Rapport d'information n° 290 : Mission en Australie et en Nouvelle-Zélande du 7 au 16 février 1997


MM. Xavier de VILLEPIN, Jean-Luc BECART, Didier BOROTRA, André BOYER, Maurice LOMBARD et André ROUVIERE, Sénateurs


Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 290 - 1996/1997

Table des matières






N° 290

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mars 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée en Australie et en Nouvelle-Zélande du 7 au 16 février 1997,

Par MM. Xavier de VILLEPIN, Jean-Luc BÉCART, Didier BOROTRA, André BOYER, Maurice LOMBARD et André ROUVIÈRE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.

Pacifique sud. - Australie - Nouvelle-Zélande - Rapports d'information.

Mesdames, Messieurs,

Une délégation de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a effectué, du 7 au 16 février 1997, une mission d'information en Australie et en Nouvelle-Zélande. Conduite par M. Xavier de Villepin, président de la commission, cette délégation était également composée de MM. Jean-Luc Bécart, Didier Borotra, André Boyer, Maurice Lombard et André Rouvière.

Cette mission parlementaire revêtait une signification politique forte. Elle constituait en effet la première visite politique française de haut niveau dans ces pays depuis l'ultime campagne d'essais nucléaires français à Mururoa et Fangataufa, achevée début 1996.

Ces essais avaient -on le sait- fortement affecté, au moins sur le plan politique, nos relations bilatérales avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui avaient pris la tête du mouvement de protestations contre les expérimentations françaises, tant dans les enceintes internationales (action devant la Cour Internationale de justice, approbation de la suspension de notre statut au dialogue du Forum du Pacifique sud, soutien aux résolutions condamnant les essais au sein du Commonwealth et à l'assemblée générale des Nations unies) que sur le plan bilatéral, avec notamment le gel par Canberra et Wellington de nos relations de défense dès juin 1995.

Plus d'un an après la fin des essais français début 1996, l'affaire est aujourd'hui classée et le dossier clos. L'arrêt définitif des essais français a été accompagné de la signature par Paris -très importante pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande- des protocoles au traité de Rarotonga relatifs à l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique sud, puis de la signature du CTBT (traité d'interdiction complète des essais) et du démantèlement de nos sites de Mururoa et Fangataufa. Les gouvernements australien et néo-zélandais ont alors progressivement entamé la " normalisation " de leurs rapports avec Paris : levée des mesures de rétorsion prises contre la France et relance du dialogue politique (avec notamment les visites à Paris du ministre néo-zélandais du commerce extérieur et du ministre australien des affaires étrangères, respectivement en mai et septembre 1996).

Il est, dans ce contexte, apparu à votre commission particulièrement opportun d'accomplir également, du côté français, un geste politique significatif symbolisant la volonté conjointe d'accompagner et de favoriser ce processus de relancer les relations politiques bilatérales entre la France d'une part, l'Australie et la Nouvelle-Zélande d'autre part.

Ce rétablissement, désormais acquis, permettra la poursuite du développement des échanges économiques, financiers et commerciaux entre la France et cette partie du monde qui ne manque pas d'atouts pour constituer une base efficace pour la présence française en Asie, qui représente aujourd'hui une priorité affichée de la diplomatie et de l'économie françaises. Il doit aussi favoriser la valorisation de notre présence culturelle dans la région et conforter la présence et l'action de coopération française da ns le Pacifique sud.

C'est dans cet esprit que notre commission a retenu, dès l'année dernière, le principe d'une mission d'information en Australie et en Nouvelle-Zélande et a décidé d'y consacrer son principal déplacement de l'année 1997.

M. Xavier de Villepin, président de la commission, a notamment reçu à Paris, pour amorcer la préparation de cette mission, S. Exc. M. Dominique Girard, ambassadeur de France en Australie, dès août 1996 et M. Alexander Downer, ministre austalien des affaires étrangères, lors de sa visite en France en septembre dernier.

La délégation de la commission, une fois constituée, a ensuite eu trois réunions de travail successives en janvier 1997, avec :

- S. Exc. M. John Spender, ambassadeur d'Australie à Paris,

- S. Exc. M. Richard Woods, ambassadeur de Nouvelle-Zélande à Paris,

- et M. François Dopffer, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère des Affaires étrangères.

Dans ce cadre, la mission de votre délégation -malgré la brièveté de son déplacement- s'est effectuée dans les meilleures conditions. Nous le devons d'abord, naturellement, à MM. Dominique Girard et Jacques Le Blanc, ambassadeurs de France à Canberra et à Wellington, et à leurs collaborateurs dont la compétence, le dynamisme et la disponibilité ont assuré l'excellent déroulement des travaux de la délégation. Nous le devons surtout à la qualité et à la chaleur de l'accueil réservé à la délégation sénatoriale par les plus hautes autorités australiennes et néo-zélandaises qui ont ainsi manifesté, une nouvelle fois, leur volonté de donner une impulsion nouvelle et forte à leurs relations avec la France, indiquant qu'ils avaient à la fois compris et partagé le sens de la démarche de notre commission. Que tous trouvent ici l'expression de la reconnaissance et de la gratitude de chacun des membres de la délégation.

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PREMIÈRE PARTIE -
LES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION :
RELANCE ET RENOUVEAU DES RELATIONS BILATÉRALES

A l'occasion de ses séjours successifs à Sydney et Canberra -en Australie- et à Wellington -en Nouvelle-Zélande-, la délégation a eu de multiples contacts avec les plus hautes autorités australiennes et néo-zélandaises, tant gouvernementales que parlementaires. Tous ont réservé un très bon accueil à la première mission officielle française depuis 1995, marquant ainsi, dans une excellente atmosphère, la volonté d'aller de l'avant dans les relations bilatérales après avoir scellé la " réconciliation " consécutive à la fin des essais nucléaires français.

I. LE SÉJOUR DE LA DÉLÉGATION À SYDNEY (8-11 FÉVRIER 1997)

1. L'entretien avec M. Bob Carr, Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud

Son séjour à Sydney a permis à la délégation de constater à la fois l'importance et le degré d'indépendance de la Nouvelle Galles du Sud qui constitue le principal des Etats australiens sur le plan économique, démographique et culturel, et qui est aujourd'hui le seul à être gouverné par le parti travailliste.

M. Bob Carr, Premier ministre, a reçu la délégation le 10 février 1997 dans une atmosphère cordiale et chaleureuse.

Il a d'abord appelé de ses voeux un accroissement des investissements français , pourtant déjà substantiels, dans son Etat et souligné l'intérêt, pour des entreprises françaises et européennes, de faire de Sydney la base de leur pénétration du marché asiatique. Il a relevé d'importantes potentialités de coopération, notamment dans le domaine de l'électricité et du traitement des eaux.

Evoquant ensuite, à la demande de M. Xavier de Villepin, président de la délégation, l'éventualité de la construction d'une liaison ferroviaire à grande vitesse entre Sydney et Canberra , M. Bob Carr a indiqué qu'il croyait à la faisabilité du projet mais souligné qu'il devait être réalisé à coût financier nul pour l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud.

M. Xavier de Villepin, président, ayant évoqué le programme de privatisations en cours, le Premier ministre en a précisé le déroulement et indiqué qu'une privatisation de la gestion de l'aéroport de Sydney était envisagée et pourrait fournir l'occasion de participation de sociétés françaises.

M. Bob Carr a alors répondu aux questions des membres de la délégation -MM. Xavier de Villepin, Maurice Lombard, André Boyer, Jean-Luc Bécart, Didier Borotra et André Rouvière- sur l'organisation des Jeux olympiques de l'an 2000. Il a réaffirmé sa conviction que ces Jeux seraient un grand succès et constitueraient une " vitrine " très utile pour promouvoir le développement de Sydney. Il s'est dit confiant sur le plan financier, au moment où son Etat réduisait son endettement, allant jusqu'à espérer que l'organisation des Jeux pourrait dégager un bénéfice. Il s'est montré plus préoccupé par les problèmes d'hébergement des visiteurs, de transports -notamment aérien-, et de sécurité.

M. Bob Carr a indiqué aux membres de la délégation qui s'inquiétaient de l'absence des épreuves de slalom de canoé-kayak en eaux vives du programme des Jeux de Sydney que cette question relevait du comité d'organisation, mais que cette épreuve n'avait pu être retenue en raison du coût élevé des infrastructures qu'elle exigeait, dont les Australiens n'auraient plus ensuite l'usage.

Le Premier ministre a enfin souligné, en réponse à M. Didier Borotra, la qualité des relations de son pays avec le Japon et avec la Chine.

2. L'entretien avec M. Michaël Knight, ministre des Jeux olympiques de Nouvelle-Galles du Sud, et la visite au SOCOG (comité organisateur des Jeux olympiques)

a) L'entretien avec M. Michaël Knight

Au cours de son entretien avec la délégation, M. Michael Knight, ministre des Jeux olympiques et des routes de Nouvelle Galles du Sud et président du comité d'organisation des Jeux, a souligné à la fois la très grande responsabilité que constituait l'organisation des Jeux olympiques et la conviction qu'ils serviraient l'image de Sydney et de l'Australie dans le monde.

Il a souligné l'importance des dispositions à prendre en matière de sécurité pour prévenir tous les risques en ce domaine, depuis l'attaque d'un commando terroriste comme à Munich, jusqu'à un acte de violence individuel comme à Atlanta, en passant par les risques de débordement des foules comme lors de certaines rencontres de football.

M. Michael Knight a ensuite répondu aux questions de M. André Rouvière sur les droits de retransmission télévisée des Jeux -déjà presque tous vendus-, de M. André Boyer sur la construction du village olympique et sur l'accent mis sur les questions d'environnement , de M. Didier Borotra sur la répartition des rôles -s'inspirant du précédent de Barcelone- dans l'organisation des Jeux. Le ministre a précisé qu'il espérait que, malgré leur coût, les Jeux olympiques permettraient de dégager un léger bénéfice .

Abordant enfin, à la demande de M. Xavier de Villepin, président, la question des épreuves de slalom en eaux vives de canoé-kayak , M. Knight a indiqué très fermement qu'en accord avec le CIO (comité olympique international) ces épreuves ne figureraient pas au programme des Jeux de Sydney en raison à la fois du coût élevé d'installations qui seraient ensuite inutiles et de la volonté de ne pas augmenter encore le nombre des participants aux Jeux. Il a précisé à M. Jean-Luc Bécart-qui indiquait que les organisateurs australiens pourraient se rapprocher des experts lillois qui avaient pu résoudre la même difficulté dans le cadre de la candidature de Lille aux Jeux olympiques de 2004 et qui soulignait le caractère très spectaculaire et télégénique de cette épreuve de canoé- que la décision concernant les Jeux de Sydney était définitive et que, au demeurant, les contrats concernant les droits de retransmission télévisée étaient d'ores et déjà conclus.

b) L'organisation des Jeux olympiques

La délégation a ensuite bénéficié d'une présentation de l'organisation et des sites des Jeux olympiques, en présence de M. Greg Smith, coordinateur du SOCOG.

Les Jeux olympiques de Sydney (du 15 septembre au 1er octobre 2000) rassembleront 10 200 athlètes et 15 000 représentants des médias, tandis que 5,5 millions de billets seront vendus à cette occasion.

Le SOGOC bénéficiera du concours de 1 500 personnes à temps plein et d'environ 40 000 volontaires. Vingt-huit disciplines sportives se dérouleront sur trente-cinq sites différents -auxquels s'ajouteront une centaine de lieux d'entraînement.

Les Jeux olympiques proprement dits seront suivis, du 18 au 29 octobre 2000, des Jeux paralympiques. Enfin diverses manifestations culturelles précéderont les Jeux, notamment le plus grand " relais de la torche olympique " depuis la création des Jeux.

Il a enfin été précisé à la délégation que le budget du SOCOG s'élevait à 9,7 milliards de francs et que tous les athlètes participant aux Jeux seraient logés dans le même village olympique.

3. L'entretien avec M. Peter Collins, chef de l'opposition libérale de Nouvelle Galles du Sud.

Recevant à son tour la délégation sénatoriale, M. Peter Collins, chef de l'opposition au gouvernement de Nouvelle Galles du Sud, a principalement évoqué quatre sujets en réponse aux questions des membres de la délégation :

- il a précisé que, tout en étant libéral, il était fermement partisan de l'instauration en Australie de la République, avec un chef d'Etat qui serait doté de compétences limitées dans le cadre d'un régime parlementaire ;

- s'agissant des Jeux olympiques, il a souligné les difficultés réelles que soulevaient les problèmes de transports et d'infrastructures ;

- M. Collins, après avoir affirmé sa francophilie et le fait que la question des essais nucléaires était désormais close, a souhaité que la France continue à jouer un rôle actif dans le Pacifique sud où elle contribue à l'aide au développement et à la stabilité de la région ;

- le chef de l'opposition, ancien officier de Marine, a enfin souhaité une plus grande fréquence des visites de bâtiments de la Marine française dans les ports australiens.

4. La visite de la délégation du Parlement de Nouvelle-Galles du Sud

La délégation sénatoriale a également été reçue avec chaleur au Parlement de Nouvelle-Galles du Sud par M. John Murray, " speaker " de l'Assemblée législative (chambre basse), avant de participer à un déjeuner offert par M. Max Willis , président du Conseil législatif (chambre haute).

Les échanges ont principalement porté sur les questions institutionnelles :

- relations entre les différents Etats australiens et la fédération,

- organisation des pouvoirs et rapport des forces politiques en Nouvelle Galles du sud,

- et avenir du débat sur la monarchie ou la République en Australie.

Il a été à cette occasion précisé que le Parlement de Nouvelle Galles du Sud est le plus ancien du pays. Il légifère dans le domaine de la santé, de l'éducation, des transports, de l'énergie, de la police, de l'agriculture et du développement industriel local. Il vote la loi de finances et le gouvernement -dont tous les membres doivent être parlementaires- est responsable devant lui.

Le Parlement est composé de deux assemblées : l'Assemblée législative , composée de 99 membres élus pour quatre ans au scrutin majoritaire à un tour, et le Conseil législatif , composé de 42 membres également élus, pour huit ans, au suffrage universel selon un mode de scrutin combinant scrutin majoritaire et représentation proportionnelle.

5. Les contacts avec la Marine australienne

Au cours de son étape de Sydney, la délégation a eu plusieurs contacts avec les forces armées et l'industrie d'armement australiennes.

Elle a visité, le 11 février 1997, le quartier général de la Marine australienne où elle a été reçue par le Commodore Jeff Walpole. Elle s'est entretenue avec le chef d'état-major qui a notamment précisé les relations de la Marine australienne avec ses voisins asiatiques et l'attitude de l'Australie, plus souple que celle de la Nouvelle-Zélande, quant aux visites des navires " nucléaires " (porteurs d'armes nucléaires ou à propulsion nucléaire).

Il a été en outre précisé que la marine australienne rassemble 13 370 militaires d'active (sur un total de 53 800 pour l'ensemble des forces armées australiennes), environ 2 000 réservistes et 3 500 personnels civils.

La délégation a ensuite visité un bâtiment de la marine australienne, le " Darwin " , avant de rencontrer des représentants et de visiter les installations de la société A.D.I. (" Australian defence industries "), entreprise d'Etat chargée, entre autres projets, de la construction des chasseurs de mines Huon.

6. Les contacts de la délégation avec la communauté française et les médias australiens

a) La communauté française

Le séjour de la délégation à Sydney a été naturellement pour elle l'occasion de plusieurs contacts avec la communauté française locale, notamment lors d'un dîner offert par le conseiller économique et commercial -qui réunissait de nombreux représentants des milieux d'affaires- et lors d'une réception donnée par le consul général de France à Sydney qui a permis aux membres de la délégation de rencontrer des représentants de l'ensemble des composantes de notre colonie.

Les nombreux contacts noués à cette occasion ont permis à la délégation d'apprécier le dynamisme de nos compatriotes installés en Australie ainsi que la diversité des relations établies entre les deux pays.

Le nombre des ressortissants immatriculés au consulat général de Sydney est en croissance constante et approche les 8 000 en 1996. L'immatriculation n'étant pas, on le sait, obligatoire, on estime la population française dans la circonscription consulaire de Sydney à environ 27 000 personnes , dont 16 500 en Nouvelle-Galles du Sud.

En matière d'enseignement, il faut souligner que le lycée Condorcet -école française de Sydney- accueille en 1996-1997 environ 270 élèves, dont deux-tiers de binationaux, jeunes Australiens ou étrangers tiers.

b) Les contacts avec la presse australienne

La délégation a enfin eu divers contacts avec la presse australienne .

M. Xavier de Villepin, président, a en particulier été l'invité de l'émission télévisée de grande écoute " Lateline " sur la chaîne publique ABC. Interrogé par Mme Maxime Mc Kew, il a -durant une demi-heure- eu l'occasion d'évoquer les principaux sujets suivants : la coopération dans le Pacifique sud, l'évolution du processus des accords de Matignon en Nouvelle-Calédonie, la politique nucléaire de la France, le développement de la coopération franco-australienne et des échanges bilatéraux, la politique asiatique française, la rénovation de l'OTAN dans la perspective de l'émergence d'une identité européenne de défense, et la politique française au Proche-Orient.

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II. LE SÉJOUR DE LA DÉLÉGATION À CANBERRA (11-13 FÉVRIER 1997)

1. L'entretien avec M. Tim Fischer, vice-Premier ministre et ministre du commerce extérieur

Recevant la délégation sénatoriale le 12 février 1997 au nom du Premier ministre, M. John Howard, empêché, M. Tim Fischer, vice-Premier ministre et ministre du commerce extérieur, a d'abord été remercié par M. Xavier de Villepin, président, pour le sauvetage des marins français du " Vendée-Globe " par la marine australienne.

M. Xavier de Villepin, président, lui a remis un message de M. Alain Juppé, Premier ministre, à son homologue australien.

M. Tim Fischer s'est ensuite félicité de l'aboutissement heureux de certaines difficultés dans les relations commerciales bilatérales : importations de viande de kangourou en France et levée de l'embargo australien sur la signature de nouveaux contrats de livraisons d'uranium à la France.

S'agissant de l'accord-cadre entre l'Australie et l'Union européenne , dont la négociation se heurtait à une clause, proposée par les Européens, relative aux droits de l'homme, le vice-Premier ministre a estimé que cette question ne devait pas être dramatisée et ne devait pas avoir un impact négatif sur les échanges et le tourisme. Il a rappelé le sang australien versé en Europe, au nom des droits de l'homme, durant les deux conflits mondiaux. M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'il attirerait l'attention du ministère français des Affaires étrangères sur les difficultés relatives à la conclusion de cet accord-cadre et précisé que M. Hervé de Charette avait retenu le principe d'un voyage en Australie d'ici un an.

Le président de Villepin ayant regretté la faiblesse des investissements australiens en France -alors que le développement des exportations françaises en Australie était lié à l'accroissement important de nos investissements dans ce pays-, M. Fischer, reconnaissant ce déséquilibre, a souhaité que les entreprises australiennes établies en Europe n'installent pas systématiquement leur siège social à Londres.

Abordant enfin les questions agricoles, M. Fischer -président du parti national agrarien- a estimé que le mécanisme européen des subventions agricoles avait des répercussions négatives et que l'Union européenne devrait nécessairement, dans la perspective de son élargissement, réformer en profondeur la politique agricole commune. M. André Boyer a alors rappelé les raisons sociales, économiques, mais aussi écologiques, de notre politique agricole et de notre attachement à nos traditions.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné que l'Union européenne a déjà fortement évolué et progressé dans le sens souhaité par l'Australie. Il a ensuite évoqué avec M. Fischer la conjoncture économique en France et en Australie, et les perspectives relatives à la création de l'euro -dont M. Xavier de Villepin a souligné sa conviction qu'elle constituerait un progrès pour l'Europe et pour le monde.

2. L'entretien avec M. Alexander Downer, ministre des Affaires étrangères

Quatre thèmes principaux ont ensuite été évoqués lors de l'entretien, particulièrement cordial et chaleureux, accordé à la délégation par M. Alexander Downer, ministre australien des Affaires étrangères.

Evoquant tout d'abord, à l'invitation du président de Villepin, la coopération franco-australienne dans le Pacifique-sud, M. Downer s'est réjoui de l'amélioration des relations bilatérales et s'est félicité des contacts noués à l'occasion de son séjour en Nouvelle-Calédonie en décembre 1996. Il a réaffirmé l'approbation de son pays au processus des " accords de Matignon ". Il a souligné que, si l'Australie soutenait naturellement le principe d'autodétermination, elle ne voyait aucun obstacle au maintien de liens à l'avenir entre la Nouvelle-Calédonie et la France et verrait au contraire avec beaucoup d'inquiétude un éventuel retrait français du Pacifique-sud -qui laisserait inévitablement un vide qu'il reviendrait à l'Australie de combler. M. Downer s'est enfin réjoui des projets de coopération franco-australienne, dont il a souhaité le développement, au profit des pays insulaires de la zone.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, qui regrettait, une nouvelle fois, la faiblesse des investissements australiens en France, le ministre des Affaires étrangères a reconnu que les sociétés australiennes avaient tendance, pour des raisons historiques et culturelles, à s'installer au Royaume-Uni, mais estimé que cette situation s'améliorerait -en particulier avec la création de l'euro- si la Grande-Bretagne, comme il était probable, n'en faisait pas partie.

M. Downer a ensuite souhaité la suppression de l'obligation de visa pour les Australiens se rendant en France, soulignant que celle-ci était, avec l'Espagne, le seul pays européen à maintenir cette obligation. Il a souligné que l'Australie mettrait en place, en avril prochain, un nouveau système informatique (" electronic travel authority ") permettant d'écarter les voyageurs indésirables, titulaires d'un casier judiciaire, dès le moment de la délivrance du titre de transport. M. Xavier de Villepin, président, s'est toutefois interrogé sur la possibilité de voir ce système unilatéral australien permettre le respect du principe de réciprocité.

Revenant enfin sur l'accord-cadre Australie-Union européenne , le ministre a souhaité le soutien de la France à la proposition de son pays tendant à faire référence, dans le préambule de l'accord -et non dans le document lui-même- aux vues communes des deux parties en matière de droits de l'homme. L'Australie ne saurait, en revanche, accepter une situation où sa position dans ce domaine pourrait être interprétée de manière unilatérale par un tiers, au risque de menacer la pérennité de l'accord.

3. L'entretien avec M. Ian Mc Lachlan, ministre de la Défense

Rappelant d'abord sa récente visite en France, en décembre dernier, M. Mc Lachlan, ministre de la Défense, s'est félicité de la complète restauration des relations bilatérales en matière de défense après la crise de 1995. Il a annoncé à la délégation que le nouvel attaché de défense australien en France serait en poste à Paris fin mars 1997. Il a enfin souhaité que soient pleinement exploitées et développées, à l'occasion des prochains contacts, les possibilités de coopération franco-australienne dans le Pacifique sud .

Abordant ensuite les projets de réforme militaire qu'il avait initiés en Australie, le ministre de la Défense a exposé à la délégation les raisons pour lesquelles il avait lancé une " revue de détail " des forces armées australiennes pour les adapter et leur insuffler en particulier une plus grande mobilité. Il a rappelé que l'effort de défense australien avait été réduit de 2,6 % à 1,8 % du PIB au cours des dix dernières années, mais que la défense était aujourd'hui la seule à être épargnée par les coupes budgétaires actuelles, dans le cadre d'un programme couvrant les trois prochaines années.

M. Mc Lachlan a enfin précisé les principaux axes de la politique de défense australienne dans le contexte stratégique actuel. Après avoir souligné que l'alliance avec les Etats-Unis en constituait la base, tandis que l'Australie maintenait des relations très étroites avec la Nouvelle-Zélande , il a insisté sur l'importance des relations de Canberra avec ses voisins, en particulier l'Indonésie , avec laquelle existait désormais une relation de sécurité particulièrement importante. Le ministre a enfin indiqué la qualité des relations de l'Australie avec les pays asiatiques, comme le Japon ou la Corée du Sud, qui partageaient certains de ses intérêts de sécurité, sans avoir pour autant les moyens d'entretenir avec eux des relations de défense très denses.

4. Les autres contacts de la délégation en matière de défense

- La délégation a par ailleurs participé le 13 février, au ministère de la Défense, à une table ronde réunissant des experts australiens de la défense, civils et militaires, autour de M. White , conseiller stratégique du gouvernement australien.

Après avoir rappelé les évolutions du contexte géostratégique à l'issue de la guerre froide et les conséquences internationales liées à la croissance économique de la zone Asie-Pacifique, M. White a souligné que la position stratégique australienne restait dominée par l'Asie et son alliance avec les Etats-Unis. Mais il a relevé que, contrairement à ce qui existait en Europe, il n'y avait aucune structure asiatique susceptible de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide et aucun mécanisme multilatéral de gestion des crises. Il a par ailleurs souhaité la pérennité de l'engagement américain dans la région.

M. White a ensuite répondu aux questions des commissaires. Il a précisé à M. Xavier de Villepin, président, le contenu des garanties résultant du traité ANZUS , devenu bilatéral après la suspension des liens américano-néo-zélandais, mais apportant une garantie de sécurité forte à l'Australie même si les engagements en résultant étaient moins forts que dans le cadre de l'OTAN. Toute une gamme d'instruments bilatéraux techniques reliait par ailleurs l'Australie aux Etats-Unis en matière de défense. L'Australie n'avait pas pour autant demandé l'installation de bases américaines sur son territoire, même si elle souhaitait favoriser le maintien de la présence des Etats-Unis dans la zone.

M. White a également souhaité le développement de la coopération franco-australienne , en particulier dans le domaine des technologies de pointe, compte tenu des capacités des entreprises françaises et de la qualité de la base technologique de notre pays en matière de défense.

En réponse à des questions de MM. André Rouvière et Maurice Lombard, M. White a précisé les relations entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande en matière de sécurité et de défense. Il a fortement souligné le caractère exceptionnel et la densité des liens entre Canberra et Wellington. La communauté des intérêts stratégiques fondamentaux des deux pays n'empêchait naturellement pas des perceptions différentes -l'Australie se sentant en particulier plus proche de l'Asie que la Nouvelle-Zélande- et une relation bilatérale parfois difficile à gérer. La proximité et l'étroitesse des liens entre les deux pays - qui ont notamment combattu côte à côte durant les deux conflits mondiaux - ne devaient pas pour autant déboucher sur la création d'une armée commune. La sévérité de la politique néo-zélandaise en matière nucléaire affectait la coopération trilatérale avec les Etats-Unis mais n'avait pas d'impact majeur sur les relations transtasmanes.

