l'économie et des entreprises. Nous pourrions ajouter l'initiative sur les semi-conducteurs (Chips Act), l'initiative sur les matières premières critiques (Critical Raw Material Act) ou encore Repower EU et ses plans d'actions sectoriels. Ce sont des plans épars qui ne sont pas conçus comme un seul et même plan, mais comme une succession de plans. Leurs jalons n'ont pas été définis pour s'emboîter les uns dans les autres. Cela peut donc conduire à un risque de transition désordonnée ».

C'est également le sentiment qu'ont pu en avoir les acteurs auditionnés par la mission d'information, qui sont souligné que les incertitudes concernant le cadre applicable et les objectifs à atteindre ne favorisaient pas l'investissement.

C. UN CADRE NORMATIF FRANÇAIS QUI DOIT ENCORE S'ADAPTER

1. Sur le fondement de l'article 301 de la loi « Climat et résilience », les filières établissent des feuilles de route de décarbonation

Afin de préparer cette échéance et, en particulier, la prochaine stratégie nationale bas-carbone, l'article 301 de la loi « Climat et résilience » du 22 août 202127(*) prévoit que, pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, et au plus tard le 1er janvier 2023, une feuille de route est établie conjointement par les représentants des filières économiques, le Gouvernement et les représentants des collectivités territoriales pour les secteurs dans lesquels ils exercent une compétence.

Cette feuille de route doit, aux termes de cet article, coordonner les actions mises en oeuvre par chacune des parties pour atteindre les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre fixés par la SNBC.

Les étapes d'élaboration des feuilles de route

D'après le ministère de la transition écologique, les feuilles de route prévues en application de la loi « Climat et résilience » sont « toutes élaborées via la même démarche afin d'impliquer les filières économiques dans la planification écologique et la mise en oeuvre de la future SNBC », suivant trois étapes :

élaboration par chaque filière d'une proposition de feuille de route de décarbonation, en amont de l'élaboration de la prochaine SNBC (leviers privilégiés, freins à lever, actions à mettre en place, propositions d'évolutions des politiques publiques) ;

remise au Gouvernement de ces propositions de feuille de routes, courant 2023, pour alimenter les décisions dans le cadre de la planification écologique ;

travail d'alignement de ces propositions de feuilles de route avec les orientations de la planification écologique, lorsque ces dernières auront été précisées, afin de « permettre aux pouvoirs publics et aux filières de partager une même trajectoire de transition et de prendre des engagements réciproques sur les moyens à mettre en oeuvre par chaque partie prenante pour la déployer ».

En outre, un comité scientifique a été mis en place afin de formuler un avis indépendant sur les propositions de feuilles de route élaborées par les filières et des recommandations pour la suite des travaux.

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

À ce jour, six propositions de feuilles de routes de filières ont été remises au Gouvernement, dont quatre concernent directement le secteur des transports. D'après le site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ces documents « ne constituent pas la feuille de route du Gouvernement et les propositions d'évolution des politiques publiques qu'ils contiennent n'engagent pas l'État. »

· Le secteur du transport aérien a été le premier à remettre officiellement au Gouvernement sa proposition de feuille de route le 14 février 2023, dont l'élaboration a été co-pilotée par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Elle s'inscrit dans l'objectif de neutralité carbone défini à l'échelle européenne, mais aussi approuvé par l'Assemblée de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en octobre 2022 (« Long term global aspirational goal » ou LTAG).

Cette proposition de feuille de route retient deux périmètres d'action, compte tenu des spécificités du transport aérien, à savoir :

- un périmètre français, qui correspond au périmètre de la SNBC (origine et destination situés en France) ;

- un périmètre international (ensemble des vols au départ de la France vers l'international).

Pour chacun de ces périmètres, ce document décline deux scénarios, « Action » et « Accélération », qui correspondent à des niveaux d'investissements et d'ambition croissants. Le tableau ci-après résume les résultats estimés en matière de réduction des émissions de COen fonction des scénarios retenus, ainsi que les besoins en énergie décarbonée associés.

Scénarios de décarbonation du secteur aérien
identifiés par la proposition de feuille de route de décarbonation

Source : Synthèse - Feuille de route de décarbonation du transport aérien

· Remise en avril 2023 et pilotée par la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture, d'une part, et par le Cluster maritime français (CMF), d'autre part, la proposition de feuille de route de la filière maritime identifie les leviers permettant d'atteindre les objectifs de décarbonation fixés au niveau international. L'Organisation maritime internationale (OMI) s'est en effet engagée à :

- réduire de 50 % les émissions en valeur absolue du secteur d'ici 2050 par rapport à 2008 ;

- diminuer l'intensité carbone de la flotte mondiale de 40 % en 2030 par rapport à 2008.

D'après la proposition de feuille de route, le secteur maritime peut agir sur quatre familles de leviers, à savoir l'efficacité énergétique des navires (technologique, opérationnelle), l'écoconception, la construction et la fin de vie, mais aussi le changement d'énergie (recours à des énergies moins carbonées, électrification à quai) et l'excellence opérationnelle (diminution de la vitesse des navires, éco conduite). Ce document présente ainsi sept trajectoires énergétiques pour réduire les émissions du secteur maritime, afin de lui permettre d'atteindre ses objectifs de décarbonation.

Les sept scénarios de décarbonation de la filière maritime

Source : Feuille de route de décarbonation de la filière maritime

· La proposition de feuille de route de la chaîne de valeur de l'automobile, pilotée par la Plateforme automobile, identifie cinq principaux leviers de décarbonation du secteur : la demande de transport, la part modale de l'automobile, l'intensité carbone de l'énergie des moteurs, l'efficacité énergétique et le taux d'occupation des voitures. D'après ce document, « si l'électrification du parc automobile constitue le principal gisement de gain à la fois en matière d'intensité carbone de l'énergie utilisée que d'efficacité énergétique, il sera loin d'être suffisant pour atteindre les objectifs climatiques à horizon 2030, impliquant la nécessaire mobilisation des autres leviers ». Le graphique ci-après représente le concours attendu de ces différents leviers alternatifs pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur.

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile

· Enfin, la proposition de feuille de route de la chaîne de valeur des véhicules lourds, également remise en mai 2023, identifie dix leviers de décarbonation pour atteindre les cibles de baisses d'émissions. Compte tenu de la grande variété de véhicules lourds et des usages associés, il est estimé que la décarbonation de la chaîne de valeur justifie de mobiliser l'ensemble des moyens disponibles, à savoir :

- le verdissement de la motorisation des véhicules ;

- l'efficacité énergétique des véhicules ;

- l'augmentation de chargement des poids lourds et les taux de remplissage des transports collectifs ;

- la réduction des distances parcourues ;

- le report modal.

2. La stratégie nationale hydrogène est en passe d'être révisée

L'hydrogène fait l'objet de stratégies spécifiques, mais qui sont également en passe d'être revues, dans le cadre de la prochaine révision d'ensemble de la stratégie énergétique nationale.

En 2018, le Plan de déploiement de l'hydrogène pour la transition énergétique28(*) a introduit pour objectifs 20 à 40 % d'hydrogène décarboné dans l'hydrogène industriel d'ici 2028, ainsi qu'un parc de 20 000 à 50 000 véhicules légers, 800 à 2 000 véhicules lourds et 400 à 1 000 stations29(*). Pour y parvenir, il a été prévu d'allouer 100 M€ au déploiement de l'hydrogène décarboné, à compter de 2019. Dans le domaine des transports, le plan a prévu une valorisation des usages de la mobilité, en complémentarité avec les filières batterie, qu'il s'agisse des véhicules lourds routiers, mais aussi des bateaux, des trains et de l'aéronautique.

En 2020, la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France30(*) a introduit un objectif d'installation de 6,5 GW de capacités de production d'hydrogène décarboné par électrolyse. Cette stratégie a été dotée d'un montant de 7 Mds €, dont 3,4 Mds € pour 2020-2023 répartis entre l'industrie, à hauteur de 54 %, les transports, pour 27 %, et la recherche et l'innovation, pour 19 %. Dans le domaine des transports, le choix a été fait de cibler le recours à l'hydrogène sur la mobilité lourde31(*), en complément des batteries électriques, dans la mesure où ce marché a été identifié comme mature et dynamique.

L'hydrogène a été soutenu par le Plan de relance de 2020, à hauteur de 2 Mds €, dont 350 M€ pour les briques et démonstrateurs et 275 M€ pour les écosystèmes territoriaux, et le Plan d'investissement de 2021, à hauteur de 2 Mds €, dont 1,7 Mds € pour les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) et 200 M€ pour les écosystèmes territoriaux.

Cette stratégie a été consolidée par la déclaration du Président de la République, sur la politique de l'énergie, tenue à Belfort, le 10 janvier 2022 : en effet, ce dernier a promu le développement de l'hydrogène bas-carbone, d'origine nucléaire ; il a également rappelé le soutien de l'État aux projets d'électrolyseurs (114 M€) et de réservoirs (246 M€) d'hydrogène.

3. Le Parlement sera appelé à examiner le projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat pour réviser des objectifs désormais obsolètes

Depuis la loi « Énergie-Climat » de 201932(*) il est prévu qu'une loi détermine les objectifs et les priorités d'action de la politique énergétique nationale (article L. 100-1 A du code de l'énergie).

Cette loi doit fixer plusieurs objectifs énergétiques, dont celui de diversification du mix de production d'électricité, et plusieurs objectifs climatiques, dont celui de réduction des émissions de GES.

Cette loi doit prévaloir sur tous les documents réglementaires existants, dont la PPE et la SNBC, ainsi qu'en a voulu le Sénat.

Maintenant que le cadre réglementaire européen issu du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » commence à être appliqué, elle est de fait nécessaire pour réviser des objectifs nationaux désormais pour la plupart obsolètes et mettre en cohérence le cadre national avec le cadre européen.

L'hydrogène vert, les carburants de synthèse et des biocarburants sont déjà inclus, de manière implicite, à cette loi : en effet, le législateur, et singulièrement le Sénat, a souhaité fixer un objectif de développement, sur deux périodes successives de 5 ans, d'une part, des EnR pour le carburant, mais aussi la chaleur, l'électricité et le gaz, dès 2019, et d'autre part, de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, en 202133(*).

De plus, la PPE et la SNBC devront être révisées par décret, dans un délai de douze mois suivant cette adoption (article 141-4 du code de l'énergie et L. 222-1 C du code de l'environnement).

L'échéance du 1er juillet 2023, fixée pour l'adoption du premier exercice de cette loi, par l'article 100-1 A du code de l'énergie, ne sera assurément pas respectée. Toutefois, à l'occasion du débat annuel sur l'application des lois au Sénat, le ministère de la transition énergétique (MTE) a confirmé qu'un projet de loi de programmation énergie-climat serait présenté à l'automne, précisant qu'un grand chantier de concertation a été lancé en mai, pour aboutir en juillet, après une concertation citoyenne, d'octobre 2022 à février 2023. De plus, il a indiqué que les nouvelles PPE et SNBC seraient présentées à l'été et publiées l'année suivant l'adoption du projet de loi.

C'est dans cette perspective politique, ainsi que dans celle de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2024 - qui inclura notamment les mesures fiscales associées au projet de loi relatif à l'industrie verte -, que se placent les travaux de cette mission d'information.

II. UN PANORAMA DE TECHNOLOGIES ET DE FILIÈRES TRÈS CONTRASTÉ

A. DES TECHNOLOGIES PLUS CHÈRES QUE LA BASE FOSSILE, DE MATURITÉ ET DE RENDEMENT VARIABLES

1. Les biocarburants de première génération, une technologie mature, mais discutée

Les biocarburants consistent en des carburants, liquides ou gazeux, produits à partir de la biomasse, végétale ou animale. Ils sont généralement incorporés aux carburants d'origine fossile, l'essence ou le gazole, pour être utilisés dans le secteur des transports34(*).

Les biocarburants dits de « première génération » (1G) correspondent à ceux actuels, produits à partir de la biomasse agricole. On distingue généralement deux filières industrielles : celle du bioéthanol et celle du biogazole. À leurs côtés, on peut citer le biogaz.

a) Les procédés et usages du bioéthanol et du biogazole

En l'état actuel des technologies, les procédés de fabrication du bioéthanol et du biogazole sont bien établis.

Le bioéthanol35(*) consiste en l'incorporation dans l'essence d'un alcool issu de la fermentation de sucres contenus dans les végétaux (betteraves, cannes à sucre, céréales, résidus vinicoles notamment).

En France, le bioéthanol est commercialisé à des niveaux de 5 % (SP95-E5 et SP98-E5), 10 % (SP95-E10), entre 65 et 85 % (Superéthanol E85) et jusqu'à 95 % (ED95). Les véhicules à motorisation essence peuvent utiliser de l'E5 et ceux commercialisés après 2 000 peuvent utiliser l'E10 ; en revanche, l'E85 est réservé aux véhicules dits « Flexfuel », c'est-à-dire disposant d'un dispositif de conversion36(*), et l'ED95 aux flottes captives.

L'éthyl tertio butyl éther (ETBE) est un dérivé de l'éthanol, d'origine renouvelable, produit à partir d'isobutène, d'origine fossile. Procédé le plus ancien d'incorporation de l'éthanol dans l'essence, sa part renouvelable n'est cependant que de 47 % en 202037(*). Il est incorporé avec des niveaux atteignant 15 % pour le SP95-E5, 16 % pour le SP98-E5 et 22 % pour le SP95-E10.

Le biogazole consiste en l'incorporation dans le gazole d'un ester38(*) issu de la trans-estérification39(*) d'huiles d'origine végétale (colza, soja, tournesol, huile de palme) ou animale (graisses) ; ces huiles d'origine végétale peuvent être brutes ou usagées40(*).

En France, le biogazole est commercialisé à des niveaux allant de 7 à 10 % (B7 et B10) et de 30 à 100 % (B30 et B100). Les véhicules à motorisation gazole peuvent utiliser le B7 et ceux compatibles peuvent utiliser le B1041(*) ; pour autant les B30 et B100 sont réservés à des flottes captives.

Selon l'alcool utilisé - méthanol ou éthanol -, on parle d'ester méthylique (EMAG) ou éthylique d'acide gras (EEAG). Le premier procédé est le plus courant ; on parle d'ester méthylique d'huile végétale (EMHV), animale (EMHA) ou usagée (EMHU), ou d'ester éthylique d'huile végétale (EEHV), animale (EEHA) ou usagée (EEHU), selon l'huile mobilisée.

Tant en matière de bioéthanol que de biogazole, des carburants de synthèse peuvent être obtenus par hydrotraitement de l'hydrogène : il s'agit des huiles végétales hydrotraitées essence (HVHTE) et gazole (HVHTG).

b) Un encadrement européen étoffé et évolutif

Le cadre européen définit strictement les conditions de production et d'utilisation des biocarburants.

La directive « EnR2 », du 11 décembre 201842(*), comporte ainsi plusieurs définitions (article 2) :

- les biocarburants, soit les carburants liquides utilisés pour le transport et produits à partir de la biomasse ;

- les biocarburants avancés, soit les biocarburants produits à partir des matières premières énumérées à la partie A de l'annexe IX43(*), issus notamment de déchets ménagers, agricoles, forestiers ou industriels.

La directive fixe un objectif de 14 % d'énergie renouvelable dans la consommation finale d'énergie de l'Union européenne dans le secteur des transports en 2030 (article 25).

Elle limite la part des biocarburants, bioliquides et biocombustibles produits à partir de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale à 7 % de la consommation d'énergie des transports routiers et ferroviaires. La part de ceux induisant un risque élevé de CASI ne peut excéder leur niveau de 2019 et doit s'établir à 0 % entre le 31 décembre 2023 et le 31 décembre 2030 (article 26).

À l'inverse, la directive fixe la contribution des biocarburants avancés et du biogaz à l'intégration de l'énergie renouvelable dans ce secteur à 0,2 % en 2022, 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030 au moins (article 25).

En outre, la directive impose des critères de durabilité et de réduction des émissions de GES. Les biocarburants, bioliquides et biocombustibles doivent permettre une réduction de 50 %, pour ceux produits dans des installations mises en service au plus tard le 5 octobre 2015, 60 % pour celles mises en service entre le 6 octobre 2015 et le 31 décembre 2020 et 65 % pour celles mises en service à partir du 1er janvier 2021. Ils doivent, de surcroît, respecter la légalité des opérations de récolte ainsi que la régénération de la forêt, les zones de protection de la nature ou la préservation de la qualité des sols et de la biodiversité (article 29)44(*).

Parmi les biocarburants ainsi définis à l'échelon européen, deux catégories spécifiques doivent être rappelées (article 2) :

- les biocarburants dont la comptabilisation est double pour l'atteinte des objectifs des biocarburants, énumérés à la partie A de l'annexe IX, soit les biocarburants avancés précités, ou à la partie B de cette même annexe, soit les biocarburants issus d'huiles de cuisson et de graisses animales de catégories 1 et 2 ;

- les biocarburants présentant un risque élevé d'induire des CASI et dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de culture, relevant d'un acte délégué45(*), essentiellement l'huile de palme.

Dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », la directive « EnR 2 » doit être remplacée par celle « EnR 3 ».

À date, le projet de révision46(*) de la directive précitée47(*) fixerait l'objectif d'énergie renouvelable dans les transports à 29 % et la part des biocarburants avancés et des carburants renouvelables d'origine non biologique à 5,5 %, au total, et 1 %, pour ces seconds carburants (article 25). De plus, il introduirait des objectifs sur les carburants renouvelables d'origine non biologique de 42 % dans l'industrie en 2030 et 60 % en 2035 (articles 22 bis). Il appliquerait un objectif de 14,5 % de réduction des émissions de GES au secteur des transports d'ici 2030 (article 13). Enfin, il ne permettrait de prendre en compte ces carburants renouvelables d'origine non biologique que si leurs réductions d'émissions sont au moins de 70 % (article 29 bis).

Pour le secteur aérien, le Plan ReFuelEU Aviation48(*) fixerait un objectif de carburants aéronautiques durables de 2 % en 2025, 6 % en 2030 et 70 % en 2050 ; de leur côté, les carburants synthétiques durables représenteraient 1,2 % en 2030 et 35 % en 2050. Quant au plan FuelEU Maritime49(*), il proposerait un objectif de réduction des émissions de GES de 2 % en 2025, 6 % en 2030 et 80 % en 2050, les carburants renouvelables d'origine non biologique pouvant compter double dans cet objectif, entre 2025 et 2034, et un objectif d'incorporation de 2 % pouvant s'appliquer en 203450(*). Dans les deux cas, et contrairement à ce qui est prévu aux États-Unis, les biocarburants de première génération issus de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale ne pourraient être pris en compte.

c) Des filières françaises structurées et pourvoyeuses d'emplois, grâce à un soutien continu de l'État
(1) Un fort soutien au développement des biocarburants

Depuis deux décennies, l'État soutient l'essor des biocarburants, via notamment des taux d'incorporation fixés dans la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), instituée par « LFI pour 2005 »51(*), devenue la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB), avec la « LFI pour 2019 »52(*), puis la TIRUERT, avec la « LFI pour 2021 »53(*) (article 266 quindecies du code des douanes).

Ces taux sont de 9,5 et 9,9 % pour l'essence en 2023 et 2024 et de 8,6 et 9 % pour le gazole. Des taux de 1 et 1,5 % aux mêmes échéances ont été ajoutés en 2022 pour les carburéacteurs, pour promouvoir les biocarburants aéronautiques durables. De plus, l'État applique des taux réduits de taxe intérieure sur la consommation de produits pétroliers (TICPE)54(*) (article 312-79 du code des impositions sur les biens et les services - CIBS).

Les objectifs ainsi fixés ont été globalement atteints ces dernières années, ainsi que l'illustre le graphique ci-après55(*).

Résultat tangible de cette politique de soutien, les biocarburants mis à la consommation ont atteint 4,1 milliards de litres (Mdl) en 2020, dont 1,08 Mdl pour le bioéthanol et 2,98 pour le biogazole. Ces volumes ont été tirés par l'éthanol (18,65 %) et l'EMHV (61,08 %). Cependant, ils ont diminué de 15,4 % de 2019 à 2020, compte tenu de la chute de la consommation totale de carburants, due aux mesures de confinement liées à la crise de la Covid- 19.

Biocarburants56(*)

Volume 2020

Pourcentage 2020

Évolution 2019-2020

EMHA

15 Ml

0,37 %

- 14,8 %

EMHU

105 Ml

2,58 %

- 46 %

EMHV

2 481,7 Ml

61,08 %

- 9,5 %

EMAG

5,2 Ml

0,13 %

-

HVHTG

371 Ml

9,13 %

- 36,6 %

ETBE

278 Ml

6,84 %

- 29,6 %

Éthanol

757,7 Ml

18,65 %

- 2 %

HVHTE

48,76 Ml

1,20 %

- 48 %

Total

4 063 Ml

100,00 %

- 15,4 %

En 2022, les biocarburants mis à la consommation sont restés très dynamiques, avec 5,2 Mdl au total, dont 3,5 Mdl pour la filière biogazole et 1,7 Mdl pour la filière bioéthanol. Ces mises à la consommation ont été tirées par l'éthanol (24,50 %) et l'EMHV (55 %)57(*).

(2) Une contribution réelle des biocarburants à la transition énergétique

Aujourd'hui, les biocarburants participent à la transition énergétique. Les biocarburants y contribuent utilement, en substituant des EnR à des énergies fossiles et en diversifiant notre mix énergétique. Entre 2 000 et 2021, leur volume de consommation finale est passé de moins de 5 TWh à plus de 35 TWh, avec une prédominance de la filière biogazole (77 %) sur celle bioéthanol (23 %)58(*). En 2021, ils ont représenté en 1,3 % de la consommation d'énergie primaire59(*), dont 7 % pour le secteur des transports, contre des parts de respectivement 0,9 et 4,8 % en 201160(*). Pour autant, leur impact est limité, au regard de l'important volume de consommation de l'énergie (2 769 TWh) et des transports (501 TWh)61(*). Au sein des EnR, les biocarburants ont atteint 6 % de la consommation d'énergie primaire et 10 % de la production d'énergie primaire en 2021. Cependant, ils ne se situent qu'à la 5e place des EnR en termes de consommation et de production en 2021 ; ce sont des filières moyennes, qui n'y représentent que 4 % de l'emploi et 0,4 % de l'investissement en 2019. En revanche, la biomasse62(*) se situe à la 2e place des EnR en matière de dépenses de R&D en 2020, avec 34 %, juste après le solaire (41 %)63(*). Enfin, les coûts de production sont de 700 à 950 € par mpour l'éthanol et 800 à 1 100 € par mpour l'ester méthylique64(*). Cela justifie une politique fiscale incitative, dont le manque à gagner pour l'État a été évalué à 299,76 M€ pour les taux réduits de TICPE et à 4,2 Mds € pour la TIRIB en 201965(*).

(3) Des filières compétitives représentant près de 30 000 emplois

Grâce au soutien apporté par l'État au développement de la première génération de biocarburants, les filières françaises se sont structurées et ont développé une industrie mature et largement pourvoyeuses d'emplois.

D'après les données recueillies auprès des représentants de fédérations agricoles, du Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA) et d'EsteriFrance, la filière représenterait près de 29 000 emplois directs, indirects et induits : 20 000 pour le biogazole et 9 000 pour le bioéthanol.

Plus précisément, selon FranceAgriMer, la filière bioéthanol représenterait ainsi 4 500 emplois directs et 4 400 indirects, contre 12 000 emplois directs et 7 800 indirects pour le biogazole66(*). L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), citée par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), évoque un total de 2 700 emplois industriels et 20 700 emplois agricoles pour ces deux filières. De plus, leurs capacités de production sont importantes, avec une moyenne de 208 000 hl de bioéthanol en 2021 et 230 000 tonnes de biogazole en 2019, selon FranceAgriMer. En 2021, la France est donc un acteur important du marché : le 1er en Europe et le 6e dans le monde, pour le bioéthanol ; le 2e en Europe et le 5e dans le monde, pour le biogazole, selon FranceAgriMer.

Ainsi que l'a relevé le président-directeur général (PDG) de l'Institut national pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), M. Philippe Mauguin, « la façon dont la filière s'est développée en ester de colza, en éthanol ou en ETBE a été finalement assez raisonnable et pragmatique, à un moment où l'on était en difficulté et où il fallait se diversifier. Cette première génération a sa logique ».

d) De nombreux débats sur les filières bioéthanol et biogazole

En dépit de cette longue histoire et de cette structuration forte, les biocarburants de première génération font l'objet de plusieurs débats importants.

(1) L'intérêt pour la souveraineté énergétique et la part d'importations

Le premier débat porte ainsi sur l'intérêt des biocarburants de première génération du point de vue de la souveraineté énergétique.

La mission d'information a, à cet égard, reçu plusieurs évaluations divergentes concernant le taux de couverture des besoins.

En dépit de la structuration des filières françaises et de leur compétitivité, la production nationale de bioéthanol, de 11 Mhl en 2021, ne couvre pas la consommation nationale, de 13 Mhl ; les importations s'élèvent à 6,1 Mhl et les exportations à 6,7 Mhl ; il en résulte un solde disponible à l'export déficitaire, de 220 000 hl, et un taux d'autosuffisance de 83 %. Dans le même ordre d'idées, la production nationale de biogazole, de 1,9 Mt, ne couvre pas la consommation nationale, de 2,8 Mt ; ici aussi, on constate des importations de 1,7 Mt et des exportations de 500 000 hl ; on observe un solde déficitaire d'1,2 Mt et un taux d'autosuffisance de 68 %. Pour autant, la France a connu des années plus favorables : ainsi, ces dernières années, le taux d'autosuffisance a dépassé les 100 % pour la filière bioéthanol, en 2018 et 2020, et les 80 % pour celle biogazole, en 2018 et 201967(*),68(*).

Production de biogazole (en milliers de tonnes)

Production de bioéthanol (en milliers hl)

Dans l'étude qu'il a présentée à la mission d'information lors de son audition, Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l'initiative « Mobilité en transition » de l'Iddri, avait fait état, en 2019, d'un déficit total de plus de 400 M€, avec un excédent d'environ 200 M€ pour la filière bioéthanol et un déficit d'environ 600 M€ pour la filière biogazole. La Cour des comptes avait également mis en lumière le déséquilibre croissant de la balance commerciale, en particulier pour le biodiesel, le solde extérieur des échanges en biocarburants étant déficitaire à partir de 201669(*). Même si la situation réglementaire a évolué, la France ayant banni depuis lors l'utilisation de la palme et du soja pour produire des biocarburants, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) met également l'accent sur cet enjeu des importations de biocarburants de première génération70(*) : selon lui, 10 TWh de biocarburants de première génération et une part de biocarburants avancés sont actuellement importés.

Ainsi, même dans le cadre d'un niveau d'incorporation plafonné se présente un enjeu de couverture des besoins nationaux en biocarburants de première génération.

(2) L'intérêt pour la politique agricole

Le débat porte également sur l'intérêt des biocarburants pour la politique agricole. D'emblée, rappelons que les biocarburants ne représentent qu'une part minime de la surface agricole utile (SAU).

Comme l'a souligné le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire Marc Fesneau devant la mission d'information, « FranceAgriMer a produit des estimations des surfaces nettes correspondant aux cultures destinées à la production de biocarburants de première génération, déduction faite de la surface théorique nécessaire à la production des coproduits issus des biocarburants et destinés à l'alimentation animale. En 2021, la part de surface agricole utile (SAU) nette allouée aux biocarburants était ainsi, en France, de 0,7 % pour la filière bioéthanol et de 2,5 % pour la filière biodiesel. Ces chiffres donnent une juste mesure des enjeux et permettent de rationaliser le débat ».

De plus, les biocarburants permettent aux agriculteurs de diversifier leurs débouchés, leurs cultures et leurs revenus.

En 2020, les matières premières les plus utilisées dans la filière bioéthanol ont été le maïs (39 %), le blé (26,80 %) et la betterave (12,25 %). La même année, les matières premières les plus consommées dans la filière biogazole ont été le colza (64 %), le soja (23 %) et le tournesol (2 %).

Matières premières utilisées dans la filière bioéthanol

Matières premières utilisées dans la filière biogazole

Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés
en France en 2020, 2021.

En outre, leur production génère des coproduits - les drêches et les pulpes pour le bioéthanol, les tourteaux pour le biogazole -, utiles à l'alimentation animale, ce qui contribue ainsi à la souveraineté protéique de la France. À titre d'illustration, la co-production de drêches s'est établie à 0,7 Mt et celle de pulpes à 0,5 Mt en 2022, selon le SNPAA. Dans le même esprit, pour EsteriFrance, 1 l de biogazole issu d'EMVH permet la coproduction de 1,5 kg de protéines végétales71(*),72(*).

En 2022, les matières premières les plus utilisées dans la filière bioéthanol ont été le maïs (35,65 %), le blé (19,91 %) et la betterave (10,81 %). La même année, les matières premières les plus consommées dans la filière biogazole ont été le colza (84,61 %), l'huile alimentaire usagée (6,02 %) et le tournesol (3,63 %)73(*).

(3) L'enjeu de la durabilité et la concurrence des usages agricoles

Un autre débat, exposé avec force lors de son audition par Transport & Environment, porte sur l'intérêt des biocarburants sur le plan de leur durabilité.

Transport & Environment, dans sa réponse écrite à la mission d'information, critique notamment le recours à l'huile de palme et au soja comme élément favorisant la déforestation, considère que le CASI lié au passage aux biocarburants a en réalité un impact climatique supérieur au gain en émissions de COde par leur utilisation et qu'il serait plus efficace de créer des puits de carbone ou, pour d'autres finalités, d'augmenter la part des cultures alimentaires ou de recréer des habitats naturels pour les espèces menacées afin de faire à la crise de la biodiversité.

La Cour des comptes a également porté un jugement sévère sur le bilan environnemental des biocarburants de première génération, le considérant décevant dans la mesure où la combustion des biocarburants entraîne des émissions de polluants atmosphériques comparables à celles des carburants fossiles et la production brute de GES est la même que celle de ces derniers. La Cour considère que la production nette de ces GES est plus faible, mais que les évaluations faites sur ce plan sont perfectibles et qu'en outre, les dispositifs de soutien fondés sur la seule part d'énergie renouvelable incorporée font fuir vers d'autres pays européens les biocarburants ayant les meilleures performances en termes de réduction de GES. Surtout, elle avance que les évaluations des économies de GES fondées sur les forfaits retenus par la réglementation européenne sont peu cohérentes.

La mission d'information observe que la critique principale concernant le recours à la palme ou au soja n'a plus lieu d'être.

En effet, conformément à la directive « EnR 2 », les biocarburants présentant un risque élevé d'induire des CASI sont interdits, à l'image en France de l'huile de palme - en 2020 - et du soja - depuis 2022 -. Concernant les émissions de GES, les biocarburants doivent respecter les réductions, entre 50 et 65 %, prévues par cette même directive.

Selon l'Ademe, ces réductions se sont établies entre 24 et 72 % pour le bioéthanol et 59 et 91 % pour le biogazole en 201074(*),75(*). Des données plus récentes de la DGEC font apparaître des émissions moyennes inférieures à celles d'un carburant fossile, qui émet quant à lui 94 grammes d'équivalent de COpar mégajoule (gCO2eq/MJ) ; les performances sont plus élevées pour les biocarburants issus de déchets et de résidus que pour ceux issus de cultures alimentaires. Ces données agrégées sont corroborées par celles déclarées par des producteurs, qui justifient de réductions de 58 à 88 % pour la filière biogazole et de 66 à 81 % pour celle bioéthanol76(*).

Émissions moyennes de COdes biocarburants

Émissions moyennes des

biocarburants (gCO2eq/MJ)77(*)

Issus de cultures alimentaires

Issus de déchets

et de résidus

Biogazole

Culture

22,68

0

Production

9,1

15,95

Transport

1,8

1,9

Bioéthanol

Culture

18,16

0

Production

13,27

17,51

Transport

2,44

4,13

Source : Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants
incorporés en France en 2020, 2021

Réductions de gaz à effet de serre liées à l'utilisation des biocarburants

Biocarburants

Réduction de GES

déclarée par les producteurs

Biogazole

EMHA

-83 %

EMHU

-88 %

EMHV

-58 %

EMAG

-82 %

HVHTG

-78 %

Bioéthanol

ETBE

-67 %

Éthanol

-66 %

ED95

-77 %

HVHTE

- 81 %

Source : Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des
biocarburants incorporés en France en 2020, 2021

En 2022, 10,6 MtCOont été évités grâce à la consommation des biocarburants, dont 5,77 Mt pour le colza et 1,25 pour le maïs et 0,73 pour les huiles usagées78(*).

Enfin, s'agissant des matières premières, les biocarburants mobilisent largement des matières locales, au niveau de l'Union, en particulier pour la filière bioéthanol. En 2020, ces matières sont françaises, à hauteur de 64,8 %, et européennes, à hauteur de 97 %, pour le bioéthanol. Le niveau est moindre pour le colza utilisé pour le biogazole, qui est européen à hauteur de 50 % pour l'EMVH et de 44 % pour l'ensemble79(*).

Origine des biocarburants

Biocarburants80(*)

Origine française

Origine européenne

EMHA

43 à 60,4 %81(*)

100 à 99,2 %82(*)

EMHU

12 %

53,44 %

EMHV

-

52 %

EMAG

-

52,5 %

HVHTG

-

65 %

ETBE

37,4 %

96,6 %

Éthanol

78 %

99,2 %

HVHTE

22 %

52,98 %

Source : Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants
incorporés en France en 2020, 2021

e) Le cas du biogaz et de son usage pour la mobilité

Aux côtés des filières du bioéthanol et du biogazole, celle du biogaz concourt aussi à la décarbonation des transports. Ayant déjà fait l'objet d'une mission d'information83(*), récente et complète, elle ne sera que mentionnée par le présent rapport.

Produit à partir la méthanisation, c'est-à-dire par la digestion anaérobie d'une biomasse fermentescible, ou d'autres procédés84(*), le biogaz peut être utilisé pour plusieurs usages : la production d'électricité renouvelable, l'injection dans les réseaux de gaz naturel, mais aussi la décarbonation de la mobilité, terrestre ou maritime.

En effet, le biogaz peut être employé comme carburant : le biogaz naturel pour véhicules (bio-GNV) existe sous forme gazeuse pour les véhicules légers ou lourds, avec le gaz naturel compressé (GNC), ou sous forme liquéfiée pour les navires, avec le gaz naturel liquéfié (GNL).

Le biogaz, et notamment son usage comme carburant, est intégré à la stratégie énergétique nationale. Tout d'abord, l'article L. 100-4 du code de l'énergie85(*) prévoit un objectif d'au moins 10 % de biogaz dans la consommation totale d'ici 2030. Plus encore, la PPE86(*) fixe pour objectifs une production de biogaz allant de 24 à 32 TWh d'ici 2028, de même que l'installation de 330 à 840 stations de GNV d'ici 2028 et le développement de GNL dans tous les grands ports d'ici 2023.

Le biogaz utilisé comme carburant est également soutenu par les pouvoirs publics. D'une part, si la loi « LFI pour 2020 »87(*) a appliqué un taux normal de l'accise sur le gaz naturel, de 5,23 € / MWh (article L. 312-35 du CIBS), il existe des réductions88(*) ou des exonérations89(*) (articles L. 312-61, L. 312-67 et 132-69 du même code). D'autre part, depuis la loi « LOM »90(*), de 2019, les producteurs de biogaz dont la production est majoritairement destinée à la mobilité peuvent bénéficier d'un complément de rémunération attribué par appels d'offres (articles L. 446-7 à L. 446-11 du code de l'énergie). Selon les cas de figure, les producteurs de biogaz peuvent disposer des autres soutiens prévus pour la filière : les tarifs d'achat ou compléments de rémunération sur l'injection ou l'électricité (articles L. 314-1, L. 314-18, L. 446-4 et L. 446-5 du même code), les taux réduits pour l'accès aux réseaux de distribution et de transport de gaz naturel (article L. 452-1 et L. 452-1-1 du même code), les garanties d'origine ou les certificats de production (articles L 446-18 à L 446-22- 1 du même code). Preuve de cet appui public à la filière biogaz, les charges de service public de l'énergie ayant financé l'injection de biogaz se sont élevées à 383,3 M€ en 2021 ; elles pourraient être de - 112,2 M€ en 2022 compte tenu de la crise des prix des énergies, selon la CRE91(*).

Bénéficiant ainsi d'une stratégie et de soutiens, la filière du biogaz est en plein essor.

En 2021, le biogaz a représenté une production d'énergie de 11 TWh, dont 4,3 TWh pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel. Cela lui a permis d'atteindre 4,4 % de la consommation primaire d'énergies renouvelables et 5 % de la production92(*).

La filière est bien étoffée puisqu'elle recouvre 1 705 installations en 2022 et bénéficie de 10 300 emplois directs et indirects et de 860 M€ de valeur ajoutée en 201993(*). Au total, elle a concentré 5 % des emplois et 6 % des investissements dans les EnR en 201994(*).

En son sein, l'utilisation du biogaz comme carburant se diffuse largement au sein des mobilités routière et maritime lourdes.

En 2022, la production représente 4 118 GWh de GNV, dont 1 903 TWh de GNC (46,2 %), 1 150 de GNL (27,9 %) et 1 065 de bio-GNC (25,9 %)95(*).

S'agissant des stations, leur nombre s'établit à 470, dont 224 pour le GNC (47,7 %), 169 pour le bio-GNC (36,0 %) et 77 pour le GNL (16,4 %).

Quant aux véhicules, le parc en comporte 32 243, dont 9 818 véhicules utilitaires (30,4 %), 9 634 poids-lourds (30 %), 5 764 bus (17,9 %), 2 019 autocars (6,3 %) et 4 286 bennes à ordures (13,3 %)96(*).

Production de biogaz comme carburant en 2022

Nombre de véhicules utilisant le biogaz comme carburant

2. Les nouvelles générations de biocarburants : des difficultés variables, entre·enjeux de mobilisation de la biomasse et défi de passage à l'étape industrielle
a) La 1 G+ : huiles usagées et graisses animales
(1) Une filière en croissance, qui fait l'objet d'importants investissements

Les biocarburants dits « 1G+ » sont les biocarburants de première génération issus d'huiles usagées ou de graisses animales. Ils relèvent de la technologie, en anglais, des Hydrotreated Vegetable Oils (HVO), c'est-à-dire de carburants synthétiques obtenus par hydrotraitement d'huiles par de l'hydrogène97(*). Matures sur le plan technologique, ils sont l'objet de projets industriels.

Le groupe TotalEnergies a précisé développer plusieurs projets dans ce domaine. Il a ainsi investi 290 M€ dans la reconversion de l'usine de La Mède, inaugurée en 2019, que la mission a pu visiter à l'occasion d'un déplacement dans les Bouches-du-Rhône. Employant actuellement des huiles végétales brutes, des graisses animales et des huiles alimentaires usagées ou résiduelles, elle dispose d'une capacité de production de 500 000 t par an. En 2024, les huiles usagées et les graisses animales représenteront 75 % des intrants, contre 25 % pour les huiles végétales brutes. Le groupe construit également à Grandpuits, pour un montant équivalent, une usine, prévue pour 2025 qui mobilisant des huiles usagées et des graisses animales. Cette usine devrait avoir une capacité de production de 410 000 t par an, dont 210 000 de biocarburants aériens et 50 000 de biogazole.

La plateforme de La Mède : d'une raffinerie à une bioraffinerie

Source : TotalEnergies

Plus largement, EsteriFrance a indiqué représenter, avec ses quatre adhérents, un potentiel de valorisation de 250 000 t de déchets/an. Selon lui, le bilan moyen de réduction des émissions de GES du biogazole issu d'EMHA et d'EMHU est de 89 %, par rapport au gazole fossile.

Ce type de biocarburant est intéressant à plusieurs points de vue : d'une part, il est mature sur le plan industriel ; d'autre part, il est en principe exempt de conflits d'usage avec la biomasse agricole et forestière ; enfin, il peut être utilisé pour la fabrication des biocarburants aériens.

Pour la DGEC, c'est même le seul moyen actuellement disponible pour produire de tels carburants, même si d'autres technologies sont en développement : « Aujourd'hui, seule la technologie du HVO [...] est disponible pour produire les carburants répondant aux spécifications techniques du secteur. D'autres carburants pourront être utilisés par le secteur lorsque les filières respectives se développeront, le procédé Alcool-to-Jet ou les carburéacteurs de synthèse. »

Compte tenu de l'état des capacités technologiques, le PDG de TotalEnergies a justifié devant la mission ses investissements dans la filière dite du « 1G+ » : « Les premières générations de biocarburants, " 1G ", fabriqués à partir de matières agricoles comme le bioéthanol ou les esters à base " huiles végétales "soulèvent des questions de concurrence d'usage entre l'alimentation et l'énergie ainsi que de déforestation. On s'est donc orienté vers une économie plus circulaire, en utilisant des huiles usagées ou des graisses animales, ce qui permet de produire des biocarburants qu'on peut appeler " 1G + ". Enfin, la dernière catégorie de biocarburants, " 2G ", produits à partir de déchets forestiers et végétaux, reste immature. »

Ce type de biocarburants est déjà une réalité, puisque les HVHTG représentent 371 Ml et les HVHTE 48,76 Ml en 2020, soit respectivement 9,13 et 1,2 % du total98(*).

(2) Deux difficultés subsistantes

Si ce type de biocarburants progresse, deux difficultés subsistent.

La première est l'accès à la biomasse, car les ressources en huiles usagées ou graisses animales sont limitées et dispersées.

C'est pourquoi TotalEnergies a indiqué développer des contrats d'approvisionnement de long-terme, avec nos partenaires européens et à l'exclusion de la Chine, tel que celui conclu avec le groupe SARIA pour l'usine de Grandpuits : aussi son PDG a-t-il appelé à « [prendre en compte] le gisement européen dans son ensemble, car ces produits peuvent circuler assez facilement en Europe ».

Quant à EsteriFrance, il a précisé que la biomasse est insuffisante au regard des objectifs européens, en ces termes : « Aujourd'hui, les quantités d'huiles alimentaires usagées et de graisse animale sont insuffisantes pour répondre aux ambitions européennes. » Il a également mis en garde contre la concurrence déloyale venant des importations depuis quelques années d'huiles usagées ou de biocarburants à base d'huiles usagées en provenance de Chine, ce qui ne laisse à ses yeux « aucun doute sur la nature frauduleuse d'une bonne partie de ces imports. Ainsi de faux déchets viennent artificiellement remplir les objectifs d'incorporation d'énergie renouvelable ou de réduction de GES. Ces biocarburants ont d'ailleurs souvent une valeur énergétique doublée comme le permet la RED, ce qui conduit in fine en pratique à augmenter l'utilisation d'énergie fossile dans certains pays ».

Dans ce contexte, mû par la recherche de biomasse, les acteurs auditionnés par la mission d'information n'ont pas eu le même point de vue sur le devenir des graisses animales issues de l'équarrissage : TotalEnergies a ainsi plaidé pour que les graisses animales de catégorie 3, au sens de la directive « EnR 2 », puissent être utilisées pour la production des biocarburants et Cooperl, qui n'utilise pas cette catégorie de graisses animales dans ses propres process, pour que les acteurs agricoles aient accès à toutes les biomasses animales, en ouvrant le secteur de l'équarrissage à la concurrence ; la Chambre syndicale des fabricants d'aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (Facco) a au contraire appelé à ce que les graisses animales de catégorie 3 demeurent exclues de la production de biocarburants.

L'activité de Cooperl en Bretagne : une coopérative produisant des biocarburants
issus de graisses de flottation

La Cooperl est une coopérative dont l'activité porte sur les productions animales, et notamment porcines, et leur valorisation. Elle comporte 2 950 éleveurs, 7 700 salariés et 600 métiers99(*).

Depuis 2008, Cooperl Environnement a développé un procédé de production de biocarburants à partir de graisses de flottation, c'est-à-dire de résidus graisseux issus d'industries agroalimentaires et de stations d'épuration. Selon elle, ces biocarburants n'entrent pas en concurrence avec l'alimentation et sont substituables au gazole, sans modification de moteur.

Depuis 2012, un site pilote est capable de produire 200 l de biocarburants ; à partir de 2025, une usine de production à Lamballe devrait en produire 20 Ml par an. Au total, le gisement de graisses de flottation dans le « Grand Ouest » représente, pour la coopérative, 250 Ml.

La seconde difficulté est le coût de la technologie. Pour TotalEnergies, le procédé HVO représente un coût de 1 700  à 2000 $ / t et une capacité de 200 à 1 000 kt, contre 500 à 750 $ et 1 000 à 5 000 kt pour un procédé fossile : il est donc 3 à 4 fois plus onéreux.

b) La 2G : « un monde industriel inconnu »
(1) Une filière qui n'est pas encore mature

Les biocarburants dits de « deuxième génération » (2G) sont les biocarburants issus de la biomasse ligno-cellulosique, c'est-à-dire du bois et de la paille ; en règle générale, le bioéthanol ainsi produit est issu d'un procédé biochimique, fondé sur la fermentation, et le biogazole d'un procédé thermochimique, reposant sur la gazéification100(*),101(*). Encore peu matures sur le plan technologique, ils sont l'objet de projets de démonstrateur.

La maturité de ces biocarburants a été critiquée devant la mission par le PDG de TotalEnergies : « J'attire ici votre attention sur le fait que quand on adopte des normes fixant un pourcentage obligatoire et croissant d'incorporation de biocarburants " 2G ", on se projette dans un monde inconnu, car on ne sait pas aujourd'hui les fabriquer à l'échelle industrielle et leur coût est extrêmement élevé. »

Ce constat d'une faible maturité est partagé par l'Ademe, pour qui « la production de biocarburants liquides avancés (aussi appelés " 2G ", car provenant de la biomasse lignocellulosique) est au stade de démonstrateur », et par l'Inrae, selon lequel « le développement des technologies pour améliorer la production de biocarburants de " 2G " (pailles, résidus de bois, taillis à courte rotation) est à l'état de démonstrateur en France ». Pour ce dernier, il existe tout au plus 5 unités de production et 10 projets dans le monde, indiqués sur la carte suivante102(*) :

(2) Un fort soutien public, notamment via des appels à projets

Si les biocarburants de deuxième génération ne sont donc pas matures sur le plan industriel, un grand nombre de démonstrateurs existent en France, dont beaucoup sont soutenus par la puissance publique.

Plusieurs opérateurs publics attribuent des aides à la R&D dans ce domaine, dont : l'Ademe, l'Inrae, IFP Énergies nouvelles (IFPEN), le Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)103(*).

De plus, un grand nombre de stratégies ont été établies avec : la Feuille de route sur les biocarburants avancés de l'Ademe, en 2011 ; une Feuille de route pour le développement des filières biocarburants aéronautiques en France de l'Association nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE), en 2018 ; la Feuille de route française pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables, du Gouvernement, en 2020 et sa Stratégie d'accélération « Produits biosourcés et carburants durables », en 2021 ; la Feuille de route technologique pour la recherche aéronautique civile du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), de 2018 et 2021.

Dans le cadre du plan d'investissement « France 2030 », de 2021, le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) Biomasse, biotechnologies, biotechnologies pour la chimie verte et les énergies renouvelables (B-BEST), porte notamment sur les produits biosourcés et les carburants durables. Piloté par l'IFPEN et l'Inrae, il est doté d'un montant de 70 M€.

De plus, l'Inrae coordonne les 5 Instituts Carnot dont certains travaux de recherche (3BCAR, Plant2Pro, Qualiment) abordent les problématiques liées aux biocarburants avancés, telles que la valorisation des coproduits et déchets agroalimentaires ou des cultures intermédiaires.

Le plan d'investissement finance également des appels à projets (AAP) mis en place en application de la Stratégie d'accélération « Produits biosourcés et carburants durables », de 2011, dont l'Ademe assure le pilotage. Un total de 420 M€ ont été alloués à cette stratégie, selon la DGEC.

Un AAP Carburants durables pour l'aérien (CarbAero) a été lancé de 2021 à 2022, pour soutenir des projets de démonstration et de pré-ingénierie et un nouveau dispositif est programmé pour 2023 pour aider la construction d'unités de production. 200 M€ ont été prévus, pour 5 projets, avec 16,2 M€ d'aides pour les études d'ingénierie et 1,5 M€ pour les démonstrateurs, selon l'Ademe ; dans ce cadre, le projet BioTJet par exemple vise une capacité de production de 500 kt et englobe un prochain investissement de 500 M€, avec une ouverture prévue en 2026.

Un AAP Produits biosourcés et biotechnologies industrielles - Carburants durables, dont l'appel à candidatures est ouvert du 31 mai 2022 au 15 janvier 2024, doit soutenir des projets permettant d'élargir les gisements de biomasse et d'industrialiser ses procédés de transformation.

Le pilotage d'AAP liés aux biocarburants avancés n'est pas nouveau pour l'Ademe, qui a déjà soutenu ce type de carburants via d'autres programmes (Gérer, produire et valoriser les biomasses - Graine et Énergie durable : production, gestion et utilisation efficaces - Apred).

Dans ce contexte, foisonnant et évolutif, il conviendra d'apprécier l'impact concret, sur ces AAP, de la récente annonce, faite par le Président de la République, au Salon du Bourget, le 16 juin 2023, visant à allouer 200 M€ en faveur de la massification de la production de carburants aériens durables104(*).

Outre l'IFPEN et l'Ademe, l'ARN a indiqué à la mission avoir financé 115 projets de recherche sur les bioénergies depuis 2005, pour un montant de 74 M€. Sur ce total, une majorité concerne la production de biocarburants ; il en existe jusqu'à 87, selon la méthodologie retenue. Ils relèvent depuis 2022 des axes « énergie » de l'agence (Sciences de base pour l'énergie et Une énergie durable, propre, sûre et efficace) ».

Traduction concrète de cet effort de R&D en faveur des biocarburants de deuxième génération, plusieurs démonstrateurs ont ainsi été soutenus par la puissance publique, dont les suivants105(*) :

- historiquement, TotalEnergies a ainsi bénéficié du procédé Vegan pour développer, dès 2015, puis mettre en production, en 2019, sa production de biogazole et de biocarburants aériens par HVO, sur le site de La Mède ;

- doté d'un budget de 90 M€, dont 30 M€ de subvention, le projet Futurol, qui a réuni 11 partenaires, a proposé de produire de l'éthanol à partir de la fermentation de la biomasse ligno-cellulosique. Ce projet a été développé, de 2008 à 2018, et est commercialisé depuis lors, une usine d'une capacité de 35 kt étant envisagée sur le site de Lacq ;

- le projet BioTfuel, qui a réuni 6 partenaires, a entendu produire du kérosène et du gazole à partir de la gazéification de la biomasse ligno-cellulosique. Il a bénéficié d'un budget de 200 M€, dont 33 M€ de subvention, de 2010 à 2021 ;

- le projet est Gaya, qui a regroupé 11 partenaires, a proposé de produire du biométhane à partir de la biomasse ligno-cellulosique. Il a disposé d'un budget de 60 M€, dont 18,7 M€ de subvention, de 2010 à 2020 ;

- le projet ISOPROD, qui a été porté par 2 partenaires, a envisagé de produire de l'isobutène par voie biotechnologique à partir de cultures de betteraves. Pour ce faire, son budget s'est établi à 30 M€, dont 9 M€ de subvention, de 2016 à 2020 ;

- avec 2,2 M€ de subvention, de 2011 à 2017, le projet Biorare a proposé de produire du bio-hydrogène et du biogaz à partir de déchets organiques, par électrosynthèse microbienne. Il a mobilisé 5 partenaires ;

- enfin, le projet ProBio3 a bénéficié de 24,6 M€, dont 8 M€ de subvention, dans le but de produire du biokérosène à partir de matières renouvelables et de coproduits industriels. Lancé en 2012, il s'est arrêté en 2016, du fait du désengagement d'acteurs106(*).

(3) Une marche encore importante pour aller vers une industrialisation massive et un enjeu fort de collecte de biomasse

Si les initiatives se multiplient et les démonstrateurs se développent en direction des biocarburants de deuxième génération, beaucoup reste à faire pour passer de la R&D à l'industrialisation.

Une première difficulté est liée à la densité et la collecte de la biomasse, ainsi que l'a indiqué le PDG de TotalEnergies : « Nos compagnies pétrolières ont historiquement beaucoup investi dans les carburants 2G parce que la filière biomasse apparaissait comme une piste évidente. [...] Or cela fonctionne en laboratoire et en expérience pilote, mais ça ne marche pas à l'échelle industrielle. J'illustre les difficultés par un exemple : nous avons développé à Dunkerque un projet pilote appelé BioTfuel [...] qui consistait à utiliser des déchets forestiers ligneux pour les transformer en fiouls synthétiques. Nous avons réalisé un pilote de très petite dimension et j'ai demandé dans quelles conditions on pourrait atteindre l'équivalent de 100 000 barils par jour, c'est-à-dire l'ordre de grandeur que produit une raffinerie. On m'a répondu qu'il faudrait collecter tous les déchets ligneux de la moitié nord de la France située au-dessus de Paris. On se heurte à un problème de densité et j'ai fait observer que nous ne pouvions pas mettre en place une noria de camions pour transporter tous ces déchets. »

Ce point de vue très tranché n'est pas partagé par un autre groupe, Neste, qui a fait valoir à la mission d'information les moyens qu'elle déploie pour aller chercher de la biomasse, partout dans le monde ; ce groupe entrevoit des perspectives importantes d'évolution des gisements, comme le montre le graphique qui suit.

Perspectives d'évolution des gisements de biomasse selon Neste

Une autre difficulté renvoie aux coûts des technologies. La DGEC a ainsi évalué entre 1 200 et 1 600 € / ml'éthanol avancé et entre 2 000 et 2 600 € / ml'ester méthylique 2G. Pour TotalEnergies, certains procédés de fabrication de carburants aéronautiques durables, le Fischer-Tropsch (FT)107(*) ou l'Alcoohol-to-Jet (A-t-J)108(*), ont un coût 6 à 8 fois plus onéreux qu'un procédé fossile : en effet, le FT et l'A-t-J présentent un coût de 3 000 à 4 000 $ / t et une capacité allant de 30 à 150 kt, contre un coût de 500 à 750 $ / t et une capacité de 1 000 à 5 000 kt pour un procédé fossile.

Parmi les difficultés, on constate également un manque de programmation et de coordination, comme l'a relevé le CEA : « Un effort de programmation systémique est indispensable, car l'ensemble des filières industrielles de l'énergie doit être coordonné pour assurer cette neutralité carbone à moindre coût. »

S'agissant plus spécifiquement des aides à la R&D, elles présentent des atouts, mais aussi des défauts :

- leur montant global est suffisant pour l'ANR, mais celui doit être reconduit dans les années prochaines : « L'augmentation du budget de l'ANR depuis 2017 et surtout depuis 2021 dans le cadre de la loi de programmation de la recherche a clairement permis d'améliorer la situation dans ces domaines [...] Avec la mise en place des PEPR couvrant ces domaines, la France semble aujourd'hui plutôt à un bon niveau en termes d'effort de recherche public consenti, mais il est important que cela perdure dans les prochaines années » ;

- leur montant, projet par projet, n'est pas toujours suffisant pour couvrir les coûts des projets, selon l'IFPEN : « Les trois filières citées sont extrêmement capitalistiques et les montants des appels à projets souvent limités. Les financements alloués dans le cadre des appels à projets ne permettent pas de couvrir le risque inhérent à une première industrielle ni le surcoût lié à l'intégration de technologies innovantes » ;

- leur nature, privilégiant l'aide à l'investissement à celle au fonctionnement, est peu adaptée, pour le CEA : « Concernant les aides nationales ou européennes, le point de vue du CEA est qu'elles portent le plus souvent sur le CAPEX, alors que les aides à l'OPEX, permettant par exemple de garantir des prix de rachat [...] sont souvent attendues. Comparativement, l'Inflation Reduction Act (IRA) joue à la fois sur le CAPEX et sur l'OPEX. On notera en conséquence que malgré le nombre de projets lancés en Europe sur les trois filières, ils concernent essentiellement des démonstrateurs de taille modestes, en décalage avec les scénarios institutionnels et associations qui impliquent des puissances de plusieurs gigawatts (GW) ».

- enfin, l'accès à ces aides est plus aisé pour les industries que pour les start-up, selon l'IFPEN : « Si l'implantation de démonstrateurs ou premières unités industrielles bénéfice également au tissu de PME locales, il est difficile pour les start-up ou les PME de se positionner en porteur de projet ».

Au total, il existe, en France, une vraie difficulté à passer du stade expérimental à celui industriel, en matière de biocarburants avancés, ainsi que l'a indiqué l'IFPEN : « La France très bien positionnée sur la recherche fondamentale et industrielle avec des acteurs de renommée mondiale [...] Néanmoins, la France accuse un certain retard sur le déploiement des technologiques. À titre d'exemple, dans le domaine des biocarburants, aucun projet industriel de biocarburants avancés n'est à ce jour en opération en France »

C'est une vraie difficulté au regard de l'ambition fixée par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

À date109(*), le projet de révision de la directive « EnR 2 » de 2018110(*) introduirait un objectif de 5,5 % de biocarburant avancé dans le secteur des transports en 2030 (article 25).

Pour le secteur aérien, le plan ReFuelEU Aviation111(*) fixerait un objectif de carburants aéronautiques durables de 6 % en 2030.

c) Les microalgues et la 3G : encore au stade de la recherche

Les biocarburants dits de « troisième génération » (3G) sont les biocarburants produits par photosynthèse (microalgues) ou par fermentation (levures, bactéries, microalgues). Non matures sur le plan technologique, ils sont l'objet de projets de recherche.

Ainsi, l'ANR a indiqué à la mission que « l'agence soutient en outre, depuis 2007, le développement de la troisième génération de biocarburants », tout en précisant que « cette filière est celle qui nécessite encore le plus de travaux, et est à ce titre l'objet de l'un des deux projets ciblés du PEPR, précisément consacré au développement de la recherche autour des microalgues ».

Ces précédents soutiens ont visé la production de carburants lipidiques par des microalgues (projet SHAMASH pour 853 938 €), la production d'énergie solaire par des micro-organismes photosynthétiques (projet BIOSOLIS de 746 748 €) et la production de biogazole par des micro-organismes photosynthétiques (projet DIESALG, pour 1 M€).

