Audition de M. Jean-Luc Sauron, chef du secteur juridique et Bertrand Mabille, chef du secteur industrie-environnement du comité interministériel pour les questions
de coopération économique européenne

M. Jean-Luc Sauron a tout d'abord rappelé qu'au titre des engagements européens de la France, la directive 92/43/CEE Habitats naturels devait être transposée en droit interne et appliquée.

Répondant à M. Jean-François Le Grand , il a considéré qu'il était pratiquement impossible d'obtenir une réécriture de la directive, voire seulement des modifications étant donné les attitudes très contrastées des quinze Etats membres sur la question. Il a souligné de plus que les adhésions des Etats du Nord de l'Europe avaient certainement renforcé les sensibilités européennes en ce qui concerne la défense de l'environnement.

Il a cité à titre d'exemple la communication de la Commission européenne du 22 octobre 1996 relative à la mise en oeuvre du droit de l'environnement ; soulignant d'importantes faiblesses à ce niveau, la commission a fait part de son intention de faire application des dispositions du Traité de Maastricht pour s'assurer que les Etats membres respectent totalement leurs obligations en matière d'environnement " afin d'obtenir un effet dissuasif puissant ".

Il a enfin précisé que dans l'hypothèse d'une révision de la directive, le texte actuel de la directive 92-43 CEE Habitats naturels restait applicable pendant la durée des négociations et que rien ne permettait au Gouvernement français de se soustraire à ses engagements européens.

En réponse à M. Jean-François Le Grand qui l'interrogeait sur les moyens juridiques " dissuasifs " dont disposait la Commission pour faire entendre raison aux Etats membres récalcitrants, M. Jean-Luc Sauron a présenté la procédure de recours en manquement prévu par les articles 169, 170 et 171 du Traité instaurant la Communauté européenne. Selon cette procédure, tout Etat membre ou la Commission peut saisir la Cour de Justice contre un autre Etat membre qui aurait manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité et du droit dérivé. Avant tout recours, le traité prévoit " le filtre " de la Commission, gardienne des traités. Celle-ci doit émettre un avis motivé après que l'Etat membre incriminé ait été mis en mesure de présenter contradictoirement ses observations. Si la Cour de Justice reconnaît le manquement d'un Etat membre, celui-ci est tenu de prendre les mesures prévues par l'arrêt de la Cour de Justice. Dans un deuxième temps, la Cour peut recourir aux sanctions financières sur requête de la Commission dans le cas où l'Etat membre n'a pas pris les mesures édictées par un premier arrêt.

M. Jean-Luc Sauron a confirmé que la commission européenne avait ainsi décidé, en janvier 1997, de saisir la Cour européenne de justice à l'encontre de l'Allemagne et de l'Italie pour n'avoir pas tenu compte de précédents arrêts de la Cour concernant des infractions au droit européen en matière d'environnement en demandant pour la première fois à la Cour d'infliger des sanctions pécuniaires.

Trois arrêts concernent l'Allemagne pour non-application complète de la directive 79/409/CEE oiseaux, de la directive 80/68/CEE sur la protection des eaux souterraines et la directive 75/440/CEE sur la qualité requise des eaux superficielles.

En ce qui concerne l'Italie, le premier arrêt porte sur la non-application de la directive 75/442/Cee sur les déchets, notamment par défaut de plan de gestion des déchets dans la région de Campania. Le second arrêt concerne la non-application complète de la directive 84/466 Euratom sur les mesures relatives à la protection radiologique des personnes soumises à des examens et traitements médicaux.

Il a précisé que dans ces cinq cas, la Commission avait choisi de proposer des amendes journalières comme moyen premier pour assurer l'exécution des arrêts en proposant des montants suivants :

- Allemagne (oiseaux) 26.400 personnes/jour

- Allemagne (eaux souterraines) 264.000 Ecus/jour

- Allemagne (eau superficielle) 158.400 Ecus/jour

- Italie (déchets) 123.900 Ecus/jour

- Italie (radiations) 159.300/jour

Il a exposé enfin la méthode élaborée par la Commission pour le calcul des pénalités : un même montant uniforme pour tous les Etats membres (500 Ecu/jour), des facteurs reflétant la gravité (indice de 1 à 20) et la durée de l'infraction (indice de 1 à 3) et un facteur fixe fonction du PNB de l'Etat membre (21,1 pour la France, 26,4 pour l'Allemagne et 1 pour le Luxembourg) et le poids de son vote au Conseil des ministres.

M. Jean-François Le Grand s'est alors interrogé sur la manière d'obtenir une certaine reconnaissance du contenu du mémorandum interprétatif français, tant vis à vis du pouvoir judiciaire communautaire ou national que des acteurs socio-économiques soucieux de disposer d'une règle du jeu précise et connue de tous. Il a jugé qu'il pourrait être politiquement intéressant de disposer d'un texte " franco-français " qui sécurise les principes défendus par les opposants à la directive 92/43 tout en restant compatible avec le droit communautaire.

M.Bertrand Mabille a estimé que le contenu du mémorandum français pourrait être valablement repris dans un texte réglementaire ou législatif pour fixer les principes sur lesquels le Gouvernement avait obtenu l'accord du Commissaire européen chargé de l'environnement.

Il a considéré en particulier que ce texte pourrait par ailleurs être l'occasion pour l'Etat français de répondre aux critiques de la Commission concernant l'insuffisante transposition en droit français des obligations d'évaluation et d'étude d'impact prévues à l'article 6 paragraphe 3 de la directive.

Il a indiqué que la Commission ayant décidé de saisir la Cour de justice pour non-communication des mesures nationales de transposition de l'article 6 de la directive, avait dans un premier temps adressé à la France un avis motivé en date du 21 septembre 1996 au titre de l'article 169 du traité instituant la Communauté européenne. La France disposait d'un délai de deux mois pour se conformer à l'avis. Il a relevé que l'Allemagne, l'Italie et le Portugal faisaient d'ailleurs l'objet de la même procédure pour non-transposition de la directive 92/43/CEE Habitats naturels.

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