N° 838

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la flotte d'aéronefs
bombardiers
d'eau de la sécurité civile,

Par M. Jean Pierre VOGEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 5 juillet 2023, le rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial du programme « Sécurité civile », suite à son contrôle budgétaire sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile.

I. LES AÉRONEFS BOMBARDIERS D'EAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UNE FLOTTE DIVERSE DONT LA DOCTRINE D'EMPLOI A FAIT SES PREUVES

A. UNE FLOTTE AÉRIENNE DE LUTTE CONTRE LES FEUX DIVERSIFIÉE

La flotte d'aéronefs de la sécurité civile destinée à la lutte contre les feux de forêt est actuellement composée de 12 avions Canadair CL415, 8 avions Dash, et 3 avions Beechcraft King 200.

Les Canadair sont des avions dits « amphibies », dans la mesure où ils disposent d'une capacité à écoper sur des plans d'eau et de s'y ravitailler. Leur capacité de largage de 6 000 litres d'eau, couplée à une doctrine d'intervention reposant sur un engagement massif des moyens sur un même feu, les rend particulièrement efficaces en matière de lutte contre les incendies d'ampleur.

Les Dash ont pour mission principale d'effectuer des opérations de guet aérien armé (GAAr), qui consiste à survoler préventivement les zones exposées au risque de départs de feu, dans le but de repérer ces-derniers et les attaquer dès leur déclenchement. Les Dash sont équipés de produit retardant, qui leur permet notamment de ralentir la progression des flammes sur des secteurs difficiles d'accès pour les sapeurs-pompiers mobilisés au sol. Les Beechcraft King 200 ne disposent pas de capacité de largage d'eau, mais contribuent activement à la lutte contre les feux, par leur rôle de coordination des opérations aériennes et leur participation à des opérations de surveillance et de GAAr.

Composition de la flotte de la sécurité civile consacrée à la lutte contre les feux

Type d'appareils

Quantité

Caractéristiques techniques

Coût d'acquisition

Estimation du coût actuel

Avions Canadair C415

12

- Avion amphibie

- Capacité d'emport de 6 000 litres

- Largage d'eau et, marginalement, de produit retardant courte durée

- Vitesse de projection : 330 km/h

20 millions d'euros

Entre 60 et 64 millions d'euros

Avions Dash 8 MRBet

6

- Avion « multi rôle » (transport de passagers et lutte contre les feux)

- Capacité d'emport de 10 000 litres

- Largage de produit retardant et d'eau

- Vitesse de projection : 650 km/h

60 millions d'euros

40 millions d'euros

Avions Dash 8 MR

2

22 millions d'euros, achat d'occasion

S.O.

Avions Beechcraft B 200

3

- Avion de reconnaissance et de commandement

- Vitesse de projection : 445 km/h

1,5 million d'euros, achat d'occasion

9 millions d'euros

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

B. UNE FLOTTE PERFORMANTE, MAIS DONT LA MOBILISATION CROISSANTE ET LE VIEILLISSEMENT CONSTITUENT DES FACTEURS DE PRÉOCCUPATION

1. L'efficacité de la flotte repose sur la doctrine d'attaque des feux naissants

La doctrine d'intervention des aéronefs de la sécurité civile repose sur une stratégie d'attaque des feux naissants. L'efficacité de cette doctrine fait aujourd'hui l'unanimité auprès de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, et permettrait de maitriser près de 89,5 % des départs de feu. Cette stratégie, qui implique de disposer d'une capacité de projection sur l'ensemble des territoires à risque, impliquera forcément à l'avenir, dans un contexte d'extension du risque incendie à l'ensemble du pays, un redimensionnement de la flotte.

2. La flotte de bombardiers d'eau est de plus en plus sollicitée en raison notamment de l'extension et de l'intensification du risque incendie

Les conséquences du changement climatique impliquent aujourd'hui un risque accru de départ de feux, et par conséquent, une sollicitation croissante de la flotte. Cette situation est susceptible d'engendrer des surcoûts importants, liés mécaniquement à une augmentation des heures de vols et du nombre de largages réalisés, ainsi qu'à la multiplication des opérations de maintenance. En 2022, les dépenses supplémentaires induites par la saison « feux de forêts » ont par exemple entrainé un surcoût estimé à 33 millions d'euros.

La sur-sollicitation de la flotte et la multiplication des opérations de maintenance qui en résulte sont également susceptibles d'entrainer une immobilisation plus importante des appareils, alors même que l'intensification du risque incendie requiert des besoins d'intervention plus importants. Si le taux de disponibilité de la flotte d'avions de la sécurité civile demeure aujourd'hui satisfaisant, le rapporteur constate qu'il a tendance à baisser significativement en période de forte tension opérationnelle, comme cela fut le cas en 2017 et en 2022

Taux de disponibilité des avions de la sécurité civile

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Canadair

83,0 %

88,9 %

100,0 %

95,2 %

97,4 %

96,6 %

89,2 %

Dash

87,2 %

81,7 %

90,7 %

85,6 %

91,7 %

91,9 %

87,9 %

Beechcraft

93,7 %

84,0 %

93,7 %

90,9 %

94,6 %

96,4 %

95,7 %

Le risque d'immobilisation des aéronefs est amplifié par la dynamique de vieillissement de la flotte, qui engendre des visites de maintien en condition opérationnelle (MCO) plus régulières.

Vieillissement des appareils de la flotte de lutte contre les feux de la DGSCGC

Type

Age moyen

Observations

Canadair C415

25 ans et 4 mois

Premier appareil livré en 1994, dernier appareil livré le 15 mai 2007

Dash 8 MR

22 ans

Appareils achetés d'occasion et livrés le 9 juillet 2005, la DGSCGC envisage actuellement d'engager la rénovation avionique
de ces appareils

Dash 8 MRBet

2 ans et 5mois

Appareils livrés entre 2019 et 2023

Beechcraft
King 200

38 ans et 6 mois

Appareils achetés d'occasion, premier appareil livré le 18 mars 1991 et dernier livré le 25 juillet 2001,
rénovation avionique réalisée en 2019

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

II. LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE BOMBARDIERS D'EAU SOUFFRE D'UN DÉFAUT D'ANTICIPATION, ET SE HEURTE AUX DIFFICULTÉS DE PRODUCTION DES NOUVEAUX APPAREILS

A. UN MANQUE D'ANTICIPATION ET DE VISIBILITÉ SUR LA STRATÉGIE DE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE BOMBARDIERS D'EAU

Le rapporteur spécial a constaté au cours de ses travaux un défaut d'anticipation et de visibilité sur la stratégie d'investissement du ministère d'intérieur dans ses moyens aériens de lutte contre les feux. Il a plus particulièrement relevé un décalage important entre d'une part, les annonces présidentielles d'un redimensionnement et d'un renouvellement complet de la flotte de Canadair à l'horizon 2027, et d'autre part, les informations transmises par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) selon lesquelles la France ne pourrait espérer bénéficier de la livraison que de deux appareils dans les cinq prochaines années.

Il semble aujourd'hui nécessaire, afin d'assurer une certaine continuité dans la dynamique de renouvellement de la flotte aérienne, qu'une stratégie d'investissement pluriannuelle et séquencée soit clairement définie et formalisée au sein d'un document unique. Cette stratégie ne doit pas se limiter au seul volet capacitaire, mais doit également prendre en considération l'implication de l'extension de la flotte en matière de ressources humaines, de coût de maintenance et de dimensionnement des infrastructures susceptibles d'accueillir ces nouveaux aéronefs.

B. LE RENOUVELLEMENT DES AVIONS BOMBARDIERS D'EAU FAIT L'OBJET DE BLOCAGES LIÉS À UN NOMBRE INSUFFISANT D'ACTEURS INDUSTRIELS SUR LE MARCHÉ

1. Le vieillissement des plus anciens Dash pose la question de leur rénovation à court-terme

Le rapporteur spécial se félicite de l'acquisition entre 2019 et 2023, pour un montant total de 354 millions d'euros, de six nouveaux avions Dash venus renforcer la flotte dans un contexte de forte activité opérationnelle. Toutefois, le vieillissement des deux plus anciens Dash implique aujourd'hui des difficultés pour le prestataire de maintenance pour l'obtention de certaines pièces détachées nécessaires au fonctionnement du système de largage de ces avions. Cette situation fait peser à court-terme un risque d'indisponibilité de ces appareils.

Un projet de rénovation avionique de ces plus anciens Dash serait actuellement envisagé, mais le rapporteur spécial estime nécessaire de réaliser, au préalable, un bilan coût-avantage sur l'intérêt de privilégier ce projet de rénovation à l'achat d'appareils neufs.

2. Une situation de monopole du constructeur des Canadair qui nécessite d'engager une réflexion au niveau national et européen sur la constitution d'une capacité de production d'un bombardier d'eau

Le président de la République, dans un discours du 28 octobre 2022, a annoncé que la flotte vieillissante de 12 Canadair serait intégralement renouvelée, et portée à 16 appareils. La France devrait notamment bénéficier de la livraison de deux nouveaux Canadair dans le cadre d'une commande mutualisée au niveau européen et intégralement financée par le programme RescEU. Cette commande pourrait être assortie d'une livraison de deux appareils supplémentaires pour la France, qui seraient en revanche financés exclusivement sur fonds nationaux. Le coût unitaire de ces nouveaux modèles de Canadair est actuellement estimé entre 60 et 64 millions d'euros.

Une incertitude majeure réside toutefois sur la date de livraison de ces appareils, aujourd'hui estimée à 2027, mais qui a déjà plusieurs fois été repoussée compte tenu de la décision tardive du constructeur De Havilland Canada (DHC) de relancer la chaîne de production. En outre, de nombreux doutes subsistent quant à la capacité de ce producteur à livrer les appareils à l'horizon 2027, dans la mesure où de nombreuses étapes, telles la certification des appareils, le recrutement de personnels qualifiés, ou la reconstruction d'une chaîne d'assemblage, sont préalablement nécessaires à la relance de la production.

Or, la situation de monopole dont bénéficie DHC sur le marché du bombardier d'eau place la France et ses partenaires européens dans une situation de dépendance vis-à-vis de ce constructeur pour renouveler leur flotte. Il n'existe en effet à ce jour, aucun autre industriel susceptible de produire un bombardier d'eau susceptible de concurrencer les Canadair à court terme. Si plusieurs projets d'aéronefs suscitent aujourd'hui l'intérêt de la DGSCGC, ceux-ci ne sont actuellement qu'à un stade embryonnaire, et ne peuvent espérer voir le jour à court terme.

Il est désormais nécessaire que les pouvoirs publics, tant au niveau national qu'au niveau européen, donnent une impulsion pour doter l'Europe d'une véritable capacité de production de bombardiers d'eau, afin de s'affranchir de la dépendance vis-à-vis des Canadair.

C. DES PISTES DE RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX À COURT-TERME, ENTRE LOCATION D'APPAREILS, DIVERSIFICATION DE LA FLOTTE ET APPROFONDISSEMENT DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE

1. Si la location d'aéronefs permet de renforcer la flotte à court-terme, cette pratique apparait coûteuse et crée des difficultés opérationnelles

La DGSCGC a été amenée, depuis 2020, à recourir à la location de plusieurs appareils, qui ont certes permis de renforcer la flotte à court terme pour répondre la forte activité opérationnelle, mais qui ne peuvent constituer une solution d'extension des capacités de la flotte à long terme.

Le recours à la location représente tout d'abord un coût budgétaire important. Pour l'été 2023, le recours à la location de quatre avions Air Tractor, représenterait par exemple un coût de 6,2 millions d'euros pour la DGSCGC, alors que la loi de finances pour 2023 avait également prévu un montant de 10 millions d'euros destinés à la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau (HBE) lourds. Par ailleurs, dans la mesure où les équipages mis à disposition par les sociétés de location ne sont le plus souvent pas francophones, leur intégration dans le dispositif opérationnel peut s'avérer difficile.

2. Les hélicoptères bombardiers d'eau : un complément utile des Canadair, qui ont fait leurs preuves depuis plusieurs années

La DGSCGC a eu recours, pour compléter la flotte de lutte contre les feux, à la location de plusieurs HBE lourds depuis 2020. Ces appareils, dont le coût unitaire d'acquisition est estimé à 25 millions d'euros, présentent l'intérêt de pouvoir accéder, contrairement aux autres bombardiers d'eau, à des zones difficiles d'accès, telles que les zones montagneuses, de réaliser des largages de nuit et de disposer de davantage de possibilités de ravitaillement que les Canadair.

La France pourrait bénéficier d'ici 2026 de la livraison d'un appareil de ce type, dans le cadre d'une commande mutualisée de trois HBE réalisée par l'intermédiaire du programme RescEU. Celle-ci devrait être complétée à terme par une deuxième commande de six appareils, dont devrait également bénéficier la France en partie. Compte tenu de l'intérêt opérationnel que représentent ces hélicoptères, il semble aujourd'hui essentiel d'accélérer la concrétisation de ces commandes. Ces HBE lourds ne doivent toutefois être envisagés que comme un complément utile à la flotte actuelle, et non comme une solution de substitution aux Canadair, malgré l'incertitude pesant sur leur délai de livraison.

Par ailleurs, les nouveaux hélicoptères « Dragons », dont le renouvellement a été annoncé dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 2023 et concrétisé par la loi de finances pour 2023, devraient être équipés d'une capacité de largage de 800 litres, ce qui leur permettra de participer ponctuellement à des missions de lutte contre les incendies.

3. La coopération européenne constitue une piste intéressante de renforcement des moyens aériens en cas de crise

La flotte nationale de lutte contre les feux peut également compter, en cas d'incendies d'ampleur exceptionnelle, sur le mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU), qui permet de mobiliser l'aide des flottes aériennes d'autres pays européens. Lors des « mégas-feux » de l'été 2022, la France a bénéficié pour la première fois du soutien aérien de partenaires européens dans le cadre de ce dispositif. Elle a ainsi bénéficié du renfort de deux Canadair italiens, deux Canadair grecs, deux Air Tractor Fire-boss suédois. L'approfondissement de ces actions de coopération sera essentiel à l'avenir, pour faire face à l'intensification des crises, leur multiplication et leur caractère transfrontalier.

III. AU-DELÀ DE LA QUESTION DU DIMENSIONNEMENT DE LA FLOTTE, UN ENJEU D'OPTIMISATION DES MOYENS EXISTANTS

A. LE RECRUTEMENT ET LA FIDÉLISATION DES PILOTES DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UN PRÉALABLE À L'EXTENSION DE LA FLOTTE

Les personnels navigants de la sécurité civile sont une ressource rare, dans la mesure où la dangerosité de leurs missions nécessite une technicité particulière. Or, leur recrutement, leur formation et leur fidélisation suscitent aujourd'hui de nombreuses difficultés, alors que l'extension à venir de la flotte de bombardiers d'eau nécessitera pourtant le recrutement de davantage de pilotes.

La profession de personnel navigant de la sécurité civile souffre tout d'abord d'un déficit d'attractivité par rapport à l'aviation commerciale. La rémunération des pilotes d'avions de la sécurité civile, qui s'élève en moyenne à 6 786 euros bruts par mois, est en effet environ trois fois moins élevée que celle des pilotes de l'aviation commerciale.

Par ailleurs, la DGSCGC est aujourd'hui confrontée à une pénurie d'instructeurs chargés de former les commandants de bord, en raison notamment de la rigidité des conditions d'accès à cette fonction, dont l'attribution est uniquement validée par la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Un protocole signé le 11 avril 2023 entre le ministère de l'intérieur et les représentants syndicaux des personnels navigants de la sécurité civile a permis d'apporter des réponses à ces difficultés :

- par la création d'une fonction spécifique d'instructeur « bombardiers d'eau », afin de valoriser certains pilotes expérimentés et d'augmenter ainsi la capacité de formation annuelle de nouvelles recrues ;

- et par des mesures de revalorisation salariale destinées à l'ensemble des personnels navigants, et plus particulièrement, aux commandants de bord.

Le rapporteur spécial se félicite de ces avancées, et sera attentif à ce que celles-ci permettent de combler effectivement les besoins de recrutement impliqués par l'extension à venir de la flotte et la multiplication des détachements d'appareils dans les zones à risque en période estivale.

Cette dynamique positive doit désormais être exploitée par un renforcement des actions de communication à destination des pilotes de l'Armée de l'Air, qui constituent le principal vivier de recrutement de pilotes de la sécurité civile.

B. L'ENJEU DE LA COORDINATION ET DE LA RÉPARTITION OPTIMALE DES MOYENS AÉRIENS SUR LE TERRITOIRE

1. La répartition des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt est aujourd'hui remise en cause, compte tenu de l'extension territoriale du risque

La coordination des moyens aériens est assurée par l'État-major de la sécurité civile (EMSC), et plus particulièrement par le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), qui est notamment chargé d'arbitrer les éventuelles demandes de prépositionnement d'appareils dans les zones à risques.

Cette coordination était toutefois assurée, jusqu'en 2023, par le préfet de la zone Sud en période estivale, en raison de la concentration historique du risque « feux de forêt » dans cette zone. La pertinence de cette pratique a toutefois été remise en cause lors des incendies de l'été 2022, qui ont largement touché les autres zones de défense et de sécurité, et plus particulièrement la zone Sud-Ouest.

Il a donc été acté par le ministère de l'intérieur que l'analyse et la définition de la posture de réponse seraient organisées dès l'été 2023 par l'État-Major de la sécurité civile (EMSC) pour l'ensemble du territoire national, ce qui permettra, du point de vue du rapporteur spécial, de lever les ambiguïtés sur une éventuelle priorisation de la zone Sud dans les arbitrages relatifs à l'affectation des moyens aériens de lutte contre les feux.

Le rapporteur spécial a par ailleurs constaté la nécessité de clarifier et objectiver les critères de prépositionnement des aéronefs dans tous les territoires exposés au risque de départs de feux. La méthodologie d'analyse croisée des données de Météo-France et de l'Office national des forêts, particulièrement développée dans la zone Sud, est beaucoup moins répandue dans les autres zones historiquement moins touchées par le risque « feux de forêt ». Il en résulte des divergences d'évaluation du risque selon les territoires, susceptibles de générer des tensions concernant l'arbitrage des prépositionnements des moyens aériens.

Enfin, dans un contexte d'extension géographique du risque « feux de forêt » et d'accroissement à venir de la flotte, la question du dimensionnement des infrastructures susceptibles d'accueillir les aéronefs et de les maintenir en condition opérationnelle doit être posée.

La quasi-totalité des moyens aériens de lutte contre les feux est aujourd'hui concentrée sur la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes. Plusieurs observateurs ont plaidé, en marge des feux de forêts de l'été 2022, pour l'ouverture d'une deuxième base afin d'assurer une meilleure couverture du territoire par les moyens aériens de lutte contre les feux. Du point de vue du rapporteur spécial, la création d'une nouvelle base dont le dimensionnement serait comparable à celle de Nîmes ne serait pas pertinente, dans la mesure où elle conduirait à démultiplier les coûts de maintenance et les dépenses en ressources humaines. Cette option apparait d'autant moins probable qu'un élargissement de la base de Nîmes, estimé à 35,5 millions d'euros sur six ans et destiné à répondre à l'extension à venir de la flotte les nouveaux aéronefs, serait envisagé par le ministère de l'intérieur.

Échéancier d'investissement du projet d'agrandissement de la BASC de Nîmes

(en millions d'euros)

 

22024

22025

22026

22027

22028

22029

TTotal

Autorisations d'engagement

99,556

226

2/

2/

2/

2/

335,556

Crédits de paiement

00,6

66

110

110

66

22,956

335,556

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Il apparaitrait plus efficace, tant sur le plan budgétaire que sur le plan opérationnel, de privilégier des détachements systématiques de moyens aériens pendant l'été sur des bases aériennes préexistantes et situées dans des territoires dont l'exposition aux feux de forêt devrait se systématiser, tels que le Sud-Ouest. La base aérienne de Bordeaux-Mérignac a été identifiée par les pilotes du groupement d'avions de la sécurité civile (GASC) comme une base secondaire potentielle, qui pourrait, moyennant des investissements complémentaires, accueillir plusieurs aéronefs dans le cadre de ces détachements.

