EXAMEN DU RAPPORT

La délégation s'est réunie le 14 février 1996 pour l'examen du présent rapport.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jacques Genton, président, après avoir approuvé les orientations du rapport, a souligné la nécessité d'obtenir l'adhésion de l'opinion publique aux évolutions que va connaître la construction européenne dans les prochaines années. Il a considéré qu'après le rapport de M. Yves Guéna sur la conférence intergouvernementale, le rapport de M. Denis Badré sur élargissement permettait d'avoir une vue plus complète de ces évolutions. La délégation doit s'attacher à clarifier les enjeux de manière à favoriser une prise de conscience des choix à effectuer, et par là un débat sur les difficultés effectives.

M. Christian de La Malène, après avoir à son tour apporté son soutien à la démarche du rapporteur, s'est félicité de la décision du Conseil européen, en juin 1993, d'accepter l'élargissement aux pays associés d'Europe centrale et orientale. Il s'est toutefois inquiété des incertitudes pesant sur le coût de cet élargissement, remarquant que les évaluations du rapporteur semblaient plus optimistes que celles que le ministre du budget, M. Alain Lamassoure, avait présentées à la délégation. Il a approuvé la volonté du rapporteur de conserver les principes de la PAC et de faire porter l'effort de réforme vers la politique de cohésion, mais a exprimé la crainte que beaucoup des partenaires de la France ne se prononcent en sens inverse. Les pays actuellement bénéficiaires des fonds structurels, a-t-il estimé en citant l'exemple de l'Irlande, s'opposeront à une réduction au profit des nouveaux adhérents des montants qu'ils perçoivent ; quant à la maîtrise des dépenses supplémentaires provenant de l'extension de la PAC, a-t-il ajouté, les nouveaux adhérents risquent de s'y opposer en réclamant le bénéfice des aides directes compensatoires. Concluant son propos, il a déclaré redouter que les problèmes de l'élargissement ne soient abordés au coup par coup, sans réformes d'ensemble préalables.

M. Xavier de Villepin a mis l'accent sur les liens étroits entre la conférence intergouvernementale et l'élargissement : le succès de la conférence, a-t-il rappelé, est en tout état de cause une condition de l'élargissement. Puis il a estimé que la perspective de l'élargissement allait entraîner une remise en cause de la PAC et de la politique de cohésion. Les pays candidats, a-t-il remarqué, ont un important retard économique à combler et demandent leur adhésion notamment dans le but d'accélérer leur rattrapage : ils vont donc beaucoup solliciter le budget communautaire, alors que dans le même temps les pays contributeurs vont s'attacher à réduire leurs dépenses, conformément à une tendance générale qui s'observe déjà aux Etats-Unis, commence à gagner l'Europe et marquera la fin du siècle. Il a conclu en estimant que les Etats-Unis, loin de considérer la perspective d'une Europe élargie comme une mesure pour leur suprématie, semblaient plutôt considérer que celle-ci serait confortée par l'entrée de l'Union européenne dans une longue et difficile période de transition.

M. Jacques Oudin a insisté sur le contexte budgétaire difficile de l'élargissement : tous les grands pays européens, a-t-il remarqué, connaissent d'importants déficits publics qu'ils jugent prioritaire de réduire, si bien que le succès de la renégociation des perspectives financières sera non moins important pour la réussite de l'élargissement, et non moins difficile à obtenir, que le succès de la conférence intergouvernementale. Evoquant une éventuelle réforme de la politique de cohésion, il a estimé que de profonds changements seraient nécessaires, le système actuel s'avérant peu efficace et suscitant des gaspillages voire, dans certaines régions, des détournements au profit du crime organisé. Concluant son rapport, il a souligné la nécessité d'adopter une attitude très stricte sur l'évolution du budget communautaire.

M. Daniel Millaud s'est interrogé au sujet des conséquences de l'élargissement à l'Est sur les territoires d'Outre-Mer, soulignant que ceux-ci ne perçoivent pas de droits de douane sur les produits provenant des pays de l'Union, ce qui entraîne déjà pour eux des pertes de recettes cinq fois supérieures aux versements du Fonds européen de développement. Puis il a rappelé que le principe de liberté d'établissement s'appliquait aux TOM français, contrairement aux TOM des autres États membres de l'Union. De ce fait, a-t-il remarqué, 106 millions de personnes supplémentaires, lorsque l'élargissement aura eu lieu, recevront le droit de s'établir dans les TOM français : même si un afflux massif est peu probable, cette situation montre à quel point le régime d'association des TOM est désormais inadapté. Le maintien de ce régime alors que l'Europe a changé, a-t-il conclu, crée les conditions d'une nouvelle forme de colonisation des TOM.