Actuellement, dans le cadre du Plan d'investissement, de 2021, le PEPR B-Best, piloté par l'IFPEN et l'Inrae, soutient un projet visant à proposer de nouvelles stratégies pour le développement de microalgues comme ressources des biocarburants (projet AlgAdvance, avec 1,92 M€ de subvention). De plus, un projet visant à proposer un démonstrateur utilisant de nouvelles souches sur grandes surfaces pour produire des biocarburants a été retenu parmi les AAP de l'Ademe (projet Savane, en Guyane).

Quant au CEA, il a précisé qu'il « envisage d'être partenaire de plusieurs projets ciblés (par exemple sur les microalgues pour les biocarburants) ».

Plusieurs de ses unités112(*) sont déjà mobilisées sur des travaux de recherche afférents à la production de biocarburants à partir de la photosynthèse des microalgues : l'Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble (Irig), l'Institut de Biosciences & biotechnologies d'Aix-Marseille (BIAM), avec les équipes duquel la mission a échangé à l'occasion d'un déplacement à Cadarache, et l'implantation locale CEA Tech en Région Sud.

Pour autant, ces expériences ne sauraient masquer, d'une part, la faible maturité des procédés, l'Ademe ayant indiqué que « les biocarburants à base d'algues (appelés aussi “3G") [sont] au stade de la R&D », et, d'autre part, leur faible rendement, l'Inrae ayant précisé que « les carburants de “3G “ (fermentation par micro-algues par exemple) ont des rendements très faibles ».

3. L'hydrogène vert : une solution en devenir
a) Les différentes couleurs de l'hydrogène
(1) Une classification de l'hydrogène devant reposer sur le droit existant et la pratique actuelle

L'hydrogène est le terme courant pour désigner le dihydrogène (H2), c'est-à-dire un gaz composé de deux atomes d'hydrogène (H). Il s'agit d'un vecteur énergétique d'avenir, qui peut être utilisé pour la décarbonation des secteurs de l'industrie et des transports, ou encore pour le stockage de l'électricité.

Selon le procédé de fabrication, certains113(*) parlent d'hydrogène : vert, pour celui produit par électrolyse de l'eau, à partir de l'électricité de sources d'énergies renouvelables ; jaune, celui produit par électrolyse de l'eau, à partir de l'électricité de source d'énergie nucléaire ; noir, pour l'hydrogène produit par procédés thermochimiques à partir de charbon ; gris, pour celui produit par procédés thermochimiques à partir du gaz naturel ; bleu, pour l'hydrogène celui par les mêmes procédés fossiles, mais dont le COfait l'objet d'un dispositif de capture et de stockage ; blanc, pour l'hydrogène natif, soit naturel.

Cette classification de l'hydrogène selon des couleurs, si elle peut avoir un intérêt sur le plan intellectuel, ne correspond pas aux réalités économiques et juridiques.

Sur le plan économique, beaucoup d'acteurs de l'énergie, privés comme publics, ne la reprennent pas. C'est pourquoi France Hydrogène a indiqué : « Nous ne donnons pas de couleurs à l'hydrogène, car cela génère des confusions. Nous parlons uniquement d'hydrogène renouvelable et d'hydrogène bas-carbone. L'ensemble de ces hydrogènes doivent respecter un contenu carbone plafond, qui devrait être établi à 3,38 kg CO2/H2 ». Dans le même esprit, la DGEC a rappelé que : « Dans le domaine de l'hydrogène, la France est attachée à ce que la réalité de la contribution de l'atténuation contre le changement climatique soit prise en compte de manière "physique“ par des analyses de cycle de vie étayées. L'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas-carbone ont la même contribution. »

Sur le plan juridique, le code de l'énergie ne reconnaît pas cette classification. Ainsi, l'article L. 811-1 de ce code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 17 février 2021114(*), prise en application de la loi « Énergie-Climat », de 2019115(*), n'admet que l'hydrogène :

- renouvelable, s'il est produit par électrolyse, à partir des sources d'énergies renouvelables, mentionnées à l'article L. 211-2 du même code, ou toute autre technologie, exempte de conflits d'usages ;

- bas-carbone, si ses émissions sont inférieures ou égales à celles de l'hydrogène renouvelable sans pouvoir, pour autant, recevoir cette dernière qualification, faute d'en remplir les autres critères ;

- carboné, dès qu'il n'est ni renouvelable ni bas-carbone.

Dans la droite ligne de la Stratégie française pour le développement de l'hydrogène décarboné de 2020, qui promeut l'hydrogène « décarboné », les objectifs de 20 à 30 % d'hydrogène, mentionnés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie, par la loi « Énergie-Climat », de 2019, sont neutres technologiquement. Par ailleurs, le dispositif de soutien public à la production d'hydrogène ou les garanties d'origine et de traçabilité, prévus aux articles L. 812-1 et L. 821-2 du même code, issues de l'ordonnance précitée, poursuivent une même neutralité technique.

(2) Un vif débat à l'échelle de l'Union et une bataille continue pour faire reconnaître l'hydrogène d'origine nucléaire

À l'échelon européen, un vif débat a lieu sur l'inclusion de l'hydrogène d'origine nucléaire au paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dans le cadre des négociations en cours.

Actuellement, la directive « EnR 2 » de 2018116(*) définit les carburants liquides et gazeux renouvelables, destinés au secteur des transports, d'origine non biologique comme « les carburants liquides ou gazeux qui sont utilisés dans ce secteur, autres que les biocarburants et le biogaz, et dont le contenu énergétique provient de sources renouvelables autres que la biomasse » (article 2).

Cette directive a appliqué à ces carburants un objectif de réduction de leurs émissions de GES d'au moins 70 % à compter du 1er janvier 2021 (article 25). Elle a prévu des actes délégués, pour préciser la matière dont ces carburants peuvent être pris en compte dans la part d'EnR du secteur des transports (article 27).

Dans ce contexte, le 10 février 2023, la Commission européenne a publié un acte délégué définissant la nature de ces carburants117(*) et un autre la méthode de calcul de leurs réductions d'émission de GES118(*).

Par ailleurs, ce cadre applicable à l'hydrogène va évoluer, compte tenu du paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

Le seuil de réduction de 70 %, qui équivaut à un seuil maximal de 3,38 kgCO2eq / Hen analyse du cycle de vie (ACV)119(*), permet de qualifier pour une large part l'hydrogène produit par électrolyse à partir du mix électrique français, de sources nucléaire comme renouvelable.

Pour la DGEC, ce seuil est donc adapté dans la mesure où « le processus de fabrication émet environ 11 kgCO2/Hpour de l'hydrogène produit par reformage de méthane [mais] est inférieur à 3 kgCO2/Hla très grande majorité des heures de l'année pour l'hydrogène produit par électrolyse à partir du mix électrique français », étant précisé que « ces émissions dépendent de la nature du mix électrique utilisé, mais aussi de l'efficacité des électrolyseurs utilisés ».

Par ailleurs, la possibilité pour les États membres dont le mix électrique émet déjà moins de 18 gCO2eq / MJ de déroger au principe d'additionnalité, qui oblige à ce que les électrolyseurs soient raccordés à de nouvelles productions d'EnR, est accueillie positivement120(*).

Pour France Hydrogène, cette dérogation est utile, étant donné que « les électrolyseurs pourront se connecter en PPA (Power Purchase Ageement) sur des actifs d'énergies renouvelables non-additionnels, et ayant été (ou étant soutenus par l'État). Cela ouvre d'une part, un gisement considérable d'EnR pour les électrolyseurs [...] et, d'autre part, la possibilité de se connecter à la production hydroélectrique. ».

À terme, la directive « EnR 3 » doit se substituer à celle « EnR 2 », dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : cette réforme d'ampleur aura nécessairement un impact sur le cadre juridique et, au-delà, les conditions économiques, de l'hydrogène.

À date, le projet de révision121(*) de la directive précitée122(*) introduirait des objectifs de carburants renouvelables d'origine non biologique dans l'industrie de 42 % en 2030 et 60 % en 2035 (article 22 bis) ; il fixerait également un tel objectif dans le transport routier de 1 % en 2030 (article 35). Enfin, il ne permettrait de prendre en compte que les carburants renouvelables d'origine non biologique dont les réductions d'émissions sont d'au moins 70 % (article 29 bis).

En outre, le Plan ReFuelEU Aviation123(*) prévoirait un tel objectif dans le secteur aéronautique, de 1,2 % en 2030 et 35 % en 2050. Enfin, le plan FuelEU Maritime124(*) prévoirait que ce type de carburants puisse compter double, dans l'atteinte de l'objectif de réduction des émissions de GES, de 2025 à 2034, et bénéficier d'un objectif d'incorporation de 2 % en 2034125(*).

Ces objectifs étant très ambitieux et peu adaptés, le 30 mars 2023, la France a obtenu une dérogation utile pour celui portant sur l'industrie : les pays produisant de l'hydrogène à partir de source nucléaire pourront réduire l'objectif de 20 %, si l'objectif global d'EnR de 42,5 % est atteint et si la part d'hydrogène fossile est inférieure à 23 %.

Pour autant, les négociations continuent et les préoccupations demeurent. France Hydrogène a ainsi déploré que « le cadre législatif européen est pensé quasi-exclusivement pour l'hydrogène renouvelable, puisque les cibles contraignantes d'utilisation dans divers secteurs sont limitées à ces RFNBOs126(*) ». De son côté, EDF a indiqué que « compte tenu des quantités d'hydrogène requises pour répondre aux cibles aussi bien nationales qu'européennes, il est absolument nécessaire de mobiliser toutes les sources de production d'électricité décarbonée, aussi bien renouvelable que nucléaire ».

Enfin, en dehors du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », d'autres outils de l'Union, tel que la Banque européenne de l'hydrogène, annoncée le 16 mars 2023, pénalisent encore l'hydrogène d'origine nucléaire. C'est la raison pour laquelle la Banque des territoires (BdT) a indiqué : « Sur la question de l'hydrogène vert, il convient de souligner que la future ” Banque de l'hydrogène ”, le nouvel instrument proposé par la Commission européenne visant à soutenir la création d'un marché intérieur de l'hydrogène dans l'UE, couvre exclusivement l'hydrogène renouvelable ». De son côté, Engie a déploré que « l'outil envisagé est dédié à l'hydrogène renouvelable uniquement ».

b) Un hydrogène essentiellement fossile aujourd'hui
(1) Une production majoritairement réalisée par vaporeformage d'énergies fossiles

La production d'hydrogène est majoritairement réalisée par le procédé de vaporeformage d'énergies fossiles, qui nécessite l'exposition du charbon ou du gaz à très haute température.

Ainsi, la Stratégie nationale pour un hydrogène décarboné, de 2020127(*), rappelle que la consommation française d'hydrogène s'établit à environ 900 000 tonnes par an, avec une utilisation importante dans l'industrie pétrolière (processus de raffinage) et celle chimique (production d'engrais). S'appuyant largement sur des énergies fossiles (charbon, gaz naturel), elle est responsable de 9 Mt de COpar an.

Si l'hydrogène consommé en France est largement fossile, il en est de même de celui consommé dans l'Union européenne, comme le rappelle la Stratégie de l'hydrogène pour une Europe climatique neutre128(*). À l'échelle européenne, seuls 4 % de la production d'hydrogène est issue d'électrolyseurs ; elle s'appuie encore largement sur des énergies fossiles, ce qui engendre 70 à 100 Mt de COpar an129(*).

Dans ce contexte la stratégie française précitée prévoit de déployer 6,5 GW d'hydrogène décarboné par électrolyse d'ici 2030, la stratégie européenne 40 GW et 10 Mt de production d'hydrogène renouvelable d'ici 2030130(*) et le Plan RePowerEU 10 Mt d'importations d'hydrogène renouvelable d'ici 2030 en sus131(*).

Pour France Hydrogène, les projets prévus en France offriront une capacité de 680 000 t / an d'hydrogène, soit 23 TWh d'électricité, répartis comme suit : 475 000 pourraient être allouées à l'industrie, 160 000 à la mobilité et 45 000 à l'équilibrage du réseau. Quant à la stratégie européenne, elle nécessiterait 125 GW d'électrolyse et 550 TWh d'électricité pour être appliquée. Dans les faits, l'association constate que les projets excédent les objectifs en France : elle a ainsi recensé 1 070 kt de projets d'hydrogène en attente, soit une capacité de 8 GW d'électrolyse et des besoins de 55 TWh d'électricité.

(2) Une filière d'électrolyseurs en plein développement pour décarboner la production d'hydrogène

Pour réussir la décarbonation de l'hydrogène, et l'amorçage de la filière des électrolyseurs, plusieurs outils de financement ont été déployés.

En France, la stratégie est dotée de 9 Mds € d'ici 2030, dont 2 Mds pour le Plan de relance et 2 Mds pour le Plan d'investissement.

Pour appliquer concrètement cette stratégie, le soutien public apporté intervient aussi bien en amont qu'en aval.

En amont, un PEPR Hydrogène décarboné (H2), confié au CEA et au CNRS132(*), a été doté de 80 M€, dans le cadre du Plan d'investissement, de 2021. Bénéficiant à 18 projets et 75 laboratoires de recherche publique133(*), ce PEPR couvre l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène : la production d'hydrogène décarboné (électrolyseurs à basse et haute température) ; le stockage et le transport de l'hydrogène (solide, liquide, gazeux) ; la conversion de l'hydrogène (piles à combustible - PAC - à basse et haute température) ; les approches système (mobilité lourde). Dans ce contexte, le CEA « aborde la R&D de l'hydrogène sur toute la chaîne de valeur en privilégiant [...] les composants et les systèmes pour la production d'hydrogène par électrolyse à haute température [...] le stockage de l'hydrogène dans des réservoirs à haute pression et [...] sous forme liquide [...] et la conversion des piles à combustible [...] à basse température ou [...] à haute température ».

De son côté, l'IFPEN soutient des projets visant à développer le recours à l'hydrogène pour les poids lourds et autocars, camions ou utilitaires (Long Run, MH8 Hymot) ou diminuer les métaux critiques des électrolyseurs (Moshy) ou les fuites de méthane (Hydrogen4EU).

Quant à l'ANR, elle a indiqué avoir financé 77 projets d'hydrogène, de 2016 à 2021, pour un montant de 32,7 M€. Parmi les projets ainsi aidés par cette agence, les électrolyseurs sont plus nombreux que les PAC, et les électrolyseurs à basse température sont plus nombreux que ceux à haute température. Avant le PEPR, l'ANR a soutenu des laboratoires (Action, Arcane, Cemam, CheMISyst) et des entreprises (Sylfen, Genvia, H2SYS, Symbio, Bulane) désormais visibles.

En aval, l'ADEME assure le pilotage des AAP prévus dans le cadre du Plan d'investissement, de 2021134(*).

Un AAP Écosystèmes territoriaux hydrogène (EcosysH2) (325 M€) a permis de sélectionner 46 projets, sur 59 déposés, qui représentent 1,2 Md€ d'investissement, dont 320 M€ de subvention ; ils apporteront une capacité de 80 MW d'électrolyseurs et de 8 000 t / an d'hydrogène. Il est en attente de relance135(*). Toutefois, le 19 mai 2023, le Gouvernement a fait un pas dans cette direction, en annonçant 175 M€ supplémentaires136(*).

Un AAP Briques technologiques et démonstrateurs (350 M€), a permis de sélectionner 19 projets, sur 26 déposés, qui représentent 300 M€ d'investissement, dont 70 M€ de subvention ; il s'agit de soutenir les innovations dans les électrolyseurs, les PAC, les réservoirs à haute pression et les autres systèmes complexes137(*). Il est en attente d'attribution.

Au-delà de la France, plusieurs outils ont été mis en oeuvre à l'échelle de l'Union européenne.

Tout d'abord, une Alliance européenne pour un hydrogène propre a été lancée le 10 mars 2020 ; elle soutient 750 projets. De plus, une entreprise commune Piles à combustibles et hydrogène a été instituée en 2008, puis a été remplacée par le Partenariat pour l'hydrogène propre en 2021. Composante du programme Horizon Europe, il mobilise 1 Md€ sur la période 2021-2027 ; cependant, son montant pour 2024 (117 M€) est inférieur à celui prévu pour 2023 (195 M€)138(*).

Plus encore, un Projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) sur l'hydrogène a été institué le 17 décembre 2020 ; il englobe 23 États membres139(*). Dans ce cadre, une centaine de demandes de notifications ont été transmises à la Commission européenne, dont 15 pour la France, selon une publication du ministère de l'économie, du 8 mars 2022140(*),141(*). France Hydrogène a rappelé que 10 projets ont été retenus pour la 1re vague (sur les technologies), 2 projets pour 2e (sur les usages), tandis que les 3e et 4e vagues (sur les infrastructures et la mobilité) sont en attente.

La DGEC a précisé que les 10 projets retenus sur les technologies consistent en des gigafactories de production d'électrolyseurs (McPhy, Genvia, Elogen, John Cockerill) ou de PAC, de réservoirs à hydrogène et de sous-systèmes pour la mobilité (Symbio, Arkema, Faurecia, Plastic Omnium, Alstom, Hyvia de Renault et Plug Power) ; les 2 autres projets retenus sur les usages visent la production de l'hydrogène en Normandie (Normand'Hy) et Marseille (Masshylia). Au total, ils représentent une aide de 2,37 Mds €, donc 1,3 au titre du Plan de relance et 1,1 au titre du Plan d'investissement « France 2030 ».

(3) Des défis à relever en termes d'accès à l'électricité, de baisse des coûts des technologies et d'application du cadre réglementaire

Si le soutien ainsi apporté en faveur de la décarbonation de l'hydrogène est appréciable, plusieurs difficultés apparaissent.

La première est l'accès à l'électricité, dans la mesure où les électrolyseurs en nécessitent beaucoup. Selon EDF, l'atteinte de l'objectif national de production de 6,5 GW de capacités d'électrolyse décarbonée nécessite 35 TWh d'électricité. Pour France Hydrogène, celle de l'objectif européen de 10 Mt d'hydrogène renouvelable représente 550 TWh.

La deuxième est le coût des technologies, l'hydrogène n'étant pas mûr sans soutien public. Pour la DGEC, le coût de l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone s'établit encore entre 2 500 et 10 000 € / tonne, l'objectif étant d'atteindre 2 € / kg d'ici 2030. Selon EDF, le différentiel de coût entre un hydrogène fossile et un hydrogène renouvelable ou bas-carbone est de 2 à 4.

La dernière difficulté tient au cadre de soutien public, qui semble être bien adapté mais mal appliqué. France Hydrogène indique ainsi que « le cadre national prévisionnel est bon, mais exige d'être concrétisé au plus vite », EDF ajoutant qu'« il convient aujourd'hui d'engager les montants de soutien déjà budgétés dans le cadre stratégie ».

En définitive, compte tenu du différentiel de coûts persistant entre l'hydrogène décarboné et celui fossile, un soutien public est pleinement justifié, ainsi que l'a indiqué TotalEnergies : « Concernant la maturité des technologies de production d'hydrogène, à date, la production par électrolyse de l'eau est moins compétitive que la production historique par vaporeformage à partir de gaz naturel. La flotte installée d'électrolyseurs dédiés à la production d'hydrogène est de l'ordre de 1 GW dans le monde. Les premiers projets d'électrolyse appelleront des aides spécifiques comme c'était le cas pour les projets photovoltaïques en Europe. »

c) L'enjeu des électrolyseurs et des piles à combustibles

Les électrolyseurs permettent de produire de l'hydrogène (H2) et de l'oxygène (O2), en décomposant une molécule d'eau grâce à l'électricité. Mobilisant le procédé inverse, les piles à combustible (PAC) utilisent de l'hydrogène et de l'oxygène pour générer de l'électricité et de la chaleur. Dans les deux cas, le processus est, en principe, exempt d'émission de GES.

Ces procédés peuvent relever de plusieurs technologies. Il existe des électrolyseurs à basse température, dont la maturité est élevée (TRL142(*) de 8 à 9), mais le rendement limité (entre 55 et 65 %), dont ceux à membranes échangeuses de protons ou ceux alcalins. On distingue également des électrolyseurs à haute température dont la maturité est faible (TRL de 5 à 6), mais le rendement élevé (entre 75 et 85 %), dont ceux à oxydes solides143(*). Une typologie similaire peut être appliquée aux PAC.

La Stratégie française pour un hydrogène décarboné de 2020 concerne essentiellement les électrolyseurs, qui sont seuls visés par l'objectif de 6,5 GW de capacités d'ici 2030. Et si l'article L. 100-4 du code de l'énergie englobe bien l'ensemble des usages de l'hydrogène, y compris pour la « mobilité », et la PPE les véhicules et les stations hydrogène, les PAC ne sont pas promues en tant que telles.

Il en va de même de la Stratégie de l'hydrogène pour une Europe climatiquement neutre de 2020, qui fixe un objectif de 40 GW d'électrolyseurs d'hydrogène renouvelable d'ici 2030, repris par le Plan RePowerEU de 2023. Si cette stratégie prévoit « d'encourager davantage l'utilisation des piles à combustible à hydrogène dans les véhicules lourds routiers », elle l'assortit d'une réserve : « lorsque la technologie des piles à combustible aura atteint une maturité suffisante et présentera un bon rapport coût-efficacité. »

Pour autant, les PAC sont bien l'objet d'un soutien public, national comme européen.

Dans le cadre du PIIEC, sur les 12 projets déjà notifiés, la moitié concerne les électrolyseurs et l'autre les PAC, les réservoirs à hydrogène et les sous-systèmes pour la mobilité. De plus, les PAC ont toujours figuré, aux côtés des électrolyseurs, dans le programme Horizon Europe, qu'il s'agisse de la stratégie sur la période 2014-2020 ou de celle sur la période 2021-2027.

S'agissant du PEPR H2, sur les 18 projets déjà soutenus, 7 concernent la production d'hydrogène, dont les électrolyseurs, 6 la mobilité à l'hydrogène, dont les PAC et 5 le stockage de l'hydrogène144(*). Pour ce qui est des AAP de l'Ademe, sur les 65 projets déjà soutenus, 19 visent les technologies, dont les électrolyseurs et les PAC, et 46 la distribution145(*). Ce soutien aux PAC pourrait d'ailleurs s'accroître : d'une part, l'AAP sur les briques technologiques, qui attend d'être appliqué, soutient pêle-mêle les électrolyseurs, les PAC, les réservoirs à haute pression et les autres systèmes complexes ; d'autre part, l'AAP sur les écosystèmes territoriaux, qui porte quant à lui sur les infrastructures de distribution et de transport et les usages pour la mobilité et l'industrie, pourrait être relancé.

Interrogée ses intentions, la DGEC a marqué une préférence pour l'utilisation de l'hydrogène dans l'industrie et pour l'électricité plutôt que dans les transports : « L'hydrogène nécessite d'importantes quantités d'électricité pour être produit. Il peut principalement être utilisé pour décarboner le secteur industriel et le secteur des transports à travers différents usages : raffinerie, bioraffinerie, PAC, production de carburants de synthèse, toute autre industrie consommatrice d'hydrogène (aciérie). Il pourra également apporter des solutions de flexibilité au système électrique à moyen et long terme. À court terme, compte tenu du besoin de lancer la filière et d'identifier les infrastructures réellement adaptées, il semble plus pertinent de l'orienter vers les usages déjà existants de l'hydrogène : raffinerie, bioraffineries, et aux secteurs industriels fortement consommateurs d'hydrogène ».

À l'inverse, France Hydrogène a appelé à ne pas prioriser cette utilisation de l'hydrogène : « Alors même que l'hydrogène va être indispensable à la décarbonation des transports (routier, maritime, aérien) et que nous ne pouvons donc pas le contourner pour atteindre nos objectifs de neutralité cette proposition de prioriser l'allocation de l'hydrogène n'est pas opérante d'un point de vue climatique et industriel. »

Dans ce contexte, France Hydrogène appelle plutôt à instituer une chaîne de valeur de l'hydrogène nationale, massifiée et complète. En matière de mobilité, l'hydrogène lui paraît donc utile pour les véhicules les moins électrifiables ; il peut s'agir de véhicules lourds, en l'espèce la distribution régionale supérieure à 80 000 km par an et la distribution long courrier supérieure à 140 000 km par an, mais aussi de véhicules légers, amenés à parcourir plus de 250 km par jour.

Ce constat est partagé par EDF, qui a indiqué que « pour les transports routiers, l'hydrogène pourrait jouer un rôle si l'intérêt des poids lourds à hydrogène se confirme, en complément de l'électrification directe, pour les trajets de très longue distance (dans le cas où la solution batterie présenterait des limites en termes d'autonomie et de capacité à se recharger) ». Il l'est aussi par Engie, qui a plaidé pour utiliser l'hydrogène « pour la mobilité lourde et/ou intensive (camions, trains sur certaines lignes, taxis éventuellement, chariots élévateurs, aviation court et moyen-courrier, etc.) ».

d) La question de la sécurité de l'usage de l'hydrogène

À mesure que les usages de l'hydrogène se massifient et se diversifient, ce vecteur énergétique pose nécessairement des enjeux de sécurité, qui doivent être identifiés et prévenus.

Dans leur rapport La sécurité du développement de la filière hydrogène146(*), de novembre 2022, l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) ont d'ailleurs insisté sur la nécessaire sécurisation de cette filière.

Compte tenu ses caractéristiques intrinsèques, l'hydrogène est un gaz présentant des risques spécifiques. En effet, il s'agit d'un gaz dont la diffusivité et l'inflammabilité sont élevées.

Il en résulte des risques de fuite, mais également d'incendie et d'explosion, lors de sa production, sa distribution ou son stockage. Ces risques sont particulièrement élevés dans les sites dits « multi-fonctions », regroupant ces différents processus, ainsi que dans les espaces confiés, les parkings et les tunnels.

Si l'évaluation et la prévention des risques liés à l'hydrogène sont bien établies dans l'industrie lourde, ce n'est pas nécessairement le cas parmi les acteurs économiques émergents, pour l'IGEDD et le CGEIET. À ce jour, les enjeux sécuritaires sont d'ailleurs largement omis des appels à projets, nationaux comme européens.

Dans ce contexte, l'IGEDD et le CGEIET ont plaidé pour développer une analyse accidentologique, une réflexion prospective et une doctrine sécuritaire. La prise en compte du risque dans l'accès aux appels à projets est également souhaitée par eux. Ils ont aussi appelé à une formation des acteurs et à une coordination entre administrations.

À l'issue de leur audition par la mission d'information, ils ont réitéré leurs observations et ces préconisations : « Le premier constat fait par la mission est celui d'une extraordinaire vitalité de la filière hydrogène. L'usage de ce vecteur énergétique est l'objet d'initiatives multiples de la part d'entreprises de toutes tailles, souvent très jeunes. [...] Cette vitalité industrielle n'est pas sans risque, et c'est le second constat fait par la mission [...] Elle a noté en effet que la prise en compte du risque dans les nouveaux usages de l'hydrogène n'est que seconde par rapport à la volonté d'innover. Il serait pourtant dommage que les promesses très réelles de ce vecteur énergétique soient balayées par un accident de grande ampleur ».

Pour autant, l'IGEDD et le CGEIET se montrés optimistes sur la prise en compte des enjeux de sécurité par la filière de l'hydrogène : « La mission du CGE et de l'IGEDD estime que moyennant ce travail de structuration de l'action publique et de prise en main de la problématique sécuritaire par les entreprises, avec l'aide de leur fédération France Hydrogène le développement de la filière sera mieux maîtrisé. »

À date, leurs recommandations ont même connu un début d'application, avec l'organisation d'un stage de sensibilisation au risque par France Hydrogène, dès juin 2022.

Cependant, la sécurisation des usages de l'hydrogène reste une préoccupation nécessaire et légitime, en particulier dans les secteurs où ces usages sont encore peu développés.

Il en va ainsi de l'aviation, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) ayant indiqué à la mission d'information « les risques feu et explosion, les risques liés à la suppression d'un réservoir contenant de l'hydrogène l'hydrogène et devenant explosif par un phénomène appelé boil-off les risques thermiques générés par le stockage de l'hydrogène liquide à des températures cryogéniques », de même que « les impacts possibles par divers projectiles sur les équipements hydrogènes et réciproquement les impacts des fuites d'hydrogène sous pression sur des systèmes avions ».

Il en va également ainsi du train, SNCF voyageurs ayant rappelé que « SNCF met tout en oeuvre pour garantir l'exploitation de la technologie hydrogène dans les mêmes conditions de sécurité que les autres solutions », en participant notamment à la préparation d' « un cadre réglementaire sécurisant pour les autorités organisatrices, les exploitants ferroviaires et les voyageurs ».

e) L'enjeu de la distribution et du transport

La stratégie française en matière d'hydrogène élude très largement la question de la distribution et du transport de l'hydrogène.

En effet, cette stratégie vise, d'une part, à instituer une filière de production nationale d'hydrogène par des électrolyseurs, à même de couvrir la consommation sans recourir aux importations et, d'autre part, à localiser ces électrolyseurs dans les grands sites industriels, dont les ports, de manière à mettre en relation directe les moyens de production et les lieux de consommation.

C'est donc une stratégie différente de celle de l'Allemagne, pour qui les importations sont identifiées comme nécessaires. Cela s'explique par le fait que ses besoins sont supérieurs à ceux de la France et ses moyens de production moindres. Par ailleurs, les lieux de production sont plutôt situés dans le Nord du pays et ceux de consommation dans le Sud.

Au reste, les importations sont aussi prévues par la stratégie européenne en matière d'hydrogène.

Tout d'abord, le Plan RePowerEU fixe un objectif de 10 Mt d'importation d'hydrogène renouvelable d'ici 2030.

Plus encore, le « paquet gazier », proposé en marge du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », prévoit d'instituer, en matière d'hydrogène, de véritables marché et réseau européens.

Le projet de directive147(*) sur l'hydrogène, contenu dans le paquet gaz, propose d'instituer un marché plus intégré148(*). Les gestionnaires des réseaux de transport, dont les activités doivent être dissociées, verticalement et horizontalement, se voient chargés du développement du réseau, y compris sa planification et son financement.

Le projet de règlement149(*) sur l'hydrogène, également prévu par le paquet gaz, vise à instituer des infrastructures plus interconnectées150(*). Un réseau européen doit réunir l'ensemble des gestionnaires des réseaux de transports nationaux.

Dans ce contexte, les Présidents français, espagnol et portugais et la Présidente de la Commission européenne ont lancé le projet « H2Med », le 9 décembre 2022. Il s'agit d'un projet d'interconnexion gazière entre le Portugal et l'Espagne (Celórico-Zamora) ainsi que l'Espagne et la France (Barcelone-Marseille). Le 12 décembre suivant, les gestionnaires des réseaux de transport de gaz français (GRTGaz et Téréga), espagnol (Enagás) et portugais (Ren) ont formalisé un protocole d'accord. D'ici son entrée en fonction en 2030, le projet doit permettre de transporter 2 Mt / an d'hydrogène renouvelable et couvrir 10 % de la consommation européenne. Son coût, estimé à environ 2,5 Mds €, pourrait être pour partie financé par le PIIEC hydrogène sur les infrastructures, une candidature ayant été soumise en ce sens, dès le 15 décembre151(*).

L'intérêt de développer des infrastructures européennes en matière d'hydrogène, et les interconnexions entre les réseaux nationaux et européens, fait l'objet d'une appréciation différente, selon les acteurs économiques. GRTGaz s'est félicité que le Parlement européen ait « assoupli la proposition de la Commission en proposant 3 modèles de dissociation [...] considérés comme équivalents, à choisir par chacun des États membres [et supprimé] les obligations de séparation légale [...] entre les opérateurs HNO152(*) [...] et GRT153(*) ». De son côté, Engie a appelé à « poursuivre l'interconnexion de la France avec le système énergétique européenne [car] le risque d'une politique d'autarcie sur l'hydrogène est d'exposer la France à un contournement par des flux d'imports plus compétitifs [et] la France peut produire localement de l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone, tout en étant un pays d'import et de transit ». Ce point de vue est partagé par TotalEnergies, qui a indiqué que « des projets d'investissements pour des infrastructures de transport d'hydrogène sont déjà en cours en Europe du Nord pour acheminer cet hydrogène importé, ce qui n'est pas le cas en France, hors projet d'hydrogénoduc entre Barcelone et Marseille récemment annoncé ». À l'inverse, EDF a rappelé que « le développement de ces infrastructures de grande échelle, en partie par reconversion d'infrastructures gazières existantes, fait face à des incertitudes technico-économiques fortes [et] leur horizon de déploiement n'est pas compatible avec les objectifs de décarbonation à l'horizon 2030 ». Quant au Président de France Hydrogène, Philippe Boucly, il s'est montré dubitatif sur la capacité à utiliser à plein régime le réseau H2Med à un horizon rapproché.

L'intérêt de développer des infrastructures d'hydrogène à la maille nationale ou régionale n'est pas non plus partagé par l'ensemble des acteurs économiques. Certes, Engie a estimé « nécessaire de soutenir toute la chaîne de valeur hydrogène, y compris les infrastructures [pour] réaliser l'infrastructure permettant de transporter l'hydrogène à l'intérieur de hubs locaux, puis de relier les hubs industriels entre eux (production, transport, stockage, liquéfaction, stations de recharge ». A contrario, EDF a indiqué que « la stratégie nationale hydrogène a fait le choix de déployer les électrolyseurs au plus près des lieux de consommation et l'hydrogène, dans des écosystèmes et hubs industriels et logistiques [et] à ce stade de maturité de la filière, il est préférable de minimiser les coûts et la dépendance aux infrastructures à l'aval de l'électrolyseur ».

Dans ce contexte, l'évolution des infrastructures d'hydrogène n'a pas été érigée en France en priorité stratégique. La DGEC a ainsi rappelé que : « La stratégie française ne prévoit pas d'importations d'hydrogène pour la décennie à venir. Notre pays est en mesure de produire sur son territoire les quantités d'hydrogène nécessaires pour sa propre consommation (600 kilotonnes par an à l'horizon 2030). D'ici à ce que la consommation et que le développement du marché de l'hydrogène décarboné croissent, nous aurons le temps de développer, soit des unités de production d'énergie décarbonée, soit des infrastructures de transport d'hydrogène, et potentiellement les deux. Ces arbitrages ne sont pas urgentissimes ». Ce manque stratégique est cependant déploré par TotalEnergies, qui a indiqué : « Pour que la France soit au rendez-vous, il serait important que la stratégie nationale soit alignée avec celles de ses voisins européens notamment en termes d'infrastructures et d'importations. »

Pour autant, quelques projets ont d'ores et déjà été déployés, avec l'appui la puissance publique. Ainsi, l'AAP sur les écosystèmes territoriaux de l'Ademe vise à déployer 110 stations, ayant une capacité de 8 500 tonnes d'hydrogène et une puissance de 80 MW d'électricité, pour alimenter 2 400 véhicules utilitaires légers et 840 véhicules lourds. À date, 94 stations, 838 véhicules lourds et 2 373 véhicules légers ont effectivement été installés154(*), ainsi que l'illustre la carte ci-après155(*).

f) La question de la neutralité technologique entre les modes de production de l'hydrogène

La stratégie française en matière d'hydrogène ne vise pas à garantir une totale neutralité technique entre les différents modes de production de l'hydrogène.

Au contraire, cette stratégie affiche un tropisme en faveur de l'électrolyse, au détriment des autres procédés de production, et de l'électricité, plutôt que des autres sources d'énergie. Par ailleurs, l'enjeu du recours aux procédés de capture et de valorisation du COn'est pas vraiment tranché.

C'est donc une stratégie différente des stratégies anglo-saxonnes : tant les États-Unis, dans le cadre de l'Inflaction Reduction Act (IRA), que le Royaume-Uni, avec le Low Carbon Hydrogen Standard (LCHS), mobilisent le seul critère de la réduction des émissions de GES pour l'attribution d'aides publiques aux projets d'hydrogène.

Or, en dehors de l'électrolyse, différentes technologies de production existent en matière d'hydrogène : certaines sont bien avancées, dont le vaporeformage d'énergies fossiles avec un dispositif de capture et de valorisation du CO2, la pyrogazéification de la biomasse, le Power-to-Gas (P-t-G), tandis que d'autres relèvent de la recherche, comme les cycles thermochimiques, l'activité bactérienne ou le plasma. Il existe aussi de l'hydrogène natif, extractible, dit « blanc », comme le gisement trouvé à Folschviller, en Moselle.

S'agissant du CO2, les technologies existantes relèvent, en anglais, du Carbon Capture, Utilization & Storage (CCUS) : elles permettent de capter ce COpour l'utiliser, par exemple pour la fabrication de carburants de synthèse, ou pour le stocker, par exemple via le stockage géologique.

À l'occasion de ses auditions, la mission d'information a pris connaissance de procédés de production d'hydrogène à partir de gazéification de la biomasse, telle que les déchets agricoles et sylvicoles ou les combustibles solides de récupération (CSR). Un tel procédé présente l'intérêt de valoriser la biomasse et de moins dépendre de l'électricité.

Quelques exemples de procédés de production d'hydrogène renouvelable
ne recourant pas à la technologie de l'électrolyse : Haffner Energy et Trifyl

Au cours de ses travaux, la mission d'information a eu connaissance de différents procédés de production d'hydrogène renouvelable ne recourant pas à la technologie de l'électrolyse.

À titre d'illustration, Haffner Energy est une société développant et déployant des solutions technologiques renouvelables pour les entreprises industrielles et les collectivités territoriales, dont le carnet de commandes est de 17,5 M€ en 2023. Elle produit de l'hydrogène renouvelable par thermolyse à partir de biomasses diverses156(*). La société a précisé : « Les biomasses sont variées (bois de collecte, résidus de l'exploitation forestière et agricole, pailles, déchets organiques, etc.) et toutes renouvelables. »

De son côté, Trifyl est un établissement public traitant et valorisant les déchets ménagers de 358 communes, dans les départements du Tarn, de Haute-Garonne et de l'Hérault. Il produit de l'hydrogène renouvelable par vaporeformage du biogaz à partir de déchets. Une première unité a été inaugurée en 2010 et une seconde en 2014157(*). L'établissement a indiqué : « Nous ne pouvons que déplorer que le vaporeformage du biogaz ne puisse aujourd'hui prétendre aux aides et subventions nationales. »

Dans ce contexte, certains acteurs économiques ont appelé à élargir la palette des technologies reconnues par la stratégie française. Si France hydrogène appuie la production d'hydrogène par électrolyse, « cela ne signifie pas qu'il faille miser sur cette seule voie de production.  De l'hydrogène renouvelable peut notamment être produit par pyrogaézéfication ou thermolyse de la biomasse, qui permettent de valoriser la biomasse ligno-cellulosique. La production d'hydrogène par vaporeformage du méthane, avec un dispositif performant de captage et de séquestration du carbone, peut également être utile ». Ce constat est partagé par TotalEnergies, qui a loué l'agnosticisme technologique de la stratégie américaine : « TotalEnergies souhaite rappeler l'importance d'une approche agnostique sur les technologies à soutenir en privilégiant l'objectif final de réduction des émissions de GES. [...] L'Inflation Reduction Act (IRA) a introduit un crédit d'impôt pour la production d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone allant jusqu'à 3 $/kgH2 en fonction de son intensité carbone pour une période de 10 ans. [...] Ce mécanisme de soutien a l'avantage, au-delà de son niveau, d'être simple et lisible pour les industriels tout en étant agnostique sur les technologies de production. »

Pour autant, l'évolution de la stratégie nationale est l'objet de discussions pas toujours tranchées à ce stade parmi les acteurs institutionnels. L'Ademe appelle à aller plus loin en explicitant les technologies de production exclues, de manière à « afficher clairement dans la stratégie française [...] les voies de production qui ne sont pas particulièrement soutenues par l'État français (CCUS sur le vaporeformage de gaz naturel, procédés thermolyse / plasmalyse au gaz naturel) ». De son côté, la DGEC estime sa position sur le CCUS suffisante : « La production d'hydrogène fossile par une association du reformage de gaz fossile et de capture du CO[...] ne fait pas l'objet de soutien public en France pour plusieurs raisons. [...] La technologie [...] est coûteuse, entre 90 et 150 € / COstocké, requiert des capacités de stockage importantes faiblement disponible sur notre territoire et enfin pose des questions d'acceptabilité sociale. Enfin, compte tenu du conflit russo-ukrainien, le Gouvernement est mobilisé pour réduire l'utilisation du gaz fossile ».

4. Les e-carburants
a) Une combinaison d'hydrogène, de CO2 et d'électricité

Les carburants de synthèse sont produits à partir d'une recombinaison d'hydrogène et de carbone, sous forme de monoxyde de carbone (CO) ou de dioxyde de carbone (CO2).

Compte tenu du « paquet Ajustement 55 », ces carburants seront amenés à croître les prochaines années.

À date158(*), le projet de révision de la directive « EnR 2 »159(*) introduirait un objectif de carburants renouvelables non biologiques de 42 % dans l'industrie et de 1 % dans le transport routier en 2030 (articles 22 bis et 25).

En outre, le Plan ReFuelEU Aviation160(*) fixerait un tel objectif ferme, de 1,2 % en 2030, dans le secteur aéronautique, et le Plan FuelEU Maritime161(*) un objectif éventuel162(*), de 2 %, dans le secteur maritime, en 2034.

Si ni la PPE, ni le Plan RePowerEU ne fixe d'objectifs précis et chiffrés pour ces carburants, des soutiens publics existent et des projets privés émergents.

Tout d'abord, le PEPR Décarbonation : Soutenir l'innovation pour développer de nouveaux procédés industriels largement décarbonés (SPLEEN), piloté par l'IFPEN et le CNRS, a reçu 70 M€ dans le cadre du Plan d'investissement, de 2021. Son champ intègre les électro-carburants.

En dehors du PEPR, l'ANR a soutenu 68 projets depuis 2008, pour 25,9 M€, en matière de carburants de synthèse (VITESSE, CHOCHO), de e-carburants (Eclock) ou de carburants solaires (PhotoCarb). De son côté, le CEA et l'Ademe ont aidé le projet Jupiter 1 000, qui vise à produire du méthane de synthèse à partir d'électricité renouvelable et de CO2 ; ce projet a représenté 27,9 M€, dont 10,6 M€, à compter de 2014163(*). Enfin, l'IFPEN a contribué à rendre commercialisable un carburant de synthèse, avec le procédé Gasel.

Plus encore, l'AAP CarbAéro, piloté par l'Ademe, soutient 4 projets de production de carburants de synthèse (Reuze, Hynovera, FranceKerEAUzen, Avebio), dont la mise en service est envisagée pour 2026 à 2027. Cet appel à projets comporte 200 M€. Un autre appel d'offres a été lancé pour soutenir l'industrialisation des unités de production de carburants aériens durables en 2023. De plus, en marge du Salon du Bourget, le 16 juin 2023, le Président de la République a annoncé allouer 200 M€ en faveur de la massification de la production de carburants aériens durables.

Dans ce contexte, plusieurs acteurs privés investissent. Pour France hydrogène, si les projets d'hydrogène en attente étaient effectivement réalisés, ils représenteraient une capacité de production de 420 000 tonnes de molécules de synthèses, dont 205 000 pour l'e-méthanol, 165 000 pour les biocarburants aériens ou l'e-kérosène et 55 000 pour les autres besoins. Parmi les acteurs, TotalEnergies a investi dans la production de biocarburants aériens, à partir d'hydrogène et de CObiogénique à Grandpuits (300 M€) et dans un démonstrateur, à l'étranger, pour produire 1 600 t / an de tels carburants avec un électrolyseur de 17 MW. De même, Engie a investi dans la production de carburants aéronautiques durables avec de l'hydrogène et du CObiogénique (Reuze, avec 1,7 M€ de subvention) ou industriel (France KerEAUzen, avec 723 000 € de subvention).

Ce soutien public et cet investissement privés ne permettent pas de lever les incertitudes, encore nombreuses, sur les carburants de synthèse.

La première est l'absence de filière de production nationale. Selon la DGEC, aucune ouverture d'usine n'est prévue d'ici cinq ans : « Il n'y a pas de production industrielle de carburants de synthèse sur le territoire français. L'État investit cependant pour soutenir des projets d'installations, donc les premières retombées devraient permettre l'ouverture d'usines à partir de 2027. » Pire, l'ANR estime que les carburants de synthèse sont les moins avancés des filières étudiées : « La filière des carburants de synthèse, hors hydrogène [...], est probablement la moins mature des trois sur le plan technico-économique. La viabilité économique n'est en général pas assurée ».

La deuxième incertitude est liée aux coûts de ces carburants. Pour la DGEC, celui-ci s'élève entre 2 500 et 4 000 €/mpour les carburants de synthèse, contre 600 à 1 000 € pour le diesel et l'essence fossiles. De son côté, l'Ademe estime que les coûts sont de 5 à 10 fois supérieurs, selon les procédés. Pour EDF, le recours au méthanol dans le transport maritime est ainsi 4 fois plus cher, avec un coût de 1 300 à 1 500 €/tonne, et une densité énergétique 2 fois moindre. Pour TotalEnergies, le recours aux e-fuels dans le transport aérien est 8 à 10 fois plus cher, avec un coût de production de 5 000 à 6 000 $ la tonne et des capacités de production limitées à 50 kt. Une bonne part de ces coûts sont liés à celui de l'électricité, selon TotalEnergies : « Le facteur limitant est la disponibilité de l'électricité verte et son coût, qui représente de l'ordre de 70 % du coût de production d'un e-fuel ». Compte tenu de ces surcoûts, Engie estime insuffisants les soutiens publics alloués : « Les montants [...] sont sans commune mesure avec les besoins d'un mécanisme qui permettrait l'émergence de projets industriels concrets pour la production d'e-fuels afin d'avoir un secteur aérien décarboné en 2050. »

Une autre incertitude est liée à la disponibilité de l'électricité. Avec une consommation prévisionnelle évaluée par la DGE entre 2 et 3 TWh, par an et par site, la production de carburants de synthèse est fortement consommatrice d'électricité. Une diffusion massive de ces carburants ne serait donc pas réaliste, ni nationalement ni internationalement, à l'instar du secteur maritime. Ainsi, EDF rappelle que : « 5 Mt de méthanol de synthèse, ce qui représente un besoin en électricité équivalent à la production de 5 réacteurs nucléaires EPR, seraient nécessaires pour se substituer à l'équivalent des 2,4 Mt de mazout lourd actuellement consommés par le secteur maritime. » De même, selon l'Ademe, « la conversion de ces 3 000 TWh d'énergie fossile en-fuel à 100 % des besoins maritimes mondiaux se traduirait par une consommation de 60 000 à 12 000 TWh [...] ce qui est clairement irréaliste. »

La dernière incertitude a trait à la disponibilité et à l'utilisation de l'hydrogène lui-même. EDF a rappelé que l'hydrogène est indispensable à la production des carburants de synthèse, promus notamment à l'échelon européen : « pour l'aviation et le maritime, l'hydrogène est un précurseur à la fabrication de carburants de synthèse (méthanol, ammoniac, e-kérosène), indispensables pour l'accompagnement de ces secteurs dans des trajectoires de décarbonation, désormais actées en Europe ». De son côté, TotalEnergies a estimé que l'hydrogène serait mieux utilisé pour décarboner l'industrie, plutôt que de produire des carburants de synthèse, tant que ceux-ci ne sont pas matures : « La priorité de la compagnie est de décarboner l'hydrogène consommé dans ses raffineries d'ici 2030 (500 kt par an en Europe) ce qui permettra également de développer des filières d'hydrogène décarboné. Pour autant, TotalEnergies souhaite pouvoir répondre à la demande d'hydrogène carburant dès qu'elle décollera, notamment pour aider à la décarbonation de la mobilité lourde. »

b) Des débats sur la quantité et la nature du CO2 disponible

Le monoxyde de carbone (CO) ou le dioxyde de carbone (CO2) utilisés pour la fabrication des carburants de synthèse peuvent être d'origine biogénique, c'est-à-dire résultant de processus naturels, d'origine anthropogénique, c'est-à-dire résultant d'activités humaines. Ils peuvent aussi être d'origine atmosphérique, lorsqu'ils sont captés dans l'air ambiant au moyen d'un dispositif relevant, en anglais, du Direct Air Capture (DAC).

(1) La question de la valorisation du CO2 fatal

On qualifie les CO ou COde fatals lorsqu'ils sont issus de la récupération d'énergie, notamment des processus industriels. Les usines de production de biocarburants conventionnels, tels que celles de bioéthanol ou de biogaz, ou avancés, produisent ainsi ces gaz.

Une fois captés, les CO et COpeuvent être, soit valorisés, dans la production de carburants de synthèse notamment, soit stockés, dans des stockages géologiques on shore ou off shore.

Le règlement délégué sur la méthode de calcul des émissions hydrogène, du 10 février 2023164(*), pris en application de la directive « EnR2 », a pour conséquence de n'admettre que jusqu'en 2041 l'utilisation du COissu d'activités industrielles pour la fabrication de carburants de synthèse. En conséquence, seul le COcapté dans l'air, produit lors du processus de fabrication de biocarburants ou de carburants de synthèse ou encore issu d'une source géologique pourra être utilisé.

Plusieurs acteurs économiques ont relevé les difficultés posées par cette interdiction. France Hydrogène a ainsi rappelé que « dans ses actes délégués définissant les RFNBOs, la Commission européenne prohibe l'utilisation du COindustrielle (capté en sortie de cheminée) pour la production d'e-fuels à partir du 1er janvier 2041. En conséquence, seul le CObiogénique ou directement capté dans l'air (DAC) pourra être utilisé ». Engie a ajouté que « pour la production d'e-fuels, les sources de COde l'industrie ne seront reconnues éligibles que jusqu'au début de l'année 2041 et pas au-delà ».

La directrice générale d'Hynamics a également fait valoir à la mission d'information que « Si les volumes d'électricité requis pour répondre à nos besoins en hydrogène sont très importants, les objectifs européens de décarbonation du secteur maritime et de l'aéronautique entraîneront, de la même façon, une très forte demande en carburant de synthèse, dont la fabrication nécessite également du CO2. Il apparaît alors comme particulièrement pertinent de valoriser les émissions de CO2 dites fatales, comme celles des cimenteries, dont les fumées très concentrées réduisent le coût du captage, mais surtout pour lesquelles il n'existe pas d'autres solutions de décarbonation. En effet, la grande majorité des sites français de cimenterie sont situés dans les terres, à proximité des réserves de calcaire, et n'ont pas forcément accès aux futures infrastructures de transport du COvers des cavités géologiques afin d'y être stocké de façon permanente ».

La réutilisation du CObiogénique pour la fabrication de carburants de synthèse peut constituer un débouché pour les filières du biogaz et du bioéthanol. Engie estime à « 80 TWh si on récupère tout le CObiogénique des seules centrales de biométhane pour produire du e-méthane ou d'autres carburants de synthèse neutres en carbone. » De son côté, le la DGEC a affirmé que « l'utilisation de COd'origine biogénique tel que capté dans les éthanoleries ou certaines usines de biocarburants avancés permet d'obtenir un carburant à très faible impact environnemental. »

En revanche, l'interdiction de la réutilisation du COindustriel à compter de 2041 est perçue comme une contraignante par les acteurs économiques. Engie a indiqué que « l'impact de cette règle est doublement contraignant : pour le producteur d'e-fuels, qui doit à présent prévoir une nouvelle source de COaprès 2040 [...] pour l'installation industrielle émettrice de CO2 qui doit trouver une solution alternative ». France Hydrogène a ajouté que pour les « industries émettrices de COdit inévitable [...] ne pouvant se décarboner autrement que par le captage du carbone et ne bénéficiant pas d'une visibilité sur l'implantation à un horizon pertinent d'une infrastructure de transport et de stockage de CO[...] il faut pouvoir réutiliser le COsur site, ce qui est rendu possible par la production de molécules de synthèse (e-méthanol, e-kérosène...) ».

À l'inverse, d'autres acteurs appellent à préférer le CObiogénique et atmosphérique à celui industriel pour la fabrication des carburants, et insistent sur la faiblesse des gisements, largement diffus. Ainsi, l'Ademe a plaidé pour « restreindre le développement de carburants de synthèse au COd'origine biogénique ». De plus, elle a précisé que « seulement 35 % du gisement actuel de CObiogénique [...] est concentré sur 15 gros émetteurs (> 200 kt CO/ an), le reste étant plus diffus » et que « le potentiel soutien au développement du DAC est à questionner au regard de la très faible concentration de COdans l'atmosphère (0,4 %) ».

(2) La question du recours au CCUS

Plus largement, la question du recours au CCUS fait l'objet de débats parmi les acteurs économiques.

Certains acteurs plaident pour l'utiliser davantage, y compris pour décarboner la production d'hydrogène issu de vaporeformage du gaz. France Hydrogène estime ainsi que « la production d'hydrogène par vaporeformage peut également être utile pour accélérer la décarbonation de notre industrie lourde. Pour certains procédés industriels très intégrés [...] le captage du carbone peut ainsi s'avérer pertinent ». Dans le même esprit, Air Liquide a indiqué « il faut diversifier les sources d'hydrogène bas-carbone, sans uniquement prescrire un hydrogène renouvelable, mais aussi un hydrogène base nucléaire et base CCS. Si l'objectif commun est de faire partie des nations qui déploieront le plus rapidement possible l'hydrogène à l'échelle, d'ici 2030 et de la manière la plus économique, cela nous semble une condition sine qua non. [...] Il apparaît aussi un corollaire du dernier point, l'hydrogène base CCS. Il nous semble qu'il faille davantage de mécanismes de soutien pour la filière de captage et de stockage du COen France, avec probablement des mécanismes de type Contracts for Difference (CfD)165(*) ».

À l'inverse, d'autres appellent à cibler son utilisation, sur la décarbonation de l'industrie plutôt que la production d'hydrogène. Il en va ainsi du groupe EDF : « Concernant la production [...] à partir de vaporeformage de gaz naturel couplé avec de la capture et de la séquestration du carbone (CCS), EDF considère compte tenu des limites des capacités de stockage géologiques disponibles et du temps requis pour déployer les infrastructures de transport de COque la technologique CCS doit être réservée au COfatal, c'est-à-dire issu de processus industriels ne pouvant être décarbonés autrement ». C'est aussi l'avis de la DGEC, qui indique que « « la captation de fumées industrielles riches en CO ou CO2166(*) permet d'éviter des étapes de concentration/purification du CO2 et de limiter les coûts énergétiques des procédés », mais que « le stockage de CO2 issu du craquage de gaz ne paraît pas opportun, compte tenu des coûts du stockage de la dépendance au gaz naturel importé alors que les alternatives pertinentes existent ».

c) Différents types de e-carburants

Les e-carburants167(*) sont une catégorie de carburants synthétiques, produits à partir de l'électricité, d'une part, et de dioxyde de carbone (CO2) ou d'azote (N2), d'autre part.

Selon les combinaisons utilisées et les usages visés, on parle : d'e-ammoniac, pour ceux produits à partir d'hydrogène et d'azote, destinés notamment aux secteurs du transport et de la chimie ; d'e-méthane, pour ceux produits à partir d'hydrogène et de CO2, destinés notamment aux secteurs du transport (sous sa forme liquide) ou du chauffage (sous sa forme gazeuse) ; d'e-méthanol, pour ceux produits à partir de l'hydrogène et du CO2, destinés notamment aux secteurs du transport et de la chimie ; d'e-carburants paraffiniques, pour ceux produits à partir de l'hydrogène et du CO2, destinés à la décarbonation des carburants routiers (e-essence et e-gazole) et aérien (e-kérosène).

Les carburants gazeux (e-ammoniac, e-méthane) entrent dans la catégorie des Power-to-Gas (PtG) et ceux liquides (e-méthanol et e-carburants paraffiniques) dans la catégorie des Power-to-Liquid (PtL).

Ces différentes technologies présentent un degré de maturité différent. C'est le constat fait par l'IFPEN : « Concernant les carburants de synthèse de type électro-carburants, la maturité technologique des différents procédés permettant la conversion du COest inégale. Les technologies de captage du COsur des émissions industrielles et la technologie Fischer-Tropsch permettant de transformer le gaz de synthèse en carburants sont considérées comme matures. La production d'hydrogène par électrolyse de l'eau est également mature, mais nécessite des outils de production de grande capacité pour fournir la demande. La technologie Reverse Water Gas Shit (RWGS) permettant la conversion du COen CO est, quant, à elle encore à l'échelle du pilote. » C'est également celui fait par l'ANR : « on peut distinguer plusieurs voies [...]. L'une de ces voies repose sur l'électrolyse, permettant de coupler avec la production d'électrique intermittente de certaines énergies renouvelables, comme le photovoltaïque ou l'éolien (e-carburants, P-t-G, P-t-L). Une alternative est de concevoir des dispositifs couplant l'énergie solaire et la production de carburants, ce que l'on appelle les carburants solaires (solar fuels). Cette voie est certainement la moins mature de toutes ».

Dans ce contexte, il est nécessaire de ne pas relâcher l'effort pour développer les technologies et déployer les filières. C'est pourquoi l'Ademe appelle à « poursuivre le soutien à l'émergence des premiers démonstrateurs de carburants de synthèse ». De son côté, l'ANR plaide pour accompagner « la résurgence sensible des projets dédiés aux technologies de l'hydrogène et l'émergence du domaine carburant de synthèse - valorisation du CO- fuel solaires. »

d) Une simplicité d'emploi pour la mobilité terrestre, aérienne et maritime

Les e-carburants168(*) présentent des propriétés intéressantes pour concourir à la décarbonation de l'économie, et notamment de l'industrie et des transports. Ces propriétés sont identiques (e-ammoniac, e-méthane, e-méthanol) ou proches (e-essence, e-gazole, e-kérosène) de celles des dérivés du pétrole et du gaz. Ils peuvent donc être incorporés aux carburants fossiles et utiliser les mêmes motorisations ou infrastructures.