A M. Jean-Luc Bécart qui estimait que la fin de la guerre froide avait conféré aux Etats-Unis un rôle de super-puissance hégémonique et que l'Australie pourrait diversifier ses appuis politiques pour favoriser l'émergence d'un monde multipolaire, M. White a opposé le fait que l'Australie et ses voisins asiatiques devaient d'abord gérer leurs relations avec la Chine et le Japon -les deux grandes puissances asiatiques- et que la présence américaine avait, dans ce contexte, un effet stabilisant. Cette présence n'était pas excessivement pesante puisque aucune force américaine n'était stationnée sur le territoire australien. L'Australie ne souhaitait pour autant naturellement pas entretenir avec les Etats-Unis des relations exclusives.

M. White a alors estimé, en réponse à M. Jean-Luc Bécart, que, s'agissant de la Chine, la question majeure pour l'avenir était de savoir comment les autorités de Pékin, toujours très centralisées malgré la révolution économique chinoise, utiliseraient demain leur propre puissance. Il a enfin convenu avec M. Bécart des opportunités très intéressantes qu'offrait aujourd'hui le Vietnam , tant pour les sociétés australiennes que pour les entreprises françaises.

- La délégation a complété ses contacts en matière de défense par la visite de l'Australian Defence Force Academy " (ADFA). Créée en 1986, déjà renommée par son niveau remarquable dans le domaine militaire et universitaire, l'ADFA a pour mission de préparer les leaders australiens de demain -un peu à l'image de l'IHEDN français- mais a, au-delà de son rôle d'enseignement et de formation militaires, un rôle de recherche et d'enseignement universitaire.

La scolarité à l'ADFA s'étend sur trois années et rassemble, au total, plus d'un millier d'étudiants (421 en première année, 334 en deuxième année, et 313 en troisième année), pour un taux moyen de réussite de 75 %.

- La délégation a enfin tenu à rendre hommage aux anciens combattants australiens en visitant le remarquable et très émouvant " War Memorial " de Canberra en l'honneur de tous les Australiens morts au combat, en particulier lors des deux guerres mondiales.

5. L'accueil de la délégation au Parlement australien

La délégation a naturellement eu, à l'occasion de son séjour à Canberra, des entretiens et des contacts multiples avec le Parlement australien qui constitue le centre incontesté de la vie politique nationale.

D'inspiration britannique, mais reposant sur une constitution écrite (de 1901) et non coutumière, et s'inscrivant dans le cadre d'un Etat fédéral, le Parlement australien est composé de la Chambre des représentants et du Sénat , dont les membres sont élus les uns et les autres au suffrage universel direct et qui partagent à égalité le pouvoir législatif. Le Sénat -qui représente les Etats fédérés et où le gouvernement actuel ne dispose pas de la majorité- peut donc refuser de voter une loi et contraindre le gouvernement à démissionner.

a) Les entretiens avec Mme Margaret Reid, présidente du Sénat, et M. Bob Halverson, président de la Chambre des représentants

Accueillie avec chaleur, dès son arrivée à Canberra, le 11 février, par Mme Reid et M. Halverson à l'occasion d'un dîner offert en leur honneur au Parlement, les membres de la délégation ont eu, le lendemain, un entretien de travail avec la Présidente du Sénat et le Président de la Chambre des représentants qui a principalement porté sur l'organisation et le fonctionnement du régime parlementaire australien.

En réponse aux questions des sénateurs, Mme Reid et M. Halverson ont notamment apporté les précisions suivantes :

- le " cabinet fantôme " australien joue un rôle important sans disposer naturellement d'un quelconque pouvoir exécutif ; le leader de l'opposition dispose en particulier de prérogatives importantes ;

- les ministres sont membres du Parlement et participent aux votes ; la délégation a ainsi eu l'occasion de constater que les membres du gouvernement australien avaient leurs bureaux à l'intérieur même de l'enceinte du Parlement et interrompaient, toutes affaires cessantes, leurs activités gouvernementales pour prendre part à un scrutin public en séance plénière ;

- le " speaker " de la Chambre des représentants -doté d'un uniforme comme dans le système de Westminster- ne participe pas aux débats et est assisté de " speakers adjoints " ;

- dans l'attente de l'introduction d'un vote électronique, les votes s'effectuent en se plaçant à la gauche ou à la droite du Président ;

- Le Parlement australien siège entre 70 et 85 jours par an ; en dehors de trois grandes périodes d'intersessions, il est tenu compte de l'immensité du territoire australien en alternant quinze jours où le Parlement siège et quinze jours d'interruption pour permettre aux parlementaires de rejoindre leurs circonscriptions ;

- en cas de désaccord persistant, il peut être procédé à une double dissolution de la Chambre des représentants et du Sénat ;

- comme dans le système britannique, les " whips " de chaque parti coordonnent et organisent le travail de parlementaires de base (les " back benchers ") ; ils jouent un rôle efficace dans la lutte conre l'absentéisme parlementaire ;

- les femmes jouent un rôle substantiel dans la vie politique de l'Australie -premier pays à leur avoir accordé le droit de vote- sans être pour autant exceptionnellement nombreuses au sein des assemblées fédérales.

b) La réunion avec le Président et des membres de la commission mixte (Sénat-Chambre des représentants) des Affaires étrangères, de la défense et du commerce

La délégation a, le même jour, participé à une réunion avec M. Ian Sinclair, président de la commission mixte des Affaires étrangères, de la défense et du commerce. Plusieurs autres parlementaires ont également participé -entre deux votes en séance publique- à cet échange de vues : Mme Gallus, MM. Dondas, Taylor et Brough.

M. Sinclair et M. Xavier de Villepin, président , ont notamment évoqué, au cours du débat :

- les opérations de maintien de la paix accomplies sous l'égide de l'ONU, notamment en Afrique (Somalie, voire Zaïre) ;

- le déroulement du processus des accords de Matignon en Nouvelle-Calédonie ;

- et, plus généralement, les évolutions dans la zone Pacifique, notamment à Hong-Kong.

En réponse à M. André Rouvière, le président Sinclair a également précisé le fonctionnement et les méthodes de travail de la commission mixte qui dispose notamment de quatre sous-comités dont les travaux débouchent sur des recommandations faites au gouvernement australien.

c) Les autres contacts avec les parlementaires australiens

Le séjour de votre délégation au Parlement de Canberra lui a donné l'occasion de divers autres contacts avec les parlementaires australiens :

- elle a participé le 12 février à un déjeuner avec les membres du groupe d'amitié interparlementaire France-Australie, présidé par le sénateur Paul Calvert, qui fut l'occasion d'échanges de vues particulièrement francs et cordiaux avec les parlementaires australiens, portant notamment sur les relations bilatérales, la francophonie, les relations entre l'Union européenne et l'Australie, et les perspectives liées à la création de l'euro ;

- elle a assisté aux séances des questions orales, successivement à la Chambre des représentants et au Sénat ; directement inspirées du " question time " britannique, ces séances se déroulent à la Chambre des représentants en présence du Premier ministre, des membres du gouvernement et de ceux du " cabinet fantôme " et donnent lieu à des échanges extrêmement brefs, vifs parfois violents ; la sérénité des débats est apparue à votre délégation beaucoup plus grande au Sénat ;

- les membres de la délégation ont enfin participé à l'inauguration de l'exposition photographique sur le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat), ouverte le 12 février 1997 dans les locaux du Parlement de Canberra.

6. La réception à l'Ambassade de France, symbole de la " réconciliation " franco-australienne

Première visite d'une délégation parlementaire -ou gouvernementale- française en Australie depuis 1995, le séjour de votre délégation a permis, en quelque sorte, de sceller la " réconciliation " politique entre les deux pays après la crise suscitée par notre ultime campagne d'essais nucléaires.

Les multiples contacts de la délégation ont démontré, dans une atmosphère excellente, toujours cordiale, souvent chaleureuse, la disponibilité de ses interlocuteurs australiens.

C'est ainsi que de très nombreuses personnalités australiennes -trois ministres, les trois chefs d'état-major des armées, de très nombreux parlementaires, journalistes et personnalités diverses- se sont pressés, le 12 février 1997, dans les salons de la résidence de l'Ambassadeur de France à l'occasion de la réception qu'il offrait en l'honneur de la délégation.

S'il est clair que les essais et les questions nucléaires en général n'ont pas disparu des esprits, il est entendu que " la page est aujourd'hui tournée " et que rien ne s'oppose désormais au développement de relations économiques et commerciales fructueuses et à l'approfondissement de relations politiques et culturelles chaleureuses.

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* *

III. LE SÉJOUR DE LA DÉLÉGATION À WELLINGTON (13-15 FÉVRIER 1997)

1. L'entretien avec M. Jim Bolger, Premier ministre néo-zélandais

Arrivée à Wellington le 13 février au soir, la délégation sénatoriale a été reçue le lendemain matin par M. Jim Bolger, Premier ministre néo-zélandais.

Après avoir reçu de M. Xavier de Villepin, président, le message de M. Alain Juppé, Premier ministre, qui lui était adressé, le Chef du gouvernement néo-zélandais s'est félicité de la visite de la délégation sénatoriale qu'il a considérée comme le signe du rétablissement des relations de haut niveau entre les deux pays après la fin de nos essais, la fermeture du centre de Mururoa, la conclusion du CTBT et la signature par la France du traité de Rarotonga.

M. Bolger a souligné que les relations bilatérales devaient désormais aller de l'avant, Wellington considérant la France comme un partenaire essentiel :

- en tant que membre de l'Union européenne avec laquelle les échanges commerciaux, au-delà des débats normaux, se développent,

- en raison de son rôle sur la scène internationale que la Nouvelle-Zélande appréciait, notamment dans les opérations de maintien de la paix,

- et en raison de sa présence constructive dans le Pacifique où elle participe activement à des opérations de coopération multilatérale.

Interrogé par M. Xavier de Villepin, président, sur le prochain Forum du Pacifique sud, à Rarotonga, en septembre 1997, et sur les déclarations du Premier ministre des îles Cook sur la Polynésie française, M. Bolger a estimé que le Forum veillerait sans doute à ne pas ouvrir un contentieux avec la France à propos de la Polynésie française au risque de compromettre le processus en cours en Nouvelle-Calédonie.

Sur ce dernier point, le Premier ministre néo-zélandais a interrogé M. Xavier de Villepin, président, sur le déroulement du processus des accords de Matignon et a approuvé la recherche d'un accord susceptible de recueillir une large adhésion de l'électorat calédonien.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, M. Bolger s'est ensuite félicité des relations statutaires entre les îles Cook et la Nouvelle-Zélande qu'il a qualifiées d' " arrangement constitutionnel sans doute unique au monde ". Il a toutefois précisé que les îles Cook ne pouvaient à la fois vouloir détenir tous les attributs de l'indépendance et conserver tous les avantages du statut d'association : aide financière et passeport néo-zélandais pour les ressortissants cookiers.

Le Premier ministre néo-zélandais a alors indiqué que le rôdage de la nouvelle coalition gouvernementale ne lui permettait pas d'effectuer de nombreux voyages à l'étranger en 1997, mais qu'il se rendrait en principe au sommet du Commonwealth à Edimbourg en octobre prochain et qu'il pourrait alors envisager de se rendre en France ou dans d'autres pays européens s'il y était invité.

M. Bolger a enfin interrogé les membres de la délégation sur les perspectives de création de l'euro. MM. Didier Borotra, Jean-Luc Bécart, Maurice Lombard et Xavier de Villepin, président, par-delà leurs différentes sensibilités politiques, lui ont confirmé la probable mise en oeuvre de la monnaie unique, conformément au calendrier prévu, en 1999.

2. L'entretien avec M. Don McKinnon, ministre des affaires étrangères

Ayant tenu à retarder son départ prévu pour Auckland pour participer à un petit déjeuner de travail avec la délégation, le 14 février au matin, M. Don McKinnon a, à cette occasion, abordé quatre sujets principaux avec les sénateurs.

- En ce qui concerne les relations bilatérales franco-néo-zélandaises, le ministre a d'abord réaffirmé que " les problèmes survenus récemment étaient maintenant derrière nous " et qu'il convenait désormais d'aller de l'avant sur la base de l'estime que les Néo-Zélandais portent aux Français et à leur culture. La visite sénatoriale intervenait à point nommé pour favoriser des contacts politiques qu'il était important de développer, dans l'attente d'une visite attendue du ministre français des affaires étrangères.

- M. McKinnon a ensuite indiqué, en réponse à M. Xavier de Villepin, président, que la Nouvelle-Zélande appréciait vivement la contribution de la France à l'évolution du Pacifique et était très attachée à la présence de notre pays dans la zone. Il s'est également félicité de la coopération conduite conjointement par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la France en matière de surveillance maritime notamment.

Il n'y a pas, a souligné le ministre, de véritable débat en Nouvelle-Zélande sur l'opportunité de la présence de la France dans le Pacifique. Et les petits Etats insulaires étaient conscients de l'importance des concours français et européens pour leur développement.

- En réponse à M. Xavier de Villepin, président, sur les îles Cook et le prochain Forum du Pacifique Sud, M. McKinnon a apporté les précisions suivantes : si le Forum du Pacifique sud avait mieux à faire que de débattre de la Polynésie française -comme semblait le souhaiter M. Geoffrey Henry, Premier ministre des îles Cook-, il ne fallait pas surestimer l'influence de la Nouvelle-Zélande ou de l'Australie dans la fixation de l'ordre du jour du Forum et la question pourrait éventuellement être évoquée " hors ordre du jour ".

Le ministre s'est cependant interrogé devant la délégation sur une participation éventuelle, " d'une manière ou d'une autre ", des territoires français du Pacifique aux travaux du Forum, idée à laquelle la France est opposée.

M. McKinnon a également cité en exemple le statut qui lie la Nouvelle-Zélande aux îles Cook. Mais, interrogé par M. Xavier de Villepin, président, sur le fonctionnement de ce statut, il est convenu que les îles Cook, qui agissaient à leur guise dans la limite de leur modeste taille (20 000 habitants), devraient choisir entre le respect de leur statut d'association et l'indépendance complète.

- Le ministre des affaires étrangères néo-zélandais a enfin interrogé M. Xavier de Villepin, président, sur l'évolution des discussions en cours en Nouvelle-Calédonie. Il s'est réjoui de la recherche d'une solution de nature à éviter la division de l'électorat, partagé en deux camps d'importance comparable.

3. L'entretien avec M. Lockwood Smith, ministre du commerce extérieur et de l'agriculture

Après s'être, à son tour, félicité de la normalisation et du renforcement des relations bilatérales franco-néo-zélandaises, M. Lockwood Smith, à la fois ministre du commerce extérieur et de l'agriculture -ce qui souligne le poids prépondérant de l'agriculture en Nouvelle-Zélande- a orienté son échange de vues avec la délégation sur les rapports entre la Nouvelle-Zélande et l'Union européenne.

Il s'est d'abord félicité de la conclusion de l'accord vétérinaire récemment conclu entre son pays et l'Union européenne, avec une contribution active de la France. Il s'est également réjoui des positions du commissaire européen Fischler qui seraient favorables à l'ouverture des négociations agricoles au sein de l'OMC dès 1999. Il s'est enfin félicité des perspectives d'évolution de la PAC (politique agricole commune) évoquées par M. Fischler. Il convenait en effet, selon le ministre néo-zélandais, de ne plus fonder les subventions agricoles sur le soutien de la production -ce qui faussait le commerce international- mais sur le soutien de la société rurale.

Répondant à M. Smith, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que la France avait pour ambition de maintenir une agriculture forte et que la PAC avait à cet égard constitué un outil efficace. L'élargissement à venir de l'Union européenne devait conduire à une nouvelle évolution de la PAC, conformément aux voeux de la Nouvelle-Zélande. M. André Boyer a, pour sa part, rappelé que les aides à l'agriculture n'avaient pas comme seul but un soutien des productions, d'ailleurs très régulées, mais permettaient dans les zones rurales déshéritées et menacées par la baisse démographique de garder vivant un territoire menacé d'abandon, au prix de l'acceptation concédée par les agriculteurs du rôle de " jardiniers de la nature " très éloigné de leur conception de producteurs. Et que cette mutation devait être accompagnée par des programmes visant à la sauvegarde du patrimoine naturel et de l'espace plutôt qu'à l'aide à la production.

Concluant l'entretien, M. Lockwood Smith a indiqué qu'il comprenait les préoccupations françaises en matière agricole. Il souhaitait seulement que les subventions agricoles ne perturbent pas les prix mondiaux. Il se réjouissait enfin de la prochaine visite en Nouvelle-Zélande, évoquée par le président de Villepin, d'une délégation de chefs d'entreprises français, conduite par M. Claude Bebear.

4. L'entretien avec le secrétaire général du ministère de la défense et le chef d'état-major des armées

Secrétaire à la Défense depuis 1991 -et reconduit pour cinq ans à ce poste en 1996- M. Gerald Hensley a eu un échange de vues approfondi, dans une excellente ambiance, avec la délégation, en compagnie du chef d'état-major des armées néo-zélandaises et de ses principaux conseillers.

M. Hensley a d'abord exprimé sa satisfaction de voir la reprise et le développement des relations bilatérales en matière de défense. Il a souligné à cet égard la visite, en avril prochain, en Nouvelle-Zélande du général commandant supérieur des forces françaises dans le Pacifique, ainsi que la participation commune aux exercices " Tasmanex " prévus en 1998, dont il a précisé qu'il en attendait des enseignements importants pour les forces armées néo-zélandaises.

Le secrétaire à la défense a ensuite évoqué, en réponse à MM. Xavier de Villepin, président, et Didier Borotra, la participation aux opérations de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies. Il a rappelé que la Nouvelle-Zélande avait participé à de nombreuses missions internationales, notamment en Bosnie, et indiqué que son pays était favorable à la proposition canadienne de mise sur pied d'une structure militaire de commandement des opérations de maintien de la paix.

Interrogé par MM. André Rouvière et Didier Borotra sur les relations de la Nouvelle-Zélande, dans le domaine de la défense, avec l'Australie et avec les Etats-Unis, M. Hensley a précisé que les Néo-Zélandais souhaitaient des relations bilatérales plus étroites avec l'Australie, dans la mesure où une menace majeure contre l'Australie viserait également la Nouvelle-Zélande. Ces relations constituaient la clé de voûte de la politique de défense néo-zélandaise.

La relation-clé avec les Etats-Unis était, pour sa part, fortement perturbée par le différend portant sur les navires à propulsion nucléaire (ou, a fortiori, porteurs d'armes nucléaires). La situation demeurait pour l'essentiel bloquée dans la mesure où elle résultait d'une loi néo-zélandaise qui ne laissait place qu'à des évolutions marginales.

En réponse aux questions de MM. Xavier de Villepin, président, et Didier Borotra sur les relations stratégiques dans la région, M. Hensley a souligné que l'émergence éventuelle d'une marine de haute mer chinoise puissante modifierait sans aucun doute la situation politico-stratégique dans le Pacifique. De façon générale, les relations triangulaires Chine-Etats-Unis-Japon devaient constituer le pivot central autour duquel s'organiserait la sécurité dans la zone Asie-Pacifique.

Le secrétaire à la Défense et ses collaborateurs ont également précisé les fondements et l'évolution de la politique de défense néo-zélandaise . M. Hensley a en particulier souligné que la Nouvelle-Zélande, sans faire aujourd'hui l'objet d'une quelconque menace, effectuait les trois quarts de ses échanges avec la région Asie-Pacifique et était de ce fait particulièrement attachée à la sécurité et la stabilité de la région.

La défense néo-zélandaise devait par ailleurs faire face à de très fortes contraintes budgétaires, le pouvoir d'achat de la défense néo-zélandaise ayant baissé de 32 % depuis 1989. Un travail d'évaluation et de réflexion était en cours pour proposer au gouvernement les options qui permettraient de maintenir, dans les années à venir, les capacités de défense du pays à un niveau satisfaisant.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin conclu ce vaste tour d'horizon en précisant, à l'intention de ses interlocuteurs néo-zélandais, les grandes orientations de la réforme de la défense française ainsi que la portée et les conditions du rapprochement de la France vers l'OTAN.

5. Les contacts de la délégation au Parlement néo-zélandais

a) La table ronde avec les membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Parlement néo-zélandais

A l'occasion de ses contacts avec les parlementaires néo-zélandais, votre délégation a ressenti la vigueur du sentiment antinucléaire - largement partagé par l'opinion- en Nouvelle-Zélande à l'occasion du passage annoncé au large des côtes néo-zélandaises, d'un bateau, à destination du Japon, transportant des déchets nucléaires recyclés.

Cela n'a pas empêché la très grande courtoisie et la volonté de se tourner vers l'avenir de la table-ronde qui a réuni, au Parlement de Wellington, autour de la délégation des parlementaires néo-zélandais, membres de la future commission des Affaires étrangères et de la défense en cours de reconstitution après les élections générales, représentant l'ensemble de l'éventail politique du pays. Il s'agissait de :

- Mme Joy Mc Lauchlan, présidente de la commission " sortante ", membre du parti national,

- Mme Ann Batten, membre du parti " New Zealand First ",

- M. Mike Moore, ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères, membre du parti travailliste et du " cabinet fantôme ",

- M. Geoff Braybrooke, également membre du parti travailliste,

- M. Derek Quigley, membre du parti Act (" association des consommateurs et contribuables "),

- M. Matt Robson, membre de l'Alliance,

- et M. Wayne Mapp, membre du parti national.

Trois thèmes principaux ont été évoqués au cours de cette table-ronde.

Les perspectives de l'Union européenne , et notamment la mise en place de la monnaie unique, ont suscité un vif intérêt de la part des députés néo-zélandais. MM. Didier Borotra, Xavier de Villepin, président, André Rouvière, Jean-Luc Bécart et Maurice Lombard ont répondu aux interrogations de leurs interlocuteurs et ont notamment précisé : les " critères de convergence " fixés par le traité de Maastricht, la volonté de la France de participer dès 1999 à la création de ce pôle monétaire européen, les raisons de la montée du vote d'extrême-droite en France, et les débats relatifs à l'avenir de la construction européenne, notamment au regard de la souveraineté nationale.

Les parlementaires néo-zélandais ont ensuite souligné leur large approbation, maintenant que les essais nucléaires étaient achevés, du principe de la présence de la France dans le Pacifique, dont l'action et l'aide au développement étaient appréciées, notamment en matière de sécurité, de pêche ou d'investissements. Seul le degré de la présence française était discuté par certains parlementaires néo-zélandais qui étaient particulièrement attentifs au processus en cours en Nouvelle-Calédonie.

En revanche, le volet nucléaire de la présence française a été clairement critiqué par les députés néo-zélandais. Il a été souligné que le Parlement et l'opinion néo-zélandais étaient sur ce point unanimes contre toute exploitation du Pacifique à des fins nucléaires. Les parlementaires néo-zélandais ont en particulier indiqué qu'ils n'acceptaient pas que leur zone économique exclusive pût être mise à contribution pour le transport vers le Japon de déchets nucléaires retraités. Un député de l'Alliance a ainsi remis à la délégation le texte d'un message demandant : que la Nouvelle-Zélande soit consultée sur la route de ce bateau, le " Pacific Teal ", que ce bâtiment évite la zone économique exclusive de la Nouvelle-Zélande, que la France respecte le " code de bonne conduite " de l'AIEA en la matière et oeuvre pour qu'il soit mis un terme à ces transports de produits radioactifs par obligation faite aux pays producteurs de déchets nucléaires de les retraiter chez eux.

M. Xavier de Villepin, président, a alors précisé que les informations relatives au " Pacific Teal " avaient été données et que toutes les mesures de sécurité nécessaires à un transport de ce type, au demeurant fréquent, avaient été prises. Il a enfin rappelé les importantes évolutions de la politique nucléaire de la France : arrêt des essais, signature du CTBT, démantèlement du site de Mururoa et signature du traité de Rarotonga, toutes ces évolutions allant de pair avec la volonté maintenue de la France de conserver une défense forte et adaptée.

b) L'entretien avec M. Michael Cullen, adjoint au leader de l'opposition travailliste

A l'occasion de la rencontre de la délégation avec M. Michael Cullen, adjoint au leader de l'opposition travailliste -Mme Helen Clark, alors absente de Wellington- trois thèmes principaux ont été évoqués.

S'agissant des relations bilatérales, M. Cullen a jugé d'emblée très opportune la visite sénatoriale qui marquait la reprise de rapports qui n'auraient, selon lui, jamais dû se détériorer à ce point. La question des essais nucléaires appartenait maintenant au passé et l'opposition néo-zélandaise souhaitait une relance réelle des relations entre les deux pays. Restait toutefois, a relevé M. Cullen, le transport de déchets nucléaires, le passage du " Pacific Teal " au large des côtes néo-zélandaises risquant de susciter encore des remous.

En réponse aux questions de M. Cullen sur l'avenir de la construction européenne, M. André Boyer a rappelé que celle-ci avait depuis ses débuts assuré la paix et la prospérité et que le souci commun des européens devait viser à bâtir une Union libre, pacifique, généreuse et solidaire. Il a souligné que la politique agricole commune (PAC) évoquée avait été perçue comme une contrainte par les agriculteurs français, eux-mêmes initialement opposés aux règles contraignantes de la PAC, mais qui avaient dû accepter la régulation de leurs productions et le principe contre nature de la jachère. Et que ce n'était pas un moindre effort que d'avoir consenti dans les zones rurales menacées de désertification à jouer le rôle de " jardiniers de la nature " qui heurtait leur conception du métier d'agriculteur mais qui revêt une grande importance au plan écologique. Le choix de la construction européenne, a souligné M. André Boyer, était un choix fondamental de développement économique et d'échanges mais pour un monde meilleur.

M. Xavier de Villepin, président, a alors évoqué avec M. Cullen l'impact possible des prochaines élections britanniques sur les relations entre Londres et l'Union européenne, dans l'hypothèse où le parti travailliste l'emporterait.

M. Cullen s'étant enfin inquiété de savoir si la France serait encore en mesure de jouer un " rôle d'intermédiaire " entre les Etats-Unis et la Russie dans le dossier de l'élargissement de l'OTAN -compte tenu notamment de ses différends avec Washington sur des questions telles que celles du commandement sud de l'Alliance- M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que la France plaidait pour un accord entre l'Alliance et la Russie afin de favoriser une nouvelle architecture de sécurité en Europe.

6. Les contacts de la délégation avec la communauté française en Nouvelle-Zélande et les médias néo-zélandais

- L'étape de Wellington, malgré sa brièveté, a enfin, bien sûr, été l'occasion pour la délégation sénatoriale de rencontrer de nombreux représentants de la commuauté française en Nouvelle-Zélande , notamment lors de la réception offerte en son honneur par l'Ambassadeur de France.

Le nombre de Français immatriculés en Nouvelle-Zélande était de 1 407 au 1er janvier 1997. Si l'on ajoute environ 700 Français non immatriculés, la communauté française est la 9e en Nouvelle-Zélande (après les communautés australienne, britannique, néerlandaise, chinoise, américaine, japonaise, allemande et italienne). Il est à noter que près de la moitié des immatriculés sont double-nationaux. Ces Français de Nouvelle-Zélande sont à 45 % installés à Auckland et à 18 % à Wellington.

