10. Culture

Proposition E 599
Com (96) 6 final

(Procédure écrite du 2 avril 1996)

Ce texte tend à autoriser la signature et l'approbation, par la Communauté, de la convention européenne concernant des questions de droit d'auteur et de droits voisins dans le cadre de la radiodiffusion transfrontalière par satellite, conclue à Strasbourg le 11 mai 1994.

Cette convention, négociée dans le cadre du Conseil de l'Europe, vise, pour l'essentiel, à étendre à l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe les objectifs poursuivis par la directive communautaire du 27 septembre 1993 concernant le droit d'auteur et les droits voisins en matière de radiodiffusion transfrontalière de programmes par satellite, à savoir favoriser la libre diffusion des programmes, notamment en réduisant les disparités existant entre les dispositions nationales relatives au droit d'auteur et aux droits voisins.

Cette convention est un accord mixte qui relève pour partie de la compétence de la Communauté et pour partie de celle des États. Elle sera donc soumise à la ratification de chacun des États membres.

Dans un premier temps, la Commission européenne avait envisagé que la Communauté approuve la convention avant même que les États n'aient déposé leurs instruments de ratification. Plusieurs États membres s'étant opposés à cette procédure, la commission propose désormais :

- que le Conseil signe, sous réserve d'approbation, la convention, afin de marquer l'intérêt que la Communauté porte à celle-ci :

- de différer l'approbation communautaire, dans l'attente des ratifications nationales.

Cette procédure paraît plus conforme au partage des compétences nationales et communautaires.

Par ailleurs, la convention n'entraînera pas de modification législative en France, dans la mesure où elle reprend les principes posés par la directive de 1993, qui fait l'objet d'un projet de loi de transposition débattu au Sénat, en première lecture, le 5 mars dernier.

La délégation a donc décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 599.

11. Transports

Proposition E 510
Com (95) 337 final

(Réunion de la Délégation du 24 avril 1996)

Présentation par M. Nicolas About d'un rapport d'information et d'une proposition de résolution :

La délégation m'a chargé d'un rapport sur la proposition d'acte communautaire E 510 qui vise à ouvrir davantage à la concurrence le secteur du transport ferroviaire. La préparation de ce rapport a été pour moi l'occasion de faire le point sur la politique communautaire menée par l'Union européenne dans le domaine du chemin de fer et sur les conséquences de cette politique pour la S.N.C.F. J'ai entendu les ministres compétents, la direction de la S.N.C.F., l'ensemble des organisations syndicales, afin de disposer des informations les plus complètes possibles.

Il faut tout d'abord souligner que le secteur du transport ferroviaire en Europe connaît actuellement de profondes mutations, notamment sous l'effet de la politique communautaire.

En 1991, le Conseil a adopté une directive très importante sur l'organisation des chemins de fer. Cette directive repose sur quatre piliers

- 1'autonomie des entreprises ferroviaires par rapport aux États ;

- la séparation, au moins comptable, des activités relatives à l'exploitation des services de transport de celles relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire ;

- l'assainissement de la situation financière des entreprises ferroviaires ;

- enfin une ouverture limitée à la concurrence ; la directive prévoit en effet d'accorder un accès au réseau ferroviaire à de nouveaux entrants souhaitant exercer une activité de transport international. Mais des conditions restrictives sont posées, cette possibilité n'est ouverte qu'aux entreprises souhaitant exercer une activité de transport combiné ou aux entreprises faisant partie d'un regroupement international. Les modalités de cet accès au réseau ont été précisées dans des directives complémentaires de 1995.

Parallèlement à cette directive communautaire, et même parfois avant son entrée en vigueur, certains États membres ont entrepris de profondes réformes de l'organisation de leurs chemins de fer. C'est notamment le cas de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne.

En Grande-Bretagne, les infrastructures et l'exploitation ont été totalement séparées. Les activités voyageurs font l'objet de franchises attribuées par un directeur des franchises. Récemment, une filiale de la Compagnie Générale des Eaux a obtenu une de ces franchises dans le cadre d'un appel d'offres et gérera le réseau du sud de Londres.

