RÉPONSE DE M. ADRIEN GOUTEYRON,
SÉNATEUR DE LA HAUTE-LOIRE,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES DU SÉNAT

M. Adrien Gouteyron, sénateur de la Haute-Loire .- Je veux tout d'abord donner acte au ministre de la culture de l'action importante de rééquilibrage qu'il a engagée entre Paris et la province. Les chiffres des crédits affectés à son ministère et leur répartition le montrent facilement. L'objectif, certes, n'est pas encore atteint, mais on peut penser qu'il le sera au terme des dix ans prévus par la loi. L'objectif est que deux-tiers des crédits de l'Etat soient affectés aux régions autres que l'Ile-de-France.

Monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas qu'il est nécessaire de bien définir les principes selon lesquels s'opérera le rééquilibrage entre Paris et la province, faute de quoi celui-ci risque de cacher un déséquilibre profond à l'intérieur de la province ?

Je ne veux pas reprendre ici les termes de métropolisation ou de mégapolisation, mais, la province connaît effectivement aussi certaines mégalopoles ! Il faut donc que ce rééquilibrage s'accompagne d'une définition de la culture -et je reprends votre expression- qui soit une culture de proximité, une culture modeste. Cela ne signifie pas une culture au rabais : cela peut même être exactement le contraire !

Quels sont donc les principes selon lesquels ce rééquilibrage s'accompagnera d'un équilibre à l'intérieur de la province ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture .- Bien évidemment, il n'existe pas de culture au rabais ! Il y a deux réponses à votre question. Tout d'abord, il faut éviter de faire les mêmes erreurs en province que celles qu'on a commises à Paris pendant trente ans. Il est hors de question de penser que les grandes villes de France vont absorber l'ensemble des crédits, sans penser aux villes ou aux campagnes autour d'elles.

Pour cela, il y aura une politique de conventionnement. Il existe un cahier des charges très strict, que ce soit au niveau de la musique ou le théâtre. Fin 1996, le cahier des charges que nous aurons définis avec l'ensemble des collectivités devra être tenu, sinon, pour la première fois dans ce pays, les subventions ne seront pas reconduites.

En effet, le drame de ce ministère est que, dès l'instant où quelqu'un a eu une subvention, il estime qu'il a droit à la même subvention, majorée de 10 % ! Nous avons commencé à le faire il y a plus de six mois...

Ma seconde réponse est la seule qui vaille en matière de politique culturelle : on ne peut faire croire qu'on va saupoudrer, en permanence, les différents festivals et associations culturelles. On arrivera à appauvrir notre tissu culturel. Oui, il faut soutenir les festivals d'Aix et d'Avignon, mais cela veut dire donner moins à des festivals qui n'apportent pas de véritable réponse aux attentes culturelles de nos concitoyens. Cette politique a été ouverte lors du budget 1995 ; elle sera poursuivie dans le budget 1996.

M. Adrien Gouteyron .- Par ailleurs, nous avons tous en tête les débats qui ont eu lieu et l'effort de définition qui a été fait autour la notion d'université thématique.

Or, j'ai eu un peu le sentiment, en entendant le ministre de l'éducation nationale, qu'il respecterait certes la loi, mais sans conviction. La fin de votre propos a corrigé cette impression, car la définition que vous avez donnée des universités -dont le champ doit être restreint et qui doivent être couplées avec des programmes de recherche de haut niveau- correspond très exactement à celle que le Sénat s'est efforcé de donner.

La loi précise qu'il faudra profiter de la croissance des effectifs à accueillir dans nos universités pour créer d'autres universités de ce type dans les années qui viennent. Quelle est votre intention pour que cela se réalise dans les cinq ou six années qui viennent ? Ce point est fondamental pour nous !

M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .- Je crois que nous essayons de dire les mêmes choses, chacun à notre manière...

Il n'y a pas d'université sans recherches. Deux de choses l'une : ou bien l'on circonscrit le sujet de ces universités pour qu'elles puissent entretenir une recherche de haut niveau, ou l'on installe ces pôles dans une université où existe une recherche de haut niveau pour que le développement puisse en profiter.

J'ai dit que je respecterai la loi : je la respecterai parce que je la crois juste, vraie, parce que c'est la loi. Mais je ne la respecterai pas pour la raison que tu as dite ! Je crois fort heureusement que nous sommes en limite de croissance du nombre d'étudiants dans les universités. Ce n'est pas une croissance exponentielle : on peut en prévoir les éléments. Aujourd'hui, selon nos prévisions nous atteignons un plateau. Heureusement !

En revanche, nous savons qu'un très grand nombre d'étudiants se trouvent dans certaines filières par erreur d'orientation, et ce pour deux raisons, soit parce qu'ils n'ont pas eu les informations suffisantes, soit parce que les filières vers lesquelles ils auraient pu s'orienter n'existaient pas.

D'où mon insistance sur le point de la création d'un autre visage de l'université française, qui est le visage technologique, d'où l'importance des réseaux, d'où l'obligation dans laquelle nous sommes de penser de manière complètement différente le développement des universités, notamment à l'égard de la professionnalisation -car nous vivons dans une espèce d'ambiguïté que nous entretenons, en faisant croire aux étudiants, après avoir constaté que le chômage grandissait, que notre seule obligation était de leur fournir un diplôme, comme si diplôme valait emploi, alors que nous savons que ce n'est plus le cas !

Nous sommes donc obligés de poser la question de l'élargissement du champ universitaire vers des activités qui, pour l'instant n'y sont pas prises en compte. Sans doute une des raisons de l'effondrement d'une partie de notre tissu industriel est venue du peu de dignité que les disciplines fondamentales qui auraient dû l'animer possédaient dans le champ universitaire.

Nous continuons à vivre dans un système de castes dans lequel c'est la tête qui commande et la main qui obéit. La France ne s'occupe pas de la main, comme si c'était déroger que de s'occuper de cette partie pourtant essentielle ! C'est la grande grandes différence avec l'Allemagne...

Nous avons donc le devoir d'appliquer la loi, non parce qu'il s'agit d'une obligation, mais parce que notre aspiration à voir l'université française changer dans son organisation et dans sa quête d'égalité des chances est la principale raison qui nous y oblige.

M. François-Michel Gonnot, président .- François Bayrou nous a dit avec conviction combien une école, un lycée, une université, un pôle de recherche pouvaient contribuer à la structuration du territoire ; Philippe Douste-Blazy nous a également convaincus de la nécessité d'une politique culturelle pour attirer et retenir des entreprises, notamment en matière économique. L'un et l'autre ont témoigné des possibilités que permettra la loi d'orientation et des actions déjà engagées.

Mais que dire, Bernard Pons, en matière de structuration du territoire, lorsqu'il s'agit d'une route, d'une voie ferrée ou d'un aéroport ? ... Si nous sommes, nous, élus, toujours très friands de ces infrastructures, peut-être François Fillon pourrait-il nous affirmer qu'un réseau de fibres optiques est tout aussi structurant. Nous entrons là dans une dimension du futur, que certains élus n'ont peut-être pas toujours apprécié dans toute leur importance.

La France se prépare à la déréglementation en matière de télécommunications. Comment votre ministère, François Fillon, peut-il contribuer à cette nouvelle politique d'aménagement du territoire que tracent les lois Pasqua ?

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