2. Les pélicandromes : des infrastructures essentielles au ravitaillement des aéronefs, dont le maillage doit toutefois être densifié et le financement clarifié

Les pélicandromes permettent de ravitailler les aéronefs en eau et en produit retardant. Le maillage des pélicandromes sur le territoire constitue un enjeu essentiel pour limiter le délai entre deux largages de produit retardant, et augmenter ainsi l'efficacité de l'action de la flotte.

Dans un contexte d'extension géographique du risque incendie, le maillage de ces stations de pélicandrome doit être renforcé. Actuellement, la DGSCGC dispose de 22 pélicandromes sur le territoire métropolitain. Malgré l'ouverture récente de plusieurs stations, le rapporteur spécial constate que ce maillage est toujours insuffisant, plus particulièrement dans le Sud-Ouest de la France, presque cinq fois moins doté que la zone Sud.

Une remise à plat du financement des pélicandromes, aujourd'hui partagé entre l'État et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), et dont le manque de lisibilité et de cohérence a été constaté par le rapporteur spécial, doit également être envisagée.

C. L'ACTION DES MOYENS TERRESTRES ET AÉRIENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS : UN COMPLÉMENT ESSENTIEL À L'ACTIVITÉ DE LA FLOTTE NATIONALE DE BOMBARDIERS D'EAU

La coopération entre les moyens mobilisés au sol par les SDIS et les moyens nationaux de lutte aérienne contre les feux est, du point de vue de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, une des clefs de la « guerre du feu ». Toutefois, l'absence d'interopérabilité entre le système de communication radiophonique des pilotes et le système de radio Antares utilisé par les SDIS suscite des difficultés de communication entre les centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours (CODIS) et les personnels navigants, auxquelles le réseau Radio du Futur (RRF), attendu en 2024, permettra peut-être d'apporter des solutions.

Certains SDIS particulièrement exposés au risque incendie ont par ailleurs recours à la location de moyens aériens de petites capacités, leur permettant d'intervenir sur les feux naissants, et ainsi, de les contenir avant l'intervention, si nécessaire, des moyens aériens lourds de la flotte de la DGSCGC.

Aéronefs bombardiers d'eau mobilisés par les SDIS en 2022

 

SSDIS 06

SSDIS 83

SSDIS 13

BMPM1(*)

SSDIS 30

SSDIS 26

SSDIS 84

SSDIS 66

SSDIS 2A

SSDIS 2B

SSDIS 34

Hélicoptères légers

22

24

2 2
(+1*)

11
(+1*)

22

21

21

21

21

21

SS.O.

Avions bombardiers d'eau

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

SS.O.

23

* un appareil fait l'objet d'un cofinancement entre le SDIS 13 et le BMPM.

Source : commission des finances d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial reconnait l'utilité du recours à des moyens aériens par les SDIS, en complément de la flotte de bombardiers d'eau de la DGSCGC. Toutefois, il est important que le développement de cette pratique ne conduise pas in fine à un désengagement de l'État dans ses propres moyens aériens.

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : afin d'optimiser la gestion de la flotte d'aéronefs, formaliser au sein d'un document unique une stratégie d'investissement pluriannuelle et séquencée pour le renouvellement des moyens aériens de lutte contre les feux (DGSCGC) ;

Recommandation n° 2 : établir un bilan coût-avantage précis sur l'opportunité de prolonger l'utilisation des plus anciens avions Dash de la flotte ou d'engager l'acquisition de nouveaux appareils (DGSCGC) ;

Recommandation n° 3 : engager au niveau national, voire de l'Union européenne, une réflexion sur le développement d'une capacité de production industrielle d'un bombardier d'eau (Gouvernement et Commission européenne) ;

Recommandation n° 4 : afin de diversifier la flotte aérienne de lutte contre les feux, accélérer l'acquisition d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau (DGSCGC et Commission européenne) ;

Recommandation n° 5 : afin de dynamiser le recrutement des pilotes de bombardiers d'eau, renforcer les actions de communication visant à promouvoir le métier de pilote de la sécurité civile auprès de l'Armée de l'Air (DGSCGC) ;

Recommandation n° 6 : afin de clarifier et d'objectiver la doctrine de prépositionnement des aéronefs dans les zones à risque, unifier la méthodologie d'analyse du risque de départ de feux de forêt sur l'ensemble des territoires exposés au risque incendie, en s'appuyant sur le croisement des données de Météo-France et de l'Office national des forêts (DGSCGC) ;

Recommandation n° 7 : afin d'assurer une couverture optimale du territoire par les moyens aériens, sécuriser la base de Nîmes comme base principale des aéronefs bombardiers d'eau, et prévoir chaque été le détachement de plusieurs appareils dans les territoires à risque (DGSCGC) ;

Recommandation n° 8 : afin de faciliter le ravitaillement des bombardiers d'eau en période de forte intensité opérationnelle, garantir une meilleure couverture du territoire par le réseau de pélicandromes, notamment dans le Sud-Ouest de la France (DGSCGC) ;

Recommandation n° 9 : engager une réflexion sur une éventuelle réforme du financement des pélicandromes, afin de renforcer sa lisibilité et sa cohérence au regard de l'extension du risque incendie à l'ensemble du territoire (DGSCGC).

I. LES AÉRONEFS BOMBARDIERS D'EAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UNE FLOTTE DIVERSE DONT LA DOCTRINE D'EMPLOI A FAIT SES PREUVES

A. UNE FLOTTE AÉRIENNE DE LUTTE CONTRE LES FEUX DIVERSIFIÉE

La flotte d'aéronefs de la sécurité civile consacrée à la lutte contre les feux de forêt est actuellement composée de 12 Canadair CL415, 8 avions Dash, et 3 avions Beechcraft King 200.

Composition de la flotte de la sécurité civile consacrée à la lutte contre les feux

Type d'appareils

Quantité

Caractéristiques techniques

Coût d'acquisition

Estimation du coût actuel

Avions
Canadair C415

12

- Avion amphibie

- Capacité d'emport de 6 000 litres

- Largage d'eau et, marginalement, de produit retardant courte durée

- Vitesse de projection : 330 km/h

- 2 pilotes

20 millions
d'euros

Entre 60 et 64 millions d'euros

Avions Dash 8 MRBet

6

- Avion « multi rôle »

- Ravitaillement terrestre

- Capacité d'emport de 10 000 litres

- Largage de produit retardant et d'eau

- Vitesse de projection : 650 km/h

- 2 pilotes

60 millions
d'euros

40 millions d'euros

Avions Dash 8 MR

2

22 millions
d'euros*

S.O

Avions Beechcraft B 200

3

- Avion de reconnaissance et de commandement

- Vitesse de projection : 445 km/h

- 1 pilote

1,5 millions
d'euros*

9 millions d'euros

* achat d'occasion

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

1. Les avions « amphibies » bombardiers d'eau : une arme massive de lutte contre les feux de forêt

La France dispose aujourd'hui d'une flotte de 12 Canadair, acquis il y a plus de 25 ans pour un coût unitaire de 20 millions d'euros. Ces avions disposent d'une capacité de largage d'eau de 6 000 litres, ce qui les rend particulièrement efficaces pour lutter contre les feux. Les Canadair sont des avions dits « amphibies », dans la mesure où ils disposent d'une capacité à écoper sur des plans d'eau et à s'y ravitailler. La présence d'un plan d'eau à proximité d'une zone d'intervention permet de limiter les délais de rotation2(*) des Canadair, et conditionne donc l'efficacité de leurs actions contre les feux.

La doctrine d'intervention des Canadair repose sur un engagement massif des moyens sur un même feu. La concentration des forces aériennes permet en effet d'enrayer plus efficacement l'évolution d'un incendie qu'une répartition homogène de la flotte sur l'ensemble des départs de feu. C'est pourquoi les norias de Canadair sont généralement armées de quatre appareils.

Les difficultés posées par le vieillissement de cette flotte ont été plusieurs fois rappelées par le rapporteur spécial3(*). Ce vieillissement est aujourd'hui susceptible d'impacter sensiblement la disponibilité opérationnelle de Canadair. Un renouvellement de ces appareils a été annoncé par le président de la République, mais se heurte à plusieurs obstacles, liés notamment au délai de production du nouveau modèle de Canadair (voir infra).

2. Les avions « multi rôles » jouent un rôle essentiel dans l'attaque des feux naissants

La flotte est également composée de huit avions Dash, dont les six plus récents ont été acquis entre 2019 et 2023. Ils participent activement à la mission de guet aérien armé (GAAr), pilier de la doctrine française d'intervention contre les feux (voir infra), qui consiste à survoler préventivement les zones à risque, dans le but de repérer les feux dès leur déclenchement et de les attaquer au plus vite.

Pour ce faire, les Dash sont armés d'une capacité de largage de 10 000 litres composés généralement d'un mélange d'eau et de produit retardant. Ce produit chimique permet d'augmenter l'efficacité des largages. D'après la DGSCGC, l'emploi de ce produit est particulièrement pertinent aux abords du feu. Le retardant permet en effet de réaliser une ligne d'appui pour la défense de points sensibles, ou pour ralentir la progression des flammes sur des secteurs difficiles d'accès, qui pourront être traités ultérieurement par les sapeurs-pompiers au sol. Le ravitaillement des Dash en retardant est réalisé sur une des 22 stations d'avitaillement, appelées couramment les « pélicandromes ». Ces stations sont aujourd'hui principalement situées dans la moitié sud du pays (voir infra).

Ces appareils sont considérés comme des avions « multi rôles », dans la mesure où leur polyvalence leur permet également de réaliser des missions de transport de passagers ou d'équipement. Ils disposent par ailleurs d'une vitesse de projection deux fois supérieure à celle des Canadair, qui leur permet par exemple de réaliser la distance reliant la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes à Bordeaux en une heure, contre deux heures pour les Canadair.

3. Certains appareils ne disposent pas de capacité de largage mais contribuent activement à la lutte contre les feux

La DGSCG dispose également de trois avions Beechcraft King 200. Contrairement aux appareils mentionnés ci-dessus, ces avions ne disposent d'aucune capacité de largage d'eau. Ils ont pour mission d'assurer la coordination des opérations aériennes, ainsi que des opérations de surveillance et de GAAr. Ils peuvent également, en cas de nécessité opérationnelle, transporter des personnels dans des zones difficiles d'accès. Ces appareils ont été acquis entre 1991 et 2001, pour un coût moyen d'1,5 million d'euros. Leur coût d'acquisition est aujourd'hui estimé à près de 9 millions d'euros.

Il convient également de mentionner les 33 hélicoptères « Dragons » EC-145 de la sécurité civile, qui ne disposent actuellement pas de capacité de largage d'eau mais participent à la lutte contre les feux de forêt par des missions concourantes, telles que des missions de reconnaissance, d'extraction d'équipes au sol, de coordination ou de commandement au profit du centre opérationnel de secours. Les prochains hélicoptères EC-145, dont la commande a été annoncée dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 20234(*), devraient disposer d'une capacité de largage d'eau, ce qui permettra de les mobiliser occasionnellement pour des missions de lutte contre les feux de forêt (voir infra).

B. UNE FLOTTE PERFORMANTE, MAIS DONT LA MOBILISATION CROISSANTE ET LE VIEILLISSEMENT CONSTITUENT UN FACTEUR DE PRÉOCCUPATION

1. L'efficacité de la flotte repose sur la doctrine d'attaque des feux naissants

La doctrine d'emploi des aéronefs de la sécurité civile repose sur une stratégie d'attaque des feux naissants. La DGSCG estime en effet que, pour qu'un feu puisse être maîtrisé, il doit être efficacement traité avant d'avoir parcouru 1 hectare. Les aéronefs bombardiers d'eau tiennent une place déterminante dans la poursuite de cet objectif, compte tenu de l'étendue du territoire exposé au risque et des difficultés d'accès de certains espaces.

Cette stratégie s'appuie sur la méthode du guet aérien armé (GAAr), qui présente un triple intérêt :

- il permet la détection précoce des incendies sur des secteurs à risque élevé ;

- il garantit une première intervention rapide en supprimant les délais de décollage ;

- il permet aux pilotes de communiquer des informations essentielles sur le contexte opérationnel de l'incendie et son évolution.

S'il peut être consommateur en heures de vol, le GAAr est indiscutablement à l'origine de la maîtrise des surfaces brulées en période estivale. Cette stratégie permet actuellement, selon les données transmises par la DGSCGC, de maitriser près de 89,5 % des feux.

Incendies ne dépassant pas 5 hectares

(en pourcentage)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

93,5

92,9

88,26

95,8

91,46

93,39

93,31

89,53

Source : rapporteur spécial, d'après les documents annexés aux projets de loi de règlement

La définition de la doctrine d'intervention des appareils de lutte contre les feux conditionne largement la stratégie de dimensionnement de la flotte. Comme l'a souligné Laurent Ferlay, chef de l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC), lors de son audition par le rapporteur spécial, « cela n'a pas de sens d'affirmer que le dimensionnement flotte est suffisant ou insuffisant, sans se poser la question de la réponse opérationnelle que l'on souhaite apporter ». De fait, la doctrine d'attaque sur les feux naissants, dont l'efficacité fait aujourd'hui l'unanimité auprès des principaux acteurs de la sécurité civile, implique de se doter d'une flotte suffisamment conséquente pour couvrir l'ensemble des zones à risque, par des prépositionnements d'appareils notamment. Dans un contexte d'extension du risque incendie sur l'ensemble du territoire, cette ambition d'attaque des feux naissants impliquera donc nécessairement de redimensionner la flotte de bombardiers d'eau à l'avenir.

2. La flotte de bombardiers d'eau est de plus en plus sollicitée en raison notamment de l'extension et de l'intensification du risque incendie

Dans son rapport de 2019, « Les feux de forêts : l'impérieuse nécessité de renforcer les moyens de lutte face à un risque susceptible de s'aggraver », le rapporteur spécial avait souligné un phénomène d'intensification et d'extension géographique et chronologique du risque incendie, provoqué par le réchauffement climatique5(*). Les feux de forêt de l'été 2022 constituent l'exemple le plus récent de ce phénomène. Ces feux d'une intensité exceptionnelle, qui concernent habituellement davantage la moitié sud-est du pays, ont cette année eu la particularité de s'étendre concomitamment à plusieurs parties du territoire, dont la Gironde, particulièrement touchée cette année. Près de 72 000 hectares de forêt ont été brûlés, soit un total près de six fois supérieur à la moyenne décennale.

Cette extension géographique du risque incendie implique donc une mobilisation croissante de la flotte d'aéronefs, comme l'illustre le tableau ci-après, qui détaille le nombre d'heures de vol réalisées pour chaque appareil sur les trois dernières années.

Nombre d'heures de vol par appareil sur les trois dernières années

 

2020

2021

2022

Canadair

2 642

2 964

3 616

Dash 8

1 777

2 003

3 262

Beechcraft

664

840,5

902

Total

5082

5807,5

7781

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

La saison des feux pour 2022 a par ailleurs nécessité la mobilisation exceptionnelle de moyens aériens dans le cadre de contrats de location ou de procédures de réquisitions. Outre la location de deux hélicoptères lourds bombardiers d'eau, déjà prévue dans la budgétisation initiale pour l'année 2022, la DGSCGC a été contrainte de recourir en urgence à la location de deux hélicoptères lourds supplémentaires et à la réquisition de huit autres appareils de ce type. Au total, l'ensemble des hélicoptères lourds bombardiers d'eau mobilisés par la sécurité civile a effectué 5 737 largages en 752 heures de vol.

La réquisition de plusieurs aéronefs par la DGSCG pour répondre
à l'ampleur de la saison « feux de forêt » 2022

Dans le cadre de la saison feux de forêt 2022, le déploiement de tous les moyens aériens de la DGSCGC ne permettait pas de soutenir une réponse opérationnelle suffisante pour répondre à l'intensité des incendies. Dans ce contexte, et malgré les dispositions dérogatoires offertes par le code de la commande publique, les délais de procédure de passation, même en urgence impérieuse6(*) s'avéraient incompatibles avec l'urgence de la situation.

La DGSCGC s'est donc appuyée sur la disposition du code de la défense7(*) pour procéder à la réquisition de ces appareils, après approbation de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur. Le décret du 21 juillet 2022 a ainsi ouvert le droit pour le ministère de l'intérieur de réquisitionner, sans délai, des hélicoptères bombardiers d'eau auprès de sociétés privées françaises afin de renforcer la flotte aérienne de la sécurité civile.

La célérité de la procédure a rendu possible la réquisition du premier hélicoptère lourd dès la publication du décret le 21 juillet 2022 pour prendre part aux missions de lutte contre les incendies à compter du 22 juillet. L'intervention de moyens héliportés immatriculés à l'étranger n'a pu se faire, malgré l'urgence, qu'après vérifications des conditions de sécurité aérienne et l'approbation de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Source : DGSCGC

3.  La suractivité de la flotte de bombardiers d'eau entraine des surcoûts importants et un risque de rupture opérationnelle
a) Une sur-sollicitation de la flotte qui entraine des surcoûts qui doivent désormais être pris en compte dans la programmation budgétaire

La sollicitation plus importante de la flotte en période de forte intensité du risque incendie implique nécessairement des surcoûts importants, le coût de l'heure de vol s'élevant à 15 929 euros pour un Canadair, 12 686 euros pour un Dash et 5 288 euros pour un Beechcraft King 200.

Coût d'une heure de vol par appareil

(en euros)

Avions Canadair C415

Avions Dash

Avions Beechcraft King 200


15 929

12 686

5 288

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

En 2022, les dépenses supplémentaires induites par la saison « feux de forêt » ont par exemple entrainé un surcoût qui s'est finalement élevé à près du 33 millions d'euros, soit 4,8 % des crédits de paiement (CP) ouverts en loi de finances initiale, alors que la Cour des comptes avait estimé en 2021 qu'une saison de feux de haute intensité entraînerait un surcoût d'environ 10 millions d'euros. Or, si les évènements de l'été 2022 étaient de nature quasi-inédite, il est malheureusement probable que la saison des feux 2022 devienne à l'avenir une saison de référence, compte tenu de l'intensification et de l'extension géographique du risque incendie induit par le réchauffement climatique. Cette situation pourrait conduire à une augmentation chronique de certaines dépenses de fonctionnement, et mettre sous tension la soutenabilité du programme « Sécurité civile », comme l'a souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur l'exécution des crédits de ce programme pour l'année 2022.

Ces surcoûts se répercutent tout d'abord sur les dépenses de carburant des appareils. En 2022, ces dépenses se sont élevées à 17 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 48 % par rapport aux prévisions de la LFI pour 2022. Toutefois, cette hausse n'est pas uniquement imputable à ce regain d'activité, puisqu'elle résulte en grande partie de l'inflation du coût des hydrocarbures.

Cette hausse des dépenses se répercute également, en période de forte tension opérationnelle, sur les dépenses de produit retardant des avions, mécaniquement amenés à réaliser davantage d'opérations de largage. Ainsi, les dépenses de produit retardant se sont par exemple élevées à 5,8 millions d'euros en 2022, ce qui représentait ainsi le double du montant initialement prévu.

Nombre de largages de produit retardant réalisés
par les bombardiers de la sécurité civile

 

2020

2021

2022

Dash

350

456

1 335

Canadair

445

507

1 626

Dont retardant court-terme

436

498

1 572

Total

795

963

2 961

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

Ce constat est également valable pour le recours à la location d'hélicoptères bombardiers d'eau en période de forte intensité opérationnelle. En 2022, le montant des dépenses engagées pour ces locations pour répondre à la saison « feux de forêt » 2022 s'est élevé à 14,3 millions d'euros. Par ailleurs, 4 300 tonnes de produit retardant ont été larguées par ces appareils. Les coûts importants impliqués par la location de ces appareils doivent aujourd'hui inviter la DGSCGC à accélérer le processus d'acquisition en propre d'appareils de ce type (voir infra).

Par ailleurs l'intensité de l'activité opérationnelle des bombardiers d'eau de la sécurité civile a un impact sur les dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) des appareils. En effet, le nombre d'opérations de maintenance est en grande partie corrélé au temps de vol. Après sept heures de vol, les Canadair sont dans l'obligation d'aller en révision du fait de pièces usées par l'écopage.