La réforme britannique a des caractéristiques très spécifiques : elle doit conduire, à terme, à une privatisation de l'ensemble du système y compris des infrastructures. Par ailleurs, l'entreprise chargée des infrastructures ne bénéficie d'aucune subvention publique. Elle fait donc payer très cher le passage sur les infrastructures ; dans ces conditions, le Gouvernement est contraint d'accorder des subventions importantes aux entreprises qui exploitent les services de transport. Ainsi, les franchises sont en fait accordées aux entreprises qui demandent le moins de subventions.

Ce modèle est extrêmement contesté en France et il est difficile aujourd'hui de savoir quels sont ses effets en termes d'efficacité, de qualité de service et de coût. Je pense qu'une appréciation réellement objective nécessiterait une étude plus approfondie.

La réforme allemande est intéressante dans la mesure où l'entreprise ferroviaire, la Deutsche Bahn, se trouvait dans une situation financière plus difficile encore que la S. N. C. F. L'État a procédé au désendettement de l'entreprise, a pris en charge les surcoûts liés aux statuts des personnels et il s'est engagé à financer les investissements futurs Il a prévu un programme très important d'investissements pour les années à venir Par ailleurs, la gestion des transports ferroviaires de proximité a été confiée aux Länder.

Là encore, il est difficile de dresser pour l'instant un bilan de cette réforme. En 1994, la Deutsche Bahn a été bénéficiaire, mais il semble que la structure de son bilan se soit à nouveau un peu dégradée depuis lors. En outre, le Gouvernement a des difficultés à tenir le programme d'investissements qu'il avait envisagé. Il faut néanmoins souligner l'importance de cette réforme, qui a été négociée avec les organisations professionnelles.

Voilà quelle est la situation actuelle

Quel est le contenu des nouvelles propositions de la Commission européenne ?

La commission souhaite développer le transport ferroviaire en Europe et propose maintenant une ouverture plus large à la concurrence. Elle propose que l'accès au réseau ferroviaire soit accordé à toute entreprise souhaitant offrir des services de transport de marchandises ainsi qu'aux entreprises souhaitant offrir des services internationaux de transport de voyageurs. Il s'agirait donc d'un élargissement très important de la concurrence dans ce secteur.

Je suis arrivé à la conclusion qu'une telle évolution n'était pas souhaitable dans l'immédiat pour plusieurs raisons.

- Tout d'abord, il n'existe aucun bilan de la directive de 1991 ; la Commission européenne a rédigé une communication sur l'application de cette directive, mais il s'agit d'un document en trois pages, qui ne contient que des appréciations extrêmement générales. Cette directive n'a même pas encore été transposée par tous les États membres et elle est appliquée de manière très incomplète. Par exemple, en France, une seule entreprise a fait une demande pour accéder au réseau et elle ne répondait pas aux conditions nécessaires. De même, il est difficile de dire que les dispositions sur l'assainissement financier des entreprises ont été appliquées dans tous les pays d'Europe.

- Par ailleurs, il n'existe aucune étude sur les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence. N'y a-t-il pas un risque d écrémage du marché, préjudiciable au maintien des missions de service public ? Quelles seraient les conséquences de cette ouverture sur le niveau de sécurité du transport ferroviaire ?

Il me semble donc que les conditions ne sont pas réunies pour une ouverture plus large à la concurrence. Je pense que le transport ferroviaire ira inéluctablement vers une certaine libéralisation, mais il me paraît nécessaire de procéder par étapes.

Dans un premier temps, il convient de dresser un vrai bilan de la directive de 1991, de veiller à son application complète par l'ensemble des États membres, avant de réfléchir à une ouverture plus large à la concurrence ; cette nouvelle étape devra faire l'objet au préalable d'une réflexion approfondie.

Voilà pourquoi je vous propose que nous demandions au Gouvernement de s'opposer pour l'instant à la proposition E 510.

Quelles sont les actions qui paraissent prioritaires pour l'Union européenne aujourd'hui ?

