introduction

Mesdames, Messieurs,

Créée, à l'initiative de la France, par un accord signé à Paris le 31 mai 1990, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a pour rôle de favoriser la transition des économies des pays de l'Est vers l'économie de marché et d'y favoriser l'initiative privée et l'esprit d'entreprise. Il convient d'ailleurs de souligner que cette mission s'étend géographiquement -contrairement à ce que suggère le nom même de la Banque- au-delà des seuls pays d'Europe centrale et orientale et que l'activité de la BERD s'applique également à l'ensemble des pays issus de l'ex-Union soviétique, ce qui lui confère un rôle encore plus important pour l'avenir.

Le caractère essentiel des missions dévolues à la BERD a conduit le Sénat -et singulièrement sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées- à attacher une grande attention à l'évolution de ses activités.

Dès juin 1990, notre commission avait autorisé l'approbation de l'accord portant création de la Banque. Votre rapporteur avait alors (rapport n° 434, 1989-1990) approuvé la création d'une banque dont les interventions viseraient spécifiquement l' " autre Europe " et souligné l'originalité de cette dernière-née des institutions financières internationales, tant sur le plan politique que technique. De nombreuses questions restaient toutefois alors posées sur l'orientation et l'efficacité des actions de la Banque et des incertitudes importantes demeuraient sur l'évolution, aussi bien politique et économique, des pays d'Europe de l'Est ou issus de l'URSS.

Deux ans plus tard, en juillet 1992, votre rapporteur (rapport d'information n° 500, 1991-1992, fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne) n'ava it pu qu'exprimer un certain nombre d'inquiétudes sur les débuts de la BERD, installée à Londres et alors présidée par M. Jacques Attali qui avait été à l'origine directe de la création de cette nouvelle institution. Au-delà d'une gestion critiquée, la Banque ne semblait pas parvenir à résoudre une difficile équation : concilier un objectif de développement -favoriser l'accession des anciennes économies planifiées à l'économie de marché- avec le respect des principes bancaires traditionnels et des impératifs de rentabilité. La dichotomie, inscrite dans l'organigramme de la Banque, entre banque d'affaires et banque de développement apparaissait source de tensions, sinon de contradictions, dans l'activité de la BERD et risquait de compromettre la cohérence de son action et, par là, sa crédibilité et son efficacité.

L'avenir de la Banque et la mission asignée à son nouveau Président -M. Jacques de Larosière, élu à ce poste en 1993, après avoir été notamment directeur général du Fonds monétaire international de 1978 à 1987- imposaient donc de redresser rapidement l'image de la jeune institution par une gestion rigoureuse, des objectifs clairement affichés et des moyens d'intervention adaptés et cohérents.

Chacun sait que ces objectifs difficiles ont été, depuis trois ans, largement atteints, ainsi que l'illustre la crédibilité de la BERD auprès des milieux financiers internationaux, l'attente croissante qu'elle suscite dans le quelque 25 pays concernés -regroupant plus de 400 millions d'habitants- et le doublement de son capital décidé à l'unanimité par son assemblée générale qui s'est réunie à Sofia en avril 1996.

L'importance des enjeux liés à la transition économique des pays de l'Est -qu'il s'agisse de l'évolution des pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion à l'Union européenne ou de la situation économique de la Russie et des pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants)- justifiait néanmoins de tenter de dresser un nouvel état de la situation et des activités de la BERD.

C'est dans cet esprit que notre commission a procédé le 13 novembre dernier à une audition -élargie aux membres de la commission des Finances et de la délégation du Sénat pour l'Union européenne- de M. Jacques de Larosière dont on trouvera ci-joint, en raison de son intérêt tout particulier, le compte rendu intégral. C'est dans cet esprit aussi que votre rapporteur a jugé utile d'actualiser dans le présent rapport d'information quelques données essentielles sur l'organisation et le fonctionnement de la BERD -rendue plus rigoureuse et plus opérationnelle- et sur le bilan actuel de ses activités et ses perspectives d'avenir, avant de formuler quelques observations sur les avancées, positives mais inégales, de la transition dans les économies des pays de l'Est, et notamment de la Russie.

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I. LE FONCTIONNEMENT DE LA BERD : UNE GESTION RESSERRÉE ET UNE STRATÉGIE RECENTRÉE SUR LES PRIORITÉS OPÉRATIONNELLES

A. L'ORGANISATION RÉNOVÉE DE LA BANQUE

1. Les structures principales de la BERD

Il convient d'abord de rappeler ici les structures principales de la BERD qui est dotée par ses statuts, comme il est de règle générale dans les organisations financières internationales, d'un conseil des gouverneurs, d'un conseil d'administration, d'un président et de vice-présidents, ainsi que d'agents qui en constituent le personnel.

- Le président et les membres du conseil d'administration sont désignés par le conseil des gouverneurs qui réunit les représentants des différents actionnaires au niveau ministériel (en France, le ministre de l'économie et des finances) et qui se tient en principe une fois par an, lors de l'assemblée générale annuelle de la Banque.

- Le conseil d'administration représente les actionnaires. Ceux-ci sont aujourd'hui au nombre de 60, regroupés en 23 " constituencies " (ou " bureaux "). L'organisation de la BERD présente en effet la particularité de compter un conseil d'administration permanent dont les membres sont installés dans les locaux de la Banque elle-même et rémunérés par elle.

Les statuts prévoient que les pays de l'Union européenne et l'Union elle-même, qui est ainsi pour la première fois actionnaire en tant que telle d'une organisation financière internationale, doivent détenir la majorité du capital. Leur part cumulée est aujourd'hui de 55,8 % tandis que les " pays du champ " sont eux-mêmes actionnaires à hauteur de 10,7 % -dont 4 % pour la seule Russie. La France détient une part substantielle (8,5 %) du capital, égale à celles de l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et le Japon. Les Etats-Unis sont le premier actionnaire avec 10 % mais des pays comme le Maroc ou l'Egypte le sont aussi. Le conseil d'administration se réunit tous les quinze jours.

- La direction de la Banque est assurée par le président, nommé pour quatre ans et entouré de quatre vice-présidents chargés chacun d'un secteur particulier. Le premier vice-président, américain, dirige le département bancaire ; les autres vice-présidents sont pour leur part en charge, respectivement, du département financier, de l'administration et du personnel, et de l'évaluation des projets. Le secrétaire général s'occupe principalement de la préparation du conseil d'administration et des relations avec les membres.

Le président est également assisté d'un " chief economist ", d'un " general counsel " (qui est, en fait, le chef du département juridique) et d'un audit indépendant. L'ensemble de ces personnes, hormis le responsable de l'audit interne qui rapporte directement au président, constitue le comité exécutif qui est l'organe de direction le plus important après le conseil d'administration.

- La Banque emploie au total (chiffres au 31 mai 1996) 1 062 personnes dont 132 recrutées localement par les bureaux de résidents qui ont été ouverts dans la plupart des pays. Sur 930 employés de la Banque -dont 108 à statut spécial- 86 étaient affectés au conseil d'administration. La très large majorité des personnels réellement employés par les différents services de la Banque était affectée au " banking department " : 471 dont 21 résidents. Celui-ci est donc, de très loin, le plus gros service (le suivant, celui des finances, ne compte que 136 unités), ce qui confirme la priorité accordée aux opérations.

M. Jacques de Larosière a précisé devant notre commission que les personnels français représentaient 8,2 % des effectifs de professionnels de la Banque, ce qui correspond à peu près à la quote-part de notre pays dans le capital de l'institution.

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