- Comme au Parlement, les questions nucléaires ont été à nouveau évoquées par les médias néo-zélandais à l'occasion de la visite sénatoriale, le prétexte en étant la question du transport des déchets nucléaires recyclés (liée au passage du " Pacific Teal ").

Si la sensibilité antinucléaire demeure ainsi très vive en Nouvelle-Zélande, la visite de la délégation du Sénat -la première visite politique française de haut niveau dans ce pays depuis l'automne 1994- a été marquée par le souci des autorités néo-zélandaises de tourner la page du nucléaire et de reprendre des relations suivies avec la France en raison notamment de son rôle -apprécié- dans le Pacifique et de l'importance de sa position au sein de l'Union européenne.

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DEUXIÈME PARTIE -
L'AUSTRALIE ET LA NOUVELLE-ZÉLANDE :
DEUX PARTENAIRES TRÈS ÉTROITEMENT LIÉS
MALGRÉ LEURS PARTICULARISMES
ET LEURS INÉVITABLES RIVALITÉS

Observations préliminaires : les soeurs rivales de l'Océanie

- La carte d'identité de l'Australie.

Trente fois plus vaste et cinq fois plus peuplée que la Nouvelle-Zélande, l'Australie est naturellement la puissance dominante de l'Océanie.

S'étendant sur plus de 7,7 millions de kilomètres carrés, l'Australie est la terre des paradoxes. Ile-continent, elle a quatorze fois la taille de la France et est presque aussi vaste que les Etats-Unis hors Alaska. Mais, avec 18 millions d'habitants, elle est à peine plus peuplée que les Pays-Bas et sa croissance démographique est faible (1,02 %). La densité de sa population -2,3 habitants au km²- est l'une des plus faibles du monde et l'Australie abrite la population la plus urbanisée de la planète (88 %), dont 3,8 millions vivent à Sydney et 3 millions à Melbourne.

L'Australie est un pays très riche sur le plan agricole et en matières premières minérales dont le produit national brut s'élève à 453 milliards de dollars australiens (le dollar australien valant environ 4 F). Le PNB par habitant dépasse 25 000 dollars australiens. La part des principaux secteurs d'activités dans le PNB australien, est la suivante :

- 10 % dans le secteur primaire,

- 15 % dans le secteur secondaire,

- et 75 % dans le secteur tertiaire.

Sur le plan institutionnel, enfin, l'Australie est une démocratie fédérale constituée de sept Etats et territoires. La Constitution, entrée en vigueur le 1er janvier 1901, met en place un régime parlementaire bicaméral composé d'un Sénat fédéral de 76 membres (élus au suffrage universel) et d'une Chambre des représentants de 148 députés. Le Chef de l'Etat reste la Reine Elizabeth II représentée sur place par le gouverneur général (actuellement Sir William Deane en poste depuis février 1996).

- La carte d'identité de la Nouvelle-Zélande.

D'une superficie de 270 000 km² -soit l'équivalent de la Grande-Bretagne ou deux fois et demie le territoire de la Corée du Nord-, la Nouvelle-Zélande n'est évidemment pas géographiquement comparable à l'Australie. La référence à la " grande soeur " australienne est inévitable même si les résultats sont, dans certains domaines, supérieurs à ceux de " l'île de l'Ouest " de l'autre côté de la mer de Tasmanie -par analogie à l'île du Nord et à l'île du Sud qui composent la Nouvelle-Zélande.

La population néo-zélandaise est limitée à 3,6 millions d'habitants (dont plus de 2,6 millions dans l'île du Nord), soit moins que Hong-Kong et à peine plus que Singapour. Elle comprend près de 10 % de Maoris, mais aussi 4 % d'habitants d'origine polynésienne et 1 % d'origine asiatique. La densité de la population -13,5 habitants au km²- y est sensiblement plus importante qu'en Australie, de même que la croissance démographique (1,4 %).

Sur le plan économique, le PNB néo-zélandais s'élève à 83,5 milliards de dollars néo-zélandais (le dollar néo-zélandais valant environ 3,75 F), et le PNB par habitant est estimé à plus de 23 500 dollars néo-zélandais. La répartition de ce PNB entre les principaux secteurs d'activités est la suivante :

- 8,4 % dans le secteur primaire,

- 28,5 % dans le secteur secondaire,

- et 63,1 % dans le secteur tertiaire.

Dans le domaine institutionnel, enfin, la Nouvelle-Zélande est également une démocratie parlementaire membre du Commonwealth. La couronne britannique y est représentée par le gouverneur général (actuellement Sir Michael Hardy Boys). Le Parlement, monocaméral, est constitué par une Chambre des représentants composée de 120 députés.

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I. DES DONNÉES POLITIQUES INTÉRIEURES NON DÉNUÉES DE SIMILITUDES

A. LA SITUATION POLITIQUE AUSTRALIENNE

1. Le paysage politique australien

a) Les grands axes de l'évolution politique depuis 1945

Après la seconde guerre mondiale -qui a conduit l'Australie, après la chute de Singapour en 1942, à se détacher progressivement de l'Empire britannique pour devenir l'allié et le relais naturel des Etats-Unis dans la région- l'île-continent a connu pendant plus de deux décennies une prospérité et une élévation de son niveau de vie exceptionnelles, parfois présentées comme " l'âge d'or " de l'Australie. Deux millions d'immigrants, essentiellement européens, sont alors venus s'installer dans le pays.

La vie politique australienne est alors dominée par le parti libéral et un Premier ministre régulièrement réélu de 1949 à 1966, Sir Robert Menzies. Ses successeurs, également libéraux, poursuivront jusqu'en 1972 une politique de fidèle alliance avec les Etats-Unis, notamment au Vietnam.

En 1972, après vingt-trois années de pouvoir de la coalition conservatrice, une majorité travailliste conduit M. Gough Whitlam au poste de Premier ministre. De profondes réformes sont engagées, de la fin de la présence australienne au Vietnam jusqu'à la mise en place d'un système de protection sociale universel en passant par l'abolition de la politique du " Keep Australia White " et la restitution de leurs terres ancestrales aux aborigènes. Mais les difficultés économiques et sociales, l'inflation et le chômage étant aggravés par la crise internationale, conduisent le gouverneur général, dans des conditions controversées, à faire appel en 1975 au leader de l'opposition M. Malcolm Fraser, choix confirmé par les électeurs à trois reprises lors des élections législatives suivantes.

Ce gouvernement conservateur restera ainsi au pouvoir jusqu'en 1983, date à laquelle les travaillistes accèderont une nouvelle fois aux responsabilités du gouvernement fédéral. Ils y demeureront cette fois jusqu'en 1996, sous les directions successives de M. Bob Hawke, jusqu'en 1991, puis de son ancien ministre des finances, M. Paul Keating. Les travaillistes ont alors engagé, avec l'appui du puissant syndicalisme australien, une véritable révolution libérale (privatisations, réformes de structures, fin de l'indexation des revenus sur les prix...) afin de permettre l'intégration de l'Australie dans une économie asiatique en pleine expansion, alors que le pays était jusqu'alors doté d'une économie fortement administrée. La récession de l'économie mondiale, s'ajoutant à la persistance de déséquilibres, a toutefois porté un coup à la réussite des réformes engagées par les travaillistes qui n'ont ainsi pu enrayer l'érosion progressive de leurs positions.

b) L'alternance du 2 mars 1996 et le retour au pouvoir d'une coalition libérale-nationale

Alors que M. Paul Keating, leader charismatique mais quelque peu autocratique, avait fixé trois rendez-vous à son pays au tournant du siècle -la République, la réconciliation nationale avec les aborigènes et l'arrimage définitif de l'Australie à l'Asie-, les élections législatives du 2 mars 1996 ont marqué le retour au pouvoir de la coalition nationale-libérale comme aboutissement d'un glissement de l'opinion australienne entamé depuis plusieurs années au niveau des Etats fédérés.

La coalition formée du parti libéral, formation de centre droit, et du parti national, plus conservateur et représentant les intérêts du monde rural, a en effet remporté une longue série de succès aux élections locales, successivement dans l'Etat de Victoria et en Tasmanie (en 1992), en Australie occidentale (en 1993) et dans le Queensland (en février 1996). La Nouvelle-Galles du Sud est ainsi aujourd'hui le seul des sept Etats et territoires australiens à être dirigé par les travaillistes, sous l'autorité du gouvernement de M. Bob Carr qui vise à maintenir ses positions dans la perspective des élections de 1999 qui précèderont de peu les Jeux olympiques qui se dérouleront en l'an 2000 à Sydney.

La coalition dirigée par M. John Howard -jusqu'alors chef de l'opposition depuis janvier 1995, après l'avoir déjà été de 1985 à 1989 avant de laisser provisoirement la place à M. Alexander Downer- a ainsi remporté, après treize années d'opposition, les élections du 2 mars 1996 sur la base d'un programme consensuel effaçant les aspérités thatchériennes de ses prédécesseurs et bénéficiant de la lassitude des Australiens à l'égard du gouvernement travailliste. Cette victoire électorale a été très nette puisque la coalition a remporté 54 % des suffrages et 94 sièges sur 148 à la Chambre des représentants (dont 76 pour le parti libéral et 18 pour le parti national). Le parti travailliste (Australian Labour Party ou ALP) n'a conservé que 49 sièges, avec 45 % des voix ; trente députés sortants travaillistes, dont sept ministres, ont été battus.

M. John Howard a constitué une équipe gouvernementale resserrée de 23 membres au sein de laquelle les postes économiques et sociaux reviennent à des personnalités aux convictions libérales affirmées -notamment M. Peter Costello, ministre des finances- tandis que M. Alexander Downer y détient le ministère des Affaires étrangères, élargi à la coopération, et que M. Tim Fischer cumule ses fonctions de président du parti national avec celle de vice-Premier ministre et de ministre du commerce extérieur. Le parti national, dont le poids électoral tend à diminuer au profit des libéraux, ne détient toutefois que 5 portefeuilles sur 23.

Malgré la relative inexpérience de nombreux ministres -justifiant les rumeurs successives de remaniement ministériel-, le nouveau gouvernement a atteint les principaux objectifs qu'il s'était assignés depuis un an et le Premier ministre, M. John Howard, s'est imposé comme un dirigeant sérieux et responsable et comme un habile tacticien qui bénéficie d'une popularité personnelle particulièrement élevée.

c) Une opposition affaiblie

La position actuelle du gouvernement australien paraît aujourd'hui d'autant plus solide que l'opposition y semble durablement affaiblie. Les observateurs prédisent ainsi -à tort ou à raison- le maintien de la majorité actuelle au moins pour deux législatures (c'est-à-dire jusqu'en 2002), appréciation confortée par les derniers résultats d'élections partielles.

- Le parti travailliste, qui a subi en mars 1996 son revers le plus cinglant depuis soixante ans, ne semble pas représenter à court terme une alternative crédible. Son leader, l'ancien Premier ministre Paul Keating, s'est retiré de la vie politique et a été remplacé par son ancien ministre des finances, M. Kim Beazley. Il a perdu une partie de son électorat populaire et ouvrier du fait de la politique libérale de modernisation de l'économie conduite depuis 1983 (déréglementation bancaire, privatisations, démantèlement des barrières tarifaires, flottement du dollar australien...) parallèlement à la stratégie d'insertion de l'Australie en Asie. Fortement lié au mouvement syndical, le Labour s'efforce ainsi de reconquérir son influence traditionnelle aupès de la classe ouvrière et des minorités non anglo-saxonnes (catholiques, asiatiques...).

- Le parti travailliste est de plus confronté à la concurrence des autres formations d'opposition qui conservent en particulier, en tant que partis charnières, un rôle déterminant au Sénat. Les Verts et le parti démocrate -dirigé par Mme Cheryl Kennot- jouent ainsi un rôle important dans la vie politique et parlementaire australienne et privent le gouvernement de M. Howard de majorité à la Chambre haute. Ils jouent également un rôle comparable dans certains Etats fédérés, notamment en Tasmanie.

2. Les grands thèmes de la vie politique intérieure australienne

a) Les réformes économiques et sociales

Malgré cette conjonction des oppositions -travaillistes, démocrates et écologistes- au Sénat, le nouveau gouvernement est parvenu à faire adopter les premiers projets de son programme économique dont trois axes principaux doivent être soulignés :

- la rigueur budgétaire est la caractéristique majeure de la nouvelle loi de finances qui prévoit sur deux ans un effort exceptionnel de réduction de dépenses publiques et des diminutions drastiques des effectifs de la fonction publique (25 000 agents) ;

- en second lieu, la déréglementation du marché du travail a fait l'objet de mesures destinées à accroître la flexibilité du marché du travail et visant à favoriser les petites entreprises ; moins importantes qu'initialement prévu, ces mesures de compromis ont, semble-t-il, désarmé l'hostilité de la centrale syndicale ACTU qui rassemble encore 37 % des salariés (au lieu de 50 % en 1982) ;

- enfin, le programme gouvernemental prévoit la poursuite du processus de privatisations malgré l'opposition qu'elles suscitent, notamment dans le secteur du transport maritime, des télécommunications et de la banque.

Le gouvernement a toutefois jusqu'ici adopté une certaine prudence dans la mise en oeuvre des réformes annoncées. La question est aujourd'hui posée de savoir s'il pourra aller plus vite et plus loin -comme le souhaitent les milieux d'affaires qui préconisent un rythme de réformes plus soutenu- ou s'il devra se contenter de mesures prudentes et limitées pour ne pas accroître les tensions syndicales et risquer de remettre en cause treize années de relative paix sociale et de modération salariale résultant de la large association du mouvement syndical à la conduite de la politique économique sous le gouvernement travailliste.

b) La question de l'identité australienne

Le gouvernement doit également gérer avec délicatesse les débats relatifs à l'identité australienne et au multiculturalisme de l'île-continent qui témoignent d'un certain malaise identitaire et de la fragilité du consensus qui semblait s'être dégagé à ce sujet.

L'Australie -qui fascine un peu partout dans le monde et attire un très grand nombre de demandes d'immigration- attache en effet une grande importance à la question de son identité. Si son caractère de société multiculturelle doit lui permettre de répondre au défi de la mondialisation -peut-être plus aisément que les vieilles nations européenes- des débats importants -notamment entre la majorité et l'opposition- portent sur deux questions essentielles : celle de la communauté aborigène et celle de l'immigration, notamment asiatique.

- S'agissant des mesures en faveur de la communauté aborigène (240 000 personnes, soit 1,6 % de la population) , le gouvernement travailliste avait engagé une politique de réconciliation nationale qui fait aujourd'hui l'objet d'un réexamen prudent afin de ne pas attiser un risque de contestation aborigène violente. La question des droits fonciers reconnus depuis 1993 aux descendants des premiers occupants provoque de vifs débats dans la mesure où la nouvelle législation abolit la théorie de la " terra nullius " en vigueur depuis 1788 et fait obstacle à l'exploitation minière et agricole. Dans le même temps, la commission pour le développement économique des aborigènes (ASTIC) fait l'objet d'un projet de réforme contesté et les aides financières à la promotion des aborigènes sont atteintes par l'extrême rigueur budgétaire. De manière générale, la question aborigène resurgit du fait d' une nouvelle lecture de l'histoire conçue désormais au départ avec l'idée d'une invasion et non plus celle, établie jusqu'alors comme un postulat, d'une implantation pacifique des colons.

- En ce qui concerne le développement de l'immigration asiatique (qui représente aujourd'hui 5 % des résidents australiens et pourrait atteindre 15 % en 2050), le nouveau gouvernement est également plus sensible que son prédécesseur travailliste aux craintes identitaires de l'opinion. Mais il souhaite aussi ménager les partenaires asiatiques de l'Australie par le maintien d'une politique migratoire libérale. C'est dans ce double esprit que doivent être appréciées la réduction limitée du flux annuel de nouveaux immigrés (de 93 000 à 76 000) ou la sévérité accrue du régime de regroupement familial.

Mais la classe politique australienne quasi unanime a condamné les thèses xénophobes et populistes développées notamment par le Sénateur Pauline Hanson -qui ont pourtant reçu à l'automne dernier un vaste écho médiatique- et s'efforce d'empêcher l'émergence d'un mouvement de contestation radicale de l'immigration asiatique et de la société multiculturelle australienne, prouvant que l'angoisse du " péril jaune " demeure dans la conscience australienne et que les fantômes de la " politique de l'Australie blanche " pourraient être prêts à resurgir.

c) La question constitutionnelle et le débat sur la République

La question constitutionnelle et de l'avènement d'une Répulique australienne " n'apparaît pas aujourd'hui au premier rang des priorités de la coalition libérale-nationale, traditionnellement plus attachée aux liens avec la Couronne britannique. Elle n'en constitue pas moins, sinon un enjeu majeur, du moins un thème important du débat politique australien.

Il convient à cet égard de rappeler que, si l'Australie n'a guère modifié sa loi fondamentale d'inspiration britannique depuis 1901, l'Australia act de 1986 a déjà découplé définitivement le Commonwealth australien du Parlement de Wetsminster. Le précédent Premier ministre, M. Keating, travailliste, avait prévu l'organisation d'un référendum pour transformer l'Australie en république à l'horizon 2001, pour le centenaire de la Fédération. Et, en dépit de ses convictions personnelles monarchistes, le nouveau Premier ministre, M. Howard, s'est engagé à organiser une convention constitutionnelle et une consultation populaire sur ce thème .

S'il existe encore sur ce terrain un certain clivage traditionnel entre travaillistes républicains et libéraux majoritairement monarchistes, l'issue d'une telle consultation ne ferait, aux yeux des observateurs, guère de doute. L'opinion australienne, à l'exception des personnes les plus âgées ou de certains milieux d'ascendance anglo-saxonne, paraît en effet majoritairement favorable à la désignation du Chef de l'Etat australien par le corps électoral. Une majorité semble ainsi, si la question est posée, devoir se dégager en faveur de l'avènement d'une République australienne au terme d'une évolution qui apparaît inévitable. Si la question est politiquement sensible et pose des problèmes constitutionnels délicats, chacun admet aujourd'hui que l'évolution vers la république est désormais dans l'ordre des choses.

B. LA SITUATION POLITIQUE NÉO-ZÉLANDAISE

1. Le paysage politique néo-zélandais

a) La reconfiguration du panorama politique

Marquée par l'expansion économique et par l'urbanisation -notamment de la population maorie-, la Nouvelle-Zélande de l'après-guerre n'a pas échappé ensuite aux crises de années 1970 et 1980 qui ont notamment provoqué une profonde modification des orientations économiques du pays dans les années 1980.

Traditionnellement caractérisée par un bipartisme à la britannique fondé sur le parti national et le parti travailliste, le gouvernement conservateur de M. Robert Muldoon (national) dut alors céder la place à un gouvernement travailliste qui -sous l'impulsion du Premier ministre, M. David Lange, et dans un premier temps, de son ministre des finances, M. Roger Douglas- mit en oeuvre, à partir de 1984 , dans un renversement des rôle politiques habituels, une restructuration radicale de l'économie fondée sur le libéralisme économique, les privatisations et la déréglementation.

Les conséquences sociales -notamment en termes de chômage- de cet ultra-libéralisme et ses retombées politiques aboutirent à la démission de M. Lange en 1989 puis au très net succès du parti national, dirigé par M. Jim Bolger, aux élections de 1990, succès renouvelé d'extrême justesse en 1993 (avec une marge de 0,35 % sur le parti travailliste) malgré des résultats économiques flatteurs.

Dans le même temps, un nouveau mode de scrutin incluant pour la première fois une dose importante de proportionnelle (55 sièges sur 120 dans le cadre d'un système du double vote baptisé MMP pour " mixed member proportional ") a été introduit par voie référendaire en 1993 et a favorisé, à travers la prolifération des formations politiques, une certaine reconfiguration du paysage politique néo-zélandais -même si le parti national et le parti travailliste demeurent les plus importants.

Si le parti national est parvenu à gérer avec modération et habileté une situation délicate en s'appuyant sur les résultats économiques du gouvernement, le parti travailliste, aujourd'hui dirigé par Mme Helen Clarke, a décliné et s'efforce de surmonter une double crise d'identité et de stratégie qui lui impose de dépasser la contradiction apparente entre ses aspirations sociales traditionnelles et les principes libéraux.

Constituée en décembre 1991, l'Alliance -composée de cinq partis distincts- a effectué rapidement une percée spectaculaire sur la scène politique néo-zélandaise avant de perdre beaucoup de son élan en raison de l'imprécision de son programme et de l'annonce du retrait de la vie publique de son chef, M. Jim Anderton, qui est ensuite revenu sur sa décision. L'Alliance pourrait toutefois jouer un rôle dans l'avenir dans le cadre d'une coalition gouvernementale, aux côtés vraisemblablement du parti travailliste.

Mais c'est surtout la montée en puissance du parti populiste et nationaliste " New Zealand First " qui est venu, tout récemment, modifier la donne politique néo-zélandaise sous l'impulsion de son leader, M. Winston Peters, transfuge du parti national, d'origine partiellement maorie, réputé pour son abattage et son éloquence, et qui a remis au premier plan la question de l'immigration.

b) Les élections législatives du 12 octobre 1996 et la nécessaire constitution d'un gouvernement de coalition

Dans ce contexte, les élections législatives du 12 octobre dernier ont donné les résultats suivants :

- le parti national au pouvoir sous la direction de M. Bolger est arrivé en tête mais n'a obtenu que 33,8 % des voix et 44 sièges à la Chambre des représentants sur 120 ;

- le parti travailliste n'a pas profité du recul gouvernemental et a également sensiblement reculé avec 28,2 % des voix et 37 députés ;

- il en est allé de même de l'Alliance qui n'est arrivée qu'en quatrième position avec 10 % des voix (au lieu de 18 % en 1993) et 13 députés ;

- " New Zealand First " est ainsi apparu comme le principal bénéficiaire de la consultation en obtenant 17 sièges de députés et 13,3% de voix, lui octroyant un rôle clé dans la formation de toute coalition ;

- une cinquième formation " Act New Zealand " est enfin représentée au Parlement avec 8 sièges et 6,1 % des voix.

Le parti national ayant ainsi perdu la majorité absolue au Parlement -tout en devançant les travaillistes- le nouveau mode de scrutin a imposé la formation d'un gouvernement de coalition et a fait de " New Zealand First ", trois ans après sa constitution, l'arbitre de la situation politique et un acteur désormais majeur de la scène néo-zélandaise.

Cette formation populiste, un moment tentée d'appuyer une coalition de gauche rassemblant le parti travailliste et l'Alliance, a finalement choisi, fin 1996, de soutenir, à l'issue de deux mois d'intenses tractations, un gouvernement de coalition avec le parti national.

M. Bolger, malgré le revers qu'ont constitué les élections de 1996 pour le parti national, a ainsi finalement pu constituer, le 11 décembre dernier, un nouveau gouvernement, M. Winston Peters devenant vice-Premier ministre et ministre de l'économie.

c) Une coalition à la cohésion incertaine

La constitution du gouvernement de coalition -qui comprend 5 membres de " New Zealand First " sur les 20 membres du Cabinet- appelle trois observations :

- elle est d'abord fondée sur un accord de gouvernement qui laisse présager un certain infléchissement de la politique économique ultra-libérale du gouvernement néo-zélandais : augmentation des dépenses publiques (l'excédent budgétaire pour 1999 devrait être réduit à 2,4 % du PIB au lieu de 5,5 % dans les prévisions initiales), élargissement à 3 % (au lieu de 2 %) de l'objectif assigné à la Banque centrale en matière d'inflation, limitation de la concurrence dans certains services publics (santé, logement),

- la cohésion de la nouvelle coalition apparaît à bien des égards fragile : d'abord en raison des divergences profondes entre ses deux composantes et de l'opposition ancienne entre MM. Bolger et Peters -qui avait été évincé du gouvernement en 1991 par le Premier ministre ; ensuite parce que la cohésion interne de New Zealand First pourrait elle-même souffrir de son alliance avec le parti national alors que la majeure partie de ses électeurs souhaitaient un rapprochement avec la gauche, notamment au sein de l'électorat maori (10 % de la population) ; enfin, naturellement, du fait des critiques de l'opposition et notamment du parti travailliste qui pourrait profiter de l'association de New Zealand First à la gestion gouvernementale ;

- toutefois, certaines informations recueillies par votre délégation peuvent aussi bien laisser croire à une coalition moins chaotique que prévu dans la mesure où les deux partenaires ont naturellement intérêt au succès de leur " réconciliation " : M. Bolger, au pouvoir depuis 1990, peut bénéficier de son alliance avec M. Peters pour conduire une politique plus sociale et favoriser un désamorçage du contentieux maori ; quant à New Zealand First, son avenir dépend désormais directement du succès de l'expérience qui est désormais engagée.

2. Les grands thèmes de la vie politique néo-zélandaise

a) Les orientations économiques et sociales du gouvernement

L'un des atouts politiques de la coalition pourrait en effet résulter du léger infléchissement donné par l'accord de gouvernement au dogme ultra-libéral qui a fondé jusqu'ici l'action du gouvernement de M. Bolger.

Ainsi le salaire minimal est augmenté et doit passer en mars 1997 de 6,37 à 7 dollars de l'heure. De nouvelles dépenses publiques sont prévues dans le secteur de la santé et dans le système éducatif. Dans le domaine des entreprises publiques, les compagnies d'électricité, la poste et des chaînes de télévision doivent être écartées du processus de privatisations.

En contrepartie, les réductions d'impôts prévues par le parti national pour l'été 1997 ont été repoussées d'un an et l'objectif en matière d'inflation a été assoupli.

Malgré les critiques inhérentes à tout compromis et les incertitudes qui demeurent, le programme économique et social du gouvernement peut être ainsi considéré comme de nature à correspondre aux aspirations de l'opinion néo-zélandaise en maintenant une politique économique d'essence très libérale tout en essayant de gommer les plus fortes inégalités.

Mais bon nombre d'autres sujets sont susceptibles de confronter le gouvernement à des difficultés, à commencer par la question maorie qui n'est pas réglée par l'accord de gouvernement et constituera sans doute un élément déterminant de la solidité de la coalition.

b) La résurgence de la question maorie

Après une longue période de calme apparent, après les incidents sporadiques des années 1970, la contestation maorie est réapparue fin 1994 à l'occasion de manifestations ponctuelles de violences visant notamment des symboles de la " domination pakeha  ", c'est-à-dire des Néo-Zélandais blancs d'origine anglo-saxonne. Ainsi, la fête nationale du 6 février -qui commémore le traité de Waitangi de 1840 entre les tribus maories et la couronne britannique- a-t-il été marqué en 1995 par des violences qui ont provoqué une nouvelle prise de conscience du problème qui en a fait un des enjeux forts de la dernière campagne électorale et constitué un des thèmes privilégiés de M. Peters.

Dans son expression extrême, la contestation maorie remet en cause les institutions néo-zélandaises et revendique la souveraineté maorie, à commencer par les terres spoliées par les colons britanniques au cours du siècle dernier. De son côté, le gouvernement estime que le traité de Waitangi consacre un partenariat et non un quelconque droit à l'auto-détermination, encore moins au séparatisme, sous peine de remettre en cause l'unité du pays.