- Tout d'abord, les réseaux transeuropéens de transport : Vous savez que quatorze projets prioritaires ont été retenus par les Chefs d'État et de Gouvernement. Or, actuellement, ces projets sont bloqués, compte tenu des difficultés à réunir les financements indispensables. Je crois qu'une clarification à ce sujet est désormais nécessaire de la part du Conseil, car rien ne serait pire pour la crédibilité de l'Union européenne que l'annonce de projets très ambitie ux qui ne verraient jamais le jour faute de crédits.

- Ensuite, l'harmonisation technique. Comme vous le verrez dans le rapport, des progrès sont encore indispensables dans ce domaine. Les différences existant entre réseaux empêchent rarement les liaisons, mais entraînent des surcoûts qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire-La résolution de ces problèmes implique une coopération entre opérateurs et également entre industriels, mais une impulsion de la part des institutions communautaires paraît également indispensable.

- Troisième problème important, le transport combiné. Ce mode de transport des marchandises présente de nombreux avantages et les institutions communautaires souhaitent le voir se développer. Pour l'instant, sa part dans le transport de marchandises demeure très limitée. C'est pourquoi je pense que les actions d'encouragement doivent être poursuivies, tant au niveau communautaire qu'au niveau français.

Je souhaite maintenant évoquer le problème de l'application de la politique communautaire de la concurrence au transport ferroviaire. Le transport ferroviaire se caractérise par l'existence d'accords entre opérateurs pour le transport international. Ces accords sont souvent encouragés par les institutions communautaires parce qu'ils peuvent permettre un développement du transport transeuropéen, mais ils entrent parfois en contradiction avec les règles de concurrence communautaires. La Commission européenne est assez consciente des particularités du transport ferroviaire et elle n'interdit pas, en général, les accords entre opérateurs. Cependant, elle pose parfois des conditions qui risquent de décourager ce type de coopération. Aussi, il me semble important que ces accords soient examinés en prenant pleinement en compte les spécificités du transport ferroviaire.

Un autre problème est celui de la concurrence intermodale et en particulier de la concurrence rail - route. L'inégalité de cette concurrence est dénoncée depuis longtemps par les entreprises de chemin de fer. La Commission européenne envisage de formuler des propositions pour qu'existe une certaine prise en compte des coûts entraînés par les différents modes de transports notamment les dégâts causés à l'infrastructure et la pollution. Cette initiative me parait positive et doit être poursuivie. Toutefois, il me semble illusoire d'espérer que le rail regagnera des parts de marché substantielles par ce seul rééquilibrage. Les entreprises ferroviaires doivent faire de très gros efforts d'amélioration de leur qualité de service si elles veulent profiter d'un éventuel rééquilibrage des conditions de concurrence.

*

Le transport ferroviaire en Europe est donc en train de subir des changements très profonds qu'il serait illusoire de vouloir empêcher. Dans ce contexte, il est clair que la situation de la S.N.C.F. est très préoccupante. Je n'ai pas souhaité faire un bilan complet de la situation de l'entreprise nationale car la situation est aujourd'hui connue. Mais je voudrais dire que l'Europe n'est en rien responsable de la situation de la S.N.C.F., et qu'au contraire, les évolutions actuelles sont une occasion de mettre en oeuvre des réformes trop longtemps retardées. La S.N.C.F. a des atouts, notamment technologiques, pour jouer un rôle majeur dans l'espace ferroviaire européen.

Mais un certain nombre de conditions doivent pour cela être remplies :

Il est indispensable de clarifier les relations entre l'État et la S.N.C.F. Actuellement, personne ne sait qui est responsable de quoi et l'État, comme la S.N.C.F. se sont accomodés de celte situation. Il est maintenant nécessaire de modifier cela, notamment en ce qui concerne les infrastructures. Il me paraît difficile de laisser la S.N.C.F. financer la construction des nouvelles infrastructures, d'autant plus que les nouvelles lignes de T.G.V. auront une rentabilité très inférieure aux précédentes. En ce qui concerne l'entretien de l'infrastructure, le débat est plus ouvert. La directive communautaire impose une séparation comptable entre infrastructures et exploitations, ce qui implique de définir un péage pour l'utilisation de l'infrastructure, sachant que l'État devra de toute façon accorder des subventions pour équilibrer le compte d'infrastructures.