Liquide ou gazeux, le e-méthane peut être incorporé au GNL, pour le transport maritime, ou au GNV, pour le transport routier. Il peut être utilisé dans l'industrie, le chauffage, l'électricité. De son côté, l'e-méthanol peut être incorporé à l'essence, dans les motorisations des automobiles (classiques ou « Flex-Fuel » selon sa concentration) et celle des navires (« Dual-Fuel »). Il peut aussi être utilisé dans l'industrie, pour décarboner la chimie ou le raffinage. L'e-gazole peut être utilisé par le transport routier, pur (XTL) ou en mélange (B7 et B10) et l'e-kérosène par le transport aérien. Quant à l'e-ammoniac, il peut aussi être utilisé par l'industrie pour décarboner les applications industrielles, notamment chimiques (production d'engrais, de résines, de fibres ou de fluides ; combustion de turbines, de fours ou de moteurs ; transport d'hydrogène). Il peut intéresser le transport maritime. Cependant, de nouveaux risques également, dans la mesure ou l'e-méthanol et l'e-ammoniac présentent une toxicité, ce qui pourrait contrainte leur diffusion, notamment dans les transports.

L'intérêt du e-méthanol, pour le secteur maritime, et du e-kérosène, pour celui aérien, a été relevé par plusieurs acteurs169(*). L'Ademe a ainsi rappelé que « parmi les produits cibles, le méthanol est étudié, il peut servir d'intermédiaire pour la production de carburants liquides [ou] être utilisé directement comme carburant (notamment dans le maritime) », et que « les différents projets portant sur la production de carburants pour l'aérien étudient essentiellement l'optimisation du procédé pour obtenir en majorité du biojet (kérosène) ». De son côté, la DGEC a indiqué que « les carburants de synthèse, de type méthanol, utilisables dans le secteur maritime et dans une moindre mesure dans le secteur routier, sont particulièrement intéressants du fait de leur rendement de production. Le méthanol est en effet la molécule la plus simple à obtenir par recombinaison de carbone et d'hydrogène. Les carburants de synthèse plus complexes sont particulièrement intéressants pour l'aviation qui dispose de peu de solutions alternatives pour la décarbonation. »

5. Des carburants plus coûteux que la base fossile

Tous les acteurs auditionnés par la mission d'information ont mis en avant le coût élevé de ces technologies par rapport à la base fossile.

La DGEC a communiqué les estimations suivantes, en l'état actuel des données :

- Éthanol 1G : 1350-1600 €/m3

- Éthanol avancé : 1800-2300 €/m3

- Ester méthylique 1G : 1650-2000 €/m3

- Ester méthylique 2G : 2000-2600 €/m3

- Carburant de synthèse : 2000-4000 €/m3

- Hydrogène : 2500-10 000 €/t

L'un des enjeux essentiels du développement de ces filières consiste à réduire les coûts de production de ces carburants avancés et à trouver un équilibre économique satisfaisant au niveau national.

B. DES USAGES ET DES ORIENTATIONS DE FILIÈRE QUI SE DESSINENT

Au-delà de l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050, plusieurs jalons de décarbonation ont été fixés, aux niveaux national, européen et international, afin de réduire l'empreinte environnementale du secteur des transports. Des objectifs transverses applicables à l'ensemble du secteur sont ainsi fixés par l'accord provisoire du Conseil et du Parlement européen portant sur la directive relative aux énergies renouvelables (RED III), en permettant aux États membres de choisir entre :

- un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur de 14,5 % d'ici 2030 grâce à l'utilisation des énergies renouvelables ;

- ou un objectif contraignant d'au moins 29 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports d'ici 2030.

En outre, un sous-objectif contraignant de 5,5 % pour les biocarburants avancés et les carburants renouvelables d'origine non-biologique dans la part des énergies renouvelables a été arrêté dans le cadre de ce même accord provisoire170(*).

Aux côtés de ces objectifs transverses communs, des objectifs ont également été définis pour un certain nombre de filières, à l'image de l'interdiction de vente de véhicules particuliers et de véhicules utilitaires légers neufs thermiques neufs en 2035.

Ces objectifs, combinés aux opportunités et contraintes spécifiques à chaque filière, conduisent ces dernières à définir de grandes orientations de décarbonation propres à chacune d'entre elles. Aussi, d'après la Direction générale de l'énergie et du climat, « l'enjeu de la décarbonation dans les transports doit être abordé sous l'angle de l'usage. Chaque mode de transport (routier léger, routier lourd, ferroviaire, aérien, fluvial, maritime) dispose en effet de ses propres contraintes et solutions devant intégrer la limitation des énergies renouvelables et durables disponibles ». L'Ademe précise en outre que « compte tenu des contraintes utilisateurs et techniques, les couples véhicules/carburants décarbonés diffèrent selon les secteurs (routier, maritime, fluvial, ferroviaire) et sont plus ou moins variés. L'aérien reste le secteur le plus complexe à décarboner ».

1. L'orientation massive de la filière automobile vers l'électrification

La filière automobile s'est résolument engagée dans la voie de l'électrification des véhicules légers, dans la perspective de fin de vente des voitures et des camionnettes à moteur thermique d'ici 2035. Pour autant, et compte tenu du « stock » de véhicules, il apparaît que les biocarburants pourraient permettre d'opérer, transitoirement, la transition du parc de véhicules légers du thermique à l'électrique. La situation est en revanche bien plus contrastée pour les véhicules les plus lourds, pour lesquels l'électrification ne permet pas, à ce jour, de répondre à l'ensemble des usages, et pour lesquels un mix énergétique doit être envisagé.

a) Une orientation claire du cadre et des constructeurs pour les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers, malgré une clause de revoyure en 2026

Adopté en avril 2023, le règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil modifie le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d'émissions de COpour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l'ambition accrue de l'Union en matière de climat. Le texte ainsi révisé prévoit désormais un objectif de réduction des émissions moyennes du parc de voitures particulières neuves et du parc de véhicules utilitaires légers neufs de 100 % d'ici 2035 (par rapport à 2021), avec des objectifs intermédiaires de réduction de 55 % et 50 % prévus respectivement pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs171(*). De fait, cette disposition correspond à un objectif de fin de vente des voitures particulières neuves et des véhicules utilitaires légers neufs d'ici au 1er janvier 2035.

L'article 15 du règlement prévoit en outre que la Commission évalue en 2026 l'efficacité et l'impact du texte, en particulier les progrès accomplis en vue d'atteindre ces objectifs, « en tenant compte des évolutions technologiques, y compris en ce qui concerne les technologies hybrides rechargeables, et de l'importance d'une transition économiquement viable et socialement équitable vers une mobilité à émission nulle ». Une « clause de revoyure » est prévue sur la base de cette évaluation, ce même article 15 prévoyant que la Commission « évalue la nécessité de réexaminer les objectifs fixés à l'article 1er, paragraphe 5 bis ».

(1) L'électrification du parc de véhicules légers, une orientation d'ores et déjà actée par les constructeurs automobiles
(a) La filière automobile s'est engagée dans la voie de l'électrification des véhicules légers

De nombreux acteurs entendus par la mission d'informations s'accordent à dire que la mobilité routière légère - qui comprend les véhicules particuliers ainsi que les utilitaires légers - devrait prioritairement se tourner vers la propulsion électrique pour atteindre ces objectifs, considérant que l'électrique serait plus adapté que l'hydrogène pour ce type de véhicules.

Analyse en cycle de vie des voitures électriques

D'après la Direction générale de l'énergie et du climat, les dernières études de référence en matière d'analyse des émissions de gaz à effet de serre des véhicules sur l'ensemble du cycle de vie sont celles de l'ICCT (International Council on Clean Transportation) de 2021 et celle de Transport&Environment de 2022. Ces études estiment que les émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie d'un véhicule thermique de taille moyenne immatriculé en Europe en 2021 se situeraient autour de 241-246 gCO2eq/km. Les émissions d'un véhicule électrique se situeraient, quant à elles, autour de 75-83 gCO2eq/km (soit des gains d'environ 69 % par rapport à un véhicule thermique). D'ici 2030, avec un mix électrique plus décarboné, les émissions des véhicules électriques pourraient diminuer entre 46 et 63 gCO2eq/km (soit des gains jusqu'à 78 % par rapport aux véhicules thermiques). En outre, des véhicules électriques disposant d'une batterie produite avec de l'énergie renouvelable et se rechargeant entièrement avec de l'énergie renouvelable auraient des émissions d'environ 41 gCO2eq/km (soit des gains d'environ 83 % par rapport aux véhicules thermiques).

Les émissions des véhicules hybrides et hybrides rechargeables se situeraient respectivement autour de 193 gCO2eq/km et de 180 gCO2eq/km (soit des gains d'environ 20 % et 26 % par rapport aux véhicules à essence).

Les émissions des véhicules à pile à combustible fonctionnant avec de l'hydrogène se situeraient entre 200 gCO2eq/km et 58 gCO2eq/km en fonction du type d'hydrogène utilisé (renouvelable ou issu de gaz naturel), ce qui représenterait des gains entre 17 % et 76 % par rapport aux véhicules thermiques.

Cela étant dit, plusieurs acteurs interrogés par la mission d'information ont indiqué regretter que l'approche de la Commission européenne repose sur les seules émissions « au pot d'échappement » ou « du réservoir à la roue », tant pour les véhicules légers que pour les véhicules lourds. D'après la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), cette approche « disqualifie l'utilisation des biocarburants et encourage l'électromobilité ». Stellantis considère également qu'une analyse des émissions de COsur l'ensemble du cycle de vie selon un référentiel international standard serait plus appropriée que l'approche retenue par la Commission.

Pour autant, l'article 7 bis du règlement (UE) 2019/631, tel que modifié par le règlement (UE) 2023/851 prévoit qu'au plus tard le 31 décembre 2025, la Commission publie un rapport établissant une méthode commune pour l'évaluation et l'harmonisation de la communication des données relatives aux émissions de CO2 tout au long du cycle de vie des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers mis sur le marché de l'Union.

Les constructeurs automobiles se sont d'ores et déjà mis en ordre de marche pour avancer sur cette voie de l'électrification, ainsi que l'ont exprimé leurs représentants devant la mission d'information. Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) a ainsi indiqué en parlant au nom de la filière : « Soyons clairs : nous sommes partis dans cette direction et nous devons maintenant réussir. Le choix de l'électrique est derrière nous ». Il a par ailleurs précisé : « nous sommes totalement d'accord pour aller vers l'électrique. C'est une très bonne solution pour toute une série d'usages ».

La filière automobile a d'ores et déjà déployé des investissements considérables dans le développement des véhicules électriques. Dans le cadre de son plan stratégique Dare Forward 2030, Stellantis - qui regroupe 14 marques automobiles - s'est ainsi engagé à vendre 100 % de ses véhicules particuliers en version électrique (avec une gamme de 60 véhicules électriques avec batterie) ou hydrogène en Europe en 2030, soit cinq ans avant l'objectif fixé par la Commission européenne. Dans cette perspective, Stellantis a ainsi indiqué à la mission d'information que 12 modèles électriques seront produits en France (dans 7 régions françaises) à horizon 2025.

Depuis quelques années, la part de marché des véhicules électriques parmi les véhicules neufs mis sur le marché connaît une progression importante, comme l'illustre le graphique ci-après.

Immatriculations annuelles des voitures particulières neuves
selon leur motorisation, entre 2010 et 2021 (en unités)

Source : SDES, Rsvero

À ce jour, d'après la PFA, le véhicule électrique représente, en ce début d'année 2023, un peu plus de 15 % de part de marché, et plus de 23 % si l'on intègre les véhicules hybrides rechargeables. Stellantis a indiqué que la part de marché des véhicules électriques du groupe en France avait atteint 29 % en avril 2023.

Cette orientation forte de l'ensemble de la chaîne de valeur automobile vers le véhicule électrique s'est d'ailleurs vue confirmée par la proposition de feuille de route de décarbonation de la filière automobile.

Proposition de feuille de route filière automobile

D'après la proposition de feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, l'électrification du parc automobile constitue le principal gisement de gain à la fois en matière d'intensité carbone de l'énergie utilisée que d'efficacité énergétique.

D'après la PFA, la pénétration des véhicules électriques et hybrides rechargeables devrait d'ailleurs s'accélérer pour représenter respectivement 50 % et 20 % des ventes d'ici 2030 et 14 % et 7 % du parc.

Pour autant, la filière considère que l'électrification ne sera pas suffisante pour atteindre les objectifs climatiques qui lui sont assignés, et que ce mouvement devra être doublé d'une évolution des usages de la voiture. D'après les modélisations de l'IFPEN, l'électrification (couplée à la substitution dans le parc d'anciens véhicules thermiques par de nouveaux véhicules thermiques plus performants) devrait conduire à des gains de l'ordre de 23 % en 2030, alors même que le run 1 de la SNBC 3 suppose une réduction des émissions d'environ 40 %. C'est pourquoi il est recommandé d'agir sur des leviers complémentaires à l'électrification du parc, à savoir :

- la réduction de nombre de kilomètres parcourus (autopartage, aménagement des bassins de vie pour réduire les besoins de déplacement) :

- le report modal vers les mobilités douces et collectives ;

- l'amélioration de l'efficacité énergétique du parc existant (meilleur entretien des véhicules en circulation, équipements efficients) ;

- la décarbonation du parc du parc existant, à travers l'ajout supplémentaire de carburants liquides bas carbone (biocarburants de 2e génération et e-fuels) ;

- la hausse du taux d'occupation des véhicules (covoiturage).

En parallèle, la filière estime que l'électrification rend nécessaire une réduction de l'empreinte carbone de la production des véhicules. Partant du constat qu'un véhicule électrique émet en moyenne deux fois plus d'émissions de COà la fabrication qu'un véhicule thermique, la filière anticipe un accroissement de l'empreinte carbone de de la production de véhicules (de 11 Mt COà 23 Mt COen 2035), qui restera toutefois nettement inférieure aux gains permis par la forte réduction des émissions à l'usage sur le cycle de vie.

Aussi, la proposition de feuille de route identifie plusieurs leviers pour décarboner l'empreinte de la production de véhicules légers (relocalisation de la production - notamment des batteries -, achats de composants moins carbonés, recyclage, écoconception de véhicules).

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile

(b) Un choix qui soulève néanmoins certaines inquiétudes

Pour autant, et malgré cette orientation résolue de la filière, plusieurs constructeurs ont alerté les membres de la mission d'information quant au caractère potentiellement restrictif et aux risques qu'emporte le choix d'une seule technologie.

Comme l'a indiqué Marc Mortureux en audition : « On nous a reproché d'être tombés dans le “tout diesel” : nous avons le sentiment que nous tombons désormais dans le “tout électrique ». Sans remettre en cause l'excellent bilan de l'électrique en analyse de cycle de vie, la PFA reste en effet convaincue du fait que certaines alternatives peuvent être intéressantes. Interrogé sur la « clause de revoyure » de 2026, Stellantis a ainsi indiqué être « favorable à la neutralité technologique et [rester] attentif à toutes les technologies susceptibles d'améliorer la réduction des émissions de carbone sur les flottes existantes ».

Certains membres de la mission d'information se sont d'ailleurs inquiétés de la perspective de fin de vente de véhicules à moteurs thermiques, estimant que de tels moteurs pourraient permettre, à l'avenir, de fonctionner avec des carburants décarbonés.

Par ailleurs, concernant le risque de domination de l'industrie chinoise, Marc Mortureux a souligné « une augmentation spectaculaire des importations des véhicules chinois, qui ont dix ans d'avance sur la chaîne de valeur de l'électrique ».

(2) Le recours à l'hydrogène pour certains usages spécifiques

La substitution des véhicules thermiques par des véhicules électriques à batterie semble être la voie privilégiée pour la mobilité légère, son rendement étant supérieur à celui du vecteur hydrogène, qui s'inscrit dans une chaîne énergétique comprenant des conversions qui génèrent des pertes. D'après la DGEC en effet, « l'hydrogène n'a que peu d'intérêt pour la mobilité légère : le rendement de transformation d'électricité en hydrogène induira des pertes d'énergie de 30 à 40 % là où le rendement d'un moteur électrique est proche de 100 % ».

Cela étant dit, le véhicule électrique à batterie peut néanmoins se révéler peu satisfaisant pour certains usages, notamment intensifs (véhicules utilitaires légers parcourant de longues distances, taxis, etc.), compte tenu de contraintes d'autonomie et de recharge inhérentes à ce mode de propulsion.

Dans ces cas de figure, le vecteur hydrogène, qui garantit une forte autonomie et un temps de charge rapide, pourrait davantage répondre à ces besoins spécifiques. Ainsi, Stellantis a indiqué à la mission d'information être le premier constructeur au monde à commercialiser des véhicules utilitaires légers à motorisation hydrogène. Cette offre sera industrialisée à Hordain, dans les Hauts-de-France, pour un volume de production de 5 000 unités en 2024 et de 30 000 unités à terme.

(3) Plusieurs conditions restent à remplir pour permettre une transition du parc de véhicules légers vers l'électrique

Si la filière automobile a résolument pris le virage de l'électrification de la mobilité légère, il reste néanmoins que certaines conditions doivent être remplies pour permettre une transition du parc des véhicules légers du thermique à l'électrique.

D'une part, la couverture du territoire par un réseau dense d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques constitue une condition sine qua none de l'électrification du parc, et fait l'objet de la réglementation européenne « AFIR ». Stellantis estime ainsi un besoin de 600 000 à 700 000 bornes de recharge pour les véhicules électriques à batterie, contre 100 000 aujourd'hui. Cependant, et comme l'a souligné la DGEC, les installations de recharge pour véhicules électriques impliquent un raccordement spécifique au réseau d'électricité et la file d'attente est déjà longue.

Objectifs de déploiement d'infrastructures de recharge

L'article 3 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR)172(*) définit des objectifs de déploiement d'infrastructures de recharge électriques réservées aux véhicules utilitaires légers.

Il prévoit notamment des obligations pour les États membres :

- de veiller à ce que des stations de recharge pour véhicules utilitaires légers ouvertes au public soient déployées de manière proportionnelle à l'adoption de véhicules utilitaires légers électriques ;

- d'atteindre des objectifs de puissance de sortie ;

- de veiller au déploiement de parcs de recharges ouverts au public et réservés aux véhicules utilitaires légers le long du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Sur le réseau central du RTE-T, est ainsi prévue une distance maximale de 60 kilomètres entre deux parcs de recharge.

D'autre part, si une offre complète de véhicules électriques légers a émergé et devrait se consolider dans les prochaines années, leur coût reste souvent, pour l'heure, bien supérieur à celui de leurs homologues thermiques. D'après la Plateforme automobile, le prix de vente moyen d'un véhicule électrique neuf s'élève à 23 900 euros, soit 45 à 50 % de plus que le prix de vente moyen d'un véhicule thermique (15 100 euros).

Source : Plateforme automobile173(*)

b) Les biocarburants peuvent aider à la transition pour les véhicules particuliers

Si l'électrification constitue le principal levier de décarbonation de la filière automobile, il convient de noter que seuls 5 % du parc est renouvelé chaque année, d'après Stellantis. Dans l'absolu, et suivant ce rythme de renouvellement « naturel » du parc, environ vingt années seraient nécessaires pour transformer le parc actuel en parc « zéro émission ».

Au 1er janvier 2022, le parc automobile de voitures particulières comptait ainsi 402 669 véhicules électriques sur un total de 38,7 millions de véhicules ainsi que 58 965 véhicules utilitaires légers électriques sur un total de 6,3 millions de VUL174(*).

Dans ce contexte, il apparaît qu'à court terme, et « tant que des moteurs thermiques sont encore en service », les biocarburants, conventionnels comme avancés constituent « une solution de décarbonation incontournable »175(*).

Alors que les prix des véhicules électriques restent à ce jour supérieurs à ceux des véhicules thermiques, le recours à des biocarburants peut en effet représenter une solution transitoire permettant de favoriser le verdissement du parc existant. D'après l'Ademe, « l'usage des biocarburants liquides ne présente pas de difficulté pour une grande majorité des véhicules déjà en circulation ». Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, a ainsi déclaré en avril dernier : « tout en restant déterminés à poursuivre notre stratégie en matière d'électrification, nous devons en parallèle trouver des solutions intelligentes pour réduire les émissions de COdes 1,3 milliard de véhicules thermiques existants. » 176(*)

Les biocarburants constituent une solution de décarbonation transitoire pour la mobilité légère dans la mesure où, comme l'a souligné l'Ademe, «  à terme, le recours massif aux véhicules électriques à batterie dès 2035 mettra certainement un terme à l'utilisation des biocarburants liquides et gazeux sur ce segment ». À titre d'illustration, le développement du carburant ED95, qui est d'après la DGEC particulièrement intéressant lorsqu'il est issu de déchets de l'agriculture, est tributaire des motoristes « qui ont aujourd'hui abandonné le développement de moteurs compatibles ».

c) Une incertitude pour les véhicules lourds, sur fond de discussions toujours en cours au niveau de l'Union européenne

Si la trajectoire de décarbonation de la mobilité légère s'oriente à titre principal vers l'électrification du parc, modulo le recours, de manière transitoire, aux biocarburants, les perspectives semblent plus incertaines s'agissant du transport routier lourd.

(1) Des objectifs ambitieux de décarbonation du transport routier lourd d'ici à 2050

Dans le prolongement du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », la Commission européenne a proposé, en février 2023, une révision du règlement relatif au renforcement des normes de performance en matière d'émissions de COpour les nouveaux véhicules lourds lourds177(*). Cette proposition fixe un objectif de réduction des émissions de COdes nouveaux véhicules lourds de 90 % d'ici 2040 par rapport à l'année 2019. Elle prévoit d'atteindre également des objectifs intermédiaires de réduction des émissions, s'élevant à 15 % d'ici 2025, 45 % d'ici 2030 et 65 % d'ici 2035.

Par ailleurs, la Commission a également présenté, en novembre 2022 une proposition visant à réduire la pollution atmosphérique causée par les véhicules neufs (lourds et légers)178(*). Cette proposition fixe de nouvelles normes Euro (« Euro 7 ») plus strictes en matière de qualité de l'air.

(2) Un mix énergétique diversifié pour la mobilité lourde ; un débat sur la place possible de l'hydrogène par rapport à l'électrification avec batteries

L'atteinte de ces objectifs ambitieux représente un véritable défi, compte tenu des caractéristiques et des usages variés des véhicules lourds, d'une part, et du caractère à ce jour encore limité et très coûteux de l'offre alternative, d'autre part.

Les poids lourds recouvrent des catégories très hétérogènes de véhicules : camions, autobus et autocars, engins de travaux publics légers (chargeuses, minipelles) et lourds (tombereaux, pelles, butteurs). Ces véhicules répondent à une grande variété d'usages : « depuis les utilisations intensives en milieu urbain jusqu'au transport interrégional de longue distance, en passant par les chantiers de construction » 179(*).

Parc d'autobus et d'autocars
au 1er janvier 2022 selon la carburation

Parc de poids lourds, au 1er janvier 2022 selon la

carburation

Au 1er janvier 2022, le parc de poids lourds comptait environ 616 500 véhicules, qui incluent camions, tracteurs routiers et véhicules automoteurs spécialisés (VASP). En parallèle, on dénombre environ 94 500 autobus et autocars affectés au transport en commun de personnes. La très grande majorité de ces véhicules lourds sont équipés d'une motorisation diesel. S'agissant des poids lourds, les véhicules diesel représentent ainsi 98,4 % de l'ensemble du parc. Cette proportion s'élève à 89,7 % pour ce qui concerne les autobus et les autocars180(*).

Source : SDES

Interrogés quant aux technologies privilégiées pour le verdissement des véhicules lourds, la plupart des acteurs ont indiqué favoriser un mix énergétique, compte tenu notamment de la variété des usages des véhicules lourds, et de leurs caractéristiques. En particulier, le débat prospectif quant à la technologie à privilégier à moyen long terme, entre le recours à l'électrification par batteries et le recours à l'hydrogène pour la propulsion des poids lourds n'est à ce jour pas tranché.

D'après la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), les véhicules électriques à batterie apparaissent particulièrement adaptés à l'usage urbain, et constituent un atout dans le contexte du déploiement des zones à faibles émissions (ZFE-m), compte tenu de leurs performances en matière de qualité de l'air. Néanmoins, la FNTR constate que les poids lourds électriques bénéficient d'une autonomie moindre que leurs homologues diesel, ce qui les rend peu adaptés au transport de moyenne ou longue distance.

Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l'initiative « Mobilité en transition » de l'IDDRI, a présenté à la mission une hypothèse de pénétration croissante de l'électrique, comme le montre le graphique suivant :

Évolution du parc de poids-lourds porteurs rigides

Source : IDDRI

À cet égard, la ministre Agnès Pannier-Runacher a indiqué lors de son audition constater une accélération de l'offre constructeurs en matière de poids lourds électriques : « Je fais observer que les annonces des constructeurs sur l'électrification des poids lourds ont été plus rapides et ambitieuses que ce que nous avions prévu. Lorsque j'étais en charge de l'industrie, il y a deux ans, l'électrification ne paraissait pas une voie envisageable pour les poids lourds, mais les derniers modèles livrés permettent de nuancer ce diagnostic initial ».

À l'inverse, les véhicules lourds à hydrogène bénéficient d'une forte autonomie et leur temps de charge est bref, ce qui les rend potentiellement plus pertinents pour du transport de longue distance ou intensif.

Interrogée sur cette question, l'Ademe a indiqué à la mission d'information que les seuils de pertinence entre batterie et hydrogène constituaient un sujet complexe et évolutif en fonction de la courbe d'apprentissage des filières technologiques respectives (comme les performances réelles des batteries), mais également des considérations liées au réseau électrique. Des seuils commenceraient néanmoins à apparaître (au regard des différents projets aidés) selon le kilométrage journalier réalisé par le véhicule.

Seuils de pertinence identifiés par l'Ademe pour les véhicules lourds à batterie et hydrogène

Source : Ademe

Pour l'Organisation non gouvernementale Transport & Environment, les camions électriques à batterie sont la solution la plus pertinente et disposent du plus grand potentiel de décarbonation, comme l'illustre le schéma ci-après.

Source : Transport & Environment

Au-delà de la question du seuil de pertinence, les transporteurs ont alerté sur l'insuffisance de l'offre de poids lourds à motorisation électrique ou hydrogène - notamment pour certains gabarits - et, lorsque ces véhicules existent, sur leur coût prohibitif.

S'agissant de l'offre de véhicules lourds, TLF rappelle que l'enjeu en matière de décarbonation est à ce stade de « maintenir une offre complète de solutions qui pourront être adaptées aux usages et aux spécificités du secteur ». L'offre de poids lourds électriques à batterie reste à ce stade limitée, même si la FNTR rapporte que, d'après les constructeurs, elle devrait être largement suffisante au cours des prochaines années pour atteindre les hypothèses d'évolutions prévues par la SNBC ; la plupart des constructeurs concentrant désormais leurs efforts sur le poids lourd électrique à batterie. Transport & Environment rappelle ainsi que les constructeurs ont annoncé proposer près de 50 % de camions zéro émission d'ici 2030. Concernant les poids lourds à hydrogène, en revanche, il n'existe pas d'offre à ce stade d'après la FNTR (hormis pour les véhicules utilitaires légers) et l'essor de ces véhicules devrait être limité avant 2030. Selon Philippe Boucly, président de France Hydrogène, le nombre de camions à hydrogène pourrait être de 8 500 à l'horizon 2030, soit 1,4 % du parc de 51 000 à l'horizon 2035 et de 90 000 à l'horizon 2040, soit 15 % du parc à cette échéance. Pour certains secteurs, en particulier celui des travaux publics, l'offre alternative pour certains véhicules ou engins spécifiques est quasi-inexistante.

La difficile décarbonation du secteur des travaux publics

D'après la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), les flottes utilisées dans le secteur sont de deux types :

- les véhicules immatriculés, qui comprennent des véhicules utilitaires légers et des poids lourds. Le parc de poids lourds est constitué principalement de silhouettes spécifiques (camions bennes, semis, camions-citernes, camions plateaux, camions-grues...). Ce parc est constitué presque exclusivement de véhicules thermiques à motorisation diesel. Ces véhicules « roulant peu » (les chantiers ayant lieu essentiellement pendant la journée), ce parc est relativement âgé, du fait d'un renouvellement lent, estimé à 12-15 ans. D'après la FNTP, « le volume des véhicules roulant au gaz naturel et à l'électrique est pour l'instant négligeable, en raison du manque de solutions d'avitaillement, de l'instabilité des coûts et du fait que les chantiers se déplacent constamment, rendent les enjeux d'avitaillement cruciaux » ;

- les engins de chantier spécifiques aux travaux publics qui ne circulent pas sur la route. D'après la FNTP, en l'absence d'immatriculation, ce parc n'est pas connu : le seul chiffre disponible est le nombre d'engins vendus chaque année - environ 40 000 -, parmi lesquels seuls 200 engins électriques ont été vendus en 2022, essentiellement dans la catégorie mini-pelle. Ce parc se caractérise par sa grande hétérogénéité, puisqu'il compte plusieurs familles d'engins et de nombreux modèles différents. De fait, les volumes de vente de chaque engin sont très faibles. À titre d'exemple, seuls 38 tombereaux rigides - utilisés pour le transport de terre et de matériaux - ont été vendus en France en 2022.

Comme le résume la FNTP : « l'intérêt pour les constructeurs d'investir dans de nouvelles motorisations ne pourra intervenir que lorsque la demande sera mondiale. En aucun cas, nous ne pouvons espérer des exceptions françaises ».

Source : Fédération nationale des transports publics

À l'insuffisance de l'offre de véhicules électriques à batterie et à hydrogène s'ajoutent des délais de commandes allongés (cf. tableau ci-après), notamment, comme le souligne l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), sous l'effet des pénuries de composants.

Délais de commande moyens des véhicules (en mois)

Source : Union TLF

En outre, le coût des poids lourds électriques à batterie et des poids lourds à hydrogène s'avère à ce stade prohibitif ; les premiers étant aujourd'hui 3 à 4 fois plus chers que leurs homologues thermiques, quand les seconds sont 5 à 6 fois plus chers que leur équivalent thermique. Les acteurs du transport routier de marchandises craignent en outre que les coûts totaux de possession (TCO) des poids lourds électriques et hydrogènes demeurent supérieurs à ceux d'un véhicule thermique, et ce malgré l'industrialisation des productions à venir. D'après l'OTRE, et pour ce qui concerne les poids lourds à hydrogène, « les projections actuelles (coût des véhicules et coût de l'hydrogène bas carbone) ne le rendent pas compétitif pour le transport routier ». Cela étant, Transport & Environment considère que le camion électrique prendra l'avantage, en termes de coûts, dès 2024, sur le camion diesel, dans plus de 60 % des cas en dans presque 100 % des cas en 2030.

· Les biocarburants et le bioGNV comme vecteurs de transition ?

Dans ce contexte de pluralité des nouvelles technologies disponibles, la FNTR recommande de poser le principe du mix énergétique comme « principe incontournable de la transition énergétique, dans laquelle toutes les alternatives au diesel sont pertinentes et complémentaires pour répondre aux objectifs environnementaux, compte tenu de la variété des activités du secteur et des usages des transporteurs ». La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) partage cette vision, étant entendu qu' « à l'heure actuelle, aucune filière énergétique n'est substituable au diesel pour effectuer la totalité des activités du transport routier de voyageurs (transports scolaires, lignes régulières régionales, services librement organisés, tourisme) ».

En outre, la loi d'orientation des mobilités181(*) prévoit un objectif de fin de vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles d'ici 2040. Comme le souligne l'Ademe, cet objectif laisse une opportunité aux biocarburants dans ce secteur.

C'est pourquoi l'utilisation des biocarburants et des carburants de synthèse est considérée comme un vecteur efficace de transition. D'après la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), « l'utilisation de biocarburants/carburants de synthèse sera précieuse pour le transport routier : elle permet de répondre aux enjeux d'autonomie (en particulier pour la longue distance), de puissance (au-delà de 19t), et de temps de travail (avitaillement rapide). Ils permettent de limiter les impacts sur les organisations de transport, avec des surcoûts limités, voire inexistants ». Si certains biocarburants ne requièrent aucune adaptation des moteurs ou du système de distribution du carburant182(*), d'autres, à l'image du B100, nécessitent quant à eux une motorisation adaptée et une logistique spécifique.

D'après la DGTIM, la piste de décarbonation la plus probable pour les engins de travaux publics repose sur un ajout progressif de biocarburants de synthèse puis e-fuels. La filière recommande en particulier de recourir au HVO et au XTL.

La FNTR estime en outre que les carburants liquides resteront indispensables à moyen voire long terme pour les gros tonnages et le transport longue distance. Cela étant, la FNTR comme la FNTV regrettent le fait que les carburants bas carbone soient réservés à des flottes captives, dont la station est privée. D'après la FNTV, cette situation contraint les autocars à être approvisionnés au dépôt, ce qui réduit leur autonomie et limite les usages longues distances dépendants de stations publiques.

Aux côtés des carburants liquides bas-carbone, il existe une offre mature de véhicules au gaz naturel véhicule (GNV) et au BioGNV. Les véhicules GNV et au BioGNV représentent d'ailleurs la quasi-intégralité des motorisations alternatives existantes dans le parc de poids lourds (environ 8 700 poids lourds sur les 9 600 poids lourds ne roulant pas au diesel). La DGEC estime en outre que le BioGNV présente un réel débouché pour les véhicules lourds en territoires périurbains et ruraux, notamment pour la mobilité agricole roulant au gazole non routier (GNR).

D'après la FNTR, le prix à l'achat des poids lourds GNV est aujourd'hui 30 % plus élevé que celui de leurs homologues diesel. En revanche, la Fédération estime que les constructeurs orientent leur stratégie de moyen terme vers les motorisations électriques, limitant ainsi la disponibilité de l'offre de véhicules aux GNV et BioGNV, de telle sorte que selon les projections, les hypothèses définies par la SNBC concernant les parts de marché du GNV et du BioGNV au sein des immatriculations des poids lourds neufs pourraient ne pas être atteintes.

En tout état de cause, le maillage du territoire en infrastructures d'avitaillement en énergies alternatives est une condition essentielle de la réussite de la décarbonation du parc de véhicules lourds. La proposition de règlement « AFIR » prévoit, en son article 4, de fixer des objectifs de déploiement des infrastructures de recharge électrique réservées aux véhicules utilitaires lourds à la fois en termes de distance entre les infrastructures et en termes de puissance de sortie. En l'état actuel, l'accord provisoire prévoit ainsi le déploiement de parcs de recharge ouverts au public réservés aux véhicules utilitaires lourds à un intervalle de 60 km entre chaque parc le long du réseau central du RTE-T.

Le déploiement d'autoroutes électriques a également été évoqué par certains acteurs comme une infrastructure susceptible de remédier aux problématiques d'autonomie des véhicules lourds à batterie.

L'autoroute électrique

D'après Carbone 4183(*), les autoroutes électriques consistent à « mettre en place une flotte de poids lourds hybrides qui fonctionneraient avec une alimentation électrique continue le long de l'autoroute. [...] Les camions hybrides pourraient rouler avec leur moteur thermique pour effectuer les manoeuvres (dépassement, entrée et sortie d'autoroute) ainsi que pour circuler en dehors de l'autoroute ».

Il existe trois grandes familles de technologies envisageables pour l'autoroute électrique184(*) :

- les solutions conductives aériennes (caténaire). Une caténaire alimente alors le véhicule en énergie par un pantographe. Il s'agit d'une technologie testée par Siemens en Allemagne.

- les solutions conductives au sol ou latérales en bord de route (rails). Cette technologie est notamment développée en Suède.

- les solutions inductives, qui sont notamment testées en Corée du Sud.

Trois groupes de travail ont été chargés d'explorer le potentiel de l'autoroute électrique et ont rendu leurs conclusions au ministre des transports lors du Comité ministériel de développement et d'innovation dans les transports du 20 octobre 2021.

Le troisième groupe de travail185(*), sur l'expérimentation à grande échelle des systèmes de route électrique, a notamment recommandé de sélectionner et d'expérimenter sur autoroute circulée une ou plusieurs technologies.

Au cours de son audition devant la mission d'information, la ministre Agnès Pannier-Runacher a indiqué qu'un appel à projets sur les autoroutes électriques par induction serait lancé dans le cadre de France 2030, tout en précisant que la réalisation pratique de ces infrastructures était envisagée à un horizon 2030-2050 et que cette technologie était étudiée avec attention par le secrétariat général à l'investissement.

En définitive, comme le souligne la proposition de feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds, l'évolution du mix énergétique (carburants liquides bas-carbone, bioGNV, électricité et hydrogène) dépendra de quatre facteurs principaux :

- les besoins liés aux usages ;

- la disponibilité des énergies ;

- le déploiement d'une offre de motorisation alternative par les constructeurs ;

- les conditions économiques (coûts d'acquisition et d'exploitation).

2. Si l'électricité et l'hydrogène sont une priorité pour la filière ferroviaire à long terme, les biocarburants apparaissent comme une solution de décarbonation privilégiée à court terme

La part relative du transport ferroviaire dans les émissions de gaz à effet de serre attribuables au secteur des transports est limitée. Christophe Fanichet, président-directeur général de SNCF Voyageurs, a ainsi indiqué à la mission d'information que SNCF Voyageurs émettait moins de 1 % des émissions de CO2 du secteur des transports, tout en réalisant 10 % des trajets.

En tout état de cause, le transport ferroviaire est en règle générale davantage présenté comme une solution de décarbonation du secteur des transports que comme une source d'émissions. Ainsi que l'a rappelé Christophe Fanichet à la mission, voyager en train correspond à une réduction de 98 % des émissions de COpar rapport à un voyage en avion, de 93 % par rapport à un voyage en voiture thermique et de 81 % par rapport à un voyage en voiture électrique.

Pour autant, le secteur ferroviaire, comme l'ensemble des autres filières, doit également s'engager pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. SNCF Voyageurs s'est en outre fixé un objectif intermédiaire de réduction de 30 % de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

Si le train est majoritairement électrique, force est de constate que 40 % du réseau ferroviaire n'est, à ce jour, pas électrifié. Le pourcentage de kilomètres de lignes électrifiées du réseau ferré national a progressivement augmenté de 45 % à 60 % entre 1999 et 2021, sous l'effet de deux dynamiques contraires d'après SNCF Voyageurs :

- la diminution du linéaire exploité (de près de 5 000 kilomètres) ;

- l'augmentation nette de presque 2 000 kilomètres de lignes électrifiées (essentiellement des lignes nouvelles, mais également quelques sections de ligne classique à forte valeur ajoutée comme Saint-Etienne - Firminy ou le sillon alpin Valence - Montmélian).

Linéaire et pourcentage de lignes électrifiées du réseau ferré national

Source : SNCF Voyageurs

À ce jour, toujours d'après SNCF Voyageurs, 84 % du trafic ferroviaire186(*) a été réalisé par SNCF Voyageur en traction électrique. Concernant le transport ferroviaire de marchandises, Fret SNCF opère près de 90 % des tonnes.km avec des matériels électriques. Pour l'ensemble du fret ferroviaire, le taux de traction électrique s'élève plutôt entre 75 et 80 %, les concurrents de Fret SNCF recourant davantage à des locomotives thermiques.

Pour ce qui concerne le transport de voyageurs, 16 % des trains.km réalisés par SNCF Voyageurs sont opérés avec une motorisation gazole. « Il s'agit principalement des trains qui circulent sur les lignes de dessertes fines du territoire, là où le nombre de voyageurs est moins élevé et où, par conséquent, les travaux d'électrification des lignes ne sont pas économiquement pertinents »187(*).

43 % des 800 000 tonnes d'émissions de gaz à effet de serre attribuables à SNCF Voyageurs proviennent de trains thermiques ou bi-modes. Pour l'activité TER, qui compte dans son parc un quart de véhicules 100 % thermiques, cela représente trois quarts des émissions de COpour seulement un quart des voyageurs. Ainsi, alors que les émissions de COd'un passager TER sont inférieures à 24 gCO/ voyageur.km, cette donnée peut atteindre 69 g CO2/voyageur.km dans le cas de TER diesel.

Dans ce contexte, le renouvellement du matériel thermique constitue une condition clé de la décarbonation du secteur, permettant de s'orienter vers le mode électrique ou vers des rames hydrogène. SNCF Voyageurs rappelle que la responsabilité en matière d'acquisition, de modernisation et d'investissements dans le matériel roulant relève, pour ce qui concerne les TER, des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) régionales, qui supportent donc les surcoûts d'investissements et d'exploitation des nouvelles technologies de décarbonation.

SNCF Voyageurs identifie, à moyen et long termes, trois leviers nécessaires à la décarbonation du transport ferroviaire :

- le renforcement du réseau électrifié, notamment pour les axes majeurs des services express régionaux métropolitains ou des dessertes périurbaines ;

- la mise en oeuvre des solutions de batteries, s'appuyant sur une logique d'électrification partielle pour toutes les lignes non électrifiées adossées à des solutions de recharge. Cette solution permettrait ainsi de n'électrifier que les portions les moins complexes du réseau.

- le déploiement de trains à hydrogène pour des parcours plus longs, là où la solution batterie n'est a priori pas pertinente. En outre, SNCF Voyageurs considère que le déploiement de la filière hydrogène pourrait permettre d'envisager une mutualisation avec d'autres besoins locaux (industriels ou de mobilité). Aussi, 12 rames Regiolis H2, commandées par 4 régions (Grand-Est, Bourgogne Franche-Comté Auvergne Rhône Alpes, Occitanie) devraient circuler sur le réseau à compter de 2027.

Le développement du train à hydrogène

Pour la DGITM, l'écosystème français bénéficie, pour la structuration de la filière hydrogène dans la mobilité ferroviaire, de la présence de l'ensemblier Alstom, qui a développé depuis quelques années un train léger fonctionnant à 100 % à l'hydrogène et qui est à ce stade uniquement déployé en Allemagne.

D'après la DGITM, l'hydrogène est, en matière de mobilité ferroviaire, pertinent pour deux types d'usages :

- la mobilité régionale, principalement sur les lignes fines de desserte du territoire ;

- le transport de marchandises de longue distance.

Dans l'attente du déploiement de ces solutions, et alors que les matériels roulants ont une durée de vie approchant quarante ans, la décarbonation du parc existant peut constituer une première étape de la décarbonation du transport ferroviaire. SNCF Voyageurs considère ainsi que, « le recours aux biocarburants est le seul levier disponible rapidement pour sortir des énergies fossiles et décarboner le matériel thermique existant, sans modification majeure ».

SNCF Voyageurs a ainsi travaillé avec la région Normandie pour expérimenter à partir de 2021 un service commercial opéré au biocarburant B100 sur la ligne Paris-Granville sur une flotte de 15 matériels Régiolis à moteur diesel. D'après SNCF Voyageurs, la première année d'expérimentation a permis une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 62 %.

Au-delà du B100, SNCF Voyageurs réalise des tests de compatibilité de différents biocarburants sur ses trains. La compatibilité des e-fuel avec les moteurs thermiques des trains est pressentie, mais leur production n'ayant pas atteint la maturité industrielle, la société prévoit que leur coût au litre devrait rester un désavantage majeur dans la promotion de cette solution auprès des AOM. 

En tout état de cause, SNCF Voyageurs a pour ambition de porter la consommation de combustibles de son parc thermique à 100 % en biocarburants, ce qui représenterait 100 millions de litres par an. Cette consommation diminuerait ensuite progressivement jusqu'à la radiation définitive des matériels thermiques et leur remplacement par des matériels décarbonés à horizon 2050.

Pour autant, SNCF Voyageurs identifie un frein au déploiement des biocarburants au service de la mobilité ferroviaire. Des dispositions réglementaires188(*) ne permettent pas à une même installation de distribuer plusieurs types de carburants. De fait, la distribution de biocarburant doit être réalisée via une infrastructure dédiée ce qui contraint considérablement le déploiement de ces carburants dans le domaine ferroviaire et génère d'importants surcoûts (de 100 000 euros à plusieurs millions d'euros).

3. Les carburants d'aviation durables : un moyen puissant de décarbonation de l'aérien

D'après la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM), l'aviation civile mondiale a émis en 2019 environ un milliard de tonnes de CO2, soit 2,4 % des émissions mondiales. Les émissions du secteur ont connu une forte progression de ses émissions, estimée à 42 %, entre 2005 et 2019, en raison de la forte croissance du trafic (de l'ordre de 5 % par an en moyenne sur cette période)189(*). D'après l'International air transport association (IATA), le secteur a néanmoins connu une amélioration de son efficacité énergétique de 1,5 % par an entre 2010 et 2020.

En France, la part des émissions liées aux vols domestiques dans les émissions attribuables au secteur des transports s'élève à environ 2,6 %. Il convient toutefois de noter que le transport aérien est responsable d'effets dits « hors CO2 » (traînées de condensation, oxydes d'azote, vapeur d'eau, aérosols) ; les traînées de condensation en particulier pourraient conduire à un doublement des impacts de l'aviation sur le climat.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a entériné, lors de sa 41e Assemblée générale d'octobre 2022, l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. En outre, lors de sa 77e assemblée générale annuelle, l'IATA a adopté une résolution engageant ses membres à atteindre des émissions nettes de carbone neutres d'ici 2050.

Comme l'a souligné Marwan Lahoud, ancien président du GIFAS, devant la mission d'information, la décarbonation constitue la quatrième révolution de l'aéronautique, après le décollage, la sécurité en vol, puis la démocratisation du vol.

Aussi, et sauf à accepter une diminution du trafic aérien, Air France résume ainsi la difficulté posée au secteur : « tout le défi posé au secteur est donc d'entamer une trajectoire de réduction d'émissions, dans un contexte de poursuite de croissance du trafic, certes à des niveaux inférieurs que pré-covid (+ 3 % en moyenne d'ici 2050 d'après IATA), pour atteindre l'objectif de zéro émission nette à 2050 ».

D'après IATA, les projections actuelles estiment que la demande de transport aérien de passagers pourrait dépasser les 10 milliards en 2050 (cf graphique ci-après).

Source : IATA

Plusieurs leviers peuvent contribuer à la décarbonation du transport aérien, parmi lesquels notamment :

- la modération de la demande de trafic aérien, par le biais de changements de comportements ou encore par l'édiction de mesures de limitation du recours au transport aérien190(*), ce qui ne permet toutefois d'agir que sur le seul trafic national ; le trafic international étant un secteur ultra-concurrentiel totalement ouvert, de telles mesures pourraient avoir pour effet de détourner des trafics, selon les acteurs du secteur. Air France indique ainsi : « l'innovation technologique sera indispensable, mais nous pensons aussi qu'un usage plus raisonné de l'aérien sera nécessaire » ;

- l'optimisation du trafic aérien ; le développement des « descentes continues » sur les aéroports français ou encore le déploiement de l'espace en cheminement libre (permettant ainsi aux avions de choisir librement leur trajectoire) sont, d'après la FNAM, des leviers de réduction des émissions accessibles à court terme ;

- le renouvellement des flottes : pour Air France, il s'agit, à court-terme, et notamment pendant la phase d'émergence des carburants d'aviation durables, du premier levier de décarbonation du secteur, grâce à l'utilisation de moteurs plus efficients, de matériaux plus légers, et un design plus aérodynamique. L'acquisition d'appareils de nouvelles générations d'avions permet, selon les appareils, une réduction des émissions de l'ordre de 20 % (A220) ou 25 % (A350), ainsi qu'une diminution d'un tiers de l'empreinte sonore.

Pour autant, et dans la mesure où 90 % des émissions de COdes compagnies aériennes sont liées à la consommation de carburant d'aviation191(*), il apparaît prioritaire de concentrer les efforts sur la décarbonation des modes de propulsion des aéronefs. À cet égard, plusieurs pistes peuvent être distinguées, dont les coûts et les perspectives de développement diffèrent : déploiement de l'avion électrique ou de l'avion à hydrogène, réduction de la consommation de carburant, augmentation des objectifs d'incorporation de carburants d'aviation durables (CAD ou « Sustainable Aviation Fuel », SAF).

a) L'électrification et l'hydrogène ne peuvent apparaître comme des solutions que pour de courts-moyens courriers

Le déploiement des avions à propulsion électrique et hydrogène constitue un véritable défi technologique majeur pour la filière et leur déploiement à grande échelle ne peut, à ce jour, être envisagé à court-terme.

Si, d'après la DGEC, « l'électrification n'est pas envisageable » pour la mobilité aérienne, certains acteurs ont indiqué à la mission d'information que le vecteur électrique pouvait, en usage direct, contribuer à la décarbonation du transport aérien pour les plus petits modules. D'après le Groupe ADP, il s'agit d'une « solution nécessaire, et de court-terme, pour décarboner, par exemple, les écoles de pilotage, ou l'aviation régionale de très courte distance et de faible emport (500 kilomètres, 20 passagers) ». Le Groupe ADP cite ainsi les exemples Finnair et d'Air Canada, qui ont investi sur ces technologies à venir, par l'intégration à leurs flottes de ces petits modules électriques d'ici 2027.

Au Salon du Bourget, le rapporteur a également pu échanger avec les équipes de Daher qui, conjointement avec Safran et Airbus, a travaillé sur démonstrateur d'avion à propulsion hybride-électrique, Ecopulse.

Concernant l'avion à hydrogène, deux options sont envisageables, à savoir :

- la pile à combustible alimentée par de l'hydrogène liquide (qui permet la création d'électricité à bord) ;

- la combustion de l'hydrogène liquide dans des turbines. D'après Air Liquide, 3 kilogrammes (kg) de kérosène peuvent être remplacés par 1 kg d'hydrogène.

Néanmoins, de nombreux acteurs consultés par la mission d'information ont souligné les difficultés technologiques consubstantielles au développement de l'avion à hydrogène. Air France rappelle ainsi qu'en raison de la très faible densité de l'hydrogène, un stockage sous forme liquide à très basse température (- 253 °C) doit être envisagé, ce qui suppose des volumes de stockage quatre fois plus importants que pour le kérosène ainsi que, de fait, le développement d'une chaîne logistique complète d'approvisionnement.

D'après le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), la nécessité d'utiliser l'hydrogène sous forme liquide introduit une étape de liquéfaction qui est elle aussi consommatrice d'énergie, même si une marge de progrès significative existe (dans les installations classiques, environ 40 % du contenu énergétique est consommé pour la liquéfaction, mais une marge de progrès significative existerait).

En tout état de cause, le développement de l'avion à hydrogène suppose une forte anticipation compte tenu des adaptations nécessaires des infrastructures aéroportuaires.

L'hydrogène soulève des enjeux particuliers de logistique
pour les plateformes aéroportuaires : la stratégie du Groupe ADP

Les aéroports jouent un rôle central dans le déploiement de l'hydrogène. Dans ce contexte, et estimant que les aéroports parisiens peuvent être des « catalyseurs du développement de l'hydrogène » le Groupe ADP travaille au déploiement du concept de hub hydrogène.

Compte tenu du défi industriel que représente l'arrivée de l'avion à hydrogène, cette stratégie consiste à construire, étape après étape, un marché local territorial dans lequel l'avion hydrogène pourra progressivement s'insérer. Dans le cadre de cette démarche, le Groupe ADP a ainsi lancé, conjointement avec la région Île-de-France, Air France-KLM et Airbus un appel à manifestation d'intérêt (« HHub Airport ») pour explorer les opportunités offertes par l'hydrogène sur les aéroports franciliens.

Le Groupe ADP identifie ainsi trois étapes successives pour le déploiement d'un hub hydrogène :

1) la définition d'écosystèmes territoriaux hydrogène aéroportuaires, d'abord au service des usages routiers (taxis, bus, camions) ;

2) l'émergence puis la massification d'engins d'assistance en escale décarbonés (push avions utilisés pour remorquer les avions, chariots bagages notamment). Certains constructeurs travaillent d'ores et déjà au développement de démonstrateurs d'engins d'assistance en escale en vue de réaliser une prestation d'assistance au sol de l'avion complètement décarbonnée à Roissy Charles de Gaulle à horizon 2024 ;

3) la poursuite de la transformation des aéroports, ainsi devenus « hubs de l'hydrogène », pour accueillir des avions propulsés directement par hydrogène liquide ou grâce à une pile à combustible. Le Groupe ADP travaille d'ores et déjà, avec Airbus et Air Liquide, à la définition du schéma logistique le plus adapté aux enjeux aéroportuaires sur l'ensemble de la chaîne de valeur hydrogène (production, transport, stockage, liquéfaction, distribution, avitaillement).

Source : Groupe ADP

En outre l'Ademe estime nécessaire d'investiguer plus en détail l'impact de certains éléments sur le forçage radiatif d'un vol à hydrogène, notamment les émissions hors-CO(fuite d'hydrogène, émission de vapeur d'eau et formation de traînée, émissions d'oxydes d'azote).

Enfin, l'utilisation de l'hydrogène dans le secteur aérien pose de potentiels problèmes de sécurité pour les personnes et les biens.

Potentiels problèmes de sécurité liés à l'utilisation d'hydrogène
pour le transport aérien identifiés par le GIFAS

• À bord

Même si l'hydrogène est connu et utilisé dans d'autres industries, par exemple dans le spatial, son usage dans l'aéronautique civile et commerciale reste inexploré et les risques liés à son utilisation sont bien réels au regard du caractère hautement inflammable et détonnant en milieu confiné pour les opérations en vol et les opérations au sol. Les conditions et régimes d'inflammation ainsi que leurs effets sont des problématiques fondamentalement critiques à appréhender afin de mettre en place des capacités d'analyse de sécurité et de dimensionnement de précautions vis-à-vis de leur prévention contre leurs effets.

L'hydrogène induit un impact très important sur la configuration avion et sur le type de missions réalisables par ce type d'appareil. Les réservoirs utilisés pour le kérosène sont positionnés dans des espaces disponibles de l'architecture de l'avion (voilure, caisson central). Les réservoirs hydrogène répondant à toutes les contraintes précédemment évoquées ne peuvent être intégrés dans ces espaces. La garantie de succès n'est pas acquise et de nombreux travaux sont nécessaires pour « dérisquer » cette option avant de lancer un développement de programme avion.

Opérations

L'introduction de l'hydrogène requiert en outre, au-delà d'une nouvelle conception des aéronefs, le déploiement de nouvelles infrastructures pour l'approvisionnement des aéroports et l'avitaillement des avions. En effet, l'introduction d'avions hydrogène a un impact sur les opérations aéroportuaires, sur les opérations de maintenance et sur les opérations aériennes.

L'encombrement autour de l'avion doit être compatible avec l'accès des véhicules de service. L'hydrogène gazeux perdu par évaporation doit être géré par les infrastructures aéroportuaires, compte tenu de son caractère hautement inflammable. Des solutions qui prennent en compte la conception du site et les procédures de sécurité doivent être proposées.

Une autre difficulté majeure se situe au niveau du maintien en froid.

Sur les aspects relatifs à la maintenance, il est nécessaire de prendre en compte la mise en place de formations pour les personnes qui manipulent les éléments qui constituent le système propulsif hydrogène-électrique.

Nouveaux risques

De manière non exhaustive, les risques de sûreté et de sécurité sont au coeur des préoccupations et des priorités. De même, les risques feu et explosion, les risques liés à la surpression d'un réservoir contenant de l'hydrogène et devenant explosif par un phénomène appelé « boil-off », les risques thermiques générés par le stockage de l'hydrogène liquide à des températures cryogéniques sont inhérents à l'utilisation d'hydrogène.

Les risques en relation avec l'environnement direct de l'avion sont aussi à traiter afin d'apporter des technologies pour les prévenir. Les impacts possibles par divers projectiles sur les équipements hydrogènes, et réciproquement les impacts des fuites d'hydrogène sous pression sur des systèmes avions, la présence de fort courant et forte tension sont autant de contraintes et risques dimensionnant pour la conception d'un avion hydrogène.

Source : GIFAS

Compte tenu des difficultés techniques identifiées par les constructeurs, et notamment en raison de la faible densité de l'hydrogène, les acteurs de la filière semblent s'accorder sur le fait que le déploiement de l'hydrogène se limitera au moins dans un premier temps à des avions de types régionaux ou court-courriers. D'après l'Ademe, les parts de marché de l'avion hydrogène sur l'ensemble du trafic aérien seront nulles jusqu'en 2035 et resteront faibles jusqu'en 2050 ; ce type d'avion étant cantonné, pour des raisons de densité énergétique et d'autonomie, à des vols court-courriers et éventuellement à certains moyen-courriers, ces derniers étant par ailleurs soumis à une « concurrence » avec le transport ferroviaire.

En définitive, comme le souligne Air France, si ces développements d'avions électriques et hydrogène sont un levier précieux pour décarboner les trajets les plus courts, elles ne permettent pas de traiter la principale source d'émissions du groupe, à savoir les vols long-courriers.

b) Les SAF devraient contribuer à plus de la moitié de la décarbonation du secteur aérien d'ici 2050

En tout état de cause, si le déploiement de l'avion électrique et à hydrogène semble envisageable à moyen-long terme, ces solutions apparaissent peu réalistes à court terme et, en tout état de cause, insuffisantes pour résoudre la problématique des émissions de COde l'aviation, qui proviennent majoritairement des vols long-courriers. De ce fait, d'après l'Ademe, « l'aérien reste le secteur le plus complexe à décarboner ». Dans ce contexte, l'augmentation de l'incorporation de carburants d'aviation durables (CAD ou SAF) constitue, à ce jour, le principal levier de décarbonation du secteur.

Il existe deux grandes familles de carburants d'aviation durables : les biocarburants, issus de la biomasse, d'une part et, d'autre part, les carburants de synthèse (également appelés « e-fuels » ou « Power-to-liquid »), produits à partir d'électricité ; d'hydrogène et de CO2. D'après la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), la filière estime que les carburants d'aviation durables représentent des gains d'émissions de gaz à effet de serre d'environ 70 à 95 % sur l'ensemble du cycle de vie par rapport au kérosène d'origine fossile.

Safran, auquel le rapporteur a rendu visite sur le site de Bordes, estime les carburants d'aviation durables issus de la biomasse ne couvriraient que 30-40 % des besoins de l'aviation à l'horizon 2050, le différentiel devant alors être comblé par des carburants synthétiques durables.

À ce jour, 7 filières sont d'ores et déjà certifiées pour un mélange jusqu'à 50 %. D'après Safran, plus de 450 000 vols ont été réalisés avec des SAF depuis 2016 et 300 millions de litres de SAF ont été produits en 2022.