L'ensemble du MCO des avions et des hélicoptères est externalisé. Le MCO des avions bombardiers d'eau de la sécurité civile fait l'objet d'un marché avec la société Sabena Technics, conclu en 2015 pour sept ans avec une clause permettant de le prolonger pour une période complémentaire de 5 ans. La reconduction du marché a été transmise en juillet 2021 et est effective depuis 2022, pour un montant total estimé à 169,1 millions d'euros en AE sur l'ensemble de la période. Le contrat définit, par période de l'année, le nombre et le type d'avions devant être disponibles pour tenir l'alerte et pour assurer le maintien des compétences des équipages. Il comporte un régime dit standard et un régime renforcé, en fonction des conditions météorologiques. L'objet de la prestation est la « mise à disposition d'heures de vol ».

Les périodes de forte tension opérationnelle pour la flotte sont susceptibles d'entrainer des opérations de maintenance plus nombreuses et, par conséquent, des surcoûts importants. Lors de l'année 2022, la forte activité liée à la saison « feux de forêt » a impliqué des opérations de maintenance nombreuses, générant un surcoût de 11 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire initiale. Cette situation n'était pas inédite, puisque la DGSCGC a, ces dernières années, plusieurs fois été amenée à surconsommer les crédits de maintenance initialement budgétés. Ainsi, sur les huit derniers exercices budgétaires, les dépenses de maintenance ont été supérieures à la prévision à six reprises.

Crédits consacrés à la maintenance des appareils

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

b) La tension opérationnelle pesant sur la flotte aérienne fragilise le taux de disponibilité des appareils

La sur-sollicitation de flotte et la multiplication des opérations de maintenance qui en résulte sont susceptibles d'entrainer une immobilisation plus importante des appareils, alors même que l'intensification du risque incendie requiert des besoins d'intervention plus importants. Cette difficulté est amplifiée par la dynamique de vieillissement de certains appareils, et plus particulièrement des Canadair, qui impliquent des visites de MCO plus régulières.

Vieillissement des appareils de la flotte de lutte contre les feux de la DGSCGC

Type

Âge moyen

Observations

Canadair C415

25 ans
et 4 mois

Premier appareil livré en 1994, dernier appareil livré le 15 mai 2007, aucune limite de vie fixée par le constructeur

Dash 8 MR

22 ans

Appareils achetés d'occasion et livrés le 9 juillet 2005,
la DGSCGC envisage actuellement d'engager
la rénovation avionique de ces appareils

Dash 8 MRBet

2 ans
et 5mois

Appareils livrés entre 2019 et 2023

Beechcraft
King 200

38 ans
et 6 mois

Appareils achetés d'occasion, premier appareil livré
le 18 mars 1991 et dernier livré le 25 juillet 2001,
rénovation avionique réalisée en 2019

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

Plus indirectement, le vieillissement des avions implique parfois des difficultés de réapprovisionnement en pièces détachées pour le prestataire de maintenance, ces pièces n'étant plus forcément fabriquées en quantité suffisante, ce qui implique des retards dans les opérations de maintenance et une baisse du taux de disponibilité des appareils.

Les taux de disponibilité hors visite annuelle, qui correspond à la grande visite de maintenance réalisée durant la saison hivernale, sont indiqués dans le tableau ci-après. Le taux de disponibilité de la flotte d'avions apparait satisfaisant depuis 2016. Toutefois, comme le soulignait le rapporteur spécial dans son rapport de 2019 sur les feux de forêt, ces taux de disponibilité doivent être nuancés, dans la mesure où ils ne prennent pas en compte les immobilisations du fait d'une dégradation survenue en opération. Dès lors, la notion de disponibilité « opérationnelle » est ambiguë, puisque des avions non opérationnels sont comptés comme disponibles. Il s'agit donc davantage d'une disponibilité « contractuelle », permettant d'évaluer la performance du prestataire de maintenance. Par ailleurs, bon nombre d'opérations d'entraînement ou d'alerte nécessitent deux avions. Cela signifie donc que si un seul avion sur quatre est indisponible, seuls deux sur quatre pourront effectivement réaliser leur mission8(*).

Taux de disponibilité des avions de la sécurité civile

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Canadair

83,0 %

88,9 %

100,0 %

95,2 %

97,4 %

96,6 %

89,2 %

Dash

87,2 %

81,7 %

90,7 %

85,6 %

91,7 %

91,9 %

87,9 %

Beechcraft

93,7 %

84,0 %

93,7 %

90,9 %

94,6 %

96,4 %

95,7 %

Source : commission des finances, d'après la DGCGC

On constate que le taux de disponibilité a tendance à baisser significativement en période de forte tension opérationnelle. Ainsi, lors de l'année 2017, particulièrement intense en matière de lutte contre les feux de forêt, le taux de disponibilité s'est élevé à 88,9 % pour les Canadair et à 81,7 % pour les Dash. L'intensité de la saison « feux de forêt » 2022 s'est traduite par une baisse importante de la disponibilité des Canadair, principalement liée à des difficultés d'approvisionnement en pièces détachées du prestataire de maintenance, Sabena Technics (voir infra sur ce point). Pour les trois Beechcraft King 200, l'amélioration du taux de disponibilité depuis trois ans s'expliquerait, selon la DGSCGC, par la rénovation technique de ces avions réalisée en 2019.

À l'inverse, l'année 2018, particulièrement épargnée par les incendies de forêt, a été marquée par un taux de disponibilité exceptionnel de 100 % pour Canadair, et de 90 % pour les Dash.

II. LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE BOMBARDIERS D'EAU SOUFFRE D'UN DÉFAUT D'ANTICIPATION, ET SE HEURTE AUX DIFFICULTÉS DE PRODUCTION DES NOUVEAUX APPAREILS

A. UN MANQUE D'ANTICIPATION ET DE VISIBILITÉ SUR LA STRATÉGIE DE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE BOMBARDIERS D'EAU

Il apparait nécessaire pour le ministère de l'intérieur, au regard du vieillissement de certains appareils composant la flotte, et de l'extension et de l'intensification du risque feux de forêt, de disposer d'une stratégie d'investissement lisible dans ses moyens aériens de lutte contre les incendies. Les montants en jeu sont conséquents, puisque d'après la Cour des comptes, le besoin d'investissement dans le renouvellement de l'ensemble la flotte aérienne de la sécurité civile (y compris la flotte d'hélicoptères), serait évalué à plus de 1,3 milliard d'euros.

Le rapporteur spécial constate pour autant un défaut de visibilité sur cette stratégie d'investissement, illustré par la multiplication d'annonces parfois contradictoires, qui ne permettent pas de disposer d'une vision claire sur les perspectives de renouvellement de la flotte. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial a en effet relevé avec étonnement un décalage important entre d'une part, les annonces de président de la République de renouvellement intégral de la flotte de Canadair à l'horizon 2027, et d'autre part, les informations transmises au rapporteur spécial par la DGSCGC, qui indiquait que la France ne pouvait espérer bénéficier de la livraison que de deux appareils dans les cinq prochaines années.

Par ailleurs, l'annonce présidentielle de la mobilisation à terme de moyens inédits tels que l'avion A400M d'Airbus suscite également des interrogations, compte tenu du scepticisme exprimée par les services du ministère de l'intérieur et de la base aérienne de la sécurité civile (BASC) sur la capacité de cet appareil à lutter efficacement contre les feux de forêt.

Cette ambiguïté sur les perspectives de renouvellement de la flotte semble susciter une forme de frustration auprès des acteurs de la sécurité civile engagés dans la lutte contre les feux, qui craignent de ne voir aucune traduction de ces annonces sur le plan opérationnel à court-terme.

Les annonces du président de la République du 28 octobre 2022
relatives à la flotte aérienne de la sécurité civile

En réaction à la saison des feux exceptionnelle qu'a connue la France lors de l'été 2022, le président de la République a annoncé plusieurs mesures, dont une enveloppe de 250 millions serait consacrée au renforcement des moyens aériens de la sécurité civile. Il a ainsi annoncé, sans toutefois préciser la ventilation précise de cette enveloppe et la temporalité dans laquelle elle sera consommée :

- le renouvellement intégral des Canadair actuels (12 appareils), couplé à une extension de la flotte (4 appareils supplémentaires) ;

- la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau pour l'année 2023, et l'acquisition à terme de deux appareils de ce type ;

- la mobilisation de moyens inédits, tel que l'Airbus A400M, sur lequel l'avionneur français a annoncé avoir fait des essais en vue d'équiper ce modèle d'une capacité de largage d'eau, et l'expérimentation du recours à des drones.

Source : commission des finances, d'après l'intervention du président de la République du 28 octobre 2022

Ces effets d'annonce se sauraient masquer le manque d'anticipation et de vision de long-terme du ministère de l'intérieur concernant la stratégie d'investissement dans sa flotte aérienne de lutte contre les feux. Ce constat est partagé par la Cour des comptes, qui a déploré dans un référé du 26 juillet 2022 « l'absence d'une stratégie de renouvellement de la flotte à moyen et long terme, qui permettrait d'anticiper l'éventuelle défaillance d'un industriel aéronautique, de mesurer de façon objective l'intérêt de nouveaux types d'aéronefs (...) ».

Ce manque d'anticipation sur le renouvellement de la flotte est susceptible de limiter sa performance, et plus particulièrement, de réduire la disponibilité des appareils. En effet, entre le moment où le renouvellement d'un ou plusieurs appareils est annoncé, et le moment où cette acquisition se concrétise, un temps important est susceptible de s'écouler, faisant peser un risque d'obsolescence de la flotte si cette dynamique de renouvellement n'est pas suffisamment anticipée. Les exemples de la flotte de Canadair et des deux plus anciens Dash (voir infra) sont à cet égard particulièrement révélateurs.

La stratégie du ministère de l'intérieur sur le renouvellement de la flotte n'est en tout état de cause pas suffisamment formalisée. La DGSCGC ne s'est en effet dotée d'aucun document stratégique permettant de disposer d'une visibilité sur les perspectives de renouvellement des moyens aériens de lutte contre les feux.

Il est essentiel, du point de vue du rapporteur spécial, que cette stratégie soit concrétisée et formalisée au sein d'un document unique. Afin d'assurer une certaine continuité dans la dynamique d'investissement dans les moyens aériens de lutte contre les feux, cette stratégie devrait être :

pluriannuelle, de manière à disposer d'une visibilité à long-terme sur les perspectives de renouvellement de la flotte ;

- et séquencée, dans la mesure où les appareils ne doivent pas être renouvelés simultanément, pour éviter d'exposer l'ensemble de la flotte à un risque d'obsolescence en cas de retards de livraison.

Cette stratégie ne doit par ailleurs pas se limiter au seul volet capacitaire. Le renouvellement et le redimensionnement de la flotte doit faire l'objet d'une approche en coût complet, et prendre ainsi en considération l'implication de l'acquisition de nouveaux appareils en matière :

de coût de maintenance, dans la mesure où l'arrivée de nouveaux appareils dans la flotte entraine des opérations de MCO supplémentaires ;

de ressources humaines, en anticipant le plus en amont possible les besoins supplémentaires en termes de nombre de pilotes, et les besoins de formation qui en résultent ;

de dimensionnement des infrastructures susceptibles d'accueillir de nouveaux appareils, ce qui invite aujourd'hui la DGSCGC à s'interroger sur l'éventuelle ouverture d'une deuxième base aérienne d'hébergement des aéronefs, ou sur le maillage optimal des stations de ravitaillement des avions en produit retardant.

Recommandation n° 1 : afin d'optimiser la gestion de la flotte d'aéronefs, formaliser au sein d'un document unique une stratégie d'investissement pluriannuelle et séquencée pour le renouvellement des moyens aériens de lutte contre les feux (DGSCGC).

B. LE RENOUVELLEMENT DES AVIONS BOMBARDIERS D'EAU FAIT L'OBJET DE BLOCAGES LIÉS À UN NOMBRE INSUFFISANT D'ACTEURS INDUSTRIELS SUR LE MARCHÉ

1. Le vieillissement des plus anciens Dash pose la question de leur rénovation à court-terme

En 2020, la flotte de la DGSCGC a été marquée par le retrait anticipé de ses sept avions bombardiers d'eau Trackers, suite à de graves incidents, dont le dernier est survenu le 2 août 2019.

Le retrait des avions Trackers de la flotte de bombardiers d'eau

Après 40 ans au service de la Sécurité civile, les 8 Trackers qui restaient en activité fin 2019 ont été arrêtés le 14 février 2020. Cet arrêt anticipé a été décidé eu égard à des graves problèmes de corrosion des trains d'atterrissage ainsi qu'à l'attrition des pièces de rechanges disponibles.

Un de ces Trackers est désormais en exposition statique à la base de la sécurité civile de Nîmes, tandis que les 7 autres appareils ont vocation à être cédés. À cet égard, plusieurs associations, musées et établissements scolaires ont manifesté leur intérêt d'acquérir un des appareils, tant pour honorer le devoir de mémoire que pour disposer d'un support pédagogique dans les filières aéronautiques.

À la suite de cet arrêt, un protocole transactionnel a été conclu entre la DGSCGC et le prestataire de maintenance Sabena Technics, mettant fin au maintien en condition opérationnelle de ces aéronefs.

Source : DGSCGC

Pour remplacer ces appareils, la DGSCGC a lancé dès 2018 une procédure d'acquisition de six nouveaux avions Dash 8 MRBET, dont la livraison devait s'étaler jusqu'en 2023, pour un montant total de 354 millions d'euros. D'après la DGSCGC, le 6ème et dernier Dash a été réceptionné en juin 2023, portant ainsi à 8 le nombre de Dash composant la flotte. Cet appareil sera par ailleurs opérationnel dès l'été 2023.

Échéancier actualisé d'acquisition d'avions Dash multi-rôles

(en unités et en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

         

6

Livraison

 

1

1

2

1

1

6

AE

322,06

1,62

2,31

3,14

9,26

15,68

354,07

CP

34,35

64,17

66,05

76,08

64,01

49,4

354,07

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial se félicite de ces acquisitions, qui apparaissaient nécessaires pour répondre à la sollicitation opérationnelle croissante de la flotte. Toutefois, le vieillissement des deux Dash MR, dont l'âge moyen est de 22 ans, constitue une source de préoccupation, exprimée par les services de la base aérienne de la sécurité civile lors des auditions du rapporteur spécial. Compte tenu de l'âge avancé de ces avions, il est de plus en plus difficile pour le prestataire de maintenance d'obtenir sur le marché certaines pièces détachées nécessaires au fonctionnement du système de largage de ces appareils. Cette situation fait peser à court-terme un risque d'indisponibilité de ces anciens modèles, selon le commandement du groupement d'avions de la sécurité civile (GASC).

Un projet de rénovation avionique de ces appareils serait en cours de réflexion. Le coût de cette rénovation n'est à ce stade pas connu, dans la mesure où il dépendra de l'ampleur de l'opération envisagée. Toutefois, les services du GASC ont indiqué au rapporteur spécial que ce coût devrait s'élever à plusieurs millions d'euros. L'opportunité de cette rénovation devra donc être questionnée, en mettant en balance le coût de cette opération avec le prix d'acquisition d'un appareil neuf, actuellement estimé à 40 millions d'euros. Le précédent de la rénovation avionique des Beechcraft est à cet égard intéressant. Cette rénovation avait permis d'intégrer de nouvelles exigences réglementaires en matière de navigation aérienne, tout en améliorant les paramètres de sécurité et de corriger certaines obsolescences des équipements de bord coûteux en maintenance. Cette opération représentait néanmoins 4,3 millions d'euros, alors que, d'après le commandement du GASC, le coût d'acquisition d'un appareil neuf était de 6,5 millions d'euros, ce qui interroge quant à la pertinence du choix de cette rénovation. Si le rapporteur spécial partage l'intérêt de moderniser les deux Dash les plus anciens, il estime nécessaire de réaliser, au préalable, une étude approfondie sur l'intérêt de privilégier la rénovation à l'achat d'appareils neufs.

Il convient enfin de souligner que l'achat de deux nouveaux Dash aurait l'avantage d'homogénéiser l'ensemble de la flotte, ce qui présente, du point de vue du GASC, un intérêt opérationnel non négligeable.

Recommandation n° 2 : établir un bilan coût-avantage précis sur l'opportunité de prolonger l'utilisation des plus anciens avions Dash de la flotte ou d'engager l'acquisition de nouveaux appareils (DGSCGC).

2. Une situation de monopole du constructeur des Canadair qui suscite des difficultés tant pour l'acquisition de nouveaux appareils que pour le maintien en condition opérationnelle de la flotte existante

Les difficultés posées par le vieillissement de la flotte de 12 Canadair ont justifié l'engagement d'un processus de renouvellement de cette flotte par la DGSCGC, dans le cadre d'un cofinancement de l'Union européenne. Un commande de Canadair a en effet été formalisée au niveau européen dans le cadre du dispositif RescEU. Ce financement d'appareil a été retranscrit dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui prévoit l'achat de 12 avions Canadair et 9 hélicoptères bombardiers d'eau sur fonds européens. L'Union européenne devrait ainsi prendre en charge le financement de ces appareils à hauteur de 100 %, contre 90 % initialement prévu dans le contrat de subvention.

Cette commande tarde toutefois à se concrétiser, en raison de la réticence du producteur De Havilland Canada (DHC) à relancer la chaîne de production de ces appareils. L'industriel attendait en effet un minimum de 20 commandes pour lui assurer de rentabiliser les coûts d'investissements initiaux conséquents et propres à la production de ce type d'appareils. La France a été le premier pays à se manifester pour l'achat de deux avions et a mené un travail important, en lien avec la Commission européenne, pour sensibiliser les autres États membres sur l'opportunité de cette commande mutualisée.

Au terme d'un long processus de négociation entre le producteur, la Commission européenne et les États membres acquéreurs, le lancement effectif de la chaîne de production d'un nouveau modèle de Canadair DHC-15 a été annoncé le 31 mars 2022, sécurisant ainsi le programme RescEU. Au total, 22 appareils ont été commandés par les différents États, dont 12 seront financés intégralement par l'Union européenne. La France aura également la possibilité de commander deux avions supplémentaires sur fonds nationaux.

Des négociations bilatérales entre DHC et les États membres sont en cours pour définir le cahier des charges des appareils. Il ressort des auditions du rapporteur spécial que ces négociations se sont avéré jusqu'à aujourd'hui difficiles, ce qui est en grande partie dû à la situation de monopole dans laquelle se trouve le producteur, lui permettant d'imposer ses conditions. Plusieurs points de crispation sont intervenus, autour du prix, actuellement estimé entre 60 et 64 millions d'euros par appareil, du calendrier de livraison ou des caractéristiques techniques du DHC-515, qui devraient in fine correspondre à celles du DHC-415. Il ressort cependant des auditions du rapporteur spécial qu'un compromis avec l'industriel aurait été trouvé, et qu'un accord serait en cours de finalisation.

Toutefois, comme cela été souligné par le rapporteur spécial dans le cadre de ses travaux9(*), la principale source de préoccupation réside dans le délai de livraison de ces appareils. En effet, le lancement de la chaîne de production implique aujourd'hui plusieurs opérations, telles que la construction de l'usine d'assemblage à Calgary au Canada, le recrutement de personnel qualifié, ou encore les procédures de certification des nouveaux appareils. Au regard de toutes ces étapes préalables, il n'est aujourd'hui pas raisonnable d'envisager une livraison avant 2027. Le rapporteur spécial relève par ailleurs que cette date de livraison estimée par la DGSCGC est sans cesse repoussée, année après année, ce qui suscite des interrogations légitimes sur la concrétisation effective de cette commande.

Par ailleurs, ce retard dans le lancement de la chaîne de production des nouveaux appareils emporte des conséquences sur la performance de la flotte actuelle de Canadair, et plus particulièrement sur sa disponibilité opérationnelle. En 2022, le taux de disponibilité des Canadair est passé de 96,6 % à 89,2 %. Cette chute non négligeable s'explique par les difficultés rencontrées par le prestataire de maintenance, Sabena Technics, pour se procurer les pièces détachées nécessaires au MCO des appareils, dont la production n'était pas assurée en quantité suffisante par le constructeur Viking10(*). D'après les informations transmises par les pilotes de la base aérienne de la sécurité civile au rapporteur spécial dans le cadre de son déplacement du 13 octobre 2022 à Nîmes, cette situation aurait contraint la DGSCGC à immobiliser un Canadair, sur lequel étaient prélevées les pièces indispensables au MCO des autres appareils de la flotte.