Deux solutions sont donc possibles : soit l'État prend en charge tous les frais liés aux infrastructures, et dans ces conditions, il doit être le seul décideur, soit la S.N.C.F., en tant que gestionnaire de l'infrastructure, reste responsable de l'entretien. Quoi qu'il en soit, les décisions doivent intervenir rapidement, car aujourd'hui si une entreprise demandait à accéder au réseau français dans le cadre de la directive de 1991, on serait incapable de lui facturer un péage pour l'utilisation de l'infrastructure.

Une clarification est aussi indispensable en ce qui concerne le service public. Tout le monde en France, et le Sénat particulièrement, est attaché à l'existence de missions de service public, qui contribuent à l'aménagement du territoire. Mais aujourd'hui, on ne peut plus dire que le transport ferroviaire est un service public qui doit être accordé à chacun, quelle que soit sa situation sur le territoire. Le service public à prendre en compte est celui du transport collectif et, dans certaines zones, le rail n'est à coup sûr pas le moyen le plus efficace d'assurer le service public. Il me semble que les missions de service public concernent essentiellement aujourd'hui les tarifs sociaux, les lignes d'intérêt régional, les trains de banlieue parisienne et certaines grandes lignes qui contribuent à l'aménagement du territoire.

Il est important que ces missions soient clairement définies afin que l'on sache ce qui relève du service public et ce qui n'en relève pas.

En ce qui concerne la dette, il me semble indispensable que celle-ci soit allégée de manière significative. Une telle situation financière est totalement démotivante pour l'entreprise. Mais évidemment, l'État ne peut envisager une reprise de la dette que si celle-ci ne se reconstitue pas mécaniquement dans les années à venir.

Un aspect important est le renforcement du rôle des régions. Le transfert de la responsabilité du transport régional aux conseils régionaux peut permettre une plus grande efficacité du système, dans la mesure où il est souhaitable que les décisions soient prises le plus près possible des usagers. La loi sur l'aménagement du territoire adoptée en 1995 prévoit une expérimentation qui devrait maintenant être mise en oeuvre rapidement. Naturellement, un tel transfert de responsabilités ne peut se faire que s'il est accompagné d'un transfert de ressources suffisant ; c'est pourquoi l'idée d'une expérimentation réversible me paraît être la meilleure Par ailleurs, ce transfert ne peut s'opérer que dans le cadre d'une réflexion globale au niveau de l'État sur l'avenir du transport ferroviaire.

Enfin, je crois important d'accorder la plus large autonomie à la S.N.C.F. pour la gestion de ses activités commerciales. La SNCF est une entreprise et doit désormais se comporter comme telle. Elle doit aujourd'hui accomplir des efforts importants pour améliorer son efficacité et devra être jugée, comme toute entreprise, sur ses résultats J'ai évoqué dans mon rapport quelques domaines où des progrès paraissent indispensables. Je crois en fait que la S. N. C. F. doit concentrer son attention sur la satisfaction de ses clients. Les usagers captifs d'autrefois sont aujourd'hui des clients qui ont souvent le choix entre plusieurs modes de transport et qui, à l'avenir, auront peut-être le choix entre plusieurs compagnies. La S.N.C.F. doit s'adapter pleinement à cette situation.

Voilà mes chers collègues, les grandes orientations de ce rapport, au terme duquel j'envisage de déposer, si vous en êtes d'accord, la proposition de résolution qui vous a été adressée. Ce texte est une base de discussion. Il pourrait être examiné par notre commission des Affaires économiques et devrait, à mon sens, faire l'objet d'un débat en séance publique. Je crois que le Sénat ne peut pas rester à l'écart des réflexions actuellement menées sur l'avenir du transport ferroviaire.