Aussi, dans l'ensemble des quatre scénarios de décarbonation de l'aérien identifiés dans le cadre de la proposition de feuille de route, le recours aux carburants d'aviation durables joue un rôle majeur de réduction des émissions de CO2. C'est ce qu'illustre le schéma ci-dessous, qui représente la trajectoire de décarbonation du périmètre international (vols au départ de la France vers l'international), dans le cadre du scénario « Accélération ».

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation du secteur aérien

Les SAF présentent en outre l'avantage d'être des carburants « drop-in » : ils peuvent en effet être utilisés immédiatement et ne nécessitent pas ou peu d'évolutions sur les moteurs et les avions existants. Il s'agit d'un point positif, compte tenu du fait que les avions ont une durée de vie estimée entre 20 et 25 ans d'après l'Ademe, ce qui ne permet pas d'envisager un renouvellement rapide de l'ensemble des flottes des compagnies aériennes.

Au-delà, Air France considère les SAF comme une solution pérenne, et non transitoire, étant donné que les projets d'avion électrique ou à hydrogène liquide ne concernent pas les long-courriers.

Si le choix de décarboner le transport aérien par le biais, de manière prioritaire, de l'incorporation de SAF est partagé par l'ensemble de la filière, il semble également privilégié par les pouvoirs publics, qui définissent des objectifs croissants d'incorporation d'ici à 2050.

Ainsi, le règlement ReFuelEU Aviation prévoit une trajectoire d'augmentation du taux d'incorporation de SAF visant à le porter de 2 % en 2025 à 70 % en 2050, avec des sous-objectifs relatifs à l'incorporation de carburants de synthèse (cf. tableau ci-après). Il convient également de préciser que les biocarburants de première génération stricto sensu (c'est-à-dire principalement issus de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale) ne peuvent pas contribuer à ces SAF. En revanche, les biocarburants avancés peuvent y contribuer.

Objectifs d'incorporation de carburants d'aviation durables prévus par le règlement ReFuelEU Aviation

 

2025

2030

2032

2035

2040

2045

2050

Taux d'incorporation de SAF

2 %

6 %

6 %

20 %

34 %

42 %

70 %

Part minimale de carburants de synthèse

 

1,2 %

2 %

5 %

10 %

15 %

35 %

La France a également mis en oeuvre plusieurs initiatives visant à soutenir le déploiement des carburants d'aviation durables, listées, pour certaines, dans l'encadré ci-après.

La politique de la France en matière de soutien au déploiement des CAD

• Un partenariat a été conclu, en août 2018, entre l'État et les principaux acteurs de la filière, portant « engagement pour la croissance verte relatif à la mise en place d'une filière de biocarburants aéronautiques durables en France ».

• Une première feuille de route nationale pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables a été publiée en 2020, avec des objectifs d'incorporation de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030.

• En juillet 2021, l'État a également lancé un appel à projets (AAP) « Développement d'une filière de production française de carburants aéronautiques durables », pour :

- des travaux d'ingénierie préalables à la décision d'investissement visant des procédés de fabrication plus matures ;

- des travaux de démonstration visant des projets dont le niveau de maturité est plus faible.

Cinq projets ont été retenus dans ce cadre, représentant un montant d'aides de 18 millions d'euros.

• En outre, le transport aérien est soumis, depuis le 1er janvier 2022, à la taxe incitative sur l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT), dont l'objectif est à ce jour fixé à 1 %192(*) et révisable annuellement.

• Plus récemment, en février 2023, le Gouvernement a lancé un groupe de travail pour favoriser le développement des carburants d'aviation durables, rassemblant l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur.

• Enfin, le Président de la République a annoncé, le vendredi 16 juin dernier, un investissement de 200 millions d'euros afin de créer une filière française de production et de distribution de carburants aériens durables. Ces fonds devraient être alloués au projet « BioTJet », via l'implantation d'une usine dans les Pyrénées-Atlantiques produisant des carburants à partir du retraitement d'huiles usagées ou de résidus agricoles et de bois, dans l'objectif de fournir 75 000 tonnes de kérosène durables aux compagnies aériennes à horizon 2030. En complément de ce soutien, le Président de la République a annoncé « monter à 300 millions d'euros par an », sur la période 2024-2030, en accélérant l'investissement dans la filière, en particulier « à travers le moteur RISE, à travers le CORAC 2e génération ». Si la mission salue cet effort, elle estime qu'il correspond en réalité au prolongement - du moins selon le même ordre de grandeur - du soutien apporté au CORAC dans le cadre des mesures spécifiques à la filière aéronautique de 2020. D'après un rapport de février 2022193(*), les aides destinées aux projets d'aviation décarbonée avaient été augmentées et portées à 1,5 Md€ sur la période 2020-2022, contre 135 M€ avant la crise.

Cette croissance du recours aux SAF dans les années à venir pour la décarbonation du secteur aérien suppose une très forte augmentation de leur production, mais également une diminution de leur prix. En l'état actuel, d'après Air France, alors que la tonne de kérosène s'élève à 800 euros environ, les biocarburants de maturité technologique relativement élevée coûteraient 3 à 4 fois plus cher que le kérosène, et ce coefficient serait de 4 à 10 pour les e-fuels, technologiquement moins matures. Le tableau ci-après, issu de la proposition de feuille de route de décarbonation de l'aérien, présente les estimations des prix des biocarburants en 2022 et en 2050, en fonction des types de biocarburants :

- les HEFA sont des huiles et graisses hydrotraitées. Il s'agit du seul type de SAF produit en France194(*) ;

- le PTL est un électro-carburant produit à partir de CO2, d'eau et d'électricité ;

- le BTL est un électro-biocarburant (production à partir de biomasse et d'électricité) et les e-BTL bénéficient d'un apport externe d'hydrogène ;

- le LH2 désigne l'hydrogène liquide.

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de l'aérien

Dès 2023, les surcoûts liés à l'incorporation de SAF s'élèvent, pour le groupe Air France, à 100 millions d'euros en 2023. Ils pourraient atteindre, sur la base de l'engagement pris par le groupe d'incorporation de 10 % d'ici 2030, 1,3 milliard d'euros.

Ainsi que le résume la DGAC, « il est désormais essentiel que l'offre puisse se développer et que la massification de la production permette de baisser les prix ». En tout état de cause, d'après l'Ademe, les coûts des SAF devraient rester supérieurs à celui du kérosène d'ici à 2050.

Source : Ademe

Plusieurs acteurs de la filière s'inquiètent du déficit trop important entre l'offre et la demande de SAF, dont le rythme de production reste à ce jour insuffisant. À titre d'illustration, pour l'année 2022, la compagnie Air France-KLM a incorporé 41 000 tonnes de SAF, ce qui représente 17 % de la production mondiale de cette même année, alors même que le groupe représentait 3 % de la consommation mondiale de carburants d'aviation. Aussi, et sur la base de la cible de 10 % d'incorporation que s'est fixée le groupe à horizon 2030, le volume nécessaire pourrait s'élever à un million de tonnes par an.

D'après la feuille de route de la filière, en France, la capacité de production actuelle de type HEFA est de l'ordre de 900 kt par an avec les bioraffineries de La Mède (Bouches-du-Rhône, 500 kt/an) et de Grandpuits (Seine-et-Marne, 400 kt). Les premières unités BTL devraient entrer en activité d'ici 2028, tandis que la production d'électrocarburants démarrera plus probablement vers 2030. En outre, le tableau ci-dessous liste les capacités de production actuellement disponibles et celles annoncées à l'échelle européenne.

Bioraffineries disposant d'une capacité de production de carburéacteurs
(capacité de production toutes coupes de carburants incluses)

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de l'aérien,
citant une source TotalEnergies

D'après la feuille de route, « Il ressort de ce tableau que les capacités actuelles de production de biocarburants en Europe utilisent presque exclusivement la filière HEFA et s'élèvent à fin 2022 à 3,6 Mt ». En tout état de cause, et compte tenu de la trajectoire rapide d'augmentation des objectifs d'incorporation, d'importants efforts restent à mener pour déployer la production nécessaire de SAF.

Enfin, un dernier point souligné par un grand nombre d'acteurs concerne le taux maximum d'incorporation de SAF fixé à 50 % au carburant d'origine fossile, qui constitue à ce jour une limite à l'incorporation de carburants d'aviation durables. Plusieurs travaux sont en cours pour viser une compatibilité 100 % SAF d'après Safran. Des options encore ouvertes pour la filière maritime

La décarbonation du transport maritime, qui représente 80 à 90 % du commerce international195(*), constitue elle aussi un véritable défi pour la filière.

L'Union européenne est en train de se doter d'objectifs ambitieux de réduction de l'intensité en carbone du secteur par rapport à la moyenne 2020 à horizon 2050, dans le cadre du projet de règlement FuelEU Maritime.

Cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre incluse
dans le projet de règlement FuelEU Maritime

 

2025

2030

2035

2040

2045

2050

Cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre

- 2 %

- 6 %

- 14,5 %

- 31 %

- 62 %

- 80 %

Source : RefuelEU Maritime, version consolidée de l'accord institutionnel (trilogue)

En complément, ce projet de règlement prévoit la fixation, à compter de 2034, d'un sous-objectif d'incorporation de carburants liquides et gazeux renouvelables d'origine non biologique (également appelés RFNBO pour « Renewable fuels of non biological origin ») à hauteur de 2 %. Néanmoins, une clause d'équivalence visant à assurer la neutralité technologique a été insérée au cours des discussions : elle permet de remplacer cet objectif par l'incorporation de carburants permettant une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 70 %.

En parallèle, l'Organisation maritime internationale (OMI) s'est dotée d'une stratégie initiale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui fixe notamment un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre annuelles en valeur absolue du secteur d'au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008 et une réduction de l'intensité carbone de la flotte mondiale de 40 % en 2030 par rapport à 2008.

Enfin, est également prévue l'extension du système d'échange de quotas d'émissions (ou ETS) au transport maritime. Il est ainsi prévu196(*) que 100 % des émissions dans les ports et des voyages intra-européens et 50 % des émissions des voyages entre un port de l'Union européenne et un port situé en dehors de la juridiction d'un État membre devront donner lieu à restitution de quotas.

4. Des options encore ouvertes pour la filière maritime
a) Une flotte de « prototypes »

Malgré des objectifs ambitieux, la décarbonation du secteur maritime est d'autant plus complexe qu'il comprend une grande diversité de bateaux, dont les fonctions et tailles peuvent considérablement différer d'un bâtiment à l'autre. À titre d'illustration, la flotte du secteur du transport et des services maritimes est composée de navires de conception et d'usages extrêmement variés (pétroliers, vraquiers, gaziers, porte-conteneurs, cargos, rouliers, remorqueurs, navires de sauvetage, etc.).

Flotte de transport sous pavillon français
(en pourcentage de jauge brute)

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime

Aux côtés du secteur du transport et des services maritimes s'ajoutent en outre le secteur de la pêche et de l'aquaculture ainsi que celui du nautisme et de la plaisance, qui recouvrent des types de navires encore bien différents.

Aussi, comme l'a souligné une représentante de la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA), « la problématique du transport maritime est que les navires ne sont pas construits en série. Les bâtiments sont quasiment tous des “prototypes” ; il est donc difficile de trouver des solutions de décarbonation et l'énergie adaptée à chaque navire ».

b) L'électrification à quai se développe

Malgré ces difficultés, le développement de l'électrification à quai dans les ports permet aux navires d'être approvisionnés en électricité pendant leur escale afin de leur permettre de couper leur moteur lorsqu'ils sont à quai. Cette technologie permet non seulement de réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre, mais également celles de polluants atmosphériques émis par les navires (oxydes d'azote, oxydes de soufre, particules fines), notamment dans des zones qui connaissent déjà des dépassements des normes de qualité de l'air.

Le Grand port maritime de Marseille a engagé un programme ambitieux d'électrification des quais accueillant les ferries. Le projet de Connexion électrique des navires à quai (CENAQ), d'un montant total de 50 millions d'euros, vise à proposer, de manière progressive, et d'ici 2025, une offre de branchement pour les ferries internationaux et les grands bateaux de croisière.

Le déploiement de l'électricité à quai dans les ports français devrait s'accélérer, sous l'effet notamment de l'adoption du règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs197(*). Son article 9 prévoit une obligation pour les États membres de s'assurer que, d'ici 2030, les ports maritimes du réseau transeuropéen de transport (sous condition d'un seuil minimal d'escales par an) doivent permettre de satisfaire 90 % de la demande en électricité à quai exprimée en nombre d'escales de navires porte-conteneurs, ferries et navires de croisière d'une jauge supérieure à 5 000 tonnes de jauge brute. En outre, l'article 10 de ce même règlement prévoit une obligation de création d'au moins une installation fournissant une alimentation électrique fournissant une alimentation à quai aux bateaux de navigation intérieure au plus tard au 1er janvier 2030. Une clause de révision de ce règlement est en outre prévue à horizon fin 2026.

La DGITM a indiqué à la mission d'information que les ports concernés par ces obligations se préparent à la mise en oeuvre de ces obligations : « la majorité des études de dimensionnement sont en cours (2023-2024) afin de permettre un lancement des travaux à horizon 2025 ». Ces études visent à préciser les besoins électriques supplémentaires du port et les modalités techniques du branchement à quai.

Les moyens à déployer pour développer cette technologie sont conséquents : la création d'un branchement implique des investissements liés à la capacité du réseau électrique à fournir de l'électricité en haute fréquence, des investissements en équipements (CAPEX) et des coûts liés à la gestion des installations sur leur durée de vie (OPEX). D'après la DGITM, les coûts fixes d'équipement pour l'ensemble des ports français peuvent être estimés à 320 millions d'euros, précisant que ces montants sont « partiellement engagés à ce stade et feront l'objet d'une priorité dans le cadre des prochains CPER (volet mobilité) ». À ces coûts fixes s'ajouteront également des coûts d'exploitation élevés, de l'ordre de 10 à 40 % des coûts totaux fixes.

En tout état de cause, la DGITM estime que « le modèle économique reste à trouver pour la plupart des ports, en particulier pour les plus petits ». Cette équation est d'autant plus complexe que la solution de branchement à quai serait, à ce jour, plus chère que la solution consistant à produire de l'électricité à bord. En outre, les perspectives incertaines d'évolution de certains segments de trafic, à commencer par le marché de croisière, rendent aléatoire la période d'amortissement.

c) Le passage au (bio) GNL comme choix intermédiaire et manière d'éliminer les autres types de pollution (NOx, SOx,...)

Le gaz naturel liquéfié (GNL), qui est un mélange gazeux d'hydrocarbure d'origine fossile composé majoritairement de méthane, est l'un des leviers privilégiés par la filière ces dernières années comme alternative au fioul lourd. Stéphane Raison, président du directoire de HAROPA PORT, a ainsi indiqué à la mission d'information que « depuis cinq à dix ans, les armateurs se sont plutôt tournés vers le gaz naturel liquéfié [GNL] ».

Il s'agit d'une technologie utilisée depuis les années 1960-1970 - donc considérée comme mature - qui présente l'avantage de réduire considérablement les émissions de polluants atmosphériques, comme l'a souligné devant la mission Mme Christine Cabau Woerhel, vice-présidente de CMA-CGM ; permettant ainsi aux navires qui y recourent de respecter les réglementations en la matière. L'usage du GNL permet en effet de réduire les émissions de soufre, d'oxydes d'azote et de particules fines. Le GNL permet en outre une diminution allant jusqu'à 17 % des émissions de CO2198(*).

De ce fait, un certain nombre d'armateurs ont fait le choix du GNL, même si le nombre de navires fonctionnant au GNL reste à ce jour limité (environ 300 navires dans le monde). Plusieurs armateurs ont d'ores et déjà franchi le pas du GNL, à l'image de Corsica Linea ou de CMA-CGM, qui a commandé neuf porte-conteneurs de 23 000 équivalent vingt pieds fonctionnant au GNL.

En parallèle, on observe un déploiement des infrastructures de GNL dans les ports français, et des projets de développement dans les années à venir. À titre d'exemple, le port de Marseille développe une politique ambitieuse de développement du soutage GNL : il a réalisé sa première opération de soutage pour un navire de croisière en mai 2020 et pour un navire porte-conteneurs en janvier 2022 avec la mise en service du navire souteur Gas Vitality fin décembre 2021. Pour autant, le GNL reste une énergie fossile et doit donc, à ce titre, être envisagé comme un carburant transitoire. Ainsi que le souligne la proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime, « l'abattement d'émissions de gaz à effet de serre du GNL est limité compte tenu de son origine fossile et des émissions fugitives de méthane (dont le pouvoir réchauffant est 28 fois supérieur au COà 100 ans) provoquées par son utilisation, le GNL ne peut donc être vu que comme une énergie de transition vers le bioGNL et vers le e-méthane qui offre l'avantage sur les autres formes d'énergies d'une transition progressive et pilotable ». Pour Transport & Environment, le GNL est, du fait de ces fuites de méthane, « pire que les carburants conventionnels qu'il remplace ».

Cela étant dit, d'après les considérants de la proposition de règlement « AFIR », « le GNL va probablement conserver sa place dans le transport maritime, où il n'existe actuellement aucune technologie de propulsion à émissions nulles qui soit économiquement viable. Selon la communication sur la stratégie de mobilité durable et intelligente, les navires de mer à émissions nulles seront prêts à être commercialisés d'ici 2030. » Dans ce contexte, l'article 11 de la proposition de règlement prévoit une obligation pour les États membres de se doter d'un nombre approprié de points de ravitaillement en GNL dans les ports maritimes du réseau central du RTE-T à horizon 2025.

d) Les choix technologiques ne sont pas cristallisés

D'après la proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime, « aucun des leviers ne s'impose à ce jour pour le maritime ». Aussi, et à ce stade, une combinaison de plusieurs leviers doit être recherchée, par segment de flottes ou par navire, selon ses type et zone d'exploitation ou encore son autonomie.

De nombreux leviers de décarbonation peuvent être envisagés (recours à des modes de propulsion moins carbonés, efficacité énergétique ou encore réduction de la vitesse des navires), comme l'illustre le schéma ci-dessous.

Les principaux leviers de décarbonation du maritime

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime

Le carburant étant à ce jour la source principale des émissions de COdu secteur maritime, le recours à des modes de propulsion moins carbonés constitue, de fait, une solution privilégiée de réduction de l'empreinte carbone de la filière. Plusieurs types d'énergies pourraient s'avérer pertinents, à savoir :

- le vent ;

- les biocarburants, issus de la biomasse ;

- les e-fuels, carburants de synthèse produits à partir d'électricité, de CO2, d'hydrogène et d'une autre molécule (e-ammoniac, e-méthanol, e-fioul) ;

- les carburants gazeux, comme le gaz naturel liquéfié (GNL) ;

- l'énergie électrique directe ;

- l'hydrogène, utilisé sous forme liquide ou dans une pile à combustible.

La proposition de feuille de route de la filière identifie un scénario principal de décarbonation représenté ci-après.

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime

Dans ce scénario, les biocarburants pourraient assurer une transition entre l'énergie fossile et les e-carburants qui devraient se développer à partir de 2030 et représenter un peu plus de 70 % des volumes en 2050. D'après la proposition de feuille de route, le GNL fossile serait progressivement remplacé par du bioGNL puis du e-GNL, avec un développement plus tardif du méthanol en raison de l'absence d'infrastructures et de navires compatibles actuellement. L'électrification des navires resterait limitée à moins de 10 %, compte tenu des contraintes inhérentes pour les navires les plus gros.

En tout état de cause, et à l'exception de l'énergie électrique qui, de l'avis de certains acteurs, pourrait être adaptée aux bateaux de petite taille pour la navigation côtière ou fluviale, il reste néanmoins difficile de dégager une orientation définitive de la filière vers tel ou tel type d'énergie, chacune des solutions envisagées présentant certaines limites, comme illustré, de manière très schématique, ci-après.

Différentes options pour la filière maritime

Source : Ademe (depuis le Cluster Maritime Français)

Dans ce contexte, on constate un foisonnement d'initiatives et de projets recourant à des carburants et modes de propulsion divers, qui transparaît notamment dans les commandes de navires (cf graphique ci-après).

Commandes de navires utilisant des carburants alternatifs

Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime, DNV, 2022

Si le GNL représente une part importante des commandes de navires à carburants alternatifs, on observe un grand nombre de projets de développement de navires à hydrogène, à propulsion électrique ou encore à propulsion vélique. Plusieurs armateurs ont également fait le choix des carburants de synthèse. D'après Transport & Environment, plus de 130 navires à l'ammoniac sont en commande dans le monde.

L'armateur Maersk a quant à lui commandé 19199(*) très grands porte-conteneurs capables de fonctionner à l'e-méthanol pour une livraison 2025. Si les armateurs se tournaient jusqu'à récemment principalement vers le GNL, Stéphane Raison a indiqué constater une « modification de cette approche. Ainsi, tous les armateurs à conteneurs se tournent vers une multitude de choix : ammoniac, e-méthanol, hydrogène, piles à combustibles ».

Cette situation représente un véritable défi pour les plateformes portuaires en matière de déploiement des infrastructures d'avitaillement en carburants alternatifs. L'équation est d'autant plus complexe que, selon les segments et les usages, il existe des relations d'interdépendance plus ou moins fortes entre les ports et les armateurs. Les flottes « captives » et territorialisées sont relativement tributaires des carburants décarbonés mis à disposition par les ports. En revanche, s'agissant des flottes non captives (transport international de porte-conteneurs), les choix des armateurs en matière de soutage sont déterminants pour le déploiement des infrastructures.

D'après la DGAMPA : « Actuellement, nous sommes incapables de donner des prix de l'énergie pour le maritime. C'est un marché international, les prix changent tous les jours et changeront encore plus en fonction des choix des grands armateurs. Nous parlons plus de méthanol, il y aura peut-être du bioGNL. Tant que ce choix ne sera pas fait, nous ne saurons pas quel type d'infrastructure nous devrons mettre en place ».

5. Des solutions multiples pour le secteur fluvial

50 millions de tonnes de marchandises ont été transportées sur le réseau navigable français en 2022200(*) ; la part modale du transport fluvial dans le transport intérieur de marchandises s'établissant à 2 % environ.

Le transport fluvial présente de nombreux atouts : il s'agit d'un mode capacitaire - puisqu'une barge équivaut à environ 125 poids-lourds - fiable, et peu émetteur de gaz à effet de serre. Les émissions de gaz à effet de serre du mode fluvial représentent ainsi moins de 1 % des émissions du secteur des transports. En cela, le report modal vers le transport fluvial constitue, en soi, un levier de décarbonation du secteur des transports.

Pour autant, le transport fluvial est lui aussi soumis à l'atteinte des objectifs de décarbonation suivants :

- réduire de 35 % de ses émissions de gaz à effet de serre et de polluants (particules, oxydes d'azote) d'ici 2035 par rapport à 2015 et, autant que possible, mettre un terme à ces émissions d'ici 2050. Cet objectif est inscrit dans la déclaration de Manheim de 2018 des États membres de la Commission centrale pour la navigation du Rhin ;

- réduire de 55 % ses émissions de COd'ici 2030 (par rapport à 1990), dans le cadre du paquet « Fit for 55 » de la Commission européenne.

La flotte fluviale de commerce est constituée d'un peu moins de 1 000 bateaux, dont 650 bateaux automoteurs et 350 barges d'après Voies navigables de France (VNF). La flotte de transport fluvial de passagers compte quant à elle 326 bateaux d'excursion journalière et 32 bateaux de croisière immatriculés en France.

D'après la DGITM, l'activité touristique s'oriente vers une électrification intégrale ; nombre de bateaux étant d'ores et déjà hybrides. L'activité fret s'oriente quant à elle vers l'hybride avec une propulsion électrique, mais les moteurs électriques ou hydrogène ne répondent pas encore aux besoins d'usage. C'est pourquoi, d'après la DGITM : « l'usage de carburants tels que les HVO peuvent faciliter la transition en s'intégrant à la durée de vie des bateaux ».

En outre, comme l'a souligné VNF, le verdissement du secteur souffre de l'absence de cadre réglementaire stabilisé applicable aux nouvelles technologies de propulsion et en particulier de l'hydrogène, ce qui freine le développement de nombreux projets. Ainsi, le bateau à hydrogène Zulu 6 est à quai au Havre depuis un an et demi, en attente de précisions quant à la réglementation s'appliquant au conteneur de stockage d'hydrogène. D'après VNF le Zulu 6 « est en train de se faire voler la primeur du transport fluvial à hydrogène par le Maas, automoteur néerlandais ».

Néanmoins, le rythme de renouvellement de la flotte est relativement lent, du fait de la durée d'utilisation des unités fluviales, qui s'élève à 30 à 40 ans201(*). En outre, VNF indique que les chantiers fluviaux sont très peu nombreux, ce qui limite, de fait, les capacités de renouvellement de la flotte.

En tout état de cause, et compte tenu de la durée de vie des bateaux fluviaux, « la priorité est donnée par le secteur à l'accroissement de la performance de la flotte existante » d'après VNF, qui considère que trois leviers peuvent être mobilisés dans cette perspective :

- l'écopilotage, qui consiste à utiliser des outils de télématique embarqués pour adapter la vitesse au trafic et aux conditions de navigation, en tenant compte des caractéristiques du bateau et de son niveau de chargement. VNF cite l'exemple de Vinci Construction maritime et fluviale, pour qui cette technique a permis de réaliser une économie de 20 % de carburants ;

- l'électrification des quais, dans la même logique pour le transport maritime ; un bateau pouvant passer 30 à 70 % de son temps à quai. À cet égard, l'article 10 du règlement AFIR prévoit une obligation de création d'au moins une installation fournissant une alimentation électrique fournissant une alimentation à quai aux bateaux de navigation de navigation intérieure au plus tard au 1er janvier 2030 ;

- le recours aux nouveaux carburants qui, toujours selon VNF, pourraient permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 à 90 %, à motorisation thermique inchangée.

Sur ce troisième point, trois types de biocarburants gazole peuvent être utilisés pour la navigation intérieure : le B100, l'HVO et le BTL. Si la filière semble privilégier le HVO, elle constate que sa disponibilité est à ce jour limitée. En outre, le coût d'un litre de HVO est sensiblement supérieur à celui du gazole non routier (GNR) pour l'heure utilisé majoritairement (3 euros par litre de HVO contre 0,8 euro par litre de GNR). Or, la part du carburant dans les charges d'exploitation de la filière représente 30 à 40 % dans le fret et environ 10 % dans le transport de passager.

Outre les biocarburants, la filière recoure également carburants de synthèse, et plus particulièrement au GTL.

III. LA FRANCE DOIT ADOPTER UNE STRATÉGIE OFFENSIVE POUR SE POSITIONNER AU BON NIVEAU DANS LA COMPÉTITION INDUSTRIELLE MONDIALE ET PERMETTRE UNE TRANSITION ACCEPTABLE SUR LE PLAN SOCIAL

A. ADOPTER UNE STRATÉGIE OFFENSIVE POUR FAIRE FACE À LA COMPÉTITION MONDIALE EN MATIÈRE DE TECHNOLOGIES VERTES

1. La France dispose d'atouts majeurs

La France dispose d'atouts dans les domaines de l'hydrogène vert, des carburants de synthèse et des biocarburants.

a) Un mix électrique décarboné

Le premier atout est un accès à une source d'électricité décarbonée. Selon Réseau de transport d'électricité, en 2021, la production d'électricité nucléaire s'est élevée à 361 TWh202(*) ; dans la mesure où l'électricité nucléaire n'émet que 6 grammes de COpar KWh203(*), elle a offert à la France un niveau de décarbonation de 92 %. Compte tenu du phénomène de corrosion sous contrainte (CSC), en cours de résolution par le groupe EDF, les résultats obtenus en 2022 sont logiquement moindres : la production a été de 279 TWh et la décarbonation de 87 %. Cette excellente performance en termes de décarbonation est également permise par les énergies renouvelables : première des énergies renouvelables électriques, l'hydroélectricité a ainsi atteint 62,5 TWh en 2021, soit 12 % de la production totale d'électricité, et 49,6 TWh en 2022, soit 11 % de cette production. La production totale d'électricité issue de l'éolien - terrestre et en mer - a représenté 36,8 TWh en 2021 et 38,1 TWh en 2022, contre 14,3 TWh et 18,6 TWh pour celle issue de l'énergie solaire204(*).

En dépit de la baisse enregistrée en 2022, l'atout demeure, ainsi que l'a confirmé la ministre de la transition énergétique, à l'occasion de son audition devant la mission d'information, au sujet des négociations en cours sur la révision du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : « L'analyse en cycle de ces carburants verts nous donne un avantage compétitif en reconnaissant le mix décarboné de la France. »

b) Des ressources significatives de biomasse, en dépit d'inquiétudes sur l'évolution de la ressource sylvicole

Le deuxième atout est un accès, sous certaines conditions, à la biomasse, agricole ou forestière. Selon la DGE, le secteur agricole est très structuré et peut se mobiliser rapidement autour de nouveaux gisements (déchets agricoles et cultures intermédiaires) ; en revanche, celui forestier est plus fragile, avec des capacités moins développées et des surfaces moins maîtrisables. Dans l'actuelle SNBC, le niveau du potentiel de production de la biomasse se situe entre 400 et 450 TWh à l'horizon 2050205(*), dont 230 TWh de biomasse agricole, 100 TWh de biomasse forestière et 100 TWh de déchets206(*).

La biomasse désigne l'ensemble des matières organiques, d'origine végétale ou animale. Elle peut être mobilisée au service de plusieurs types d'usages, que sont l'alimentation humaine et animale, mais également la valorisation à des fins énergétiques - on parle alors de biomasse-énergie (combustion, méthanisation, biocarburants). Elle contribue également à la fertilité des sols et joue également un rôle majeur de puits de carbone, la forêt ayant la particularité de pouvoir séquestrer le COde l'atmosphère via la photosynthèse.

D'après l'Inrae, les biomasses sont de natures et d'origines très diverses, chaque type étant caractérisé par sa saisonnalité et sa durée de conservation et ouvrant sur des usages différents. Le schéma ci-dessous, transmis par l'Ademe, représente la répartition massique de la biomasse valorisée par type de biomasse, d'une part, et par usage (hors alimentation), d'autre part, en 2017.

Répartition massique de la biomasse valorisée par type de biomasse et par usage en 2017

Source : Ademe

Lors de son audition devant la mission d'information, le PDG de l'Inrae, Philippe Mauguin, a relevé que « l'univers agricole et forestier produit donc environ 150 TWh, sur une consommation d'énergie renouvelable de 353 TWh : une petite moitié des énergies renouvelables dans notre pays est déjà fournie par la forêt et l'agriculture. Jusqu'où peut-on aller ? Les différents scénarios montrent que l'on peut consommer de la biomasse d'origine agricole sans trop risquer de concurrencer le débouché alimentaire aux alentours de 130 à 150 TWh par an pour la biomasse agricole et à peu près autant, voire un peu plus, pour la biomasse forestière, soit un total de 300 TWh à l'horizon 2040-2050 pour la biomasse agricole et forestière ». Pour autant se poseront inévitablement des enjeux de répartition de cette biomasse entre les différentes filières.

Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a toutefois mis en avant les incertitudes concernant la production de biomasse annuelle par la forêt française, aujourd'hui en diminution : « en effet, parce qu'elle croît moins et dépérit, la forêt française stocke aujourd'hui deux fois moins de carbone qu'il y a seulement quinze ans. Nous devons savoir s'il est possible de retrouver la capacité de stockage carbone de la forêt tout en lui demandant de faire du biocarburant ou du matériau. ». Il avait par ailleurs souligné l'importance de la fonction de puits de carbone de la biomasse pour contribuer à la régulation du changement climatique : « Avec une augmentation de la température de 5 degrés, les questions relatives à la biodiversité n'auront plus lieu d'être. Pour empêcher que ce soit le cas, il faut produire de la biomasse pour stocker ce qui est possible, indépendamment de la réduction de la consommation d'énergies fossiles ».

c) L'expérience industrielle acquise dans les secteurs de l'énergie, de la chimie et des transports

Le troisième atout est l'expérience dans les secteurs énergétiques et industriels. C'est vrai des biocarburants qui, développés depuis les années 1990, représentent un milliard d'euros de chiffre d'affaires pour le bioéthanol et 2 milliards d'euros pour le biogazole, selon la Cour des comptes207(*). Les filières agricoles ont su se structurer depuis de nombreuses années pour accompagner le développement des biocarburants.

C'est vrai, plus largement, de l'automobile et de la chimie, l'industrie représentant 13,42 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023, selon France Industrie208(*). S'agissant de l'hydrogène, plus émergent, dans le rapport Faire de la France une économie de rupture209(*), la France était présentée comme étant en « situation de rattrapage non rédhibitoire », avec un bon positionnement dans plusieurs secteurs (supply chain, liquéfaction, distribution, stations de recharge et véhicules utilitaires), mais la filière s'est structurée, au travers de France Hydrogène, et fortement développée depuis la parution des stratégies hydrogène nationale et européenne. Une délégation de la mission a pu s'en rendre compte en visitant le site de Symbio à Vénissieux.

Les différentes personnes auditionnées ont également souligné les atouts majeurs des industries françaises dans les domaines aéronautique, grâce à l'action du GIFAS et du CORAC, et ferroviaire, en particulier pour développer des trains à hydrogène.

De fait, les différents acteurs rencontrés par la mission d'information, qu'il s'agisse de groupes particuliers ou de filières, ont fait montre d'un volontarisme certain pour développer les filières pertinentes de biocarburants, de carburants de synthèse et d'hydrogène vert, sous réserve de disposer d'un cadre législatif et réglementaire clair et d'une équation économique adaptée.

d) La qualité de la recherche-développement

Le quatrième atout est l'effort de R&D conduit en faveur de la transition énergétique.

Selon le ministère de la transition écologique, les dépenses publiques de R&D en direction de l'énergie ont atteint 1,5 milliard d'euros en 2020, dont la moitié pour celles en recherche nucléaire210(*).

La France ainsi la chance de pouvoir s'appuyer sur une agence de financement de la recherche sur projets - l'Agence nationale de la recherche (ANR) - et des centres de recherches qui figurent parmi les leaders européens et mondiaux dans leurs domaines : le CEA, l'IFPEN, le CNRS et l'Inrae.

Sur la période 2010-2019, l'IFPEN s'est positionné comme le 4e organisme de recherche au monde, pour le dépôt de brevets sur les technologies bas-carbone. Au classement 2022 de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), le CEA figure dans le top 3 du palmarès des principaux acteurs déposant de brevets, derrière Safran et Stellantis, et conserve la première place qu'il occupe depuis dix ans dans la catégorie « Établissements de recherche, d'enseignement supérieur et établissements de l'État », devant le CNRS et l'IFPEN. Ces classements témoignent de la très grande vitalité de la recherche française et de sa capacité à déposer des brevets, ce que la mission d'information a pu constater sur le terrain en allant échanger avec les équipes de l'IFPEN à Solaize et avec celles du CEA à Cadarache (Institut de biosciences et biotechnologies d'Aix-Marseille - BIAM - et plateforme régionale de transfert technologique - PRTT).

Enfin, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, les trois filières sont désormais intégrées au Plan d'investissement « France 2030 » avec leurs Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « H2 » (pour l'hydrogène), « B-Best » (pour les produits biosourcés et les carburants durables) et « SPLEEN » (pour la décarbonation de l'industrie et les carburants synthétiques).

e) Les facilités logistiques

Le dernier atout de la France sont les facilités logistiques existantes sur le plan de l'aménagement du territoire. La France dispose de grands ports industriels dont la décarbonation s'intensifie (Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre-Port-Jérôme, Lyon-Vallée de la chimie). Elle dispose également de raffineries dont la reconversion s'achève (La Mède, Grandpuits, Oudalle).

Les grands ports seront assurément l'un des points d'appui de la transformation industrielle vers la décarbonation. Stéphane Raison, président du directoire de HAROPA PORT, a ainsi souligné devant la mission que « les ports disposent d'un atout important pour mettre à disposition ces nouveaux carburants. Les ports sont propriétaires de leur foncier et disposent donc d'utilités. Pour fabriquer du Fisher-Tropsch ou du e-fuel, il faut de l'eau, de l'électricité et de la place pour installer une usine. (...) Peu de territoires peuvent mettre à disposition de telles ressources. »

Au total, pour la direction générale des entreprises (DGE), « les enjeux majeurs sont donc la disponibilité et la compétitivité des ressources biomasse et électricité, ainsi que la coordination des acteurs. »

2. La France doit néanmoins faire face à une concurrence particulièrement vive

En dépit de ses nombreux atouts, la France doit faire face à une concurrence particulièrement vive, qu'elle doit impérativement prendre en compte de manière appropriée et faire partager aux autres pays de l'Union, pour éviter que des objectifs nobles et ambitieux ne se retournent contre les industries françaises et européennes. La mission d'information considère par ailleurs que la France doit s'abstenir de surtransposer les règles européennes, ce qui nuit à la compétitivité de son économie.

a) Avec l'IRA, les États-Unis, jouant sur l'incitation et bénéficiant d'une énergie moins chère, apparaissent comme un « aspirateur à investissements » face à une Europe perçue comme étant trop régulatrice

Ainsi qu'il a déjà été évoqué dans la première partie de ce rapport, l'Europe s'est placée à l'avant-garde pour afficher des objectifs ambitieux afin de lutter contre le changement climatique et de mettre en place les standards et les filières industrielles décarbonées de demain.

Néanmoins, elle fait face :

- d'une part, à des stratégies de décarbonation qui n'évoluent au même rythme suivant les différents pays du monde. Or plusieurs acteurs, notamment ceux soumis à la concurrence internationale, ont mis en garde sur ce point, compte tenu du différentiel de coût entre les technologies actuelles et celles de demain. L'évolution vers une économie totalement décarbonée suppose une « transition », comme l'a relevé le président-directeur général de TotalEnergies : « le mot « transition » est quand même significatif : il faut l'organiser. On ne peut pas démanteler le système actuel à base fossile sans avoir au préalable construit le nouveau système énergétique décarboné » ;

- d'autre part, le cadre volontariste dans lequel s'est engagée l'Union européenne se trouve percuté par un cadre américain que la plupart des acteurs auditionnés considèrent plus simple, plus lisible et plus performant, dans la mesure où il ne repose pas sur des considérations technologiques, mais sur des objectifs de décarbonation, en faisant aux acteurs privés que la puissance publique soutient massivement pour y parvenir.

Comme l'a souligné Sébastien Arbola, directeur général adjoint d'Engie, lors de son audition, « avec l'Europe, la France est partie avant tout le monde. D'ailleurs, l'Europe est encore devant dans les projets en développement. L'IRA a l'énorme avantage d'être plus simple et automatique. Pour schématiser, l'IRA est une aide à la production, sans contrainte et automatique, dès lors que les critères sont respectés. Elle dépend du niveau de carbone dans la production et peut s'ajouter à d'autres mécanismes de subventions, ce qui n'est pas le cas (pour partie) en Europe. Cette simplicité sera, à mon avis, le défi majeur de la France et de l'Europe pour essayer de garder l'avantage que la France et l'Europe ont sur la partie hydrogène ».

S'agissant de l'hydrogène et au regard des débats en cours au niveau de l'Union sur l'origine de la production de l'hydrogène, Ivan Faucheux, membre du collège de la CRE, soulignait également devant la mission d'information qu'« un bon outil public éprouve toujours des difficultés à gérer plusieurs objectifs à la fois. Il nous paraît plus sain d'avoir un outil de soutien public à la décarbonation. Quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis avec l'IRA (Inflation Reduction Act), la table de réduction d'impôts pour le projet d'hydrogène est uniquement liée au contenu carbone de cet hydrogène. De fait, en quotité comme en taux, il y a cinq ou six types d'hydrogènes différents. Ce qui discrimine l'hydrogène est uniquement son contenu carbone. Nous observons donc que c'est un débat très européen et que d'autres États optent pour des outils de soutien à l'hydrogène décarboné bien plus simples ».

b) Certains choix technologiques pénalisent l'Europe

L'Europe, et par ricochet la France, pourrait également se trouver pénalisée par certains choix technologiques, soit qu'elle en ait mal évalué les conséquences industrielles, soit qu'elle ne soit pas suivie par d'autres États, notamment par les États-Unis.

(1) Le cadre européen sur les voitures particulières, couplé aux points de fuite du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pourrait fragiliser l'industrie française et européenne au profit de l'industrie chinoise

Le premier cas de figure concerne la filière automobile, puisque l'Union européenne a fait un choix technologique essentiel en faveur de l'électrification des véhicules légers, en se fondant sur une analyse d'émission de CO« du réservoir à la roue » et non sur une analyse en cycle de vie (ACV) complet. Même si une clause de revoyure est prévue en 2026, les paramètres fondamentaux ne devraient pas être remis en cause. Or cela a un impact significatif sur la concurrence à laquelle est exposée la filière automobile, qui constitue un secteur stratégique de l'économie française.

D'après la PFA, la filière compte 4 000 entreprises et 400 000 emplois directs sur l'ensemble du territoire français. Aussi, d'après Stellantis, « forte de son passé automobile, la France disposait d'un avantage compétitif avec son avance technologique dans les moteurs thermiques qu'ils soient essence ou diesel ; les coûts de développement d'un moteur thermique représentant une véritable barrière à l'entrée ».

Dans ce contexte, la perspective de fin de vente des voitures particulières et des camionnettes neuves à moteur thermique d'ici 2035 rebat les cartes et, de fait, nécessite des adaptations importantes de l'industrie automobile française pour faire face à la concurrence très forte sur le marché automobile. D'après Stellantis toujours, cette décision « confère potentiellement et encore pour quelques années, un avantage compétitif à certains pays qui maîtrisent l'ensemble de la chaîne de valeur des composants électriques (mines, matières premières, terres rares, raffinage, production des batteries) ».

Outre cette évolution majeure qui s'impose à la filière, plusieurs nouvelles obligations pèsent ou pourraient peser, à court terme, sur le secteur automobile.

D'une part, le règlement de mai 2023 établissant un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières d'ajustement aux frontières211(*) vise à prévenir le risque de fuite de carbone, c'est-à-dire le fait que des entreprises implantées au sein de l'Union européenne ne délocalisent leur production à forte intensité carbone dans des pays dont les politiques climatiques et environnementales sont moins strictes. Ce mécanisme vise à garantir une tarification du carbone équivalente pour les importations et les produits de l'Union. Il consiste à imposer aux importateurs de l'Union européenne d'acheter des certificats carbone équivalents au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites conformément aux règles de l'Union européenne.

Ce mécanisme ne s'applique toutefois qu'à un nombre limité de matières premières et d'énergies, qui présentent un risque élevé de fuite de carbone, à savoir le ciment, l'électricité, les engrais, la fonte, le fer et l'acier, l'aluminium ou encore l'hydrogène212(*). En tout état de cause, ce dispositif conduira à renchérir le coût des matières premières nécessaires à la filière automobile, en particulier de l'acier et de l'aluminium. En revanche, ne sont pas concernés les produits finis ou semi-finis (comme les composants automobiles). En conséquence, comme le résume la PFA, « un constructeur souhaitant fabriquer des pièces en Europe devra acheter de l'acier décarboné à un prix plus élevé, ou le faire parvenir d'autres pays (il sera alors soumis au mécanisme d'ajustement aux frontières). Il est donc plus intéressant d'acquérir des pièces et des composants fabriqués à l'extérieur de l'Europe, à un prix moins élevé. Les constructeurs échapperont alors aux mécanismes d'ajustements mis en place aux frontières. Ce mode de fonctionnement favorise la délocalisation de toute une série d'activités de sous-traitance pour l'automobile ».

Ces risques avaient été signalés par le Sénat dans la résolution européenne qu'il avait adoptée sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 »213(*). Le Président du Sénat, Gérard Larcher, a écrit, conjointement avec le président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, à la présidente et au vice-président exécutif en charge du commerce de la Commission européenne, afin de demander que la clause de revoyure prévue en 2026 pour le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières permette de remédier à deux failles du système adopté : d'une part, la prise en compte dans le mécanisme des produits finis, d'autre part sur la trajectoire de suppression des quotas carbone gratuits, qui affectera les entreprises exportatrices européennes pour lesquelles aucune solution n'a été trouvée à ce stade.

D'autre part, la Commission européenne a proposé de nouvelles normes Euro 7 afin de réduire les émissions polluantes des véhicules et d'améliorer la qualité de l'air214(*). De nombreux acteurs ont fait part de leurs inquiétudes quant à ces nouvelles obligations, qu'ils jugent extrêmement coûteuses et peu efficaces compte tenu de l'objectif d'électrification du parc automobile. L'OTRE interroge ainsi la logique consistant à mobiliser d'importants investissements en R&D « pour des moteurs thermiques qui sont amenés à disparaître une quinzaine d'années plus tard ». Pour Stellantis, « dans le contexte d'une évolution rapide et forcée vers l'électrification, la norme Euro 7 détourne des ressources essentielles de cette transition, ce qui compromet encore davantage la mobilité durable sans gain significatif pour l'environnement ».

En tout état de cause, plusieurs acteurs interrogés par la mission craignent que ces obligations cumulées ne viennent davantage fragiliser la filière automobile française au profit de ses concurrents, notamment la Chine et les États-Unis qui, d'après Stellantis, subventionnent en outre fortement leur production de véhicules électriques. Les constructeurs chinois en particulier, exercent d'après Stellantis une pression concurrentielle qui déséquilibre les flux commerciaux et ont un intérêt croissant pour exporter leur production, en favorisant notamment l'Europe, compte tenu des tarifs exercés par les États-Unis sur les véhicules électriques chinois importés.

Dans ces conditions de guerre des prix et de concurrence exacerbée, le soutien de la compétitivité de la filière automobile française doit constituer une priorité.

Les acteurs de la filière se sont d'ores et déjà résolument engagés dans la voie de l'électrification. Stellantis a indiqué à la mission avoir fait le choix de donner un avenir électrique à chacun de ses 12 sites industriels et avoir « investi deux milliards d'euros depuis quatre ans dans ses sites français pour assurer leur compétitivité et ce virage énergétique, avec un maître mot : l'anticipation ».

Les pouvoirs publics se sont également engagés dans le développement d'une offre européenne de batterie. 38 projets liés aux batteries ont ainsi été soutenus dans le cadre de France 2030, pour un montant de 233 millions d'euros d'aides et représentant 1,1 milliard d'euros d'investissements (hors PIIEC batteries)215(*). À l'échelle de l'Union européenne, 8 milliards d'euros de soutien publics ont été alloués à ce secteur216(*). La première gigafactory de batteries a été inaugurée dans les Hauts-de-France en juin 2023.

Pour autant, un récent rapport217(*) de la Cour des comptes européenne estime que « l'Europe pourrait bien perdre la course aux batteries » et identifie trois risques :

- les producteurs de batteries pourraient délaisser l'Union au profit d'autres régions, et en particulier les États-Unis, qui proposent d'importantes incitations financières ;

- l'Union est fortement tributaire d'importations de matières premières provenant de quelques pays avec lesquels elle n'a pas conclu d'accords commerciaux ;

- la hausse des prix des matières premières est susceptible de compromettre de la production de batteries de l'Union européenne.

Recommandations :

Compléter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières afin d'éviter que les industries européennes se retrouvent pénalisées.

Établir une analyse économique et industrielle approfondie en vue de la clause de revoyure de 2026, permettant de mieux mesurer l'impact réel du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne, État par État.

(2) L'orientation prise sur les biocarburants de première génération se heurte aux choix faits par d'autres États

Alors que plusieurs acteurs auditionnés ont relevé le fait que l'Union européenne se détournait des biocarburants de première génération, matures, au profit de biocarburants avancés, moins voire pas matures, ce qui se traduit en substance, notamment, par l'exclusion de la prise en compte des biocarburants conventionnels pour la confection des carburants aériens du futur dans les domaines aérien et maritime, d'autres États comme les États-Unis ne suivent pas la même stratégie, ce qui pourrait demain handicaper la compétitivité de l'Europe en ce domaine.

Le président-directeur général de TotalEnergies a relevé la divergence d'approche entre les États-Unis et l'Europe sur le recours à l'huile de palme et sur la première génération : « S'agissant de l'utilisation des huiles végétales, je précise ici que l'écart est important entre l'Amérique et l'Europe. Celle-ci, après avoir banni l'huile de palme va, au fur et à mesure, interdire l'utilisation de l'huile de soja et autres, ce qui limite le potentiel européen en biocarburants. En revanche, les Américains n'ont aucun état d'âme sur ce sujet : l'utilisation d'huiles végétales comme carburant est profondément intégrée dans leur politique agricole. C'est un facteur d'amoindrissement de notre compétitivité, car la biomasse de première génération est moins chère que la 1G+ et beaucoup moins chère que la 2G. »

Par ailleurs, le groupe Avril a souligné auprès de la mission d'information le manque de cohérence de la réglementation européenne en matière de biocarburants, en faisant valoir les points de fuite sur les biocarburants avancés issus de certaines huiles : « les objectifs fixés par l'Union européenne sont ambitieux, mais nécessaires à condition qu'ils ne servent pas des ambitions frauduleuses. Aujourd'hui il est clair qu'il existe un manque de contrôle dans l'importation d'huiles usagées ou de biodiesel en provenance de Chine notamment. La nature frauduleuse de ces importations ne fait hélas plus beaucoup de doute. Il faut aujourd'hui s'assurer en premier lieu de l'utilisation de matières premières conformes à la réglementation pour fabriquer des biocarburants durables. Ce n'est que de cette façon que l'Union européenne pourra répondre aux objectifs de décarbonation qu'elle s'est fixée ».

Il apparaît ainsi paradoxal, pour la France qui a résolu les enjeux liés aux importations d'huile de palme et de soja, de brider une production de biocarburants de première génération dont la filière industrielle est mature et pourvoyeuse d'emplois, alors que la réglementation européenne souffre de contournements faute de contrôles adaptés.

Recommandation :

Renforcer la vigilance sur les contournements dont la réglementation européenne peut faire l'objet en matière de biocarburants avancés et mettre en place d'un système de certifications de production durable de la biomasse au niveau international.

(3) L'ampleur du besoin de production d'électricité pour conduire la transition écologique doit conduire l'Europe à prendre en compte de manière équitable l'ensemble des technologies décarbonées

Depuis le début des négociations sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », une bataille a été livrée entre les États membres soutenant la reconnaissance pleine et entière de la contribution de l'électricité d'origine nucléaire et ceux, pour une part activement opposés à cette énergie, voulant donner un avantage au développement des énergies renouvelables.

En effet, dans ses estimations publiées en juin 2023218(*), RTE considère que la consommation d'électricité pourrait s'élever entre 580 et 640 térawattheures (TWh) dès 2035, alors que le scénario médian de l'étude précédente « Futurs énergétiques en 2050 » prévoyait une consommation de 655 TWh en 2050219(*). RTE précise que « ces nouvelles trajectoires tiennent compte des grandes transformations intervenues au cours des dix-huit derniers mois (Fit for 55, guerre en Ukraine, réindustrialisation et relocalisation, avancement de la planification écologique et précision sur la trajectoire électrique). Notamment, les nouveaux objectifs, climatiques et industriels, européens impliquent de sortir plus rapidement des énergies fossiles, à la fois pour les entreprises (tertiaire et industrie), les services publics et les ménages. Ceci va entraîner une nette hausse de la consommation d'électricité à l'horizon 2035 ».

Une croissance exponentielle des besoins en électricité : les analyses de RTE

Dans le cadre de ses travaux sur l'édition 2023 du « bilan prévisionnel entre l'offre et la demande d'électricité »220(*), RTE a proposé d'étudier un faisceau de trajectoires. Concernant les usages actuels de l'hydrogène dans l'industrie, compte tenu des incertitudes, RTE envisage de considérer une consommation d'électricité pour les usages existants dans l'industrie se situant entre 4 TWh et 16 TWh à l'horizon 2030 et entre 6 et 22 TWh à l'horizon 2035. Concernant les nouveaux usages de l'hydrogène pour décarboner certains procédés industriels (sidérurgie notamment) et certains segments de la mobilité (sous forme d'hydrogène ou de carburants de synthèse). RTE envisage des trajectoires de consommation d'électricité comprise entre 7 TWh et 18 TWh à l'horizon 2030 et entre 10 et 46 TWh en 2035. Enfin, s'agissant des imports/exports d'hydrogène, RTE propose de considérer qu'à l'horizon 2030-2035 la France produira l'hydrogène consommé en France, sans excédents particuliers destinés à l'exportation. En synthèse, les dernières trajectoires envisagées par RTE à l'horizon 2030-2035 s'articulent, avec beaucoup d'incertitudes, autour d'une trajectoire de référence de consommation d'électricité pour l'électrolyse de 34 TWh à l'horizon 2030 et 68 TWh à l'horizon 2035. De manière plus générale, RTE propose une fourchette de consommation d'électricité entre 11 TWh et 34 TWh à l'horizon 2030 et entre 16 TWh et 68 TWh à l'horizon 2035. Ces scénarios seront affinés au regard des réponses des différents acteurs à la consultation publique.

De son côté, l'Ademe a indiqué à la mission d'information qu'une première estimation réalisée par ses services « montre que pour respecter les objectifs de ReFuelEU Aviation, une consommation d'électricité supplémentaire serait nécessaire de 80 à 130 TWh à horizon 2050 pour produire le e-kérosène nécessaire (pour mémoire la consommation française actuelle est de 460 TWh) ».

Au regard des besoins et des enjeux, la mission d'information considère que l'Union européenne ne doit se priver d'aucune technologie lui permettant d'atteindre les objectifs climatiques ambitieux qu'elle s'est fixés. Cette position constante du Sénat avait déjà été exprimée lors de l'examen du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Le cadre européen doit ainsi être adapté aux investissements de la filière hydrogène. Cela suppose de préserver la place de l'hydrogène bas-carbone, issu du nucléaire, en appliquant uniformément le seuil de 3,0 kgCO2/kgH2, prévu par la taxonomie verte. La Banque de l'hydrogène doit soutenir cette source d'hydrogène, le cas échéant avec des moyens renforcés. Cela nécessite également de garantir les compétences des États membres dans l'organisation du marché national, dans la directive sur l'hydrogène, composante du « paquet gaz ». Enfin, une vigilance s'impose sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), pour ne pas induire de concurrence, entre les différents carburants de synthèse.

Recommandation :

Reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie.

La Banque européenne de l'hydrogène : une « gouvernance pilotée »
plutôt qu'une vraie banque

La « banque » de l'hydrogène vise à accélérer les investissements et à combler le déficit d'investissement pour permettre à l'Union européenne d'atteindre ses objectifs ambitieux de RePowerEU.

Il ne s'agit pas d'une banque en tant que telle, mais d'une « gouvernance pilotée » sur quatre piliers qui devraient être opérationnels d'ici la fin de l'année 2023 :

1. Création d'un marché intérieur dans l'Union européenne via des primes à la production ;

2. Enchères pour des primes aux importations d'hydrogène pour assurer les besoins de consommation interne ;

3. Coordination européenne (évaluation de la demande, besoins en infrastructures) ;

4. Rationalisation des instruments de financement existants intra EU (InvestEU, fonds structurels, fonds pour l'innovation) et à l'international (garantie, prêts, etc.).

La Commission européenne conçoit à ce stade le système de vente aux enchères pour la production d'hydrogène renouvelable, qui soutiendra les producteurs, en leur versant un prix fixe par Kg d'hydrogène produit pendant une période maximale de 10 ans. Le gestionnaire n'est pas clairement identifié à ce jour. Les premières ventes aux enchères pilotes devraient être lancées à l'automne 2023. Les États membres pourront également recourir à cette plateforme d'enchères.

Lors du Conseil environnement qui s'est tenu le 20 juin à Luxembourg, la France, soutenue notamment par la Slovaquie, la Pologne et la République tchèque, a plaidé pour que les projets d'hydrogène bas carbone « soient éligibles aux financements prévus par la Commission ».

c) Le cadre européen et les taxes pourraient entraîner un affaiblissement de la place de la France comme hub international, au profit des compagnies turques, du Golfe ou d'Asie

Plusieurs évolutions du cadre européen s'appliquant au transport aérien devraient se traduire par des surcoûts pour la filière. À l'augmentation des mandats d'incorporation en carburants aériens durables - dont le coût est structurellement plus élevé que le kérosène - et à l'extension de la TIRUERT au transport aérien s'ajoutent en effet de nouvelles obligations liées à :

- la compensation des trajets domestiques, en application de l'article 147 de la loi « Climat et résilience »221(*). Pour Air France, cette obligation représente un surcoût en année pleine d'environ 20 millions d'euros pour le groupe ;

- l'accélération de la baisse annuelle du plafond d'émissions dans le cadre du système d'échanges de quotas d'émissions (SEQE-UE ou ETS) et la disparition progressive des quotas gratuits d'ici 2026, ainsi que le renchérissement du coût des quotas d'émissions. Le groupe Air France estime ainsi que les coûts du système EU-ETS devraient passer de plus de 100 millions d'euros en 2023, à plus de 300 millions d'euros estimés en 2027, et 450 millions d'euros projetés à 2030 pour le groupe.

De l'avis de nombreux acteurs de la filière, ces nouvelles obligations devraient se traduire par une multitude de surcoûts. Pour Air France, « ces surcoûts pèseront de manière significative sur la trajectoire financière d'Air France, sans contribuer directement à ses objectifs de décarbonation, et limitant d'autant sa capacité à investir dans les leviers de réduction stricte d'émissions. »

En outre, la Première ministre a récemment annoncé, dans le cadre de la présentation du plan d'avenir pour les transports, avoir pour intention de « mettre à contribution les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme l'aérien, et ceux qui dégagent des profits importants, comme les sociétés d'autoroute »222(*). Cette prise de position concernant l'aérien peut apparaître surprenante au moment où, par ailleurs, le Gouvernement abonde de 300 millions d'euros le Conseil pour la recharge aéronautique civile (CORAC) et demande à toutes les compagnies aériennes un effort de décarbonation. En outre, même s'il compte pour 14,4 % des émissions dues au transport au sein de l'Union européenne, le secteur aérien n'est pas le plus émetteur de CO2.

Par ailleurs, le caractère intrinsèquement international et ultra-concurrentiel du transport aérien rend, de fait, plus complexe l'application de ces nouvelles obligations, notamment celles liées à l'incorporation de carburants aériens durables. Ainsi, l'Ademe considère que l'un des principaux obstacles au développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert tient aux différences de niveaux d'exigence de décarbonation dans les différentes zones du globe pouvant conduire à des pratiques de contournement non vertueuses, notamment par les compagnies aériennes.

