L'ESSENTIEL

L'automatisation du remplissage des déclarations de ressources des allocataires pourrait améliorer le versement à bon droit des prestations de solidarité. La commission invite toutefois au renforcement de la fiabilité des données utilisées à cet effet et à la poursuite d'une politique résolue de lutte contre le non-recours, sans renoncer à simplifier le paysage des prestations.

I. LA « SOLIDARITÉ À LA SOURCE » : SIMPLIFIER LES DÉMARCHES DES ALLOCATAIRES POUR LUTTER CONTRE LE NON-RECOURS AUX DROITS

A. UN SYSTÈME DE PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ QUI ÉCHOUE À ASSURER LE VERSEMENT À BON DROIT DES PRESTATIONS

1. Un système de prestations hétérogène et illisible

Le paysage des prestations versées sous conditions de ressources, large et hétérogène, est le produit de la sédimentation de dispositifs visant des publics plus ou moins spécifiques et conçus pour répondre à une grande variété d'objectifs.

Au sein de ce paysage se distinguent les prestations de solidarité : des prestations de nature monétaire visant à soutenir le revenu de ménages modestes, soumises à conditions de ressources et dégressives à partir d'un certain montant de revenus jusqu'à s'éteindre au-delà d'un seuil prédéfini.

Trois de ces prestations, versées par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) concernent neuf personnes sur dix parmi la population aujourd'hui soutenue par des aides sociales : le revenu de solidarité active (RSA), la prime d'activité et les aides personnelles au logement. Le total des dépenses au titre de ces trois prestations avoisine 40 milliards d'euros.

Nombre d'allocataires fin 2020 et dépenses annuelles
des principales prestations de solidarité

Prestation

Nombre de foyers bénéficiaires
(en millions)

Dépenses totales en 2020
(en milliards d'euros)

Revenu de solidarité active

2,06

11,2 Md€

Prime d'activité

4,58

10,0 Md€

Aides personnelles au logement

6,67

16,7 Md€

Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après des données de la Drees

S'il contribue à réduire le taux de pauvreté et les inégalités en France, notre système de prestations de solidarité est devenu illisible, notamment parce qu'il compte autant de « bases ressources » qu'il y a de prestations. De plus, le système de solidarité ayant été construit sans avoir été pensé dans sa globalité, les prestations interagissent les unes avec les autres d'une façon qui n'est pas toujours cohérente.

S'ajoutent à cette illisibilité générale les complexités propres à certaines prestations. Par exemple, la définition du salaire prise en compte pour le calcul des droits au RSA et à la prime d'activité est le « revenu net perçu », notion qui n'est définie par aucun texte et s'avère d'une grande opacité pour les allocataires car elle ne correspond à aucun des agrégats affichés sur le bulletin de paie.

2. L'ampleur inacceptable du non-recours aux prestations

Cette complexité et cette illisibilité sont une cause majeure du non-recours aux prestations par une partie des personnes qui pourraient y prétendre, lequel entraîne des risques accrus de pauvreté et d'exclusion.

 

Montant de RSA qui ne serait pas versé par année du fait du non-recours

La mesure du non-recours est un exercice complexe qui a longtemps été réalisé de manière partielle. Un nouveau dispositif, construit par la Drees à partir de l'enquête sur les revenus sociaux et fiscaux (ERFS) de l'Insee, a permis d'estimer le taux de non-recours au RSA à 34 % en moyenne par trimestre et à 20 % de façon pérenne pour 2018.

En revanche, il n'existe à ce jour aucune estimation fiable du non-recours à la prime d'activité : les rapporteurs préconisent de construire un dispositif de mesure approprié. Il en va de même pour les aides au logement, pour lesquelles on estime cependant que le taux de non-recours est plus faible.

Alors que la lutte contre le non-recours est inscrite depuis maintenant plusieurs années à l'agenda des politiques sociales et qu'elle figure parmi les objectifs des organismes de sécurité sociale, le phénomène persiste à un niveau élevé et pourrait même s'être aggravé pour les publics les plus vulnérables, comme le suggèrent les études de terrain réalisées par certaines associations.

Les rapporteurs considèrent que l'on ne peut se satisfaire de cette situation et que l'accès aux droits et la lutte contre le non-recours devraient faire l'objet d'une politique publique résolue.

3. Des prestations souvent attribuées à tort ou pour un montant erroné

Les obligations déclaratives lourdes et complexes à la charge des bénéficiaires de prestations de solidarité entraînent de nombreux versements indus et rappels de droits du fait d'erreurs. Ce phénomène semble s'être aggravé au cours des dernières années.

Selon la Cour des comptes, un euro sur six de RSA et un euro sur cinq de prime d'activité seraient versés à tort à titre définitif.

Le niveau élevé des erreurs imputables à des erreurs déclaratives non corrigées est un des principaux motifs qui fondent le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf pour l'exercice 2022. Selon la Cour, le RSA, la prime d'activité et les aides au logement sont à l'origine de 82 % du montant estimé des indus et des rappels non détectés.

Le système actuel est donc loin de garantir le paiement à bon droit des prestations, ce qui suffit à démontrer la nécessité d'une réforme.

Les thèmes associés à ce dossier