En conclusion, je voudrais dire qu'il me semble qu'il existe une voie permettant de concilier l'existence d'un service public de haut niveau et l'amélioration des performances et de la compétitivité de l'opérateur ferroviaire. Les institutions communautaires sont favorables au développement du rail et nous devons saisir cette opportunité en mettant en oeuvre des réformes qui. si nous tentons de les retarder, seront encore plus difficiles.

*

Au cours du débat qui a suivi, Mme Michelle Demessine, tout en approuvant le souhait du rapporteur que la France s'oppose aux nouvelles propositions de la Commission européenne, a contesté la démarche adoptée par sa proposition de résolution, estimant qu'il était contradictoire de s'opposer aux nouvelles propositions tout en souhaitant l'application de la directive de 1991 ; elle a fait valoir que cette dernière portait atteinte à l'unicité de la SNCF et risquait de conduire à un démantèlement du service public.

Mme Michelle Demessine a également observé que le rapporteur défendait une vision réductrice du service public, dans laquelle la SNCF ne conserverait que les activités les moins rentables, tandis que les autres seraient laissées à la concurrence. Elle a enfin indiqué que son groupe déposerait également une proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E . 510.

M. Nicolas About a tout d'abord remarqué que la directive de 1991 avait été introduite dans notre droit interne, qu'elle était applicable et qu'il ne servait à rien de s'y opposer. Il a fait valoir que les risques de cette directive pour la SNCT étaient très limites et qu'elle offrait au contraire une opportunité de mener à bien des réformes indispensables.

M. Nicolas About a souligné que, en revanche, la nouvelle proposition suscitait de nombreuses inquiétudes, dans la mesure où certaines dispositions de la précédente directive, notamment celles relatives au désendettement de l'entreprise ferroviaire, ne sont pas encore appliquées.

À propos du service public, M. Nicolas About a estimé que, dans son esprit, la SNCF n'avait évidemment pas vocation à rester responsable des seules activités non rentables. Il a observé qu'on constatait plutôt un certain désengagement de la SNCF à l'égard de ces activités, soit par le transfert sur route de certaines liaisons, soit par la concession à un autre opérateur comme la CFTA (Chemins de fer et Transports automobiles), qui gère certaines lignes de Bretagne.

M. Christian de La Malène a déclaré partager la position du rapporteur visant à demander au Gouvernement de s'opposer, en l'état, à l'adoption de la proposition E 510. Il a souhaité que, dans un domaine aussi sensible, le refus par le Sénat de cette nouvelle directive soit affirmé rapidement, afin qu'il puisse être pris en compte dans les travaux du Conseil. Il a remarqué que cette position aurait davantage de force si elle donnait lieu à un vote en séance publique.

M. Nicolas About lui a répondu que sa proposition de résolution avait précisément pour objet de permettre au Sénat de débattre de ces questions importantes et de se prononcer par un vote sur quelques grands principes. Il a déclaré souhaiter que la commission des affaires économiques puisse mener une instruction rapide de cette proposition de résolution.

M. Emmanuel Hamel s'interrogeant sur l'état d'application de la directive de 1991, M. Nicolas About a rappelé que cette directive avait fait l'objet d'une transposition en France et était donc applicable. Il a toutefois souligné que certaines dispositions importantes, comme l'assainissement financier de l'entreprise ferroviaire, n'étaient pas encore appliquées et a exprimé la crainte que l'élaboration du contrat de plan État-SNCF ne prenne encore beaucoup de temps. Il a ajouté que l'application très partielle de la directive de 1991 dans de nombreux États membres faisait sans doute partie des raisons qui avaient poussé la Commission européenne à formuler rapidement de nouvelles propositions. Celle-ci espère probablement accélérer ainsi les choses et pousser les États en retard à appliquer la première directive.

La délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par M. Nicolas About.

M. Jacques Habert observant que de nombreux passages de la proposition de résolution concernaient davantage la situation de la SNCF que la politique communautaire, M. Nicolas About, rapporteur, a souligné que la SNCF ne pourrait jouer un rôle dans l'espace européen que si de profondes réformes étaient entreprises au niveau français. Il a souligné qu'il était impossible sur un tel sujet de scinder les questions purement européennes et les questions nationales.