Cette question maorie appelle deux remarques principales :

- la question maorie, si elle ne doit pas être surestimée, est évidemment préoccupante pour la Nouvelle-Zélande dans la mesure où elle altère l'image du modèle d'intégration néo-zélandais, conduit et défendu par les gouvernements successifs depuis des décennies ; par les réalités sociales qu'elle souligne, la question apparaît ainsi révélatrice dans la mesure où la communauté maorie fait figure de laissée-pour-compte -même si les activistes maoris restent marginalisés au sein de leur propre communauté ;

- la façon dont la nouvelle coalition gèrera, dans ces conditions, le dossier maori fait encore l'objet de grandes incertitudes ; l'accord de gouvernement n'ayant pas clarifié les choses sur ce point -même si le parti national a renoncé à plafonner à un milliard de dollars les indemnisations à verser aux tribus maories et si des commissions ont été créées pour examiner les principaux problèmes de la communauté- la question reste posée ; c'est en particulier un enjeu majeur pour " New Zealand First " pour éviter qu'une plus grande frustration n'apparaisse chez les Maoris si les mesures prises n'étaient pas, comme il est probable, à la hauteur des espoirs suscités durant la campagne électorale par le parti de M. Peters.

c) La question des flux migratoires

Il en va largement de même de la question de l'immigration dont M. Peters avait fait un de ses chevaux de bataille favori en s'élevant notamment contre les proportions prises par l'immigration d'origine asiatique . Est ainsi apparue l'existence dans l'opinion d'un terreau hostile, à tout le moins, à un développement de l'immigration sur une grande échelle. Des réactions de rejet sporadiques en résultent, y compris d'ailleurs au sein de la communauté maorie dont une partie voit dans l'immigration extra-océanienne une menace supplémentaire contre les garanties résultant du traité de Waitangi.

La question est naturellement délicate -parce qu'elle touche fondamentalement à celle de l'identité néo-zélandaise- dans un pays d'à peine 3,5 millions d'habitants, où la densité de la population est l'une des plus faibles du monde mais où les équilibres ethniques sont intrinsèquement fragiles.

New Zealand First a dû, sur ce point, abandonner certains des ses engagements de campagne visant à réduire une immigration jugée incontrôlée et destructrice de l'identité nationale. L'accord de gouvernement ne prévoit à cet égard que de maintenir les flux migratoires actuels et d'organiser au printemps 1997 une " conférence sur la population ".

d) L'éventualité du passage à la République

Le débat sur l'éventualité du passage à la Répulique revêt enfin en Nouvelle-Zélande une acuité moins grande qu'enAustralie.

Le Premier ministre, M. Bolger, l'a toutefois relancé il y a deux ans en évoquant la possibilité pour la Nouvelle-Zélande de se doter d'un régime républicain à l'horizon de l'an 2000. Le débat ne fait sans doute que commencer et ne revêt pas une grande actualité.

Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être écartée compte tenu de l'évolution des rapports, de facto distendus, entre Wellington et Londres au cours des dernières années en raison du désintérêt croissant du Royaume-Uni pour le Pacifique sud. Un certain consensus est ainsi apparu en faveur de la suppression du recours au Conseil privé de Londres en tant que Cour suprême de justice ou de la suppression du système des honneurs ou décorations qui exige encore aujourd'hui l'approbation favorable de la couronne britannique.

Un détachement progressif vis-à-vis du Royaume-Uni, surtout si l'Australie allait dans le même sens, n'est donc pas à exclure même s'il ne paraît pas revêtir une actualité immédiate.

*

* *

II. DES ÉCONOMIES ASSAINIES PAR UNE LONGUE PÉRIODE DE LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE AUSTRALIENNE

1. La libéralisation de l'économie australienne

a) Des réformes de structures courageuses

L'évolution récente de l'économie australienne se caractérise d'abord par la révolution libérale conduite, dès les années 1980, par les gouvernements travaillistes , avec l'appui du puissant syndicalisme australien, dans un pays jusqu'alors doté d'une économie fortement administrée.

La prospérité australienne reposait en effet jusqu'aux années 1970 sur l'exportation de matières premières et de produits alimentaires. L'industrie -dont les travailleurs bénéficiaient d'un système développé de protection sociale et de salaires élevés - était abritée par de forts tarifs douaniers, essentiellement pour le marché intérieur.

Mais l' entrée dans la Communauté européenne de la Grande-Bretagne -avec laquelle l'Australie faisait 40 % de son commerce il y a trente ans, pour moins de 3 % aujourd'hui- a favorisé la prise de conscience par l'Australie de la nécessité de diversifier son économie pour la mettre en mesure d'affronter la concurrence internationale et de mieux intégrer une économie asiatique en pleine expansion.

C'est ainsi que d' importantes réformes ont été entreprises par les gouvernements dirigés par MM. Bob Hawke et Paul Keating : ils ont mis un terme à l'indexation des revenus sur les prix ; ils ont entrepris des privatisations d'entreprises publiques et des réformes de structures de plusieurs secteurs économiques, notamment le secteur bancaire ; enfin, un programme vigoureux de baisse des droits de douane a été mis en oeuvre, particulièrement dans le secteur agricole.

Ces modifications structurelles, coïncidant avec la récession de l'économie mondiale, ont au début de la décennie 1990 provoqué une sévère récession : la croissance a été négative en 1990-1991 et le chômage a atteint alors 11 % de la population active, frappant tout particulièrement les jeunes.

L'Australie a ensuite tiré bénéfice, à partir de 1992, des réformes accomplies, l'économie ayant été assainie par la purge ainsi subie. L'Australie a connu une forte croissance de 1992 à 1995 avec près de 4 % de progression annuelle du PIB. La vigueur de l'activité économique n'a pas entraîné de fortes tensions sur les prix et l' inflation -qui était assez forte jusqu'à la fin des années 1980- a été maîtrisée et n'a dépassé 2 % qu'en 1995, ce qui constitue un résultat spectaculaire obtenu grâce à la modération de la croissance des salaires depuis 1995. Enfin, le chômage -traditionnellement assez élevé dans une économie longtemps très réglementée où les systèmes d'assurance-chômage sont généreux- a été réduit à 8,5 %.

b) La persistance de déséquilibres structurels

Ces succès incontestables ont été toutefois hypothéqués par la persistance de déséquilibres structurels de l'économie australienne.

- Le commerce extérieur du pays présente d'abord des apparences plus proches de celles d'un pays en voie de développement que de celles d'une puissance industrielle, les produits primaires représentant près des deux-tiers des exportations. L'Australie est de surcroît dépendante d'un faible nombre de marchés, notamment le Japon qui absorbe le quart des exportations australiennes.

Cette caractéristique de l'économie australienne trouve son origine dans la faiblesse industrielle d'un pays qui souffre à la fois d'un marché intérieur limité, d'un éloignement géographique pénalisant, d'une relative pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et d'un syndicalisme encore puissant hérité des "trade-unions" britanniques.

De ce fait, l'Australie est particulièrement sensible à l'évolution de la demande : sur le plan intérieur, toute croissance de la demande entraîne une hausse rapide des importations, le tissu industriel national étant trop faible pour la satisfaire ; et sur le plan extérieur, tout ralentissement de l'économie mondiale a un impact direct sur les exportations de matières premières australiennes. Cette contrainte extérieure forte explique que la croissance de l'économie australienne ne puisse être que modérée et équilibrée.

- Ce déficit structurel de la balance commerciale se traduit aussi par une lourde dette extérieure , constituée en forte partie des dettes contractées par des opérateurs financiers australiens lors de prises de contrôle de sociétés étrangères. L'Australie enregistre chaque année d'importantes entrées nettes de capitaux, principalement à destination du secteur privé. La dette extérieure de l'Australie a ainsi continué à croître : elle a doublé entre 1984 et 1988, dépassé les 100 milliards de dollars en 1990 et atteint en 1996 188 milliards -soit près de 39 % du PIB.

2. Une économie australienne assainie

a) Une croissance maintenue dans un environnement stabilisé

La conjoncture économique australienne se caractérise toutefois aujourd'hui par une croissance maintenue, une inflation contenue et un certain redressement des comptes extérieurs qui doivent lui permettre de surmonter ces handicaps structurels.

- Une croissance soutenue . Entrée dans un cycle de croissance positive fin 1991, conformément au rythme des économies anglo-saxonnes, qui a connu son apogée en 1994 (avec une croissance de 5,1 %, et 7 % hors secteur agricole), l'économie australienne est aujourd'hui dans une phase de légère décélération. La croissance reste néanmoins soutenue, sur un rythme annuel de l'ordre de 4 % (3,5 % pour cette année).

Cette croissance maintenue a été principalement favorisée par la consommation des ménages qui a progressé plus rapidement que les autres composantes du PIB. Elle doit être également tirée par les investissements productifs privés qui sont favorisés par la baisse des taux, la fin du marasme immobilier, la fermeté du dollar australien et la confiance des milieux d'affaires.

- Une inflation maîtrisée . L'inflation a été par ailleurs réduite à un niveau satisfaisant (3,1 % en 1995-1996) après un léger dérapage l'année précédente (4,5 %). L'indice des prix à la consommation se situe au même niveau que l'inflation "sous-jacente", concept utilisé en Australie pour mesurer la dérive structurelle des prix. Pour l'avenir immédiat, il est prévu que l'inflation tendancielle poursuive sa décrue (2,75 % en juin 1997), grâce notamment à la baisse des prix à l'importation.

Cette maîtrise de l'inflation a été favorisée par :

- une politique monétaire rigoureuse , l'objectif assigné à la Reserve Bank étant de maintenir l'augmentation tendancielle des prix dans la fourchette de 2 à 3 % par an,

- et une politique des revenus sage : les gouvernements travaillistes avaient obtenu que cette politique soit "co-parrainée" par la puissante confédération syndicale ACTU, atténuant ainsi les revendications salariales ; cette cogestion de la politique des revenus a cependant été abandonnée par le gouvernement libéral qui compte sur le démantèlement progressif des conventions collectives et la généralisation des accords d'entreprises pour limiter les hausses salariales.

- Un certain redressement des comptes extérieurs. L'Australie est enfin parvenue à corriger sensiblement l'important déficit structurel de sa balance des transactions courantes qu'illustre le tableau ci-dessous :

Principaux soldes de la balance des transactions courantes

(en milliards de dollars australiens)

 

1989-1990

1990-1991

1991-1992

1992-1993

1993-1994

1994-1995

1995-1996

Solde commercial

-2428

2911

3797

591

-589

-8269

-1823

Solde des invisibles

-4139

-2553

-1899

-2188

-960

-1377

93

Solde des revenus de facteur

-17180

-18060

-15656

-13949

-14800

-18354

-19447

Balance des transactions courantes

-21460

-15329

-11573

-14884

-16171

-27476

-19968

Après s'être fortement dégradée en 1994-1995, la balance commerciale s'est améliorée l'an dernier, les exportations progressant de 10,3 % tandis que les importations n'augmentaient que de 5,6 %. On relève en particulier que la part des pays asiatiques dans le commerce international australien progresse : elle est passsée de 46 à 55 % entre 1988 et 1996.

b) Des handicaps qui doivent être surmontés

Cet environnement économique favorable doit permettre à l'Australie de surmonter les handicaps qui caractérisent sa situation économique.

- Le gouvernement s'efforce d'abord de corriger une épargne nationale insuffisante . Cette insuffisance, constante depuis les années 1970 -époque où avaient été prises de nombreuses mesures caractéristiques de l'Etat-providence- est illustrée par le niveau particulièrement bas du taux d'épargne des ménages (qui ne s'élevait en 1995-1996 qu'à 2,5 % du PIB), l'un des plus faibles de l'OCDE.

L'épargne nationale ne permet ainsi pas de couvrir l'ensemble des besoins de financements et est donc à l'origine du déficit des transactions courantes . C'est ce qui justifie l'effort entrepris par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire (4 % du PIB en 1993-1994, 2,1 % en 1995-1996, prévisions de 1,1 % en 1996-1997 et de 0,3 % en 1997-1998) et susciter un renouveau de l'épargne privée au travers des fonds de pension.

De même, la dette extérieure a fortement cru (même si elle a été légèrement réduite (de 41,4 % du PIB en 1991-1992 à 38,6 % en 1995-1996). La situation reste cependant maîtrisable : la bonne tenue du compte en capital permet d'assurer le financement du compte courant dans des conditions satisfaisantes et le service de la dette décroît avec la chute des taux et n'atteint que 11,3 % des exportations.

- L'autre problème majeur de l'économie australienne reste le chômage , même s'il a déjà été fortement résorbé -de 11,1 % en août 1993 à 8,1 % en janvier 1996- grâce à la dynamique de la croissance économique, alors que 770 000 emplois (soit 6,6 % de la population active) étaient créés durant la même période.

Car le marché du travail est redevenu morose -le taux de chômage variant aujourd'hui autour de 8,5 %- alors que la population active continue d'augmenter (+ 1,5 % par an) et que le taux de croissance actuel ne permet pas d'y remédier.

Le nouveau gouvernement mise sur la déréglementation du travail pour résorber le chômage et démanteler les politiques d'aides à l'emploi du gouvernement précédent. Mais il est à craindre que cette déréglementation ne puisse avoir d'effets que sur le moyen terme.

Au total, l'économie australienne -naturellement riche et favorisée- bénéficie des cycles de croissance américains et asiatiques et connaît aujourd'hui une situation globalement satisfaisante , malgré la question du chômage (qui ne constitue d'ailleurs pas elle-même un sujet de préoccupation aigu).

L'économie australienne croît mais à un rythme beaucoup moins rapide que l'environnement asiatique dans lequel elle s'intègre pourtant de plus en plus. L'Australie, à l'évidence, se rapproche plus d'un modèle de développement européen que de la forte croissance du modèle asiatique. Elle demeure fortement dépendante de financements extérieurs et s'efforce d'inspirer confiance aux investisseurs étrangers pour assurer le financement de son déficit structurel des paiements courants.

C'est la raison pour laquelle les Australiens souhaitent que de nombreuses entreprises étrangères s'implantent dans leur pays et qu'elles fassent des grandes villes australiennes -comme Sydney, Melbourne ou Perth- leur base d'intervention dans la région Asie-Pacifique . Les résultats n'ont pas été jusqu'ici à la hauteur des espérances australiennes. Mais les opportunités et les conditions favorables proposées -à commencer par la qualité de vie australienne et la communauté culturelle qui unit l'Australie aux Européens -méritent sans aucun doute d'être prises en considération par les investisseurs français potentiels.

B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE NÉO-ZÉLANDAISE

1. Une décennie de réformes économiques profondes

a) Un "laboratoire" du libéralisme économique

Longtemps considérée comme l'un des pays les plus protectionnistes du monde, la Nouvelle-Zélande s'est engagée à partir de 1984, sous l'impulsion initiale du ministre travailliste des finances de l'époque M. Roger Douglas, dans une spectaculaire transformation de ses structures économiques et est en quelque sorte devenue, en l'espace d'une dizaine d'années, une sorte de "laboratoire" du libéralisme économique .

Jusqu'au début des années 1980 , l'économie néo-zélandaise se caractérisait en effet par son caractère peu ouvert sur l'extérieur et par un haut degré d'interventionnisme économique. L'entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne et l'abandon simultané du système de la "préférence impériale", le haut niveau du système de protection sociale néo-zélandais et les deux chocs pétroliers avaient souligné l'inadaptation des structures économiques néo-zélandaises à la compétition économique internationale. Cette politique interventionniste s'était traduite, en raison d'une productivité des facteurs très insuffisante, par des performances économiques modestes, le revenu par habitant ne progressant que de 1,4 % par an entre 1950 et 1985 -contre 2,9 % pour l'ensemble des pays de l'OCDE.

C'est dans ce contexte que la victoire travailliste aux élections s'est paradoxalement traduite, à partir de 1984, par une modification complète de la politique économique néo-zélandaise au profit d'une approche résolument libérale : les principaux secteurs de l'économie -à commencer par l' agriculture - ont été libéralisés, les protections commerciales réduites, le secteur public diminué et son efficacité améliorée. L'économie nationale a cependant mis un certain temps à tirer les dividendes des réformes. La progression du PIB est restée inférieure à la moyenne de l'OCDE dans les années 1985-1990, tandis que le chômage progressait et que l'inflation s'accélérait.

Le retour au pouvoir du parti national -dirigé par M. Bolger- fin 1990 s'est cependant traduit par une relance du processus de déréglementation. La nouvelle majorité a modifié radicalement la législation du travail- mettant notamment fin à la pratique du syndicat obligatoire -ce qui aboutit, malgré le coût social d'une telle politique, à une forte augmentation de la productivité du travail et à une reprise de la croissance en 1991, en dépit d'un environnement international défavorable, puis à une diminution du taux de chômage qui avait atteint 11,5 % en 1991.

La Nouvelle-Zélande est ainsi devenue aujourd'hui le pays où les subventions agricoles sont les plus faibles . Rares sont les secteurs qui n'ont pas été touchés par le mouvement de libéralisation. Les principales privatisations ont été effectuées entre 1987 et 1992 et il ne subsiste plus aujourd'hui qu'une quinzaine d'entreprises publiques. L' administration a de son côté vigoureusement réduit ses effectifs . La vague des grandes réformes de structures est donc aujourd'hui achevée.

L'économie néo-zélandaise repose encore largement sur l' exploitation de ses ressources naturelles . Le pays reste d'abord producteur et transformateur de produits de base ; en dépit de l'évolution de l'agriculture néo-zélandaise -notamment la diminution de l'importance relative de l'élevage ovin-, l'agriculture reste très importante pour l'économie nationale. Cette prépondérance se retrouve dans les exportations de la Nouvelle-Zélande dont la viande, les produits laitiers, le poisson, la laine et les fruits et légumes représentent la moitié.

L'économie néo-zélandaise demeure ainsi particulièrement sensible à tout choc extérieur -compte tenu de sa dépendance par rapport à ses exportations agricoles . Elle dépend aussi de sa capacité à attirer des capitaux étrangers , nécessaires à son développement.

b) Une économie ouverte, fortement liée à la région Asie-Pacifique

Après cette thérapie libérale de choc, l'économie néo-zélandaise constitue sans doute aujourd'hui l'un des marchés les plus ouverts, les plus transparents et les plus déréglementés du monde.

Bien que la taille modeste et l'éloignement géographique de ce marché puissent représenter un handicap, la Nouvelle-Zélande s'efforce de surmonter ces inconvénients en s'intégrant pleinement à l'économie internationale.

La Nouvelle-Zélande est d'abord étroitement liée à l'Australie , en particulier par l' accord C.E.R. ("closer economic relations agreement") qui prévoit entre les deux pays, qui représentent un marché de plus de 20 millions de personnes, la liberté de circulation des biens, des capitaux et des services.

Mais la Nouvelle-Zélande est aussi de plus en plus fortement intégrée dans la région Asie-Pacifique. 40 % des exportations néo-zélandaises sont ainsi destinées aux marchés asiatiques et la Nouvelle-Zélande enregistre un important excédent commercial avec le Japon. Ces relations commerciales trouvent en outre leur prolongement à travers des relations humaines et culturelles et l'on relève ainsi que nombre de dirigeants asiatiques ont été formés en Nouvelle-Zélande et que l'enseignement du japonais se développe dans les écoles néo-zélandaises.

La Nouvelle-Zélande, qui peut faire valoir des coûts de production très compétitifs, cherche ainsi à accueillir des investissements étrangers en mettant en valeur sa situation privilégiée pour opérer, au-delà de la Nouvelle-Zélande, dans l'ensemble de la région Asie-Pacifique.

2. Les fruits de la réforme : une économie dynamique

a) Des indicateurs économiques très satisfaisants

La Nouvelle-Zélande a ainsi obtenu au cours des dernières années, et singulièrement depuis 1993, d'excellents résultats économiques : croissance très significative, baisse du chômage, amélioration de la profitabilité des entreprises et redressement des finances publiques.

- L'économie néo-zélandaise connaît sa cinquième année consécutive de croissance , qui s'est élevée à 4 % en moyenne depuis 1993 . En 1996, un léger recul de la croissance a toutefois été enregistré (2,6 % en rythme annuel en juin 1996) conformément au scénario de l'"atterrissage en douceur" après l'envolée des années précédentes. Les causes principales en ont été un ralentissement de la demande intérieure et une politique monétaire restrictive. Mais les dernières prévisions et les mesures fiscales décidées par le gouvernement en 1996 laissent envisager une reprise de la croissance pour 1997-1998, confirmant ainsi les tendances positives enregistrées au cours des dernières années.

- Le taux de chômage , qui avait atteint un maximum de 11,5 % en 1991, a été depuis fortement réduit et se maintient aujourd'hui aux alentours de 6 % , ce qui constitue sans doute un seuil en-dessous duquel il est difficile de descendre et représente d'ores et déjà l'un des taux les plus faibles parmi tous les pays de l'OCDE. Ce résultat est d'autant plus remarquable que la population active totale s'est accrue dans le même temps -de 1991 à 1996- de 234 000 personnes, soit une augmentation de plus de 16 %. Cette tendance se poursuit (+ 3,9 % l'an dernier) et devrait se confirmer, quoiqu'à un rythme plus ralenti, dans les prochaines années.

- L'inflation a été, de son côté, jusqu'ici maîtrisée. L'"inflation sous-jacente", calculée par la Banque centrale néo-zélandaise en excluant l'incidence de l'évolution des taux d'intérêt sur le service de la dette et celle de la fiscalité, est demeurée sous la barre des 2 % - fixée par le gouvernement -pendant la plus grande partie de la période 1991-1996. Cet objectif a été légèrement dépassé en 1995 et 1996 sous l'effet de pressions inflationnistes qui ont conduit au maintien de taux d'intérêt élevés et à l'appréciation du dollar néo-zélandais. La fixation à 3 % par le nouveau gouvernement du plafond d'inflation sous-jacente devrait permettre de respecter l'objectif fixé en 1997.

- Les finances publiques néo-zélandaises ont été parallèlement rétablies et ont affiché des excédents budgétaires au cours des trois derniers exercices (avec notamment 3,4 milliards de dollars néo-zélandais d'excédent en 1995-1996). L'accroissement des recettes fiscales et la rigueur de la politique budgétaire doivent permettre de pérenniser cette situation favorable dans les années à venir.

Ces excédents n'ont cependant permis de résoudre que de manière très partielle le problème de la dette néo-zélandaise. L'endettement extérieur du pays reste élevé et s'élevait à 74,7 milliards de dollars néo-zélandais au 30 juin 1996 (soit une hausse de 7,6 % en un an). Si la dette publique a été fortement réduite (de 52 % du PIB en 1991-1992 à 33,4 % en 1995-1996), la difficulté pour le secteur privé à financer localement les importants investissements entraînés par l'expansion explique cette détérioration.

Le nouveau gouvernement a affiché sa volonté de réduire encore l'endettement public à moins de 30 % du PIB et de maintenir des excédents budgétaires en dépit de l'accroissement prévu des dépenses sociales.

- Enfin, la balance commerciale de la Nouvelle-Zélande s'est détériorée et est devenue déficitaire depuis la mi-1995. La responsabilité en incombe à la fois au niveau élevé du dollar néo-zélandais et à l'expansion économique qui génère un courant accru d'importations, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous :

Statistiques annuelles du comerce extérieur

Année

Exportations

(FOB)

Importations

(CIF)

Balance commerciale (FOB/CIF)

1990

15049

15688

-639

1991

15892

15490

+402

1992

17510

15185

+2325

1993

18899

17260

+1639

1994

19867

18329

+1538

1995

20842

21151

-309

1996

20868

21350

-482

Cette détérioration de la balance commerciale entraîne également un creusement du déficit de la balance des paiements courants qui a dépassé 4 % du PIB en 1996 et pourrait, selon les prévisions, atteindre 5 % en 1997-1999, ce déficit étant imputable au secteur privé (rapatriement des profits réalisés par les sociétés étrangères en Nouvelle-Zélande).

b) Une réforme économique exemplaire dont les grandes lignes doivent être maintenues par la nouvelle coalition

Le processus de réformes conduit depuis 1984 en Nouvelle-Zélande a ainsi radicalement transformé le paysage économique national . Si l'ère des grandes réformes est aujourd'hui terminée, le caractère exceptionnel et la cohérence de ce mouvement global de libéralisation et de déréglementation méritent d'être soulignés. Ainsi, à titre d'exemples :

- 40 % des revenus des agriculteurs néo-zélandais provenait en 1984 de subventions gouvernementales ; un an plus tard, la quasi-totalité de ces subventions avaient disparu avec les difficultés qui en résultèrent ; mais, dix ans après, l'agriculture néo-zélandaise se porte bien et est devenue beaucoup plus saine ;

- la Nouvelle-Zélande est aussi le premier pays à avoir totalement aligné son administration et sa comptabilité publique sur celle du secteur privé : les administrations y agissent désormais comme des sociétés de services, les responsables administratifs ont des contrats de cinq ans au maximum mais disposent d'une très grande autorité dans la gestion, et le système comptable a été, de ce fait, poussant la logique jusqu'à son terme, totalement aligné sur les normes privées.

L'expérience néo-zélandaise est ainsi à bien des égards exemplaire et mérite, selon votre délégation, d'être mieux connue et analysée même si la taille modeste et les spécificités de l'économie néo-zélandaise en limitent naturellement le caractère transposable sous d'autres latitudes. Ce processus de réformes a d'ores et déjà suscité beaucoup d'intérêt au niveau international où son efficacité pour permettre à la Nouvelle-Zélande de relever les défis de la mondialisation a été largement reconnue. Pendant quatre années consécutives, jusqu'en 1995, la Nouvelle-Zélande a ainsi été classée au premier rang des pays de l'OCDE dans le "World competitiveness report" pour ce qui est de l'action des pouvoirs publics et de la compétitivité à long terme.

L'exemplarité de la réforme néo-zélandaise dépendra aussi de sa poursuite et de la pérennité des résultats enregistrés au cours des dernières années. A cet égard, l'accord de gouvernement conclu en décembre 1996 entre le parti national et "New Zealand First" maintient les grands axes de la politique économique néo-zélandaise tout en prévoyant des infléchissements révélateurs :

- le "Reserve bank act" demeure mais le taux d'inflation sous-jacente toléré est, on l'a déjà signalé, porté à 3 %,

- l'"employment contract act", qui a considérablement affaibli les syndicats et rétabli les négociations directes entre employeur et employé, doit être amendé.

La Nouvelle-Zélande, enfin, n'est pas à l'abri d'un choc extérieur dans la mesure où elle est fortement dépendante de ses exportations de denrées agricoles et de sa capacité à attirer les capitaux étrangers. Cependant, l'importance croissante de son commerce avec les pays asiatiques, la sous-exploitation de ses ressources naturelles et la compétitivité de son secteur productif devraient lui permettre de faire fructifier les résultats de la réforme, politiquement très courageuse, conduite à partir de 1984.