M. Pierre Fauchon est tout d'abord revenu sur les contraintes budgétaires. Il a souligné que si les situations des États membres étaient effectivement marquées par la fragilité monétaire et le déficit, en revanche une Europe plus unie n'aurait pas, quant à elle, les mêmes contraintes et pourrait entreprendre des grands travaux transnationaux qui pourraient concourir à relancer la croissance et renforcer la cohésion. Il a souhaité que, d'une manière générale, l'Union privilégie désormais les investissements structurants et réexamine donc en profondeur la politique actuelle de cohésion, qui donne lieu à trop d'opérations inutiles et de fraudes. Enfin, il a estimé que l'Union ne devait pas se lancer dans l'ouverture de l'élargissement sans réformer préalablement son fonctionnement et renforcer sa légitimité.

M. Christian de La Malène a exprimé la crainte que la conférence intergouvernementale n'aboutisse à un médiocre compromis, qui serait néanmoins présenté comme un succès rendant possible l'élargissement.

En résumé, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- la conférence intergouvernementale doit être considérée à la fois comme un préalable à l'élargissement et comme une opportunité, car en tout état de cause il est nécessaire de doter l'Union d'un fonctionnement plus efficace ;

- le coût budgétaire de l'élargissement ne peut être évalué avec précision, tant les incertitudes sont nombreuses, mais il paraît possible, dans le cadre d'un approfondissement de la PAC et d'une réforme de la politique de cohésion, de limiter la hausse des dépenses agricoles à environ dix milliards d'Écus et celle des dépenses structurelles à environ vingt milliards d'Écus ; pour que de telles hausses, qui restent considérables, ne pèsent pas de manière excessive sur les pays contributeurs nets, il est nécessaire d'en financer une partie par un important effort d'économie sur les dépenses actuelles de la Communauté : on pourrait alors obtenir un taux d'augmentation acceptable compte tenu de la contrepartie constituée par ouverture d'un marché potentiellement important ;

- de nouvelles offensives contre la PAC sont effectivement probables ; l'intérêt de la France, dans ces conditions, est certes d'en défendre les principes, mais aussi d'en proposer dès maintenant l'approfondissement, de manière à ôter leur fondement à certaines critiques ; dans le même esprit, la restructuration des agricultures des PAECO doit être entreprise sans attendre et conduite en fonction de la perspective de l'élargissement ;

- un réexamen attentif du budget communautaire est nécessaire dans l'optique de l'élargissement, mais aussi dans celle de la révision des perspectives financières ; il doit conduire à un recentrage des interventions communautaires sur les tâches que seule la Communauté peut accomplir. Plus de dépenses communautaires ne signifie pas « plus d'Europe » : bien au contraire, on peut avoir « plus d'Europe » avec moins de dépenses communautaires.

À l'issue du débat, la délégation, sur proposition de son président, a adopté le présent rapport.

L'ELARGISSEMENT DE L'UNION EUROPEENNE AUX PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE : UNE ANALYSE PROSPECTIVE DES CONSEQUENCES ECONOMIQUES ET BUDGETAIRES 1 ( * )

* 1 Etude réalisée pour la Délégation du Sénat pour l'Union européenne par une équipe d'économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, 69 quai d'Orsay, 75007 PARIS) avec la collaboration d'économistes du Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW, BERLIN), sous la direction de Jacques LE CACHEUX (OFCE). Les auteurs des différents chapitres sont : Sandrine CAZES (Département des études, OFCE), Bruno COQUET (Département d'économétrie, OFCE), Jacky FAYOLLE (Département des diagnostics, OFCE), Jacques LE CACHEUX (Département des études, OFCE), Frédéric LERAIS (Département d'économétrie, OFCE) et Dieter SCHUMACHER (DIW). Ont également participé aux discussions : Odile CHAGNY (Département des diagnostics, OFCE), Gustav HORN (DIW), Mathilde MAUREL (Département des études, OFCE), Françoise MILEWSKI (Département des diagnostics, OFCE) et Björn ROTHER (Stagiaire au Département des études, OFCE).

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