M. Emmanuel Hamel s'est interrogé sur le paragraphe de la proposition de résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à la proposition E 510 « afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ». Il a exprimé la crainte que la Commission européenne ne fasse alors pression sur la France afin que la directive soit appliquée.

M. Nicolas About a souligné qu'il était de l'intérêt de la SNCF et de la France d'appliquer la directive de 1991 et notamment ses dispositions relatives à l'assainissement financier des entreprises ferroviaires. Il a rappelé que d'autres pays avaient pris de l'avance sur la France dans la mise en oeuvre de réformes profondes de l'organisation du transport ferroviaire.

M. Christian de La Malène s'est alors déclaré très méfiant à l'égard des expériences anglaises dans ce domaine. Il a ajouté, que, afin que la concurrence ne soit pas faussée au profit des transports routiers, il fallait que les infrastructures ferroviaires transeuropéennes soient prises en charge par le budget communautaire et que la dette de la SNCF soit reprise par l'État.

La délégation a ensuite adopté le rapport d'information de M. Nicolas About et a approuvé le dépôt, par M. Nicolas About, de sa proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E 510 (voir texte ci-après).

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat.

Vu la proposition d'acte communautaire E 510 ;

Considérant que l'unification de l'espace européen peut constituer un facteur important de renouveau pour le transport ferroviaire ;

Considérant que la directive 91 440 du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer européens, repose sur quatre piliers : l'indépendance des entreprises ferroviaires à l'égard des États, l'assainissement financier, la séparation entre activité de transport et gestion de l'infrastructure, enfin une ouverture limitée du réseau ferroviaire à la concurrence ;

Considérant que le bilan de l'application de la directive de 1991 présenté par la Commission européenne ne permet aucunement d'évaluer les résultats de ce premier texte, qui n'a pas encore été transposé dans l'ensemble des États membres ;

Considérant que la proposition d'acte communautaire E 510 a pour objet d'étendre les droits d'accès à l'infrastructure, qui seraient désormais accordés à toutes les entreprises souhaitant offrir des services de transport de marchandises ou des services internationaux de transport de voyageurs :

Considérant que les conséquences possibles de l'extension des droits d'accès n'ont fait l'objet d'aucune réflexion préalable, notamment en ce qui concerne les risques d'écrémage du marché, la nécessité de maintenir un haut niveau de sécurité et un niveau de formation du personnel satisfaisant ;

- Demande au Gouvernement de s'opposer à la proposition d'acte communautaire E 510 afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ; souhaite qu'un bilan approfondi de cette directive puisse être établi par la Commission européenne et que les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence soient étudiées avec précision ;

Considérant que la coopération entre opérateurs ferroviaires peut souvent permettre des progrès substantiels dans l'unification de l'espace européen : que la politique communautaire de la concurrence doit prendre en compte les particularités du transport ferroviaire :

Considérant également que l'ouverture progressive à la concurrence est un phénomène irréversible et que les entreprises ferroviaires peuvent en tirer un important profit en termes d'efficacité :

- Demande que les accords de coopération entre opérateurs soient examinés en fonction des spécificités du transport ferroviaire et non seulement au regard des principes généraux de la politique communautaire de la concurrence ;

Considérant que l'absence de prise en compte de certains coûts externes -pollution, encombrements, accidents...- nuit au développement du transport ferroviaire ; que le chemin de fer ne pourra toutefois profiter d'une modification de cette situation que s'il améliore sensiblement ses performances dans le domaine du transport de marchandises ;

- Estime important de poursuivre les études sur la prise en compte des coûts externes entraînés par les différents modes de transport, afin de parvenir à une concurrence plus équilibrée entre le rail et la route ;

Considérant que la politique de l'Union européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport paraît aujourd'hui fragilisée du fait de l'absence de financements suffisants ;