*

* *

III. DES POLITIQUES EXTÉRIEURES AUX AMBITIONS ESSENTIELLEMENT RÉGIONALES

A. LES ORIENTATIONS DIPLOMATIQUES ET DE SÉCURITÉ DE L'AUSTRALIE

1. Les grands axes de la politique étrangère de Canberra

Si l'Australie a connu des alternances de périodes particulièrement dynamiques et d'autres moins ambitieuses sur la scène internationale -en fonction principalement de la personnalité de ses dirigeants successifs-, plusieurs facteurs limitent traditionnellement la marge de manoeuvre de la diplomatie australienne : l'isolement géographique du pays, la faiblesse de sa population et de son marché intérieur, et son potentiel industriel limité soulignent l' enjeu essentiel de la sécurité de ses voies de communication pour une Australie excentrée, exportatrice de produits primaires. Ces handicaps ont incité l'Australie à se placer successivement sous la tutelle d'une grande puissance anglo-saxonne, d'abord la Grande-Bretagne puis, après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis .

Malgré ces limites, l'Australie a affirmé son statut international par sa capacité d'initiatives. Ainsi, dans la région Asie-Pacifique , elle a fondé le PECC en 1980 et pris l'initiative de la création de l'APEC dont elle a accueilli la première réunion en 1989. On sait aussi, sur le plan multilatéral, l'importance de son engagement en matière de désarmement .

La diplomatie australienne affirme son insertion en Asie et son appartenance au Pacifique sud. Mais, en se voulant un allié sans faille des États-Unis et en se prévalant de ses liens historiques avec l'Europe, l'Australie cherche à valoriser son rôle de "charnière" entre l'Asie et l'Occident . C'est dans cet esprit que l'Australie souhaite en particulier attirer les investisseurs européens en mettant en valeur les relations commerciales privilégiées qu'elle entretient avec les pays asiatiques.

a) L'insertion de l'Australie en Asie

La principale évolution de la politique extérieure australienne depuis 1972 (gouvernement travailliste dirigé par Gough Whitlam) a été sa politique de rapprochement avec le continent asiatique , parallèlement au relâchement de ses liens historiques avec la Grande-Bretagne et, plus généralement, le monde anglo-saxon.

Ce tournant politique, confirmé par les gouvernements australiens successifs, a revêtu une dimension économique forte. L'Extrême-Orient et l'Asie du sud-est représentent ainsi désormais 60 % des exportations australiennes et rassemblent six des dix principaux partenaires commerciaux du pays.

Cette politique d'insertion en Asie a également eu une dimension humaine importante : une politique migratoire libérale, essentiellement favorable à de nouveaux arrivants asiatiques, un tourisme important venu d'Asie (300 000 touristes indonésiens en 1995), et la formation de nombreux étudiants asiatiques (56 000 en 1996) en sont quelques-unes des manifestations les plus importantes.

Enfin, sur le plan militaire , Canberra s'est efforcé de favoriser, face à la puissance chinoise, une organisation de sécurité en Asie visant à la fois à mettre en lumière la communauté d'intérêts entre pays de la zone, à ancrer la puissance américaine dans la région et à favoriser un dialogue avec Pékin -malgré certaines manifestations chinoises d'agressivité territoriale. Dans ce cadre, le renforcement de la coopération militaire avec les pays de l'ASEAN s'est traduit récemment par un traité de sécurité entre l'Australie et l'Indonésie (18 décembre 1995) et la revitalisation des relations militaires avec Singapour et la Malaisie. L'Australie est enfin un fournisseur d'armes non négligeable, notamment dans le domaine maritime, dans la région (Indonésie, Malaisie...).

Cette politique de rapprochement avec l'Asie et l'ambition australienne de jouer un rôle de "passerelle" entre l'Occident et l'Asie n'en rencontre pas moins de sérieuses limites :

- sur le plan international, la position de l'Australie suscite des réticences chez certains de ses partenaires asiatiques : ainsi la Malaisie s'est-elle opposée à la participation de l'Australie au premier sommet Europe-Asie de Bangkok en 1996 et a élaboré un projet concurrent de l'APEC, excluant Canberra ;

- la démarche australienne, ainsi parfois considérée comme le représentant de l'Occident dans la région, se heurte d'autre part aux tensions récurrentes qui opposent l'Australie à certains de ses voisins dans le domaine des droits de l'homme (Timor, Birmanie), malgré la prudence de la diplomatie australienne, et qui témoignent des différences culturelles et politiques entre l'île-continent et ses voisins ;

- enfin, sur le plan intérieur, le rapprochement avec l'Asie, imposé à une partie de l'opinion australienne toujours réticente, cultive un certain malaise identitaire de l'Australie.

Il faut toutefois relever que le nouveau gouvernement australien n'a pas suscité d'évolution marquée et encore moins un renoncement à la politique de rapprochement avec les pays asiatiques. Malgré de nombreuses difficultés -liées notamment aux restrictions apportées à la politique migratoire, à la suppression de subventions aux exportations et aux thèses xénophobes du sénateur Pauline Hanson-, la coalition libérale-nationale s'est efforcée de maintenir une relation confiante avec l'ensemble des pays asiatiques et d'obtenir leur accord pour la participation de l'Australie au second sommet Europe-Asie prévu à Londres en 1998.

L'Australie attache enfin une extrême importance à l'APEC, même s'il est douteux que ce forum débouche rapidement sur une zone de libre-échange régionale et, encore moins, sur l'émergence d'un système de sécurité qui en serait issu.

b) Les autres lignes directrices de la diplomatie australienne

Pour le reste, les autres lignes directrices de la diplomatie australienne sont orientées autour de quatre idées principales.

(1) L'Australie demeure d'abord naturellement une nation du Pacifique sud, même si cette région ne constitue plus pour elle une priorité

C'est naturellement avec la Nouvelle-Zélande que les relations sont les plus importantes. La poursuite de l'intégration des deux économies dans le cadre de l'accord C.E.R. de 1983, l'identité des points de vue australien et néo-zélandais sur de nombreux sujets (essais nucléaires, Pacifique sud, relations avec la Couronne britannique...) et la parenté politique des gouvernements australien et néo-zélandais permettent d'ailleurs d'envisager un renforcement supplémentaire des relations transtasmanes, même si, pour Canberra, les relations avec les Etats-Unis priment sur celles avec Wellington, dont les initiatives antinucléaires ont été à l'origine d'une détérioration des relations américano-néo-zélandaises.

Pour le reste, l'Australie assume ses responsabilités dans la région du Pacifique sud dont elle est le premier partenaire commercial et le premier bailleur de fonds (428 millions de dollars australiens). L'essentiel de cette aide (325 millions) est toutefois destinée à la Papouasie-Nouvelle-Guinée , son ancienne colonie, à laquelle l'Australie apporte une assistance administrative et militaire et une coopération dont le cadre est fixé par un traité pour le développement de 1989. La coopération australienne s'inscrit en outre désormais dans un contexte de rigueur budgétaire qui conduit Canberra à privilégier de nouvelles priorités en imposant à ses partenaires des efforts conformes aux exigences des institutions de Bretton-Woods et en substituant autant que possible l'aide projet à l'assistance budgétaire.

Le nouveau gouvernement australien témoigne de la même fidélité -et des mêmes difficultés- à l'égard des pays insulaires du Pacifique sud. Il est à relever que M. Downer, ministre des affaires étrangères, s'est, à l'occasion d'une tournée dans la région, rendu en décembre dernier en Nouvelle-Calédonie et que Canberra continue de soutenir la Commission du Pacifique sud (dont le sécrétariat général est assuré par un Australien).

(2) Une alliance privilégiée avec les Etats-Unis

L'alliance entre Canberra et Washington manifeste l'attachement de l'Australie au "leadership" américain sur le plan stratégique. Cette alliance, ancienne, s'est développée depuis 1951 dans le cadre de l'ANZUS (entre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis) et a même été, d'une certaine façon, renforcée par la défection de la Nouvelle-Zélande en 1985 à la suite de son désaccord sur le nucléaire avec les Etats-Unis. C'est ainsi que l'Australie a, encore récemment, prouvé sa fidélité à la mouvance occidentale lors de la guerre du Golfe. Dans le même esprit, et pour souligner son attachement au rôle de l'ONU, Canberra a dépêché en 1993 un détachement significatif (900 hommes) en Somalie.

La diplomatie australienne, à la recherche de l'affirmation d'une politique étrangère plus autonome, avait cependant paru prendre quelques distances, au cours des dernières années, à l'égard de Washington. Mais le retour au pouvoir en 1996 d'un gouvernement libéral-national -s'ajoutant aux limites de la politique d'insertion en Asie- a conduit Canberra à tenter de retrouver son statut d' allié privilégié des Etats-Unis dans la région .

Cette orientation s'est traduite par un renforcement de la coopération militaire bilatérale -notamment dans le domaine essentiel du renseignement-, par d'importants exercices conjoints, par une déclaration commune sur la sécurité et, enfin, par la visite en Australie -symboliquement forte- du Président Clinton en novembre 1996, aussitôt après sa réélection.

(3) Des relations avec l'Europe qui doivent être renforcées

Vis-à-vis de l'Europe, la diplomatie australienne demeure empreinte d'une certaine distance, à laquelle il est de l'intérêt commun de remédier par un dialogue plus constant et approfondi.

En dépit d'une détente apparente du climat avec l'Union européenne -manifestée notamment par la visite en Australie de Sir Brittan, vice-président de la Commission européenne, en juin 1996-, Canberra, leader du "groupe de Cairns", demeure très critique à l'égard de la politique agricole commune qu'elle accuse d'autant plus d'être un obstacle à une nouvelle libéralisation commerciale qu'elle doit subir les effets des mesures commerciales protectionnistes américaines. Par ailleurs, les négociations d'un accord-cadre avec l'Union européenne se sont heurtées fin 1996 au refus par l'Australie d'une clause sur les droits de l'homme -que l'Union inclut désormais dans tous les accords de ce type avec des pays tiers. Enfin, l'Australie, souhaitant affirmer son rapprochement avec l'Asie, demeure réticente vis-à-vis des initiatives européennes sur le continent asiatique .

Il reste que le nouveau gouvernement australien affiche sa volonté d'une relance des liens avec les pays européens et son refus de "choisir entre son histoire et la géographie". Cette relance s'est manifestée dans les relations interétatiques bilatérales et, singulièrement, dans les relations franco-australiennes.

(4) Le rôle de l'Australie dans les enceintes multilatérales

Dernier axe traditionnellement privilégié de la politique étrangère australienne, la diplomatie multilatérale revêt une importance particulière pour Canberra.

L'Australie a marqué de longue date son attachement aux systèmes de sécurité collective. Elle a participé activement à la réflexion sur la réforme des Nations-Unies. Elle a joué un rôle important dans les domaines de l'environnement (traité sur l'Antarctique). Elle a surtout été particulièrement active, depuis des années, dans le domaine du désarmement (participation remarquée à l'élaboration de la convention sur les armes chimiques) et surtout du désarmement nucléaire : traité de non prolifération et traité d'interdiction complète des essais (que Canberra a présenté avec succès aux Nations unies le 10 septembre dernier).

La diplomatie australienne a toutefois été affectée, fin 1996, par l'échec de sa candidature à un poste de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, au profit de ses concurrents suédois et portugais. Ce revers -sans doute imputable à la faiblesse de l'implantation diplomatique australienne sur plusieurs continents et à sa reconnaissance de l'annexion indonésienne de Timor- pourrait conduire le nouveau gouvernement australien, moins entreprenant sur la scène internationale que son prédécesseur, à plus de prudence dans l'expression de ses ambitions internationales et à donner la préférence aux relations bilatérales par rapport aux considérations multilatérales.

L'Australie s'attache cependant actuellement à l' élaboration d'un "livre blanc" sur les priorités stratégiques de Canberra pour les dix à quinze années à venir qui permettra de préciser les orientations à moyen et à long termes de la politique extérieure australienne.

2. La politique de la défense australienne

a) Les grandes orientations stratégiques

Alliée traditionnelle de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis -aux côtés desquels elle s'est successivement engagée dans les deux conflits mondiaux, en Corée et au Vietnam-, l'Australie s'est efforcée au cours des dernières décennies de protéger de façon plus autonome un territoire vulnérable.

Si l'Australie n'est pas confrontée à des menaces immédiates, la principale vulnérabilité de l'île-continent réside en effet dans la facilité avec laquelle ses lignes de communications maritimes pourraient être coupées. L'Australie, qui dépend de ces lignes de communication pour ses exportations -qui financent ses importations de produits finis-, ne peut en assurer seule la protection, en raison de l'insuffisance de sa capacité de projection aéronavale. Or ces lignes de communications pourraient être théoriquement menacées : par la Chine -dont l'Australie craint l'expansion militaire et l'acquisition d'une capacité aéronavale-, par l'Indonésie, par l'Inde voire par la Thaïlande.

Dans ce contexte, la stratégie de défense australienne repose sur trois orientations principales :

- d'abord des relations de sécurité étroites avec les Etats-Unis ; l'importance de cette alliance stratégique, déjà ancienne, a été réaffirmée en juillet 1996 par une déclaration commune intitulée "Australie-Etats-Unis : un partenariat stratégique pour le XXIe siècle" qui souligne une nouvelle fois le caractère privilégié de la relation de sécurité entre les deux pays et prévoit des mesures concrètes de renforcement de cette relation - comportant notamment un accroissement des effectifs américains ;

- deuxième orientation majeure : la nécessité d'un engagement régional ; l'Australie est déjà liée à la Malaisie, à Singapour, au Royaume-Uni et à la Nouvelle-Zélande par le " pacte de défense des cinq nations " depuis 1971 ; les forces aériennes et navales australiennes, malaisiennes et singapouriennes participent régulièrement à des exercices communs ; l'Australie s'est en outre récemment rapprochée de l'Indonésie avec laquelle elle a conclu, face aux menaces liées à un éventuel expansionnisme chinois, un traité de sécurité ; enfin -on l'a dit- l'Australie poursuit ses efforts en matière de sécurité collective dans le cadre de l'ASEAN, voire de l'APEC ;

- l'Australie poursuit enfin la recherche d'une certaine autonomie de décision et d'une indépendance de moyens suffisante ; Canberra privilégie à cet égard le renseignement et l'acquisition de moyens de reconnaissance stratégique et d'évaluation de la menace dans le cadre d'une stratégie de défense en profondeur : les moyens de surveillance de l'espace aéromaritime du nord doivent assurer la protection des lignes de communication australiennes.

b) Les nouvelles orientations de la politique de défense australienne

Dans ce cadre général, le nouveau ministre australien de la défense, M. Mc Lachlan, a défini en octobre 1996 de nouvelles orientations pour la politique de défense australienne.

Tout en réaffirmant l'alliance avec les Etats-Unis comme une option stratégique majeure, ces orientations visent à forger progressivement une armée plus mobile disposant de capacités de combat renforcées et capable de se projeter sur des théâtres extérieurs .

La réforme proposée -dont le coût est estimé à 380 millions de dollars australiens de 1996 à 1999- vise notamment à renforcer les unités combattantes de l'armée australienne, à accroître le rôle des réservistes, à créer des forces indépendantes capables de se projeter sur tout le territoire australien ou à l'extérieur, et à acquérir des équipements nouveaux permettant d'améliorer la mobilité et la puissance de feu de l'armée.

La persistance de la crise de Bougainville depuis plusieurs années, la demande d'assistance technique et militaire du gouvernement vanuatan en novembre dernier, comme la participation à des opérations multinationales (guerre du Golfe et Restore Hope ) ont en effet mis en évidence la nécessité, pour l'Australie, de pouvoir projeter des forces au-delà de ses approches immédiates. Les forces armées doivent ainsi être en mesure d'assumer les obligations prises à l'égard des alliés, tant en matière de coopération militaire (accords de défense ou formation du personnel) que de participation, sous l'égide de l'ONU, aux missions humanitaires et de maintien de la paix.

c) Des moyens militaires en cours de modernisation malgré un budget limité

Les forces armées australiennes éprouvent cependant des difficultés à conduire à leur terme la totalité des programmes d'équipement engagés tout en maintenant un niveau d'activité suffisant. Le budget de la défense australien a été en effet en baisse constante au cours des dernières années et ne représente plus que moins de 2 % du PIB national (environ 10 milliards de dollars australiens). En très légère augmentation pour l'exercice 1996-1997, il devrait cependant, selon les orientations gouvernementales, progresser et être dispensé des contraintes imposées aux autres ministères en vue de la réduction du déficit public.

En l'état, les effectifs des forces armées australiennes s'élèvent aujourd'hui à 57 000 hommes (61 000 en 1990), bien équipés avec des matériels sophistiqués -même si elles souffrent d'une grande dépendance à l'égard des moyens stratégiques américains et de capacités d'entraînement insuffisantes :

- l'armée de terre , constituée de 24 000 hommes (et d'une réserve de 21 000 hommes), a été la principale victime des budgets des dernières années et ne dispose que de matériels anciens (une centaine de chars Léopard notamment) ou souffrant de problèmes de maintenance ; elle devrait cependant bénéficier d'un rôle et de moyens accrus dans le cadre des réformes annoncées pour accroître le nombre et l'efficacité des unités de combat ;

- la marine australienne a pour sa part un rôle majeur pour défendre les approches du pays et lui fournir les moyens de ne pas s'isoler sur la scène internationale ; disposant de près de 14 000 hommes, elle est de taille moyenne mais est moderne et bien équipée ; si sa capacité de transport et de projection aéronavale est limitée, elle fait actuellement l'objet d'une politique de modernisation ambitieuse : ainsi, ses sous-marins devraient être tous remplacés d'ici 2005 par la construction de six unités de type "Collins" ; ses frégates et sa flotte de patrouille maritime doivent être également renouvelées ;

- enfin, l'armée de l'air (19 000 hommes) est équipée de moyens satisfaisants, quoique parfois anciens : 30 avions de reconnaissance F111, 50 chasseurs F18 récents, une vingtaine d'avions de transport C130, et une vingtaine d'avions de patrouille maritime (en cours de renouvellement), pour un parc aérien total de 270 appareils.

Il faut enfin souligner que l'Australie a développé, depuis une dizaine d'années, des capacités de production d'armement non négligeables, notamment dans le domaine naval, en fabriquant sur son territoire des équipements qu'elle achète aux pays occidentaux. Elle s'efforce également de pénétrer les marchés asiatiques de l'armement , à la fois pour consolider son industrie nationale et pour rendre plus dépendants et plus stables les pays du sud-est asiatique.

B. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE DÉFENSE DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE

1. Les grandes orientations de la diplomatie néo-zélandaise

Confrontée, comme l'Australie -et avec des moyens beaucoup plus faibles-, à la nécessité de garantir la sûreté de ses voies de communications , la Nouvelle-Zélande, que tout rattachait traditionnellement à la Grande-Bretagne, a vu progressivement la tutelle britannique s'éloigner et se distendre. Tentée dans les années 1970 par un nouvel amarrage aux Etats-Unis , Wellington n'a pu mener à bien ce rapprochement en raison principalement de l'activisme antinucléaire néo-zélandais, notamment l'adoption en 1984 d'une législation interdisant l'accès des ports néo-zélandais aux bâtiments à propulsion ou armement nucléaires entraînant la mise en sommeil de l'alliance militaire avec les Etats-Unis (dans le cadre de l'ANZUS).

La Nouvelle-Zélande a ainsi été conduite à mettre en oeuvre, au cours de la dernière période, une diplomatie plus indépendante , recentrée sur son environnement régional asiatique et océanien.

a) Une politique étrangère recentrée sur son environnement régional
(1) L'intensification des liens avec les partenaires asiatiques

Elle constitue ainsi aujourd'hui l'axe majeur de la politique étrangère néo-zélandaise, à la fois pour des raisons commerciales (40 % des échanges néo-zélandais sont réalisés avec l'Asie orientale) et des motifs de sécurité (pacte de défense des cinq nations, forum de sécurité de l'ASEAN...).

Cette politique volontariste s'inscrit dans une tendance à long terme de recentrage régional des intérêts néo-zélandais : en 1960, l'Europe recevait 50 % des exportations néo-zélandaises et l'Asie moins de 15 % : les chiffres sont aujourd'hui inférieurs à 17 % pour l'Europe et supérieurs à 35 % pour l'Asie.

Les relations politiques de Wellington avec ses voisins asiatiques se développent également ainsi que l'ont illustré récemment les voyages du Premier ministre néo-zélandais (notamment à Tokyo et à Séoul) et les nombreuses visites en Nouvelle-Zélande de dirigeants asiatiques (notamment malaisiens, singapouriens et philippins).

Il convient néanmoins de mesurer les limites et les handicaps de ce rapprochement avec l'Asie qui paraît indispensable aux dirigeants néo-zélandais mais est souvent mal compris par une opinion qui est à la fois fascinée et inquiétée par un continent asiatique difficile à appréhender pour une population d'origine européenne, très sensible notamment aux atteintes aux droits de l'homme. Il en résulte certaines contradictions apparentes entre une certaine revendication néo-zélandaise d'appartenance au continent asiatique et son souhait de réduire l'immigration en provenance d'Asie. Enfin, cette politique volontariste n'aboutit pas toujours aux résultats escomptés, ainsi que le soulignent le rythme insuffisant de la libéralisation des échanges au sein de l'APEC, les limites du rapprochement avec l'ASEAN, ou la mise à l'écart de Wellington du dialogue Europe-Asie.

(2) Le recentrage de la diplomatie néo-zélandaise sur son environnement océanien

Le recentrage de la diplomatie néo-zélandaise sur son environnement océanien a deux destinations principales : le Pacifique insulaire et l'Australie.

- S'agissant des Etats insulaires du Pacifique sud , la diplomatie néo-zélandaise cherche à préserver un équilibre intra-régional et, le cas échéant, à neutraliser des partenaires difficiles, comme les îles Fidji et le Samoa occidental. Elle s'appuie sur une aide au développement limitée (0,25 % du PIB) mais efficace. La Nouvelle-Zélande se pose en avocat des micro-Etats de la région et son action, du fait notamment de son identité maorie, est souvent mieux perçue dans le Pacifique insulaire que celle de l'Australie.

Les relations avec les Iles Cook méritent une mention particulière même si elles ont traversé récemment une phase de tensions, liée à l'effort drastique de redressement des finances publiques qui a été imposé aux Iles Cook et aux agissements de sociétés néo-zélandaises dans ce paradis fiscal.

Il faut enfin souligner, parmi les inflexions -modestes- qui semblent devoir être données par le nouveau gouvernement à la diplomatie de Wellington, la priorité qui doit être attribuée au Pacifique insulaire dans l'aide au développement néo-zélandaise, M. Winston Peters -leader de "New Zealand First" étant particulièrement soucieux de limiter l'émigration vers la Nouvelle-Zélande.

- Les relations bilatérales avec l'Australie s'inscrivent naturellement dans un contexte très différent et revêtent une importance essentielle pour les intérêts néo-zélandais. Elles se sont intensifiées parallèlement à l'approfondissement de l'accord C.E.R. ("closer economic relations") qui a bénéficié récemment de l'harmonisation des normes phytosanitaires et de l'entrée en vigueur, en novembre 1996, du marché aérien transtasman, initialement refusée par Canberra.

La relation bilatérale bénéficie d'autre part aujourd'hui de l'alternance politique intervenue en 1996 à Canberra : l'identité des orientations politiques des deux gouvernements et la meilleure compatibilité des personnalités des nouveaux Premiers ministres ont favorisé un réchauffement des liens australo-néo-zélandais.

Il reste que la perception néo-zélandaise de "l'île de l'Ouest" reste fondamentalement celle d'un partenaire incontournable et d'un rival inévitable qui n'a pas toujours les égards attendus par son "petit" voisin. De plus, pour Canberra, le renforcement de l'alliance australo-américaine prime toujours sur l'approfondissement des liens avec Wellington -même si des projets d'unités militaires communes ont été récemment évoqués.

b) Des liens distendus avec les Etats-Unis et l'Europe
(1) Les relations entre Wellington et Washington

Les relations entre Wellington et Washington continuent en revanche à pâtir du contentieux nucléaire bilatéral , déjà ancien, malgré les efforts néo-zélandais pour favoriser un substantiel réchauffement des liens bilatéraux : soutien apporté aux positions américaines au sein de l'APEC ou de l'OMC, contribution à des opérations de maintien de la paix des Nations unies...

Pour Washington, toutefois, la législation antinucléaire néo-zélandaise -qui fait l'objet d'un réel accord aussi bien dans la classe politique que dans l'opinion nationale-, fait obstacle à une véritable normalisation. Dès lors, malgré la reprise d'un dialogue politique de haut niveau (rencontre Bolger-Clinton en mars 1995), les efforts de Wellington n'ont guère été payés de retour. Cela est d'autant plus préoccupant pour la Nouvelle-Zélande que le rapprochement militaire américano-australien souligne encore l'isolement néo-zélandais . C'est ainsi que le Président Clinton a évité toute escale en Nouvelle-Zélande, en novembre dernier, à l'occasion de sa visite en Australie.

(2) Les relations entre la Nouvelle-Zélande et l'Europe

Les relations entre la Nouvelle-Zélande et l'Europe témoignent pour leur part globalement d'une certaine désaffection sans doute explicable mais à laquelle il est, aux yeux de votre délégation, important de remédier.

Certes, sur le plan commercial, le déclin des échanges avec l'Union européenne est avant tout la conséquence, quasi mécanique, de l' entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté et de la part de plus en plus restreinte qu'occupent les produits agricoles dans le commerce international.

Mais les Néo-Zélandais ont tendance à imputer fondamentalement cette évolution à la politique agricole commune considérée comme un contre-modèle protectionniste, particulièrement négatif dans un pays qui a démantelé la quasi-totalité de ses subventions agricoles et dont le commerce extérieur dépend principalement de ses exportations agricoles.

Néanmoins, l'année passée a été marquée, du côté néo-zélandais, par une volonté de relance des relations et des contacts avec les pays européens . Le ministre des Affaires étrangères a effectué une tournée dans six pays de l'Union européenne et développé fréquemment ce thème. Des consultations réunissent chaque année les dirigeants néo-zélandais et la présidence de l'Union européenne. En retour, le nombre croissant des visites ministérielles et des missions commerciales venant de pays européens a manifesté la réceptivité européenne à ces ouvertures. Il est naturellement souhaitable que la France prenne toute sa place dans ce processus et en favorise le développement.

c) Une réelle présence internationale, fondée sur l'activisme antinucléaire

Pour le reste, la visibilité de l'action de la Nouvelle-Zélande sur la scène internationale est encore liée à son opposition sans concession et systématique au nucléaire .