En tout état de cause, le retard pris dans la production des Canadair met en évidence le problème structurel que constitue la situation de monopole dont bénéficie DHC sur le marché des bombardiers d'eau. Il n'existe en effet à ce jour aucun autre industriel en mesure de produire un autre avion amphibie bombardier d'eau dans les prochaines années, et de concurrencer DHC à court terme.

Le rapporteur spécial regrette cette situation, qui place la France et ses partenaires européens dans une situation de dépendance vis-vis d'un constructeur qui n'a de surcroit toujours pas démontré sa capacité à produire ces avions dans des délais raisonnables. Il convient en effet de souligner que DHC n'a à ce jour jamais construit de Canadair, dans la mesure où ce dernier a racheté la licence d'exploitation après la livraison des derniers appareils.

3. La nécessité d'engager une réflexion sur la capacité de production d'un bombardier d'eau au niveau national voire européen : un double enjeu de concurrence et d'indépendance
a) Une impulsion des pouvoirs publics est aujourd'hui nécessaire pour développer une capacité européenne de production de bombardiers d'eau

Le rapporteur spécial regrette que ni la France, ni ses partenaires européens ne disposent à ce jour d'une capacité de production d'un appareil bombardier d'eau capable de contester le monopole des Canadair.

La principale raison repose sur les coûts fixes prohibitifs pour les constructeurs, au regard de la faible demande sur le marché. Le lancement d'une chaîne de production implique nécessairement l'engagement de plusieurs centaines de millions voire milliards d'euros d'investissement. Les représentants d'Airbus auditionnés par le rapporteur spécial estiment qu'au regard du coût d'un tel programme de développement, et de la taille réduite du marché, estimée à environ 300 appareils dans le monde, dont moins d'une centaine sur le marché européen, il serait économiquement impossible de produire un appareil sans que celui-ci ait un prix prohibitif pour l'acquéreur. Par ailleurs, le développement de ce type d'avion s'avère techniquement très délicat, compte tenu des difficultés induites par l'exposition des principaux composants de l'appareil, à l'humidité, l'environnement salin, ainsi qu'à la corrosivité des produits retardants. Les représentants de Dassault Aviation ont en outre indiqué au rapporteur spécial que les procédures de certification, dont les référentiels se sont durcis ces dernières années, constitueraient une barrière à l'entrée susceptible de décourager les producteurs potentiels.

Dans ce contexte, il semble nécessaire que les pouvoirs publics donnent une impulsion, notamment par l'intermédiaire de financements européens, pour inciter au développement d'un projet d'avion bombardier d'eau, qui permettrait de s'affranchir de la dépendance de notre flotte vis-à-vis des Canadair.

Le rapporteur spécial a par ailleurs constaté, dans le cadre de ses auditions, que le financement du dispositif RescEU ne pouvait pas bénéficier aux projets de recherche et développement (R&D) de nouveaux appareils, dans la mesure où ce programme ne permet de financer que des moyens capacitaires, en d'autres termes, des acquisitions d'appareils déjà en mesure d'être produits. La Commission européenne a indiqué orienter les industriels porteurs de projets vers d'autres programmes de financement européen spécialisés dans la R&D, tel que le programme Horizon Europe, qui dispose d'un volet consacré à la sécurité civile. Sur ce point, le rapporteur spécial relève que plusieurs personnes auditionnées se sont interrogées sur l'éligibilité du DHC-515 au dispositif RescEU dans la mesure où la chaîne de production n'a pas été relancée, et que DHC n'ayant jamais produit de Canadair, les procédures de certification de leur nouvel appareil DHC-515 impliqueront nécessairement des dépenses de R&D, qui se répercuteront sur le prix, et qui seront indirectement financés par le programme RescEU.

En tout état de cause, une impulsion des pouvoirs publics au niveau européen semble nécessaire pour apporter une véritable dynamique au marché du bombardier d'eau. La constitution d'un véritable « champion » européen du bombardier d'eau présente, aux yeux du rapporteur spécial, un double enjeu de concurrence et d'indépendance. Au regard des montant en jeu, la construction d'un tel appareil ne serait pas pertinente au niveau national, et devrait faire l'objet d'une initiative européenne. Si la direction générale de la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (DG ECHO) de la Commission européenne, ainsi que la DGSCGC, ont indiqué entretenir des échanges réguliers avec les industriels aéronautiques pour identifier les projets d'intérêt, le rapporteur spécial constate en revanche l'absence d'impulsion au niveau interministériel sur le sujet.

Le rapporteur spécial a eu l'occasion de prendre connaissance, dans le cadre de ce travail de contrôle, de plusieurs projets susceptibles de renforcer la flotte de la sécurité civile à moyen et long terme. La plupart de ces projets sont à ce stade embryonnaires, et ne sont pas susceptibles de venir renforcer la flotte avant plusieurs années. C'est pourquoi, au regard de l'urgence à renforcer les moyens aériens de lutte contre les feux, les États membres ont préféré se tourner vers DHC et son modèle de Canadair, dont la relance de la chaîne de production a été annoncée. Toutefois la relance de la chaîne de production n'est pas antinomique avec la création d'une capacité de production au niveau européen.

Recommandation n° 3 : engager au niveau national, voire de l'Union européenne, une réflexion sur le développement d'une capacité de production industrielle d'un bombardier d'eau (Gouvernement et Commission européenne).

b) Des projets nationaux et européens de bombardiers d'eau encore embryonnaires
(1) L'A400M d'Airbus 

L'avion A400M d'Airbus est un projet n'ayant pas vocation à s'intégrer de manière permanente dans le dispositif de lutte contre les feux. Le projet repose sur l'équipement de l'A400M d'un kit de largage de 20 000 litres d'eau. Toutefois, ces appareils ne seraient pas vendus à des fins de lutte anti-incendie. Il s'agirait plutôt de doter les appareils de l'Armée de l'Air de ce kit de largage, afin qu'ils puissent être sollicités dans la lutte contre les feux en cas d'évènement extraordinaire.

Ce projet a fait l'objet, en marge de la saison des feux 2022, d'une campagne active de communication de la part d'Airbus, qui avait suscité le scepticisme des pilotes du GASC. Ces derniers ont en effet émis des doutes sur l'efficacité du kit de largage, qui se traduirait concrètement par un effet « pulvérisation », peu opérant contre les feux.

Toutefois, les représentants d'Airbus ont indiqué ne pas revendiquer l'effet « bombe », normalement recherché pour l'extinction des feux. Ces appareils auraient la faculté de diffuser du produit retardant, l'effet « pulvérisation » permettant de couvrir une zone de manière homogène. Par ailleurs, cet appareil disposerait d'une capacité d'intervention de nuit, contrairement au Canadair.

Les représentants d'Airbus ont également indiqué que ce projet, toujours en développement, nécessiterait la poursuite des campagnes d'essais, réalisées avec l'Armée de l'Air espagnole qui, contrairement à l'Armée française, est chargée de la lutte anti-incendie. L'intégration de capacités aériennes de l'Armée de l'Air française aux moyens aériens de la sécurité civile nécessiterait en outre la définition au niveau national d'un accord et d'une doctrine d'emploi spécifique.

Le A400M d'Airbus n'a donc pas vocation à se substituer à court terme aux Canadair, ni à les concurrencer, mais à compléter ponctuellement leur action.

(2) Le Falcon 2000 GAAE de Dassault

Le DGSCGC a également indiqué se pencher sur le projet Falcon 2000 GAAE11(*) porté par Dassault, consistant à équiper un Falcon 2000LXS déjà existant d'un réservoir ventral qui aurait la faculté d'emporter 3 500 à 4 000 litres d'eau.

Cet appareil aurait également la faculté de se poser sur des pistes très courtes, ce qui pourrait faciliter son rechargement. Il dispose par ailleurs d'une capacité d'intervention de nuit. Il pourrait notamment être utilement mobilisé pour le guet aérien armé (GAAr), compte tenu de sa vitesse de 800 km/h, contre 650 km/h pour les Dash.

(3) Le Seagle de Roadfour

L'avion Seagle est un avion « amphibie » développé par Roadfour, start-up belge dont l'ambition est de concurrencer DHC sur le marché du bombardier d'eau à moyen terme. Cet appareil disposerait d'une capacité de largage de 12 000 litres, soit le double des Canadair. Une des principales innovations technologiques de cet appareil par rapport aux Canadair réside dans les foils, qui sont comme des ailes situées sous l'avion, et qui permettent de maintenir l'avion hors de l'eau pendant l'écopage, de manière à faciliter cette opération, en particulier sur les plans d'eau agités.

Le prix d'acquisition de cet appareil est actuellement estimé entre 60 et 70 millions d'euros. Le Seagle n'est toutefois aujourd'hui qu'en phase de conception et de recherche de financements publics. Sa production peut difficilement être envisagée avant 2030.

Roadfour a envisagé d'implanter la chaîne de production de son appareil en France, à Saint-Nazaire ou à Bordeaux. D'après Gaëtan Dufour, son président directeur général, des échanges ont eu lieu avec les autorités françaises, mais la ville d'Ostende en Belgique a finalement été retenue, en raison notamment d'un appui plus important des pouvoirs publics.

Principaux projets d'intérêt pour le renforcement de la flotte d'avions bombardiers d'eau

Appareil

Constructeur

Caractéristiques techniques

Prix d'un appareil neuf (estimation)

A400 M

Airbus

- Kit de conversion d'un avion existant en bombardier d'eau

- Capacité d'emport de 20 000 litres d'eau et/ou de produit retardant

Non communiqué, mais prix du kit marginal par rapport au coût de l'appareil

Falcon 2000 GAAE

Dassault

- Avion bombardier d'eau

- Vision nocturne

- Capacité d'emport
de 3 500 à 4 000 litres

Non communiqué

Seagle

Roadfour

- Avion amphibie bombardier d'eau

- Capacité d'emport de 12 000 litres

60 à 70 millions d'euros

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC et les auditions du rapporteur spécial

La DGSCGC s'intéresserait par ailleurs à un projet développé par des ingénieurs d'Airbus évoluant au sein d'un petit consortium d'industriels européens travaillant à l'élaboration d'une alternative européenne au DHC-515, ainsi qu'à un projet italien de bombardier d'eau.

Le rapporteur spécial souligne toutefois qui, si ces projets semblent prometteurs, aucun d'entre eux, à l'exception de l'A400M d'Airbus, ne devrait voir le jour avant 2030. Par ailleurs, dans la mesure où la plupart de ces projets ne sont qu'au stade du développement, il est difficile pour la DGSCGC et le groupement des moyens aériens (GMA), qui est en charge de la gestion de la flotte, d'éprouver la capacité d'intégration de ces appareils dans le dispositif opérationnel de lutte contre les feux.

Cette incertitude sur la concrétisation de ces projets a poussé la France et ses partenaires européens à privilégier l'acquisition de nouveaux Canadair, malgré des délais de livraison incertains. Dans la mesure où la flotte de Canadair ne pourra être renforcée avant 2027, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité de trouver d'autres vecteurs de renforcement de l'efficacité de la flotte à court-terme.

C. DES PISTES DE RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX À COURT-TERME, ENTRE LOCATION D'APPAREILS, DIVERSIFICATION DE LA FLOTTE ET APPROFONDISSEMENT DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE

1. Si la location d'aéronefs permet de renforcer la flotte à court-terme, cette pratique apparait coûteuse et crée des difficultés opérationnelles

Compte tenu du délai de production des Canadair, la DGSCGC est contrainte de trouver des solutions de renforcement de la flotte à court-terme pour répondre à l'augmentation du risque de départ de feux. Dans le cadre d'une visite sur la base aérienne de Cazaux, à la Teste-de-Buch, le ministre de l'intérieur a ainsi annoncé, le 11 avril 2023, un nouveau dispositif de lutte contre les feux pour l'année 2023, qui impliquera notamment un renforcement de la flotte existante par la location de plusieurs appareils.

La flotte sera ainsi renforcée par quatre avions Air Tractor, loués auprès de la société espagnole Titan Aerial Firefighting. Ces petits avions bombardiers d'eau disposent d'une capacité d'emport (3 000 litres) deux fois moins importante que celle des Canadair, mais peuvent réaliser du largage de retardant. Le coût de cette location pour une période s'étalant du 15 juin au 15 septembre est estimé à 6,2 millions.

En outre, trois hélicoptères bombardiers lourds « Super Puma » produits et loués par Airbus s'ajouteront aux sept hélicoptères déjà loués l'an dernier. Ces hélicoptères constituent un complément intéressant des Canadair et des Dash (voir infra) et la DGSCGC y a déjà recours depuis 2020 dans le cadre de contrats de location. Si le montant du contrat passé pour la location de ces appareils au titre de l'année 2023 n'est pas connu avec précision, la loi de finances pour 2023 a prévu 10 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour la location de ces hélicoptères.

Enfin, la flotte devrait être renforcée par la location d'un Dash supplémentaire auprès de la société canadienne Conair, portant ainsi la flotte pour l'été 2023 à 9 appareils. Le coût de location de ces appareils est estimé à 44 365 euros par jour de mise à disposition, et 12 681 euros par heure de vol.

Si le rapporteur spécial se félicite des moyens supplémentaires engagés par le ministère de l'intérieur pour renforcer la flotte à court-terme, le recours à la location d'appareils peut néanmoins susciter plusieurs réserves.

Tout d'abord au regard de l'importance des montants en jeu, le recours à la location ne peut constituer une solution satisfaisante à long-terme. Ensuite, la mise à disposition par un prestataire extérieur d'appareils habituellement non intégrés à la flotte de la DGSCGC peut susciter des difficultés opérationnelles. Ces marchés de location incluent la mobilisation et la maintenance des appareils, mais aussi la mise à disposition de pilotes qui, le plus souvent, ne sont pas francophones. Il peut en résulter des difficultés de communication avec les pilotes de la DGSCGC et, par conséquent, des difficultés d'intégration de ces appareils dans le dispositif opérationnel. Dans le cadre des auditions du rapporteur spécial, les pilotes de la sécurité civile ont en effet souligné que ces difficultés de communication ont donné lieu, au cours de la saison « feux de forêt » de 2022, à plusieurs largages non autorisés par des pilotes de ces sociétés.

Pour limiter les difficultés d'intégration de ces appareils, la DGSCGC a fait le choix de ne pas les intégrer à la base aérienne de Nîmes, mais de les prépositionner dans le Sud-Ouest. Ces appareils n'auront donc pas vocation à intervenir sur les mêmes zones que la flotte permanente. Par ailleurs, les équipages non francophones ont l'obligation d'être accompagnés par un interprète, afin de favoriser la coordination avec les autres avions.

En tout état de cause, les souplesses permises par ces contrats de location ne sauraient dispenser le ministère de l'intérieur de mener une réflexion sur une stratégie l'investissement de long terme dans de nouveaux moyens pour renforcer sa flotte.

2. Les hélicoptères bombardiers d'eau : un complément utile des Canadair, qui ont fait leurs preuves depuis plusieurs années
a) L'acquisition d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau constitue une piste crédible de diversification et de renforcement de la flotte

Dans le cadre de son audition par le rapporteur spécial, le vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Éric Flores (FNSPF), soulignait l'importance « d'augmenter la flotte, mais aussi de la diversifier ».

Le recours à des hélicoptères lourds bombardiers d'eau constitue à cet égard une perspective particulièrement intéressante pour la DGSCGC. Ces hélicoptères disposent généralement d'une capacité d'emport de 4 000 litres, contre seulement 800 à 1 000 litres pour les hélicoptères dits légers. Si ces hélicoptères n'ont pas vocation à participer aux missions de guet aérien armé (GAAr), leurs interventions très ciblées et localisées, susceptibles de contrer les phénomènes de « sautes de flammes », constitue un complément utile de l'action des Canadair et des Dash.

Ils présentent également l'intérêt de pouvoir accéder, contrairement aux autres avions bombardiers d'eau, à des zones difficiles d'accès, tels que les espaces montagneux ou périurbains, ce qui constitue une perspective particulièrement intéressante dans un contexte d'extension géographique du risque « feux de forêt ».

Leurs missions ne se limitent pas à la lutte contre les feux, puisque ces aéronefs peuvent également réaliser des opérations de secours lors des évènements météorologiques exceptionnels ou maritimes, de transport de blessés ou de patients lors d'une crise majeure ou encore de transport des formations militaires de la sécurité civile.

Les hélicoptères lourds bombardiers d'eau disposent par ailleurs d'une certaine souplesse en ce qui concerne son ravitaillement en eau, alors que le ravitaillement des Canadair, plus contraignant, est conditionné à la présence d'un plan d'eau de minimum 250 mètres de longueur. D'après François Pradon, chef de l'État-major de la sécurité civile (EMSC), cette flexibilité dans le ravitaillement des hélicoptères lourds bombardiers d'eau leur permettra de réaliser davantage de rotations que le Canadair. Les représentants d'Airbus estiment que leur hélicoptère « Super Puma » est en effet en mesure de réaliser 10 à 14 largages par heure.

Enfin, l'acquisition de ces hélicoptères permettrait également de développer une capacité de vol et de largage de nuit, afin d'assurer la permanence du soutien aérien pour les sapeurs-pompiers au sol.

Le recours à la location de ce type d'appareils depuis 2020 a permis à la DGSCGC de confirmer l'intérêt opérationnel de ces hélicoptères, dont l'efficacité a été soulignée par l'ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur spécial. Le président de la République a ainsi annoncé, le 28 octobre 2022, l'achat de deux hélicoptères lourds bombardiers d'eau. Ces acquisitions devraient être réalisées dans le cadre de financements européens, et plus particulièrement par l'intermédiaire du dispositif RescEU.

D'après les représentants d'Airbus, le coût d'un hélicoptères bombardiers d'eau « Super Puma » s'élèverait à 25 millions d'euros environ. Toutefois, la Commission européenne, interrogée sur le sujet, a indiqué ne pas vouloir imposer un modèle particulier.

Le programme RescEU devrait permettre de financer trois hélicoptères lourds bombardiers d'eau, qui devraient bénéficier à la France, la Pologne et la Roumanie. La commande de ces appareils était initialement programmée en 2025 dans le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, mais la direction générale de la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (DG ECHO) de la Commission européenne a accéléré ce calendrier, prenant acte des sollicitations de plusieurs États membres en ce sens.

D'après les informations transmises par la DG ECHO au rapporteur spécial, la commande de ces trois appareils devraient se concrétiser dès l'année 2023. Six autres appareils additionnels seraient financés par ce même mécanisme dans les années à venir. Les délais de livraison de ces appareils apparaissent par ailleurs relativement rapides en comparaison avec les Canadair, dont la date de livraison demeure incertaine (voir infra).

Il apparait donc essentiel que la France plaide au niveau de l'Union européenne pour une accélération du calendrier de commande de ces appareils dont l'intérêt sur le plan opérationnel fait aujourd'hui l'unanimité. Par ailleurs, l'intérêt de l'acquisition en propre de ces appareils par rapport à la location est que ces hélicoptères seront directement exploités par des pilotes du groupement d'avions de la sécurité civile (GASC), ce qui facilitera leur intégration dans le dispositif de lutte contre les feux.

Les représentants d'Airbus ont par ailleurs indiqué au rapporteur spécial que la concrétisation de ces commandes présente également un enjeu économique, dans la mesure où près de 1 500 emplois seraient actuellement menacées à Marignane, lieu d'implantation de la chaîne d'assemblage des Super Puma, faute d'activité suffisante.

Le rapporteur spécial se félicite de la concrétisation probable de la première commande d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau dans le cadre de RescEU. Il conviendra ensuite d'accélérer la concrétisation de la deuxième vague de commande, qui devrait également bénéficier la France. Ces hélicoptères ne doivent toutefois être envisagés que comme un complément utile à la flotte actuelle, et non comme une solution de substitution aux Canadair, malgré le délai de livraison incertain de ces avions.