Plusieurs acteurs de la filière estiment ainsi que si la trajectoire de mandats d'incorporation obligatoire de carburants aériens durables permet d'envoyer un signal clair aux énergéticiens et incite au développement de la production de ces carburants, elle porte en revanche des risques de distorsions de concurrence, compte tenu des surcoûts de ces carburants.

D'une part, cette situation pourrait théoriquement conduire certaines compagnies à pratiquer le suremport (ou « fuel-tankering »), qui consiste à faire le plein des réservoirs lors des escales à l'étranger, pour contourner l'achat de carburants d'aviation durables moins polluants, mais plus coûteux sur le sol européen. En tout état de cause, cette pratique pourrait être limitée par l'article 5 du règlement ReFuel Aviation relatif à l'obligation de ravitaillement incombant aux exploitants d'aéronefs. Cet article prévoit en effet que la quantité annuelle de carburant d'aviation embarquée par un exploitant d'aéronef donné dans un aéroport de l'Union donné représente au moins 90 % de la quantité annuelle de carburant d'aviation requise.

D'autre part, certains acteurs du secteur aérien évoquent un potentiel risque de « fuites de carbone », en raison d'un effet d'éviction des hubs européens au profit de hubs non-européens, et situés en bordure de l'Union européenne (Istanbul) ou dans les pays du Golfe (Doha, Dubaï). D'après la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM), l'application dissymétrique des mesures européennes du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » aux compagnies européennes et aux compagnies des pays tiers pourrait se traduire par un déplacement des flux de trafic vers des compagnies extra-européennes et leurs hubs aux portes de l'Union, en raison du renchérissement des prix des billets des trajets long-courriers.

Air France a ainsi calculé la répercussion de ces obligations sur le prix d'un aller-retour de Nice à Singapour en 2030, date à laquelle un mandat d'incorporation de 6 % sera applicable en examinant deux trajets possibles : l'un transitant par Paris (Nice-Paris-Singapour) et l'autre par Istanbul (Nice-Istanbul-Singapour), comme l'illustre la carte ci-après.

Les contraintes d'incorporation de carburants d'aviation durables sur un vol Nice-Singapour en fonction de l'aéroport de transit (Paris ou Istanbul)

Source : Air France

D'après Air France, le surcoût sur le trajet transitant par Paris s'élèverait à 33 euros (en cabine économie), compte tenu du fait que les mandats d'incorporation en carburants aériens durables s'appliquent sur les trois vols Nice-Paris, Paris-Singapour et Paris-Nice, contre 5 euros sur le vol transitant par Istanbul, le mandat d'incorporation ne s'appliquant qu'au trajet Nice-Istanbul.

Si une étude de l'organisation non gouvernementale Transport & Environment de janvier 2022223(*) semble écarter ce risque, la mission d'information est sensible aux alertes lancées par l'ensemble des opérateurs aériens, et très attentive au fait que les nouvelles réglementations européennes ne fragilisent pas la compétitivité des compagnies et des aéroports français et européens.

Par ailleurs, elle estime peu opportun dans ces conditions de vouloir taxer de manière complémentaire une filière pour en financer une autre - le ferroviaire - qui connaît des problèmes structurels de financement.

La mission estime, sur le plan national, que la priorité doit aller au financement de la décarbonation. La taxation d'une filière au bénéfice d'une autre (aérien/ferroviaire) relève plus de l'affichage fiscal et budgétaire de façade que d'une politique de décarbonation et d'intermodalité assumée. L'objectif doit être la décarbonation des transports, aérien et ferroviaire compris, et la recherche d'une bonne complémentarité entre les modes. La question du financement du ferroviaire dépasse le sujet du transport aérien.

Recommandations :

Assurer une concurrence équitable pour le secteur aérien : mesurer les effets des nouvelles règles européennes ; développer des accords bilatéraux ; faire de la négociation au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une priorité pour parvenir à un standard mondial d'approvisionnement ;

Sur le plan national, établir un cadre de financement global de la décarbonation permettant une bonne complémentarité entre les modes de transport, sans entrer dans un débat sur la taxation d'une filière au bénéfice d'une autre.

d) Les ports font face à une compétition mondiale

Les ports maritimes représentent des actifs stratégiques pour la France et un atout incontournable au service du commerce extérieur. D'après le rapport « Réarmer nos ports dans la compétition internationale » de l'ancien sénateur Michel Vaspart, paru en juillet 2020224(*), la valeur ajoutée totale associée au fonctionnement du système portuaire dépasserait les 15 milliards d'euros et l'activité portuaire représenterait 180 000 emplois directs et plus de 350 000 emplois directs et indirects.

Cela étant, les mutations du transport maritime (décarbonation de la flotte, augmentation de la taille des navires, concentration des armateurs, etc.) renforcent la pression concurrentielle entre les différents ports. Dans ce marché extrêmement compétitif, le transport maritime de marchandises en France connaît une augmentation de ses volumes depuis 2016, mais, d'après l'Observatoire de la performance portuaire et des chaînes logistiques225(*), ces derniers augmentent moins vite que ceux des autres pays européens et les ports français peinent à gagner du terrain sur leurs concurrents.

Aussi, et dans ce contexte, les politiques de transition écologique et énergétique des ports à travers le déploiement d'infrastructures de branchement à quai ou d'avitaillement en carburants alternatifs peuvent constituer une opportunité pour la France, et plus particulièrement pour ses grands ports maritimes, de se démarquer. Il s'agit là autant d'un enjeu de compétitivité que d'une question de souveraineté.

En ce sens, la DGAMPA considère que l'augmentation du nombre de navires soutant en France par le biais de la création d'une source de biocarburants ou e-carburants permettrait d'améliorer la compétitivité des ports français et, surtout, de garantir notre indépendance énergétique226(*). Pour autant, comme développé au IIB, l'incertitude quant aux carburants qui seront privilégiés pour la décarbonation du transport maritime, d'une part, et les choix divers opérés par les armateurs en la matière, d'autre part, rendent complexes les décisions des places portuaires quant aux réseaux d'avitaillement à déployer. D'après Stéphane Raison en effet : « la transformation industrielle doit être extrêmement rapide, mais nous ne devons pas nous tromper dans un contexte qui est assez incertain »227(*).

De même que les aéroports pour le transport aérien, les ports joueront un rôle de hub de distribution des nouveaux carburants, mais également de production. Les écosystèmes portuaires présentent en effet le double avantage de disposer d'un important foncier, d'une part, et de « boucles industrielles » facilitant la production d'énergies décarbonées, d'autre part.

En ce domaine, la concurrence est là aussi féroce entre les ports. Pour Stéphane Raison : « Si nous ne sommes pas capables de produire ces nouvelles molécules, nos concurrents les mettront sur le marché avant nous. Il y a une course à la distribution de nouvelles molécules, notamment à Rotterdam et Anvers ».

3. Compte tenu du coût élevé de la transition et des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, une optimisation des choix s'impose
a) Un besoin d'investissement très élevé

La transition écologique vers une économie décarbonée va avoir un coût très élevé, ce qu'ont souligné de nombreux économistes depuis plusieurs années, même si les évaluations de ce coût peuvent diverger fortement.

À partir des scénarios « Transition(s) 2050 » de l'ADEME, l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) avait ainsi évalué, fin 2022228(*), à une fourchette comprise entre 14 milliards d'euros par an et 30 milliards d'euros par an, et une option moyenne de 22 milliards d`euros par an, les investissements climat supplémentaires qu'il faudrait réaliser dans les bâtiments, les transports et la production d'énergie pour s'engager sur le chemin de la neutralité carbone, ces montants minimums ne couvrant pas les besoins dans l'agriculture, l'industrie ou encore l'adaptation au changement climatique. L'I4CE relevait que, quel que soit le scénario retenu à l'avenir dans le cadre de la révision de la stratégie énergie-climat, « il impliquera d'investir plus dans les équipements et les infrastructures bas-carbone, notamment pour atteindre le nouvel objectif européen de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Et tandis que les financements du plan de relance se terminent à la fin de l'année, les pouvoirs publics doivent programmer des moyens dans la durée pour continuer à accompagner les ménages et les entreprises. C'est notamment l'enjeu des débats budgétaires de l'automne, puis de la loi de programmation énergie-climat (LPEC), prévue d'ici l'été 2023 ».

Plus récemment, en se plaçant dans la perspective d'atteindre une réduction des émissions de COde 55 % en 2030, un rapport229(*) de Jean Pisany-Ferry et Selma Mahfouz chiffre à 66 milliards d'euros par an le total des besoins d'investissements supplémentaires à l'horizon 2030 - tous secteurs confondus, la part des transports n'étant pas la plus importante -, soit environ 2,3 points de PIB d'investissement supplémentaire, ces montants ne couvrant toutefois pas les secteurs des transports aérien et maritime, notamment.

De son côté, la Cour des comptes européenne230(*) relève que, d'après les estimations produites par la Commission européenne en 2021, atteindre l'objectif de réduction des gaz à effet de serre de 55 % à l'horizon 2030 nécessiterait d'investir chaque année l'équivalent de 392 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la moyenne de la période 2011-2020, pour le seul système énergétique. Atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 dans l'Union nécessiterait un investissement total (investissements en cours et supplémentaires) de l'ordre de 1 000 milliards d'euros par an sur la période 2021-2050. De fait, une partie du budget de l'Union doit désormais être consacrée aux dépenses pour le climat (environ 87 milliards d'euros par an selon la Cour des comptes européenne), tandis que la Banque européenne d'investissement a également vu ses priorités évoluer pour devenir la banque du climat de l'Union.

En tout état de cause, les besoins d'investissements supplémentaires sont très élevés et il ressort des différentes auditions qu'un accompagnement par la puissance publique sera nécessaire.

C'est le cas pour les investissements requis pour le développement de technologies ou d'infrastructures d'avenir. Dans une interview accordée au Grand Continent, Nicolas Dufourcq, directeur général de BpiFrance relève « qu'on ne peut pas faire en particulier la transition climatique, si on demande des taux de rendement de 15 %. Il y a quantité de choses qu'on ne peut pas faire à 15 % de taux de rendement. Je pense qu'il y aura un aggiornamento là-dessus ». De son côté, la Banque des territoires (BdT), qui a également évoqué l'enjeu de la rentabilité des investissements, a indiqué à la mission d'information que, si l'on constate l'apparition de nombreux développeurs de projets et de fonds privés pour le financement de projets d'e-carburants à travers l'Europe, le financement bancaire reste quasi-inexistant sur ce type de projets en France, notamment à cause du risque lié à l'achat de l'hydrogène et de ses dérivés, et du risque technologique/opérationnel concernant les biocarburants de deuxième et troisième génération.

C'est également le cas du côté des clients finaux des véhicules et des futurs carburants ou vecteurs énergétiques, chacun ayant un coût plus élevé que les dispositifs actuels sur base fossile.

De fait, un accompagnement financier par la puissance publique, au niveau national comme au niveau européen, est nécessaire à la fois pour amorcer certains marchés et diminuer ainsi le coût des nouveaux véhicules ou vecteurs énergétiques, mais aussi si l'on veut éviter qu'une partie de la population se retrouve dans l'incapacité financière d'assumer le coût de cette transition.

Or, tant au niveau national qu'au niveau de l'Union européenne - qui vient de demander une réévaluation à la hausse du cadre financier pluriannuel, notamment pour accompagner ses ambitions en matière de stratégie industrielle verte - les finances publiques apparaissent sous grande contrainte.

Tout en ayant entendu le discours porté avec force par les différents acteurs économiques, et qu'elle partage, en faveur d'une stabilité du cadre réglementaire européen et national afin qu'il puissent investir dans des conditions économiques satisfaisantes, la mission d'information juge nécessaire que la France et l'Union européenne réévaluent à intervalles réguliers la pertinence de leurs dispositifs de soutiens et se placent dans une dynamique, soutenue par la France, d'affirmation de la souveraineté énergétique de l'Union et de sa résilience.

Recommandation :

Face au besoin d'investissement massif et aux contraintes budgétaires, orienter les financements publics vers le lancement des filières pour créer les conditions de marchés matures, puis évaluer et ré-orienter l'effort public.

b) Évaluer les pertes de recettes fiscales à venir sur les énergies fossiles

Afin d'être en mesure de calibrer au mieux cette trajectoire de l'effort public, la mission d'information a demandé une évaluation des pertes prévisionnelles de recettes fiscales liées aux accises sur les carburants, du fait de l'électrification progressive du parc routier.

La direction de la législation fiscale a indiqué qu'une telle évaluation n'a pas encore été réalisée, même si le commissariat général au développement durable (CGDD) dispose désormais du modèle « Elfe », récemment finalisé, qui met en relation les consommations d'énergie estimées par le service des données et études statistiques (SDES) (inventaire PEFA - Public Expenditure and Financial Accountability) et les taux de taxation correspondants, afin d'en déduire les montants de recettes fiscales..

Une étude menée par la DGEC, concernant le périmètre des véhicules légers, avait estimé la perte de recettes fiscales (2030 vs. 2019) à 4,1 milliards d'euros nets, avec une forte baisse des recettes diesel (- 6,2 milliards d'euros) et une hausse des recettes essence (+ 2,1 milliards d'euros). Toutefois, ce calcul ne prenait pas en compte les hausses de recettes fiscales issues de la hausse de consommation dans les carburants non pétroliers, et en particulier l'électricité.

La direction de la législation fiscale (DLF) relève que pour réaliser une telle nouvelle évaluation, il faudrait connaître la trajectoire estimée de disparition des véhicules thermiques, mais aussi les modalités définitives du système d'échange de quotas d'émission de CO(ETS2), qui s'appliquera à compter du 30 juin 2024 aux personnes mettant à la consommation des carburants et des combustibles utilisés pour le logement et le transport, et évaluer la consommation d'électricité du futur parc de véhicules électriques afin de savoir quelles recettes fiscales cette consommation générera.

Afin de clarifier le cadre de financement et les moyens disponibles pour financer la transition dans un cadre de finances publiques contraintes, la mission appelle à procéder dès que possible à une évaluation des pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles liées à l'électrification progressive des véhicules.

Recommandation :

Évaluer les pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles.

B. SOUTENIR LES INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET DÉVELOPPER UNE APPROCHE GLOBALE

1. Accroître la production d'électricité et accélérer les raccordements aux réseaux

Ainsi que l'a souligné la direction générale des entreprises (DGE), « l'atteinte de ses objectifs de développement de capacités de production d'hydrogène (renouvelables comme bas carbone) dépendra pour une large part sur la capacité de la France à assurer un déploiement des capacités de production d'énergie correspondantes et à bas coût ». Cet enjeu est de fait majeur et suppose des actions déterminées, sur lesquelles le Sénat a déjà été amené à prendre position.

a) Assurer la relance effective et rapide du parc nucléaire

Au regard des enjeux de production présentés précédemment, la relance de l'énergie nucléaire est indispensable pour garantir notre souveraineté et notre indépendance énergétiques.

C'est la raison pour laquelle, le rapport d'information de la mission sénatoriale transpartisane, confiée à MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a plaidé pour la construction d'au moins 14 EPR2 et 4 GW de SMR, et l'étude de 9 autres EPR2 en cas de réindustrialisation, pour maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050231(*).

En adoptant la loi « Nouveau nucléaire », de 2023232(*), qu'il a largement complétée et adoptée, le Sénat a entendu donner une traduction rapide et concrète aux annonces faites par le Président de la République, dans son discours de Belfort, du 10 février 2022.

Allant beaucoup plus loin que le Gouvernement, il a levé les trois verrous posés à la relance du nucléaire par la loi de « Transition énergétique », de 2015, en abrogeant l'objectif de réduction à 50 % de l'énergie nucléaire d'ici 2030 (article L. 100-4 du code de l'énergie) et le plafond d'autorisation de production d'électricité nucléaire de 63,2 GW (article L. 311-5-5 du même code) et en obligeant le Gouvernement à réviser la PPE pour y retirer la trajectoire de fermeture de 14 réacteurs existants (article 1er de la loi « Nouveau nucléaire »).

Si le législateur a ainsi pleinement joué son rôle, dans la relance du nucléaire, le Gouvernement doit à présent proposer, dans la loi quinquennale sur l'énergie, des objectifs et des moyens à la hauteur des enjeux, et traduire les annonces en actes, en décidant des constructions, en actualisant la PPE et en instruisant les autorisations.

De plus, il doit remettre le rapport d'évaluation devant être transmis d'ici le dépôt du projet de loi quinquennal sur l'énergie (article 5), afin de permettre à la représentation nationale de se positionner sur la place de l'énergie nucléaire, et notamment des nouveaux réacteurs, dans le mix électrique, compte tenu de leurs impacts sur les finances publiques, les enjeux de sûreté et de sécurité nucléaires, les besoins en termes de métiers et de compétences ainsi que le cycle du combustible.

Recommandation :

Assurer la relance effective et rapide de l'énergie nucléaire (instruction accélérée des autorisations, actualisation nécessaire de la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), préparation urgente de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat).

b) Développer massivement les énergies et vecteurs décarbonés

Aux côtés de la relance du parc nucléaire, le développement des autres énergies et vecteurs décarbonés est indispensable pour atteindre nos objectifs de décarbonation.

Pour ce faire, la simplification des procédures applicables à ces projets est indispensable.

Le Sénat a été en pointe sur le sujet en matière d'hydroélectricité233(*), dans la loi « Climat-Résilience », de 2021234(*), de biogaz235(*), dans la loi « Pouvoir d'achat », de 2022236(*) et d'agrivoltaïsme237(*), dans la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023238(*).

Après avoir fait l'objet tout premier cadre juridique, avec l'ordonnance « Hydrogène », de 2021239(*), pris en application de la loi « Énergie-Climat », de 2019240(*), l'hydrogène a depuis lors bénéficié de mesures de simplification, dans le cadre des lois « Climat-Résilience », de 2021241(*) et « Accélération des énergies renouvelables et nucléaires », de 2023242(*).

À l'initiative du Sénat, l'hydrogène a ainsi été intégré à la loi quinquennale sur l'énergie et à la PPE (article L. 100-1 A et 141-1 2 du code de l'énergie). De plus, il doit être soutenu via les appels d'offres sur le stockage de l'électricité (article L. 352-1-1 du même code), un dispositif de soutien public pour celui produit par électrolyse (article 812-2 du même code) et des garanties d'origine et de traçabilité (article 821-1 et 821-2 du même code). Les dispositifs de soutien public doivent respecter un « bilan carbone » (article 812-3 du même code). Un référent unique expérimental, regroupant l'ensemble des services de l'État, de même qu'une mutualisation facultative des études et des ouvrages liés aux installations et à leurs raccordements sont prévus (article L. 515-48 du code de l'environnement). La CRE, ainsi que les collectivités territoriales, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), ont reçu compétences pour concourir au déploiement des installations, ces dernières pouvant d'ailleurs recourir à des sociétés d'économie mixte locales (article L. 131-2-1 du code de l'énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales).

Par ailleurs, la TIRUERT a été appliquée à l'hydrogène renouvelable en 2023, par la «  LFI pour 2022 » 243(*)et le sera à celui bas-carbone produit par électrolyse en 2024, par la « LFI pour 2023 »244(*) (article 266 quindecies du code des douanes).

Si ces avancées législatives sont positives, leur traduction réglementaire est insuffisante : la publication d'arrêtés sur la définition de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone et la méthode d'évaluation des émissions de CO2, ainsi que de décrets sur le dispositif de soutien public, les garanties d'origine et de traçabilité et la TIRUERT, est encore attendue.

C'est pourquoi EDF a indiqué que « l'ordonnance hydrogène de février 2021 créant le livre VIII du code de l'énergie relatif à l'hydrogène est aujourd'hui incomplète. Première brique du cadre juridique régissant l'hydrogène au niveau national, la filière attend encore les arrêtés ministériels devant compléter le texte, notamment la définition de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone ». De son côté, Engie a précisé qu' « il manque aussi le décret sur les garanties d'origine et de traçabilité de l'hydrogène » et que « l'ordonnance hydrogène de février 2021 prévoit la mise en place d'un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène décarboné par électrolyse. Celui n'est pas encore lancé. Il est attendu par la filière ». Ce constat est cohérent avec celui de TotalEnergies, pour qui « la filière hydrogène est en attente des décrets d'application de l'ordonnance hydrogène notamment l'intensité carbone à respecter pour être qualifié de renouvelable ou bas-carbone, la méthodologie de calcul ainsi que le système de traçabilité des molécules qui devrait être mis en place (garantie d'origine, garantie de traçabilité). »

Plus largement, le cadre réglementaire doit être actualisé. Au premier chef, la PPE doit fixer des objectifs aussi ambitieux que ceux européens, et consacrer le recours à l'énergie nucléaire pour y parvenir. Pour être complète, elle doit viser les PAC aux côtés des électrolyseurs, les véhicules lourds aux côtés de ceux légers. Elle peut aussi englober les infrastructures, de distribution, de transport ou de stockage, sans rogner sur l'ambition d'une production nationale exempte d'importation et de constitution de bassins industrialo-portuaires regroupant les sites de consommation avec ceux de production. Si l'identification des besoins prioritaires en hydrogène est souhaitable, elle ne doit pas se muer en une contrainte ou, pire, en un rationnement ; il faut préserver un équilibre réaliste et évolutif entre ses différents usages (industrie, mobilité, flexibilité). Et les aides doivent porter sur le fonctionnement comme sur l'investissement, et sur l'offre comme sur la demande. Par ailleurs, au-delà de l'hydrogène, ses dérivés synthétiques (carburants de synthèse) doivent être intégrés.

C'est donc un rôle d'État stratège qui est attendu pour accompagner l'amorçage de la filière, ainsi que l'a indiqué en substance France Hydrogène : « De manière plus générale, au-delà du soutien financier, l'accompagnement de l'État peut se faire en assumant un rôle de coordination des acteurs, à même de répondre au dilemme de “ la poule et de l'oeuf “, notamment dans la mobilité routière hydrogène ».

Outre la simplification des procédures applicables, l'accès aux mécanismes de financement est aussi crucial.

En matière d'hydrogène, c'est une difficulté pour les dispositifs de financement public, dans la mesure où l'instruction des projets éligibles au PIIEC est longue.

EDF a ainsi déploré « les retards [...] pris dans l'instruction des demandes de financement public soumis par l'État français auprès de la Commission des premiers projets industriels », Engie « une exécution [...] particulièrement complexe et consommatrice de temps » et Total « un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène [...] pas encore opérationnel ».

Compte tenu de ces retards, France Hydrogène a rappelé que « les notifications respectives des 3e et 4e vagues PIIEC (sur les infrastructures et la mobilité) par la Commission européenne sont encore attendues ».

Une autre difficulté est le devenir des AAP de l'Ademe, qui doivent être effectivement appliqués, pour celui sur les briques et démonstrateurs, et relancés, pour celui sur les écosystèmes territoriaux : il faut veiller à leur pérennité et à leur complétude.

Dans ce contexte, au sujet des écosystèmes territoriaux, Engie a indiqué que « l'AAP s'est clôturé fin 2022 et nous attendons que la suite soit assurée. Il est nécessaire de maintenir un accompagnement public à l'innovation pour la filière hydrogène. [...] Concernant les carburants de synthèse, il est nécessaire de soutenir dès à présent les projets attractifs qui ne sont pas adaptés aux appels d'offres en cours. En particulier, il n'y a pas pour l'instant de mécanisme d'aide adapté prévu pour les e-fuels à destination des secteurs de l'aviation et du maritime ».

C'est aussi une difficulté pour les dispositifs de financement privés, étant donné que les contrats de long terme, prévus dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, ne mentionnent pas l'hydrogène.

C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution sur la réforme du marché européen de l'électricité, de MM. Daniel Gremillet et Claude Kern245(*), plaide pour intégrer l'hydrogène à tous les contrats de long-terme ainsi prévus, qu'il s'agisse de ceux institués par les États membres, les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (ou Contracts for Difference - CfD), ou ceux relevant davantage de l'initiative privée, les accords d'achat d'électricité (ou Power Purchase Agreements - PPA).

L'intérêt de ces contrats pour l'essor de l'hydrogène a été relevé par EDF, en ces termes : « la réforme du market design pourrait être de nature à fournir une stabilité des prix et des volumes pour la fourniture d'électricité renouvelable ou bas-carbone aux électrolyseurs, par le recours facilité aux contrats d'approvisionnement de long-terme de type PPA et CfD ».

En outre, compte tenu des développements précédents sur le gisement de COet l'enjeu de l'utilisation du COindustriel (fatal), interdite après 2040 par la réglementation européenne, pour permettre la production de carburants de synthèse, la mission d'information souhaite que, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, une étude spécifique, à la fois économique et environnementale, puisse être réalisée, permettant de clarifier les enjeux entre cette solution et celles des mécanismes de stockage du carbone.

Certaines contributions ont souligné à cet égard l'intérêt que pourrait représenter la mise en place un système de Carbon Contracts for Difference (CcfD) offrant de la visibilité sur le prix du CO(et prenant ainsi en compte la possibilité de voir les prix du CObaisser compte tenu de la récession).

Toutefois, lors de son audition par la mission d'information, le vice-président de la branche mondiale hydrogène du groupe Air Liquide avait précisé que « s'agissant de l'autre voie, qui consiste à réutiliser ce CO2, nous en avons très clairement besoin, notamment dans la chimie. Il va en effet falloir recomposer la pétrochimie, en remplaçant les sources de carbone d'origine fossile par du CO2. S'agissant des carburants synthétiques, c'est selon nous un COd'origine biogénique qui doit être privilégié pour que le bilan global sur la baisse des émissions dans le transport soit véritablement au rendez-vous. Réutiliser un COd'origine industrielle pour en faire des carburants synthétiques durables réduit fortement l'efficacité de l'ensemble de la chaîne ».

Cette vision était également celle de TotalEnergies, qui a indiqué : « capturer du CO2 émis par une usine du Nord industriel et le recycler ne constitue pas un progrès ; il est préférable de fabriquer du CO2 biogénique, ce qui constitue néanmoins une opération complexe ». Elle est aussi partagée par l'Ademe.

En revanche, Engie et France Hydrogène ont plaidé pour réutiliser le COindustriel ; du côté du Gouvernement, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) comme la Direction générale des entreprises (DGE) ont évoqué l'enjeu de la captation des émissions industrielles.

Recommandation :

Développer massivement l'hydrogène et les carburants de synthèse (simplifier, évaluer la captation et la valorisation du CO2, instituer des contrats de long terme).

c) Mettre en oeuvre les possibilités offertes RTE et Enedis pour accélérer le raccordement les projets aux réseaux d'électricité

La loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023246(*), compte un paquet de dispositions en faveur de l'accélération des procédures de raccordement aux réseaux de distribution et de transport d'électricité des projets liés à la transition énergétique

Ces dispositions consistent notamment en :

- des dérogations procédurales, pour une période de deux ans, prorogeable une fois, pour les projets de création ou de modification de raccordement aux réseaux de transport d'électricité, pour les projets de production ou stockage d'hydrogène renouvelable et bas-carbone et ceux de modification d'installations industrielles dont les émissions de GES247(*) ont été supérieures à 250 000 tonnes (procédure de participation du public, autorisation de construction de lignes électriques, dérogation aux règles de construction en loi Littoral) (article 27) ;

- la possibilité pour l'État, pour une période de deux ans, prorogeable une fois, de fixer, sur proposition du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, un ordre de classement pour les demandes de raccordement des mêmes projets aux réseaux de distribution et de transport d'électricité, dès lors que le délai de raccordement est supérieur à 5 ans248(*) (article 28) ;

- la révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR)249(*) et de la quote-part fixée par ces derniers, dont la durée des capacités d'accueil est portée de 10 à 15 ans et la méthodologie des coûts des ouvrages à réaliser est définie par la CRE, plutôt que le gestionnaire du réseau de transport (article 29 de la loi précitée et L. 321-7 du code de l'énergie) ;

- la faculté pour le gestionnaire du réseau de transport de mutualiser la réalisation d'ouvrages de raccordement à son réseau, non constitutifs d'un renforcement de ce dernier, des installations de consommation d'électricité, en offrant le cas échéant une capacité totale supérieure à celle immédiatement nécessaire, selon des modalités définies par la CRE, s'agissant notamment de la quote-part (article 33 de la loi précitée et L. 342-7-2 du code de l'énergie) ;

un abaissement, de 2 à 1 mois, du délai pour répondre à une demande de raccordement au réseau de distribution des installations de production d'électricité renouvelable de moins de 3 kilovoltampères et de, 18 à 12 mois, du délai prévu pour les autres installations (articles 105 et 106 de la loi précitée et L. 342-3 du code de l'énergie) ;

- des facilités techniques, en matière de dérogation aux règles de construction en loi Littoral pour les ouvrages du réseau de transport (article 66 de la loi précitée et article L. 121-5-1 du code de l'urbanisme), de gestion de la tension sur les réseaux de distribution (article 30), d'évaluation des raccordements des installations de production d'électricité (article 31 de la loi précitée et article L. 342-7 du code de l'énergie) ou encore d'insertion de la flexibilité sur les réseaux de distribution (article 33 de la loi précitée et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales).

Lors de l'examen de ces dispositions, le Sénat avait estimé indispensable de mieux calibrer ces dispositions, en imposant une clause de revoyure dans un délai de deux ans (article 27 et 28), en prévoyant l'avis systématique des élus locaux dans le cadre de la dérogation à la Loi Littoral (article 27 et 66) et en consolidant les pouvoirs de la CRE (articles 27 et 32).

Il s'est donc montré très vigilant pour préserver les compétences et les finances des collectivités territoriales, propriétaires des réseaux de distribution d'électricité : c'est pourquoi la participation des communes ou de leurs groupements à l'extension des réseaux a été abrogée, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi (article 29 de la loi précitée et L. 342-11 du code de l'énergie).

L'enjeu est désormais d'appliquer pleinement et rapidement ces dispositions : une ordonnance est en effet attendue, pour compléter le cas échéant la réforme, en associant la CRE, les gestionnaires des réseaux de transport et d'électricité et les représentants des collectivités territoriales et des producteurs d'énergies renouvelables (article 26) ; de plus, des décrets doivent être publiés s'agissant du classement ou de la mutualisation des raccordements (articles 28 et 32) et de la révision des S3REnR (articles 29).

À terme, l'opportunité d'appliquer au gaz et à la chaleur renouvelables les mêmes souplesses de procédure que celles prévues pour l'électricité renouvelable se pose.

L'accélération des raccordements est au coeur des préoccupations des acteurs économiques, notamment de la filière hydrogène, qui ont salué les dispositions précitées et appelé à leur application. EDF a ainsi indiqué que « les nouvelles mesures de la loi AER pourront jouer un rôle pour accélérer les délais, réduire les files d'attente, mutualiser les raccordements et anticiper les renforcements du réseau ». Dans le même esprit, Engie a estimé qu' « accélérer les délais de connexion de RTE est donc clé », ajoutant que « la loi [AER] [...] a fait un pas en ce sens ».

Les gestionnaires et régulateurs des réseaux de transport et d'électricité ont fait part d'une même préoccupation devant la mission. RTE a indiqué avoir reçu un volume de 12 GW pour les raccordements d'électrolyseurs, dont un quart est lié à la production d'hydrogène pour l'industrie et un autre à la production de carburants de synthèse, le cas échéant avec un captage du CO2. Si ces demandes dépassent l'objectif de 6,5 GW d'électrolyseurs d'ici 2030, les projets sont au stade de la décision d'investissement et non de l'autorisation de construction. Il a ajouté avoir reçu un volume de 3 à 4 GW pour les projets d'électrification ou de gigafactories de batteries électriques ou de panneaux solaires dans les grandes zones industrielles, telles que Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre-Port-Jérôme et Lyon-Vallée de la chimie. Au total, les investissements nécessaires représentent 1,5 à 2 Mds€. Dans ce contexte, RTE s'est exprimé positivement sur la loi « Accélération des énergies renouvelables » : « Dans les questions d'accès au réseau, aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité d'organiser une priorité. La règle qui prévaut est “premier arrivé, premier servi”. [...] Le texte que vous avez donné donne les premiers outils à l'État, après consultation de la CRE, pour réorganiser ces priorités, dans des cas très précis ». De son côté, Enedis a affirmé avoir raccordé 3,8 GW d'énergies renouvelables250(*) en 2021 et 3,8 supplémentaires en 2022. Le niveau total des installations aujourd'hui raccordé est de 17 GW pour l'énergie éolienne, 14 pour l'énergie solaire, et 1,2 pour les bioénergies en 2012. Pour répondre aux demandes, le groupe mise sur un effort de productivité, l'accélération des procédures administratives et le recours à une flexibilité électrique. Tout comme RTE, il a salué l'intérêt de la loi : « Les enjeux de permitting [...] ne dépendent pas uniquement d'Enedis. Ils sont en lien avec les administrations locales ou nationales. Ces initiatives permettent de faire diminuer les délais ». Quant à la CRE, si elle a accueilli favorablement la loi, elle a précisé que l'organisation de priorités et l'institution de mutualisation peut peser in fine sur le consommateur d'électricité, en ces termes : « L'article 28 de la loi AER [...] permet de réarranger les files d'attente. En contrepartie de ce réarrangement [...] on accepte que le risque final d'un investissement échoué porte sur le consommateur ».

Au-delà de l'application de ces dispositions, et de leur extension éventuelle au gaz et à la chaleur renouvelables, il faut en évaluer l'impact concret sur les porteurs de projets, les consommateurs d'énergie, les gestionnaires des réseaux et les collectivités territoriales concernées.

Recommandation :

Accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique aux réseaux de transport et de distribution d'électricité.

2. Desserrer les contraintes sur le foncier posées par l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN)

Les projets liés à la transition énergétique posent un enjeu d'utilisation du foncier, dans la mesure où les EnR sont de nature diffuse. Or, depuis la loi « Climat-Résilience », de 2021251(*), l'artificialisation des sols doit diminuer de moitié entre 2021 et 2031, afin d'atteindre l'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 : il s'agit de l'objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN).

Cet objectif a des répercussions très concrètes sur les conditions locales d'urbanisation, puisqu'il est prévu que des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols soient intégrés aux documents locaux d'urbanisme252(*) d'ici 2027 (articles L. 141-3, 141-8, 151-5 et 161-3 du code de l'urbanisme et L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales), tandis qu'une nomenclature des sols artificialisés serve de base de calcul à cette artificialisation d'ici 2031 (article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme).

Bien conscient des difficultés posées par l'application de cet objectif, le Sénat a proposé à plusieurs reprises des assouplissements pratiques dans le respect de l'ambition initiale. En effet, il serait paradoxal qu'un objectif conçu pour limiter la consommation du foncier pénalise au premier chef l'essor des projets industriels liés à la transition énergétique ; cela obérerait même l'atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a introduit une exonération du décompte de cet objectif pour l'installation de production d'énergie photovoltaïque, dès la loi « Climat-Résilience », de 2021253(*), puis la réalisation d'un réacteur nucléaire, dans la loi « Nouveau nucléaire », de 2023254(*).

De manière générale, le Sénat plaide pour que les projets de construction, d'aménagement, d'infrastructure ou d'équipement d'ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur, fassent l'objet d'une comptabilisation séparée et ne pèsent pas sur les enveloppes des collectivités territoriales : c'est tout l'objet de la proposition de loi d'initiative sénatoriale sur le « ZAN », largement adoptée par le Sénat, le 17 mars 2023255(*),256(*).

Les implications en matière d'artificialisation des sols posées par les projets liés à la transition énergétique ne sont pas négligeables. C'est une préoccupation pour les grands ports industriels, à l'image d'Haropa Port, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris et ambitionne d'y déployer des biocarburants et des carburants de synthèse : « Pour mettre en oeuvre ces projets, nous avons besoin de conserver notre foncier. Une proposition de loi du Sénat est sortie au sujet du zéro artificialisation nette, sujet d'importance pour nous. Nous ne pouvons pas imaginer passer du monde du raffinage au monde des nouveaux carburants sans consommer du foncier. ». Ce discours avait également été tenu par le président du directoire du Grand Port maritime de Marseille, M. Hervé Martel.

C'est aussi une préoccupation pour les porteurs de projets d'hydrogène, à l'instar d'Engie, qui a indiqué : « La rareté du foncier en France est aussi un problème. Le développement de capacités d'électricité renouvelable est nécessaire au développement de l'hydrogène renouvelable. Les discussions dans le cadre de la loi AER ont montré les difficultés à trouver du foncier pour de nouveaux parcs solaires et éoliens terrestres. »

Recommandation :

Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN), conformément à la démarche engagée par le Sénat.

3. La nécessité d'un dialogue d'ensemble entre secteurs

Il existe une multiplicité d'instances dans les domaines de l'hydrogène vert, de carburants de synthèse et de biocarburants.

Or, un manque de dialogue est palpable au sein de l'État.

L'administration centrale est partagée entre la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui élabore et applique la politique relative à l'énergie, la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui définit les moyens visant à améliorer la bioéconomie, la Direction générale des entreprises (DGE), qui met en oeuvre les PIIEC, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), qui met en oeuvre la TIRUERT, Direction générale de l'aviation civile (DGAC), en charge de la décarbonation des avions, la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) en charge de la décarbonation des transports routier, ferroviaire et fluvial, ou encore la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA), qui porte la transition écologique des activités maritimes...

Par ailleurs, plusieurs établissements publics interviennent : l'Agence de la maîtrise de l'énergie et de l'environnement (Ademe) pour le pilotage des AAP, le Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et IFP Énergies nouvelles (IFPEN) pour le pilotage des PEPR, l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour la gestion du Plan d'investissement, FranceAgriMer pour le suivi des marchés agricoles et d'une partie de la biomasse, et l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) pour des recherches dans ce domaine257(*)...

Dans une perspective de programmation et d'évaluation régulière, la mission d'information considère avec intérêt la création du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), dont la mission devra être évaluée. Elle ne peut qu'inviter à une forme de stabilité dans l'évaluation et la programmation d'ensemble des politiques publiques et au maintien d'une structure interministérielle stable.

À l'échelon local, un référent unique doit être expérimenté pour l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, tandis qu'un sous-préfet doit être désigné pour suivre les projets liés aux énergies renouvelables ou aux projets industriels liés à la transition énergétique, depuis la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023258(*).

Un manque de dialogue est également palpable entre les filières.

Ainsi, il existe un Comité biomasse et biocarburants, au sein de FranceAgriMer, des Comités stratégiques de filières259(*) au sein du Conseil national de l'Industrie (CNI), le Conseil national de l'hydrogène (CNH) et enfin des interprofessions agricoles260(*) ou des associations énergétiques261(*).

Les porteurs de projets sont en attente de davantage de cohérence de la part des administrations centrales et déconcentrées de l'État. C'est tout particulièrement le cas en matière de soutien public à l'industrie et à la recherche, où la juxtaposition de stratégies, de dispositifs et d'acteurs -nationaux et européens - ne facilite pas la tâche aux porteurs de projets.

Recommandation :

Développer les échanges entre filières pour accroître la cohérence des positions en vue de renforcer les acteurs économiques français.

4. Développer la production, la connaissance et les mécanismes de collecte de la biomasse

Lors de son audition, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a alerté sur la concurrence qui se fait jour sur l'accès à la biomasse : « Ce qui doit nous alerter, c'est que beaucoup d'acteurs s'intéressent à la biomasse agricole. Certes, c'est bon signe, mais il va falloir prioriser les usages pour éviter toute concurrence entre les opérateurs, sous la maîtrise du monde agricole et de l'aval. »

Au-delà des objectifs de la stratégie énergétique nationale, les éventuels conflits d'usage plus concrets dans l'utilisation de la biomasse devraient être identifiés et prévenus, avec l'actualisation de la stratégie nationale de mobilisation la biomasse (SNMB) et des schémas régionaux de biomasse (SRB), institués par les articles L. 211-8 du code de l'énergie et L. 222-3-1 du code de l'environnement, introduit par la loi de « Transition énergétique » de 2015262(*), en étroite collaboration avec les associations d'élus locaux qui ont un rôle important de co-construction à jouer.

Les biocarburants étant produits à partir de biomasse, leur potentiel de développement dans les années à venir dépend intrinsèquement des ressources de biomasse pouvant être mobilisées à cette fin. C'est pourquoi l'amélioration de la connaissance de la biomasse constitue un préalable indispensable à la décarbonation du secteur des transports par le biais des biocarburants ; pour s'assurer de l'adéquation entre les ressources de biomasses disponibles et les usages envisagés.

Ainsi, d'après la Cour des comptes, « s'agissant des différentes catégories de biocarburants et de leurs usages respectifs possibles, il pourrait être utile de mieux quantifier les ressources de biomasse disponibles et la quantité d'énergie qui peut en être extraite, et de mieux éclairer les différentes affectations possibles en anticipant les conflits d'usage potentiels. » Dans cette même perspective, l'Ademe estime nécessaire de définir une véritable gouvernance de la biomasse, et de « sortir d'une approche en silos, pour aller vers une analyse transversale et intégrée de la biomasse ». La mission souscrit à la proposition formulée par l'Ademe d'organiser et de favoriser une vision systémique de la biomasse par le biais d'instances dédiées, notamment à l'échelle régionale.

Le développement de la biomasse est, par nature, limité. Sa valorisation pour un usage énergétique est en outre contrainte par l'usage alimentaire prioritaire de la biomasse agricole. Comme l'a souligné Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, lors de son audition par la mission, « s'agissant du débat sur l'alimentation et les biocarburants, la mission première de l'agriculture est bien évidemment vivrière. Cependant, si cette production peut également permettre de créer de l'énergie et une économie circulaire, pourquoi se priver de ces débouchés ? (...) Je pense sincèrement qu'il faut éviter les conflits d'usages. »

Ce développement est également contraint par l'optimisation des services environnementaux rendus par la biomasse forestière. Il doit en outre tenir compte des effets du changement climatique sur la création de biomasse.

Cela étant, la mission a constaté que plusieurs scénarios d'évolution du potentiel « gisement » de biomasse disponibles pour la production d'énergies co-existent.

En tout état de cause, chacun des quatre scénarios de décarbonation identifiés par l'Ademe pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 suppose une consommation de biomasse bien supérieure à celle 2017 (cf. graphique ci-après), avec, en priorité, une forte mobilisation des biomasses végétales. À cet égard, d'après la stratégie nationale bas-carbone, deux tiers de la biomasse utilisée à horizon 2050 devrait provenir du secteur agricole.

Consommation de biomasses pour un usage énergétique en TWh
(par catégorie de biomasse)

Source : Ademe

Comme le résume l'Ademe : « La mobilisation croissante de la biomasse est nécessaire pour contribuer à la décarbonation de la France et peut aller de pair avec les transitions agroécologique et alimentaire. Néanmoins, la question de la capacité à mobiliser la ressource reste prioritaire, et ne pourra se faire sans accompagnement et sans politique dédiée permettant de structurer l'offre. »

Dans ce contexte, il est nécessaire d'identifier la biomasse disponible, et sous quelles conditions, d'une part, et de définir les leviers de mobilisation de cette biomasse, d'autre part.

S'agissant du premier point, plusieurs acteurs interrogés par la mission ont fait état d'un important potentiel agricole et forestier, susceptible de permettre la production de biomasse supplémentaire. Ainsi, pour l'Inrae, le potentiel de prélèvement forestier reste important s'il s'accompagne d'une bonne gestion de la forêt avec un renouvellement forestier qui évite les reboisements mono-espèces et des coupes plus respectueuses des sols avec maintien du carbone et des nutriments dans les sols. FranceAgriMer dispose d'une base de données - l'Observatoire national des ressources en biomasse - qui cherche à identifier les différents gisements de matières premières et leurs usages, mais cet outil, qui n'intègre en particulier pas le bois, ne permet pas à ce stade d'avoir une vision complète des enjeux de biomasse.

Concernant les leviers de mobilisation de la biomasse, l'Ademe considère qu'il s'agit d'une question particulièrement stratégique : « Il s'agit de trouver les conditions économiques, techniques et écologiques permettant de rendre la biomasse disponible sur le marché ». Plusieurs acteurs économiques ont ainsi indiqué à la mission d'information que l'accès aux matières premières était un enjeu primordial. Pour TotalEnergies, les déchets et résidus d'huiles aujourd'hui valorisés à La Mède - et bientôt à Grandpuits - s'appuient sur un gisement dont le développement s'amplifie « via une meilleure gestion des circuits de collecte notamment ». TotalEnergies ajoute que « le premier défi tient à la capacité de mobilisation de ces volumes qui, par définition, sont diffus : les gisements sont existants, mais nécessitent des efforts supplémentaires de manière à pouvoir répondre à la demande. »

D'après l'Inrae, plusieurs pistes doivent être explorées pour structurer la collecte de la biomasse, parmi lesquelles notamment :

- une efficacité accrue des étapes de récolte et de transport ;

- la densification de la biomasse après récolte, pour réduire les coûts de transport : la mission a vu une initiative de ce type conduite par la société Européenne de Biomasse, qui permet de densifier la biomasse ligno-cellulosique sous forme de pellets ;

- la réduction des distances de transport ou le recours à des moyens peu polluants ;

- le recours à des systèmes de production de biomasse permettant l'échelonnement de la fourniture sur l'année, afin de limiter les besoins de stockage.

Le président-directeur général de l'Inrae a par ailleurs signalé à la mission d'information le manque, à ses yeux, « d'un grand programme de recherche centré sur les bioénergies. Il existe bien un programme de recherche que l'on copilotera avec l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux, mais ce ne sont pas les bioénergies en tant que telles qui sont visées ».

Recommandations :

Mobiliser la biomasse :

- renforcer le suivi des ressources de biomasse, au travers d'instances et de schémas nationaux (stratégie nationale de mobilisation de la biomasse) et locaux (schémas régionaux biomasse), afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles ainsi que les impacts sur la biodiversité et les puits de carbone ;

- lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, sous le pilotage du ministère chargé de l'agriculture ;

- améliorer, en concertation avec les associations d'élus locaux, la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités ;

- compléter le programme de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de IFP Énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies.

5. Optimiser les stratégies de l'État et des collectivités territoriales, en assumant des priorités
a) L'urgence de fixer un cap clair et cohérent

Il existe une diversité de stratégies en matière d'hydrogène vert, de carburants de synthèse et de biocarburants.

À l'échelle nationale, aux côtés des documents généralistes, que constituent la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone, on dénombre des documents sectoriels : la Feuille de route des biocarburants avancés (2011) ; la Stratégie nationale de la recherche énergétique (2015) ; l'Engagement pour la croissance verte (ECV) sur les biocarburants aéronautiques (2017) ; la Feuille de route pour le développement des filières biocarburants aéronautiques en France (2018) ; la Feuille de route pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables dans les transports aériens (2020) ; la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France (2020) ; la Stratégie d'accélération «  Produits biosourcés et carburants durables » (2021) ; la Feuille de route technologique pour la recherche aéronautique civile (2018 et 2021) ; les Feuilles de route de décarbonation de l'aménagement, du bâtiment et du transport (2023)...

L'examen par le Parlement du projet de loi quinquennale sur l'énergie, et l'actualisation par le Gouvernement de la PPE et de la SNBC qui en découlera, doit être l'occasion de définir enfin une stratégie claire, cohérente et complète, en faveur de tels projets liés à la transition énergétique. Les enjeux relatifs à l'énergie, à la recherche, à l'agriculture, aux transports et à la fiscalité peuvent et doivent y être traités de concert.

Il faut sortir de cette juxtaposition de cette dizaine de feuilles de route et enfin fixer un cap clair et cohérent, en bonne intelligence entre l'État et les collectivités territoriales !

Prévu à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, le contenu du projet de loi quinquennale sur l'énergie pourrait d'ailleurs être complété par des objectifs afférents aux biocarburants (routiers, maritimes et aériens) ainsi qu'aux carburants de synthèse, qui n'y figurent pas explicitement, contrairement à l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. De plus, ces objectifs doivent être assortis d'évaluations crédibles, en matière d'électricité et de biomasse.

b) Prendre en compte de manière adaptée les initiatives prises par les collectivités territoriales, qui joueront de fait un rôle majeur dans la décarbonation des transports publics, ainsi que leurs contraintes
(1) Des initiatives nombreuses

L'État doit pleinement prendre en compte l'action des collectivités territoriales, qui joueront un rôle central dans la décarbonation des transports publics locaux et qui sont également, pour certaines d'entre elles, très en pointe dans le développement de filières de transport et d'énergie innovantes, soit directement, soit au travers de syndicats ou en tant que parties prenantes à certains pôles de compétitivité, comme la mission a pu le voir en région Auvergne-Rhône-Alpes au travers des pôles de compétitivité CARA, sur la mobilité, et TENERRDIS, sur l'énergie.

Plusieurs régions ont ainsi mis en place des stratégies régionales de développement de l'hydrogène ou de développement des filières de biocarburants. À la suite des annonces gouvernementales de soutien à la filière aéronautique, les présidentes des régions Occitanie et Ile-de-France ont-elles-mêmes annoncé des soutiens significatifs de leurs collectivités à cette filière.

Certaines collectivités régionales et départementales sont pleinement investies dans le développement de la filière hydrogène, tant dans le domaine de la production, comme la mission a pu le constater en auditionnant le président du conseil départemental de la Vendée, que de celui du déploiement de stations de distribution d'hydrogène, comme elle l'a vu sur le terrain dans le Rhône, à Saint-Priest, au travers du réseau Hympulsion soutenu par la région.

Les collectivités territoriales, en particulier régionales et intercommunales, jouent également un rôle majeur en tant qu'autorités organisatrices de la mobilité, ce qui revêt une importance essentielle pour la décarbonation des filières ferrovaire et de transport public local, dont elles assument la charge. Elles se retrouvent donc directement impactées par le coût des matériels (trains, bus, cars de transport scolaire...). Si plusieurs collectivités ont pris des initiatives motrices en la matière, cette question de la charge financière qu'elle implique pour elles doit être dûment prise en compte. Les métropoles sont également en première ligne pour la mise en oeuvre des zones à faible émission, auxquelles le Sénat a consacré un rapport récent263(*) soulignant les enjeux de mise en oeuvre et d'acceptabilité sociale.

Quelques initiatives impulsées par les départements

Dans la Manche, le projet BHYKE consistant à tester les vélos à hydrogène, pendant 3 ans, a permis de progresser sur la production de l'hydrogène. À Saint-Lô et Cherbourg par exemple, l'hydrogène était produit sur place, depuis l'eau du réseau et de l'électricité d'origine renouvelable et verte. En 2020, 5 suiveurs solaires ont été installés sur le site de la Maison du Département avec pour objectif d'alimenter un électrolyseur qui produira de l'hydrogène. Cet hydrogène permettra d'alimenter la flotte de véhicules du Département, des sapeurs-pompiers et de l'agglomération de Saint-Lô.

Plusieurs intercommunalités travaillent au développement de camions-benne à ordures ménagères à hydrogène. Après avoir accompagné Chéreau, qui - pour les tests de sa remorque frigorifique - s'est approvisionné sur sa station à hydrogène, le Département de la Manche a réuni des acteurs de premier ordre pour développer la mobilité poids-lourds. Il est ainsi prévu de mailler l'approvisionnement du territoire avec trois stations à hydrogène. L'hydrogène proposé dans ces stations serait produit par Lhyfe.

Le Département contribue également à la consolidation de l'écosystème hydrogène territorial en lançant une initiative hydrogène manchoise « H2 Manche ».

En Seine-et-Marne, dans le cadre de la politique CapMétha77 initiée par le département, le Syndicat Départemental des Énergies de Seine-et-Marne (SDESM), GRDF et GRTaz et le Département ont lancé en 2022 un dispositif unique en Ile-de-France : le Club CapBioGNV77. Mis en place en 2022, il vise ainsi, par le dialogue entre départements, intercommunalités, communes, entreprises des secteurs intéressés par le biogaz et producteurs, à faciliter l'émergence de stations d'avitaillement publiques de biogaz sur tout le territoire seine-et-marnais (objectif : 30 stations) et à accompagner la mutation des flottes captives des acteurs publics et privés pour une mobilité décarbonée et moins polluante.

La Vendée agit depuis 2014, au travers du SYDEV et de sa société d'économie mixte départementale Vendée Énergie, pour la décarbonation de la mobilité. Progressivement, le territoire vendéen se dote ainsi de 105 bornes de recharge pour véhicules électriques et de 7 stations distribuant du bioGNV produit avec des agriculteurs du territoire. Dès 2015les élus et acteurs vendéens ont également décidé de déployer un écosystème de mobilité hydrogène pour proposer un mix complet de carburants décarbonés produits localement.

Un partenariat a également été noué avec l'entreprise Lhyfe pour raccorder trois éoliennes terrestres, appartenant à Vendée Énergie, à l'électrolyseur de Lhyfe, afin de produire 300 kg d'hydrogène vert par jour ; bien que l'usine soit dimensionnée pour accueillir une production allant jusqu'à 1 tonne par jour. Le département juge indispensable le déploiement parallèle des infrastructures et des usages pour permettre l'implantation d'écosystèmes décarbonés durables.

Source : d'après les éléments communiqués par Départements de France

Les collectivités territoriales sont également autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) et les déchets municipaux peuvent servir de substrat utile aux carburants avancés, dans la perspective de la généralisation du tri à la source des biodéchets en 2025. La mission a pu avoir connaissance de projets innovants, y compris de production d'hydrogène par vaporeformage de biogaz issu des déchets, au travers du syndicat Trifyl.

L'enjeu est bien d'inscrire les projets dans des écosystèmes locaux, à proximité des gisements nécessaires, pour leur offrir un accès à l'électricité, à la biomasse ou au COnécessaires.

La vision de l'Ademe sur la coordination insatisfaisante des actions
menées par l'État et les collectivités territoriales et sur les réponses possibles

Aujourd'hui cette coordination n'est pas pleinement satisfaisante. En effet, il est essentiel de pouvoir coordonner les actions selon une double clé de lecture :

Planifier en consolidant les différents exercices de trajectoires inter vecteurs (H2, CO2, électricité, gaz ...) ce qui doit permettre de sortir des approches techniques “en silo”. L'un des exemples est de pouvoir articuler la révision des stratégies d'accélération “hydrogène” et “industrie” dans un même calendrier sans oublier les articulations nécessaires avec d'autres stratégies (transports, produits biosourcés, biotechnologies et carburants durables...) pour tenir compte des synergies et des potentiels effets antagonistes (notamment sur les ressources biomasse, CO2, électricité, hydrogène), et à terme alimenter les exercices de planification nationaux de type PPE.

et à différentes échelles (locale, nationale, européenne) pour avoir une analyse transversale et intégrée (avec des instances dédiées au plus proche des territoires notamment pour la biomasse) et pour éviter de financer des actifs échoués à terme (notamment pour ce qui concerne l'hydrogène).

À ce titre, l'appel à projets Zones Industrielles Bas Carbone (ZIBAC) lancé en 2022 dans le cadre de France 2030 et opéré par l'ADEME, peut être vu comme une première ébauche de réponse à ce besoin de planification inter vecteurs et multi échelles.

L'AAP ZIBAC vise à accompagner les dix zones industrielles françaises les plus émettrices en gaz à effet de serre (ex : Dunkerque, Fos-sur-Mer, Axe Seine, vallée de la Chimie, etc.) dans la construction de leurs trajectoires de décarbonation à horizon 2050. Ces démarches de maturation, portées par des consortiums réunissant les principaux acteurs industriels de chaque ZI, mais également les collectivités et acteurs portuaires associés, permettront de construire, via le financement d'études, différents scénarios de décarbonation intégrant la décarbonation des procédés industriels et permettront d'identifier et de chiffrer les besoins en déploiement d'infrastructures (chaleur, H2, CO2, renforcement du réseau électrique ...) ainsi que les tensions sur les ressources locales (eau, biomasse ...), tout en développement une gouvernance locale adaptée pour pouvoir piloter le déploiement de ces grands projets de décarbonation. Cet appel à projets ZIBAC est un dispositif en parfaite cohérence avec les annonces du Président de la République de pouvoir établir des feuilles de route territoriales de décarbonation de l'industrie. (...)

Au bout des deux ans de phase de maturation, l'objectif est que ces territoires basculent en phase d'accompagnement pour mettre en oeuvre la trajectoire de décarbonation privilégiée, planifier le déploiement des infrastructures territoriales nécessaires, et déclencher les investissements dédiés, et au besoin lancer des études complémentaires. Les résultats de ces projets ZIBAC devront permettre d'alimenter les réflexions de planification menées à l'échelle nationale sur les différentes thématiques abordées (biomasse, infrastructures H2, CO2 et électricité ...), qu'il s'agisse d'exercices de planification tels que la PPE ou d'exercices stratégiques tels que les stratégies nationales d'accélération et la SFEC qui doivent permettre de définir les usages prioritaires pour l'ensemble des ressources en tension et ainsi prioriser le déploiement (ou non) stratégique de nouvelles filières industrielles.

Source : Ademe

Les régions et les intercommunalités sont également mobilisées via les schémas régionaux d'aménagement durable, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), les schémas climat-air-énergie (SCRAE) ou les plans climat-air-énergie (PCAET).

L'effort de planification en direction de ces projets liés à la transition énergétique reste cependant inégal selon les territoires.

Pour répondre à ces incomplétudes, les associations nationales d'élus locaux doivent être consultées sur le projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat et un travail fin de préparation doit être mené dans les territoires. La mission a pris acte des « travaux de territorialisation de la planification écologique avec les collectivités locales », annoncés par le Gouvernement pour le deuxième semestre 2023. C'est cet indispensable travail de concertation avec les collectivités qui permettra la mise cohérence des SRADDET avec cette loi nationale, dans le plein respect de la liberté d'administration de ces collectivités.

Pour ce faire, les comités régionaux de l'énergie, qui ont été rendus compétents en matière d'hydrogène, par la loi « Accélération des énergies renouvelables », de 2023264(*), doivent être pleinement mobilisés. Ils pourraient d'ailleurs être rendus explicitement compétents en matière de biocarburants et de carburants de synthèse.