- Invite le Gouvernement à agir au sein du Conseil afin qu'une clarification soit apportée sur la situation des projets de réseaux transeuropéens de transport, dont la réalisation paraît aujourd'hui compromise, faute de financement suffisants ;

Considérant que l'harmonisation technique entre réseaux et matériels européens a progressé tout en restant insuffisante : que les incompatibilités techniques sont source de coûts importants, qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire ;

- Souligne la nécessité de renforcer les actions menées dans le domaine de l'harmonisation technique, afin de faciliter l'unification de espace européen ;

Considérant que le transport combiné, malgré les soutiens dont il fait l'objet, tant au niveau communautaire qu'au niveau français, ne connaît qu'un développement assez lent et ne détient encore que des parts de marché limitées ;

- Souhaite que le transport combiné, compte tenu de ses avantages, fasse l'objet de mesures de soutien, tant au niveau communautaire qu'au niveau français ;

Considérant que la politique européenne n'est pas la source des difficultés de la SNCF ; que l'action communautaire offre au contraire une opportunité de mettre en oeuvre des réformes indispensables trop longtemps différées ;

Considérant que la SNCF est aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile, qui pose la question de sa survie dans un environnement en profonde évolution ;

Considérant qu'il est aujourd'hui en pratique impossible d'identifier les responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans la situation et l'évolution du transport ferroviaire ; que la séparation comptable entre exploitation et gestion de l'infrastructure doit permettre de progresser dans cette voie : qu'il paraît désormais peu souhaitable de laisser la SNCF prendre en charge la construction des nouvelles infrastructures ferroviaires ;

- Souligne la nécessité d'une clarification des responsabilités respectives de l'État et de la SNCF dans l'organisation du transport ferroviaire en France ; estime qu'il convient d'envisager une prise en charge par l'État de la construction de nouvelles infrastructures ;

Considérant que la situation financière de la SNCF n'est aujourd'hui plus supportable pour l'entreprise et qu'elle conduit à une démotivation profonde; que la directive du 29 juillet 1991 invite les États à assainir la situation des entreprises ferroviaires ;

- Estime qu'un assainissement important et rapide de la situation financière de la SNCF est indispensable ;

Considérant que la France est légitimement attachée au maintien de missions de service public ; que la SNCF n'est pas un service public, mais qu'elle est appelée à exercer des missions de service public ; que ces missions ne sont actuellement pas clairement identifiées ;

- Réaffirme son attachement à l'existence d'un service public du transport, élément indispensable de la politique d'aménagement du territoire et de la cohésion sociale ; observe que les missions de service public confiées à la SNCF devraient être définies de manière plus précise ;

Considérant que le transfert aux régions de la gestion du transport régional contribuera à la clarification des responsabilités et permettra de rapprocher la décision de l'usager ; qu'un tel transfert doit naturellement être accompagné d'un transfert de moyens suffisants ; qu'il convient, dans un premier temps, de mettre en place une expérimentation réversible ;

- Souhaite une mise en oeuvre rapide du transfert aux régions de la responsabilité du transport régional, dans le cadre de l'expérimentation prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 ; estime que ce transfert devrait se faire dans le cadre d'une réflexion globale, au niveau de l'État, sur l'avenir du transport ferroviaire ;

Considérant que la SNCF est une entreprise, qu'elle doit, à ce titre, disposer d'une large autonomie pour entreprendre les réformes indispensables à l'amélioration de son efficacité : qu'elle doit dès lors être jugée sur les résultats qu'elle obtiendra ;

- Souligne que la SNCF, qui dispose de nombreux atouts, doit entreprendre de profondes réformes de fonctionnement et améliorer rapidement ses performances, afin d'être un opérateur dynamique et conquérant dans l'espace européen.

Cette proposition de résolution a été publiée sous le n° 332
(1995-1996).

Elle a été renvoyée à la commission des Affaires
économiques et du Plan.

Le rapport de M. Nicolas About : « L'Europe : une chance
pour la S.N.C,F ? »
a été publié sous le n° 331 ( 1995-1996)

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