3. Des conséquences maîtrisables


• L'extension de la PAC aux nouveaux États devrait conduire, à terme, en raison des transformations structurelles et de l'incitation représentée par la hausse de prix garantis, à des rendements proches de ceux observés en moyenne dans l'agriculture communautaire, ce qui entraînerait à réglementation constante, selon l'étude de l'OFCE. la formation d'excédents devant être exportés en dehors de la Communauté dans le cas des céréales, du lait, et de la viande de boeuf. Toutefois, ces projections reposent sur les hypothèses d'un alignement des niveaux de prix des PAECO sur celui de la Communauté et d'une absence de mesures de maîtrise quantitative de la production.

Or, comme le souligne l'étude, le « terme » auquel les rendements des agricultures des PAECO seront comparables à la moyenne communautaire est vraisemblablement assez lointain : « Étant donné les conditions initiales et les bouleversements structurels qu'implique un tel processus de rattrapage, il est raisonnable de prévoir qu'il ne se réalisera, en moyenne, que très progressivement ». Comme le soutien de la Communauté sera nécessaire pour que ce rattrapage soit possible, celle-ci disposera à la fois des moyens et des délais pour assurer la compatibilité du développement agricole des PAECO et du maintien des grands équilibres de la PAC.

En particulier, la convergence des niveaux de prix - qui ne doit pas être conçue a priori comme un alignement des PAECO sur le niveau actuel des prix dans l'Union européenne - devra nécessairement être progressive : une augmentation rapide des prix agricoles dans les PAECO, où l'alimentation continue à représenter une part importante du budget des ménages, aboutirait à des distorsions tant sociales qu'économiques ; elle pèserait particulièrement sur les ménages modestes et susciterait des tensions sociales, tout en pesant sur la consommation dans les autres secteurs alors que celle-ci contribue de manière importante à la croissance.

Comme l'alignement des prix constitue un des éléments déterminants pour que se réalise une égalisation approximative autour des rendements moyens actuels, celle-ci ne doit pas être considérée, en toute hypothèse, comme une perspective rapprochée.

Compte tenu de ces différents éléments, on ne peut conclure que l'extension de la PAC aux PAECO conduirait inéluctablement à la formation d'importants excédents inexportables, dont la gestion obérerait le budget communautaire. Si la convergence des niveaux de prix s'effectue de façon progressive et si des mesures de maîtrise de la production sont introduites en temps utile, ce n'est pas l'élargissement qui, par lui-même, compromettra les équilibres fondamentaux de la PAC.


• Les implications budgétaires de l'extension de la PAC - avec toutes les réserves qu'appellent les tentatives de projection dans ce domaine, compte tenu du rôle que jouent dans l'évolution des dépenses les fluctuations imprévisibles de l'écart entre prix communautaires et prix mondiaux - ne paraissent pas devoir, au regard de l'enjeu, constituer une charge insupportable pour les finances communautaires.

L'estimation annoncée par la Commission européenne dans le « document de stratégie agricole » déjà cité est la suivante :

« Suivant l'hypothèse d'un scénario d'adhésion en 2000 des 10 pays associés, l'impact budgétaire de l'élargissement serait un coût supplémentaire de l'ordre de 12 milliards d'ECU par an (...), y compris les paiements aux cultures arables et les primes animales (ces aides représentant environ la moitié des coûts totaux) et les mesures d'accompagnement (programme agri-environnemental, afforestation et pré-retraite) ».

Cette estimation est détaillée dans le tableau suivant :

Selon l'OFCE, cette évaluation peut paraître « excessive au regard des évolutions observées et des possibilités existantes en matière de restrictions quantitatives des productions potentiellement excédentaires ».

Dans l'hypothèse à la fois d'une convergence progressive des niveaux de prix et d'une mise en place précoce des instruments de maîtrise des quantités produites - scénario qui n'a rien d'irréaliste compte tenu de la situation de départ des PAECO - les dépenses budgétaires au titre du soutien des prix pourraient être sensiblement moins élevées que ne l'envisage la Commission (voir annexe, p. 66). En outre, selon l'OFCE, « les aides directes compensatoires des baisses de prix des céréales, qui représentent une part importante des débours actuels de la PAC et du coût potentiel de son extension aux PAECO, n'ont pas de raison d'être pour ces pays, où les prix devraient augmenter et non baisser ». Dès lors, même en admettant que les agricultures des PAECO bénéficient de mesures importantes d'aide à la modernisation et à la restructuration, « les coûts budgétaires additionnels de l'élargissement au titre de la PAC pourraient être, à terme, compris entre 5 et 10 milliards d'Écus, selon la générosité des dispositifs d'aides au revenu, à la modernisation et à la réorientation consentis aux PAECO ».