Recommandation n° 4 : afin de diversifier la flotte aérienne de lutte contre les feux, accélérer l'acquisition d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau (DGSCGC et Commission européenne).

b) Si les nouveaux modèles d'hélicoptères « Dragon » disposeront d'une capacité de largage d'eau, leur participation à la lutte contre les feux demeurera toutefois limitée

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 202312(*) a par ailleurs été l'occasion d'acter le renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC-145, en validant la commande de 36 hélicoptères neufs, pour un montant total de 471,6 millions d'euros en AE ouverts en loi de finances initiale pour 2023. La flotte d'hélicoptères de la sécurité civile sera ainsi portée à 40 appareils. Selon le ministère de l'intérieur, la livraison de l'ensemble des appareils doit être réalisée sur une période de 5 ans.

Ces appareils auront la particularité de disposer d'une capacité d'emport d'environ 1 000 litres d'eau, ce qui les distingue des « Dragons » actuels, aujourd'hui quasi-exclusivement utilisés pour la réalisation d'opérations de secours, et dont la configuration opérationnelle ne permet pas d'emporter une masse d'eau significative pour lutter contre les feux de forêt. Ces hélicoptères seront en effet équipés de crochets à élingue, ou « bambi bucket », permettant de les armer de capacités de largage d'eau. D'après les représentants d'Airbus, ces hélicoptères pourraient utilement être mobilisés pour l'attaque des feux naissants, et pourraient plus particulièrement s'avérer utiles dans des territoires qui ne disposent pas des moyens aériens bombardiers d'eau de proximité.

Toutefois, ces hélicoptères n'auront pas vocation à être exclusivement dédiés à la lutte contre les feux, et leur action sera limitée à l'attaque des feux de faible et moyenne envergure. La DGSCGC précise que l'engagement d'un hélicoptère EC-145 sur ce type de mission fera systématiquement l'objet d'arbitrage par les donneurs d'ordre opérationnel sur la priorisation des missions « feux de forêt » et des missions de secours à la personne.

3. La coopération européenne constitue une piste intéressante de renforcement des moyens aériens en cas de crise
a) Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne a récemment été complété par un programme de financement de moyens capacitaires mutualisés entre les États membres

Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MPCU), créé en 2001, permet de mobiliser, en cas de catastrophe de grande ampleur, l'aide des pays européens participant à ce dispositif coordonné par la Commission européenne. Ce mécanisme de coopération, qui s'est renforcé au fil des années, rassemble aujourd'hui 35 États participants13(*). Le Centre européen de réaction d'urgence (Emergency response coordination centre, ERCC), situé à Bruxelles, coordonne la mise en commun des ressources proposées par les États membres, dans le cadre de ce dispositif.

Le programme RescEU, créé en 2019, et actuellement financé à hauteur de 1,9 milliard d'euros par l'intermédiaire du plan de relance européen Next Generation UE, est venu compléter le MPCU. Il a notamment acté la création d'une réserve de moyens aériens surnuméraires, mobilisée en dernier ressort après épuisement des capacités de réponses nationales et des offres spontanées des États participant au MPCU. Cette réserve européenne, actuellement composée de 13 appareils, devraient être portée en 2023 à 28 appareils, conformément aux annonces du commissaire européen à la gestion des crises, Janez Lenarèiè, le 30 mai 2023.

Le dispositif RescEU comporte un volet consacré à l'acquisition d'une flotte d'avions bombardiers d'eau « amphibies » au niveau européen. Ces avions seront librement mobilisés par les États bénéficiaires de ces commandes pour leurs besoins nationaux, mais ils seront également susceptibles d'être mis à disposition de l'Union européenne en cas de catastrophe importante sur le territoire d'un autre État membre. Cette flotte, qui a vocation à être composée de 12 Canadair, ne pourra toutefois pas être effective avant 2027 compte tenu des délais de production et de livraison des appareils.

Dans l'attente de la concrétisation de cette commande, un mécanisme « RescEU transitoire», mis en oeuvre jusqu'en 2024, permet par exemple à l'Union européenne de financer la location d'appareils ou les dépenses engagées par les États membres dans le cadre de la mise à disposition de leurs aéronefs. La France a notamment mis à disposition de l'Union européenne un Dash entre 2019 et 2021, puis deux Canadair en 2022 au titre du RescEU transitoire. Dans la mesure où la commande de Canadair ne pourra être achevée à courtterme, le programme RescEU transitoire a vocation à être prolongé jusque 2027, et fait en ce sens l'objet d'un projet d'acte législatif actuellement en discussion au sein des instances de l'Union européenne.

b) Une saison « feux de forêt » 2022 qui a confirmé l'intérêt de la solidarité européenne

La France a bénéficié en 2022 pour la première fois du soutien de partenaires européens dans le cadre du programme RescEU. Elle a en effet bénéficié du renfort de deux Canadair italiens, deux Canadair grecs, deux Air Tractor Fire-boss suédois.

Les personnels navigants de la sécurité civile ont souligné, lors du déplacement du rapporteur spécial à la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes le 13 octobre 2022, la qualité de la coopération avec leurs homologues, qui se seraient bien intégrés dans le dispositif opérationnel. Cette intégration à toutefois nécessité quelques ajustements opérationnels, afin de surmonter la barrière de la langue et les divergences de formation et de culture en matière d'appréhension opérationnelle de la lutte contre les feux.

C'est pourquoi les deux Air Tractor Fire-boss suédois ont été cantonnés à des opérations en Bretagne, où la flotte nationale est peu intervenue. La DGSCGC a en effet fait état d'une absence d'interopérabilité entre ces moyens et les moyens nationaux.

En revanche, les Canadair grecs et italiens ont pu être directement intégrés aux norias de Canadair de la sécurité civile, en tant qu'avions « suiveurs » - c'est-à-dire obligatoirement au sein d'une noria dirigée par un avion français.

Le rapporteur spécial se félicite par ailleurs de la mise en oeuvre, à l'initiative de la Commission européenne, de modules de formation à destination des pilotes de tous les pays participants au MPCU, visant à renforcer l'interopérabilité des différentes flottes, et à développer une véritable culture commune de lutte contre les feux. Ces modules de formation, réalisés à la base aérienne de Nîmes, permettent des échanges de bonnes pratiques entre États membres participants. Ils ressemblent des pays historiquement exposés au risque de feux de forêt et souhaitant renforcer leur interopérabilité avec les flottes des autres États membres, mais aussi des pays dont l'exposition à ces incendies, historiquement minime, tend à augmenter (par exemple, l'Allemagne). La Commission européenne met également en place des dispositifs d'échange de pilotes entre États membres, sous la forme de stages de trois mois pilotés et financés par l'Union européenne.

Le rapporteur spécial partage le constat de la DGSCGC et de la Commission européenne, qui estiment que l'approfondissement de ce mécanisme sera essentiel à l'avenir pour faire face à l'intensification des crises, leur multiplication et leur caractère transfrontalier. Comme l'affirmait la colonelle de sapeurs-pompiers et experte nationale détachée auprès de la DG ECHO de la Commission européenne, Claire Kowalewski, « quand l'exceptionnel se produit, il est normal que la solidarité prenne le relais14(*) ».

4. Les technologies innovantes de reconnaissance des départs de feux peuvent être mobilisées en complément de l'action des bombardiers d'eau

D'autres matériels complémentaires des avions bombardiers d'eau peuvent également constituer des pistes de renforcement de la flotte à court terme. Le président de la République a annoncé, dans le cadre de son intervention du 28 octobre 2022, vouloir progresser sur l'expérimentation de matériels innovants, et notamment sur les « drones autonomes et systèmes de détection par imagerie satellite, signalement de départ en temps réel avec des dispositifs d'intelligence artificielle. »

Le recours aux drones présente en effet un intérêt indéniable en cas de départ de feux en permettant :

- de donner à la chaîne de commandement une vision globale de la situation et d'identifier les zones à protéger ou à évacuer;

- de localiser des victimes en situation de péril imminent par l'utilisation de l'imagerie thermique ;

- de coordonner en direct des moyens engagés, en cas d'opération complexe et de grande ampleur.

D'après la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les évolutions technologiques relatives aux drones peuvent permettre d'envisager, à plus long terme, d'équiper ces appareils d'une capacité de largage d'eau.

Pour autant, ce type de technologique n'est à ce stade pas utilisé par le groupement des moyens aériens (GMA) de la DGSCGC, qui ne dispose à ce jour d'aucun appareil de ce type. Des études seraient toutefois en cours en vue de l'acquisition de tels engins.

Certains SDIS sont en revanche déjà dotés de tels appareils, dans le cadre de contrats de location. C'est notamment le cas du SDIS de la Sarthe, dont les sapeurs-pompiers ont insisté sur le faible coût de fonctionnement de ces drones par rapport aux gains potentiels engendrés par la détection précoce des départs de feux. Ce coût annuel de location d'un drone pour le SDIS de la Sarthe serait en effet de l'ordre de 100 000 euros par an, soit de seulement 100 euros de l'heure, contre 3 000 euros de l'heure pour la location d'un hélicoptère bombardier d'eau.

Toutefois, la cohabitation dans les airs entre les drones et les aéronefs bombardiers d'eau pourrait susciter des difficultés en termes de sécurité, et constitue, selon la DGSCGC, le principal obstacle au développement de cette technologie pour la lutte contre les feux. Un autre obstacle à la pleine appropriation de ces appareils réside également, selon les sapeurs-pompiers du SDIS de la Sarthe, dans le caractère mouvant et complexe de la réglementation européenne sur ce type de technologie.

Le rapporteur spécial a également pu constater lors de son déplacement du 18 avril 2023 au SDIS de la Sarthe, l'intérêt que représente le recours à des caméras de détection de départ de feux.

Le SDIS a en effet fait l'acquisition en 2019 d'un système de vidéo détection et de localisation des feux d'espaces naturels. Ces caméras ont nécessité un investissement initial de 1,24 million d'euros, et représentent un budget annuel de fonctionnement de 111 700 euros.

Ce système repose sur l'utilisation conjointe de deux types de caméras complémentaires :

- une caméra de détection, au sein de laquelle est enregistrée une image de référence. La caméra est ensuite en mesure de détecter les mouvements par rapport à cette image fixe (par exemple, de la fumée provoquée par un départ d'incendie) ;

- une caméra de « levée de doute », plus précise, qui permet aux sapeurs-pompiers de vérifier si le signal de la caméra de détection a effectivement permis de repérer un départ de feu.

Le système de vidéo détection et de localisation des feux d'espaces naturels est installé sur 16 points hauts (7 châteaux d'eau et 9 pylônes), après autorisation des propriétaires et exploitants.

Le rapporteur spécial suivra avec intérêt le développement de ces nouvelles technologies, dont les apports sont complémentaires de l'action de la flotte de bombardiers d'eau. La réactivité de cette dernière pourra en effet être grandement améliorée par la détection plus précoce des feux permise par ces technologies.

III. AU-DELÀ DE LA QUESTION DU DIMENSIONNEMENT DE LA FLOTTE, UN ENJEU D'OPTIMISATION DES MOYENS EXISTANTS

Si les débats en marge des incendies de l'été 2022 ont, à juste titre, porté sur le dimensionnement de la flotte, ils ont bien souvent éludé d'autres facteurs tout aussi décisifs dans la stratégie de lutte contre ces incendies. La lutte contre les feux de forêt ne peut en effet être envisagée sous le seul prisme capacitaire. Les réflexions relatives au dimensionnement des moyens aériens de lutte contre ces incendies doivent donc s'inscrire dans le cadre d'une stratégie beaucoup plus large de gestion de la flotte.

A. LE RECRUTEMENT ET LA FIDÉLISATION DES PILOTES DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UN PRÉALABLE À L'EXTENSION DE LA FLOTTE

1. Les pilotes de bombardiers d'eau de la sécurité civile sont une ressource rare dont le recrutement, la formation et la fidélisation suscitent aujourd'hui des difficultés
a) Les spécificités des missions des pilotes de bombardiers d'eau impliquent des formations longues et exigeantes, nécessitant une mobilisation importante de moyens humains

L'enjeu du dimensionnement de la flotte est étroitement lié à la question des moyens humains nécessaires au fonctionnement du dispositif opérationnel, et plus particulièrement, au recrutement et à la formation des pilotes du groupement d'avions de la sécurité civile (GASC).

D'après Laurent Ferlay, chef de l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC), « les pilotes de la sécurité civile sont une ressource rare dans la mesure où la dangerosité de leurs missions nécessite une technicité particulière ». Les pilotes de la sécurité civile sont donc le plus souvent recrutés en deuxième partie de carrière professionnelle, avec une première expérience solide de vol, principalement dans l'Armée de l'Air.

Pour le groupement d'avions, l'effectif cible est composé de 102 équivalents temps pleins (ETP) de personnels navigants. Toutefois, dans la mesure où 10 pilotes bénéficieraient actuellement de dispositifs de soldes de congés en vue d'un départ à la retraite, 92 pilotes seraient aujourd'hui opérationnels.

Répartition des pilotes du groupement d'avions de la sécurité civile

Commandants de bord et copilotes Canadair

Commandants de bord et copilotes Dash

Pilotes de Beechcraft

Personnel sécurité cabine - Opérateur caméra

Total

44

32

10

6

92

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

Le commandement du GASC indique cibler un ratio d'1,5 commandant de bord par avion. Cette cible s'explique notamment par les contraintes en termes d'heures de vol et d'organisation du temps de travail des pilotes, parfaitement justifiées au regard des spécificités de leurs missions et des exigences qu'elles impliquent en matière de sécurité, mais qui leur imposent notamment une journée de repos après deux jours consécutifs de vol.

Le commandement du GASC a fait état d'un léger déficit de commandants de bord pour la flotte de Canadair. Il dispose aujourd'hui de 19 commandants de bords pour 12 Canadair. Dans un contexte de multiplication des détachements et des opérations des renforts à l'étranger, ce nombre devrait idéalement être porté à 21, pour garantir le fonctionnement optimal de la flotte. Le redimensionnement à venir de la flotte de Canadair devra par ailleurs impliquer de nouveaux recrutements. Il est ainsi indiqué, dans le rapport annexé à la LOPMI, que 12 postes de personnels navigants devraient être créés pour accompagner l'acquisition à venir des quatre prochains appareils. Concernant les Dash, le nombre des commandants de bord apparait satisfaisant du point de vue du GASC. Les livraisons successives de Dash depuis 2018 ont impliqué des difficultés à maintenir un nombre suffisant de pilotes, mais dans la mesure où cette livraison est désormais achevée, ce manque a de bonnes chances d'être durablement comblé.

Toutefois, d'après le GASC, la multiplication des détachements d'aéronefs réalisés sur des sites distincts de la base aérienne des Nîmes, comme c'est le cas à Ajaccio depuis plusieurs années, implique de revoir à la hausse ce ratio de 1,5 commandant de bord par avion. En situation de détachement, il est en effet préférable, pour assurer la continuité opérationnelle de la flotte, de disposer de 2 commandants de bord par appareil. Cette distinction repose sur le fait que, en situation de détachement, un faible nombre de pilotes ne permet pas de pallier les éventuels aléas, alors que la concentration des équipages au sein de la base de Nîmes facilite au contraire la réorganisation du dispositif en cas de nécessité opérationnelle.

La complexité et la dangerosité des missions des pilotes impliquent en outre des formations longues et exigeantes. En effet, le temps de formation d'un commandant de bord s'élève à 5 ans pour les Dash et 3 ans pour les Canadair. Le GASC doit dès lors disposer d'un nombre suffisant d'instructeurs TRI (Type rating intructor) pour assurer un volume suffisant de formations dans un contexte d'extension de la flotte, mais aussi pour faire face au turn-over régulier des personnels.

Or, la DGSCGC est aujourd'hui confrontée à une pénurie d'instructeurs. Une des principales explications de ce phénomène réside dans la rigidité des conditions d'accès à cette fonction, dont l'attribution est uniquement validée par la direction générale de l'aviation civile (DGAC). La fonction d'instructeur nécessite un nombre d'heures de vol important, conduisant à en exclure certains pilotes d'expérience, qui seraient pourtant en capacité, du point de vue du GASC, à contribuer à la formation de leurs collègues.

b) Un manque d'attractivité de la profession par rapport à l'aviation civile qui implique des difficultés de recrutement

Le rapporteur spécial avait relevé, dans le cadre de son déplacement à la base aérienne de la sécurité civile (BASC) du 13 octobre 2022, les importantes difficultés de recrutement de ces pilotes, en grande partie dues à un manque d'attractivité de la profession en comparaison avec l'aviation civile. Il s'avère en effet que la rémunération des pilotes de la sécurité civile, qui s'élève en moyenne à 6 786 euros bruts par mois pour les pilotes d'avions, est environ trois fois moins élevée que celle des pilotes de l'aviation commerciale. Une dynamique de recrutement aurait en outre été engagée au sein des principales compagnies d'aviation civile dans le contexte de sortie de la crise sanitaire et de reprise de leur activité, ce qui aurait conduit, selon les représentants du GASC à une vague de départs de certains pilotes vers ces compagnies.

La rémunération des personnels navigants de la sécurité civile

Les rémunérations des personnels navigants sont définies dans leur composition par deux décrets n° 2018-951 et 2018-952 du 31 octobre 2018, spécifiques au groupement hélicoptères et au groupement d'avions et, par deux arrêtés du 31 octobre 2018 fixant précisément les montants des différents éléments de rémunération.

Les principaux éléments de rémunérations des pilotes se décomposent en trois blocs :

- une rémunération indiciaire, sur la base d'une grille de 8 échelons au 1er janvier 2023 dont la durée des échelons est de trois années, à l'expression du premier échelon fixé à un an ;

- une prime de vol, qui est basée sur une grille de 5 à 6 niveaux techniques ;

- des primes de fonctions spécifiques, liées à l'exercice de fonctions particulières, telles les fonctions d'instructeurs notamment. Il en existe une quinzaine par catégorie de navigant, tous n'en exerçant pas, et certaines n'étant par ailleurs pas cumulables.

Le salaire brut médian des pilotes s'élève :

pour les pilotes d'avion, à 6 786 euros bruts par mois, soit 81 450 euros annuels ;

pour les pilotes d'hélicoptères, à 7 494 euros bruts par mois soit 89 927 euros annuels ;

pour les mécaniciens opérateurs de bord, uniquement mobilisés dans la flotte d'hélicoptères, à 5 529 euros bruts par mois, soit 66 351 annuels.

Source : DGSCGC

Les pilotes sont par ailleurs soumis à des contraintes inhérentes à leur poste, rendant particulièrement délicate la conciliation de leur activité avec leur vie personnelle, comme par exemple l'absence de vacances d'été, résultant de la concentration de la période de forte activité entre juin et septembre. Ces sujétions particulières, sont susceptibles, selon la DGSCGC, de rebuter certains candidats potentiels.

En tout état de cause, ces difficultés de recrutement sont préoccupantes dans un contexte où le redimensionnement à venir de la flotte nécessitera mécaniquement davantage de pilotes afin d'assurer son fonctionnement opérationnel.

2. La concrétisation d'un protocole entre le ministère de l'intérieur et les organisations syndicales afin de revaloriser la fonction de pilote de la sécurité civile

Toutefois, la signature d'un protocole entre les représentants des pilotes et le ministère de l'intérieur le 11 avril 2023 a permis de lever certaines inquiétudes. Cet accord constitue la traduction budgétaire d'un premier protocole signé entre la DGSCGC et les syndicats des personnels navigants de la sécurité civile en juillet 2022, en réaction à un mouvement de grève engagé au mois de mars de la même année.

La signature d'un protocole entre le ministère de l'intérieur
et les syndicats des personnels navigants de la sécurité civile

Les pilotes de la base de la Sécurité civile ont déposé en mars 2022 un préavis de grève qui devait commencer le 1er juillet 2022. Cette grève a finalement été annulée le 28 juin, les négociations ayant finalement abouti à la signature, le 1er juillet, d'un protocole entre le ministre de l'intérieur et les représentants syndicaux des personnels navigants de la sécurité civile, à l'issue de plusieurs mois de discussions.