Lors de son audition par la mission d'information, la ministre de la transition énergétique a rappelé l'imbrication des schémas nationaux et locaux : « Nous aurons une loi énergie-climat, qui se déclinera en un premier décret - la PPE - et un second - la SNBC. Vous avez souhaité qu'il y ait une régionalisation de la PPE avec des objectifs régionaux déclinés dans les SRADDET, eux-mêmes en résonnance avec les PCAET.

De plus, elle a appelé à la révision des seconds schémas : « Cet enchaînement représente des délais, avec des SRADDET mis à jour de la PPE en 2025-2026. Rien n'empêche de commencer maintenant, avec deux vertus : on donne les perspectives nationales et voit de qu'il en résulte dans les territoires, en commençant par vérifier que l'ensemble des SRADDET égale la PPE, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; on renforce les gisements sur lesquels les élus locaux se sentent en capacité de faire ; il ne faut pas s'interdire de déboucher sur une contractualisation ; on a le droit d'avancer en temps masqué, car les décisions dans le secteur sont sans regret. »

Plus largement, elle a plaidé pour l'application des outils de planification offerts par la loi « Accélération des énergies renouvelables » : « La loi AER est une loi de planification énergétique. C'est vous qui l'avez souhaité, car cela ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Cela a été co-écrit avec les Parlementaires et les associations d'élus. Nous allons ouvrir les informations utiles permettant cette planification et des descriptifs pour chaque énergie. Cette planification territoriale démarre. Elle sera complexe, mais permettra de faire des élus des entrepreneurs d'énergie dans nos territoires. »

Recommandation :

Étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène.

(2) Prendre en compte les contraintes de collectivités territoriales dans le cadre des négociations européennes en cours

Plusieurs acteurs ont alerté la mission d'information sur les risques encourus par la révision du règlement sur la réduction des émissions des véhicules lourds de 90 % d'ici à 2040. Ce règlement prévoit notamment que tous les nouveaux bus urbains vendus dans l'Union européenne soient zéro-émissions dès 2030265(*), ce qui, d'après la Région autonome des transports parisiens (RATP), « se traduira par une obligation pour toutes les collectivités, quels que soient leur taille et leurs choix technologiques et investissements antérieurs, à acquérir uniquement des bus électriques ou à hydrogène - beaucoup plus onéreux que des bus diesel ou au gaz ou au biogaz - et ceci dans un délai extrêmement resserré ». En tout état de cause, cela conduirait à une réorientation énergétique de la RATP - le programme engagé à ce jour prévoyant un renouvellement 50/50 électrique et biométhane - avec un certain nombre de « dépenses frustratoires ». Ces craintes sont partagées par l'Association des maires de France qui a souligné, auprès de la mission d'information, que le projet de règlement, s'il était adopté en l'état, pourrait aboutir à « une réduction du nombre de bus en circulation et donc de voyageurs transportés », compte tenu des contraintes financières des collectivités.

Aussi, et compte tenu des doutes quant à la faisabilité de cet objectif et eu égard aux conséquences financières pour les autorités organisatrices de la mobilité et leurs réseaux de transport public, le Groupement des autorités responsables de transport (GART), l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et la Plateforme automobile (PFA) ont adressé une lettre commune à la Première ministre relayant ces craintes, tout comme le président de l'Association des maires de France. Ils proposent notamment de reporter l'objectif de réduction de 90 % des émissions des véhicules lourds de 2030 à 2035, avec la possibilité d'une clause de revoyure et demandent de ne pas interdire, à court terme, « la vente des bus au biogaz alors que le financement d'installations de biogaz pour les transports publics urbains se poursuit en Europe, conformément à la directive “Véhicules propres” et au projet de règlement pour une industrie “zéro net” qui inclut le biogaz dans les huit technologies prioritaires “contribuant de manière significative à la décarbonation” »266(*).

Régions de France a indiqué à la mission d'information que la révision de ce règlement interrogeait également les régions « au regard des investissements pris par les AOM pour développer les filières bioGNV notamment, maillon essentiel de la transition de la filière des transports ».

Dans une contribution écrite adressée à la mission d'information, l'AMF souligne « qu'un bus diesel aux normes Euro 6 coûte aujourd'hui autour de 250 000 euros, quand un bus électrique coûte entre 350 000 et 500 000 euros, auxquels il faut ajouter autour de 100 000 euros pour les batteries. Quant aux bus à hydrogène, il n'existe pas de modèle en-dessous de 600 000 euros. Si les collectivités territoriales devaient se voir imposer, lors du renouvellement de la flotte, de n'acheter que des bus électriques ou hydrogènes, elles ne seraient probablement pas en mesure de renouveler les véhicules à un pour un, et seraient donc contraintes... de réduire la flotte, c'est-à-dire de réduire l'offre et donc de transporter moins de voyageurs. À moins d'acheter des véhicules certes moins chers, mais produits en Chine, ou de faire rouler plus longtemps de vieux véhicules diesel plus polluants, deux solutions qui apparaissent comme une aberration écologique ».

La mission d'information demande au gouvernement de prendre pleinement en compte les initiatives mises en oeuvre par les collectivités territoriales ainsi que leurs contraintes dans les négociations européennes en cours, faute de quoi le résultat opérationnel pourrait être l'inverse de celui attendu.

c) Privilégier les usages les plus pertinents

Au regard des éléments qui précèdent, les auditions auxquelles la mission a procédé convergent vers l'idée de tensions dans le bouclage énergétique global, tant du point de vue de la biomasse que de la disponibilité de l'électricité requise, ce qui conduit à insister sur le fait que la problématique des carburants ou vecteurs énergétiques pour les transports ne constitue qu'une mesure parmi d'autres, avec notamment la modération et l'efficacité énergétique, pour permettre l'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050.

La perspective du projet de loi quinquennal sur l'énergie et le climat, qui fournira le cadre de référence pour les futures PPE et SNBC, doit conduire à un cadre de fléchage pertinent des usages prioritaires de la biomasse et de l'électricité, et donc indirectement de l'hydrogène.

Or, comme indiqué plus haut, le contenu du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat, prévu à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, ne vise pas explicitement les biocarburants ou les carburants de synthèse, au contraire de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. De plus, la PPE et la SNBC peuvent mieux prendre en compte ces trois filières.

Comme le souligne l'Ademe, l'enjeu est de « planifier en consolidant les différents exercices de trajectoires inter-vecteurs (H2, CO2, électricité, gaz ...) et à différentes échelles (locale, nationale, européenne) pour avoir une analyse transversale et intégrée (avec des instances dédiées au plus proche des territoires notamment pour la biomasse) et pour éviter de financer des actifs échoués à terme (notamment pour ce qui concerne l'hydrogène) ».

La priorité doit donc reposer sur des choix sans regrets, c'est-à-dire à privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles, en prenant en compte le rendement énergétique, le coût des technologies et l'efficacité environnementale des carburants ou vecteurs énergétiques.

Ainsi que l'avait souligné Thibaut Cantat, directeur de recherche au CEA, « l'interrogation essentielle doit (...) porter sur la raison de l'utilisation des carburants durables, qui doivent être envisagés en fonction du service que nous en attendons. (...) Nous devons d'abord nous focaliser sur l'utilisation de l'hydrogène et des carburants de synthèse dans les secteurs d'activité pour lesquels il n'y aura pas d'alternatives, ce qui permet de dépasser la question du rendement ».

Cela ne signifie pas forcément une solution unique pour chaque mode de transport : les feuilles de route de décarbonation adoptées par les différentes filières montrent une pluralité de solutions celles-ci devant être adaptées aux cas d'usage, comme cela a été présenté dans la deuxième partie du rapport.

La mission considère ainsi que l'électrification en cours dans le domaine automobile, en dépit des réserves initiales, a sa cohérence et que, compte tenu du bon rendement de l'électrification directe, les usages pouvant bénéficier de celle-ci doivent être privilégiés. A contrario, le secteur aéronautique, plus complexe à décarboner compte tenu des contraintes des aéronefs, devrait prioritairement avoir accès aux carburants de synthèse.

Cela ne signifie pas non plus une trajectoire linéaire. S'agissant des carburants d'aviation durables, la direction générale des entreprises relève ainsi que leur production, « en particulier les e-fuels, nécessite de grandes quantités d'hydrogène décarboné et, partant, d'électricité. En particulier d'ici 2030, il y aura une forte concurrence pour l'accès à cette ressource. La DGE propose de privilégier l'hydrogène pour la décarbonation d'usages industriels existants comme la sidérurgie et la production d'ammoniac (pour les engrais et la chimie) afin de préserver leurs chaînes de valeur. Dans une optique d'utilisation la plus efficiente des ressources, ce sont les projets de production de [carburants d'aviation durables] à partir de biomasse qui devraient être privilégiés d'ici 2030, par rapport à l'installation éventuelle de capacité d'électrolyse nécessaire à la production d'e-fuel sur le territoire français, si leur compétitivité sur le territoire français peut être démontrée (notamment par rapport à un scénario d'importation) ». La mission considère pour sa part que la France doit viser autant que possible la mise au point d'une filière lui permettant de réduire très largement sa dépendance énergétique.

Les priorités établies ne doivent pas non plus conduire à effectuer des choix technologiques que la France pourrait regretter : la mission d'information recommande ainsi de raisonner en termes de bilan carbone plutôt qu'en termes de technologie, ce qui n'empêche pas de concentrer une part significative des moyens au décollage des filières qui semblent les plus prometteuses, comme celle des électrolyseurs.

Recommandation :

Adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux :

- prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de COdes véhicules lourds ;

- étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi quinquennale sur l'énergie et le climat ;

- privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques ;

- raisonner, pour l'essentiel, en termes de bilan carbone et d'efficacité énergétique plutôt qu'en termes de technologie ;

- concentrer une part significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses.

C. FAIRE DES CHOIX D'ACCOMPAGNEMENT INDUSTRIEL, ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Les priorités établies dans le cadre du futur projet de loi quinquennale pour l'énergie et le climat devront être mises en cohérence sur le plan de l'accompagnement des filières industrielles et des clients finaux.

1. Soutenir les filières industrielles
a) Maintenir dans la durée l'effort de l'État, en veillant aux résultats obtenus

La mission d'information considère qu'en dépit des contraintes budgétaires évoquées précédemment, les priorités arrêtées dans le cadre du prochain projet de loi de programmation pour l'énergie et le climat devront faire l'objet d'un accompagnement fort.

Pour contrer l'Inflation Reduction Act (IRA), par lequel les États-Unis subventionnent massivement les projets liés à la transition énergétique, la France et l'Union européenne doivent adapter leur cadre d'intervention, afin de passer du stade de la R&D à celui de l'industrialisation.

D'une part, les aides doivent être lisibles. Face à la multiplicité des opérateurs et des stratégies, il faut offrir aux porteurs de projets des appels d'offres dédiés, précisant l'objectif poursuivi et le montant mobilisable ainsi qu'un référent unique, rassemblant l'ensemble des services de l'État et de ses établissements, et des pratiques harmonisées.

D'autre part, les aides doivent être neutres. Pour favoriser l'innovation, il est préférable que l'État fixe une obligation de résultat en laissant les porteurs de projets libres des moyens. L'enjeu est, de la sorte, de garantir une neutralité technologique, en préférant des critères reposant sur le contenu carbone plutôt qu'une prescription technologique. Enfin, les aides doivent être adaptées.

Au-delà des mandats d'incorporation (pratiqués en Europe), qui soutiennent la demande, des incitations doivent être promues (comme aux États-Unis), pour soutenir l'offre. Le montant de ces aides doit être suffisant, à même de couvrir les coûts, et leur nature diverse, en investissement (Capex) ou en fonctionnement (Opex).

Le constat vaut pour les biocarburants comme pour les carburants de synthèse ou l'hydrogène vert, ainsi que l'a souligné le CEA : « Concernant les aides nationales ou européennes, le point de vue du CEA est qu'elles portent le plus souvent sur le CAPEX, alors que des aides à l'OPEX, permettant par exemple de garantir des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, sont souvent attendues pour amorcer la filière. Comparativement, l'Inflation Reduction Act (IRA) américain joue à la fois sur le CAPEX et l'OPEX ».

Le soutien à la recherche, qui constitue un atout majeur de la France, doit également être maintenu.

Enfin, il doit veiller à prévoir des dispositifs d'accompagnement des filières en transition, comme celles des raffineries ou de la réparation automobile.

Recommandation :

Soutenir le développement des filières :

- maintenir un soutien élevé à la recherche-développement (R&D) et à l'investissement innovant ;

- mettre en place des aides pour les dépenses d'exploitation (OPEX), permettant par exemple de garantir des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, afin d'amorcer les marchés ;

- prévoir des dispositifs d'accompagnement des filières en transition.

b) Répondre à l'enjeu de formation

L'adaptation des métiers et des compétences doit constituer un axe fort en tant que tel.

La filière, émergente, de l'hydrogène est tout spécialement concernée : dans la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France de 2020267(*), le Gouvernement a identifié le potentiel de la filière entre 50 000 et 150 000 emplois au total. De son côté, la DGEC a évalué les emplois directs à un nombre compris entre 10 000 et 50 000 et les emplois indirects à un nombre pouvant aller jusqu'à 150 000.

Selon France Hydrogène, jusqu'à 84 métiers, dont 49 sont accessibles après un bac+ 5 et 17 sont d'ores et déjà en tension, alors qu'ils sont nécessaires.

Dans ce contexte, EDF a indiqué que « comme les autres filières de la transition énergétique, la filière hydrogène va faire face à des besoins importants en savoir-faire et compétences pour la maîtrise, la maintenance et la sécurité des technologies » et TotalEnergies a relevé que « s'agissant des compétences, la production d'électrolyseurs est un savoir-faire compliqué qui nécessitera du temps avant un passage à l'échelle industrielle. Actuellement, seules trois grandes entreprises mondiales disposent de ce savoir-faire. »

La mission d'information a constaté, lors d'une visite de l'usine Symbio à Vénissieux, l'intérêt de la démarche de « Symbio Hydrogen Academy », qui dispense des cycles de formation spécifiques à l'hydrogène en partenariat avec plusieurs écoles, industriels et acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec le soutien de celle-ci. Des démarches de ce type paraissent devoir être soutenues et accompagnées.

Cet enjeu de la formation ne concerne pas que l'hydrogène, mais bien l'ensemble des filières industrielles. Lors de son audition, M. Dominique Lagarde, au titre d'Enedis, avait souligné l'ampleur des besoins de main d'oeuvre dans le secteur des réseaux : « Nous prenons ce sujet à bras le corps avec une école des réseaux électriques. Elle vise, avec l'ensemble de la filière, à recenser les besoins dans la durée et d'y mettre des dispositions pour y répondre. Aujourd'hui, 8 600 personnes sont formées à l'électricité à partir du bac professionnel ou des BTS. Elles alimentent l'ensemble des activités électriques du pays. Les besoins de la filière réseau électrique représentent ce montant. Nous risquons donc de manquer de moyens humains. Nous devons tous travailler ensemble sur ce point ».

Recommandation :

Mettre en place une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nouveaux besoins des filières.

2. Donner des perspectives claires au secteur des biocarburants
a) Un levier indispensable de décarbonation à court terme

Depuis la guerre lancée par la Fédération de Russie en Ukraine, l'Union européenne a pris conscience de l'urgence de décarboner et de relocaliser son énergie. C'est une nécessité économique existentielle. Il ne faut donc omettre aucun levier d'action, même modeste.

Les biocarburants en sont un, parfois le seul disponible technologiquement ou abordable économiquement. Ils doivent donc être mobilisés, dès lors qu'ils bénéficient effectivement aux agriculteurs et aux consommateurs.

À court terme, les biocarburants demeurent ainsi le premier levier de décarbonation du secteur des transports. Tant que les moteurs thermiques seront en service, ils continueront à être utiles aux véhicules routiers légers. Par ailleurs, de nombreux secteurs268(*), pour lesquels l'électrification n'est pas toujours possible, ont fait part de leur intérêt pour les biocarburants ou le bio-GNV, qu'ils s'agissent de modes de transport (aérien, ferré, maritime, fluvial, routier lourd ou collectif, fluvial) ou d'engins plus spécifiques (engins agricoles, travaux publics).

La DGITM a rappelé leur large utilisation pour les transports : « Les biocarburants sont utilisés dans l'ensemble des carburants liquides présents dans les transports terrestres lorsqu'ils ne sont pas électrifiés : véhicules légers, transports collectifs de voyageurs, véhicules lourds, trains (non électrifiés consommant du gazole, bateaux fluviaux [...] L'utilisation de biocarburants / carburants de synthèse sera précieuse pour le transport routier ».

Il en est de même de la DGEC : « À court terme, tant que les moteurs thermiques sont encore en service, les biocarburants conventionnels et avancés liquides sont une solution de décarbonation incontournable. Certains biocarburants conventionnels ou avancés peuvent être utilisés sous forme de carburants spécifiques dans le cadre de flottes captives professionnelles [...]. Les biocarburants avancés seront également une solution de décarbonation importante pour le secteur aéronautique [...] Dans le maritime, le méthanol de synthèse semble être une solution prometteuse en complément des carburants renouvelables déjà existants [...] Dans le secteur ferroviaire, le diesel pour les lignes non électrifiables pourrait être remplacé. [...] Les biocarburants conserveront un rôle important dans les secteurs où l'électrification ne pourra répondre aux enjeux de la transition énergétique. »

b) Une capacité d'évolution sur le long terme

À long terme, les biocarburants sont en capacité d'évoluer. Les filières du biogazole et du bioéthanol se sont déjà mobilisées pour produire, au-delà des biocarburants conventionnels disponibles à la pompe pour les véhicules particuliers, des carburants fortement incorporés (B100, ED95), issus d'un hydrotraitement à l'hydrogène (HVHTE, HVHTG269(*)) ou encore de synthèse (XTL) réservés à des flottes captives de véhicules professionnels. Elles identifient les secteurs aérien et maritime comme des débouchés potentiels, et investissent dans la production des carburants de synthèse (Fischer-Tropsch, Alcohol-to-Jet). En France, il existe déjà une filière mature, dite « 1 G+ », à même de produire des biocarburants aéronautiques à partir d'huiles végétales ou de graisses animales usagées. Aux côtés des filières du biogazole et du bioéthanol, celle du bio-GNV, si elle n'a pas connu son plein essor, peut être utile pour décarboner certains secteurs (maritime, routier lourd ou collectif) ou développer des carburants de synthèse (Power-to-Gas).

Les acteurs de la filière biogazole ont conscience de la nécessité d'évoluer, ainsi que l'a indiqué EsteriFrance : « En ce qui concerne le biodiesel, une décroissance dans le secteur routier s'annonce, mais notre filière reste apte à contribuer à la décarbonation dans les années qui viennent. [...] Les biocarburants de type EMAG, issus d'huiles végétales, de graisses animales ou d'huiles usagées sont aujourd'hui des filières bien développées et donc aptes à répondre immédiatement à l'obligation de décarbonation fixée par l'Union européenne dans le cadre du Paquet “Fit for 55” [...] Le secteur aérien pourrait également être un débouché intéressé pur certaines matières que nous utilisons dans nos usines de production [...] Le maritime pourrait aussi être un débouché d'avenir ».

Il en va de même des acteurs de la filière bioéthanol, comme l'a fait observer le SNPAA : « Nous constatons également une augmentation des obligations de décarbonation des autres secteurs, notamment l'aviation et le maritime. Les attentes y sont importantes. Le bioéthanol pourrait y contribuer via la voie E-t-J. Au regard des ambitions de décarbonation des transports, il ne faut se priver d'aucune solution. À ce titre, les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont une ressource nouvelle dont le développement offre une opportunité significative pour le biogaz et les biokérosènes [...]. Lors de la fabrication du bioéthanol, le COissu de la fermentation est aujourd'hui capté essentiellement pour les usages de l'agroalimentaire. Dans l'avenir, il sera possible d'en capter plus et de s'en servir pour produire des essences synthétiques durables en les combinant avec de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone obtenu par électrolyse de l'eau. »

Face à ces évolutions, le Gouvernement estime que les filières des biocarburants conventionnels seront préservées jusque 2030, mais devront évoluer d'ici 2050, insistant sur le besoin d'évolution et d'investissement.

La DGEC considère que le devenir de la filière biogazole est plus prévisible que celui de la filière bioéthanol : « La filière historique de production (biocarburants conventionnels) va voir son avenir garanti avec une extension du plafonnement des matières premières en concurrence alimentaire à l'ensemble du secteur des transports plutôt que les seuls secteurs routiers et ferroviaires, permettant de compenser la baisse attendue de consommation d'énergie dans les transports à l'horizon 2030. À l'horizon 2050, les besoins existeront en biodiesel, en revanche sur le bioéthanol, le maintien reste incertain. »

De plus, elle estime que le passage des biocarburants conventionnels à ceux plus avancés nécessitera des investissements élevés et induira de profonds changements, qu'il s'agisse des filières d'énergie en aval ou de celles agricoles en amont : « Jusqu'à aujourd'hui, la consommation de biocarburants était surtout portée par la consommation de biocarburants conventionnels, issus de cultures alimentaires. De par son fort potentiel agricole et la bonne intégration des usines de transformation, la France est très bien positionnée sur ce segment. En revanche, le développement des biocarburants avancés s'effectuera sur des ressources non agricoles pour lesquels les usines existantes ne sont pas adaptées et nécessiteront d'importants investissements. »

S'agissant de la filière plus spécifique du bio-GNV, elle reste marginale, selon l'Ademe : « L'utilisation du bio-GNV pour les véhicules légers n'a pas véritablement décollé, elle reste marginale ».

Pour autant, son potentiel est important, selon les acteurs de la filière, dont Engie : « Le biométhane "1G “ est déjà mature, alors que le "2G “ et l'Hsont en développement (projets nombreux, mais en attente de réalisation). [...] Pour le maritime (containers, vraquiers, tankers), il y a eu beaucoup de communication autour des navires zéro-émission (hydrogène et e-ammoniac), mais les solutions à court terme sont le e-méthane et le e-méthanol, avec des dynamiques variables selon qu'il s'agit de convertir les navires ou d'en commander des neufs. Pour le transport routier de marchandises, la seule alternative massive à court terme est le gaz en général et le biométhane en particulier. »

Pour relever les défis auxquels les biocarburants sont confrontés, trois évolutions sont nécessaires.

c) Stabiliser le cadre européen

Le premier défi concerne la stabilité du cadre européen.

Dans les textes européens rattachés au paquet « Ajustement à l'objectif 55 » (directive « EnR 3 », ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime), le calcul de l'objectif européen de 7 % afférent aux biocarburants conventionnels sur l'ensemble du secteur des transports, et non sur les seuls secteurs routier et ferroviaire, de même que l'institution d'objectifs d'incorporation sur les biocarburants avancés ou les carburants synthétiques ou le maintien d'un double comptage pour les biocarburants issus de déchets et de résidus sont accueillis positivement par les filières françaises des biocarburants. Ils sont de nature à consolider leurs débouchés actuels (routiers) et en ouvrir de nouveaux (aérien et maritime). Aux côtés des biocarburants conventionnels pourront ainsi être développés des biocarburants avancés et des carburants de synthèse.

Pour aller plus loin, les matières autorisées pour la production biocarburants avancés doivent englober les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), pour permettre aux filières françaises des biocarburants de diversifier leur production sur le plan des générations. L'interdiction qui prévaut en France de recourir à certaines cultures présentant un risque élevé de CASI (palme, soja) doit être appliquée à l'échelle de l'Union. À terme, l'objectif d'incorporation du secteur aérien pourrait être ouvert aux biocarburants de première génération, si des distorsions de concurrence apparaissaient avec d'autres pays y recourant (dont les États-Unis), tandis que celui du secteur maritime pourrait gagner en exhaustivité et en normativité (à l'image du secteur aérien).

Interrogée par la mission d'information, la ministre de la transition énergétique avait fait valoir que le plafond de 7 %, « inscrit dans le droit européen, le code de l'énergie, le code des douanes et dans notre stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée », donne une bonne visibilité aux acteurs. Elle avait estimé qu'il n'y avait « pas lieu de le modifier à court terme, ni à la hausse ni à la baisse ». La mission considère que ce niveau doit au minimum être préservé, voire qu'il pourrait être envisagé de le relever.

d) Améliorer la lisibilité de la stratégie nationale

Le second défi porte sur la lisibilité de la stratégie nationale.

Si, depuis les années 2000, un effort public bien établi existe en faveur des biocarburants, il pâtit de plusieurs difficultés : une illisibilité sur le plan des objectifs ; une instabilité sur le plan des moyens.

Pour corriger cette première difficulté, il faut clarifier le cadre stratégique, à l'occasion de l'examen au Parlement du projet de loi quinquennale sur l'énergie. Tout d'abord, les objectifs nationaux prévus pour les biocarburants, articles L. 100-4 et L. 641-6 du code de l'énergie, dont celui de 15 % de carburants renouvelables d'ici 2030, doivent être relevés à la hauteur de ceux européens et complétés sur le plan des secteurs (aérien et maritime) et des technologies (carburants aériens durables et de synthèse). L'objectif national de 10 % d'ici 2030, prévu pour le gaz renouvelable, doit lui aussi être rehaussé. Chaque loi quinquennale doit être l'occasion de se pencher sur l'ensemble des biocarburants (conventionnels, avancés et synthétiques) qui doivent donc être inscrits explicitement à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, à l'instar de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone.

Les PPE et SNBC qui découleront de cette loi quinquennale doivent aussi être révisées, de manière à présenter cette fois une approche globale pour la filière des biocarburants.

Actuellement, en effet, la PPE ne fixe qu'une trajectoire lacunaire et, parfois, critique en matière de biocarburants. Elle ne comporte que des objectifs d'incorporation pour l'essence et le gazole, utiles au secteur routier, omettant ainsi celui prévu pour le carburéacteur, et donc le secteur aérien. De plus, elle ne prévoit aucun objectif s'agissant des types de véhicules, des technologies de conversion (boîtiers « Flex Fuel ») ou des stations de recharge, contrairement à la mobilité électrique. Enfin, l'effort de R&D, en direction des biocarburants avancés ou des carburants synthétiques n'y figure pas. Si la PPE n'est pas satisfaisante pour les biocarburants, elle ne l'est pas non plus pour le bio-GNV : les stations sont bien visées, mais aucune cible de consommation n'est prévue, contrairement aux autres usages du biogaz, ni aucun type de véhicule, contrairement à la mobilité électrique. Au-delà de la PPE, l'élaboration de la SNBC doit être le moment d'un exercice de prospective, concerté et cohérent, pour identifier les prérequis nécessaires à l'essor des biocarburants avancés et des carburants de synthèse : l'électricité, la biomasse, le CO2.

e) Clarifier l'enjeu fiscal

L'action des pouvoirs publics en direction des biocarburants doit aussi être clarifiée sur le plan budgétaire et fiscal.

Les filières françaises des biocarburants sont en attente d'un cadre fiscal plus stable, tant pour la TIRUERT que pour la TICPE.

Les tarifs réduits d'accise dont bénéficient les biocarburants

Les tarifs réduits d'accise s'appliquent afin de favoriser la consommation de carburants plus vertueux pour l'environnement. Ils s'élèvent à

- 12,157 €/MWh pour l'éthanol-diesel ED95 (dépense fiscale d'un million d'euros en 2020 et 2021) ;

- 12,905 €/MWh pour le gazole B100 (dépense fiscale de 2 millions d'euros en 2019, 7 millions d'euros en 2020, 25 millions d'euros en 2021) ;

- 74,576 €/MWh pour le SP95-E10 (dépense fiscale de 107 millions d'euros en 2019, 95 millions en 2020, 121 millions d'euros en 2021) ;

- 17,894 €/MWh pour le superéthanol E85 (dépense fiscale de 185 millions d'euros en 2019, 193 millions d'euros en 2020, 256 millions d'euros en 2021).

À titre de comparaison, le tarif normal d'accise appliqué aux gazoles est de 59,40 €/MWh et celui appliqué aux essences est de 76,826 €/MWh.

Source : réponse de la direction de la législation fiscale au questionnaire
de la mission d'information

Or, plusieurs éléments sont susceptibles de contrarier cette attente.

La Cour des comptes, dans son rapport précité sur la politique de développement des biocarburants, s'est interrogée sur la pertinence et la validité du cadre fiscal applicable aux biocarburants au regard de la réglementation européenne sur les accises270(*) et a proposé de fonder les réductions de tarifs de TICPE accordées pour la mise à la consommation de carburants SP95, E10, E85, ED95 et gazole B100 sur des données fiables et objectives de surcoût de fabrication de carburant. Elle a ainsi mis en cause la cohérence des montants de TICPE appliqués aux différents types de carburants et critiqué tout particulièrement le traitement très favorable dont bénéficie l'E85.

Au-delà de ces interrogations formulées par la Cour des comptes, la direction de la législation fiscale a appelé l'attention de la mission d'information sur les évolutions récentes du cadre européen, et en particulier sur l'adoption d'une révision du règlement n° 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, dit RGEC, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 23 juin 2023.

La direction de la législation fiscale (DLF) a ainsi précisé à la mission d'information que, s'agissant des tarifs réduits d'accise en faveur des biocarburants, cette révision prévoit que :

- pour les biocarburants avancés, ces tarifs réduits seront réputés compatibles et exemptés de notification, y compris lorsqu'ils sont inférieurs aux minima de taxation fixés par en annexe I de la directive 2003/96 ;

- pour les biocarburants de première génération, ces tarifs réduits ne seront plus réputés compatibles ni exemptés de notification, y compris lorsqu'ils sont supérieurs à ces mêmes minima.

Cette évolution pourrait selon la DLF déboucher sur une réévaluation des régimes fiscaux applicables aux biocarburants de première génération, qui devront à l'avenir faire l'objet d'une notification à la Commission européenne au titre du contrôle des aides d'État.

Or cette réévaluation va se conjuguer à l'extension du mécanisme de système de quotas d'émission de COprévu par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 »(ETS2), qui s'appliquera à compter du 30 juin 2024 aux personnes mettant à la consommation des carburants et des combustibles utilisés pour le logement et le transport. Ce système ne s'appliquera pas aux carburants et combustibles consommés dans les secteurs soumis au système de quotas préexistant et dont il est indépendant (ETS1 concernant l'industrie lourde et la navigation commerciale aérienne et maritime) et il ne s'appliquera pas non plus, sauf s'il en est décidé autrement au niveau national, aux produits consommés pour les besoins des transports non routiers (ferroviaires, fluviaux et, lorsqu'ils ne sont pas couverts par l'ETS1, aériens et maritimes), de la pêche ou de l'agriculture.

En revanche, l'obligation de restitution de quotas de CO2, qui s'appliquera pour les carburants et combustibles mis à la consommation à compter du 1er janvier 2027, représentera, pour les metteurs à la consommation, une charge financière qui a vocation à être répercutée sur les consommateurs finaux, lesquels pourraient par ailleurs subir concomitamment une révision de la fiscalité applicable aux biocarburants.

D'après le scénario central de la Commission européenne, reposant sur un prix du COde 50 euros la tonne, l'ETS2 conduirait, d'ici 2030, à des hausses de prix hors taxes comprises, selon les produits (gazole, essence, fioul, gaz naturel, GPL), entre 9 €/MWh et 12 €/MWh , qui seront supportées par les ménages et les entreprises sur leurs factures d'énergie. L'évolution de ce système engendrera donc une hausse générale et peu prévisible du prix des énergies portant sur la fraction fossile de ces carburants.

De fait, en accroissant mécaniquement la différence de prix entre les énergies fossiles et les énergies autres que fossiles, il devrait favoriser le recours aux biocarburants, un produit contenant les deux formes d'énergie devant connaître une hausse de prix proportionnelle à son contenu en énergie fossile. Néanmoins, la concomitance des deux évolutions réglementaires européennes peut s'avérer perturbatrice, et en tout état de cause, la facture pour le consommateur augmentera. C'est un point que la mission tient à souligner, car la sensibilité des consommateurs à l'évolution du prix des carburants est élevée.

Interrogée lors de son audition, la ministre de la transition énergétique, Mme Agnès Pannier-Runacher s'était montrée rassurante en évoquant les négociations en cours sur la directive relative à la taxation de l'énergie, qui requiert l'unanimité pour être adoptée, mais ces propos rassurants pourraient être invalidés par le cumul de l'ETS2 et du RGEC. Il convient donc que le Gouvernement se montre offensif pour défendre les biocarburants de première génération auprès de la Commission européenne, d'une part, dans les négociations en cours sur la directive sur la taxation de l'énergie et, d'autre part, dans les éventuelles notifications de taux réduits d'accises.

Un cadre budgétaire plus ambitieux est aussi souhaité, notamment pour les appels à projets, selon une même trajectoire pluriannuelle. Cela passe par une sanctuarisation des moyens des opérateurs (ANR, CEA, CNRS, IFPEN, Ademe) et des PEPR (H2, B-Best, SPLEEN). Pour les biocarburants, il faut prolonger l'AAP CarbAéro dédié de l'Ademe, dédié aux carburants aéronautiques durables, et concrétiser les annonces du Bourget (200 millions d'euros pour les carburants aériens durables). Pour le bio-GNV, il faut appliquer le complément de rémunération, prévu à l'article L. 446-7 du code de l'énergie.

Le SNPAA a ainsi indiqué : « Il nous semble important que la PPE et la SNBC donnent un signal au développement pour les biocarburants 1 G. [...] Les biocarburants 1G ont également besoin du maintien d'un cadre incitatif et sécurisant par rapport aux pays tiers [...] Nous demandons que les biocarburants 1G durable au sens de la RED soient dans la même catégorie fiscale et au même niveau de taxation que les autres carburants durables dans la future directive sur la taxation des énergies. »

Dans le même esprit, EsteriFrance a affirmé : « Notre secteur a surtout besoin de visibilité et de stabilité sur le cadre réglementaire dans lequel il peut opérer afin de pouvoir réaliser des investissements et de faire évoluer les productions [...] Comme les biocarburants fabriqués à partir de cultures alimentaires ne devraient pas être éligibles aux carburants d'aviation durable ni aux carburants maritimes durables, le plafond pour ces modes de transport pourrait être transféré au transport terrestre ».

Quant au SER, il s'est exprimé en ces termes : « Un cadre stratégique et systémique doit être fixé dans le cadre de la prochaine PPE et des appels à projets dédiés parmi les opérateurs de l'État, pour accompagner le développement de chacun des éléments composant la chaîne de valeur des 1 G et 2G (unités de production, maillage des points de distribution, offres de véhicules adaptés) [...] Une fiscalité incitative pour les biocarburants nécessite d'être maintenue ».

Recommandations :

Clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants :

- donner de la lisibilité aux politiques de soutien nationale et européenne ;

- consolider voire relever le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ;

- défendre un cadre fiscal favorable au développement de la filière des biocarburants de première génération ;

- accompagner l'émergence de la filière de deuxième génération.

Évaluer les risques de hausse du prix des carburants résultant du nouveau cadre européen et mesurer son acceptabilité sociale.

3. Améliorer la lisibilité et la pertinence de la TIRUERT

Pour favoriser l'utilisation des biocarburants et réduire les émissions de gaz à effet de serre, la loi de finances initiale pour 2005 avait créé un prélèvement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée à certains carburants d'origine fossile (la TGAP-b). La loi de finances pour 2019 a ensuite remplacé ce prélèvement supplémentaire « biocarburants » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) par la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), qui avait pour vocation d'encourager l'incorporation d'énergie renouvelable dans les carburants routiers271(*) en appliquant une taxation sur les carburants contenant une part de biocarburants inférieure à des objectifs d'incorporation déterminés dans la loi. À compter du 1er janvier 2022, suite à l'élargissement de la base de calcul des seuils d'incorporation à l'électricité d'origine renouvelable délivrée dans les bornes de recharge publiques et au kérosène (carburéacteurs), la TIRIB est devenue la taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) et s'est élargie à l'hydrogène et aux carburants de synthèse.

Si la TIRUERT est globalement perçue comme un outil fiscal efficace pour permettre l'incorporation de certains types de carburants, les auditions auxquelles la mission a procédé ont toutefois fait apparaître quelques critiques.

Le président-directeur général de TotalEnergies a ainsi rappelé que les biocarburants produits par la bioraffinerie de La Mède en 2022 avaient été largement exportés, car la TIRUERT n'avait alors pas été correctement calibrée. La revalorisation de la TIRUERT à compter du 1er janvier 2023 avait permis de remédier à cette situation.

Répartition des ventes HVO de la bioraffinerie de La Mède

Source : TotalEnergies

Il signalait également que la TIRUERT se base sur des volumes d'incorporation tandis que l'Allemagne a mis en place un mécanisme fondé sur le pourcentage d'abattement de COet donc sur l'efficacité dans la réduction des émissions. La direction de la législation fiscale a observé le mécanisme actuel de la TIRUERT conduisait à rendre le marché français attractif pour les produits qui dans chaque catégorie, sont les moins performants sur le plan environnemental et qu'une réforme de la TIRUERT pour tenir compte du contenu en carbone réel des produits conduirait à un dispositif plus lisible et plus efficace. Une telle réforme impliquerait toutefois que les opérateurs nationaux investissent pour assurer un suivi plus précis des émissions réelles évitées par leurs produits.

Par ailleurs, plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre des variations trop fréquentes de la TIRUERT, les acteurs demandant aujourd'hui plus de visibilité dans les trajectoires à venir. Il serait ainsi cohérent de fixer une trajectoire pluriannuelle sur cinq ans, afin d'être en phase avec la temporalité de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat et la PPE, mais aussi avec les investissements des industriels.

S'agissant du secteur aérien, des critiques ont été formulées au regard de l'absence de la ressource en carburants d'aviation durables à ce stade, ce qui conduit les compagnies aériennes à devoir payer la pénalité.

Alors qu'un volet maritime est annoncé avec l'inscription d'un objectif spécifique dans la loi de finances à partir de 2025, afin de mettre en oeuvre le règlement FuelEU Maritime, au regard de l'expérience du secteur aérien, la mission incite à procéder à des évaluations étayées. Une réévaluation de la filière du biogazole à la hauteur de la filière du bioéthanol pourrait également être envisagée.

Recommandation :

Ajuster la trajectoire de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) : prendre davantage en compte la contribution à la décarbonation ; donner plus de visibilité aux acteurs économiques ; mieux intégrer l'état des marchés (disponibilité de la ressource).

4. Soutenir l'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) par les compagnies aériennes

Le secteur aérien a alerté la mission d'information sur les risques que font peser les surcoûts liés aux obligations d'incorporation de carburants d'aviation durables sur la compétitivité du pavillon français. Les compagnies aériennes ont à la fois souligné la problématique liée à l'insuffisante disponibilité de SAF pour répondre à leurs besoins, d'une part, et celle relative au prix élevé de ces carburants.

D'après Anne Rigail, directrice générale d'Air France, le surcoût lié aux obligations croissantes d'incorporation de biocarburants ira lui aussi croissant : « en prenant l'exemple classique d'un vol aller-retour entre Paris et New York avec une incorporation de 20 % de SAF - aujourd'hui facturé en France à 5 000 euros la tonne - le surcoût pour un passager sur le billet aller-retour serait de 175 euros. Avec un prix de la tonne de SAF autour de 3 500 euros, ce qui correspond à la moyenne mondiale, le surcoût serait de 120 euros. Ce montant n'est pas insupportable, mais il n'est pas non plus anecdotique et l'intégralité de ce surcoût ne pourra pas être répercutée sur le prix des billets. En effet, nous sommes dans une industrie extrêmement concurrentielle. »

Air France a indiqué s'inquiéter de la perspective du maintien du prix des carburants durables à 5 000 euros la tonne en France, car « elle nuirait à notre compétitivité et nous ne pourrions pas maintenir notre activité de hub, qui est essentielle pour notre survie économique »272(*).

Dans ce contexte, l'un des risques identifiés par la mission est que, faute de production suffisante et compte tenu des surcoûts importants, les compagnies choisissent de s'approvisionner ailleurs qu'en France ou en Europe. Pour Anne Rigail, « L'autre risque est que nous finissions par acheter massivement des SAF à l'étranger : aujourd'hui, nous contractons déjà de manière significative pour acheter des produits aux États-Unis pour répondre aux demandes de nos clients corporate qui souhaitent minimiser leur empreinte carbone ».

En tout état de cause, et dans ce secteur très concurrentiel, la mission d'information estime urgent de développer des mécanismes de soutien à l'incorporation de carburants d'aviation durable, pour soutenir la massification de la production, sans quoi la France, « pays aéronautique »273(*), pourrait être dépassée dans la compétition mondiale en matière de transport aérien, d'une part, et en matière de production de carburants d'aviation durables, d'autre part.

Dans cette perspective, et pour appuyer les compagnies aériennes dans leur effort de décarbonation, et faciliter et garantir leur recours aux carburants aériens durables, il est nécessaire de consolider le cadre de soutien fiscal, budgétaire et extrabudgétaire existant.

Pour ce faire, elle estime essentiel de soutenir les carburants aériens durables de manière complète, en jouant à la fois sur l'offre et sur la demande.

Sur le plan fiscal, un dispositif de sur-amortissement sur l'impôt sur les sociétés (IS) pourrait être institué, pour permettre l'adaptation et le renouvellement des aéronefs et au profit du déploiement d'infrastructures d'avitaillement aéroportuaires, à l'occasion de l'examen de la loi de finances initiale pour 2024 ;

Sur le plan budgétaire, les appels d'offres sur la production de carburants durables appellent à être consolidés. Certes, ont été annoncés 420 M€ au total dans le cadre de la Stratégie d'accélération Produits biosourcés et carburants durables de 2021 et 200 M€ pour les carburants aériens durables, en marge du Salon du Bourget de 2023. Pour autant, ces montants doivent être relevés et pérennisés ; la prochaine PPE doit fixer une trajectoire de long terme pour accompagner la décarbonation de la filière, d'autant que les objectifs d'incorporation européens iront croissant jusqu'en 2050 ;

Enfin, l'effervescence technologique autour de la réforme du marché européen de l'électricité peut être l'occasion d'envisager de nouveaux dispositifs de financements. Les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels (Contracts for Difference - CfD) et les accords d'achat d'électricité (Power Purchase Agreements - PPA) constituent de nouveaux outils de financement de long terme, davantage public, dans le premier cas, et privés, dans le second. Si l'électricité renouvelable est bien prise en compte, dans les projets de texte européen, il n'en va pas de même des autres technologies : aussi ces contrats devraient-ils être promus, à l'échelon national, mais aussi européen, s'agissant des carburants aériens durables.

Au total, la mission d'information appelle de ces voeux un tel paquet financier, public et privé, à même de faciliter l'amorçage de la filière française des carburants aériens durables, du point de vue, non seulement des producteurs (énergéticiens), mais aussi des consommateurs (compagnies aériennes).

Recommandation :

Accompagner l'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) dans le transport aérien par un soutien complet à l'offre et à la demande :

- créer un dispositif de sur-amortissement à l'adaptation et au renouvellement des aéronefs ainsi qu'aux infrastructures d'avitaillement aéroportuaires, dès le prochain projet de loi de finances initiale ;

- définir une trajectoire pérenne de soutien budgétaire à la production de carburants aériens durables, dans le cadre de la prochaine PPE ;

- instituer de nouveaux outils de financement de long-terme (contrats pour différence - CfD - et Power Purchase Agreements - PPA) pour l'achat de SAF, à l'image de ceux prévus par la réforme du marché européen de l'électricité.

5. Simplifier et accélérer certaines procédures

Au cours des auditions, plusieurs demandes de simplification ou d'accélération de procédures ont été adressées à la mission d'information, qu'il paraît opportun de mettre en oeuvre pour permettre le développement de ces filières.

La mission d'information recommande ainsi au gouvernement de veiller à une exécution rapide des appels à projets de l'Ademe, plusieurs organismes ayant fait part à la mission de difficultés ou d'inquiétudes sur la pérennité de leur projet en raison de retard pris par l'agence.

La remarque vaut au moins autant pour l'échelon européen, les PIIEC, outils stratégiques, ayant été critiqués pour la lourdeur des procédures et le temps d'instruction des aides par la Commission européenne. Or, dans le cadre de la compétition mondiale évoquée précédemment, la Commission européenne se doit de mettre des procédures accélérées afin de répondre aux besoins des entreprises.

Deux mesures plus ponctuelles ont été évoquées et méritent d'être relayées.

La filière fluviale a fait part à la mission des difficultés rencontrées dans l'obtention de certaines homologations de navires. Là encore, les délais d'instruction des dossiers n'apparaissent pas en phase avec les besoins des entreprises.

Enfin, le président-directeur général de SNCF Voyageurs a regretté que la réglementation interdise la construction de stations de distribution poly-carburants et que la mixité des produits soit prohibée dans les réservoirs. Pour lui, « c'est un frein majeur à l'optimisation de la distribution, et chaque entreprise ferroviaire doit disposer de ses propres installations de distribution et de stockage, ce qui est inefficace. Une simplification de la réglementation est indispensable pour favoriser le développement des biocarburants dans le système ferroviaire ». À cet égard, Régions de France a indiqué à la mission d'information soutenir une telle simplification des conditions d'usage des stations d'avitaillement. La mission recommande donc de procéder à cette simplification administrative.

Recommandations :

- Accélérer les délais d'instruction des aides financières (PIIEC, appels à projets nationaux...) et de demandes d'homologation administrative de nouveaux matériels ;

- Autoriser la construction de stations de distribution poly-carburants pour le secteur ferroviaire, afin de favoriser le recours aux biocarburants dans cette filière.

6. Aider à l'acquisition de véhicules adaptés et au verdissement du parc existant

89 % du transport intérieur de voyageurs a été réalisé par le mode routier (84 % par des véhicules particuliers et 5 % par des autocars, autobus et tramways). Cette proportion s'établit à 87 % pour le transport intérieur de marchandises (50 % par des poids lourds du pavillon français et 37 % par des poids lourds du pavillon étranger)274(*).

À ce titre, et compte tenu de l'empreinte environnementale du transport routier (cf. IA), la décarbonation du parc automobile de véhicules légers comme de véhicules lourds doit constituer une priorité.

Pour autant, le coût du renouvellement du parc de véhicules par des véhicules peu polluants représente des sommes conséquentes. À titre d'illustration, la proposition de feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur des véhicules lourds la chiffre à 52,6 milliards d'euros, pour ce qui concerne les seuls poids lourds, pour l'acquisition des véhicules et le développement du réseau d'avitaillement.

À l'échelle « individuelle », d'un particulier ou d'une entreprise, le reste à charge moyen pour l'acquisition d'un véhicule à carburant alternatif est élevé, et ne peut être supporté par un certain nombre de ménages ou d'entreprises, en dépit des aides existantes (cf. encadré ci-après).

Les aides à l'acquisition de véhicules peu polluants

• le bonus écologique275(*) est une aide attribuée aux personnes physiques et morales pour l'acquisition ou la location longue durée d'un véhicule électrique, hydrogène ou hydrogène-électrique, dont le coût est inférieur à 47 000 euros. L'aide apportée peut atteindre 5 000 euros pour une voiture particulière, et 6 000 euros pour une camionnette, avec une majoration de 2 000 euros pour les ménages des cinq premiers déciles. Pour les véhicules électriques d'occasion, le bonus s'élève à 1 000 euros.

• la prime à la conversion276(*) vise à soutenir l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion en échange de la mise au rebut d'un véhicule plus ancien (Crit'air 3 ou plus). Elle est accessible aux professionnels ainsi qu'aux ménages, sous condition de revenus, et peut atteindre 6 000 euros pour l'acquisition d'un véhicule électrique, hydrogène et hybride.

• le microcrédit « véhicules propres », créé dans le cadre Plan de relance en 2021, vise à soutenir l'acquisition de véhicules peu polluants (électriques ou hybride rechargeable, véhicules classés Crit'air 1) par les ménages les plus modestes et confrontés à une difficulté d'accès aux prêts non réglementés. Il peut atteindre 5 000 euros, et est garanti par l'État à hauteur de 50 %.

• le prêt à taux zéro « ZFE-m », créé par l'article 107 de la loi « Climat et résilience », à l'initiative du Sénat, est quant à lui accessible aux personnes physiques et morales domiciliées dans ou à proximité d'une ZFE-m rendue obligatoire en application de la loi d'orientation des mobilités et enregistrant des dépassements des normes de qualité de l'air. Il s'agit d'une expérimentation créée pour 2 ans à compter du 1er janvier 2023, dont la mise en oeuvre n'a néanmoins toujours pas débuté à ce jour.

• le « suramortissement vert »277(*), destiné aux professionnels pour l'acquisition de poids lourds ou de véhicules utilitaires légers, permet enfin aux entreprises de déduire de leurs résultats imposables une somme égale à un pourcentage de la valeur d'origine des véhicules affectés à leur activité qui fonctionnent au gaz naturel, au biométhane carburant, au carburant ED95, à l'électricité, à l'hydrogène, au carburant B100 ou avec une combinaison gaz naturel et gazole nécessaire au fonctionnement d'une motorisation biocarburant de type 1 A.

D'après un récent rapport sénatorial relatif au déploiement des zones à faibles émissions278(*), le reste à charge des ménages pour l'acquisition d'un nouveau véhicule peu polluant atteint généralement plusieurs milliers d'euros. Pour les professionnels du transport, les autocaristes ou encore les artisans, le renouvellement de véhicules lourds et de camionnette représente également des montants considérables. Ainsi, d'après la FNTV, si des perspectives de baisse du prix des cars à motorisation électriques sont attendues (du fait des effets d'échelle et de progrès des batteries), ces derniers présentent toujours pour l'heure un surcoût par rapport à leur équivalent diesel. S'agissant des poids lourds affectés au transport routier de marchandises, la FNTR indique que le coût d'acquisition des poids lourds électriques reste 3 à 4 fois plus élevé que celui de leurs homologues thermiques et que les coûts totaux de possession (TCO) resteront quant à eux également plus élevés pendant plusieurs années.

En tout état de cause, un renforcement des aides à l'acquisition des véhicules légers et lourds peu polluants est indispensable à la décarbonation du transport routier qui, il convient de le rappeler, représente le premier mode de transport en matière d'émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports ; ce secteur étant lui-même le premier secteur émetteur.

S'agissant des véhicules légers, et comme le résume Mobilians : « Même si les montants des aides ont bien été augmentés en ce début d'année pour les ménages aux revenus modestes, les conditions d'éligibilité sont quant à elles plus restrictives et plus ciblées que l'année dernière. Les dispositifs sont désormais tournés quasi-exclusivement vers l'achat de véhicules électriques, pour des ménages très modestes qui n'ont pas le budget pour ce type de véhicule. » La mission estime donc opportun de travailler à un meilleur ciblage des aides aux particuliers et d'en augmenter considérablement les montants.

Cela étant dit, aux côtés du renouvellement du parc, un soutien à la décarbonation du parc existant apparaît nécessaire, étant entendu que le parc de véhicules mettra nécessairement un certain temps à se renouveler. Le développement du marché de l'occasion, mais également l'appui aux opérations de rétrofit et à l'achat de boîtiers « Flexfuel », qui permettent à certains véhicules de rouler avec différents types de carburants, et notamment avec des biocarburants. S'agissant des boîtiers Flexfuel, Marc Mortureux, directeur général de la PFA, avait relevé que les constructeurs automobiles n'étaient « pas très favorables aux kits, parce qu'en-dehors du kit, le véhicule n'a pas été homologué pour recevoir ce carburant. Nous avons des contraintes sur les matériaux et sur les risques d'impacts sur la dépollution du véhicule, avec des émissions qui pourraient être un peu plus élevées. Cependant, nous constatons que les poses de kits sont relativement nombreuses, du fait sans doute d'un intérêt économique pour le consommateur ».

La mission considère pour sa part qu'il faut accélérer les procédures d'homologation des catégories de véhicules susceptibles de faire l'objet de ces opérations et acquisitions.

Concernant la décarbonation des véhicules lourds, qui représente un défi considérable, le soutien à l'acquisition de véhicules propres doit là aussi être amplifié. Si un nouvel appel à projets pour l'acquisition de camions électriques et l'installation de bornes de recharge est prévu afin de faciliter l'acquisition de plus de 500 poids lourds électriques, la FNTR a indiqué être dubitative quant à cet objectif : « 55 millions d'euros pour 500 véhicules, cela signifie qu'un camion électrique reviendrait à 110 000 euros. Actuellement un poids lourd de ce type est plutôt évalué entre 300 et 350 000 euros. »

Aussi, la mission d'information souscrit à la proposition de la FNTR qui indique qu' « en raison des faibles marges d'un secteur composé très largement de TPE et PME, il convient d'anticiper un besoin d'accompagnement pour l'ensemble des entreprises du secteur (petites, moyennes et grandes flottes) : bonus écologique, appel à projets, prêt garanti par l'État (PGE) vert... »

Pour autant, la mission alerte sur le fait qu'il est souhaitable que l'accroissement des aides bénéficie à l'industrie automobile française. Dans le cadre d'une audition au Sénat279(*), Bruno Le Maire a ainsi indiqué que 40 % des montants du bonus écologique (1,2 milliard d'euros), bénéficient in fine aux usines chinoises. La FNTV a quant à elle indiqué qu'à ce jour l'offre d'autocars électrique était presque exclusivement chinoise, ajoutant toutefois que : « la réglementation européenne bouleverse l'industrie de notre secteur et de nouveaux autocars électriques vont prochainement être proposés par les industriels. À horizon 2030, les constructeurs indiquent atteindre environ 20 % d'offre de cars électriques dans leurs ventes, satisfaisant les hypothèses de la SNBC ». En définitive, le soutien à la demande doit donc se doubler par un soutien à l'offre française et européenne de véhicules peu polluants.

Enfin, l'Association des maires de France a alerté la mission d'information « sur l'impact financier pour les communes et intercommunalités de la décarbonation qui ne pourra se faire sans un soutien technique et financier du gouvernement. La création d'infrastructures et de services de transport en commun de qualité, ainsi que d'infrastructures adaptées aux modes de déplacement actifs, nécessite des investissements initiaux significatifs ».

De même, Régions de France a indiqué à la mission d'information que les régions attendent des clarifications en matière de financement, et notamment la déclinaison du « plan d'avenir pour le ferroviaire », afin de créer les conditions d'un report modal massif vers le rail, par un engagement financier puissant et pluriannuel : « elles constatent que cette « première étape » par la publication des mandats CPER ne sera pas à la hauteur de leurs attentes dans son montant, dans son calendrier et dans son ampleur, pour atteindre les objectifs de la transition écologique sur lesquels la France s'est engagée. »

Recommandations :

- Inciter à la conversion plus massive de véhicules (rétrofit) et poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés ;

- Veiller à ce que les aides publiques viennent soutenir le déploiement de l'offre française et européenne de véhicules peu polluants.