Car, si la Nouvelle-Zélande a fait un passage remarqué au Conseil de sécurité des Nations unies -comme membre non permanent, en 1993-1994- et a activement participé à des opérations de maintien de la paix (notamment en Bosnie), un certain isolationnisme de l'opinion publique a conduit le gouvernement à assumer avec plus de réticences ses responsabilités internationales.

En revanche, l'activisme antinucléaire de Wellington n'a pas faibli. Non sans bénéfices d'ailleurs, que ce soit sur le plan intérieur -où l'opinion reste très sensible au discours contre le nucléaire- ou sur la scène internationale où la Nouvelle-Zélande a été admise à la conférence du désarmement de Genève et a pu faire entendre sa voix dans de nombreuses instances multilatérales, depuis l'ONU jusqu'au Forum du Pacifique sud en passant par la Cour internationale de justice et le sommet du Commonwealth.

Le Premier ministre néo-zélandais, M. Bolger, a ainsi réaffirmé, au cours de l'année 1996, durant la campagne électorale, une politique antinucléaire très ferme et intégrale . Considérant que les puissances nucléaires se sont fixé comme objectif, dans le TNP (traité de non prolifération nucléaire), un désarmement nucléaire général, il ne voit ainsi dans le CTBT (traité d'interdiction générale des essais) qu'une première étape devant déboucher ensuite sur la déclaration d'illégalité de l'arme nucléaire, sur l'interdiction de production d'uranium et de plutonium à des fins militaires, sur de nouvelles réductions des arsenaux nucléaires et, finalement, sur un désarmement nucléaire général.

Plus récemment, M. Bolger a proposé, dans un premier temps, l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires dans l'ensemble de l'hémisphère sud dont le projet a été adopté fin 1996 par les Nations unies. Si ce projet ne vise en réalité qu'à unifier les traités de dénucléarisation régionaux existants (Amérique latine, Pacifique sud, Asie du sud-est et Afrique) et n'apporte rien de nouveau, il souligne la volonté de la Nouvelle-Zélande de continuer à conforter son image de "champion" de l'anti-nucléaire, jugée valorisante sur la scène internationale.

2. La politique de défense néo-zélandaise

a) Une politique de défense à caractère régional souffrant d'un certain isolement stratégique

Dépourvue de toute menace militaire directe, la Nouvelle-Zélande s'est accordée sur une politique de défense, à caractère principalement régional, axée sur des relations étroites avec l'Australie et les pays insulaires du Pacifique sud.

Ce souci se heurte toutefois à un certain isolement stratégique néo-zélandais depuis le contentieux nucléaire avec les Etats-Unis. La crise entre Wellington et Washington -qui dure depuis qu'en 1984 le gouvernement travailliste de M. David Lange s'est opposé aux escales de bâtiments nucléaires en Nouvelle-Zélande- a en effet conduit les Etats-Unis à suspendre les dispositions de l'ANZUS en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande et à réorganiser, sur une base exclusivement bilatérale, la coopération militaire avec l'Australie.

La législation néo-zélandaise interdisant les escales de navires à propulsion nucléaire ou porteur d'armes nucléaires a ainsi entraîné une rupture durable des relations militaires avec les Etats-Unis , malgré la publication fin 1992 du "rapport Somers" concluant à l'innocuité totale des escales de bâtiments de propulsion nucléaire. Elle n'a pas été davantage remise en cause malgré la victoire aux élections du parti national -traditionnellement favorable au rétablissement de relations de coopération militaire avec les Etats-Unis- qui s'est maintenu au pouvoir en 1996.

Dans le même temps, la Nouvelle-Zélande a vu un certain affaiblissement de ses relations militaires avec l'Australie . Or la fiabilité de la défense néo-zélandaise est fortement dépendante des liens avec l'Australie (en raison, précisément, de la perte de la protection américaine qui était assurée dans le cadre de l'ANZUS). La Nouvelle-Zélande apparaît ainsi d'une certaine manière prisonnière de sa propre législation antinucléaire qui l'a exclue de l'ANZUS et conduit logiquement l'Australie à privilégier son alliance avec les Etats-Unis.

Néanmoins, les armées australiennes et néo-zélandaises poursuivent des échanges fréquents et de nombreux exercices communs. Mais Wellington souhaiterait un approfondissement de ces relations de défense bilatérales alors que Canberra s'inquiète de la faiblesse de l'effort militaire néo-zélandais et notamment de l'avenir du programme ANZAC (qui porte sur la construction en coopération de 10 frégates, 8 pour l'Australie et 2 pour la Nouvelle-Zélande).

De même, la Nouvelle-Zélande souhaite la création de forces armées communes avec l'Australie, que Canberra juge prématurée et n'admet que comme un objectif à long terme.

b) Des moyens militaires modestes

Les forces armées néo-zélandaises ne disposent que de moyens très limités, situation aggravée par un budget de la défense faible (1,1 % du PIB néo-zélandais).

Depuis une dizaine d'années, en effet, les réductions de crédits imposées à la défense néo-zélandaise ont réduit le pouvoir d'achat de son budget de plus d'un tiers. Ces réductions expliquent le débat sur l'opportunité du programme de frégates ANZAC dont le coût s'élève à 1,25 milliards de dollars néo-zélandais pour deux bâtiments qui devraient être livrés en 1997 et 1998. Ces contractions budgétaires se sont aussi traduites par une forte diminution des dépenses de fonctionnement.

Les armées néo-zélandaises ont ainsi vu leurs effectifs réduits d'environ 20 % depuis 1990 pour compter aujourd'hui moins de 10 000 hommes :

- les forces terrestres ne regroupent que 4 480 hommes et disposent de matériels limités (26 chars), souvent vétustes ;

- les forces aériennes comptent 3 300 hommes mais ne peuvent mettre en oeuvre qu'un peu plus de 30 avions de combat et 18 hélicoptères, même si elles disposent de 6 appareils de patrouille maritime bien adaptés aux missions qu'elles ont à accomplir dans le Pacifique sud ;

- enfin, la marine néo-zélandaise (2 070 hommes) ne peut compter que sur une vingtaine de bâtiments (dont 3 frégates anciennes et 4 patrouilleurs) qui ne permettent pas une politique de présence très significative.

Les réductions successives du budget de la défense depuis une dizaine d'années, s'ajoutant aux conséquences -stratégiques et opérationnelles- de la rupture militaire avec les Etats-Unis, constituent ainsi un problème délicat pour le gouvernement néo-zélandais alors que l'absence de menace extérieure directe rend difficile l'accroissement de l'effort de défense qui serait nécessaire pour relever le potentiel humain et technique des forces armées.

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TROISIÈME PARTIE -
LES RELATIONS BILATÉRALES :
LA FRANCE, PUISSANCE RECONNUE ET APPRÉCIÉE
DU PACIFIQUE SUD

Malgré de sérieuses nuances et quelques véritables différences, les relations bilatérales de la France avec l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part, après avoir connu les mêmes turbulences , connaissent aujourd'hui la même embellie , que chacun estime devoir être durable.

La mission de votre délégation - première visite politique française de haut niveau dans ces deux pays depuis l'arrêt définitif des essais nucléaires français en janvier 1996- a permis de constater -l'accueil des autorités australiennes et néo-zélandaises en a témoigné- que le dossier des essais était aujourd'hui classé et qu'un nouveau chapitre des relations bilatérales était désormais ouvert.

Les dirigeants australiens et néo-zélandais se félicitent désormais publiquement de la présence et du rôle de la France dans le Pacifique sud . La voie est aussi ouverte à un nouveau développement de nos échanges économiques, financiers et commerciaux -qui n'avaient d'ailleurs été que marginalement affectés par la crise des essais- et à une coopération active sur le plan culturel.

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I. LA NORMALISATION ET LE RÉCHAUFFEMENT DES RELATIONS POLITIQUES BILATÉRALES

A. LES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-AUSTRALIENNES

1. La crise des essais nucléaires est aujourd'hui soldée

Les relations politiques franco-australiennes ont connu, au cours de la dernière décennie, des fortunes diverses qui se sont souvent traduites par des perturbations passagères, liées notamment à l'évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie, aux critiques australiennes à l'égard de la politique agricole commune ou aux négociations entreprises dans le cadre du GATT (où l'Australie défendait les intérêts des pays du " groupe de Cairns "). Mais les essais nucléaires français dans le Pacifique sud ont, sans conteste, constitué, pendant une trentaine d'années, la principale hypothèque pesant sur les relations franco-australiennes. La crise des années 1995-1996, aujourd'hui close, fut à la fois la dernière et la plus rude.

a) Une crise profonde aux effets néanmoins limités

Les réactions hostiles et disproportionnées de l'Australie à notre ultime série d'essais nucléaires (annoncée en juin 1995 et terminée en janvier 1996) ont, par leur dureté de ton sans précédent, sérieusement affecté les relations politiques bilatérales.

L' hostilité profonde et traditionnelle de l'opinion australienne au nucléaire s'est trouvée en effet renforcée par la perception de la fin de la guerre froide et exacerbée par un contexte intérieur préélectoral propice aux surenchères. Les protestations populaires, fortement relayées au plan politique et médiatique, se sont cependant atténuées dès la fin de l'été 1995.

Les " sanctions " australiennes ont été principalement confinées au domaine de la défense : gel de la coopération militaire bilatérale, rappel de l'attaché de défense australien à Paris, et exclusion de la société Dassault d'un appel d'offres pour la fourniture d'une trentaine d'avions d'entraînement conduisant au rappel pour consultation de notre ambassadeur à Canberra.

Sur place, les entraves posées au fonctionnement quotidien de l'ambassade et des consulats de France et aux intérêts de nos ressortissants (menaces de boycott, refus de décharger les navires et avions français ...) ont été source de frictions renouvelées.

Enfin, au plan international, l'Australie a mené campagne contre nos essais dans les enceintes multilatérales (Forum du Pacifique sud, Assemblée générale de l'ONU, Cour internationale de justice, conférence du désarmement, Commonwealth), puis a constitué la " commission de Canberra sur l'élimination des armes nucléaires ".

En dépit de cet activisme politique, la substance des relations franco-australiennes n'a pas été profondément affectée par la crise des essais. Limitées au domaine de la défense, les représailles n'ont pas été prolongées par des mesures de rétorsions commerciales.

Sur le plan économique, si les effets de la crise ont atteint notamment nos compatriotes travaillant dans le commerce de détail ou la restauration, ils n'ont jamais affecté les intérêts des grandes entreprises et les échanges bilatéraux ont paradoxalement progressé en 1995. Ce fait a été particulièrement illustré par le rachat par Axa , au plus fort de la crise, de 51 % de " National Mutual ", l'un des principaux réseaux d'assurances australiens.

On relèvera enfin que le contentieux nucléaire n'a pas entravé la poursuite de la coopération franco-australienne dans le Pacifique. Canberra n'a jamais officiellement contesté la légitimité de notre présence dans le Pacifique sud. A titre d'exemple, les deux pays ont cofinancé l'aéroport de Santo au Vanuatu et Paris a soutenu en octobre 1985 l'élection de l'Australien Robert Dun à la commission du Pacifique sud.

b) Une crise aujourd'hui définitivement close

Après s'être progressivement estompé au fil des mois -sans doute plus par résignation que par compréhension des objectifs de la politique française et des garanties apportées par les conditions de réalisation de nos tirs-, le mouvement de protestation australien s'est quasiment achevé avec l'arrêt des essais début 1996.

Le nouveau gouvernement australien -dirigé par M. John Howard à la tête d'une coalition libérale-nationale et constitué en mars 1996- a alors pris l'initiative de la normalisation des relations franco-australiennes. Prenant acte notamment de la signature par la France, le 25 mars 1996, des protocoles du traité de Rarotonga (sur l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique Sud), le nouveau gouvernement conservateur a décidé, à la mi-mai, la levée des mesures de restriction de nos relations militaires ; cette normalisation s'est achevée tout récemment par la nomination d'un nouvel attaché de défense australien à Paris.

Dans le domaine du désarmement, Paris et Canberra défendent désormais des positions proches. Ils ont oeuvré de concert pour la signature du CTBT ( traité d'interdiction complète des essais), d'abord à Genève, ensuite à New-York, tandis que l'Australie soutenait la réintégration de la France au sein du dialogue post- Forum du Pacifique sud , décidée par les pays membres le 4 septembre dernier.

Enfin, les nouveaux dirigeants australiens ont pris l'initiative de renouer le dialogue gouvernemental . Après la rencontre des deux ministres des Finances à Paris, en marge de l'OCDE, dès le mois de mai 1996, les ministres australiens des Affaires étrangères - M. Downer - et de la Défense - M. Mc Lachlan - ont effectué des visites en France, successivement en septembre et décembre 1996, qui ont marqué deux étapes essentielles du réchauffement des relations bilatérales.

L' année 1997 devait, dans ce contexte, être celle du parachèvement du rapprochement bilatéral . Tel a été l'esprit de la mission de la délégation de notre commission en Australie du 8 au 13 février. Quinze jours plus tard, la visite d'une délégation du CNPF -conduite par MM. Jean Gandois et Claude Bebéar- devait marquer la volonté commune de développer les échanges économiques et commerciaux bilatéraux. Enfin, le ministre français des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette, a retenu, à l'invitation de son homologue australien le principe d'une visite -très attendue et que notre délégation juge très souhaitable- en Australie, visite qui devrait avoir lieu dans l'année. Ces visites successives -auxquelles s'ajouteront d'autres contacts gouvernementaux et parlementaires- constitueront autant de jalons sur la voie du resserrement naturel d'une relation bilatérale que la crise des essais avait perturbée sans la remettre en question.

2. Le Pacifique sud, théâtre privilégié du dialogue franco-australien

a) La France, puissance reconnue du Pacifique sud

Le séjour de votre délégation en Australie a été à la fois l'occasion de réaffirmer la présence de la France dans le Pacifique sud et de constater la satisfaction de l'Australie de voir la France rester engagée dans la région pour l'aider à partager la charge de l'aide au développement et à la stabilité de la zone.

La France est d'abord naturellement présente dans le Pacifique par ses trois territoires de Nouvelle-Calédonie , de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française . Il est à souligner que la Nouvelle-Calédonie a cessé d'être, depuis les accords de Matignon, un sujet de désaccord franco-australien. Canberra soutient le processus des accords de Matignon que Paris compte fermement mener à son terme jusqu'au référendum sur l'avenir du territoire prévu en 1998.

Mais la France participe aussi très activement à la coopération et à l'aide au développement dans la région. Sa présence a été longtemps mise en cause par certains Etats mélanésiens -comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu et les îles Salomon- partisans de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, au moins jusqu'aux accords de Matignon. D'autres contestations se manifestent périodiquement : ainsi le Premier ministre des îles Cook -sir Geoffrey Henry- a-t-il, fin 1996, souhaité l'inscription de la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser.

Mais l'aide française au développement du Pacifique sud est, au-delà de nos territoires, très substantielle : le seul Vanuatu bénéficie ainsi d'une aide de 40 millions de francs par an.

L'Australie -comme la Nouvelle-Zélande- apprécie d'autant plus cette assistance française aux économies insulaires de la région que la volonté française contraste avec le désintérêt croissant des autres bailleurs de fonds potentiels depuis la fin de la guerre froide : la Grande-Bretagne a quitté la Commission du Pacifique sud en 1995 et les Etats-Unis ont, de leur côté, considérablement diminué leur aide. La France reste ainsi la dernière grande puissance impliquée dans la zone.

Canberra -qui, de son côté, doit faire face à des contraintes budgétaires pour sa propre aide financière- ne souhaite pas se retrouver seule en première ligne dans l'aide au développement de ses voisins insulaires. Cette concordance des intérêts stratégiques français et australiens rend également l'Australie consciente du caractère stabilisateur de la présence française.

b) La coopération régionale franco-australienne

C'est ainsi que le ministre australien des Affaires étrangères, M. Downer, a clairement souligné que la France est bienvenue dans le Pacifique sud, où elle est un partenaire important de l'Australie et des Etats de la région.

L'Australie dispose d'une influence certaine dans la zone . Elle a ainsi favorisé le rétablissement de la France dans son statut de partenaire du dialogue post-Forum du Pacifique sud dont Paris avait été suspendu en octobre 1995. Elle a également tenté d'influencer la position de certains pays de la région, comme la Papouasie-Nouvelle Guinée.

La France et l'Australie ont par ailleurs déterminé récemment en commun cinq projets de coopération au profit des pays insulaires de la région.

Enfin, le rapprochement franco-australien s'est traduit fin 1996 par une intensification des contacts avec la Nouvelle-Calédonie (visite d'une mission commerciale du Queensland, visite d'une délégation du territoire conduite par le haut-commissaire en Australie, et visite de M. Downer lui-même à Nouméa en décembre 1996).

3. La coopération militaire bilatérale

Le " Livre blanc " australien (" strategic review ") de 1993 a marqué la reconnaissance officielle par l'Australie du rôle actif de la France dans le Pacifique. Il recommandait en particulier d'élargir la coopération militaire avec la France ainsi que les escales et visites réciproques.

Après le gel des relations militaires en 1995, la décision de normalisation prise le 15 mai 1996 a ouvert la voie à une reprise des relations de défense bilatérales -notamment le retour à Paris d'un attaché de défense australien. Un officier australien doit être accueilli en 1997 au collège interarmées de défense (CID).

Il reste que cette coopération militaire bilatérale reste modeste et réduite à des échanges limités (hors Pacifique sud).

En matière de défense , l'Australie accorde, on l'a relevé, une priorité stratégique à son alliance avec les Etats-Unis et est naturellement réticente à l'idée que les Européens -et la France en particulier- puissent jouer un rôle en matière de sécurité en Asie.

Dans le domaine de l'armement, l'industrie française n'est guère présente en Australie. A l'exception notable de Thomson-CSF, les industriels français n'ont pas remporté de contrats importants dans ce pays en raison principalement de l'étroitesse des liens entre pays anglo-saxons. Les industriels français de l'armement n'ont guère été jusqu'ici récompensés de leurs efforts sur le marché australien.

Les perspectives principales dans les années à venir s'inscrivent aujourd'hui dans les domaines terrestres, navals et surtout aéronautiques, compte tenu des programmes de modernisation rendus nécessaires par le vieillissement des parcs de matériels australiens. Des opportunités pourraient ainsi apparaître pour les hélicoptères Tigre et NH 90 ou pour les missiles Mistral.

Il importe, là comme ailleurs, que le rétablissement des contacts officiels permette de soutenir efficacement l'action de nos industriels.

B. LES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-NÉO-ZÉLANDAISES

1. Le " coup d'envoi " de la normalisation bilatérale

Comme en Australie, mais avec un léger décalage dans le temps pour des raisons de politique intérieure néo-zélandaise -le nouveau gouvernement, issu des dernières élections générales, n'a pu être constitué qu'en décembre 1996-, l'arrêt définitif des essais nucléaires a permis l'apurement des relations politiques entre Paris et Wellington.

L'accueil que votre délégation puis celle du CNPF fin février ont reçu de la part des autorités néo-zélandaises peut ainsi être clairement considéré comme le " coup d'envoi " de la normalisation des relations bilatérales franco-néo-zélandaises .

A plusieurs reprises, en effet, au cours des dix dernières années notamment, divers contentieux ont troublé, voire durablement détérioré, la relation bilatérale, qu'il s'agisse de la situation en Nouvelle-Calédonie, des questions agricoles et des négociations du GATT, de l'affaire du " Rainbow Warrior " -qui a eu un impact très négatif-, ou de la question des essais nucléaires elle-même.

a) La fin de la crise des essais

Si la crise des essais est ainsi terminée, elle n'en a pas moins été aiguë , dans un pays viscéralement antinucléaire. Le gouvernement dirigé par M. Bolger a toutefois, au plus fort des tensions, tenté de préserver les intérêts bilatéraux à long terme tout en ménageant les susceptibilités antinucléaires de l'opinion. Après avoir pris des mesures de rétorsion relativement circonscrites (gel des relations militaires et interruption des contacts ministériels) le 17 juin 1995, Wellington a activement participé, à l'automne suivant, à la campagne internationale contre la France : devant la Cour internationale de justice, aux Nations unies, au Forum du Pacifique sud et au Commonwealth.

C'est ensuite avec soulagement que Wellington a tiré les conséquences de l'annonce par Paris de la fin des essais, de notre signature du traité de Rarotonga, de la fermeture du Centre d'expérimentations du Pacifique et de notre signature du CTBT. Si cette satisfaction n'a pu s'exprimer aussi clairement et rapidement que l'on pouvait l'espérer, c'est néanmoins dès le 27 mars 1996 - deux jours après notre approbation des protocoles du traité de Rarotonga- que les sanctions décidées en juin 1995 ont été levées , avant que soit rétablie, en juillet, l'autorisation permanente de survol et d'escale dans les mêmes conditions qu'avant juin 1995.

Si, en période électorale, le gouvernement néo-zélandais ne pouvait ignorer les réactions de l'opinion et des médias- où la crise avait fait remonter à la surface les vieux griefs du " Rainbow Warrior "-, le changement de ton a toutefois été sensible dès la fin des essais : participation d'un ministre néo-zélandais à un colloque organisé à l'Assemblée nationale en mai 1996, décision d'achat de missiles Mistral qui mettait un terme au gel des relations militaires. Surtout, le Pacifique sud est demeuré perçu par Wellington, comme par Canberra, comme un enjeu d'intérêt commun. L'acceptation de la présence et du rôle de la France dans le Pacifique et le soutien de la Nouvelle Zélande aux accords de Matignon n'ont jamais été remis en cause. Cette communauté d'intérêts français et néo-zélandais a motivé le soutien de Wellington -comme celui de Canberra- au rétablissement de notre statut de partenaire du dialogue post-Forum du Pacifique sud.

b) Le contexte : une relation bilatérale complexe

Les difficultés engendrées par notre dernière campagne d'essais nucléaires en Nouvelle-Zélande -comme d'ailleurs en Australie- ne doivent pas conduire à considérer que l'image de la France y est mauvaise. La réalité est plus complexe.

Il faut d'abord prendre en considération l'extrême sensibilité des Néo-Zélandais à tout ce qui concerne le nucléaire . Ce sentiment antinucléaire, quasi viscéral, s'exprime sur un mode émotionnel, voire passionnel, ainsi qu'en témoignent les médias locaux. Le gouvernement néo-zélandais ne peut pas ne pas en tenir compte et votre délégation a pu mesurer, lors de son séjour à Wellington, que le souci de tourner la page du nucléaire dans les relations bilatérales, était plus net au niveau gouvernemental qu'au niveau des médias, toujours prompts à s'enflammer à nouveau sur les thèmes antinucléaires -en l'occurrence la question du transport des déchets nucléaires recyclés.

Le gouvernement néo-zélandais s'est ainsi efforcé, durant la période des essais, à la fois d'en tirer le bénéfice sur le plan intérieur, mais aussi de limiter l'ampleur de ses réactions pour ne pas compromettre à long terme des relations bilatérales franco-néo-zélandaises dont Wellington souligne les aspects positifs, notamment dans le domaine de la coopération régionale.

Les Néo-Zélandais font par ailleurs preuve de sentiments d' amitié et d' attachement à l'égard de la France dont ils admirent l'histoire, la culture et la technologie. Ils rappellent ainsi volontiers -pour l'anecdote- que si les Français étaient arrivés trois semaines plus tôt, en 1840, à Akaroa, l'île du sud aurait pu être française. Les Néo-Zélandais, comme les Australiens, combattirent aussi à nos côtés durant les deux conflits mondiaux. La culture française y reste très appréciée, au même titre que notre " art de vivre " chaleureusement décrit par Katherine Mansfield. Enfin, la haute technologie française est jugée remarquable et contribue à corriger l'image traditionnelle de notre pays dans un sens plus moderne et plus positif.

Pour toutes ces raisons, la nouvelle page, désormais ouverte, des relations franco-néo-zélandaises doit reposer sur une base d'amitié et de communauté culturelle solide qui doit engager les échanges bilatéraux sur la voie du développement et de l'approfondissement.

2. Les relations militaires bilatérales

Les relations militaires bilatérales , dont le gel avait constitué la principale mesure de rétorsion décidée par le gouvernement néo-zélandais durant la crise des essais, doivent désormais -l'hypothèque nucléaire étant levée- retrouver un cours normal. La normalisation entreprise depuis mars 1996 ouvre la voie à la reprise des liens antérieurs à juin 1995, tels que des manoeuvres communes ou l'échange de sections d'infanterie avec la Nouvelle-Calédonie.

La coopération militaire bilatérale, basée sur une communauté d'intérêts dans la région, est, quoique modeste, favorisée par plusieurs facteurs : l'attitude traditionnellement favorable de la France à cette coopération, l'isolement stratégique de Wellington depuis sa mise à l'écart de l'ANZUS, et la présence militaire française dans le Pacifique.

Diverses activités ont déjà été lancées et devraient se développer : le commandant supérieur des forces françaises stationnées en Nouvelle-Calédonie doit se rendre en Nouvelle-Zélande en avril 1997 ; Wellington a renouvelé l'autorisation permanente de survol et d'escale accordée à nos aéronefs militaires ; le principe d'une participation française à l'exercice naval interallié " Tasmanex 98 " est acquis ; et l'échange d'une section d'infanterie avec la Nouvelle-Calédonie, prévu en 1995, devrait pouvoir être organisé en 1997.

Par ailleurs, dans le domaine de l'industrie de défense , la Nouvelle-Zélande, si elle représente un marché mineur par sa taille, permet la conclusion de quelques ventes de matériel militaire d'ampleur modeste. C'est ainsi qu'un contrat de 27 missiles et postes de tir Mistral de la société Matra, dont la conclusion avait été différée à une date postérieure à la fin des essais, a été signé le 23 octobre 1996. D'autres contrats avaient précédemment été conclus par Thomson-CSF et plusieurs de ses filiales. Des perspectives s'offrent enfin aujourd'hui, compte tenu des besoins des forces armées néo-zélandaises, dans les domaines des systèmes de communications tactiques et des radars.

*

* *

II. LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES BILATÉRALES : L'OCÉANIE, TREMPLIN VERS L'ASIE ?

A. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES FRANCO-AUSTRALIENNES

1. Des échanges commerciaux accrus et excédentaires, mais encore limités

a) Un essor incontestable qui doit être poursuivi

Les relations économiques et commerciales franco-australiennes se présentent sous un jour très satisfaisant . Si elles peuvent paraître encore modestes par rapport aux potentialités des deux partenaires -et si elles disposent, de ce fait, d'une marge de progression encore importante -, elles connaissent un incontestable essor.

Ce développement -il faut le rappeler- n'a pas été affecté par la crise des essais , sinon dans le commerce de détail ou la restauration. Les menaces de boycott sont restées largement théoriques. Les intérêts des grandes entreprises françaises n'ont pas -sauf dans le domaine des transports- été atteints et les échanges et investissements bilatéraux ont, paradoxalement, continué à progresser. Nos parts de marché en Australie se sont même légèrement améliorées par rapport à celles de nos concurrents européens.