Il est à noter que la Commission européenne émet également de sérieuses réserves sur le versement des aides directes compensatoires aux agriculteurs des PAECO, « du moins pendant une période transitoire suivant l'adhésion » , en mettant en avant l'absence de justification économique de ces aides dans le cas de ces pays, ainsi que le risque « de créer des disparités de revenus pouvant aboutir rapidement à des malaises sociaux dans les pays ou régions concernés ».

Elle préconise que les PAECO bénéficient plutôt durant cette période transitoire de programmes supplémentaires visant au développement rural intégré et à la protection de l'environnement, pour la gestion desquels les autorités nationales pourraient disposer d'une certaine latitude.

Ces programmes mobilisant des crédits du FEOGA pourraient financer la rénovation des installations, la restructuration foncière, le développement d'industries de transformation ; ils pourraient également encourager la mise à niveau sanitaire des productions et l'amélioration de la qualité des produits de manière à assurer le respect des normes communautaires.

La mise à niveau sanitaire constitue en effet un objectif d'une particulière importance : étant donné la qualité sanitaire remarquable atteinte par l'agriculture communautaire, il convient de manifester la plus grande vigilance pour que cet acquis ne se trouve pas remis en cause. L'accord en cours de négociation avec la Hongrie en matière sanitaire devrait avoir à cet égard valeur d'exemple : c'est le plus tôt possible qu'il convient en effet d'entreprendre la mise à niveau dans un tel domaine.

Le respect des normes de qualité doit être également une priorité, à la fois dans l'intérêt des consommateurs et dans l'optique de la loyauté de la concurrence sur le marché communautaire.

Votre rapporteur souhaite, enfin, que ces programmes éventuels puissent faire bénéficier les PAECO de l'expérience - parfois négative - qui a été celle des États membres de la Communauté en matière d'aménagement rural. Les pays candidats se trouvent, en ce qui concerne la part de la population rurale, dans une situation qui n'est pas sans évoquer celle des États membres actuels il y a quelques décennies ; pour qu'ils ne connaissent pas un exode rural aussi massif que celui qu'a par exemple connu la France - et qui la conduit aujourd'hui à prendre des mesures pour tenter de revitaliser le milieu rural - il est souhaitable qu'ils soient en mesure d'adopter une politique appropriée à un stade précoce du processus de restructuration.

Au total, à supposer que les négociations aboutissent à la définition de périodes de transition adaptées, tenant compte des situations diverses des pays et des secteurs de production, et que ces périodes soient pleinement mises à profit pour orienter les restructurations de manière à freiner le développement des dépenses, l'impact budgétaire de l'extension de la PAC pourrait rester dans des limites acceptables relativement à l'intérêt du débouché que représente, pour les producteurs de l'Europe des Quinze, et notamment les industries agro-alimentaires, le marché de consommation potentiel des PAECO.

Dans cette perspective, il serait souhaitable que les entreprises françaises du secteur agro-alimentaire soient plus souvent qu'aujourd'hui présentes dans le capital d'entreprises homologues des PAECO. De même, l'intérêt manifesté par divers pays candidats pour l'organisation coopérative et mutualiste de l'agriculture française devrait recevoir une réponse plus active, notamment dans le domaine économique et financier. C'est en effet en s'impliquant le plus précocement possible dans le processus de rattrapage qu'il sera possible de tirer le meilleur parti de celui-ci.


• S'agissant enfin de la gestion de la période transitoire, la Communauté pourra tirer parti de l'expérience acquise lors de l'adhésion des pays méditerranéens (la méthode adoptée lors de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède ne pouvant être appliquée au cas des PAECO). Durant la période transitoire située entre l'adhésion et l'application pleine et entière de la PAC, des montants compensatoires d'adhésion (MCA) devraient être institués, dans cette hypothèse, afin de combler le différentiel de prix lors du passage de la frontière ; la mise en place des MCA permettrait de réaliser progressivement la convergence des niveaux de prix entre la Communauté et les nouveaux adhérents ; elle pourrait être complétée par des dispositifs permettant de faire face aux fluctuations monétaires trop importantes.

Dans le cas de l'Espagne et du Portugal, des mécanismes complémentaires aux échanges (MCE) avaient également été mis en place afin de suivre l'évolution des quantités échangées dans les secteurs sensibles durant certaines périodes ; la Commission européenne pouvait prendre des mesures temporaires de limitation des échanges lorsqu'un déséquilibre grave était constaté. Un mécanisme analogue pourrait être transitoirement utile lors de l'adhésion des PAECO.

L'essentiel, cependant, reste que les modalités de la période transitoire soient définies au cas par cas, non seulement pays par pays, mais également secteur par secteur. Des formules totalement différentes ont été retenues pour l'élargissement aux pays méditerranéens et pour l'élargissement à l'Autriche et aux pays nordiques : de même, une approche pragmatique, adaptée aux situations particulières, doit être retenue dans le cas des PAECO.

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