- Accompagner les collectivités territoriales qui jouent un rôle moteur sur les territoires, notamment dans leur rôle d'autorités organisatrices des mobilités.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES PROPOSITIONS

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

AXE 1 : Soutenir les investissements d'avenir et développer une approche globale

1

Face au besoin d'investissement massif et aux contraintes budgétaires, orienter les financements publics vers le lancement des filières pour créer les conditions de marchés matures, puis évaluer et réorienter l'effort public

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique), Cour des comptes et institutions européennes

2023-2024

• Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

•Cadre financier pluriannuel

2

Évaluer les pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles

État (ministère de la transition énergétique, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, corps d'inspection)

2023-2024

•Action de l'État (évaluation)

3

Sur le plan national, établir un cadre de financement global de la décarbonation permettant une bonne complémentarité entre les modes de transport, sans entrer dans un débat sur la taxation d'une filière au bénéfice d'une autre

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

2023-2024

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

4

Assurer la relance effective et rapide de l'énergie nucléaire (instruction accélérée des autorisations, actualisation nécessaire de la PPE, préparation urgente de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat)

État (ministère de la transition énergétique, Délégation interministérielle au nouveau nucléaire) et acteurs économiques (groupe EDF notamment)

2023-2024

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Action de l'État (instruction des autorisations) et du groupe EDF (réalisation des chantiers)

5

Développer massivement l'hydrogène et les carburants de synthèse (simplifier, évaluer la captation et la valorisation du CO2, instituer des contrats de long terme)

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), institutions européennes

2023-2024

•Application des lois « Énergie-Climat » et « Climat-Résilience »

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

•Réforme du marché européen de l'électricité

(contrats de long terme)

•Action de l'État (évaluation du stockage du CO2), notamment de l'Ademe (consolidation des appels d'offres)

6

Accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique aux réseaux de transport et de distribution d'électricité

État (ministère de la transition énergétique), Commission de régulation de l'énergie et acteurs économiques (Enedis et RTE)

2023-2024

•Application de la loi « Accélération des énergies renouvelables »

•Action de l'État, de la CRE, d'Enedis et de RTE (accélération des raccordements)

7

Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN), conformément à la démarche engagée par le Sénat

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)

2023-2024

•Application de la loi assouplissant le « ZAN »

8

Développer les échanges entre filières pour accroître la cohérence des positions en vue de renforcer les acteurs économiques français

État (Secrétariat général à la planification écologique et administrations centrales et déconcentrées concernées) et acteurs économiques (instances de représentation concernées)

2023-2024

•Action de l'État (action interministérielle, renforcement de la cohérence des administrations nationales et déconcentrées) et des acteurs économiques

(renforcement du dialogue entre les instances de représentation)

9

Mobiliser la biomasse :

a. renforcer le suivi des ressources de biomasse, au travers d'instances et de schémas nationaux (stratégie nationale de mobilisation de la biomasse) et locaux (schémas régionaux biomasse), afin de suivre leur évolution, les tensions éventuelles ainsi que les impacts sur la biodiversité et les puits de carbone ;

b. lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, sous le pilotage du ministère chargé de l'agriculture ;

c. améliorer, en concertation avec les associations d'élus locaux, la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités ;

d. compléter le programme de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de IFP Énergies nouvelles (Ifpen) sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies

État (ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère de la transition énergétique, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires), Collectivités territoriales, FranceAgriMer, Inrae et Ifpen, acteurs économiques (filières agricoles)

2023-2024

•Actions de l'État (suivi des ressources à l'échelle nationale, lancement d'un plan de développement de la biomasse et de valorisation des déchets, financement de la recherche)

•Actions des collectivités territoriales (valorisation des déchets collectés, suivi des ressources à l'échelle locale)

•Action de l'Inrae et de l'Ifpen (conduite d'un nouveau programme de recherche)

10

Étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène

État (ministère de la transition énergétique) et collectivités territoriales (régions)

2023-2024

•Extension des compétences des comités régionaux de l'énergie (article L. 141-5-2 du code de l'énergie)

•Action de l'État et des régions (application de cette compétence ainsi étendue)

11

Adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux :

a. prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de COdes véhicules lourds ;

b. étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi quinquennale sur l'énergie et le climat ;

c. privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques ;

d. raisonner, pour l'essentiel, en termes de bilan carbone et d'efficacité énergétique plutôt qu'en termes de technologie ;

e. concentrer une part significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses

État (ministère de la transition énergétique, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) et institutions européennes

2023-2024

•Extension de la loi quinquennale sur l'énergie (article L. 100-1 A du code de l'énergie)

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

•Révision du règlement sur la réduction des émissions des véhicules lourds de 90 % d'ici à 2040

AXE 2 : Soutenir les investissements d'avenir et développer une approche globale

12

Soutenir le développement des filières :

a. maintenir un soutien élevé à la recherche développement (R&D) et à l'investissement innovant ;

b. mettre en place des aides pour les dépenses d'exploitation (OPEX), permettant par exemple de garantir des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, afin d'amorcer les marchés ;

c. prévoir des dispositifs d'accompagnement des filières en transition

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche,

Ademe, Agence nationale de la recherche (ANR), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Ifpen, Inrae

2023-2024

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

•Action de l'État et de ses opérateurs (consolidation des appels d'offres)

13

Mettre en place une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nouveaux besoins des filières

État (ministère de l'éducation nationale, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire)

2023-2024

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Action de l'État (consolidation des formations)

14

Clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants :

a. donner de la lisibilité aux politiques de soutien nationale et européenne ;

b. consolider voire relever le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ;

c. défendre un cadre fiscal favorable au développement de la filière des biocarburants de première génération ;

d. accompagner l'émergence de la filière de deuxième génération

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Ademe, ANR, CEA, CNRS, Ifpen, Inrae) et institutions européennes

2023-2024

•Révision des objectifs énergétiques nationaux (articles L. 100-4 et L. 641-6 du code de l'énergie)

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

• Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

•Action de l'État et de ses opérateurs (consolidation des appels d'offres)

•Ajustement de la réglementation européenne (consolidation - voire relèvement - du plafond de 7 %)

15

Évaluer les risques de hausse du prix des carburants résultant du nouveau cadre européen et mesurer son acceptabilité sociale

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire)

2023-2024

•Action de l'État (évaluation)

16

Ajuster la trajectoire de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) : prendre davantage en compte la contribution à la décarbonation ; donner plus de visibilité aux acteurs économiques ; mieux intégrer l'état des marchés (disponibilité de la ressource)

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire)

2023-2024

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

17

Accompagner l'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) dans le transport aérien par un soutien complet à l'offre et à la demande :

a. créer un dispositif de sur -amortissement à l'adaptation et au renouvellement des aéronefs ainsi qu'aux infrastructures d'avitaillement aéroportuaires, dès le prochain projet de loi de finances initiale ;

b. définir une trajectoire pérenne de soutien budgétaire à la production de carburants aériens durables, dans le cadre de la prochaine PPE ;

c. instituer de nouveaux outils de financement de long terme (contrats pour différence - CfD - et Power Purchase Agreements - PPA) pour l'achat de SAF, à l'image de ceux prévus par la réforme du marché européen de l'électricité

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

2023-2024

•Préparation de la loi quinquennale sur l'énergie et le climat

•Révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024 (suramortissement, augmentation des moyens budgétaires pour la production de carburants durables)

•Réforme du marché européen de l'électricité (contrat de long terme)

•Actions de l'État (consolidation des appels d'offres et création de nouveaux dispositifs de financement)

18

Accélérer les délais d'instruction des aides financières (PIIEC, appels à projets nationaux...) et de demandes d'homologation administrative de nouveaux matériels

État (ministère de la transition énergétique, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) et institutions européennes

2023-2024

•Actions de l'État et des institutions européennes (accélération des instructions)

19

Autoriser la construction de stations de distribution poly carburants pour le secteur ferroviaire, afin de favoriser le recours aux biocarburants dans cette filière

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique) et acteurs économiques (groupe SNCF)

2023-2024

•Actions de l'État (modifications réglementaires)

20

Inciter à la conversion plus massive de véhicules (rétrofit) et poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique), collectivités territoriales, constructeurs

2023-2024

•Projet de loi de finances initiale pour 2024 (élargissement du suramortissement, augmentation des moyens budgétaires)

•Accélération des procédures d'homologation

21

Veiller à ce que les aides publiques viennent soutenir le déploiement de l'offre française et européenne de véhicules peu polluants

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique), collectivités territoriales et institutions européennes

2023-2024

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

22

Accompagner les collectivités territoriales qui jouent un rôle moteur sur les territoires, notamment dans leur rôle d'autorités organisatrices des mobilités

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique), collectivités territoriales et

institutions européennes

2023-2024

•Actions de l'État (notamment dans le cadre des CPER)

•Projet de loi de finances initiale pour 2024

AXE 3 : Adopter une stratégie offensive pour faire face à la compétition mondiale
en matière de technologies vertes

23

Compléter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières afin d'éviter que les industries européennes se retrouvent pénalisées

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) et

institutions européennes

d'ici 2025

•Règlement établissant un mécanisme d'ajustement aux frontières (évaluation et éventuelle révision)

24

Établir une analyse économique et industrielle approfondie en vue de la clause de revoyure de 2026, permettant de mieux mesurer l'impact réel du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne, État par État

État (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, corps d'inspection) et institutions européennes

2025

•Évaluation de l'impact du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne

25

Renforcer la vigilance sur les contournements dont la réglementation européenne peut faire l'objet en matière de biocarburants avancés et mettre en place d'un système de certifications de production durable de la biomasse au niveau international

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et institutions européennes

2023-2025

•Actions de l'État et des institutions européennes (vigilance réglementaire et négociation internationale)

26

Reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie

État (ministère de la transition énergétique, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) et institutions européennes

2023-2024

•Finalisation du paquet « Ajustement à l'objectif 55 »

• Réforme du marché européen de l'électricité (contrats de long terme)

27

Assurer une concurrence équitable pour le secteur aérien : mesurer les effets des nouvelles règles européennes ; développer des accords bilatéraux ; faire de la négociation au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une priorité pour parvenir à un standard mondial d'approvisionnement

État (Représentation permanente de la France auprès de l'OACI), institutions européennes, OACI

2023-2024

•Évaluation par la Commission européenne de l'impact des mesures découlant du paquet « Ajustement à l'objectif 55 »

•Négociations au sein de l'OACI

TRAVAUX DE LA MISSION D'INFORMATION

I. COMPTES RENDUS DE LA RÉUNION CONSTITUTIVE ET DES AUDITIONS EN RÉUNION PLÉNIÈRE

Le recueil intégral des comptes rendus de la réunion constitutive et des auditions et tables rondes est disponible en ligne :

https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/mi-biocarburants.html

Les vidéos des auditions et tables rondes en réunion plénière sont également disponibles en ligne :

https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/missions-dinformation-communes/mission-dinformation-sur-le-developpement-dune-filiere-de-biocarburants-carburants-synthetiques-durables-et-hydrogene-vert.html#c7473

II. EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Mes chers collègues, notre réunion de ce jour marque la dernière étape juridique de notre mission. Il s'agit, sur la base du projet de rapport qui a été mis à votre disposition vendredi 30 juin, de procéder à l'adoption formelle du rapport de notre mission d'information.

Permettez-moi, à titre liminaire, de remercier très vivement, en votre nom à tous, notre collègue Vincent Capo-Canellas. En sa qualité de rapporteur, il a mené un très important travail que je veux saluer.

Je crois que ces cinq mois de travaux nous ont permis de partager de nombreux constats et propositions sur l'intérêt et la contribution des filières de biocarburants, de carburants synthétiques durables et d'hydrogène vert à la décarbonation de l'économie. Pour nous permettre d'avoir aujourd'hui un échange de vues complet sur la base du projet de rapport de notre collègue Vincent Capo-Canellas, je vous propose d'organiser le débat en deux temps.

Tout d'abord, une discussion générale donnera l'occasion à chacun, après avoir entendu notre rapporteur, de s'exprimer sur les thématiques des travaux de notre mission.

Dans un second temps, je vous demanderai de nous présenter, si tel est le cas, vos propositions de modification afin que nous puissions statuer. Nous avons reçu à ce stade des observations de notre collègue Pierre Cuypers sur certains points. Il ne s'agit pas encore de propositions écrites, mais je ne doute pas qu'il présentera ses remarques en temps utile. Pour la parfaite fluidité de nos échanges, je vous demanderai de nous préciser la page et le paragraphe sur lequel porte votre intervention, de sorte que chacun ait un niveau d'information égal et parfaitement clair. Enfin, nous nous prononcerons sur le titre que le rapporteur souhaite donner à son rapport et, bien évidemment, sur l'adoption de l'ensemble du rapport.

Une conférence de presse de présentation est organisée demain matin, mardi 4 juillet, à 9 heures, dans la salle de presse. Elle permettra de donner le retentissement nécessaire à nos travaux. D'ici demain, je vous demande de respecter la plus stricte confidentialité.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Mes chers collègues, je veux vous remercier, ainsi que notre président Gilbert-Luc Devinaz, pour la qualité des échanges que nous avons eus au cours de cette mission d'information.

Nous avons organisé 23 auditions ou tables rondes en réunion plénière et 34 auditions ou tables rondes en format rapporteur. Des délégations de la mission ont en outre effectué des déplacements à Bruxelles, dans le Rhône et dans les Bouches-du-Rhône. Je me suis également rendu dans les Pyrénées-Atlantiques pour participer au forum européen « Transition énergétique et mobilités » et pour avoir un échange avec les équipes de Safran dans leur usine de Bordes. La liste des personnes auditionnées et une synthèse des déplacements sont annexées au rapport, de même que la liste des contributions écrites qui nous ont été adressées. Nous en avons reçu une toute dernière ce matin de la part de Régions de France, et il me paraîtrait utile d'y faire référence dans le rapport, car les observations et propositions formulées renforcent le projet qui vous a été soumis. Les contributions des groupes politiques qui souhaiteraient formuler des observations seront bien évidemment également annexées au rapport.

Nous avons beaucoup échangé, ce qui nous a permis d'avancer ensemble. J'ai beaucoup appris, je ne pensais pas que ce sujet serait aussi complexe. D'ailleurs, le Gouvernement semble attendre nos travaux dans l'optique de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et du projet de loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat.

Au terme de ce travail, je pense que nous sommes convaincus que les biocarburants, les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert formeront une composante indispensable de la décarbonation du secteur des transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre de notre pays. C'est donc un enjeu majeur, même si nous savons que ces filières n'apporteront pas, à elles seules, la solution.

La complexité naît aussi d'une imbrication du cadre national et du cadre européen, lesquels s'inscrivent dans la perspective de la mise en oeuvre de l'Accord de Paris sur le climat. Notre rapport revient ainsi sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » négocié au niveau de l'Union européenne et sur la perspective de révision de la stratégie française pour l'énergie et le climat. Le projet de loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, qui déterminera la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas-carbone, devrait nous être soumis à l'automne. C'est dans cette perspective et celle de l'examen des prochains projets de loi de finances que je vous propose d'inscrire nos propositions. Certaines questionnent également des choix faits au niveau européen.

Même s'il y a évidemment des interactions avec la décarbonation de l'industrie, le champ de notre mission est centré sur le rôle des biocarburants, des carburants synthétiques durables et de l'hydrogène vert en matière de décarbonation des transports. Le projet de rapport présente donc plus particulièrement ces enjeux de la décarbonation de l'économie et, singulièrement, des transports.

Les carburants ou vecteurs énergétiques ne sont qu'un des termes de l'équation, aux côtés notamment du report modal, de l'efficacité énergétique ou de l'indispensable modération des usages que nous devons affirmer auprès de nos compatriotes.

Le projet de rapport met en évidence les enjeux liés à la souveraineté énergétique, en défendant l'idée que nous devons autant que possible pousser au développement de filières souveraines, ce qui implique qu'elles soient compétitives par rapport à ce qui se pratique à l'étranger. C'est un enjeu important, d'autant que la concurrence mondiale sera rude.

Compte tenu des nombreuses auditions que nous avons menées, prenant en considération les différents secteurs et filières industrielles ou de transport, le rapport détaille les enjeux de chacune des technologies, leurs limites et les débats qu'elles entraînent. Je pense en particulier à la question de la disponibilité de l'électricité, de la biomasse ou encore du CO2, mais aussi à l'enjeu du coût de ces nouvelles technologies, toutes plus onéreuses que la base fossile actuelle. Cela me conduit à souligner l'enjeu de l'accompagnement économique et social de cette transition vers des transports décarbonés.

Le rapport présente également de manière détaillée les enjeux pour chacune des filières de transport, en partant notamment des feuilles de route élaborées par les différents acteurs.

S'agissant de l'automobile, pour les véhicules légers, l'électrification de la filière va se faire massivement. La clause de revoyure de 2026 pourra apporter des assouplissements, mais on sent que la dynamique de filière est telle qu'elle ne sera pas fondamentalement bouleversée, même si les enjeux liés à la concurrence chinoise ont été clairement évoqués. L'hydrogène pourra à terme jouer un rôle spécifique pour certains cas d'usage. À la suite de nos échanges de la semaine dernière, le rapport évoque de manière encore plus explicite les doutes formulés par plusieurs d'entre vous concernant cette orientation vers le « tout électrique ».

Pour le routier lourd, les biocarburants apparaissent clairement comme une bouée de sauvetage, à titre de transition au moins. À terme, on verra probablement une bascule vers l'électrification avec, toutefois, une part non négligeable de camions à hydrogène, sous réserve que le coût des véhicules et de la technologie soient acceptables. France Hydrogène évoque une part de marché potentielle de 15 % du parc à l'horizon 2040.

Pour le ferroviaire, la SNCF est très en demande de biocarburants pour décarboner ses lignes TER dans un premier temps, avant d'envisager ensuite un passage vers l'hydrogène ou l'électrification au moins partielle.

Pour l'aérien, qui est avec le maritime le secteur le plus difficile à décarboner, l'évolution s'inscrira dans le cadre fixé par les nouveaux textes européens. La demande en carburants aériens durables sera massive, qu'il s'agisse de biocarburants ou de carburants de synthèse. L'hydrogène pourrait constituer une avancée à terme, certains ayant évoqué la révolution du XXIIe siècle, mais à court et moyen termes, cela ne peut qu'apporter une réponse partielle sur certains segments, tout comme l'électrique. Les carburants d'aviation durables sont vraisemblablement la principale clé de la décarbonation de l'aérien, en particulier pour les longs courriers qui sont les plus émetteurs de CO2. Il faut donc se donner les moyens de produire les carburants dont les compagnies auront besoin.

Pour le maritime, les solutions apparaissent à ce stade moins figées, à la fois compte tenu de la diversité des types de navires, qui sont en outre souvent des prototypes, et dans l'attente notamment des solutions retenues par les plus grands opérateurs de transport maritime. Selon le scénario principal de décarbonation de la filière, les biocarburants pourraient assurer une transition entre l'énergie fossile et les e-carburants qui devraient se développer à partir de 2030, pour représenter un peu plus de 70 % des volumes en 2050. Le gaz naturel liquéfié (GNL) fossile pourrait être progressivement remplacé par du bioGNL puis du e-GNL, avec un développement plus tardif du méthanol en raison de l'absence d'infrastructures et de navires compatibles actuellement.

Quant au secteur fluvial, selon les données de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités, l'activité touristique s'oriente vers une électrification intégrale, tandis que l'activité fret, qui présente un grand intérêt sur le plan du report modal, s'oriente vers l'hybride avec une propulsion électrique, les moteurs électriques ou à hydrogène ne répondant pas encore aux besoins d'usage. Le recours aux biocarburants présente ainsi un intérêt important pour faciliter la transition, compte tenu de la longue durée de vie des bateaux.

Tout l'enjeu est ensuite de voir comment les demandes des différents acteurs peuvent être satisfaites au regard des contraintes pesant sur la biomasse et sur la production d'électricité. Le rapport souligne que les besoins en électricité vont connaître une croissance exponentielle. Selon les dernières évaluations de RTE (Réseau de transport d'électricité), la consommation d'électricité pourrait s'élever entre 580 et 640 térawattheures (TWh) dès 2035, alors que le scénario médian de l'étude précédente intitulée « Futurs énergétiques en 2050 » prévoyait une consommation de 655 TWh en 2050 seulement.

C'est en prenant en compte ce cadre technique que je souhaite formuler des propositions d'une nature plus politique, en m'appuyant sur un triptyque que j'attends de l'État : « impulser, accompagner, simplifier. » Ces mots clés répondent à un besoin de clarification, mais aussi à l'idée que nous ne pouvons tout déterminer par avance au regard des évolutions technologiques à venir. Pour sa part, l'État s'est engagé dans une démarche « planificatrice », partant du haut en se fondant sur des tableaux de chiffres. C'est une approche qui a évidemment son utilité, mais je souhaite mettre l'accent, en parallèle, sur les initiatives territoriales, sur les enjeux que rencontrent les collectivités qui sont en première ligne en tant qu'autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ou en tant que gestionnaires de services de déchets. De fait, au travers de cette transition, c'est une nouvelle géographie industrielle et de nouveaux enjeux territoriaux qui vont émerger.

L'axe essentiel que je souhaite défendre est que la France doit adopter une stratégie offensive pour se positionner au bon niveau dans la compétition industrielle mondiale et permettre une transition acceptable sur les plans industriel et social. Elle doit le faire dans un cadre qui est budgétairement contraint, tant au niveau national qu'au niveau de l'Union européenne. Or j'observe que les signaux adressés par la Cour des comptes européenne ces derniers jours, tant sur les batteries électriques que sur les objectifs climatiques en général, ne sont pas bons.

Le rapport formule ainsi 27 recommandations, allant dans trois directions principales.

Le premier axe de propositions, c'est de soutenir les investissements d'avenir et de développer une approche globale. Cela passe notamment par la mise en oeuvre de certaines mesures défendues par le Sénat en matière d'accroissement de la production d'électricité décarbonée, et singulièrement nucléaire, d'accélération du raccordement aux réseaux électriques et de mobilisation du foncier. Il faut desserrer les contraintes du « zéro artificialisation nette » (ZAN), sinon nous aurons beaucoup de mal à y arriver.

Le rapport formule également plusieurs préconisations pour mobiliser la biomasse, qui représente un enjeu essentiel. Il prévoit ainsi de renforcer le suivi des ressources de biomasse, de lancer un plan volontariste de développement de la biomasse agricole et sylvicole, d'améliorer la valorisation énergétique des déchets collectés par les collectivités. Je propose, ainsi que nous l'avait suggéré Philippe Mauguin, de compléter un programme de recherche sur la décarbonation, les processus de transformation de la biomasse et la production de biomolécules et de biomatériaux par un volet centré sur les bioénergies. Le rapport préconise enfin d'étendre aux biocarburants et aux carburants de synthèse les compétences des comités régionaux de l'énergie, déjà compétents en matière d'hydrogène.

Face au besoin d'investissement massif et aux contraintes budgétaires, je propose d'orienter les financements publics vers le lancement des filières pour créer les conditions de marchés matures, puis d'évaluer périodiquement et de réorienter en tant que de besoin l'effort public. Je propose également que le Gouvernement évalue dès que possible les pertes de recettes fiscales sur les énergies fossiles, en fonction des prévisions d'évolution du parc roulant.

Je propose aussi d'établir un cadre de financement global de la décarbonation permettant une bonne complémentarité entre les modes de transport, sans entrer dans un débat sur la taxation d'une filière au bénéfice d'une autre. Nous savons tous que la question du financement du ferroviaire dépasse le sujet du transport aérien.

L'ensemble doit conduire la France à adopter une stratégie de pilotage globale des enjeux qui suppose de prendre pleinement en compte les initiatives des collectivités territoriales et leurs contraintes, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les émissions de COdes véhicules lourds. Je souligne que la vision planificatrice de l'État doit mieux se conjuguer avec les initiatives, les besoins et les contraintes des collectivités territoriales, qui jouent un rôle majeur dans le déploiement opérationnel des politiques publiques de décarbonation. Planifier est utile, mais cela reste une démarche macroéconomique soumise à de nombreuses variables.

Le rapport préconise également d'étendre explicitement aux biocarburants et aux carburants de synthèse le champ de la future loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, mais aussi de prioriser les choix « sans regrets ». Dans le cadre de ressources contraintes qui ressortent de nos travaux, il s'agit de privilégier les usages pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles, en prenant notamment en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques durables. Il faut conserver une neutralité technologique tout en concentrant une part significative des moyens au décollage des filières qui semblent les plus prometteuses. La réussite de la transition écologique implique notamment un meilleur dialogue entre les filières.

Le deuxième axe de propositions concerne les mesures d'accompagnement industriel, économique et social. Certaines filières nécessitent une transition adaptée. Nos concitoyens ont le sentiment d'être confrontés à des injonctions contradictoires et à un coût toujours plus élevé de la décarbonation de leur quotidien, qu'il s'agisse du logement ou des transports par exemple. L'évolution des prix des carburants et son acceptabilité sociale sont à cet égard une source particulière de préoccupation, compte tenu des effets potentiels du nouveau cadre européen sur la fiscalité à venir des carburants.

Le rapport formule des propositions pour soutenir le développement des filières, notamment via le maintien d'un soutien élevé à la recherche-développement (R&D) et à l'investissement innovant ou encore la mise en place d'aides comme des garanties des prix de rachat de l'hydrogène vert ou de e-carburants, afin d'amorcer les marchés.

Il appelle à mettre en place une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nouveaux besoins des filières en termes de compétences. C'est un enjeu essentiel qui a été souligné à plusieurs reprises.

Il prévoit de clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants, en donnant de la lisibilité aux politiques de soutien, en consolidant le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et en développant les cultures intermédiaires à vocation énergétique, en accompagnant l'émergence de la filière de deuxième génération qui peine à décoller, mais aussi en défendant un cadre fiscal favorable au développement de la filière des biocarburants de première génération.

Je souhaite, comme je l'ai indiqué, que le Gouvernement évalue bien les risques liés à la hausse du prix. C'est un sujet sur lequel nous pourrons débattre.

La taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert) a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos discussions. Je propose d'en ajuster la trajectoire pour prendre en compte la contribution à la décarbonation, donner plus de visibilité aux acteurs économiques et mieux intégrer l'état des marchés. Il s'agit, ici, de fixer des orientations - il me semble que l'on peut affirmer quelques principes, même si c'est la qualité du réglage qui compte.

S'agissant spécifiquement du secteur aérien, je propose d'accompagner l'incorporation de carburants durables d'aviation (SAF - sustainable aviation fuel) par un soutien complet à l'offre - l'État a annoncé des mesures - et à la demande. Une question se pose à ce niveau, celle de la disponibilité et du prix, car les compagnies ne se tourneront pas naturellement vers ces carburants si le prix est deux fois plus élevé qu'ailleurs.

Plusieurs recommandations visent à simplifier et à accélérer les procédures, notamment pour réduire les délais d'instruction des aides financières ou de demandes d'homologation administrative de nouveaux matériels, mais aussi - comme la SCNF l'a évoqué auprès de nous - pour autoriser la construction de stations de distribution polycarburants pour le secteur ferroviaire, afin de favoriser le recours aux biocarburants dans cette filière.

À la suite de l'échange que nous avons eu la semaine dernière, le rapport met aussi l'accent sur la pertinence du rétrofit. Il suggère d'inciter à la conversion de véhicules et de poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés. Il insiste sur la nécessité de veiller, en parallèle, à ce que les aides publiques confortent le déploiement de l'offre française et européenne de véhicules peu polluants.

Le rapport souligne également la nécessité d'accompagner les collectivités territoriales, un point que j'ai évoqué précédemment.

Enfin, le troisième axe invite à adopter une stratégie offensive pour faire face à la compétition mondiale en matière de technologies vertes. Les propositions qui le composent dépassent parfois le cadre national, voire européen.

Relayant une préoccupation qui avait été exprimée par le Président du Sénat et le président de la commission des affaires européennes, le rapport préconise de compléter le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, afin d'éviter que les industries européennes ne se retrouvent pénalisées. Il y a là un véritable enjeu !

Il prévoit également d'établir une analyse économique et industrielle approfondie en vue de la clause de revoyure de 2026, afin de bien mesurer l'impact réel du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur l'industrie automobile européenne. C'est un point qu'il faut correctement documenter et à propos duquel plusieurs d'entre nous ont fait état de préoccupations.

Il demande le renforcement de la vigilance sur les contournements dont la réglementation européenne peut faire l'objet en matière de biocarburants avancés et la mise en place d'un système de certifications de production durable de la biomasse au niveau international.

Il suggère de reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie. La démarche adoptée par le Gouvernement dans les négociations européennes récentes me paraît ainsi devoir être poursuivie.

Enfin, il appelle à assurer une concurrence équitable pour le secteur aérien, en mesurant les effets des nouvelles règles européennes, en développant des accords bilatéraux - c'est sans doute la solution - et en faisant de la négociation au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) une priorité pour parvenir à un standard mondial d'approvisionnement.

Le rapport adopte ainsi une tonalité offensive pour essayer de capitaliser sur nos atouts et favoriser le développement de filières qui contribueront à notre souveraineté énergétique.

J'en termine avec un point essentiel : le titre. Avec l'autorisation du président, je me permets de vous suggérer d'intituler le rapport : « Décarbonation des transports : l'urgence de choisir pour une filière de carburants et de vecteurs énergétiques durables. » L'expression « urgence de choisir » permet de souligner qu'il faut s'atteler à la tâche et donner de la visibilité ; quant aux mots « carburants » et « vecteurs énergétiques », ils doivent être employés, car ils suscitent actuellement un débat.

M. Pierre Cuypers. - Très honnêtement, je n'ai pas pu lire en détail la totalité du rapport, compte tenu du week-end très chargé que nous venons de vivre. J'ai néanmoins quelques remarques, que mes collègues du groupe LR pourront compléter.

Tout d'abord, je félicite l'auteur du rapport, vu le nombre d'auditions réalisées. Je tiens à saluer l'excellent travail réalisé.

Permettez-moi de m'arrêter sur le mot « simplifier », employé à la page 8 dans la tournure suivante : « impulser, accompagner, simplifier. » J'aurais souhaité qu'en matière de simplification, on différencie la France et l'Europe : nous avons tendance à nous « surcharger » par rapport aux procédures ou directives européennes ; une simplification pourrait donc passer par l'arrêt de cette tendance à la surtransposition permanente.

J'ai par ailleurs évoqué avec le rapporteur le point 14 du deuxième axe, « Clarifier les perspectives pour la filière des biocarburants ». Il est question, dans ce point, de la consolidation du plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants. Pour moi, ce taux doit être un minimum ; il ne faut pas en faire une limite, qui nous priverait d'aller plus loin si les besoins l'exigeaient.

Enfin, il est indiqué en page 190 que, d'après certaines sources, le maintien du bioéthanol est incertain - à l'horizon de 2050, si j'en crois les précisions que m'a apportées M. le rapporteur. Or, pour moi, ce maintien n'est absolument pas incertain. C'est un défi à relever, certes, mais on ne peut pas considérer d'avance qu'il est impossible à relever.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Il s'agit d'une citation de ce que nous a dit la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), citation que je rappelle ici : « À l'horizon de 2050, les besoins existeront en biodiesel, en revanche sur le bioéthanol, le maintien reste incertain. » Cette affirmation n'est donc pas portée par la mission d'information et nous mentionnons avoir entendu une diversité de points de vue.

M. Pierre Cuypers. - En effet, ce sont les propos de la DGEC, car d'autres filières estiment qu'il existe encore des marges de manoeuvre importantes pour le bioéthanol.

Par ailleurs, pouvez-vous me rappeler ce que signifie « Casi » ?

M. Daniel Salmon. - Cet acronyme signifie « changement d'affectation des sols indirect ». Prenons l'exemple de l'huile de palme que l'on a importée d'Indonésie, c'était pour nous du biocarburant, mais cette production a entraîné dans ce pays une déforestation, ayant conduit à une érosion des sols. Le phénomène est le même avec le soja du Brésil. On peut aussi considérer le cas où nous employons des terres agricoles pour faire du biocarburant, ce qui, par contrecoup, nous oblige à importer plus d'alimentation pour nos animaux. Tous ces exemples entrent dans le périmètre des Casi et dégradent de manière significative le bilan carbone des biocarburants.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - La notion de Casi est expliquée en début de rapport. Peut-être faut-il que nous en redonnions la définition au moment où la question est de nouveau abordée...

M. René-Paul Savary. - Je partage la remarque de mon collègue Pierre Cuypers : ce travail est remarquable. Mais j'aurais souhaité que l'on insiste un peu plus sur les échanges entre filières de carburants et que l'on prenne également en compte les coproduits comme les drêches. On ne parle pas suffisamment, par exemple, de l'isobutène ou du fait que diminuer la production de biocarburants, c'est risquer de manquer d'alimentation animale.

Veillons aussi à l'existant. Il ne faudrait pas que les priorités données mettent en péril des investissements engagés. Il faut donc se préoccuper de la territorialité et des efforts déjà réalisés dans certains territoires.

Il faudrait par ailleurs dégager des propositions autour de l'acceptation sociale, notamment de la question du prix. Cette acceptation sociale est tout à fait déterminante.

Enfin, j'aurais aimé trouver un peu plus de relief sur le rétrofit. Les constructeurs automobiles doivent arrêter de s'opposer à l'utilisation de kits sur les véhicules ou de déconseiller ces équipements. Certaines personnes, on le sait, se mettraient volontiers aux nouveaux carburants si on ne leur livrait pas certains messages négatifs.

Comme vous pouvez le constater, mes remarques portent sur des points de détail d'un travail de grande qualité.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - S'agissant de l'acceptation sociale, je vous renvoie à la recommandation n° 20, « Inciter à la conversion de véhicules (rétrofit) et poursuivre le soutien à l'achat de véhicules décarbonés », et à la recommandation n° 15, « Évaluer les risques de hausse du prix des carburants résultant du nouveau cadre européen et mesurer son acceptabilité sociale ». Il nous faudrait plus de temps pour pouvoir avancer sur ce sujet - nous en avons tout de même compris les risques - et travailler plus en profondeur avec la direction du budget, qui, on l'a remarqué, tarde un peu à répondre aujourd'hui. Cela explique la formulation retenue. En clair, il faut inciter nos compatriotes et les entreprises à faire évoluer leurs pratiques, tout en mesurant les blocages possibles.

Le rétrofit est évoqué en page 203...

M. René-Paul Savary. - Mon intervention précédente portait précisément sur ce paragraphe : il faudrait amener les constructeurs et vendeurs automobiles à changer leurs discours. On peut comprendre qu'ils se protègent... Mais, à un moment donné, il faut décider si l'on avance ou pas !

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Nous sommes revenus sur des propos entendus de la part des constructeurs, à savoir qu'il faut un certain temps pour que le marché se renouvelle.

M. René-Paul Savary. - Qu'ils ne mènent pas d'études sur des carburants flexfuel, je le comprends, mais ils pourraient tout de même accepter les transformations des véhicules. Il faut faciliter la transition vers l'électrique, sans quoi il y aura des blocages.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Je partage les positions exprimées sur le rétrofit et l'acceptation sociale. Nous allons voir si nous pouvons être plus explicites sur le premier point. Sur le second, il faut tirer le signal d'alarme, mais nous ne pouvons pas en rester à un seul message négatif. Nous ne l'avons pas écrit comme tel, mais le Gouvernement serait bien inspiré de se rapprocher des commissions des finances et des commissions de l'aménagement du territoire et du développement durable pour examiner la trajectoire fiscale.

La problématique territoriale est abordée en page 176. Nous proposons en outre d'ajouter le paragraphe suivant en page 204 : « Sur ce dernier point, Régions de France a indiqué à la mission que les régions attendaient des clarifications en matière de financement, notamment la déclinaison du “plan d'avenir pour le ferroviaire”, afin de créer les conditions d'un report modal massif vers le rail, par un engagement financier puissant et pluriannuel. Elles constatent que cette “première étape” par la publication des mandats CPER ne sera pas à la hauteur de leurs attentes dans son montant, dans son calendrier et dans son ampleur, pour atteindre les objectifs de la transition écologique sur lesquels la France s'est engagée. »

De même, nous rajouterions deux points issus de la contribution de Régions de France. Le premier, en page 183, concerne l'investissement des AOM pour développer les filières de bioGNV. Le second, en page 201, est relatif au soutien de Régions de France en faveur d'une simplification des conditions d'usage des stations d'avitaillement.

J'en viens à la remarque sur la surtransposition. Nous sommes encore, en page 8, au stade du propos liminaire ; nous avons donc essayé de rester synthétiques. Dans la phrase « la lourdeur des procédures, la taxation plutôt que l'incitation pèsent sur notre capacité à nous adapter », nous pourrions préciser : « la taxation plutôt que l'incitation, voire la surtransposition. » Mais nous risquons d'alourdir l'avant-propos. Nous allons voir plutôt comment apporter cette précision à l'intérieur du rapport.

Se pose enfin la question du plafond à la recommandation n° 14...

M. Pierre Cuypers. - Pourrait-on supprimer le terme « plafond » ? Il n'est pas dans notre rôle de fixer une limite.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - La réalité, au moins du point de vue européen, c'est qu'il s'agit bien aujourd'hui d'un plafond. Nous pourrions modifier la formule de la manière suivante : « consolider le plafond de 7 %, voire le desserrer légèrement » - mais cela peut se faire à la hausse ou à la baisse - ou « consolider le plafond de 7 %, voire l'augmenter légèrement ». Mais, dès lors que ce plafond est actuellement attaqué, il ne faudrait pas engendrer un effet boomerang : en voulant le rehausser, en poussant trop loin le bouchon, on ouvrirait un débat dont on ne saurait pas ce qui pourrait en sortir.

M. Pierre Cuypers. - De plusieurs contacts avec l'Union européenne, j'ai compris que l'on imaginait une mutualisation, avec un procédé dans lequel un pays capable de faire plus que 7 % viendrait compenser un pays qui ne pourrait pas atteindre cet objectif.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Il faudrait alors dire : « voire le rehausser nationalement par une mutualisation européenne. »

M. Pierre Cuypers. - Je ne sais pas s'il faut aller jusque-là...

M. René-Paul Savary. - Pourquoi ne pas utiliser le terme « assouplir » ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - C'est un terme ambivalent, qui peut s'entendre à la hausse comme à la baisse. Compte tenu de l'importance de ce sujet, je vous propose d'y revenir ultérieurement.

Mme Béatrice Gosselin. - Je voudrais juste apporter un complément à propos de l'expression « stratégie offensive » de la France. Celle-ci doit se faire au niveau de la recherche et développement ou encore des aides financières, mais il s'agit aussi de ne pas se faire « avaler » du fait de l'arrivée de pays extérieurs, moins regardants, sur les marchés.

M. Pierre Cuypers. - Par ailleurs, lorsque l'on dit « accélérer », « autoriser », « inciter », « veiller », « accompagner les collectivités locales »... Qui fait toutes ces actions ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - À l'exception des points pour lesquels nous indiquons que notre demande implique la défense par le Gouvernement d'une position à Bruxelles ou la modification d'un texte européen, nous faisons référence au cadre national, à l'État.

M. Bernard Buis. - Premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre et représentant à lui seul 30 % des émissions, le secteur des transports est le seul à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990. La loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat, qui sera prochainement débattue, déterminera les futures programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie nationale bas-carbone. Il était donc important d'engager cette réflexion, et je remercie le groupe Union Centriste de l'avoir fait, tout comme le président et le rapporteur d'avoir mené les nombreuses auditions qui ont amené à la rédaction de ce remarquable rapport d'information.

Premier secteur de consommation d'énergie, représentant 31 % du total, le secteur des transports repose largement sur les énergies fossiles, avec 91 % de la consommation issue de produits pétroliers en 2021 et 7 % de biocarburants, contre presque rien il y a 20 ans. Carburant routier en vente à la pompe, le SP 95-E10 contenant 10 % de bio éthanol représente aujourd'hui 12,5 % des ventes de carburant et 51 % de celle de l'essence. L'électrification du parc automobile constitue le principal gisement de gains, tant en matière d'intensité carbone de l'énergie utilisée que d'efficacité énergétique, mais l'électrification ne sera pas suffisante pour atteindre les objectifs climatiques assignés : il faudrait 20 ans pour n'avoir que des véhicules légers et électriques, d'où l'importance de développer les biocarburants. Cette solution transitoire devrait permettre le verdissement du parc existant.

La résolution demandant de reconnaître à sa juste valeur, dans tous les textes européens, la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'industrie me paraît aller dans le bon sens.

Il en est de même pour beaucoup d'autres et, effectivement, il devient urgent d'évaluer les pertes fiscales sur les énergies fossiles et d'étudier l'impact sur nos finances publiques des orientations prises en matière d'énergie et de la conjoncture économique. De même, il est urgent d'accélérer les raccordements des projets liés à la transition énergétique au réseau de transport et de distribution d'électricité. Il sont très - et même trop - longs et, quelquefois de nature à faire avorter des projets. À une petite échelle, j'ai l'exemple d'un agriculteur qui a un bâtiment agricole desservi avec une puissance de 36 kWh en triphasée. Il veut installer une production photovoltaïque sur le toit de son bâtiment, mais il est limité à 9 kWh de production. Cela interroge !

La recommandation demandant d'ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie, avec, notamment, un desserrement des contraintes du ZAN m'interroge, puisqu'une proposition de loi d'initiative sénatoriale et un vote récent à l'Assemblée nationale devraient régler les problèmes dans le cadre d'une future commission mixte paritaire (CMP), qui, je l'espère, sera conclusive.

Les recommandations liées à la mobilisation de la biomasse me paraissent fondamentales, tout comme celle qui demande d'adopter une stratégie de pilotage global des enjeux ou celle qui propose de soutenir le développement des filières et la mise en place d'une politique innovante de formation et d'adaptation des métiers pour répondre aux nombreux besoins.

Enfin, je rejoins notre collègue René-Paul Savary, la recommandation incitant à la conversion de véhicules par rétrofit devrait être rapidement mise en place pour une efficacité réelle et quasi immédiate.

Je voterai donc ce rapport d'information, en suggérant de limiter le titre à « Décarbonation des transports : l'urgence de choisir. » Cela me semble plus percutant !

M. Daniel Salmon. - Je vous remercie pour ce travail approfondi qui nous permet d'avoir une vision claire de la question des biocarburants. Je n'ai pas encore eu le temps de lire intégralement le projet de rapport. Je me suis concentré sur la troisième partie présentant les propositions, au sujet de laquelle je souhaite formuler quelques remarques.

À la page 139, il est spécifié l'apport de chaque énergie renouvelable dans notre consommation. Or, les énergies éolienne et solaire sont totalement passées sous silence. J'estime qu'elles ne sont pas anecdotiques et qu'il serait bon de préciser leur apport, afin de faire preuve d'exhaustivité.

À la page 140, il est fait mention du rôle des forêts dans le stockage du carbone. Les sols sont également mentionnés, mais il me semble important d'insister sur le fait que les sols agricoles sont aussi des puits de carbone. La directive européenne sur les énergies renouvelables RED II - Renewable Energy Directive - fixe un objectif de 4 %o d'augmentation de la teneur en carbone des sols, qui nous paraît essentiel dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone. Or, il faudrait étudier l'impact de la production de biocarburants sur cet objectif.

À la page 141, vous citez Marc Fesneau au sujet du mauvais état des forêts françaises, désormais incapables de remplir leur rôle de puits de carbone. Le ministre nous invite également à nous montrer vigilants sur la production future de biomasse. En se plaçant dans le scénario d'une augmentation moyenne des températures de 4°C, il a déclaré ne pas savoir de quelle quantité de biomasse nous disposerons, que ce soit au niveau des forêts ou des sols agricoles. Je propose donc de compléter cette citation.

J'estime également qu'il faudrait apporter plus de précisions sur la notion de Casi, dans le rapport, afin d'offrir une meilleure compréhension de cette question en lien avec les biocarburants.

Les constructeurs automobiles rechignent à développer le rétrofit, mais l'État n'est guère plus allant puisqu'il perçoit 34 milliards d'euros de taxes liées aux énergies fossiles. Les biocarburants vont donc à la fois coûter plus cher aux ménages, mais aussi provoquer un manque à gagner pour l'État. Ces 34 milliards d'euros sont plus ou moins équivalents aux recettes de l'impôt sur le revenu et doivent donc s'inscrire dans notre réflexion concernant la réduction de la dette. Le rapport préconise d'ailleurs de procéder à une évaluation des niches brunes de l'État. Cet effet de bord devra être pris en compte.

Au Brésil, les surfaces agricoles dédiées au soja, pour nourrir nos élevages, ont une surface équivalente à la Bretagne. Or tous les scénarios de transition écologique pointent la nécessité de réduire la consommation de viande, sans quoi, notre transition sera rendue difficile, et ce d'autant plus que les deux tiers de la biomasse agricole de l'Union européenne sont destinés à l'élevage.

Ma position est plus mesurée. J'apprécie ce rapport, intéressant et offensif, mais il faut être lucide. Aujourd'hui, en France, nos huiles usagées utilisées comme biocarburants permettent d'assurer l'équivalent de 700 vols Paris-Montréal. Or, la France compte chaque année 1,5 million de vols commerciaux. Les huiles usagées ne représentent donc rien, ou presque. Il nous faut les utiliser, mais elles sont aujourd'hui très marginales.

Je m'interroge aussi sur la possibilité d'aller plus loin que le plafond de 7 % évoqué par Pierre Cuypers. Si le transport aérien poursuit son développement au même rythme qu'aujourd'hui, s'il est multiplié par deux d'ici à 2040, cet objectif semble inatteignable. Il convient donc de viser une décroissance modérée du transport aérien.

Ce rapport contient de nombreux points intéressants, mais j'ai déjà souligné quelques lignes rouges. Par exemple, deux préconisations vont dans le sens d'un développement du nucléaire, et vous connaissez bien ma position sur cette question. Je reste convaincu que sortir du nucléaire est une nécessité, car le monde qui est le nôtre est plus qu'incertain et l'énergie nucléaire n'aime pas l'incertitude. Au sujet du ZAN, je rejoins la position de mon collègue.

Ainsi, certains éléments m'empêchent de voter ce rapport, même si je vous remercie pour le travail qu'il représente.

En outre, je m'interroge sur une donnée figurant à la page 192. Celle-ci présente des données sur les taux d'accise pour chaque biocarburant et indique 74 €/MWh pour le SP95-E10. Ce résultat me surprend.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Il est vrai que ce résultat interpelle par rapport aux autres taux applicables.

M. Gérard Lahellec. - Il me faudrait bien du temps pour exprimer tout le bien que je pense de la conduite de cette mission. Le travail réalisé est exhaustif, compliqué, et nous a permis d'acquérir des connaissances nouvelles, ce qui est une bonne chose. Je suis parfois sorti des auditions avec plus de questions que de réponses. Bravo pour ce travail rédactionnel. Je n'ai pas pu lire le rapport dans son intégralité, mais ce sera le cas d'ici la fin de la semaine.

Un passage m'a toutefois interpellé : celui qui parle des raisons de la décarbonation. Le rapporteur nous a dit qu'elle devait être menée dans le secteur des transports. Cependant, l'utilisation de la biomasse me paraît une question centrale, tant celle-ci va faire l'objet de convoitises et de tensions. La biomasse sera-t-elle utilisée pour décarboner l'agriculture ou servira-t-elle de carburant commercialisé ? J'estime que, tout en gardant à l'esprit l'opportunité de disposer de cette biomasse pour les transports, celle-ci peut être utile dans la décarbonation de notre agriculture, si nous souhaitons que cette dernière reste une agriculture vivrière.

Ma région est une terre d'élevage. Certains agriculteurs valorisent déjà la biomasse en produisant du carburant, mais dans le but de décarboner leur activité. Nous devons donc rester vigilants pour ne pas détourner l'agriculture de sa mission fondamentale.

D'ailleurs, certaines personnes auditionnées au cours de nos travaux ont affiché leur intérêt pour la captation de cette biomasse. Je pense notamment au secteur de l'aéronautique. Je n'irai pas aussi loin que mon collègue Daniel Salmon sur la limitation des vols, mais je souhaite voir cet aspect de précaution renforcé dans le texte. La biomasse peut être utile à la décarbonation de notre agriculture, condition indispensable au développement durable de cette dernière.

J'ai envie de voter ce rapport, mais je vais poursuivre ma lecture avant d'arrêter une position définitive.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Je regrette l'absence de mes trois collègues du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain, qui auraient pu s'exprimer.

Je remercie et félicite l'auteur de ce rapport, car il consigne pas moins de 23 auditions, 34 auditions rapporteur et 4 déplacements. Je salue les efforts déployés pour structurer le travail et intégrer la contribution de Régions de France.

Au sujet de la mobilité, je me suis interrogé sur l'arrêt des énergies fossiles, en raison du réchauffement climatique, et sur la nécessité de développer les énergies renouvelables. Je reste convaincu que ce qui est consommé aujourd'hui en énergie fossile ne sera pas compensé par les énergies renouvelables. Il y aura donc un déficit. Il faut prendre conscience qu'en termes d'énergie produite, un litre de pétrole correspond à une journée entière de travail humain.

M. Daniel Salmon. - J'avais le chiffre de trois journées à l'esprit.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Un autre aspect du rapport me paraît intéressant. Le conflit entre l'Ukraine et la Russie nous fait prendre conscience de la dépendance de la France sur le plan énergétique, pour le gaz comme pour le pétrole. Or je suis attaché à notre indépendance et à notre souveraineté, que soutient le développement des énergies renouvelables.

Au titre des 27 recommandations, 4 concernent l'énergie nucléaire. La position de mon groupe à ce sujet n'est pas celle qui a été retenue par le Sénat. Le nucléaire est populaire tant que la situation est stable au sein de l'Union européenne, mais tout peut changer en cas de dérapage dans le conflit actuel.

La proposition n° 7 mériterait d'être expliquée. Convient-il de remettre en cause les dispositions législatives qui viennent d'être adoptées ?

La recommandation n° 11 c ne me semble pas explicite.

Avec la recommandation n° 11 e : « concentrer une part significative des moyens au décollage des filières qui semblent les plus prometteuses », le verbe « sembler » me paraît très subjectif.

Je me réjouis de la mention des recommandations nos 15 et 20.

J'estime que demain peut être meilleur qu'aujourd'hui. La géologie nous apprend que si l'espèce humaine venait à disparaître, il s'agirait de la sixième extinction connue par notre planète. Mais la vie sur terre reviendrait, plus forte que jamais. Demain pourrait donc être meilleur qu'aujourd'hui, ce qui ne nous prive pas de nous poser collectivement la question suivante : la sobriété, comment et pour qui ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur - Dans ce rapport, nous avons privilégié pour nos recommandations des formulations directes. En effet, il est certes attendu d'une mission d'information qu'elle prenne parti sur une situation, mais aussi qu'elle fasse des propositions concrètes.

Sur le ZAN, il nous semble important d'être particulièrement attentifs à la formulation. Certes, les choses sont bien engagées, mais la CMP aura lieu jeudi prochain. Notre idée est de soutenir la démarche engagée par le Sénat et de rappeler qu'il y a une contradiction entre la volonté de décarbonation et le besoin de foncier pour y parvenir. La recommandation n° 7 indique : « Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette. » Je vous propose de la modifier ainsi : « Ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie : desserrer les contraintes du zéro artificialisation nette, conformément à la démarche engagée par le Sénat. » Soyons prudents, nous souhaitons que la CMP soit conclusive, mais pour l'heure, rien n'est acté. Nous ne pouvons donc pas aller plus loin dans la formulation. Cette formulation s'applique quel que soit le vote.

M. Daniel Salmon. - Je ne vois pas ce que le ZAN vient faire ici. Si l'on veut produire du biocarburant, si l'on a besoin de terres agricoles et de forêts, il faut lutter contre le ZAN, qui est davantage lié au nucléaire.

Quand on parle du ZAN, on évoque le photovoltaïque et l'éolien, qui sont des énergies renouvelables, pas des biocarburants. Le rapport est donc à cheval sur plusieurs sujets.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - À propos du ZAN, je précise que les ports auront un rôle majeur à jouer, notamment dans le domaine de l'hydrogène et la production de biocarburants. Les acteurs de ce domaine nous ont alertés sur le fait que cela exigeait une capacité à artificialiser, avec des logiques complexes et sensibles de compensation. Or en l'état actuel de la réglementation, ils n'y parviennent pas. Même pour décarboner leur propre activité, ils ont besoin de production d'hydrogène. C'est ce que nous visons.

Nous abordons effectivement les questions du solaire et de l'éolien dans ce rapport et, comme vous l'évoquiez au sujet de la page 139, il est pertinent d'y ajouter des éléments concernant ces énergies.

Je suis également d'accord pour compléter la citation de M. Marc Fesneau - il faut toujours citer les ministres qui sont à l'écoute des assemblées.

Monsieur Lahellec, vous souhaitez préciser que la biomasse est utile à la décarbonation de l'agriculture. Nous allons voir où nous allons apporter cette précision, peut-être lorsque nous parlons de l'agriculture vivrière.

M. Gérard Lahellec. - Il me semble prudent de le faire. J'ai déjà des sujets de conflits d'usage.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Nous modifierons le rapport en ce sens. La profession agricole a en effet été très claire sur ce point.

Concernant la formulation de la recommandation n° 11 c, nous avons écrit : « privilégier les usages pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles.  » Nous faisons référence ici aux domaines aérien et maritime. La formule « choix sans regrets », qui précède, renvoie à ces usages sans substitutions possibles ; autrement dit, en dehors de ces choix-là, il n'y a pas d'autre manière de décarboner. Cette formule est peut-être difficile à comprendre ; nous pourrions la retirer et ne conserver que : « privilégier les usages pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles ; prendre en compte le rendement énergétique et le coût des technologies des carburants ou vecteurs énergétiques. » L'expression « choix sans regrets » a-t-elle déjà été utilisée ?

M. René-Paul Savary. - Cette expression a été entendue au cours d'une audition.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Elle a sans doute besoin d'être explicitée. Par exemple, comme on l'a vu au Bourget sur des petits modules, nous parviendrons à introduire l'électrique dans le domaine aérien, mais cela prendra du temps. En attendant, le fléchage a lieu en direction des biocarburants.

M. Daniel Salmon. - Je suis d'accord avec l'expression « sans regrets », même si je pense que dans les domaines maritime et aérien, on n'y arrivera pas. Effectivement, il faut regarder à chaque fois dans quel domaine l'usage des biocarburants est le plus pertinent. Sur les trajets du quotidien et la voiture, l'électrique sera approprié, en raison notamment des progrès réalisés sur les batteries. Ce sera difficile, en revanche, pour les poids lourds, pour lesquels même la solution de l'hydrogène sera longue à mettre en place. J'ai découvert, à l'occasion de ce rapport, que des solutions existent pour le ferroviaire, ce qui est intéressant.

En résumé, il y a des domaines où les alternatives à moyen terme ne sont pas disponibles : dans ces cas-là, les biocarburants peuvent présenter un atout, ce qui justifie à mes yeux la formule « sans regrets ».

M. Pierre Cuypers. - Il y a une notion économique à ne pas oublier. Pour que le dispositif fonctionne, il doit passer au niveau de l'entreprise, de l'industrie, du consommateur et de l'environnement. C'est un tout. La priorité sera donc celle du moment.

Concernant le stock de biomasse, si tout le monde y a recours, évidemment, nous n'en aurons pas suffisamment. Il faudra donc tracer des axes prioritaires. C'est de cette façon que nous pourrons assumer cet usage de la biomasse, c'est-à-dire dans un nombre défini de secteurs.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - La formule « choix pertinents » pourrait être intéressante. Nous pourrions écrire : « privilégier des choix pertinents. »

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Nous pouvons adopter le terme « pertinent » ; il pourra toutefois nous être répondu que chacun en a sa propre appréciation. Je vous propose d'écrire : « privilégier les usages les plus pertinents pour lesquels des substitutions se révèlent difficiles. »

Concernant la recommandation n° 11 e, nous retirons « qui semblent », ce qui donne : « concentrer une partie significative des moyens au décollage des filières les plus prometteuses. », une formulation plus précise.

Concernant la recommandation n° 14 b, je vous propose de reformuler ainsi : « consolider, voire relever, le plafond de 7 % d'incorporation de biocarburants de première génération et développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE). »

M. René-Paul Savary. - Il faut être un peu provocateur !

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - En effet, il faut être clair.

M. René-Paul Savary. - Pour le rétrofit, là aussi il faudrait être provocateur. Nous pourrions inciter les constructeurs soit à accréditer des kits, soit à en proposer d'emblée en les fabriquant en usine. Le frein n'est pas technique ; cela relève plutôt d'une volonté politique.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Il faudrait donc développer cette idée à la page 201, où ce sujet est abordé.

M. René-Paul Savary. - La recommandation n° 20 sur le rétrofit est vague. Il faut inciter les constructeurs à développer le rétrofit ou à s'approprier ces solutions.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Je vous propose : « inciter à la conversion plus massive de véhicules (rétrofit ) ».

À la page 201, le rapport suggère de développer l'achat de boîtiers FlexFuel qui permettent aux véhicules de rouler avec différents types de carburants, notamment des biocarburants. Je vous propose de compléter et de renforcer le rapport sur ce point.

L'ensemble de ces propositions de modification sont adoptées.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Concernant le titre du rapport d'information, M. Buis avait une idée de simplification : « La décarbonation des transports : l'urgence de choisir. »

M. René-Paul Savary. - Je vous rejoins dans cette formulation.

M. Pierre Cuypers. - Je propose : « l'urgence des choix. »

M. Daniel Salmon. - La formule « l'urgence de choisir » implique d'aller dans un sens ou dans l'autre.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - À l'inverse, en effet, le rapport parle de mixité des choix.

Notre rapport parle, en creux, de l'électrique. C'est une donnée parmi d'autres, que nous nuançons et soupesons. Notre rapport porte sur les biocarburants, les carburants synthétiques et l'hydrogène vert.

M. Daniel Salmon. - Je propose : « Le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, au service de la décarbonation des transports ».

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Pourquoi n'opterions-nous pas pour « Décarbonation des transports : choisir pour une filière de carburants durables » ?

M. René-Paul Savary. - Le titre est long.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - On doit comprendre que le sujet de cette mission d'information concerne les biocarburants et l'hydrogène.

M. Pierre Cuypers. - Il n'y a pas que la décarbonation, il y a aussi la disponibilité. Nous parlons d'un bouquet d'énergies.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Optons pour un sous-titre.

Je propose donc : « Décarbonation des transports : l'urgence de choisir - Développer les filières de carburant et d'hydrogène durables ».

Le titre du rapport d'information est ainsi rédigé.

La mission d'information adopte le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

Il est décidé d'insérer le compte rendu de cette réunion dans le rapport d'information.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Enfin, je rappelle que, d'ici jeudi soir, chaque groupe pourra, s'il le souhaite, adresser une contribution qui sera annexée au rapport.