Les revendications des syndicats portaient sur des mesures de revalorisation, mais aussi sur des mesures visant à développer les capacités de formation à destination des pilotes, ou la reconnaissance de la pénibilité et du caractère risqué du métier. Le protocole signé a permis de définir le contour des demandes de revalorisations exprimées par les organisations syndicales des personnels navigants. Il prévoyait une clause de revoyure à l'issue des arbitrages budgétaires de la LOPMI et de la loi de finances pour 2023, qui a finalement prévu une enveloppe d'1,5 million d'euros visant à financer diverses mesures de revalorisation à destination des pilotes de la sécurité civile.

Source : réponses au questionnaire budgétaire et auditions du rapporteur spécial

Le protocole du 11 avril 2023 contient ainsi plusieurs mesures visant à revaloriser certaines fonctions du personnel navigant de la sécurité civile, et à augmenter la capacité de formation.

Il créé tout d'abord des fonctions d'instructeurs spécifiques au métier de bombardier d'eau, dont les critères d'attribution seront plus souples que le statut d'instructeur TRI validé par la DGAC. D'après le commandement du GASC, cette mesure permettra :

- de fidéliser les pilotes expérimentés en les employant dans des fonctions d'instructeur ;

- d'assurer la répartition de la charge de la formation sur davantage de pilotes, et d'augmenter ainsi la capacité de formation annuelle de nouvelles recrues.

Le protocole prévoit par ailleurs la création des mesures de revalorisation salariale qui bénéficieront à l'ensemble des pilotes, mais plus particulièrement, à certaines fonctions à forte responsabilité, telles que celle de commandant de bord. Il prévoit enfin des dispositifs de cumul d'activités, de cumul-emploi retraites et de temps alterné.

Cet accord impliquera la révision des textes réglementaires applicables à la rémunération de ces personnels, qui devrait être réalisée d'ici la fin de l'année 2023.

Par ailleurs, dans le cadre de l'examen au Sénat de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, le 4 avril 2023, l'adoption d'un amendement du Gouvernement a permis de consacrer au niveau législatif le caractère dangereux du métier et des missions exercés par les personnels navigants de la sécurité civile, conformément aux revendications formulées par le pilotes du GASC.

Le rapporteur spécial se félicite de ces avancées, et sera attentif à ce que celles-ci permettent de combler effectivement les besoins de recrutement impliqués par l'extension à venir de la flotte et la multiplication des détachements d'appareils dans les zones à risque en période estivale.

À cet égard, la signature du protocole se serait déjà traduite, d'après les pilotes du GASC, par une augmentation des candidatures. Cette dynamique positive doit désormais être prolongée par un renforcement des actions de communication à destination du principal vivier de recrutement du GASC que constitue l'Armée de l'air. D'après Benoit Quennepoix, pilote de Dash et représentant du syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC), les pilotes du GASC se rendaient auparavant systématiquement à différents meetings aériens afin d'y rencontrer des anciens militaires. Cette pratique aurait été abandonnée depuis plusieurs années, en raison notamment du climat de tension lié au manque d'attractivité de la profession. Compte tenu de l'apaisement du climat social au sein du GASC, il serait pertinent de réactiver ce type d'action de communication, susceptible de susciter des vocations et d'avoir un impact positif sur la politique de recrutement des pilotes de la sécurité civile.

Recommandation n° 5 : afin de dynamiser le recrutement des pilotes de bombardiers d'eau, renforcer les actions de communication visant à promouvoir le métier de pilote de la sécurité civile auprès de l'Armée de l'air (DGSCGC).

B. L'ENJEU DE LA COORDINATION ET DE LA RÉPARTITION OPTIMALES DES MOYENS AÉRIENS SUR LE TERRITOIRE

1. La répartition des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt est aujourd'hui remise en cause, compte tenu de l'extension territoriale du risque
a) Une coordination des moyens nationaux qui était, jusqu'en 2023, aux mains de la zone de défense et de sécurité Sud pendant l'été

L'organisation de la lutte contre les feux de forêt est coordonnée par la DGSCGC. Pour ce faire, elle s'appuie depuis 2021 sur un État-major de la sécurité civile (EMSC), dont le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) assure le commandement des opérations.

L'ordre d'opérations national « feux de forêt » est mis en oeuvre au niveau local par les centres opérationnels de zone (COZ), dont le commandement est assuré, sous l'autorité du préfet de la zone de défense et de sécurité, par l'état-major interministériel de zone (EMIZ). En pratique, et jusqu'en 2023, l'ensemble des moyens aériens était placé sous la responsabilité du préfet de la zone Sud pendant la campagne estivale de lutte contre les feux de forêt.

La pertinence de cette pratique a été remise en cause lors des incendies de l'été 2022, qui ont largement touché les autres zones de défense et de sécurité, et plus particulièrement la zone Sud-Ouest. Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde, a en effet déploré dans le cadre des auditions du rapporteur spécial, « un tropisme Sud-est » dans les arbitrages de répartition des moyens aériens pendant l'été. Dans un rapport publié au lendemain de la saison « feux de forêt » 2022, Départements de France (DF) a souligné que « la forte prévalence historique de la zone Sud en termes de risque et d'évènements, la parfaite maîtrise des processus opérationnels et la situation de la base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons donnent, de fait, un réel ancrage territorial aux avions bombardiers d'eau ». D'après ce rapport, « il a parfois semblé aux acteurs des autres zones que contrairement au processus théorique, la décision d'engagement des avions appartenait moins au COGIC qu'à la zone Sud. Ces acteurs moins coutumiers du recours aux moyens nationaux ont par ailleurs témoigné d'une certaine difficulté à appréhender les circuits de décisions. »

Il en résulterait même un mécanisme d'autocensure de la part de ces territoires en ce qui concerne les sollicitations de moyens aériens. Ce territoires craindraient « que des avions sollicités par précaution, et finalement non utilisés s'il n'y pas d'incendie, ne soient pas facilement mis à disposition en cas de nouvelle demande les jours suivants.15(*) »

À partir de 2023, et afin de tenir compte des enseignements de la saison 2022, l'analyse et la définition de la posture de réponse seront organisées par l'EMSC pour l'ensemble du territoire national. Ce travail de commandement sera réalisé dès 2023, pendant la saison « feux de forêt » directement depuis la base de Nîmes, ce qui permettra notamment d'assurer d'une meilleure coordination entre les pilotes et les décideurs. D'après François Pradon, chef de l'EMSC, ce poste avancé permettra de rassembler des officiers des zones Sud-Ouest, Sud Est, et Sud, favorisant ainsi le développement d'une culture commune en matière de coordination « feux de forêt » pour l'ensemble des territoires.

Le rapporteur spécial se félicite de ce nouveau dispositif qui devrait permettre de lever les ambiguïtés sur une éventuelle priorisation de la zone Sud dans les arbitrages relatifs à l'affectation des moyens aériens de lutte contre les feux.

b) Un critère d'analyse du risque de départs de feux qui a vocation à être davantage harmonisé et objectivé

La question de la bonne définition des critères de prépositionnement des aéronefs a également suscité des critiques de la part de certains acteurs dans le cadre de la dernière saison des feux.

L'EMSC est en effet amené, dans le cadre de la définition de la stratégie de réponse au risque feux de forêt, à mettre en place des prépositionnements d'appareils au plus près des zones à risques, où à planifier des opérations de GAAr. Ce prépositionnement des moyens aériens est généralement sollicité par le préfet de zone, sur la base de son estimation du risque de départ de feu sur son territoire.

La stratégie du prépositionnement des aéronefs est organisée la veille pour le lendemain, afin de couvrir les zones à fort risque. L'analyse des zones est effectuée par un croisement entre les données de Météo France et de l'Office national des forêts, afin de déterminer l'échelle des dangers météo au regard des peuplements forestiers. Cette méthodologie repose principalement sur l'analyse des trois critères que sont le vent, la température et l'hydrométrie. Cette analyse est ensuite confrontée à la dimension opérationnelle des services d'incendie et de secours (SIS) afin de prendre en compte leur capacité de réponse.

Il ressort des auditions du rapporteur spécial que, si le recours à ce type d'outil est particulièrement développé dans la zone Sud, cette méthodologie est beaucoup moins répandue dans les autres zones historiquement moins touchées par le risque « feux de forêt », et notamment, la zone Sud-ouest. Jean-Michel Langlais, inspecteur à l'IGSC, a ainsi fait état dans le cadre des auditions du rapporteur spécial, d'une « carence d'analyse météo » sur ces territoires.

Cette divergence de méthodologie dans l'analyse du risque entre les territoires a suscité des frustrations dans le Sud-Ouest de la France lors de la saison « feux de forêt » de 2022. Le rapport de Département de France sur les feux de forêt de 2022 a souligné que « le niveau de risque défini au niveau national ne permet pas, dans certains cas, d'obtenir des moyens aériens, « alors que données locales ne faisaient pas de doute sur la forte inflammabilité des massifs ». 

Du point du vue du rapporteur spécial, il est essentiel que la définition des critères de prépositionnement des appareils s'appuie sur une grille de lecture et une méthodologie partagées entre tous les acteurs. À cet égard, il salue les annonces du ministre de l'intérieur du 11 avril 2023, qui a prévu l'extension du dispositif d'analyse du risque par le croisement des données de Météo-France et de l'Office national des forêts (ONF) au sein de l'état-major interministériel de la zone (EMIZ) à la zone Sud-Ouest. D'après François Pradon, chef de l'EMSC, « l'idée sera de faire un copier-coller ce qui se faisait à la zone Sud. » Une cartographie des zones de dangers sera réalisée, et regroupera la zone Sud-Ouest et la zone Sud. Une analyse similaire sera réalisée par les ingénieurs de Météo-France. Les autres analyses par département seront réalisées automatiquement, et dès lors que des risques de départ de feux seront détectés, une analyse plus fine pourra être réalisée, en lien avec l'ONF et Météo-France.

Ces données tiendront également compte de la spécificité de la végétation des forêts, afin de déterminer si les feux sont susceptibles de se propager. Ces informations seront également enrichies par les analyses transmises par les acteurs de terrain, et notamment des sapeurs-pompiers.

Le rapporteur spécial plaide en tout état de cause pour que cette uniformisation et clarification des critères d'évolution du risque, indispensable à l'élaboration d'une stratégie de prépositionnement des appareils partagée par l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les feux, soit pérennisée et généralisée à l'ensemble des territoires qui seront exposés aux départs de feux, dans un contexte d'extension géographique du risque impliquée par le changement climatique.

Recommandation n° 6 : afin de clarifier et d'objectiver la doctrine de prépositionnement des aéronefs dans les zones à risque, unifier la méthodologie d'analyse du risque de départ de feux de forêt sur l'ensemble des territoires exposés au risque incendie, en s'appuyant sur le croisement des données de Météo-France et de l'ONF (DGSCGC).

c) La base aérienne de Nîmes doit demeurer la base principale de la flotte, mais pourrait utilement être complétée par des détachements permanents dans les zones à risque

La question du renforcement de la flotte est enfin étroitement liée à celle du dimensionnement des infrastructures susceptibles d'accueillir les aéronefs et de les maintenir en condition opérationnelle.

La quasi-totalité des moyens aériens de la sécurité civile est concentrée sur la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes. Dans le cadre de la saison des feux 2022, beaucoup d'observateurs ont appelé à la création d'une nouvelle base aérienne de la sécurité civile, plus particulièrement dans le Sud-Ouest de la France, afin d'assurer une meilleure couverture du territoire par les forces aériennes dans le contexte d'extension territoriale du risque « feux de forêt ». Le ministre de l'intérieur a par ailleurs annoncé dans le cadre de la présentation de la LOPMI, que le Gouvernement étudiait l'opportunité de la création d'une seconde base aérienne, afin de pouvoir intervenir au plus vite lors des départs de feux. La piste d'une future base implantée dans la zone Sud-Ouest a été confirmée dans le cadre du déplacement du ministre de l'intérieur à La Teste-de-Buch le 11 avril 2023.

Une ambiguïté réside toutefois sur la dimension de cette nouvelle base, et sur son caractère permanent ou non. Il ressort des auditions du rapporteur spécial, et notamment de son déplacement du 13 octobre dernier à la BASC, que la création d'une deuxième base permanente, dont le dimensionnement serait comparable à celle de Nîmes, ne serait pas pertinente. L'ouverture d'une telle base serait de nature à démultiplier les coûts de maintenance et les dépenses en ressources humaines. La BASC de Nîmes avait en outre nécessité en 2017 un investissement de 17 millions d'euros, alors même qu'elle bénéficiait déjà d'installations aéronautiques. Ces installations, telles que des parkings et hangars, seraient donc également à prendre en compte dans l'évaluation des coûts et délais de création d'une éventuelle nouvelle base permanente.

Cette option apparait d'autant plus contestable dans un contexte où la LOPMI a consacré l'ambition de faire de la BASC de Nîmes un « hub européen de la sécurité civile ». Un élargissement de la base, estimé à 35,5 millions d'euros sur six ans, est actuellement envisagé par le Gouvernement afin de lui permettre d'assurer à l'avenir le redimensionnement de la flotte. Cet engagement financier comprend notamment la rénovation et l'extension des parkings aéronautiques, la construction d'au moins un hangar pour permettre la maintenance des aéronefs supplémentaires, et le redimensionnement des infrastructures pour l'accueil des nouveaux hélicoptères commandés dans le cadre de la LOPMI. Ce projet d'agrandissement permettra ainsi d'héberger les aéronefs qui pourraient être acquis dans les prochaines années pour renforcer la flotte.

Échéancier d'investissement du projet d'agrandissement de la BASC

(en millions d'euros)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Autorisations d'engagement

9,556

26

/

/

/

/

35,556

Crédits de paiement

0,6

6

10

10

6

2,956

35,556

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial considère toutefois que le positionnement des moyens aériens doit être adapté à l'extension géographique du risque incendie, de manière à assurer une meilleure couverture du territoire.

À cet égard, la solution qui apparaitrait la plus équilibrée, tant sur le plan budgétaire que sur le plan de l'efficacité opérationnelle, consisterait à prévoir des détachements systématiques de moyens aériens pendant l'été sur certains territoires dont l'exposition aux feux de forêt devrait se systématiser, tels que le Sud-Ouest.

Cette stratégie impliquerait nécessairement le développement d'infrastructures susceptibles d'accueillir ces appareils pendant deux à trois mois. Si la maintenance lourde des appareils serait toujours réalisée pendant l'hiver à la base de Nîmes, le « petite et moyenne » maintenance permettant d'assurer le MCO des avions pendant la saison « feux de forêt », pourrait être faite, par exemple, sur la base aérienne de Bordeaux-Mérignac en cas de détachement permanent. Cette base aérienne a en effet été identifiée par les pilotes du GASC comme une base secondaire potentielle, qui pourrait, moyennant des investissements complémentaires dans les locaux déjà existants, accueillir plusieurs aéronefs dans le cadre de ces détachements.

Le prestataire de maintenance, Sabena Technics, réalise déjà des opérations de ce type à Ajaccio, où deux appareils sont systématiquement détachés pendant l'été. Un avenant au contrat en cours avec ce prestataire permettrait, selon la DSGSCG, d'envisager de réaliser sans difficulté ces opérations dans le cadre de détachements dans le Sud-Ouest du pays.

Recommandation n° 7 : afin d'assurer une couverture optimale du territoire par les moyens aériens, sécuriser la base de Nîmes comme base principale des aéronefs bombardiers d'eau, et prévoir chaque été le détachement de plusieurs appareils dans les territoires à risque (DGSCGC).

2. Les pélicandromes : des infrastructures essentielles au ravitaillement des aéronefs, dont le maillage doit toutefois être densifié et le financement clarifié
a) Les pélicandromes permettent d'assurer le ravitaillement de la flotte en eau et en produit retardant

L'enjeu d'une meilleure couverture du risque « feux de forêt » implique également une réflexion sur le quadrillage du territoire par les infrastructures de ravitaillement des bombardiers d'eau.

Les pélicandromes sont des stations de ravitaillement basées sur un aéroport ou un aérodrome. Ils sont équipés d'une station fixe ou mobile, d'une aire de remplissage et d'un système de fabrication du produit retardant.

L'armement des pélicandromes par les sapeurs-pompiers des SDIS

Les pélicandromes sont armés par des sapeurs-pompiers des SDIS, à la demande de l'État-major de la sécurité civile, et de manière permanente sur les zones Sud et Sud-ouest, dès que les dangers feux de forêt commencent à croître. Durant la période estivale, l'armement est continu sur la période possible d'intervention des avions.

Afin de garantir un maximum d'efficacité lors des remplissages, des formations sont opérées auprès des équipiers de pélicandrome. Elles s'effectuent avec des avions de la sécurité civile.

Pour éviter les difficultés de fonctionnement et en limiter l'apparition, des échanges permanents entre la DGSCGC et les sapeurs-pompiers sont organisés. À chaque incident, des fiches d'observation sont rapidement rédigées pour effectuer un retour d'expérience.

Source : audition du rapporteur spécial et réponses de la DGSCGC au questionnaire

Le maillage des pélicandromes sur le territoire constitue un enjeu essentiel pour limiter le délai de rotation des appareils entre deux largages. Ces stations, équipées par la plupart en produit retardant, sont essentielles à la mission de GAAr assurée par les Dash. D'après Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), « plus le pélicandrome est proche, plus les délais de rotation des appareils est court, et plus il sera facile de contenir les feux ». Les Canadair, qui n'utilisent quasiment pas de retardant, et dont le ravitaillement s'effectue essentiellement sur des plans d'eau, sont moins concernés par cette problématique. Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial que ces plans d'eau deviendraient de moins en moins accessibles, en raison de la baisse des nappes phréatiques provoquées par le réchauffement climatique.

Les pélicandromes ont fait l'objet en février 2023 d'un audit approfondi par l'EMSC. Il a ainsi permis de faire un état des lieux de ces stations, en recensant précisément celles susceptibles d'accueillir des Dash. Il doit servir de base de travail pour repenser le maillage de ces différentes stations (voir infra). Cette étude a également permis de souligner certains dysfonctionnements rencontrés, notamment dans le cadre de la saison « feux de forêt » de 2022, dont l'intensité a conduit à des difficultés d'approvisionnement en produit retardant.

Une saison des feux 2022 dont l'intensité a suscité des difficultés d'approvisionnement en retardant

Dans le cadre des auditions du rapporteur spécial, l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC) a fait état de difficultés pour le ravitaillement de certains pélicandromes en produit retardant, sans toutefois qu'aucune rupture d'approvisionnement n'ait été constatée.

La principale raison réside dans la quantité de largage exceptionnelle réalisée par le Dash pour répondre à l'intensité de la saison feux de forêt 2022. L'IGSC a également indiqué que cette livraison, qui n'est assurée que par un seul fabriquant en Europe, est réalisée uniquement par voie routière, avec une interdiction de circuler le weekend et les jours fériés, ce qui complique considérablement l'approvisionnement. Par ailleurs, la DGSCGC a indiqué que la plupart des pélicandromes ont été dimensionnés sur le modèle du Tracker, dont la capacité de remplissage était moins importante que celle du Dash.

Ce problème a été abordé dans le cadre l'inspection des pélicandromes engagée par le DGSCGC en février 2023. Il a été décidé :

- de doubler les capacités en retardant sur la zone de la forêt d'Aquitaine, en installant provisoirement dès l'été un pélicandrome dans les départements des Landes et des Pyrénées Atlantiques (voir infra).

- de renforcer les capacités de stockages en produit retardant, dans une logique d'anticipation.

D'après l'EMSC, ces projets devraient être financés par redéploiement de crédits au sein du programme « Sécurité civile », pour un montant qui pourrait s'élever à 300 000 euros environ.

Source : auditions du rapporteur spécial et réponses de la DGSCGC au questionnaire

b) Un réseau de pélicandromes à densifier

Actuellement la DGSCGC dispose de 22 pélicandromes sur le territoire national métropolitain dont 4 en Corse. Sur ces 22 stations, 17 délivrent du produit retardant et 5 sont armées à l'eau uniquement. 14 pélicandromes sont situés en zone Sud, 2 en zone Sud-ouest, 3 en zone Ouest, 1 en zone Nord, 1 en zone Est et 1 en zone Sud-Est.