Le rachat par Axa , au plus fort de la crise, de 51 % de " National Mutual " a illustré ce souci réciproque de préserver les échanges bilatéraux. De même, la Compagnie générale des eaux s'est alors vue attribuer la gérance de la distribution d'eau dans l'agglomération d'Adélaïde. Et les livraisons d'uranium destiné à notre production d'énergie civile n'ont pas été affectées.

Au total, après la très forte augmentation enregistrée en 1994 (+ 21,1 %), les échanges franco-australiens ont poursuivi leur progression en 1995 (+ 7,1 %) pour représenter 10,7 milliards de francs (exportations plus importations).

Structurellement déficitaires jusqu'en 1990, les échanges commerciaux bilatéraux se sont ensuite rééquilibrés et font au contraire désormais apparaître, pour la cinquième année consécutive, un large excédent commercial : il s'élevait fin 1995 à 1,8 milliard de francs, soit le 21ème excédent bilatéral de notre pays dans le monde, et à 925 millions pour le premier semestre de 1996. Le taux de couverture atteint ainsi 142 %. L'ampleur de cet excédent commercial est à rapprocher de l'important effort d'investissements de nos entreprises en Australie et de la faiblesse relative des investissements australiens en France, les entreprises australiennes investissant en Europe ayant encore tendance à s'installer prioritairement au Royaume-Uni.

Evolution des échanges commerciaux franco-australiens

Millions FF

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Importations en provenance d'Australie

5218

5699

6173

6332

4824

4618

5027

3365

4183

4429

Exportations

vers

l'Australie

3712

3262

4449

6132

4733

5855

4915

4286

5758

6208

Total

8930

8961

10622

12464

9557

10473

9942

7651

9941

10637

Solde

1506

2437

1724

200

91

-1237

112

-921

-1575

-1779

Les performances économiques françaises sur le marché australien apparaissent ainsi satisfaisantes . L'effort de compétitivité fourni et une présence commerciale accrue ont été récompensés, de même que la tendance à la hausse et à la diversification de nos exportations.

Il reste que, globalement, l'Australie n'est encore pour la France qu'un partenaire commercial modeste :

- l'Australie, 33ème client et 36ème fournisseur de la France , n'absorbe que 0,42 % de nos exportations et ne représente que 0,33 % de nos approvisionnements ;

- la France, de son côté, est le 14ème fournisseur et le 19ème client de l'île-continent ; si elle n'est pas négligeable, loin de là, la part de marché française en Australie ne dépasse pas 2,5 % et peut donc encore fortement progresser.

Les progrès, incontestables, accomplis au cours des dernières années doivent donc être poursuivis et approfondis. L'accent pourrait, selon les informations recueillies par votre délégation, être particulièrement mis sur des secteurs où notre présence demeure insuffisante (agro-alimentaire, automobiles, travaux publics...) et sur une présence accrue de certaines petites et moyennes entreprises. La croissance de l'économie australienne et la perspective des Jeux olympiques de l'an 2000 devraient être mises à profit pour poursuivre l'essor des échanges bilatéraux . C'est ce que fait apparaître l'analyse, plus détaillée, des exportations françaises en Australie.

b) Des exportations françaises dont la diversification doit être poursuivie

Nos exportations vers l'Australie on atteint en 1995 6208 millions de francs. Ce niveau, jamais atteint, marque une nouvelle progression, de 8,2 %, par rapport à 1994, année où nos exportations avaient déjà augmenté de 18,9 %. Pour les sept premiers mois de 1996, les exportations françaises ont conservé la même tendance (+ 0,5 %) en atteignant un montant de 3 533 millions de francs.

Ces exportations françaises proviennent de rubriques multiples, aucun secteur n'étant massivement prédominant. Il est intéressant de relever que les PME sont déjà à l'origine de 42 % de nos ventes. Les principaux postes exportateurs sont les suivants :

- les biens d'équipement professionnel figurent au premier rang en représentant 43 % de nos exportations totales (2,7 milliards en 1995) ; très diversifiées, ces exportations concernent notamment des turbines, des matériels électroniques, des matériels de traitement de l'information, des matériels électriques de grande puissance, des matériels de travaux publics et des machines pour l'industrie alimentaire ;

- viennent ensuite les produits chimiques et divers demi-produits (21,7 % des exportations, 1 365 millions en 1995) et des biens de consommation , tels que parfums, cosmétiques ou boissons (18 % du total, 1 130 millions en 1995) ; certains de ces produits, comme les produits de parfumerie, ont toutefois été les principales victimes, en 1995, des appels au boycott lancés à l'occasion de nos derniers essais nucléaires ;

- on notera enfin que les exportations de métaux et de produits issus du travail des métaux connaissent une progression remarquable et représentent désormais près de 8 % de nos exportations totales.

Les exportations françaises reflètent ainsi globalement les domaines d'excellence de l'industrie française , avec un accent particulier sur les produits d'équipement à fort contenu technologique. Deux secteurs importants pour la France, l'agroalimentaire et l'industrie automobile , sont toutefois -il faut le regretter- très peu présents en Australie.

Il convient enfin de souligner que le redressement de nos ventes en Australie a été concomitant à la croissance des investissements français dans ce pays. Il y a là un exemple très positif d'investissements porteurs d'exportations.

c) Des exportations australiennes en France concentrées sur quelques produits

Après avoir fortement progressé durant les années 1980, les ventes australiennes en France avaient fortement diminué en 1993 (- 32,5 %), en raison à la fois de la crise économique en France et de la baisse des prix des matières premières.

Elles ont repris un mouvement à la hausse en 1994 (+ 24,3 %), confirmé en 1995 (+ 5,7 %) mais à nouveau compromis en 1996 (- 12,5 % pour les sept premiers mois) par la dépréciation des cours mondiaux de la laine et des produits énergétiques.

Ces exportations australiennes en France, qui ont atteint 4 429 millions de francs en 1995, restent en effet concentrées sur trois grands produits de base :

- la laine
en suint (1 053 millions en 1995, soit 23,8 % du total des importations),

- la houille (889 millions en 1995, soit 20,3 %),

- et le minerai de fer (690 millions, soit 15,6 %).

Si l'on ajoute les autres matières premières minérales et les cuirs et peaux brutes, on obtient ainsi près de 70 % des importations françaises en provenance d'Australie. Les biens d'équipement professionnel et les biens de consommation n'occupent en revanche qu'une place encore réduite.

Il convient toutefois de relever une certaine diversification des exportations australiennes en France, à l'image de l'évolution générale de l'économie australienne. Ainsi, les produits industriels élaborés sont passés en dix ans, de 1985 à 1995, de 3,4 % à 15,6 % du total des ventes australiennes.

2. Des investissements français en forte croissance depuis la fin des années 1980

a) Des implantations françaises, longtemps faibles, et désormais en augmentation rapide

Le redressement des exportations françaises en Australie a été concomitant à l'importante montée en puissance de nos implantations dans ce pays. Longtemps très faibles, ces implantations ont en effet connu une très forte augmentation depuis les années 1980. Le nombre des filiales françaises en Australie est en effet passé de 37 avant 1980 à 80 en 1989 et à 213 aujourd'hui. Les années 1980 ont ainsi marqué la volonté des sociétés françaises de s'implanter sur le sol australien. Les années 1990 confirment et amplifient ce mouvement : 86 filiales ont ainsi été créées en moins de six ans, entre 1990 et 1995.

Ces 213 filiales françaises emploient près de 40 000 personnes . Les sociétés de moins de 100 personnes y sont prédominantes (petites sociétés de commerce, bureaux de représentation, activités de services...) et seules 3 % d'entre elles emploient plus de mille personnes. Mais les groupes Axa et Accor emploient, à eux seuls, plus de 12 000 salariés.

Les entreprises françaises sont désormais présentes dans la plupart des secteurs de l'économie australienne :

- dans le secteur primaire , on citera la laine avec Chargeurs et Dewavrin, l'aluminium avec Péchiney et l'uranium et l'or avec Cogema ; on peut toutefois regretter notre absence dans le domaine minier australien, notamment le charbon, et dans la production de pétrole et de gaz ;

- dans le secteur industriel , GEC Alsthom, Schneider et Coflexip, sont bien installées ; dans l'électronique Thomson, Alcatel, la Sagem. Autre point fort, notre chimie pharmacie (Rhône-Poulenc, Servier, Mérieux, Virbac, ELF,...). Dans le secteur agroalimentaire, prometteur dans ce pays, il faut enfin signaler nos investissements vinicoles (Moët et Chandon, Pernod Ricard, Rémy) ;

- dans le secteur des services , nous sommes bien représentés. Cinq banques françaises opèrent en Australie (BNP, Crédit Lyonnais, Indosuez, Paribas, Société Générale). Dans les assurances, l'UAP et maintenant Axa avec la reprise de National Mutual. Dans le tourisme, créneau porteur, le groupe Accor gère plus de 45 hôtels et emploie 4 000 personnes ; le Club Méditerranée possède un premier club. Enfin, la privatisation des services publics a ouvert un champ d'initiatives intéressant. La Lyonnaise des Eaux, la Générale des Eaux, ont des filiales et ont remporté chacune un contrat dans l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud.

Les sociétés françaises en Australie -principalement installées à Sydney (65 % d'entre elles) -se sont ainsi diversifiées. D'abord concentrée sur la transformation des matières premières (Péchiney possède à Tomago la plus grande usine d'aluminium du monde, rassemblant 3 000 salariés), la présence française s'est étendue à l'industrie puis aux services.

Au total, les investissements français en Australie sont de l'ordre de 16 milliards de francs . Le chiffre d'affaires réalisé dans ce pays est estimé à environ 28 milliards de francs (pour 40 000 salariés). 12 % des entreprises françaises réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de dollars australiens (400 millions de francs français).

b) Les perspectives de la présence française : l'Australie, tête de pont vers l'Asie ?

- Malgré les progrès accomplis, la présence française en Australie demeure néanmoins relativement modeste et dispose encore d'une marge importante de progression qui doit, selon votre délégation, être pleinement exploitée.

D'importantes opérations demeurent en perspective :

- à la suite de l'échec du projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Sydney-Melbourne, la filiale locale de GEC Alsthom s'est engagée dans la promotion d'un nouveau projet portant sur la liaison Sydney-Canberra (270 km en 1 heure et 20 minutes) ; promue sur place par l'entreprise "Speedrail", la réalisation de ce projet demeure toutefois incertaine. Le Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud a réaffirmé devant votre délégation le principe de non-implication financière de l'Etat dans le projet. La procédure d'appel à candidatures pour ce projet a été lancée en décembre 1996, le cahier des charges devant être publié très prochainement ;

- les privatisations en Australie (aéroports, électricité, eau...) ouvrent également de nouvelles potentialités aux entreprises françaises ; on rappelle ainsi, dans le domaine de l'eau, que la CGE et la Lyonnaise des eaux assurent déjà le traitement des eaux dans les agglomérations de Sydney et d'Adélaïde ;

- enfin, les Jeux olympiques de Sydney , en l'an 2000 offrent de nouvelles possibilités de participations aux entreprises françaises, notamment dans les domaines de la restauration collective, de l'environnement ou des télécommunications ; il est important que ces opportunités disposent d'une action continue de soutien et des efforts de promotion nécessaires.

De manière générale, le renforcement de la présence économique française en Australie devra être soutenu par un courant plus soutenu et plus dense de visites réciproques. A cet égard, la visite en Australie, du 21 au 26 février dernier -quelques semaines après la délégation sénatoriale- de la délégation du CNPF conduite par M. Jean Gandois a marqué la solidité des rapports entre les milieux d'affaires des deux pays et la volonté commune d'aller de l'avant.

- Dans cette perspective, les autorités australiennes développent et encouragent le thème de l'Australie, plate-forme vers l'Asie . Cette conception du marché australien, tête de pont vers les marchés asiatiques, mérite d'être précisément analysée par les entreprises françaises concernées pour définir leur stratégie d'implantation dans la zone Asie-Pacifique.

Cette volonté des autorités australiennes d'attirer dans leur pays les sièges régionaux des entreprises étrangères a déjà séduit un certain nombre de sociétés françaises. Ainsi Accor , à travers sa participation dans "Accor Asia Pacific", gère plus de 80 hôtels (11 500 chambres) -dont 48 en Australie- dans la zone, ce qui en fait l'un des plus grands groupes hôteliers de la région, et a établi son siège régional à Sydney.

Cet exemple n'est pas unique : Thomson -CSF a créé récemment une société holding pour la zone Asie-Pacifique à Canberra. La société Coflexip , société spécialisée dans les tubes flexibles, a choisi de déplacer sa direction régionale de Singapour à Perth et d'y installer son centre de production pour l'Asie du sud-est. Dans le même esprit, les équipes australiennes de nombreuses entreprises françaises consacrent une partie importante de leur activité à prospecter les marchés asiatiques.

Enfin, une société comme Axa , en prenant le contrôle de "National Mutual" -groupe qui occupe également la deuxième place en part de marché à Hong Kong et en Nouvelle-Zélande-, a ipso facto solidement pris pied en Asie. National Mutual, qui est notamment responsable du management des filiales assurances-vie du groupe Axa au Japon, en Corée et Singapour, est ainsi devenu le principal axe de développement du groupe Axa dans la zone Asie-Pacifique.

Ces exemples ne sauraient faire oublier que considérer l'Australie -ou la Nouvelle Zélande- comme une tête de pont vers l'Asie suppose d'abord, pour les firmes concernées, de disposer, en Australie même, d'un marché solide ("hinterland").

Mais, si cette condition est remplie, l'Australie -qui a lancé en 1993 un important programme pour inciter les entreprises étrangères à y installer leur siège régional pour l'Asie-Pacifique -ne manque pas d' atouts à faire valoir et à intégrer dans les stratégies des groupes français en Asie :

- d'abord, bien sûr, la bonne santé économique du marché australien - et néo-zélandais- qui a été l'un des premiers marchés de l'OCDE à retrouver la croissance , ininterrompue depuis cinq ans, avec un taux de chômage en baisse ;

- ensuite et surtout, des conditions d'implantation très favorables pour les sociétés européennes : elles trouvent en Australie un climat et une culture quasi-européennes qui rendent l'expatriation plus aisée, tandis que les coûts d'installation , notamment immobiliers, y sont bien inférieurs qu'à Singapour ou Hong-Kong ; globalement, on estime que les charges fixes d'une entreprise en Australie y sont inférieures d'environ 40 % ;

- ces implantations sont également facilitées par un décalage horaire très limité (au maximum trois heures, au lieu de dix avec l'Europe) avec les grands marchés asiatiques ; ainsi se trouve en partie compensé l'extrême éloignement de l'Australie, aux antipodes de l'Europe ;

- enfin, les entreprises françaises présentes en Australie peuvent bénéficier de l'image favorable dont disposent souvent les Australiens -ou les Néo-Zélandais- en Asie ; il faut à cet égard rappeler que les deux-tiers des exportations australiennes sont allées en 1995 vers l'Asie, soit près d'un quart pour le seul Japon, devenu ainsi son premier partenaire commercial.

L'Australie doit , ainsi, aux yeux de votre délégation, sans être considérée comme un nouveau "tigre" asiatique, prendre toute sa place dans la stratégie d'approche des marchés asiatiques par les entreprises françaises.

*

* *

B. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES FRANCO-NÉO-ZÉLANDAISES

1. Des échanges bilatéraux en progression mais encore modestes

a) Un déficit structurel qui a cédé la place en 1995 à un excédent commercial

Les liens économiques entre la France et la Nouvelle-Zélande, encore modestes, ont été toutefois renforcés à la faveur de la forte croissance néo-zélandaise -servie, on l'a vu, par une politique économique ultra-libérale. Les échanges commerciaux bilatéraux, structurellement déficitaires , ont fait apparaître en 1995 , pour la première fois, un excédent commercial en faveur de la France, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous.

Evolution historique des échanges commerciaux France-Nouvelle-Zélande

Année

Exportations françaises vers la Nouvelle-Zélande

Exportations néo-zélandaises vers la France

Taux de couverture %

Solde
bilatéral

1975

99,0

395,4

25,0

-296,4

1976

95,9

639,0

15,0

-543,1

1977

136,1

604,2

22,5

-468,1

1978

158,9

557,3

28,5

-398,4

1979

187,5

700,4

26,8

-512,9

1980

163,4

714,8

22,9

-551,4

1981

226,3

801,5

28,2

-575,2

1982

363,6

892,5

40,7

-528,9

1983

431,5

1004,5

43,0

-573,0

1984

582,5

1306,6

44,6

-724,1

1985

634,7

1348,1

47,1

-713,4

1986

593,1

1145,6

51,8

-552,5

1987

553,0

1170,2

47,3

-617,2

1988

519,2

1167,0

44,5

-647,8

1989

663,4

1429,0

46,4

-765,6

1990

756,8

1093,8

69,2

-337,0

1991

733,0

1115,2

65,7

-382,2

1992

605,1

1041,5

58,1

-436,4

1993

623,4

898,4

69,4

-275,0

1994

792,5

1051,3

75,4

-258,8

1995

1244,9

1051,9

118,3

+192,9

1996*

901

995

91

-94

* onze premiers mois 1996 (En millions de francs)

Ainsi, en dépit de la crise liée aux derniers essais nucléaires français et des boycotts sporadiques de certains produits français, les exportations françaises en Nouvelle-Zélande ont atteint en 1995 un niveau record. Cette progression exceptionnelle appelle trois observations :

- elle est partiellement imputable à la livraison, fin 1995, de 5 des 7 appareils ATR 72 commandés par la compagnie Air New Zealand ;

- mais, même si l'on met à part l'impact de ce contrat important, les exportations françaises de 1995 marquent encore une progression de 8,6 % par rapport à celles de 1994 ;

- ce résultat très positif ne saurait toutefois conduire à occulter l'effet des boycotts sur nos exportations : ainsi, nos ventes d'automobiles, de vins et de cognac ont-elles respectivement diminué de 34 %, 34 % et 33 %.

Si l'année 1995 marque ainsi un tournant, paradoxalement positif, dans nos relations économiques bilatérales, les échanges commerciaux franco-néo-zélandais demeurent limités , à l'échelle en tout cas des échanges extérieurs de la France :

- la Nouvelle-Zélande ne se situe qu'au 61e rang de nos fournisseurs (moins de 0,1 % de nos importations totales...) et au 69e rang de nos clients (0,08 % de nos exportations) ;

- la France, pour sa part, est le 8ème fournisseur et le 17ème client de la Nouvelle-Zélande ; parmi les fournisseurs européens de la Nouvelle-Zélande, la France ne se situe encore qu'au quatrième rang, loin derrière le Royaume-Uni (5,42 % de part de marché) et l'Allemagne (4,85 %) et encore après l'Italie (2,57 %) ; notre pays détient pour sa part en Nouvelle-Zélande une part de marché de 2,48 %.

Ce bilan mitigé appelle toutefois deux observations complémentaires :

- les échanges bilatéraux ont d'abord connu une évolution très positive : ils ont, sur une trentaine d'années, été multipliés par plus de 5 ; si les importations en provenance de Nouvelle-Zélande ont été multipliées par 3, les exportations françaises ont dans le même temps été multipliées par 26 ;

- on relèvera par ailleurs que les échanges entre nos territoires du Pacifique et la Nouvelle-Zélande s'effectuent à sens unique : si les ventes de nos territoires sont symboliques, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont respectivement le 3e et le 5e client de la Nouvelle-Zélande dans le Pacifique.

b) La progression des exportations françaises

De manière plus précise, les exportations françaises en Nouvelle-Zélande, qui avaient déjà fortement progressé en 1994 (+ 28,3 %), ont fait un bond spectaculaire (+ 56,8 %) en 1995 grâce au contrat ATR, pour s'établir à 1 245 millions de francs .

Traditionnellement diversifiées, ces exportations se concentrent de plus en plus sur les biens d'équipement professionnels (687 millions en 1995, soit 55,2 %), qu'il s'agisse des équipements aéronautiques (du fait notamment du contrat ATR) mais aussi des matériels agricoles, des machines pour l'industrie alimentaire, de celles pour l'industrie du papier, ou des équipements électriques.

Les produits chimiques et demi-produits (197 millions en 1995) et les biens de consommation courants (178 millions) représentent, pour leur part, respectivement 15,8 % et 14,3 % de nos exportations.

Enfin, deux postes de moindre importance ont été les plus touchés en 1995 par les conséquences commerciales de la reprise des essais : il s'agit des produits agroalimentaires (vins, eaux, champagnes, Cognac...) et des voitures automobiles .

c) Des exportations néo-zélandaises très concentrées sur les produits agroalimentaires

Nos importations en provenance de Nouvelle-Zélande se sont élevées en 1995 à 1 052 millions de francs , soit une augmentation de 3,8 % d'un an sur l'autre. Malgré des sensibles évolutions, leur montant tourne depuis une quinzaine d'années autour du milliard de francs (cf. tableau ci-dessus).

Ces importations restent très concentrées sur les produits agricoles et agroalimentaires qui représentent, à eux seuls, 87,2 % de l'ensemble (917 millions en 1995). Les principaux postes d'importations sont, dans ce domaine, les viandes fraîches (essentiellement ovines), les volailles et le gibier, et les cuirs et peaux.

Pour le reste, les autres importations néo-zélandaises portent essentiellement sur :

- les fruits non tropicaux,

- les conserves de poisson,

- la laine en suint,

- et, pour des montants modestes, les biens de consommation et les biens d'équipement professionnel.

2. L'accroissement des investissements français en Nouvelle-Zélande

a) Une présence économique française significative mais encore modeste

La présence économique française en Nouvelle-Zélande est principalement constituée d' une cinquantaine de sociétés implantées dans ce pays, principalement dans la région d'Auckland.

Ces 50 sociétés emploient environ 3 700 personnes et on estime en outre à 1 300 les emplois supplémentaires directement liés à l'importation de produits français.

Ces données sont à rapprocher de celles de la communauté française en Nouvelle-Zélande qui rassemble 1 400 immatriculés et environ 700 non immatriculés. 45 % de ces Français sont établis à Auckland, 18 % à Wellington et les autres répartis dans les principales villes comme Christchurch, Dunedin ou Palmerston North.

En termes d'effectifs, les quatre principaux investisseurs français en Nouvelle-Zélande sont Danone, GEC Alsthom, Axa et Alcatel.

De manière générale, les secteurs où l'implantation française est la plus forte sont : les produits alimentaires, les produits chimiques, la laine, les vins, le tourisme et les parfums et cosmétiques . Si le secteur bancaire est sous-représenté (seule Indosuez est présente), les filiales des banques françaises installées en Australie sont également actives en Nouvelle-Zélande.

Par ailleurs, l'essentiel de nos courants d'exportation est réalisé avec des importateurs-distributeurs (plus de 700). C'est notamment le cas dans l'automobile, la verrerie ou le machinisme agricole. Au total, le nombre d'entreprises françaises qui exportent en Nouvelle-Zélande est estimé à environ 1 500.

b) La Nouvelle-Zélande, une base d'opération attractive en direction de l'Asie ?

La récente mission du patronat français en Nouvelle-Zélande a été, une nouvelle fois, l'occasion pour de nombreux dirigeants néo-zélandais de souligner l'intérêt de leur pays -comme de l'Australie- comme tremplin vers l'Asie.

Tout ce qui a été dit ci-dessus (Cf. A, 2.) au sujet de l'Australie reste valable, mutatis mutandis, pour la Nouvelle-Zélande. Certes, la Nouvelle-Zélande ne constitue, à elle seule, qu'un marché très modeste, et de surcroît encore plus éloigné. Ce handicap, bien sûr important, est toutefois compensé par le fait que la Nouvelle-Zélande constitue, avec l'Australie, un marché unique déjà significatif. De surcroît, les coûts de production en Nouvelle-Zélande sont inférieurs, de l'ordre de 20 à 25 %, à ceux existant en Australie. Par ailleurs, les Néo-Zélandais bénéficient le plus souvent d'un préjugé favorable dans les milieux d'affaires asiatiques dont des sociétés françaises peuvent tirer profit pour accéder à certains marchés d'Asie en liaison avec des opérateurs néo-zélandais. Enfin, l'ouverture de la Nouvelle-Zélande aux technologies avancées et aux produits nouveaux en fait un marché très adapté pour tester de nouveaux produits et de nouvelles idées.

Pour toutes ces raisons, la Nouvelle-Zélande, qui bénéficie d'une économie dynamique et libérale -plus encore que l'Australie- doit, selon votre délégation, malgré son éloignement et sa taille modeste, être mieux prise en considération dans la stratégie d'insertion des entreprises françaises dans la zone Asie-Pacifique. Au même titre que l'Australie, elle peut constituer un trait d'union utile, au plan économique, entre l'Europe et l'Asie et est accessible à l'idée d'une telle approche de l'Asie par le biais du Pacifique.

Pour l'heure, la plupart des filiales néo-zélandaises d'entreprises françaises ne disposent que d'une compétence nationale et certaines sont directement liées aux filiales australiennes. On relèvera toutefois l'exemple de la société PEC NZ, filiale d'EMC, dont le bureau néo-zélandais a compétence sur l'ensemble de la zone Asie-Pacifique ; les succès qu'elle remporte méritent d'être médités.

Une meilleure utilisation du levier néo-zélandais -comme du levier australien- pour renforcer notre présence en Asie devrait, selon votre délégation, être favorisée par trois orientations :

- orienter les sociétés françaises intéressées vers les entreprises néo-zélandaises disposant déjà d'accès aux marchés asiatiques -à l'exemple de ce qui a déjà été fait par la société Danone ;

- favoriser en particulier les entreprises de haute technologie ainsi que l'implantation de certaines PME/PMI françaises qui manquent souvent des moyens financiers nécessaires ;

- enfin, naturellement, faciliter l'expatriation de Français en Nouvelle-Zélande, encore peu nombreux.

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III. UNE COOPÉRATION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE DE QUALITÉ MALGRÉ DES MOYENS RÉDUITS

A. DES RELATIONS CULTURELLES ET SCIENTIFIQUES FRANCO-AUSTRALIENNES QUI DOIVENT ÊTRE VALORISÉES

1. Une coopération culturelle et linguistique solidement établie

La coopération culturelle et scientifique franco-australienne a traversé sans dommages importants la crise des essais. Malgré les convictions anti-nucléaires de certains de nos partenaires australiens, la France a, en la matière, continué à bénéficier de la solidité et de la fidélité de ses réseaux d'influence , dans un pays où elle offre un modèle culturel apprécié , différent de celui d'une Angleterre -dont l'Australie s'éloigne- et d'une Amérique décevante, mais plus proche que celui d'une Asie voisine, mais culturellement totalement étrangère. Cette attente australienne à l'égard de la culture française se traduit par des demandes australiennes, pourtant dignes d'intérêt, qui dépassent largement des disponibilités budgétaires malheureusement réduites : l'enveloppe culturelle et scientifique consacrée par notre pays à l'Australie est ainsi passée de 5,6 millions de francs en 1996 à 5 millions pour 1997.