Je vous remercie pour la qualité de nos échanges et la confiance que vous m'avez accordée en me confiant la présidence de cette mission d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Réunions plénières

Mardi 14 février 2023

- Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : MM. Laurent MICHEL, directeur général, Vincent DELPORTE, adjoint à la sous-directrice en charge de la sécurité d'approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques, Christophe KASSIOTIS, directeur de cabinet, et Mme Victoire LANTRAIN, chargée de mission

Mardi 28 février 2023

- Table ronde sur le thème de la recherche sur les carburants synthétiques durables, l'hydrogène et les biocarburants :

· Agence nationale de la recherche (ANR) : M. Pascal BAIN, responsable du département « Sciences physiques, ingénierie, chimie et énergie » (SPICE), et Mme Cécile SCHOU, chargée de mission relations institutionnelles

· Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : MM. Alexandre LEGRIS, directeur-adjoint scientifique de l'Institut de chimie, et Thomas BOREL, responsable des affaires publiques

· Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : M. Thibault CANTAT, directeur de recherche, chef du programme « Économie circulaire du carbone »

· Institut français pour le pétrole et les énergies nouvelles (IFPEN) : M. Jean-Philippe HÉRAUD, responsable du programme « Biomasse vers carburants »

Mercredi 8 mars 2023

- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : MM. Boris RAVIGNON, président par intérim du conseil d'administration, et David MARCHAL, directeur exécutif adjoint de l'expertise et des programmes

Mardi 14 mars 2023

- Table ronde réunissant des think tanks et des organisations non gouvernementales :

· The Shift Project : M. Éric BERGÉ, chef de projet « Industrie lourde »

· Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) : M. Jean-Philippe HERMINE, coordinateur de l'initiative « Mobilité en transition »

· Transport & Environment : Mmes Diane STRAUSS, directrice du bureau France, et Fanny POINTET, responsable du transport maritime

Mercredi 22 mars 2023

- France Hydrogène : M. Philippe BOUCLY, président, Mme Christelle WERQUIN, déléguée générale, et M. Simon PUJAU, responsable des relations institutionnelles

Mardi 28 mars 2023

- FranceAgriMer : MM. Pierre CLAQUIN, directeur « Marchés, études et prospectives », Patrick AIGRAIN, chef du service « Analyses et fonctions transversales et multifilières », et Mme Aurore PAYEN, cheffe de l'unité « Analyses transversales »

Mardi 4 avril 2023

- Table ronde avec la filière agricole :

· Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Luc SMESSAERT, vice-président, Xavier JAMET, responsable des affaires publiques, et Vincent GUILLOT, juriste-fiscaliste

· Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux (FOP) : MM. Guillaume CHARTIER, membre du bureau, et Claude SOUDÉ, directeur adjoint en charge du dossier des biocarburants

· Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) : M. Jean-Guillaume HANNEQUIN, administrateur et président de la FDSEA de la Meuse, et Mme Lauriane CHAMOT, responsable des affaires publiques

· Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) : M. Nicolas RIALLAND, directeur général

· Association générale des producteurs de maïs (AGPM) : M. Gildas COTTEN, responsable des nouveaux débouchés, et Mme Alix d'ARMAILLÉ, responsable des actions régionales et institutionnelles

Mercredi 5 avril 2023

- Engie : MM. Sébastien ARBOLA, directeur général-adjoint en charge des activités de production thermique et de fourniture d'énergie, et Thierry RAEVEL, directeur des relations parlementaires et des territoires

- TotalEnergies : MM. Patrick POUYANNÉ, président-directeur général, et Laurent MARTIN, directeur délégué aux relations institutionnelles pour la France

Mardi 11 avril 2023

- Groupe EDF et sa filiale hydrogène Hynamics : Mme Christelle ROUILLE, directrice générale (Hynamics), et MM. Arthur PARENTY, responsable des affaires publiques (Hynamics), et Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques (groupe EDF)

Mercredi 12 avril 2023

- Air liquide : MM. Erwin PERNFORNIS, vice-président de la branche mondiale « Énergie Hydrogène », et Pierre CAVELAN, responsable des affaires publiques pour la France

Mardi 2 mai 2023

- Tikehau Capital : MM. Marwan LAHOUD, président de l'activité private equity, et Philippe BOTTRIE, président de PBCS

Mercredi 3 mai 2023

- Groupe Aéroports de Paris : M. Augustin DE ROMANET, président-directeur général, Mme Amélie LUMMAUX, directrice du développement durable et des affaires publiques, et M. Mathieu CUIP, directeur des affaires publiques

Mardi 9 mai 2023

- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : M. Philippe MAUGUIN, président-directeur général, Mme Monique AXELOS, directrice scientifique « Alimentation et bioéconomie », MM. Luc FILLAUDEAU, directeur de l'Institut Carnot 3BCAR, et Bernard KUREK, directeur de recherche à l'unité mixte de recherche « Fractionnement des agro-ressources et environnement » (FARE)

Mercredi 17 mai 2023

- Plateforme de la filière automobile et des mobilités (PFA) : MM. Marc MORTUREUX, directeur général, et Nicolas LE BIGOT, directeur des affaires environnementales, techniques et réglementaires

- Stellantis : MM. Jean-Luc BROSSARD, vice-président en charge de la recherche automobile et de l'ingénierie avancée, et Jean-Pascal VIAT, délégué en charge des affaires publiques pour la France

Mardi 23 mai 2023

- Groupe Air France-KLM : Mme Anne RIGAIL, directrice générale, et MM. Vincent ETCHEBEHERE, directeur en charge du développement durable et des nouvelles mobilités, Antoine LABORDE, directeur des achats carburants, et Aurélien GOMEZ, directeur des affaires parlementaires et territoriales

- Table ronde sur le transport maritime :

· HAROPA Port : M. Stéphane RAISON, président du directoire

· Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA) : M. Christophe LENORMAND, chef de service « Flottes et marins », et Mme Caroline Neuman, adjointe au sous directeur de la sécurité et de la transition écologique des navires

Mardi 30 mai 2023

- Groupe SNCF : M. Christophe FANICHET, président-directeur général de SNCF Voyageurs, Mme Carole DESNOST, directrice « Technologies innovation et projets », MM. Vincent DELCOURT, directeur « Performance, stratégie et intelligence Tech », pilote du cluster « innovation-énergie », Stéphane CHWALIK, responsable de la décarbonation de la flotte TER, Bruno SOUCHON, directeur de cabinet adjoint du président-directeur général de SNCF Voyageurs, et Mme Laurence NION, conseillère parlementaire

- Table ronde réunissant la CRE, RTE et Enedis

· Commission de régulation de l'énergie (CRE) : M. Ivan FAUCHEUX, membre du collège, Mme Elsa MERCKEL, chef du département « Énergies renouvelables », et M. Aodren MUNOZ, chargé des relations institutionnelles

· Réseau de Transport d'Électricité (RTE) : MM. Jean-Philippe BONNET, directeur adjoint du pôle « Stratégie, prospective et évaluation », et Philippe PILLEVESSE, directeur des relations institutionnelles

· Enedis : M. Dominique LAGARDE, directeur de la stratégie

Mercredi 31 mai 2023

- Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiale (Gifas) et Groupe Airbus : MM. Bruno EVEN, président-directeur général d'Airbus Helicopters, président du comité de pilotage du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), Pierre BOURLOT, délégué général (GIFAS), Frédéric PARISOT (GIFAS), Baptiste VOILLEQUIN, directeur en charge de la recherche-développement, de l'espace et de l'environnement (GIFAS), Jérôme JEAN, directeur des affaires publiques (GIFAS), et Mme Anne-Sophie de LA BIGNE, directrice des affaires civiles France (groupe Airbus)

Jeudi 1 juin 2023

M. Marc FESNEAU, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Hugues de FRANCLIEU, conseiller « France 2030, innovation et investissements », et M. Emmanuel HONORÉ, conseiller chargé des élus et des discours

Mardi 13 juin 2023

Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la transition énergétique, M. Nicolas MORIN, conseiller « approvisionnement gaz et pétrole, et pouvoir d'achat », Mme Célia AGOSTINI, conseillère politique chargée des relations avec le Parlement, et M. Adrien MONGENET, chargé de mission

Réunions au format rapporteur

Mercredi 15 février 2023

- Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) : MM. Ludovic BUTEL, secrétaire général adjoint, François GIBELLI, chef du bureau environnement, énergie, climat, Jean-Philippe DUFOUR, chef du bureau mobilités, mer et territoires, Mmes Constance DELER, cheffe du bureau Parlements, et Anabelle COLIBEAU, stagiaire

Mardi 7 mars 2023

- Direction générale de l'aviation civile (DGAC) : M. Damien CAZÉ, directeur général de l'aviation civile, et Mme Nora SUSBIELLE, cheffe du bureau « Climat, qualité de l'air et sujets émergents » à la sous-direction du développement durable de la direction du transport aérien

Mardi 14 mars 2023

- Académie de l'air et de l'espace : MM. Michel WACHENHEIM, président, Olivier de L'ESTOILE, secrétaire général, et Xavier BOUIS, président de la commission « Énergie et Environnement »

Jeudi 16 mars 2023

- Cour des comptes : M. Jean-Paul ALBERTINI, président de la section « Énergie » à la 2e chambre, Mme Corinne HERBET, conseillère référendaire en service extraordinaire, MM. Yorick DE MOMBYNES, conseiller référendaire, et Alain LEVIONNOIS, conseiller-maître

- Auteurs d'un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et du Conseil général de l'économie (CGE) sur la sécurité du développement d'une filière hydrogène : M. Michel ROSTAGNAT, membre de la section mobilités et transports (IGEDD), Mme Isabelle WALLARD, présidente de la section « Régulation et Ressources » (CGE) et M. Emmanuel CLAUSE, chargé de mission (CGE)

Mardi 21 mars 2023

- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale du trésor : MM. Alexis GATIER, chef du bureau « Transports et énergie », François-Emmanuel LACASSAGNE, adjoint au chef du bureau « Transports et énergie », Jacques de SAINT-PIERRE, adjoint au chef du bureau « Transports et énergie », et Mme Alice GRÉMILLET, adjointe à la cheffe du bureau « Agriculture, climat et environnement »

Mardi 28 mars 2023

- Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) : Mme Anne-Florie CORON, adjointe du directeur général

Mardi 11 avril 2023

- Équilibre des énergies : MM. Gilles ROGERS-BOUTBIEN, secrétaire général, Jean-Pierre HAUET, président du comité scientifique, économique, environnemental et sociétal, et M. Olivier LAGRANGE, responsable des affaires législatives et réglementaires

Jeudi 13 avril 2023

- Table ronde réunissant la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) et Union TLF : Mme Florence BERTHELOT, déléguée générale (FNTR), M. Erwan CELERIER, délégué aux affaires techniques environnement et innovation (FNTR), Mme Olga ALEXANDROVA, directrice déléguée au pôle « terrestre » (Union TLF), M. Jérôme DOUY, directeur délégué multimodal, développement durable et logistique urbaine (Union TLF), et Mme Hélène QUEVREMONT, directrice aux affaires environnementales et à l'innovation de l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE)

Jeudi 27 avril 2023

- Union française des industries pétrolières - Énergies et mobilités (UFIPEM) : MM. Olivier GANTOIS, président, et Bruno AGEORGES, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques

- Banque des territoires : M. Gautier CHATELUS, directeur adjoint du département « Infrastructures et mobilité », Mme Margot LE GUEN, responsable d'investissement hydrogène au sein du département « Transition énergétique et écologique », et M. Christophe CHARENTON, conseiller relations institutionnelles

- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale des entreprises (DGE) : M. Romain BONENFANT, chef du service de l'industrie

Mme Karima DELLI, présidente de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen

- Fédération nationale des travaux publics (FNTP) : MM. Julien GUEZ, directeur général, Dominique CHEVILLARD, directeur technique, et Mme Sophie CAHEN, directrice influence

- Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA) : Mme Valérie CORRE, présidente, directrice Affaires Réglementaires Alcool/Ethanol UE de Tereos, MM. Jérôme BIGNON, vice-président, directeur des affaires publiques de Cristal Union, et Sylvain DEMOURES, secrétaire général

- Audition commune de Voies navigables de France (VNF) et Entreprises fluviales de France (E2F) : M. Lionel ROUILLON, directeur du développement (VNF), Mmes Cécile COHAS, cheffe de projet sur le verdissement de la flotte du bassin Rhône-Saône et chargée de mission au siège (VNF), Muriel MOURNETAS, conseillère parlementaire (VNF), et M. Didier LEANDRI, président-directeur général (E2F)

Mardi 2 mai 2023

- Neste : Mmes Sandrine NELISSEN GRADE, directrice des affaires publiques, et Clémence Hillion (Edelman France)

- Syndicat des énergies renouvelables : M. Jules NYSSEN, président, et Mme Valérie WEBER-HADDAD, directrice en charge des filières chaleur, froid et transports

Jeudi 11 mai 2023

- Groupe Avril : MM. Christophe BEAUNOIR, directeur général de SAIPOL (filiale du groupe Avril), Stéphane YRLES, secrétaire général, et Mme Kristell GUIZOUARN, directrice des affaires réglementaires

- Lhyfe : MM. Ghislain ROBERT, directeur du développement, Christophe DUBRUQUE, directeur du développement mobilité, Frédéric GHARBI-MAZIEUX, directeur des affaires publiques, et Christophe THARRAULT, président de Consultruck

Mardi 23 mai 2023

- Association internationale du transport aérien (IATA) : M. Robert CHAD, area manager France, Belgium, Netherlands & Southern Europe, et Mme Manuella GOYAT, manager campains & policy France, Belgium & Netherlands EUR-Field Offices

- Haffner Energy : M. Philippe HAFFNER, président-directeur général, Mme Laure BOURDON, directrice de cabinet, et M. Vincent QUÉAU, directeur des affaires publiques

Mardi 30 mai 2023

- Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et Fédération des industries ferroviaires (FIF) : MM. Louis NÈGRE, président, Guy LEBRAS, directeur général du Gart, et Igor BILIMOFF, délégué général de la FIF

- Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) : M. Jean-Sébastien BARRAULT, président, et Mme Ingrid MARESCHAL, déléguée générale

Mercredi 31 mai 2023

- Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) : MM. Pascal de IZAGUIRRE, président, et Laurent TIMSIT, délégué général

Jeudi 1 juin 2023

- Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) : M. Frédérik JOBERT, directeur de programme

- Ministère des armées - Direction générale de l'armement (DGA) et Direction du service de l'énergie opérationnelle (DSEO) : MM. Olivier ROUSSEL, ingénieur en chef de 1re classe commandant le centre d'expertise technique du SEO, Paul KAESER, ingénieur en chef de 2e classe en charge du domaine énergie à la direction du SEO (DSEO), Éric LE BARS, expert produit aéronautique au CETSEO, Mme Marie COUTANSAIS, chargée de mission énergie opérationnelle à la DSEO, M. Arnaud MAROIS, adjoint coopération interministérielle et institutionnelle dans le domaine capacitaire au sein du pôle coopération, prospective et affaires interministérielles du service d'architecture du système de défense (SASD) de la DGA, Mme Hélène PERRET, cheffe du bureau des affaires interministérielle au SASD de la DGA, et M. Fabien MICHELIN, architecte capacitaire technologies transverses et énergie au SASD de la DGA

Mardi 6 juin 2023

- Européenne de Biomasse : MM. Jean-Baptiste MARIN, président-directeur général

- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction du budget : M.  Laurent PICHARD, sous-directeur

Jeudi 8 juin 2023

- Fédération des fabricants d'aliments pour chiens, chats, oiseaux et autre animaux domestiques (FACCO) : M. Christophe CARLIER, président, Mmes Aurélie BYNENS, déléguée générale, et Éva RUIZ, membre du groupe de travail affaires publiques et présidente du groupe de travail développement durable et environnement de la Fédération européenne de l'industrie des aliments pour animaux de compagnie (FEDIAF)

- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - Direction générale des finances publiques - Direction de l'immobilier de l'État : M. Matthieu DECONINCK, sous-directeur (TVA, environnement et taxes sectorielles) et Mme Alexia GUILLON, rédactrice juridique

- Cooperl : MM. Franck PORCHER, directeur, Bertrand CONVERS, délégué aux relations extérieures, et Mme Justine BERCY, chef de projets biocarburants

- Trifyl : M. Daniel VIALELLE, président

Mercredi 14 juin 2023

- Départements de France : M. Alain LEBOEUF, président du Conseil départemental de la Vendée, et Mme Marylène JOUVIEN, chargée des relations avec le Parlement

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Contributions écrites adressées à la mission d'information de la part de personnes ou d'organismes qui n'ont pas été entendus en audition

- Armateurs de France

- Association des Maires de France

- BpiFrance

- GRTgaz

- Mobilians

- Régions de France

- Régie autonome des transports parisiens (RATP)

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 30 mars 2023 : déplacement dans le Rhône

- Symbio : accueil et présentation de l'entreprise par M. Philippe ROSIER, président-directeur général, puis visite du site d Vénissieux.

- Station de distribution d'hydrogène Hympulsion de Saint-Priest : présentation du fonctionnement de la station et du projet ZEV (Zero Emission Valley), en présence notamment de M. Gilles GASCON, maire de Saint-Priest, Thierry RAEVEL, président d'Hympulsion, et Lionel CATRAIN, référent communication externe à la direction de l'énergie et de l'environnement de la Région Auvergne-Rhône-Alpes

- IFP Énergies nouvelles - Établissement de Lyon (Solaize) :

· présentation des activités du Pôle de Compétitivité CARA (European cluster for mobility solutions) et présentation de l'IFPEN, focus sur les biocarburants ;

· visite du site : bancs Mobilité hydrogène (pile à combustible et moteurs thermiques hydrogène), unités Biocarburants, unité E-fuels, unités Captage C02

en présence de M. Jean-Michel BUDYNEK, adjoint au maire de Solaize

- Compagnie nationale du Rhône (CNR), réunion de travail à Villeurbanne : échanges avec MM. Julien FRANÇAIS, directeur général, Frédéric STORCK, directeur « recherche et innovation », et Mme Bernadette LACLAIS, responsable des affaires institutionnelles, sur les projets de la CNR en matière d'hydrogène vert, en lien notamment avec le futur site de Symbio à Saint-Fons, sur le pôle de compétitivité de la transition énergétique Tenerrdis et sur les enjeux fluviaux

Lundi 3 avril 2023 : déplacement à Bruxelles

- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : entretien avec Mme Léa BOUDINET, conseillère énergie, et M. Paul AVRILLIER, conseiller transports maritimes et aériens

- Commission européenne :

· entretien avec M. Joan CANTON, conseiller au cabinet de M. Thierry BRETON, Commissaire européen chargé du marché intérieur

· entretien avec M. Kristian HEDBERG, chef d'unité, Mme Aleksandra KLENKE et M. Dario DUBOLINOLA, membres de l'Unité B4 « Transport durable et intelligent » de la Direction générale chargée des transports

· entretien avec M. Daniel MES, membre du cabinet de M. Frans TIMMERMANS, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du « Pacte vert pour l'Europe »

- Représentation permanente de la Banque européenne d'investissement auprès des institutions européennes : entretien avec M. Stéphane SAUREL, chef de l'unité Affaires institutionnelles et règlementaires

Jeudi 4 et vendredi 5 mai 2023 : déplacement dans les Bouches-du-Rhône

- Grand port maritime de Marseille : dîner avec MM. Hervé MARTEL, président du directoire, et Patrick MADDALONE, secrétaire général

- CMA CGM :

· accueil et réunion avec Mme Christine CABAU WOERHEL, executive vice-president operations & assets, et M. Damien DENIZOT, directeur de cabinet de Tanya SAADÉ ZEENY, directrice générale déléguée

· visite du fleet center

- Bioraffinerie de La Mède :

· accueil par MM. Bernard PINATEL, directeur général raffinage-chimie, membre du comité exécutif de TotalEnergies, et Philippe BILLANT, directeur de la bioraffinerie de La Mède

· présentation en salle puis visite du site

- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) - Centre de Cadarache :

· accueil par M. Christophe BOURMAUD, directeur du Centre du CEA de Cadarache

· présentation et visite de l'Institut de Biosciences et biotechnologies d'Aix-Marseille (BIAM)

· présentation et visite de la plateforme régionale de transfert technologique (PRTT)

Vendredi 12 mai 2023 : déplacement à Pau

- Participation à la deuxième édition du Forum européen sur l'avenir des mobilités : intervention de M. Vincent CAPO-CANELLAS sur le thème du « développement de carburants durables pour l'aérien et le maritime par des acteurs opérationnels »

L'intervention du rapporteur et l'ensemble du colloque peuvent être consultés à l'adresse suivante :

https://www.grandprixdepau.fr/pau-motors-festival/rencontres-europeennes-des-mobilites-2023/

- Safran Helicopter Engines - site de Bordes :

· réunion de travail avec MM. Eric DALBIÈS, directeur général adjoint « Stratégie, R/T et Innovation » de Safran, MM. Nicolas JEULAND, expert sur les carburants alternatifs et l'empreinte environnementale, Jean-Baptiste JARIN, chef de programme adjoint « Recherches & Technologies » chez Safran Helicopter Engines, et Frédéric DALAKUPEIAN, responsable des affaires publiques ;

· visite du banc d'essai.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

Contribution du Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Le groupe socialiste, écologiste et républicain (SER) tient d'abord à souligner la qualité du travail réalisé par le rapporteur ; un travail de longue haleine, fondé depuis février dernier, sur plus d'une cinquantaine d'auditions de divers acteurs et experts sur cette question fondamentale de l'apport potentiel des carburants durables.

Pour décarboner nos transports, des solutions de substitution aux énergies fossiles doivent être trouvées ; nous n'avons pas le choix !

Les biocarburants, les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert disposent de nombreuses vertus, car ils ont l'avantage de réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre tout en se substituant au pétrole que nous importons. Ils constituent donc l'un des éléments clés de la transition énergétique, notamment dans les secteurs où les solutions électriques ne seraient pas possibles ou inefficaces.

Le mérite de cette mission d'information est précisément de lancer des pistes de réflexion et des propositions pour anticiper l'accroissement de la demande de ces nouveaux vecteurs énergétiques durables, et ce afin d'éviter une nouvelle dépendance à des importations qui creuseraient notre déficit commercial.

Produire ces nouveaux carburants durables, à des prix compétitifs et sous condition d'un bilan énergétique et carbone vertueux, constitue l'un des ressorts essentiels pour amener le secteur des transports sur la voie de la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Pour autant, il est improbable que nous parvenions à compenser par des énergies renouvelables l'ensemble des énergies fossiles que nous utilisons aujourd'hui. Et ce notamment dans le secteur des transports où les émissions de gaz à effet de serre n'ont cessé d'augmenter depuis les années 1990, atteignant en 2021, 31 % des émissions annuelles françaises.

Sous cet angle, on peut regretter que le rapport ne se situe pas dans une perspective plus globale qui aurait permis de repenser la juste place de la filière de ces nouveaux carburants durables dans les efforts que nous devons consentir pour répondre à l'urgence écologique et à l'impact social du réchauffement climatique.

Pour le dire autrement, la voie des carburants durables ne saurait être viable si elle ne s'accompagne pas d'un bouleversement de nos modes de production trop productivistes et de nos modes de consommation trop consuméristes permettant d'aller vers plus de sobriété et donc vers une rationalisation des usages, pratiques et habitudes, notamment en matière de transport (moins de transport routier, plus de rail, de transports collectifs et collaboratifs...).

Continuer comme avant, aboutirait inévitablement à une hausse importante de nos importations et réduirait l'espoir de réussir la décarbonation de nos transports. Ce serait « tomber de Caribe en Scylla »...

En avril 2022, dans son rapport, le GIEC définissait la sobriété comme « l'ensemble des politiques, des mesures, des pratiques quotidiennes qui permettent d'éviter des demandes d'énergie, de matériaux, de biens, de terres, tout en assurant le bien-être de tous les humains dans les limites planétaires ».

Cela suppose non seulement d'accroître l'efficacité énergétique, mais aussi de réduire le volume d'énergie que nous consommons.

Comment faire et pour qui ?

C'est là que réside aujourd'hui tout l'enjeu d'une transition écologique capable à la fois de lutter contre le réchauffement climatique et de réduire les inégalités sociales et économiques.

Car « faut-il que tout change pour que rien ne change » ?

Alors que la croissance du PIB s'accompagne depuis quelques décennies d'une hausse criante des inégalités, avec une participation proportionnellement plus réduite des plus riches (les 1 % et 0,1 % les plus riches) aux efforts de sobriété comme en témoignent plusieurs études, il est temps de penser le monde d'après la croissance productiviste et fondée sur l'indicateur numérique du PIB pour laisser place à un modèle de développement fondé sur une sobriété pragmatique et inclusive, capable d'améliorer le bien-être des populations tout en répondant à l'urgence climatique.

Contribution du Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

La sortie des fossiles n'est pas une option, mais une impérieuse obligation. Dans ce contexte, les biocarburants sont un des éléments de notre futur mix énergétique, ils peuvent contribuer, sous certaines conditions, à sa décarbonation et à notre souveraineté. Néanmoins, il convient de ne pas leur donner un blanc-seing, car ces alternatives aux énergies fossiles posent de nombreuses questions et ne permettent pas toujours de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre, et dans certains cas même, ils les augmentent.

90 % des biocarburants proviennent des cultures du colza, du blé, du maïs et de la betterave. Le volume de biocarburants a été multiplié par 9 en moins de 15 ans ce qui est considérable. La France, malgré une importante production nationale, dépend largement d'importations puisque le colza d'origine française ne représente que 38 % des volumes incorporés dans les biocarburants en 2020 tout en consommant les trois quarts de la production nationale (rapport de la Cour des comptes de juillet 2021).

La capacité d'un biocarburant à réduire les émissions de GES par rapport aux carburants fossiles doit être l'exigence première. Rappelons que la directive RED II prévoit la mise en place pour les biocarburants d'une traçabilité dédiée pour démontrer que les critères de durabilité de la biomasse, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'efficacité énergétique, sont respectés. La seconde exigence est de contribuer à la préservation de la fertilité des sols et à la biodiversité.

Pour être en cohérence avec les objectifs assignés, les biocarburants doivent répondre à de nombreuses exigences.

Un élément déterminant n'est malheureusement pas approfondi dans ce rapport. Le changement d'affectation des sols indirects (CASI) n'est pas totalement pris en compte dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, lorsque la mise en culture pour la production de biocarburants intervient sur des terres agricoles déjà utilisées pour un usage alimentaire, on assiste à un glissement de la production alimentaire initiale vers d'autres terres agricoles ou non, comme les forêts, les prairies, les zones humides. S'ils peuvent être difficiles à mesurer, les CASI doivent être pris en compte pour établir un bilan global d'émission des biocarburants. Ces émissions peuvent être liées aux évolutions du stock de carbone organique contenu dans le sol, aux émissions liées à la destruction de la végétation naturelle, lors du changement d'usage du sol.

Sans tenir pleinement compte des effets des CASI, les règles de calcul actuellement basées sur l'analyse cycle de vie sont trompeuses et permettent d'atteindre les seuils de réduction d'émissions fixées par la directive RED II du fait de cette carence.

Un autre point de vigilance qui doit être souligné est celui des cultures dédiées à la production de ces biocarburants. Colza, maïs, blé, betterave sont les principales matières premières utilisées pour la production. Ces cultures, pratiquées de manière intensive, ont des impacts environnementaux importants sur les sols, l'air, l'eau et la biodiversité du fait de l'usage d'intrants, à titre d'exemple l'usage des néonicotinoïdes pour la culture de betteraves (rapport IPBES de 2019). Cette problématique fondamentale est absente du rapport.

Alors que nos terres sont déjà largement surexploitées, que la productivité stagne ou même décroît, la France n'est pas autonome pour la nutrition animale. Il convient donc dans un premier temps d'interroger le régime alimentaire des Français. La production de cultures dédiées aux biocarburants doit s'étudier dans ce contexte de dépendance. Baisser notre volume de consommation de viande semble un préalable pour permettre de dégager des surfaces dans le cadre d'une planification, pour des cultures autres que celles dédiées à l'alimentation animale. Il est ici question de réelle souveraineté.

De plus, tout ce qui consiste à importer de la biomasse de l'étranger pour produire des biocarburants ou des productions agricoles destinées à la nutrition animale induit des changements d'affectation des sols (CASI) ne contribue pas à notre souveraineté et participe à la diminution des puits de carbone à l'étranger.

Si la biomasse peut jouer un rôle important en matière de production d'énergie, il est essentiel de ne pas bouleverser les équilibres entre ses différents usages. Toutes les productions actuelles ont déjà un usage et le risque est bien de déstabiliser des filières agricoles. En effet, la biomasse est essentielle pour la production alimentaire humaine et animale, mais aussi pour la production de fibres, de fumure ainsi que pour la faune et la flore. La production énergétique doit rester limitée, au risque de voir les sols agricoles privés de matières organiques, et justifiant en conséquence le recours à de plus en plus d'intrants chimiques. On peut dans certains cas intensifier la production, valoriser des co-produits, mais cela a également des répercussions qu'il est nécessaire de prendre en compte.

Les Cultures Intermédiaires à Vocation Énergétique (CIVE) risquent de devenir une ressource hautement convoitée. Les gisements nécessaires à la production de biogaz ou de biocarburants ne sont pas infinis, un développement massif de ces différentes filières ferait peser un risque important sur les filières agricoles en général en développant une compétition sur la biomasse. Il conviendrait également de tenir compte des aléas auxquels nous serons soumis dans les années à venir : quid de la quantité de biomasse sur une planète à + 4 °C ? Quelle production de biomasse avec la raréfaction de la ressource en eau ?

Le rapport cible la décarbonation du secteur des transports, notamment le secteur de l'aérien. L'objectif d'incorporation de biocarburants à hauteur de 6 % en 2030 et de 20 % en 2035 semble illusoire. Les quantités de biocarburants nécessaires pour se substituer au fossile dans les secteurs de l'aérien et du transport maritime sont sans commune mesure avec nos capacités de production. En effet, les gisements de biomasse disponibles de manière durable ne permettront pas un développement massif des biocarburants. Les seuls moyens pour réduire l'empreinte de ces deux secteurs sur le court et moyen terme sont d'une part de s'engager dans une politique de sobriété, de réorienter notre économie vers une production durable, soutenable et territorialisée qui permettra de faire décroître le transport maritime, et d'autre part de ramener le transport aérien à son niveau de 1990, l'objectif de 70 % de carburants aéronautiques durables en 2050 n'est pas crédible dans un scénario de croissance de ce secteur.

Ceci nous conduit à penser que les biocarburants n'ont la capacité de remplacer qu'une petite partie des carburants fossiles et cela dans des usages bien particuliers comme le transport poids lourds et le transport ferroviaire non électrifié et ceci sur le court et moyen terme dans l'attente de solutions plus performantes.

Par ailleurs, si le groupe Écologiste Solidarité & Territoires salue le travail effectué par la mission d'information, il regrette qu'il vise un champ bien trop vaste : biocarburants, carburants synthétiques, hydrogène. Chacun d'entre eux aurait pu faire l'objet d'un rapport à part entière. À ce titre, les recommandations relatives à l'hydrogène telles que la reconnaissance « à sa juste valeur, dans tous les textes européens, de la contribution de l'électricité et de l'hydrogène d'origine nucléaire à la décarbonation de l'économie » ou encore la nécessité d'une « relance effective et rapide de l'énergie nucléaire » nous font entrer dans un autre champ. Nous nous opposons à cette relance de l'énergie nucléaire pour de nombreuses raisons que nous ne développerons pas ici.

De plus, la volonté d'ajuster la politique foncière aux enjeux de décarbonation de l'économie en desserrant les contraintes du zéro artificialisation nette (ZAN) n'est pas souhaitable, ces projets n'ont pas à être exonérés de la trajectoire du ZAN, car ils participent bien au recul des terres agricoles et des espaces naturels.

Le rapport n'analyse pas le coût complet que représente le développement des biocarburants pour l'État. En plus des dépenses de soutien public à la recherche, le subventionnement des biocarburants impliquerait une baisse -certes salutaire- des ventes d'énergies fossiles, mais une diminution mécanique des recettes liées à la taxation des énergies fossiles. Augmentation des dépenses et perte de recettes se cumulent et doivent être pleinement identifiées.

Concernant les biocarburants de deuxième génération, et les recherches qui sont effectuées aujourd'hui pour produire des carburants issus de « déchets » ménagers, agricoles, forestiers ou industriels : il a été constaté au cours des auditions que ces gisements sont eux aussi limités et convoités par plusieurs filières comme le biogaz (pyrogazéification pour les déchets ligneux) ou le bois énergie, mais aussi l'alimentation animale. Il convient donc, avant d'engager des politiques publiques onéreuses pour développer cette voie de deuxième génération, d'avoir une évaluation précise des gisements nationaux et des priorisations. Il en est de même pour la production d'hydrogène par thermolyse, pyrogazéification ou vaporeformage.

Une analyse fine des gisements, les interactions avec les différentes filières agricoles, les concurrences entre les différents usages énergétiques de la biomasse sont des angles morts de ce rapport qui en font un exercice intéressant, l'aboutissement d'un travail considérable en termes d'auditions et de synthèse, mais un outil insuffisant en termes d'analyse politique.

Pour conclure, ce rapport apporte une analyse intéressante au niveau technologique des différentes filières et c'est notable, il lui manque toutefois une vision écosystémique. Ce rapport nous conforte également dans la conviction que la décarbonation de nos sociétés, la préservation de l'habitabilité de la planète ne pourront se faire sans une réelle sobriété des usages ni une réelle modification de nos pratiques en termes de transports, d'alimentation et de consommation d'une manière générale. L'intérêt porté à la filière des biocarburants ne doit pas masquer le chemin de l'efficacité et de la sobriété.


* 1 IPCC Global Warming of 1.5 °C : An IPCC Special Report on the Impacts of Global Warning of 1.5°C Above Pre-industrial Levels and Related Global Greenhouse Gas Emission Pathways, in the Context of Strengthening the Global Response to the Threat of Climate Change, Sustainable Development, and Efforts to Eradicate Poverty, 2018

* 2 Plan climat du 6 juillet 2017, le Gouvernement souhaitant alors « se donner une nouvelle stratégie visant la neutralité carbone à l'horizon 2050 » (axe n° 11).

* 3 Communication de la Commission européenne du 28 novembre 2018 intitulée « Une planète propre pour tous -- Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat », COM/2018/773 final.

* 4 Décrets n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (Article 1er) et n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone (Article 1er).

* 5 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 1er).

* 6 Loi n° 2015-992 du17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 43).

* 7 Étant précisé que leurs « matières premières [...] ne compromettent pas la vocation alimentaire d'une terre et ne comportent pas ou peu de risques de changements indirects dans l'affectation des sols ».

* 8 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (Article 58).

* 9 En effet, ce dispositif applique des pourcentages nationaux cibles à l'incorporation des EnR dans les transports (9,5 % en 2023 et 9,9 % en 2024 pour les essences, 8,6 % en 2023 et 9 % en 2024 pour les gazoles, 1 % en 2023 et 1,5 % en 2024 pour les carburéacteurs).

* 10 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Article 22).

* 11 Le document est consultable ci-contre.

* 12 Ministère de la transition énergétique (MTE), Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023 - 2024-2028, mars 2020, p. 355.

* 13Le document est consultable ci-contre.

* 14 Le document est consultable ci-contre.

* 15 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (Article 19).

* 16 Ministère de la transition énergétique (MTE), Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone, mars 2020, p. 23.

* 17 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).

* 18 Chiffres issus de « Data Lab - Chiffres clés des transports - Édition 2023 ».

* 19 Source : Ademe, avril 2022, Émissions des véhicules routiers - Les particules hors échappement

* 20 Ministère de la transition énergétique (MTE), Chiffres clés de l'énergie, édition 2022, novembre 2022, pp. 34 à 39, et 57.

* 21 Essentiellement dans le transport ferroviaire.

* 22 Essentiellement dans le transport routier lourd.

* 23 Ministère de la transition énergétique (MTE), Chiffres clés de l'énergie, édition 2022, novembre 2022, pp. 6, 7, 28 et 52.

* 24 Cour des comptes européenne, rapport spécial 15/2023 : La politique industrielle de l'UE en matière de batteries - Un nouvel élan stratégique est nécessaire.

* 25 Communication de la Commission européenne du 8 mars 2022, « REPowerEU : Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable », COM (2022) 108 final.

* 26 Communication de la Commission européenne du 1er février 2023, « Un plan industriel du pacte vert pour l'ère du zéro émission nette », COM (2023) 62 final.

* 27 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 28 Le document est consultable ci-contre.

* 29 Comme indiqué plus haut, ces objectifs ont été inscrits dans la loi, en 2019 et la PPE, en 2020.

* 30 Le document est consultable ci-contre.

* 31 Véhicules utilitaires légers (VUL), poids lourds (PL), bennes à ordures ménagères (BOM), trains régionaux ou interrégionaux en zone non électrifiée.

* 32 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 2).

* 33 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 87).

* 34 Un autre débouché des biocarburants peut être le chauffage.

* 35 Les éléments d'explication techniques sur les biocarburants conventionnels sont issus des travaux du ministère de la transition énergétique (MTE) sur les biocarburants, ainsi que de FranceAgriMer sur les filières bioéthanol et biogazole.

* 36 Des conditions d'installation et d'homologation ont été définies par l'arrêté du 30 novembre 2017 relatif aux conditions d'homologation et d'installation des dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence - superéthanol E85.

* 37 Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 38 C'est-à-dire un composé chimique formé par un alcool et un acide.

* 39 C'est-à-dire un processus chimique permettant de transformer un ester en un autre.

* 40 Huiles alimentaires usées ou résiduelles.

* 41 Dans des conditions d'identification fixées par la décision du 11 septembre 2018 fixant la liste des véhicules et engins à motorisation Diesel compatibles avec le gazole B10.

* 42 Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte).

* 43 Cette liste comporte les matières suivantes : « a) algues si cultivées à terre dans des bassins ou des photobioréacteurs ; b) fraction de la biomasse correspondant aux déchets municipaux en mélange, mais pas aux déchets ménagers triés relevant des objectifs de recyclage ; c) biodéchets ; d) fraction de la biomasse correspondant aux déchets industriels impropres à un usage dans la chaîne alimentaire humaine ou animale, comprenant les matières provenant du commerce de détail et de gros ainsi que des industries de l'agroalimentaire, de la pêche et de l'aquaculture, et excluant les huiles de cuisson usagées et les graisses animales de catégories 1 et 2 ; e) paille ; f) fumier et boues d'épuration ; g) effluents d'huileries de palme et rafles ; h) brai de tallol ; i) glycérine brute ; j) bagasse ; k) marcs de raisins et lies de vin ; l) coques ; m) balles (enveloppes) ; n) râpes ; o) fraction de la biomasse correspondant aux déchets et résidus provenant de la sylviculture et de la filière bois, c'est-à-dire les écorces, branches, produits des éclaircies précommerciales, feuilles, aiguilles, cimes d'arbres, sciures de bois, éclats de coupe, la liqueur noire, la liqueur brune, les boues de fibre, la lignine et le tallol ; p) autres matières cellulosiques non alimentaires ; q) autres matières ligno-cellulosiques à l'exception des grumes de sciage et de placage. »

* 44 Sont exclues les matières premières provenant de terres agricoles de grande valeur en termes de diversité biologique, celles provenant de terres présentant un stock important de carbone et celles obtenues à partir de tourbières.

* 45 Règlement délégué (UE) 2019/807 de la Commission du 13 mars 2019 complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil.

* 46 Tel que résultant de l'accord provisoire du 30 mars 2023, consultable ci-contre.

* 47 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652.

* 48 Tel que résultant de l'accord provisoire du 8 mai 2023.

* 49 Tel que résultant de l'accord provisoire du 19 avril 2023.

* 50 Si ces carburants n'atteignent pas d'eux-mêmes un niveau de 1 % en 2031.

* 51 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 (Article 32).

* 52 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2018 de finances pour 2019 (Article 192).

* 53 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (Article 58).

* 54 74,576 €/MWh sur le SP95-E10, 17,894 €/MWh sur le Superéthanol E85, 12,905 €/MWh sur le B100 et 12,119 €/MWh sur l'ED95 ; quant aux B7, B10 et B30, ils sont assujettis au taux de 59,40 €/MWh prévu pour le gazole.

* 55 Source : Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 56 Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 57 Selon la base « CarbuRe » du MTE, consultable ci-contre.

* 58 MTE, Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 66 et 67.

* 59 MTE, Chiffres clés de l'énergie, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 29 et 36.

* 60 Commissariat général au développement durable (CGEDD), Chiffres clés de l'énergie, Édition 2012, Décembre 2012, p 5.

* 61 MTE, Chiffres clés de l'énergie, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 29 et 36.

* 62 Biogaz compris.

* 63 MTE, Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 6, 9, 26, 28 et 30.

* 64 Source : Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 65 Cour des comptes, La politique de développement des biocarburants, 2021, pp. 54 et 58.

* 66 Fiches de FranceAgriMer sur les filières bioéthanol et biogazole.

* 67 Fiches de FranceAgriMer sur les filières bioéthanol et biogazole.

* 68 Les graphiques ci-contre sont également issus des fiches de FranceAgriMer.

* 69 Cour des comptes, La politique de développement des biocarburants, 2021, p. 33.

* 70 La planification écologique dans les transports, document présenté le 31 mai 2023 dans le cadre du Conseil national de la refondation.

* 71 Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 72 Les graphiques ci-contre sont également issus du panorama du MTE.

* 73 Selon la base « CarbuRe » du MTE, consultable ci-contre.

* 74 Ademe, Analyses du cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en France, février 2010.

* 75 Selon une analyse en cycle de vie (ACV) et sans prise en compte du changement d'affectation des sols.

* 76 Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 77 Les données figurant dans les deux tableaux ci-contre sont issues du panorama du MTE précité.

* 78 Selon la base « CarbuRe » du MTE, consultable ci-contre.

* 79 MTE, Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 80 Les données figurant dans le tableau ci-contre sont issues du panorama du MTE précité.

* 81 Pour les catégories I et II, d'une part, et III, d'autre part.

* 82 Idem.

* 83 Rapport d'information n° 872 (2020-2021), Méthanisations : au-delà des controverses, quelles perspectives ?, déposé le 29 septembre 2021.

* 84 Pyrogazéification, gazéification hydrothermale, Power-to-Gas (P-t-G).

* 85 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 1er).

* 86 Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (Article 5).

* 87 Loi n°  2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (Article 67).

* 88 0,54 €/MWh pour les secteurs agricoles et forestiers.

* 89 Certains procédés ou activités industriels et certains usages des aéronefs et des navires.

* 90 Loi n°  2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (Article 71).

* 91 Commission de régulation de l'énergie (CRE) Délibération n° 2022-272 du 3 novembre 2022 relative à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 92 Ministère de la transition énergétique (MTE), Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 6, 9, 60 et 63.

* 93 Source : Méthafrance.

* 94 MTE, Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition 2022, Novembre 2022, pp. 26 et 30.

* 95 Association française du gaz naturel véhicules (AFGNV), Panorama BioGNV 2022, 2023.

* 96 Les graphiques figurant ci-contre sont tirés du panorama de l'AFGNV.

* 97 Les éléments d'explication techniques sur les biocarburants avancés sont issus des travaux du ministère de la transition énergétique (MTE) sur les biocarburants, ainsi que de ceux de l'Ademe sur les biocarburants avancés.

* 98 Ministère de la transition énergétique (MTE), Panorama des biocarburants incorporés en France en 2020, 2021.

* 99 Source : Cooperl.

* 100 C'est-à-dire la production d'un gaz de synthèse à partir de la biomasse.

* 101 On parle également de Biomass-to-Liquid (BtL).

* 102 Source : Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

* 103 La Banque des territoires (BdT) intervient également via des prêts ou des prises de participation au capital.

* 104 Afin de soutenir la filière aéronautique, 300 M€ par an de 2024 à 2030 en faveur de la R&D, ainsi que 50 M€ de financements publics et 200 M€ d'investissements privés ont aussi été annoncés.

* 105 Sources : IFP Énergies nouvelles (IFPEN), Agence nationale de la recherche (ANR), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Banque des territoires (BdT).

* 106 Aussi, seuls 4,3 M€ de crédits ont été effectivement consommés sur les 8 M€ prévus.

* 107 Qui nécessite de la biomasse ligno-cellulosique.

* 108 Qui nécessite en outre de l'éthanol.

* 109 Tel que résultant de l'accord provisoire du 30 mars 2023, consultable ci-contre.

* 110 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652.

* 111 Tel que résultant de l'accord provisoire du 8 Mai 2023.

* 112 En 2017, les chercheurs du BIAM ont découvert une enzyme (Fatty-Acid Photodecarboxylase), qui permet de transformer certains acides gras en hydrocarbures à l'aide de l'énergie lumineuse.

* 113 Dont certaines publications du Commissariat général à l'énergie au développement durable (CGEDD) et du comité de prospective de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), consultables ici pour la première et ici pour la seconde.

* 114 Ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l'hydrogène (Article 5).

* 115 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 52).

* 116 Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.

* 117 Supplementing Directive (EU) 2018/2001 of the European Parliament and of the Council by establishing a Union methodology setting out detailed rules for the production of renewable liquid and gaseous transport fuels of non-biological origin - disponible en anglais ci-contre.

* 118 Supplementing Directive (EU) 2018/2001 of the European Parliament and of the Council
by establishing a minimum threshold for greenhouse gas emissions savings of recycled
carbon fuels and by specifying a methodology for assessing greenhouse gas emissions
savings from renewable liquid and gaseous transport fuels of non-biological origin and
from recycled carbon fuels - disponible en anglais
ci-contre.

* 119 Source : France Hydrogène et EDF.

* 120 Même si elle ne supprime pas toutes les contraintes et ne répond pas à toutes les inquiétudes, notamment d'Engie, quant à l'autre principe, de temporalité horaire.

* 121 Tel que résultant de l'accord provisoire du 30 mars 2023, consultable ci-contre.

* 122 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652.

* 123 Tel que résultant de l'accord provisoire du 8 mai 2023.

* 124 Tel que résultant de l'accord provisoire du 19 avril 2023.

* 125 Si ces carburants n'atteignent pas d'eux-mêmes un niveau de 1 % en 2031.

* 126 C'est-à-dire les carburants renouvelables d'origine non biologique.

* 127 Le document est consultable ci-contre.

* 128 Le document est consultable ci-contre.

* 129 Selon le groupe EDF, à l'échelle mondiale, la consommation d'hydrogène s'élève à 90 Mt, quasiment exclusivement de source fossile, et émet 3 % des émissions mondiales de GES.

* 130Le document est consultable ci-contre.

* 131 Le document est consultable ci-contre.

* 132 En 2020, le CNRS a en outre institué une Fédération de recherche hydrogène, rassemblant 300 chercheurs issus de 30 laboratoires.

* 133 L'ANR a précisé que 7 projets concernent la production d'hydrogène par voie électrolytique voire photo-électro-catalytique (27,7 M€), 5 le stockage de l'hydrogène (12,1 M€) et 6 les usages de l'hydrogène pour le transport lourd via les PAC voire par combustion directe (31,2 M€).

* 134 D'autres acteurs publics interviennent, telle que la Banque des territoires (BdT), dont le soutien à l'investissement dans l'hydrogène décarboné et ses dérivés, notamment via des prises de participations minoritaires, représente 160 M€ sur 5 ans.

* 135 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 136 Le document est consultable ci-contre.

* 137 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 138 Source : Engie.

* 139 Ainsi que la Norvège.

* 140 Le document est consultable ci-après.

* 141 Pour les identifier, un appel à manifestation d'intérêt « Projets innovants d'envergure européenne ou nationale sur la conception, la production et l'usage de systèmes à l'hydrogène » avait été lancé par le ministère de la transition énergétique (MTE) en 2020.

* 142 Le niveau de maturité technologique.

* 143 Les éléments d'explication techniques sur les électrolyseurs sont issus des travaux de l' IFPEN et de la CRE sur l'hydrogène.

* 144 Source : Agence nationale de la recherche (ANR).

* 145 Source : Agence nationale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

* 146 Le rapport est consultable ci-contre.

* 147 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour les marchés intérieurs des gaz naturel et renouvelable et de l'hydrogène - COM (2021) 803 final (15 décembre 2021).

* 148 À cette fin, il propose de faire évoluer notamment les règles d'accès, les obligations de service public, les procédures d'autorisation, les systèmes de certification, les mesures de protection des consommateurs et les compétences autorités de régulation.

* 149 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés intérieurs des gaz

naturel et renouvelable et de l'hydrogène (refonte) - COM (2021) 804 final (15 décembre 2021).

* 150 Dans cette perspective, il propose de modifier notamment les tarifs d'accès, les exigences de transparence, les modalités de coopération entre les régulateurs et les règles afférentes à la sécurité d'approvisionnement.

* 151 Source : GRTGaz.

* 152 C'est-à-dire les opérateurs du réseau de transport d'hydrogène.

* 153 C'est-à-dire les gestionnaires du réseau de transport de gaz naturel.

* 154 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 155 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

* 156 Source : Haffner Energy.

* 157 Source : Trifyl.

* 158 Tel que résultant de l'accord provisoire du 30 mars 2023, consultable ci-contre.

* 159 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652.

* 160 Tel que résultant de l'accord provisoire du 8 Mai 2023.

* 161 Tel que résultant de l'accord provisoire du 19 avril 2023.

* 162 Si ces carburants n'atteignent pas d'eux-mêmes un niveau de 1 % en 2031.

* 163 Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

* 164 Le document est consultable ci-contre.

* 165 C'est-à-dire de contrats d'achat de long terme, garantis par l'État.

* 166 Dans le même esprit, la Direction générale des entreprises (DGE) indique qu' « il reste envisageable qu'elle soit déployée sur les sites utilisant de l'hydrogène, en particulier des sites de production d'ammoniac ».

* 167 Les éléments techniques sont issus des documents de l' IFPEN et d' Evolen.

* 168 Les éléments techniques sont issus des documents de l' IFPEN et d' Evolen.

* 169 Dans le même ordre d'idées, Engie a identifié « pour le maritime l'e-méthane / méthanol voire l'ammoniac » et « le kérosène de synthèse pour l'avion ».

* 170 Conseil de l'Union européenne, 30 mars 2023, «  Le Conseil et le Parlement parviennent à un accord provisoire sur la directive relative aux énergies renouvelables  ».

* 171 Article 1er bis du règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) no 443/2009 et (UE) no 510/2011 (refonte)

* 172 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil.

* 173 Depuis le rapport d'information n° 738 (2022-2023) « Zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) : sortir de l'impasse », fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, par M. Philippe Tabarot, Sénateur.

* 174 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, SDES, octobre 2022, Données sur le parc de véhicules en circulation au 1er janvier 2022.

* 175 Réponse de la DGEC au questionnaire écrit du rapporteur.

* 176 Source : Stellantis, Communiqué de presse, 20 avril 2023, «  Stellantis finalise ses tests eFuel réalisés sur 28 familles de moteurs afin de soutenir la décarbonation de sa flotte de véhicules thermiques en circulation ».

* 177 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/1242 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d'émission de COpour les nouveaux véhicules lourds et intégrant des obligations de déclaration, et abrogeant le règlement (UE) 2018/956.

* 178 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) nº 715/2007 et (CE) nº 595/2009.

* 179 Source : Proposition de feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds.

* 180 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, SDES, octobre 2022, Données sur le parc de véhicules en circulation au 1er janvier 2022.

* 181 Article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, tel que modifié par l'article 103 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 182 D'après la FNTR, les carburants de synthèse en particulier permettent de reproduire les mêmes molécules que celles composant le diesel fossile, et sont donc utilisables par une motorisation identique.

* 183 Carbone 4, février 2017, «  L'autoroute électrique : une innovation pour réduire les émissions de CO2 du transport de marchandises  »

* 184 Système de route électrique (ERS), juillet 2021, groupe de travail n° 2, «  Solutions techniques, potentialités et verrous  »

* 185 Groupe de travail n° 3, «  Expérimenter à grande échelle les systèmes de route électrique (ERS) : vers un appel à projets “ SYDRE ” ».

* 186 En trains.km réalisés.

* 187 Réponse de SNCF Voyageurs au questionnaire écrit du rapporteur.

* 188 Article 4 de l'arrêté du 29 mars 2018 relatif aux caractéristiques du carburant dénommé B100 : « Le B100 ne peut être utilisé que dans des flottes professionnelles disposant d'une logistique d'approvisionnement spécifique et de leurs propres capacités de stockage et de distribution. »

Article 4 de l'arrêté du 28 février 2017 relatif aux caractéristiques du gazole paraffinique de synthèse et du gazole obtenu par hydrotraitement dénommés gazole XTL : « Le gazole XTL ne peut être utilisé que dans des flottes professionnelles disposant d'une logistique d'approvisionnement spécifique et de leurs propres capacités de stockage et de distribution. »

* 189 Source : FNAM.

* 190 L'article 145 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit une interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers concernant toutes les liaisons aériennes à l'intérieur du territoire français dont le trajet est également assuré sur le réseau ferré national sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes d'une durée inférieure à deux heures trente. On peut également citer la charte de sobriété du Ministère de la transition écologique de 2022, qui incite les entreprises à privilégier le train pour des trajets ferroviaires de moins de 4 heures.

* 191 Source : Air France

* 192 Article 266 quindecies du code des douanes.

* 193 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances (1) pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les mesures de soutien à l'industrie aéronautique, par M. Vincent CAPO-CANELLAS, Sénateur.

* 194 Source : Groupe ADP

* 195 Source : Armateurs de France.

* 196 Article 3 octies bis de la directive 2003/87/CE telle que modifiée par la directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d'une réserve de stabilité du marché pour le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union.

* 197 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil.

* 198 Source : proposition de feuille de route de décarbonation de la filière maritime.

* 199 Ce nombre a été porté à 25 en juin dernier.

* 200 Source : Voies navigables de France

* 201 Source : Voies navigables de France.

* 202 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021, 2022 ; Bilan électrique 2022, 2023.

* 203 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Bilan carbone, 2015.

* 204 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021, 2022 ; Bilan électrique 2022, 2023.

* 205 Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES), Stratégie nationale bas-carbone. La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone, mars 2020, p. 29.

* 206 Comité de prospective de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), La biomasse et la neutralité carbone, mars 2023, p. 26.

* 207 Cour des comptes, La politique de développement des biocarburants, juillet 2021, p. 29 et 30.

* 208 Le document est consultable ci-contre.

* 209 Rapport au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Faire de la France une économie de rupture technologique. Soutenir les marchés émergents à forts enjeux de compétitivité, 7 février 2020, pp. 42 à 44.

* 210 Ministère de la transition énergétique (MTE), Chiffres clés de l'énergie, Édition 2022, Novembre 2022, p. 25.

* 211 Règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

* 212 Annexe I du règlement.

* 213 Résolution n° 124 (2021-2022), devenue résolution du Sénat le 5 avril 2022.

* 214 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) nº 715/2007 et (CE) nº 595/2009.

* 215 La Stratégie nationale sur les batteries de France 2030 : au coeur de la décarbonation des mobilités, mai 2023.

* 216 Cour des comptes européenne, L'Europe pourrait bien perdre la course aux batteries, juin 2023.

* 217 Cour des comptes européenne, Rapport spécial 15/2023 : La politique industrielle de l'UE en matière de batteries - Un nouvel élan stratégique est nécessaire, juin 2023.

* 218 Réseau de transport d'électricité (RTE), Comprendre et piloter l'électrification d'ici 2035 : Les conditions clés pour relever les défis de la transition énergétique, 7 juin 2023.

* 219 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050. Principaux résultats, Octobre 2021, p. 16.

* 220 Réseau de transport d'électricité (RTE°, Comprendre et piloter l'électrification d'ici 2035 : Les conditions clés pour relever les défis de la transition énergétique, 7 juin 2023.

* 221 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 222 Discours de la Première ministre Élisabeth Borne - Remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et présentation d'un plan d'avenir pour les transports, 24 février 2023.

* 223 Transport and Environment, “Assessment of carbon leakage potential for European aviation Direct flights stopping over in non-EU airports”, janvier 2022.

* 224 Rapport d'information n° 580 (2019-2020) de M. Michel VASPART, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 1er juillet 2020.

* 225 Observatoire de la performance portuaire et des chaînes logistiques - Édition 2020 - Synthèse globale et premiers enseignements, 1er avril 2021.

* 226 Audition du mardi 23 mai 2023.

* 227 Ibid.

* 228 I4CE, Panorama des financements climat, édition 2022, octobre 2022.

* 229 France Stratégie, Jean Pisany-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l'action pour le climat, mai 2023.

* 230 Cour des comptes européenne, Rapport spécial 18/2023 : Objectifs de l'Union européenne en matière de climat et d'énergie - Contrat rempli pour 2020, mais pronostic réservé pour les objectifs de 2030, 26 juin 2023.

* 231 Rapport d'information n° 801 (2021-2022), Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir, déposé le 20 juillet 2022.

* 232 Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

* 233 Dont certaines dispositions de la proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, adoptée par le Sénat le 13 avril 2021.

* 234 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 89).

* 235 Dont certaines préconisations du rapport d'information n° 872 (2020-2021), Méthanisations : au-delà des controverses, quelles perspectives ?, déposé le 29 septembre 2021.

* 236 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Article 27).

* 237 Dont certaines dispositions de la proposition de loi en faveur du développement raisonné de l'agrivoltaïsme, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2022.

* 238 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 54).

* 239 Ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l'hydrogène

* 240 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 52).

* 241 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 85).

* 242 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 27).

* 243 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (Article 95).

* 244 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 (Article 67).

* 245 Proposition de résolution européenne n° 669 relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union, présentée par MM. Daniel GREMILLET et Claude KERN, Sénateurs, 1er juin 2023, devenue la résolution n° 141 (2022-2023) du Sénat, le 19 juin 2023.

* 246 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Articles 26 à 33, 66 et 105 à 106).

* 247 Appréciées à l'échelle d'une installation ou de plusieurs situées sur un territoire délimité et cohérent du point de vue industriel.

* 248 Voire 3 ans à La Réunion.

* 249 Depuis la loi n° 2010-278 du 10 juillet 2010, dite « Grenelle II », les S3REnR consistent en des schémas de mutualisation, à l'échelle de chaque région, des coûts de raccordement aux réseaux de distribution et de transport d'électricité des producteurs d'énergies renouvelables (article L. 321-7 du code de l'énergie).

* 250 Photovoltaïque et éolienne.

* 251 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Articles 191 à 194).

* 252 Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), schémas de cohérence territoriale (SCOT), plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales (CC).

* 253 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 194).

* 254 Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (Article 9).

* 255 Proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (Article 4).

* 256 À date, elle a également été adoptée par l'Assemblée nationale, le 27 juin 2023, la suite de la navette étant attendue.

* 257 Dont le co-pilotage d'un PEPR.

* 258 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Articles 6 et 81).

* 259 Nouveaux systèmes énergétiques, automobile, aéronautique, ferroviaire.

* 260 Assemblée générale des producteurs de blé (AGPB), l'Assemblée générale des producteurs de maïs (AGPM), la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), Terre Univia.

* 261 EsteriFrance, Syndicat national des professionnels de l'alcool agricole (SNPAA), France Hydrogène (FH), France Gaz renouvelables (FGR).

* 262 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Articles 175 et 197).

* 263 Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l'impasse - Rapport d'information n° 738 (2022-2023) de M. Philippe Tabarot, déposé le 14 juin 2023.

* 264 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 81).

* 265 Article 3 bis de la proposition de règlement.

* 266 GART, juin 2023, «  Inquiétudes relatives au projet de règlement CO2 européen : le GART, l'UTP et la PFA adressent une lettre commune à la Première ministre  »

* 267Le document est consultable ci-contre.

* 268 Air France et la Fédération nationale de l'aviation et des métiers (FNAM) ont évoqué les biocarburants et les carburants aéronautiques durables, le Groupement des industries françaises aéronautiques (GIFAS) les mêmes carburants aéronautiques durables, Réseau ferré de France (RFF) les biocarburants, Armateurs de France (MF) le bio-GNL, Voies navigables de France (VNF) les carburants de synthèse d'ores et déjà commercialisés, l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) et la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) le bio-GNV et les biocarburants, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) les carburants de synthèse d'ores et déjà commercialisés.

* 269 Dont l'HVO100.

* 270 Article 16 de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (DTE).

* 271 Essences et gazoles.

* 272 Source : Audition de Mme Anne Rigail, directrice générale d'Air France.

* 273 Source : Idem.

* 274 Chiffres issus de « Data Lab - Chiffres clés des transports - Édition 2023 ».

* 275 Articles D. 251-1 et suivants du code de l'énergie

* 276 Articles D. 251-4 et suivants du code de l'énergie.

* 277 Article 39 decies A du code général des impôts.

* 278 Rapport d'information n° 738 (2022-2023) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable relatif aux zones à faibles émissions (ZFE-m), par M. Philippe Tabarot, Sénateur.

* 279 Projet de loi relatif à l'industrie verte - Audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie.

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