Dans son rapport de 2019 sur les feux de forêt, le rapporteur spécial a souligné la nécessité d'assurer une couverture géographique plus vaste des pélicandromes16(*). À cet égard, le rapporteur spécial se félicite de la création de plusieurs de ces points de ravitaillement ces dernières années, au nord, à l'est et à l'ouest du pays. La DGSCGC a engagé, depuis 2020, une réflexion sur l'extension des pélicandromes en dehors des zones habituellement touchées par les incendies de forêt. Dans ces conditions, plusieurs départements ont initié des aménagements de station au sein des aéroports tels que celui de Saint Etienne, de Châteauroux, d'Angers ou de Vannes. Toutefois, il ressort des auditions du rapporteur spécial que ce maillage est toujours insuffisant pour répondre à l'extension géographique du risque incendie. Ce constat est particulièrement frappant dans le Sud-Ouest de la France, presque cinq fois moins doté que la zone Sud. Ce diagnostic est partagé par le chef de l'EMSC, François Pradon, qui estime que « ce maillage est insuffisant, notamment en zone Sud-Ouest : il n'y a qu'un pélicandrome à Bordeaux, et aucun autre dans la forêt aquitaine ».

L'ambition d'une extension du maillage territorial des pélicandromes peut néanmoins se heurter, d'après Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS), à la réticence des certains aérodromes à les accueillir, car ils sont susceptibles de perturber leur trafic.

La DGSCGC a engagé une réflexion sur l'implantation d'un pélicandrome supplémentaire pour la saison 2023. Un pélicandrome mobile devrait ainsi être déployé à Pau en juillet 2023, et à Mont-de-Marsan en août et septembre de la même année. Une étude plus approfondie devrait être engagée par la DGSCGC dès l'automne 2023, en collaboration avec les collectivités locales, afin de définir à l'horizon 2030 le maillage nécessaire pour répondre aux enjeux. Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux résultats de ces travaux.

Recommandation n° 8 : afin de faciliter le ravitaillement des bombardiers d'eau en période de forte intensité opérationnelle, garantir une meilleure couverture du territoire par le réseau de pélicandromes, notamment dans le Sud-Ouest de la France (DGSCGC).

c) Des modalités de financement peu lisibles

Le financement des pélicandromes fixes est réparti entre l'État et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

L'investissement dans les infrastructures est pris en charge par les SDIS. Ils financent donc l'entretien des locaux, la réparation ou la construction de nouveaux locaux et l'armement des pélicandromes par les sapeurs-pompiers.

En revanche, l'État est en charge de l'achat du retardant et de l'entretien du système de livraison de ce produit (pomperie, mélangeurs, et tuyauteries notamment). Le coût du retardant aérien s'élève à 1 720,42 euros hors taxe par tonne de produit, et le forfait de maintenance de systèmes de livraison du retardant s'élevait à 430 000 euros. Par ailleurs, la DGSCGC peut également être amenée à déployer, comme c'est le cas à Angers ou Hyères, des « pélicandromes mobiles » dans les sites référencés pour lesquels aucun pélicandrome n'a été construit.

Ce financement partagé repose sur un équilibre historique, autrefois justifié par la circonscription du risque à quelques territoires. Dans un contexte d'extension territoriale du risque, il apparait légitime de s'interroger sur la pertinence du maintien de ce mode de financement. Partant de ce constat, Olivier Richefou a estimé dans le cadre de son audition par le rapporteur spécial que le financement des pélicandromes devrait, compte tenu du caractère national du risque, reposer essentiellement sur l'État. Les SDIS pourraient toutefois demeurer impliquer dans le financement de ces stations, selon leur capacité de contribution et l'exposition de leur territoire au risque.

Le rapporteur spécial relève par ailleurs le manque lisibilité de ce mode de financement, qui ne permet pas de retracer avec précision l'ensemble de dépenses consacrées à ces pélicandromes. La DGSCG n'a en effet pas été en mesure de transmettre d'informations précises sur le coût de fonctionnement de chacune des stations.

Il apparait donc nécessaire de remettre à plat les modalités de financement de ces pélicandromes. D'après la DGSCGC, ce sujet pourrait faire l'objet d'une étude approfondie dans les prochains mois.

Recommandation n° 9 : engager une réflexion sur une éventuelle réforme du financement des pélicandromes, afin de renforcer sa lisibilité et sa cohérence au regard de l'extension du risque incendie à l'ensemble du territoire (DGSCGC).

C. L'ACTION DES MOYENS TERRESTRES ET AÉRIENS DE LUTTE CONTRE LES FEUX DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS : UN COMPLÉMENT ESSENTIEL À L'ACTIVITÉ DE LA FLOTTE NATIONALE DE BOMBARDIERS D'EAU

1. L'importance de la coopération entre les moyens aériens nationaux et les moyens terrestres des services d'incendie et de secours

L'action des moyens aériens de lutte contre les feux serait inopérante sans la coopération des sapeurs-pompiers mobilisés au sol pour contenir et éteindre les incendies. Comme l'a souligné Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), « les avions ne peuvent pas éteindre les feux à eux seuls ».

À cet égard, la coopération entre les moyens mobilisés au sol par les SDIS et les moyens nationaux de lutte aérienne contre les feux est essentielle. Or, la FNSPF a souligné des difficultés de communication entre les SDIS et les pilotes de la flotte aérienne, liées à l'absence d'interopérabilité entre le système de communication radiophonique des pilotes et le système de radio Antares utilisé par les SDIS, et déjà identifiées par le rapporteur spécial dans son rapport de 2016 sur ce système de radiocommunication17(*). Ces difficultés ont été confirmées par Benoit Quennepoix, pilote de Dash, qui a souligné qu'il était parfois impossible pour les pilotes de joindre les centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours (CODIS). Certains SDIS ont fait le choix, pour remédier à ces difficultés, d'investir dans des postes radiologiques, ce qui implique des coûts non négligeables

Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial que le Réseau Radio du Futur (RRF), qui a vocation à remplacer Antares à l'horizon 2024, pourrait constituer une solution pour garantir l'interopérabilité entre les systèmes radiophoniques des moyens aériens nationaux, et les systèmes de communication des SDIS. Le rapporteur spécial suivra plus particulièrement avec intérêt les possibilités d'interopérabilité entre ce système et le projet de système d'information mutualisé des SDIS, NexSIS 18-112, dont il avait souligné l'intérêt dans ses travaux dans un rapport publié en 2021 sur ce sujet18(*).

2. Les services d'incendie et de secours disposent également de moyens aériens propres, qui n'ont toutefois pas vocation à se substituer à la flotte nationale

Certains services d'incendie et de secours, essentiellement répartis dans la zone Sud, louent des moyens aériens de petite capacité pour intervenir sur les feux naissants, et ainsi, les contenir avant l'intervention, si nécessaire, des moyens aériens lourds de la flotte de la DGSCGC.

Les SDIS ont ainsi mobilisé sur l'année 2022 un total de 17 appareils, faisant tous l'objet d'un contrat de location.

Aéronefs bombardiers d'eau mobilisés par les SDIS en 2022

 

SDIS 06

SDIS 83

SDIS 13

BMPM19(*)

SDIS 30

SDIS 26

SDIS 84

SDIS 66

SDIS 2A

SDIS 2B

SDIS 34

Hélicoptères légers

2

4

2
(+1*)

1
(+1*)

2

1

1

1

1

1

S.O.

Avions bombardiers d'eau

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

S.O.

3

* un appareil fait l'objet d'un cofinancement entre le SDIS 13 et le BMPM

Source : commission des finances d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

S'il n'existe pas de données précises et consolidées sur le coût impliqué par l'ensemble de ces contrats de location pour les SDIS, la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) a toutefois indiqué que le coût de location de ces appareils pour le SDIS du département du Var représenterait un montant annuel de 2,5 millions d'euros.

Par ailleurs, des mécanismes de mutualisation de ces moyens entre SDIS sont prévus depuis 2021, et financés par l'État. Des protocoles ont ainsi été mis en place avec certains SDIS pour que ces moyens départementaux soient engagés par la DGSCGC pour intervenir sur d'autres départements soumis à des incendies ou à des dangers importants.

Le rapporteur spécial a relevé, dans le cadre de ses auditions, la bonne intégration des moyens aériens des SDIS dans le dispositif de lutte contre les feux. D'après Benoit Quennepoix, pilote de Dash, « il n'y a aucune ambiguïté, à partir du moment où leur présence gène les moyens nationaux, les moyens aériens des SDIS quittent le feu ». Toutefois, selon la nature du sinistre et le délai de rotation des différents appareils, les moyens peuvent intervenir de manière combinée et coordonnée. La décision de les maintenir ou non sur zone est prise par le chef de noria. En cas de propagation rapide de l'incendie, les moyens aériens des SDIS peuvent s'intercaler entre chaque noria d'avions, afin d'assurer une continuité dans la lutte contre les feux.

La DGSCGC a souligné que cette articulation entre les moyens nationaux et ceux des SDIS est particulièrement satisfaisante, et permettrait d'éteindre plus de 80 % des feux naissants.

Le rapporteur spécial reconnait l'utilité et la complémentarité du recours à des moyens aériens par les SDIS, en complément de la flotte de bombardiers d'eau de la DGSCGC. Toutefois, il est important que le développement de ces pratiques ne conduise pas in fine à un désengagement de l'État dans ses propres moyens aériens. D'après Olivier Richefou, président du CNSIS, les moyens aériens devraient être « mutualisés au niveau national, dans la mesure où le risque s'étend sur tout le territoire. » Cette analyse est partagée par Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde, qui craint qu'un « glissement de tache » ne s'opère entre l'État et les départements, sur lesquels la prise en charge des moyens aériens pourrait se reporter. Cette pratique peut également faire peser un risque d'inégalités entre les SDIS ayant les moyens de recourir à ces appareils, et les autres, moins bien dotés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 juillet 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jean Pierre VOGEL, rapporteur spécial, sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile.

Claude Raynal, président. - Nous entendons ce matin une communication de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile.

Jean Pierre Vogel. - Vous le savez, la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile est un sujet qui me tient à coeur. Le rapport que je vous présente ce matin s'inscrit dans la lignée de mon travail de contrôle sur la lutte contre les feux de forêt, présenté en septembre 2019 devant notre commission, et dans lequel j'avais exposé la nécessité de renforcer nos moyens aériens de lutte anti-incendie. Les feux ravageurs de l'été 2022 ont de nouveaux rappelé l'intérêt pour un pays comme la France, dont près d'un tiers du territoire est couvert par les forêts, de disposer d'une flotte suffisante pour lutter efficacement contre les incendies.

Il me semble tout d'abord important de souligner que la France dispose d'une flotte performante. Sa doctrine d'intervention, basée notamment sur l'attaque des feux naissants et le survol des zones à risque dans le cadre du guet aérien armé (GAAr), permet de contenir près de 89,5 % de feux avant que ceux-ci ne dépassent un hectare. Toutefois, le réchauffement climatique implique une multiplication des risques de départ de feu, ce qui conduit à une sollicitation croissante de nos moyens aériens de lutte anti-incendie. Dans ce contexte, la flotte de bombardiers d'eau de la sécurité civile doit d'une part, être redimensionnée pour absorber la hausse structurelle d'activité impliquée par l'intensification et l'extension géographique du risque incendie ; et d'autre part, être renouvelée, pour éviter que le vieillissement de certains appareils, et notamment des Canadair, ne conduise à une baisse de la disponibilité des avions induite par la multiplication des opérations maintenance, voire à une immobilisation de certains appareils, comme c'est le cas en Grèce ou en Espagne.

Il est dès lors essentiel pour l'État de disposer d'une stratégie pluriannuelle d'investissement dans ses moyens aériens. Or, cette stratégie manque aujourd'hui manifestement de clarté, comme le montrent les incohérences entourant les annonces sur le renouvellement de la flotte de Canadair : le président de la République a annoncé en octobre 2022 un renouvellement complet de cette flotte ainsi que son extension à 16 appareils, contre 12 actuellement, à l'horizon 2027. Or, dans le cadre de mes auditions, le ministère de l'intérieur a en parallèle indiqué que la France ne pourrait espérer obtenir la livraison de plus de deux appareils dans les cinq prochaines années.

Cet exemple met en évidence un défaut de visibilité voire d'anticipation du Gouvernement sur les perspectives de renouvellement de notre flotte de lutte contre les feux. Il me semble en effet primordial que la stratégie d'investissement du Gouvernement dans ses moyens aériens soit clarifiée et formalisée. Cette stratégie ne doit pas se limiter au seul volet capacitaire, mais s'inscrire dans une logique plus large intégrant les implications du redimensionnement de la flotte sur des enjeux tels que les besoins de recrutement des nouveaux pilotes, l'extension du maillage de stations de ravitaillement des bombardiers en produit retardant, ou le dimensionnement des infrastructures de maintenance des appareils.

Je souhaiterais m'attarder sur la question du renouvellement de la flotte de Canadair, dont le vieillissement, déjà identifié dans mes travaux précédents, a suscité beaucoup de réactions en marge de la saison « feux de forêt » de l'été 2022.

La flotte française devrait prochainement être renforcée par deux appareils dans le cadre d'une commande mutualisée au niveau de l'Union européenne et intégralement financée par le programme RescEU. Cette commande pourrait en outre être assortie de la livraison de deux autres appareils, financés sur fonds nationaux.

Toutefois, une incertitude subsiste autour des délais de production de ces nouveaux Canadair, dont la date de livraison estimée a déjà plusieurs fois été repoussée, en raison notamment de la décision tardive du constructeur De Havilland de relancer la chaîne de production. Selon le ministère de l'intérieur, les premiers appareils ne seront pas livrés avant 2027, et il n'est pas exclu que cette date soit de nouveau repoussée. En effet, avant d'envisager la production effective de ces avions, De Havilland devra monter une nouvelle chaîne d'assemblage au Canada, recruter du personnel qualifié, et obtenir la certification des nouveaux modèles de Canadair.

Cette incertitude sur les délais de livraison est préoccupante : dans la mesure où De Havilland bénéficie d'une situation de monopole sur le marché du bombardier d'eau amphibie, la France et ses partenaires européens se trouvent aujourd'hui en situation de dépendance vis-à-vis de ce constructeur, alors que le renouvellement de leurs moyens aériens est une priorité. Il n'existe en effet à ce jour aucun autre industriel susceptible de produire un avion amphibie bombardier d'eau dans les prochaines années et de concurrencer les Canadair à court terme. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a certes identifié plusieurs projets intéressants, mais ceux-ci sont pour la plupart à un stade embryonnaire et ne peuvent espérer voir le jour avant plusieurs années.

Il est donc essentiel que la France et ses partenaires de l'Union européenne engagent une réflexion pour se doter d'une véritable capacité de production d'un appareil bombardier d'eau en Europe. La constitution d'un « champion » européen du bombardier d'eau me semble en effet présenter un double enjeu de concurrence et d'indépendance.

Dans ce contexte d'incertitude sur les perspectives de livraison des Canadair, la DGSCGC est contrainte d'identifier d'autres pistes pour augmenter la force de frappe de sa flotte de lutte contre les feux.

À cet égard, le ministre de l'intérieur a annoncé en avril dernier le renforcement de la flotte pour l'été 2023, par la location de plusieurs appareils, qui seront essentiellement prépositionnés dans le Sud-Ouest du pays. Le recours à la location peut en effet constituer une piste intéressante de renforcement de la flotte pour répondre à une forte activité à court terme, mais elle ne peut selon moi représenter une solution pérenne. Tout d'abord, la location d'aéronefs peut susciter des difficultés d'intégration des équipages mis à disposition par les sociétés de location dans le dispositif opérationnel. Ces pilotes ne sont souvent pas francophones, ce qui peut impliquer des difficultés de communication avec les équipages de la flotte permanente, qui auraient par exemple conduit lors de l'été 2022 à plusieurs largages non autorisés. Par ailleurs, la location de ces appareils est coûteuse : la DGSCGC a en effet consacré, pour la seule année 2022, 14 millions d'euros à la location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau, alors que le coût unitaire d'acquisition de cet appareil est estimé à 25 millions d'euros.

La DGSCGC a en effet recours depuis 2020 à la location de ce type d'appareils, dont l'efficacité fait aujourd'hui l'unanimité auprès de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile. Il serait désormais intéressant que la DGSCGC puisse acquérir des hélicoptères lourds bombardiers d'eau en propre. À cet égard France devrait bénéficier de la commande d'un appareil de ce type, dans le cadre d'une commande mutualisée au niveau européen, qui pourrait se concrétiser dès cette année, pour une livraison envisagée en 2026. Je m'en félicite, d'autant plus que la France pourrait ensuite bénéficier, d'après la Commission européenne, d'une autre livraison dans le cadre d'une deuxième vague de commandes. Je précise toutefois que ces hélicoptères sont complémentaires des avions bombardiers d'eau et n'ont dès lors pas vocation à s'y substituer, ou à compenser les éventuels retards de livraison des Canadair.

Dans l'attente de l'acquisition de nouveaux aéronefs, la DGSCGC doit identifier des moyens d'optimiser la gestion de la flotte existante, à travers deux vecteurs principaux : le recrutement des pilotes et une meilleure couverture du territoire par les moyens aériens existants.

Le recrutement des pilotes constitue en effet un prérequis à l'extension de la flotte. Or, le recrutement et la fidélisation de ces pilotes suscitent des difficultés. La profession de personnel navigant de la sécurité civile souffre d'un manque d'attractivité, lié à des conditions de travail particulièrement contraignantes, mais aussi, à des rémunérations environ trois fois inférieures à celles des pilotes de l'aviation commerciale. Par ailleurs, la DGSCGC souffre d'un déficit d'instructeurs chargés de la formation des commandants de bord, lié aux rigidités des conditions d'accès à cette fonction. La signature d'un protocole entre le ministre de l'intérieur et les représentants des pilotes le 11 avril dernier a permis d'apporter des solutions encourageantes, qui se seraient déjà traduites par une augmentation du nombre de candidatures.

J'en viens maintenant à la couverture du territoire par la flotte existante, qui constitue une source de préoccupation majeure dans un contexte où des zones historiquement épargnées par les départs de feux, tels que le Sud-Ouest, sont aujourd'hui de plus en plus exposées à ce phénomène. J'insisterai sur la question de l'ouverture d'une deuxième base aérienne, qui a suscité de nombreux débats en marge des incendies qui ont frappé le pays l'été dernier. Il ressort de mes auditions que l'ouverture d'une nouvelle base au dimensionnement comparable à celle de Nîmes ne serait pas pertinente, au regard de la multiplication des coûts de maintenance et de ressources humaines qu'elle impliquerait. En revanche l'organisation de détachements systématiques d'appareils pendant l'été sur des bases aériennes préexistantes me semble être une solution plus efficiente, et devrait selon moi être privilégiée.

Enfin, je conclurai mon propos en soulignant l'importance de la coopération entre les services départementaux d'incendies et de secours (SDIS) et les moyens aériens nationaux. Les SDIS de territoires historiquement exposés au risque incendie ont aujourd'hui recours à la location de moyens aériens propres. Ces aéronefs, souvent équipés de petites capacités de largage, sont particulièrement utiles pour attaquer les feux naissants, et leur articulation avec les moyens nationaux est satisfaisante. Toutefois, le recours à des moyens aériens par les SDIS ne doit évidemment pas inciter l'État à réduire son investissement dans les moyens aériens nationaux.

Il me semble également important de rappeler que les avions ne peuvent éteindre les feux à eux seuls. L'action des pilotes de bombardiers d'eau doit en effet s'articuler efficacement avec celle des sapeurs-pompiers mobilisés au sol. J'avais relevé dans mon rapport de 2016 sur le réseau Antares l'absence d'interopérabilité entre ce réseau de communication utilisé par les SDIS et le système de radiocommunication des pilotes de la flotte aérienne. Il en résulte des difficultés opérationnelles auxquelles le réseau Radio du Futur (RFF), dont le déploiement est attendu en 2024, apportera, je l'espère, des solutions.

