III. LA TRANSITION ÉCONOMIQUE : UNE MUTATION HISTORIQUE BIEN AMORCÉE MAIS QUI EXIGERA ENCORE DES EFFORTS CONSIDÉRABLES

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE : DES AVANCÉES RAPIDES MAIS INÉGALES ET CONTRASTÉES SELON LES RÉGIONS CONSIDÉRÉES

1. Des perspectives globalement encourageantes

Le dernier " rapport sur la transition" , publié par la BERD en novembre 1996, dresse un bilan globalement positif de l'évolution de la transition économique des pays de l'Est et relève, en particulier, des progrès notables au cours de l'année écoulée.

Cinq données principales doivent être principalement relevées.

a) Les réformes accomplies font apparaître des avancées considérables réalisées en quelques années. Des transformations fondamentales ont été opérées, qui mettent en cause les fondements mêmes du fonctionnement des économies concernées, la répartition des pouvoirs et les structures sociales elles-mêmes.

Des progrès importants ont été accomplis dans le développement de l'activité du secteur privé, de la libéralisation des prix et du commerce extérieur, et de la maîtrise de l'inflation.

Le retour à la croissance économique constitue cependant un élément très important pour la poursuite du processus de transition économique qui risquerait d'être remis en cause s'il ne se traduisait de manière positive et concrète pour les populations concernées. A cet égard (cf. 2. ci-dessous), les pays d'Europe centrale et orientale et les pays baltes connaissent désormais une croissance positive, tandis que les pays de la CEI ont connu une évolution moins rapide, même s'ils semblent aujourd'hui en mesure d'amorcer une reprise.

b) En matière d'investissements , les besoins restent très importants. A cet égard, le renforcement des systèmes bancaires locaux est appelé à jouer un rôle capital pour développer l'épargne intérieure qui devra financer l'essentiel de ces investissements - ce qui justifie la priorité qu'accorde la BERD au développement de ce secteur.

Les investissements étrangers dans l'ensemble de la zone restent encore -on l'a vu- relativement faibles. Ils progressent néanmoins de façon très rapide. Ils ont ainsi doublé en un an, passant de 6 milliards de dollars d'investissements étrangers directs en 1994 à 12 milliards en 1995. Au total, de 1989 à 1995, l'ensemble des pays de la zone n'a toutefois attiré que 30 milliards de dollars d'investissements directs étrangers.

La tendance est cependant très positive et favorable au développement rapide de ces investissements. On doit également relever un accroissement sensible des mouvements de capitaux dans certains pays. La Pologne et la République tchèque ont ainsi attiré chacune un milliard de dollars en 1995, et plus encore en 1996 -ce qui constitue un signe encourageant du développement des marchés de capitaux et des privatisations dans ces pays-.

c) Le développement d'un secteur financier et bancaire constitue -c'est le troisième point- un véritable défi , s'agissant d'un domaine qui était très peu développé, voire quasi-inexistant, dans les économies planifiées antérieures.

Si des progrès ont été réalisés, beaucoup reste encore à faire avant que ces pays puissent s'appuyer sur un secteur bancaire sain et efficace. Il faudra encore du temps pour développer les institutions nécessaires et les doter de l'expérience et de la crédibilité indispensables. Ainsi que l'a souligné fortement le président de la BERD, "des problèmes difficiles restent encore à résoudre : bilans alourdis par des créances douteuses ou irrécouvrables, insuffisante capitalisation, ressources trop courtes, frais généraux excessifs, systèmes de contrôle interne insuffisants... Pour renforcer ce secteur vital, des mesures doivent être prises sur les trois fronts que sont la stabilisation macro-économique, l'assainissement des banques et la supervision bancaire. Les progrès à réaliser ne seront pas faciles. Mais ils sont la clé du développement de l'épargne et des marchés de capitaux et permettront de mobiliser des sources considérables de croissance économique."

d) En quatrième lieu, l'importance de la restructuration des grandes entreprises justifie également une action intensifiée de la BERD en ce domaine.

Les besoins demeurent en la matière considérables -y compris après les privatisations- compte tenu de l'ampleur des problèmes hérités des précédents régimes. Il faudra, là aussi, beaucoup de temps pour adapter l'organisation et les méthodes de production aux exigences de l'économie de marché. Les principaux obstacles aux progrès de la restructuration sont d'ordre financier et social, mais aussi juridiques.

Les contraintes de la concurrence et de la réduction des subventions budgétaires provoquent cependant des avancées positives. Ainsi, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque imposent une stricte discipline financière à leurs entreprises.

Alors que les investisseurs privés hésitent encore à engager des capitaux à long terme dans ce domaine de la restructuration, la BERD a développé son action en la matière, notamment en Russie (avec l'entreprise de poids lourds Kamaz, les usines automobiles Gorki), en Hongrie (avec les entreprises de produits plastiques Graboplast et Borsod Chem, l'entreprise pharmaceutique EGIS), en Slovaquie (Slovenida Lodenice : reconversion d'un constructeur naval militaire) ou encore en Croatie (entreprise pharmaceutique Pliva)...

e) Enfin, les besoins restent également très importants en matière d'infrastructures . Après des dizaines d'années de mauvaise gestion et de manque d'entretien, et compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, les investissements nécessaires sont considérables. Mais, là encore, si leur potentiel s'accroît à mesure que la transition progresse, les financiers privés hésitent encore souvent à effectuer seuls les investissements à long terme nécessaires en la matière.

La BERD s'efforce donc là aussi de jouer un rôle "additionnel" actif, des infrastructures adaptées étant capitales dans des domaines aussi variés que les télécommunications, l'électricité, l'eau ou les ports, pour ne citer que quelques exemples.

L'ensemble de ces évolutions et l'ampleur des difficultés qui restent à résoudre appellent trois observations :

- ces évolutions doivent d'abord être restituées dans une perspective historique pour faire l'objet d'une juste appréciation ; ainsi que l'a souligné le Président de Larosière devant notre commission, des transformations fondamentales ont été opérées en moins de cinq ou six ans ; "si nous songeons au temps qu'il a fallu pour que l'Europe occidentale libéralise son économie après la deuxième guerre mondiale, nous ne pouvons qu'être frappés par la rapidité des progrès accomplis par la plupart des pays de la région" ;

- mais il est aussi essentiel que les avancées enregistrées se traduisent par des changements positifs pour les populations concernées (plus de 400 millions d'habitants), car le coût des réformes en cours et des changements engagés est nécessairement très élevé sur le plan social , et éventuellement politique ; le retour d'une croissance économique élevée est de ce fait essentiel pour éviter l'accroissement de la pauvreté dans les pays de la zone et empêcher le risque d'une interruption du processus de transition ;

- enfin, les traits dominants évoqués ci-dessus ne sauraient dissimuler des évolutions très contrastées selon les pays concernés , principalement entre les pays d'Europe centrale et orientale et les pays de la CEI.

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