C. MAINTENIR LE SOUTIEN DE L'ÉTAT AUX ACTIONS DES ASSOCIATIONS ENGAGÉES DANS LA LUTTE CONTRE LE SÉPARATISME ET LA PROMOTION DES VALEURS RÉPUBLICAINES, TOUT EN ENGAGEANT UNE RÉFLEXION SUR LA STRATÉGIE DE CONTRE-DISCOURS

Les défaillances qui ont été mises au jour dans la mise en place et le suivi de l'appel à projets du fonds Marianne ne doivent toutefois pas conduire à jeter l'opprobre sur l'ensemble de la politique de la promotion des valeurs républicaines.

Les associations restent en effet des acteurs essentiels de la lutte contre le séparatisme. Elles peuvent mener des actions au plus près du terrain et des personnes, au-delà de ce que peuvent accomplir les services de l'État. Certaines personnes exposées aux théories séparatistes risquent de rejeter des contenus qui seraient produits par l'État ou des structures publiques et l'intervention d'une association peut être légitime de ce point de vue.

Il est néanmoins vrai que le recours à des associations comporte des risques, dès lors que l'on cherche à porter des actions de contre-discours en ligne qui sont en riposte directe face à des campagnes d'influence séparatiste.

En effet, une association fait nécessairement preuve d'une part d'autonomie par rapport à l'administration, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de recourir à ce type d'acteurs. Il est donc difficile de mener une telle action sans risque de dérive et un contrôle étroit de l'administration sur l'association s'impose à tout le moins pour garantir la cohérence des objectifs poursuivis. En outre, il est permis de s'interroger sur l'étendue de l'action que les associations peuvent mener en ligne sans trop les exposer.

Pour autant, les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans la formation des opinions, et, malheureusement, dans la radicalisation et la propagation des discours séparatistes. Or, les associations maîtrisent les codes de la communication en ligne, et ont aussi une véritable capacité d'adaptation sur les réseaux sociaux.

C'est pourquoi l'État doit continuer à soutenir des initiatives qui visent à porter un discours de défense des valeurs de la République sur les réseaux. Le sénateur Christian Bilhac soulignait à juste titre lors de l'audition de l'ancienne ministre déléguée : « je ne serais pas heureux si, à la fin de cette procédure, on jetait - si je peux me permettre cette expression un peu populaire - « le bébé avec l'eau du bain » »110(*).

À ce titre, plusieurs associations ont déclaré devant la mission d'information qu'il était particulièrement important pour elles de disposer d'une visibilité sur leurs financements. En effet, une action se déploie souvent sur plusieurs années. Or, l'une des faiblesses du fonds Marianne est qu'il ne comportait pas de garanties que des actions de défense des valeurs de la République en ligne continueraient à être financées les années suivantes.

Il est donc préconisé de renforcer le cadre pluriannuel du financement public des actions de soutien aux associations qui portent un discours de défense des valeurs de la République sur les réseaux sociaux. Ce soutien n'exclut pas, toutefois, d'engager une réflexion sur la répartition des rôles entre les acteurs associatifs et les services administratifs au sein de la stratégie de contre-discours de l'État.

Recommandation : renforcer le cadre pluriannuel du financement public des actions de soutien aux associations porteuses d'un discours de défense des valeurs de la République en ligne, tout en engageant une réflexion sur le rôle de chaque acteur dans la stratégie de contre-discours.

Si les associations peuvent accomplir des actions qui vont au-delà de ce que peuvent réaliser les services administratifs, c'est qu'elles ne sont pas directement associées à l'État. Christian Gravel a ainsi affirmé lors de son audition que « l'État fait appel au secteur associatif parce que la parole publique est inaudible auprès des personnes les plus vulnérables aux processus de radicalisation. »111(*)

Plusieurs associations ont ainsi confirmé devant la mission d'information l'importance de rester discret au sujet des financements publics, au risque qu'elles paraissent aux yeux du public comme « contrôlées » par la puissance publique. Au demeurant, il ne s'agit pas d'une volonté de dissimulation de la part des associations, puisqu'elles revendiquent dans le même temps une autonomie par rapport à l'État, mais d'éviter les faux-semblants.

De plus, de nombreuses associations interviennent sur des terrains sensibles, comme la lutte contre la radicalisation, où l'intégrité physique des personnes qui portent les projets peut être menacée.

Or, le fonds Marianne a au contraire été conçu comme une opération de communication. Même si le nom des associations lauréates n'avait pas été révélé, la communication qui avait été organisée sur le fonds a attiré l'attention, et il est ensuite devenu difficile de garder secret le nom des associations subventionnées.

Il est certes indispensable de communiquer sur les actions menées par le SG-CIPDR dans la lutte contre la radicalisation. Sinon, les associations ne sauraient pas elles-mêmes qu'elles ont la possibilité d'être subventionnées par des fonds publics. Il convient néanmoins de limiter la communication au strict nécessaire, afin de les protéger.

Recommandation : limiter au strict nécessaire la communication du ministère sur le financement de partenaires associatifs du ministère de l'intérieur en matière de lutte contre le séparatisme sur les réseaux sociaux.


* 110 Compte rendu des auditions de la mission d'information du 14 juin 2023.

* 111 Compte rendu des auditions de la mission d'information du 15 mai 2023.

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