Jean-François Husson, rapporteur général. - Il s'agit d'un sujet de spécialiste, mais qui nous a donné l'occasion, dans les derniers débats budgétaires, au regard des incendies plus nombreux et plus intenses depuis quelques années, de constater un problème d'inadéquation des moyens, notamment pour ce qui concernent la lutte contre les incendies par voie aérienne. J'ai été surpris, récemment, d'entendre des annonces ministérielles faisant état d'accélération d'investissements à court terme, puisque dans le cadre du dernier budget, j'avais bien en tête l'horizon de l'année 2027 pour franchir un pas nouveau, comme le rappelait Jean Pierre Vogel.

Merci d'avoir mis sur la table la question d'une approche européenne et, dans ce cadre, le sujet de la souveraineté. Quelles sont les chances d'aboutir à un résultat viable, à quelle échéance et avec quelle augmentation de moyens ?

J'ai une deuxième question. J'avais été frappé, il y a quelques temps, en allant en Corse, de voir un déploiement de la surveillance en zone montagneuse, avec des pompiers prépositionnés un peu partout, avec des camions, en situation d'observation tout au long de la journée. La question qui se pose est celle de l'intervention, une fois que les incendies sont déclarés. Avant d'avoir des flottes avec de bonnes capacités, et je le demande car je connais notre capacité d'initiative en matière de sécurité civile et de protection des biens, y a-t-il un accroissement des moyens des SDIS sur la surveillance en permanence ? Je devine que cela supposerait une mobilisation nouvelle : les effectifs le permettent-ils ? Les services départementaux peuvent-ils le financer facilement ? J'avais noté que des colonnes de renfort viennent désormais souvent du nord de la Loire pour prêter main forte à leurs départements voisins dans la lutte contre les incendies de forêt.

Michel Canévet. - Merci et félicitations au rapporteur spécial pour nous avoir livré ces informations sur un sujet qui nous préoccupe toujours sur la période estivale. Malgré une vétusté assez forte, le taux de disponibilité des avions semble assez bon. Pouvez-vous le confirmer ? Un taux de 90 % sur des avions qui ont en général 25 ans est tout à fait remarquable !

S'agissant de l'implantation des bases aériennes, je remercie le rapporteur spécial d'avoir pris une position très claire visant à conserver à Nîmes la seule base permanente sur le territoire national. Je pense qu'on doit pouvoir orienter les décisions du ministère de l'Intérieur sur le sujet par une analyse parlementaire.

On peut compléter les moyens avioniques du Sud par des hélicoptères. Ainsi, le conseil départemental du Finistère a décidé de louer pendant l'été un hélicoptère bombardier d'eau pour faire face à d'éventuels besoins en Bretagne. D'autres initiatives ont-elles été menées en ce sens sur le territoire national ?

Philippe Dominati. - Je souhaitais profiter de l'expertise de notre rapporteur, qui nous alimente chaque année sur cette problématique pour lui faire part d'une inquiétude, soulevée par le Rapporteur général, concernant le monopole du Canadair. Le constructeur De Havilland devrait lancer une chaine de fabrication, mais les délais apparaissent relativement longs, sans que l'on sache vraiment si ce projet va aboutir.

Dans l'intervalle, les pays européens n'ont pas de solution alternative, et je souhaiterais savoir si les autres entreprises, comme ATR, Airbus ou autre travaillaient à des projets alternatifs sérieux ? Des réflexions sont-elles engagées ?

Deuxièmement, concernant les hélicoptères, j'ai eu l'occasion de voir en Grèce l'efficacité des hélicoptères bombardiers d'eau. N'est-ce pas le moyen de substitution en attendant le nouveau Canadair qui, même s'il est très efficace, pourrait n'être pas remplacé immédiatement.

Jean-Michel Arnaud. - Je tiens à rappeler l'urgence au regard de la situation dramatique que nous avons connue l'an dernier. Vous avez défendu l'idée de consolider la base de Nîmes dans votre réflexion. D'après les directeurs de SDIS, notamment dans le Sud-ouest, il y a un vrai débat sur le sujet de la capacité de projection des bombardiers à partir de cette base. Il s'agit de pouvoir se projeter rapidement, tant du point de vue logistique qu'humain, pour prévenir et résorber les départs de feu. Quelles sont les orientations de la DGSCGC ? Des garanties ont-elles été apportées pour ne pas réduire les dotations du Sud-est de la France, au profit d'autres secteurs ?

Par ailleurs, beaucoup de discours et d'intentions ont été entendus sur la stratégie européenne sur les bombardiers d'eau. Où en est-on dans la coordination entre États membres de l'Union européenne ? Les négociations avancent-elles ou sommes-nous dans les palabres de la coordination intergouvernementale ?

Enfin, je souhaiterais interroger le rapporteur sur l'analyse et l'inventaire des moyens disponibles dans les pays du sud de l'Union européenne, et singulièrement en France, en Italie et en Grèce. Des moyens peuvent-ils être aiguillés vers la France en cas de problèmes urgents ? A-t-on progressé dans la coordination ?

Claude Raynal, président. - Je me demande si l'idée d'avoir un bombardier d'eau européen a du sens car, au-delà du concept de souveraineté, très populaire aujourd'hui, la question réside dans le nombre d'avions par rapport au prix de ces appareils. Je me souviens de la création de l'A400M sur lequel Airbus est parti d'une base militaire faible et où la question de la rentabilité a toujours été très complexe. Au regard des besoins des différentes armées, la rentabilité de ces appareils est nulle. Je me demande donc s'il y a un marché pour plus d'un avionneur. Il serait intéressant de disposer d'un programme de commandes au niveau mondial, en incluant l'Amérique du Nord, l'Europe voire l'Inde, pour avoir la certitude d'avoir toujours des avions actualisés, avec un vrai suivi dans le temps. Je le formule comme une interrogation pour notre rapporteur spécial.

Jean Pierre Vogel. - Le marché mondial est estimé à un besoin de 300 appareils dont une centaine en Europe. Il s'agit donc d'un marché de niche qui, d'après certains constructeurs, est peu intéressant, sauf à adapter des avions existants avec des kits de largage d'eau, comme ce que propose Airbus avec l'A400M. Concernant De Havilland, les prix annoncés représentent plus d'un milliard d'euros pour relancer la chaîne de production, qui implique par ailleurs le recrutement de personnel spécialisé et la certification des nouveaux modèles d'appareils. Il faut rappeler que De Havilland n'a jamais construit de Canadair, dans la mesure où il a en racheté les plans après les dernières livraisons d'appareils, ce qui suscite des interrogations sur sa capacité à livrer les appareils rapidement. Le président de la République n'a pas été prudent en affirmant qu'ils seraient livrés pour 2027 et en annonçant un accroissement de la flotte de douze à seize avions. De Havilland attendait d'avoir vingt commandes pour pouvoir relancer la chaine de fabrication. Il y en a aujourd'hui vingt-deux, mais on ne sait à quel moment la chaîne de fabrication sera effectivement relancée. Si l'on dispose d'un ou deux avions avant 2030, ce sera, selon moi, le grand maximum.

Pour répondre au rapporteur général, l'échéance de renouvellement ne sera sans doute pas avant 2027, peut-être même 2030. Le prépositionnement des moyens et le GAAr permettent effectivement de détecter les départs de feu. La stratégie de la France en matière de départ de feu s'appuie sur l'intervention sur les feux naissants pour éviter qu'ils se propagent. Une nouvelle météo a été mise en place, la « météo des forêts », et permet la veille ou l'avant-veille de prépositionner non seulement les moyens aériens, mais aussi des moyens de détection de départ de feu. Je précise par ailleurs que le GAAr consiste à survoler des zones à risque, avec des avions équipés de produit retardant pour intervenir en cas de départ de feu.

Certains départements utilisent également des drones. Il sera peut-être possible, compte tenu des évolutions technologiques, d'avoir à l'avenir des drones porteurs d'eau, mais cela poserait des problématiques de législation aérienne, avec des contraintes importantes. Dans un département que je connais bien, la Sarthe, département le plus boisé des Pays-de-la-Loire, des caméras de vidéo-détection de départs de feux de forêt ont été installées sur des points hauts qui surveillent l'ensemble du département, avec un système d'intelligence artificielle capable de détecter les départs de feu. Elles sont complétées par des caméras de levée de doute, plus performantes, qui ont la faculté de zoomer et déterminer exactement la localisation du départ de feu. Ce type d'équipement permet, de plus, de dissuader d'éventuels départs de feu volontaires en identifiant des plaques d'immatriculations.

Concernant la question de Michel Canévet sur le taux de disponibilité, les taux annoncés doivent être nuancés, dans la mesure où ils ne prennent pas en compte les immobilisations du fait d'une dégradation survenue en opération. Dans cette situation, les avions ne sont pas opérationnels mais ne sont pas comptés dans le taux d'indisponibilité. Il y a donc un taux de disponibilité contractuelle, avec la société de maintenance, Sabena Technics, mais le taux de disponibilité réel est en deçà de celui qui est annoncé.

Concernant la location d'hélicoptères, les SDIS de certains départementaux du Sud louent des avions Air Tractor et des hélicoptères légers, qui leur permettent d'attaquer les feux naissants. Une fois que le feu se propage, les moyens aériens des SDIS ne sont plus suffisants. Cela fonctionne plutôt bien, mais il y a un risque que l'État se décharge sur les SDIS, en réduisant son investissement dans ses moyens nationaux. Les moyens mobilisés par les SDIS sont toutefois indispensables en attendant le renforcement de la flotte nationale.

Pour répondre à Philippe Dominati sur le monopole de De Havilland, nous sommes effectivement pieds et poings liés, et il s'agit d'un marché de niche ce qui rend difficile l'émergence d'un concurrent. Il y a tout de même plusieurs projets en cours de développement. Concernant l'A400M d'Airbus, l'idée serait plutôt de les doter d'un kit de largage, pour que les appareils de l'Armée de l'Air puissent être sollicités en cas d'évènement exceptionnel. Cela avait fait polémique, car Airbus a beaucoup communiqué sur le sujet, mais on a reproché à l'appareil un effet « pulvérisation » qui serait peu opérant dans la mesure où la lutte contre les feux nécessite plutôt un largage de masse. L'effet « pulvérisation » pourrait toutefois être intéressant pour larguer du produit retardant. L'A400M disposerait d'une capacité d'intervention de nuit, contrairement aux Canadair, ce qui présente un réel intérêt. Je précise que l'A400M n'aurait de toute façon pas vocation à se substituer aux Canadair. Le Falcon 2000 de Dassault pourrait également être équipé d'un réservoir ventral de 3 500 à 4 000 litres d'eau, avec la possibilité de se poser sur des pistes très courtes et d'intervenir la nuit. Il serait utile pour effectuer des missions de GAAr, compte tenu de sa vitesse. Je mentionnerai également le Seagle de Roafour, qui est un avion amphibie qui disposerait d'une capacité de largage de 12 000 litres d'eau, soit le double des Canadair. Cet appareil serait équipé de foils, pour éviter que l'avion soit en contact avec l'eau au moment de l'écopage, ce qui faciliterait le ravitaillement sur des plans d'eau agités. Cet appareil n'est toutefois que dans une phase de conception et de recherche de financements publics. Il ne pourra donc pas être produit avant 2030, voire beaucoup plus tard. La DGSCGC s'intéresserait aussi à un projet développé par des ingénieurs d'Airbus qui évoluent au sein d'un petit consortium d'industriels européens, ainsi qu'à un projet italien de bombardier d'eau.

Tous ces projets restent toutefois à l'état embryonnaire, et il y également toutes les étapes de certification à prendre en compte dans les délais de production. On peut aussi se demander s'il y a un intérêt à une trop grande diversification la flotte pour les pilotes, qui se spécialisent sur un avion en particulier.

J'ai eu l'occasion de visiter la base aérienne de Nîmes, et on m'a expliqué qu'il n'était pas envisageable de construire une nouvelle base similaire à Bordeaux. Cela impliquerait des surcoûts de maintenance et en ressources humaines trop importants, ainsi que des difficultés d'approvisionnement en pièces détachées. L'année dernière, un Canadair avait été immobilisé pour pouvoir y prélever des pièces nécessaires au maintien en condition opérationnelle des autres appareils : il n'y avait en effet pas assez de pièces de maintenance pour l'ensemble de la flotte. Il ne me semble donc pas pertinent d'avoir une seconde base aérienne permanente.

Par contre, il serait intéressant d'avoir des détachements d'appareils pendant la période estivale, notamment d'appareils loués, comme ce sera le cas cet été. Ces aéronefs loués sont souvent pilotés par des équipages étrangers, et il est compliqué d'intégrer des avions dont les équipages ne sont pas francophones dans le dispositif aérien. C'est pourquoi les équipages d'appareils loués seront prépositionnés à la base aérienne de Bordeaux, et les appareils de la flotte permanente resteront à Nîmes. Ces détachements permanents permettent d'assurer les opérations de maintenance plus légères, qui garantissent la disponibilité opérationnelle des appareils, alors que les opérations de maintenance lourdes sont réalisées pendant l'hiver à Nîmes.

Concernant les moyens de solidarité européenne, la France a bénéficié l'année dernière du renfort de deux Canadair grecs, deux Canadair italiens et deux Air Tractor suédois. Il y a toutefois un besoin de renforcement de la flotte européenne, dans le cadre du dispositif RescEU. La France intervient aussi auprès d'autres pays en cas de besoin, mais compte tenu de la généralisation du risque, il est compliqué d'affaiblir la flotte d'un pays pour renforcer celle d'un autre. Le constat est similaire pour les colonnes de renfort du Nord ou du Centre de la France, qui doivent prêter main forte à leurs voisins du Sud ou dans des pays étrangers, alors que le risque incendie s'étend dans tout le pays.

Il faudrait donc que la DGSCGC ait une programmation très claire du renouvellement des moyens aériens, car on a l'impression que les décisions sont prises au coup par coup, en fonction des feux qui se déclarent pendant la période estivale et des annonces présidentielles ou gouvernementales. Il nous faut aussi de la visibilité sur les besoins en moyens humains, avec notamment l'enjeu de la formation de nouveaux pilotes. Il en manque actuellement une dizaine, et avec l'extension à venir de la flotte, il y aura davantage de besoins. Compte tenu du manque d'attractivité de la profession, le recrutement de ces pilotes pose des difficultés.

Claude Raynal, président. - Je vous remercie.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Alain THIRION, directeur ;

- M. Pierre-Emmanuel PORTHERET, sous-directeur des moyens nationaux ;

- M. Stéphane THÉBAULT, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie ;

- Mme Adeline SAVY, cheffe du groupement des moyens aériens (GMA).

État-major de la sécurité civile (EMSC)

- M. François PRADON, chef de l'EMSC.

Inspection générale de la sécurité civile (IGSC)

- M. Laurent FERLAY, inspecteur général, chef de l'IGSC ;

- M. Jean-Michel LANGLAIS, inspecteur.

Groupement d'avions de la sécurité civile (GASC)

- Mme Adeline SAVY, cheffe du groupement des moyens aériens (GMA) ;

- M. Olivier BERTRAND, chef du GASC ;

- M. Pascal ALLIER, chef du secteur Beechcraft ;

- M. Gilles CHARPENTIER, chef pilote au secteur Dash ;

- M. Dominique GUEBLE, chef du secteur Canadair ;

- M. Jean-Louis ROLAND, pilote canadair et chef des moyens opérationnels.

Syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC)

- M. Benoit QUENNEPOIX, pilote au sein du secteur Dash.

Commission européenne - direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (DG ECHO)

- Mme Claire KOWALEWSKI, colonelle de sapeurs-pompiers, experte nationale détachée à la Commission européenne.

Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

- M. Olivier RICHEFOU, président de la CNSIS, président du conseil départemental de la Mayenne ;

- Mme Miléna MUNOZ, conseillère spéciale.

Départements de France (DF)

- M. Jean-Luc GLEYZE, président du Département de la Gironde, secrétaire général de DF ;

- M. Jean-Baptiste ESTACHY, conseiller sécurité de DF ;

- M. Hubert SYLVESTRE de FERRON, directeur de cabinet du président du Département de la Gironde ;

- M. Guillaume LAFEUILLE, conseiller du groupe de gauche de DF.

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

- M. Jean-Paul BOSLAND, président ;

- M. Éric FLORES, vice-président ;

- M. Marc VERMEULEN, membre du comité exécutif de la FNSPF.

Airbus

- M. Philippe COQ, directeur des affaires publiques d'Airbus France ;

- M. Jean de la RICHERIE, directeur grands comptes sécurité - Airbus Defence and Space ;

- M. Adrien RICCI, responsable hélicoptères & numérique - affaires publiques France ;

- M. Olivier MASSERET, directeur des relations institutionnelles d'Airbus - affaires publiques France.

Roadfour

- M. Gaëtan DU FOUR, président directeur général de Roadfour ;

- M. Jean-François GAILLY, directeur technique.

Contributions écrites :

- Dassault Aviation ;

- Hydravions de Nouvelle-Aquitaine (HYNAERO).

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement à Nîmes-Garons et Marseille les 13 et 14 octobre 2022

Base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes

- M. Romain ROYET, directeur adjoint de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ;

- Mme Adeline SAVY, cheffe du groupement des moyens aériens ;

- M. Jérôme BRUNET, adjoint au chef de la division technique ;

- M. Pierre CHICHA, chef du secteur Canadair ;

- M. Yves GENTY, adjoint au chef du groupement d'hélicoptères ;

- M. Bruno HENRY, adjoint au chef des moyens opérationnels ;

- M. Éric MAHOUDO, adjoint au chef du groupement d'avions ;

- M. Benoit QUENNEPOIX, pilote au sein du secteur Dash ;

- M. Philippe ROUX, officier de sécurité aérienne, pilote de Canadair ;

- M. Xavier ROY, représentant du syndicat autonome du personnel navigant de la sécurité civile (SAPNSC), et chargé de la mission d'officier de sécurité aérienne pour le groupement hélicoptères ;

- M. Frédéric VERDIER, chef de la division animation du marché, groupement d'avions.

Centre zonal opérationnel de crise de la zone Sud (CeZOC Sud)

- M. François PRADON, inspecteur général, chef de l'état-major interministériel de zone.

Service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône (SDIS 13)

- M. Pierre BÉPOIX, colonel, directeur départemental adjoint du SDIS 13 ;

- M. Marc DUMAS, lieutenant-colonel, sous-directeur action & anticipation ;

- M. Jean-Marc RODITIS, lieutenant-colonel, chef du groupement risques naturels et feux de forêt.

Déplacement au Mans le 18 avril 2023

Service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe (SDIS 72)

- M. Yves LE BRETON, colonel, directeur départemental adjoint ;

- M. Marc RALLU, lieutenant-colonel, sous-directeur des moyens opérationnels ;

- M. Laurent MORDRET, commandant, chef du groupement organisation et coordination des secours ;

- M. Benoit GUERIN, commandant, mission évaluation expertise et prospective, référent départemental de la spécialité feux de forêts et d'espaces naturels ;

- M. Raphael CASTELAIN, capitaine, chef du centre de traitement de l'alerte (CTA), référent départemental drone.


* 1 Bataillon des marins-pompiers de Marseille.

* 2 Le délai de rotation désigne la durée entre deux largages réalisés par un avion bombardier d'eau.

* 3 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 5 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 6 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.

* 7 Article L. 1111-1 du code de la défense.

* 8 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 9 Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 29, volume 2, déposé le 17 novembre 2022.

* 10 Qui a depuis été racheté par De Havilland Canada.

* 11 Guet aérien armé étendu.

* 12 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 13Les 27 Etats membres de l'Union européenne, ainsi que l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, Islande, Norvège, Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro et Turquie

* 14 Audition du rapporteur spécial du 19 avril 2023.

* 15Feux de forêt 2022 et évolution de la politique de sécurité civile face au changement climatique André ACCARY, président du département de Saône-et-Loire et de la commission SDIS Jean-Luc GLEYZE, président du département de Gironde, secrétaire général de Départements de France (DF).

* 16 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 17 Rapport d'information n° 365 (2015-2016), déposé le 3 février 2016.

* 18 Rapport d'information n° 658 (2020-2021), déposé le 2 juin 2021.

* 19 Bataillon des marins-pompiers de Marseille.