- Notre partenariat culturel avec les grandes institutions culturelles australiennes est solidement établi. Le succès rencontré par les grandes manifestations (expositions Matisse en 1994, " les Fauves " en 1995 ou " Paris au XIXe siècle " inaugurée par le Premier ministre australien le 29 novembre dernier) témoigne de l'attrait qu'exerce toujours la culture française.

Les échanges sont ainsi aussi nombreux qu'économiquement possibles. Ils devraient de surcroît être favorisés par la mise en place, à l'automne 1996, par l'ambassade de France d'un comité franco-australien de mécènes. A l'heure où les crédits culturels ne cessent de diminuer et où la demande de partenariat reste forte, votre délégation tient à souligner ici l' aspect très positif du mécénat d'entreprise dans le cadre d'une stratégie de conquête de nouveaux marchés et de valorisation d'une présence culturelle française rénovée.

- Dans le domaine linguistique , notre réseau devrait également être renforcé et mobilisé. Notre coopération linguistique se heurte au choix politique de l'Australie en faveur des langues asiatiques. La langue française a ainsi perdu son rang de première langue étrangère enseignée, au profit du japonais , dans tous les Etats à l'exception du Victoria. Les autres langues européennes -sauf, dans certains Etats, l'allemand et l'italien- subissent le même sort.

Il semble toutefois que ce recul de la langue française soit, pour l'heure, interrompu. En termes absolus, le nombre d'élèves apprenant le français croît à nouveau : dans l'enseignement secondaire depuis 1988 (160 000 élèves en 1988, 180 000 aujourd'hui), et dans l'enseignement supérieur depuis 1994 (le français étant à peu près au même niveau que le japonais avec 4 500 étudiants).

Dans cette optique -et notamment dans la perspective des Jeux olympiques de Sydney où la langue française, en tant que langue officielle, doit occuper toute sa place-, la France développe une politique tendant à multiplier les actions éducatives sous des formes diverses. On relèvera en particulier :

- le projet franco-allemand de création d'un " euro-campus " à Sydney qui devrait réunir à l'horizon 1999, en leur donnant une dimension européenne bienvenue, le lycée français Condorcet et l'école allemande Gutenberg qui doivent, l'un et l'autre, faire face à des effectifs croissants et à des locaux insuffisants ; le lycée Condorcet compte actuellement 265 élèves (dont 113 Français, 51 franco-australiens, 47 Australiens et 54 étrangers tiers) ;

- l'école franco-australienne de Canberra, qui est reconnue à la fois par le ministère de l'éducation nationale et par les autorités australiennes ;

- aidé par la présence dans les différents Etats australiens de cinq attachés linguistiques détachés, notre réseau linguistique s'appuie enfin sur l'existence de 27 alliances françaises (dont, il est vrai, 20 petites) qui rassemblent près de 5 800 élèves et constituent, pour la langue française, un atout spécifique.

- Dans le domaine audiovisuel , enfin, qui devrait, selon votre délégation, constituer l'instrument majeur de notre action culturelle extérieure à l'avenir, les données géographiques et techniques font qu'il reste beaucoup à faire. On relèvera toutefois que Radio France Internationale (RFI) diffuse une heure par jour son service en français. Un accord conclu en 1994 entre la chaîne publique de télévision australienne SBS et Canal France International (CFI) permet d'autre part -ce qui est naturellement très apprécié par la communauté française- la diffusion quotidienne en français du journal télévisé de France 2. Enfin, l'extension de la couverture géographique doit permettre très prochainement aux foyers résidant en Australie, et dotés des équipements nécessaires, de recevoir un bouquet de programmes incluant TV5 .

2. Une coopération scientifique recherchée

Les relations scientifiques franco-australiennes font également l'objet d'une coopération bilatérale active, recherchée et de haut niveau. La France y consacre près de la moitié (46 %) de l'ensemble de ses crédits d'action culturelle, scientifique et technique.

Il convient en particulier de souligner l'intérêt du programme FAIR (" French australian industrial research program ") destiné à favoriser la coopération entre organismes de recherche et entreprises des deux pays. Créé par un accord intergouvernemental quinquennal en mai 1991 et initialement orienté vers l'industrie, ce programme a été étendu en 1993 aux domaines agricoles et agroalimentaires ; il a été renouvelé en août 1996 pour une nouvelle période de cinq ans.

Cette initiative a donné des résultats remarquables dans des domaines variés : télécommunications, espace, agroalimentaire, biopharmacie. Un nouveau séminaire vient d'avoir lieu, en mars 1997, en Australie sous l'égide du FAIR sur le thème des ressources naturelles. Ces résultats sont d'autant plus appréciables qu'ils ont été obtenus pour une mise de fonds très modeste (0,6 million de francs).

Au-delà de ce programme, il faut également relever l'intérêt scientifique de recherches conjointes dans les domaines de l'environnement et des sciences marines, impliquant les plus grands organismes de recherche français (INRA, CNRS, ORSTOM, CIRAD, IFREMER ou BRGM).

Par ailleurs, une coopération universitaire active est mise en oeuvre, à laquelle participent 36 établissements français.

On relèvera enfin que la coopération constante et fructueuse des organismes de recherche français implantés dans le Pacifique sud avec leurs équivalents australiens trouve sa traduction dans la publication régulière de deux bulletins scientifiques.

B. LES RELATIONS CULTURELLES ET SCIENTIFIQUES FRANCO-NÉO-ZÉLANDAISES

1. La coopération culturelle et linguistique : une enveloppe modeste pour répondre à une incontestable attente

Au delà des retombées -relativement modestes en ce domaine et qui relèvent désormais du passé- des derniers essais nucléaires français, les échanges culturels entre la France et la Nouvelle-Zélande souffrent surtout de l'isolement et de l'éloignement géographique de ce pays et de l'enveloppe budgétaire très réduite (2 millions de francs) qui y est consacrée. Ils bénéficient en revanche d'atouts non négligeables dans la mesure où ils répondent, du côté néo-zélandais, à une attente incontestable et où l'intérêt de ce pays pour la culture française est toujours aussi prononcé.

- Notre partenariat culturel doit, dans ce contexte, être particulièrement créatif. Il doit aussi permettre d'améliorer l'image de la France pour mieux la vendre. Les idées, parfois négatives, véhiculées d'une France colonisatrice et polluante doivent céder la place à celles d'une France ouverte, innovatrice et compétente.

C'est, à titre d'exemple, dans cet esprit que l'événement culturel majeur, sur le plan local, que constituera en 1998 l'ouverture du musée de Nouvelle-Zélande pourrait donner lieu à une exposition de tableaux français du XIXe siècle tandis que l'éclairage extérieur du musée pourrait être confié à un artiste français.

- Sur le plan éducatif , on constate, là aussi, malgré une certaine amélioration en 1996, une désaffection relative à l'égard de la langue française. Ce phénomène a été accentué par la forte réduction des subventions publiques aux établissements scolaires et universitaires néo-zélandais qui a conduit les responsables à réduire ou à éliminer les enseignements qui n'ont qu'un moindre pouvoir d'attraction économique. Ainsi, le nombre d'élèves et d'étudiants néo-zélandais qui apprennent le français est passé, en une dizaine d'années, de 35 000 en 1985 à à peine plus de 26 000 en 1995.

Ce constat peut toutefois être nuancé par le fait que le français reste enseigné dans six des sept universités néo-zélandaises, que 10 % des enfants néo-zélandais apprennent le français, et que l'engouement pour la langue japonaise semble s'être davantage réalisé au détriment de l'allemand que du français. En revanche, un phénomène plus récent conduit un nombre croissant d'étudiants néo-zélandais à privilégier désormais l'espagnol, l'Amérique latine apparaissant comme un partenaire économique naturel.

L'action linguistique française en Nouvelle-Zélande s'appuie d'autre part sur un réseau de 13 alliances françaises réparties sur l'ensemble du territoire. Trois d'entre elles ont des activités enseignantes (Auckland, Wellington et Christchurch) et l'Alliance scolarise chaque année environ 900 étudiants. La fédération des alliances françaises, avec le soutien du " Fonds d'amitié France-Nouvelle-Zélande " (créé en 1991 à la suite du règlement de l'affaire du Rainbow Warrior), permet de surcroît chaque année des voyages d'étudiants très positifs entre les deux pays.

- Sur le plan audiovisuel enfin, il était très important d'ouvrir la Nouvelle-Zélande aux images et informations françaises (ni RFI, ni RFO ne parviennent en effet dans ce pays). Des progrès sensibles sont à cet égard actuellement accomplis : les programmes de CFI et de TV5 sont désormais repris par plusieurs chaînes de télévision et par certains cablo-opérateurs. Cette présence de programmes français dans le paysage audiovisuel néo-zélandais ouvre des perspectives nouvelles à notre coopération culturelle.

2. Des échanges scientifiques limités mais renforcés

Pour limitée qu'elle soit, la coopération scientifique bilatérale s'est cependant renforcée dans la dernière période.

Désormais plus structurés, les échanges en la matière font l'objet de projets à long terme de trois à cinq ans et concernent chaque année une quinzaine de chercheurs dans des domaines aussi variés que la géologie terrestre et marine, l'Antarctique, l'agriculture ou la forêt. Ils confirment l'intérêt pour les Néo-Zélandais de notre recherche et notre technologie, ainsi que des enseignements tirés par nos scientifiques de trois siècles de présence française dans le Pacifique.

La France s'efforce pour sa part de privilégier dans ce cadre les séjours de jeunes chercheurs et les missions scientifiques de haut niveau.

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LES CONCLUSIONS DE LA DÉLÉGATION

Votre délégation n'a naturellement pas l'ambition, à l'issue d'un déplacement aussi bref aux antipodes -et quels qu'aient pu être l'intérêt et la densité des contacts de toute nature qu'elle a pu nouer à cette occasion-, de tirer des conclusions définitives sur l'évolution de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande et sur la politique de la France dans la région.

Elle a toutefois eu le sentiment que sa mission sur place a été particulièrement opportune et a pleinement atteint son objectif. L'accueil particulièrement chaleureux et la qualité des entretiens qui lui ont été réservés, au plus haut niveau, tant à Canberra et à Sydney qu'à Wellington, l'ont convaincue de la volonté des autorités australiennes et néo-zélandaises d' entériner la " normalisation " de leurs relations avec Paris . La démarche de la délégation sénatoriale, porteuse de surcroît de messages de M. Alain Juppé, Premier ministre, à ses deux homologues australien et néo-zélandais, aura ainsi constitué le premier signal politique fort donné, du côté français, d'une volonté de relance, dans l'intérêt commun, des relations bilatérales entre la France et chacun des pays riverains de la mer de Tasmanie.

C'est dans cette perspective qu'il lui paraît utile de formuler ici, en guise de conclusion, quelques observations de nature à éclairer le Sénat, et, à travers lui, les autorités françaises, les opérateurs économiques et l'opinion publique elle-même.

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1. L'attrait de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, pays " occidentaux " du Pacifique

Les deux anciennes colonies britanniques des antipodes que constituent l'Australie et la Nouvelle-Zélande apparaissent, de prime abord, bien différentes, souvent rivales, à certains égards opposées. Situées à 1 600 kilomètres l'une de l'autre, l'Australie est, à elle seule, un continent, le sixième pays le plus vaste du monde, tandis que la Nouvelle-Zélande, " petite note en bas de page " de la carte du Pacifique, est trente fois plus petite, six fois moins peuplée et jalouse de son identité propre, qui passe parfois par la distanciation de l'autre.

Ainsi, sur le plan économique, la Nouvelle-Zélande, devenue un véritable laboratoire du libéralisme économique, jouit aujourd'hui, après une vague de réformes virulentes, d'une économie assainie avec un taux de chômage réduit à 6,5 % (deux points de moins qu'en Australie) et se pose volontiers en modèle de gestion économique moderne.

De même, en matière diplomatique, les relations avec les Etats-Unis , étroites pour l'Australie -le Président Clinton y a effectué, en novembre dernier, sa première visite à l'étranger après sa réélection-, restent marquées par la politique antinucléaire de Wellington qui a rendu caduc le traité de l'ANZUS.

Les tensions transtasmanes sont enfin fréquentes, y compris -bien souvent- au plus haut niveau, et les particularismes nationaux sont souvent plus clairement exposés que les similitudes.

L'analyse à laquelle votre délégation s'est livrée la conduit toutefois à souligner qu'au-delà de ces réelles différences, les points communs l'emportent sur les rivalités, les similitudes sont plus profondes que les oppositions et les divergences entre ces deux partenaires incontournables s'apparentent davantage à des querelles de famille.

- L'Australie et la Nouvelle-Zélande relèvent d'abord, l'une et l'autre, d' une culture européenne commune qui les réunit, tout en les rendant particulièrement proches de nous. Si l'ancien Premier ministre australien M. Paul Keating souhaitait insérer pleinement l'Australie en Asie, le chef du gouvernement malaisien rappelait aussitôt que l'Australie est culturellement européenne et M. John Howard est aujourd'hui plus prudent en estimant que son pays " n'a pas à choisir entre son histoire et sa géographie ".

L'Australie et la Nouvelle-Zélande, pays occidentaux du Pacifique, sont ainsi appelées à être le " trait d'union " naturel entre l'Europe et la région Asie-Pacifique. Cette vocation n'est pas toujours facile à assumer. C'est néanmoins un atout majeur pour ces deux joyaux du Pacifique qui préservent jalousement leur culture et leur mode de vie et s'adonnent à des passions communes.

- Les deux pays sont de surcroît confrontés à des problèmes largement identiques et à des défis politiques communs . Les exemples abondent. La question de l'avenir de la monarchie et de l'avènement de la République est ainsi posée des deux côtés de la mer de Tasmanie : si le Premier ministre australien est connu pour ses convictions monarchistes, il a lui-même annoncé la convocation pour la fin de l'année d'une convention constitutionnelle ; le processus est lancé et l'opinion est majoritairement favorable à la République ; chacun admet que, tôt ou tard, le pays deviendra une République. Et, si l'Australie saute le pas, il est très probable que la Nouvelle-Zélande suivra.

De même, si la question aborigène -en Australie- et le problème maori -en Nouvelle-Zélande- se posent aujourd'hui en termes différents, la situation des communautés indigènes constitue dans les deux pays un problème important et l'interrogation sur l'identité nationale n'est pas sans similitudes. Elle se trouve aussi liée, dans ces deux pays faiblement peuplés, à la politique d'immigration, notamment d'origine asiatique, avec toutes les conséquences qui en résultent et les réactions qu'elle suscite, notamment en Australie.

- Enfin, sur le plan économique, les deux pays ont connu, à des degrés et des rythmes il est vrai différents, une évolution comparable. Traditionnellement très réglementés, ils se sont lancés, l'un et l'autre, à l'initiative -dans les deux cas- de gouvernements travaillistes, dans une politique active de libéralisation, de privatisations et de déréglementation.

De surcroît, sur le plan bilatéral, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont liées, depuis 1983, par un accord économique et commercial, dénommé CER (" closer economic relations "), qui abolit l'essentiel des barrières douanières entre les deux pays. Les deux pays ont ainsi fortement développé leurs échanges commerciaux et sont engagés sur la voie d'une intégration plus profonde de leurs économies.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande peuvent donc, à bien des égards, être considérées comme un marché unique substantiel, ouvert et solvable, par les opérateurs économiques étrangers, et notamment français. Se trouve ainsi justifiée une approche , non pas identique, mais simultanée et globale de la part des partenaires européens de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Une telle démarche devrait être d'autant plus justifiée dans les années à venir que les relations entre Canberra et Wellington sont aujourd'hui entrées dans une phase particulièrement positive . Ainsi que l'a illustré la récente visite de M. John Howard en Nouvelle-Zélande, il existe aujourd'hui -ce qui ne fut pas toujours le cas, loin s'en faut, dans le passé- un climat de confiance mutuelle entre les deux Premiers ministres. Le principe de sommets annuels bilatéraux a été retenu et il faut en attendre, alors que les coalitions au pouvoir dans les deux pays sont à nouveau de même sensibilité politique, une intensification des relations transtasmanes.

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2. Des relations franco-australiennes et franco-néo-zélandaises, politiquement assainies, qui doivent être prolongées par une présence économique française accrue

C'est dans ce contexte qu' une page nouvelle des relations franco-australiennes et franco-néo-zélandaises s'ouvre aujourd'hui.

- Le climat politique bilatéral est aujourd'hui redevenu très favorable.

La crise, réelle, liée aux derniers essais nucléaires français, est bel et bien terminée. Le dossier est aujourd'hui classé, la page tournée. Il est révélateur de constater qu'aucun des interlocuteurs gouvernementaux de votre délégation, qu'ils soient australiens ou néo-zélandais, n'y a fait directement référence. Cela ne signifie pas que cet épisode -qui a soumis nos compatriotes sur place et, singulièrement, nos représentations diplomatiques à rude épreuve- soit oublié. Au demeurant, la sensibilité antinucléaire reste dans ces pays extrêmement vive, particulièrement en Nouvelle-Zélande. Mais les questions nucléaires ne font plus obstacle à la qualité et à l'intensité des relations bilatérales avec la France. La normalisation de nos rapports avec Canberra et Wellington est aujourd'hui complète. Une phase nouvelle est ouverte.

Elle devait d'abord se traduire par une reprise des visites et rencontres bilatérales. La mission sénatoriale en a donné le signal. Elle a été rapidement suivie par celle d'une importante délégation de chefs d'entreprises français conduite par MM. Jean Gandois et Claude Bébéar, ainsi que par une délégation du groupe d'amitié France-Australie de l'Assemblée nationale. Le dialogue politique bilatéral est ainsi renoué. Il doit être maintenu et prolongé. C'est dans cet esprit que le principe d'une visite en Australie et en Nouvelle-Zélande du ministre français des Affaires étrangères est d'ores et déjà retenu, et vivement souhaité tant à Canberra qu'à Wellington. Il paraît à votre délégation particulièrement souhaitable que la date de cette visite soit prochainement arrêtée et que ce déplacement du chef de la diplomatie française puisse se concrétiser rapidement.

Ce nouveau chapitre des relations bilatérales sera l'occasion de réaffirmer la place spécifique de la France dans le Pacifique sud et de développer à cet égard notre dialogue politique avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Nos partenaires y sont tout à fait disposés et les interlocuteurs australiens et néo-zélandais de votre délégation se sont, à plusieurs reprises, félicités du rôle de la France dans la région. Si cette position n'est pas toujours dénuée d'ambiguïtés, il faut se réjouir de la convergence de vues entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sur la stabilité du Pacifique sud et du soutien de Canberra et de Wellington au processus des accords de Matignon dans la perspective du référendum qui doit se dérouler, en 1998, en Nouvelle-Calédonie. L'aide française aux pays de la région est d'autant plus appréciée que les Etats-Unis y sont moins présents et que l'aide financière assumée par Canberra et Wellington pèse lourdement sur leurs budgets nationaux respectifs.

Cette phase nouvelle des relations franco-australiennes sera enfin d'autant plus importante qu'elle se développera à l'approche des Jeux olympiques de l'an 2000 qui placeront Sydney au centre de l'actualité mondiale. Il sera, à cette occasion, important de veiller au maintien du rôle -officiel- de la langue française et d'apporter un soutien continu aux entreprises françaises candidates à participer à la préparation des Jeux olympiques.

Il faut enfin relever -le ministre australien des Affaires étrangères y a particulièrement insisté devant la délégation sénatoriale- l'importance que les autorités australiennes attachent à la suppression de l'obligation des visas. Le dossier est complexe et s'inscrit naturellement dans le cadre d'une politique d'ensemble de la France en la matière. Mais la lourdeur du système actuel, son intérêt limité (au moins pour les visas de court séjour), ses retombées politiques, économiques et touristiques conduisent votre délégation à demander au gouvernement d'examiner la possibilité d'assouplir la réglementation actuelle . Il s'agirait d'un geste politique fort qui serait particulièrement apprécié par nos partenaires.

- Cette nouvelle donne politique doit enfin permettre de donner un élan supplémentaire aux relations économiques bilatérales.

Celles-ci, il faut le relever et s'en féliciter, n'ont été que marginalement affectées par la crise des essais nucléaires. Les échanges commerciaux et la présence économique française sur place ont continué à se développer durant cette période, tant en Australie qu'en Nouvelle-Zélande, ainsi que l'a illustré, au plus fort de la crise, le rachat par Axa de 51 % du capital de National Mutual, le second assureur australien. De même, la dernière visite du président du CNPF a souligné symboliquement la solidité des rapports entre les milieux d'affaires des trois pays.

Mais il va de soi que le mouvement en cours doit être poursuivi, amplifié et soutenu , conformément à l'esprit du discours prononcé l'an dernier par le Président de la République à Singapour. Beaucoup reste à faire à l'heure où la présence française dans la région Asie-Pacifique constitue une priorité tant pour notre diplomatie que pour notre politique économique et où nos parts de marché dans ces pays restent anormalement faibles .

Il convient, à cet égard, selon votre délégation, d'examiner, au cas par cas, de manière approfondie, la possibilité pour l'Australie et, dans une moindre mesure, pour la Nouvelle-Zélande de constituer des têtes de pont de la présence économique française dans la région Asie-Pacifique.

Nos partenaires australiens et néo-zélandais y sont prêts et l'appellent même de leurs voeux. Quelques grandes entreprises françaises -notamment Accor et Axa- ont déjà adopté cette stratégie avec succès. D'autres ont obtenu des contrats importants en Asie à partir de leurs implantations australiennes.

Il est naturellement nécessaire, pour qu'une telle démarche soit couronnée de succès, de disposer d'abord, en Australie et en Nouvelle-Zélande même, d'un marché solide. Mais, dès lors que cette condition est remplie -et le dynamisme des économies locales offre à cet égard de réelles opportunités-, de nombreux arguments favorables méritent d'être pris en considération : des conditions d'implantation très avantageuses, des coûts d'installation très inférieurs à Hong-Kong ou Singapour, une communauté culturelle qui favorise l'expatriation, un décalage horaire très limité avec les grands marchés asiatiques, une image souvent favorable des Australiens et des Néo-Zélandais en Asie ...

Pour toutes ces raisons, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, malgré leur éloignement, peuvent constituer des tremplins utiles pour renforcer notre présence en Asie et méritent d'être, en tout cas, davantage prises en considération dans la stratégie d'insertion des entreprises françaises dans la zone Asie-Pacifique.

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EXAMEN EN COMMISSION

Le présent rapport a été examiné par la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées au cours de sa réunion du 26 mars 1997.

A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, M. André Rouvière, après avoir estimé que la mission sénatoriale avait pleinement atteint ses objectifs, s'est inquiété des retombées sociales de la politique économique ultra-libérale conduite notamment en Nouvelle-Zélande. Il a estimé que la précarisation d'une partie de la population devait conduire à nuancer les jugements positifs portés sur les résultats de la politique suivie, notamment du point de vue du chômage. S'agissant des réactions antinucléaires, il a indiqué qu'elles lui étaient apparues plus vives, et de nature plus passionnelle, en Nouvelle-Zélande qu'en Australie. Sur le plan international, il a souligné que l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient, malgré des moyens modestes, notamment sur le plan militaire, l'ambition de jouer un rôle sur la scène internationale et estimé que les Européens devaient développer leurs relations avec ces pays.

M. Jean-Luc Bécart a, à son tour, souligné que les résultats obtenus par l'Australie et par la Nouvelle-Zélande sur le plan macroéconomique ne devaient pas faire oublier les réalités économiques et sociales pour les couches les plus défavorisées de la population.

M. André Boyer, après avoir rappelé le sauvetage spectaculaire de concurrents français du " Vendée Globe " par la Marine australienne, s'est félicité du complet rétablissement des relations militaires franco-australiennes. S'agissant de l'organisation des Jeux olympiques de Sydney, il a souligné que de nombreux spectateurs pourraient être intéressés, à cette occasion, par des circuits touristiques dans le Pacifique Sud et estimé que des dispositions devraient être prises pour permettre aux territoires français de la région, en premier lieu la Nouvelle-Calédonie, de bénéficier de ces retombées touristiques potentielles. En ce qui concerne le processus des accords de Matignon, il a enfin marqué l'approbation de ce processus par l'Australie et la Nouvelle-Zélande et souligné en conséquence l'intérêt de poursuivre un dialogue approfondi avec ces deux pays dans la perspective notamment du référendum en Nouvelle-Calédonie.

M. Maurice Lombard a alors relevé que l'Australie et la Nouvelle-Zélande paraissaient ressentir un certain isolement par rapport au monde européen et occidental dont ils partageaiernt la culture. Ce sentiment contribuait à expliquer leur appréciation favorable de la présence française dans le Pacifique Sud alors que leurs relations avec la Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, avec les Etats-Unis, s'étaient distendues. Il a ensuite évoqué les politiques d'immigration australienne et néo-zélandaise et notamment les questions posées par l'augmentation des immigrés d'origine asiatique. S'agissant des populations indigènes, M. Maurice Lombard a souligné l'importance de la question des droits historiques des Aborigènes en Australie, tandis que le problème des Maoris se posait en termes différents en Nouvelle-Zélande, notamment en raison de l'influence du parti " New Zealand First ", en partie maori, qui était désormais associé aux responsabilités gouvernementales. Evoquant enfin la révolution économique libérale néo-zélandaise, M. Maurice Lombard en a souligné le caractère systématique, notamment dans le domaine agricole et dans le secteur administratif lui-même. Il a à cet égard estimé préoccupantes les conséquences de cette politique ultra-libérale sur l'enseignement secondaire et sur les risques de diminution de la qualité de l'enseignement qui en résultaient.

MM. Maurice Lombard et Xavier de Villepin, président, ont alors constaté, pour le regretter, que le français était en perte de vitesse dans la région. M. Xavier de Villepin, président, tout en rappelant le rôle joué par de nombreuses Alliances françaises, a estimé nécessaire de mettre désormais l'accent sur les moyens les plus modernes de notre action culturelle extérieure, notamment sur le plan audiovisuel.

En réponse à M. Michel Caldaguès qui s'interrogeait sur la possibilité de renforcer l'influence européenne dans la région par des relations plus denses avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, M. Xavier de Villepin, président, a souligné que les interlocuteurs de la délégation avaient manifesté un très vif intérêt pour l'évolution de la construction européenne -notamment la monnaie unique- et marqué leur approbation de la présence française dans le Pacifique Sud. Il a regretté les difficultés survenues, à propos d'une clause sur les droits de l'homme, dans les négociations d'un accord-cadre entre l'Union européenne et l'Australie.

MM. Marcel Debarge, Maurice Lombard et Xavier de Villepin, président, ont enfin évoqué les relations sino-australiennes pour souligner à la fois la volonté de l'Australie de développer ses relations avec la Chine et son inquiétude, non avouée, devant une éventuelle expansion militaire chinoise favorisée par des capacités aéronavales accrues.

La commission a alors autorisé la publication du présent rapport d'information.

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