Audition de Mme Françoise Peschadour,
Délégué général de l'Union nationale pour la pêche en France et la Protection du milieu aquatique
(Jeudi 20 mars 1997)

Mme Françoise Peschadour a, tout d'abord, rappelé la double mission dévolue par la loi à l'Union nationale pour la pêche, à savoir le développement de la pêche de loisir et la protection du milieu aquatique, et souligné combien les pêcheurs étaient des usagers responsables des milieux naturels, des " écocitoyens " participant matériellement et financièrement à la restauration, l'entretien et la protection des milieux aquatiques. Evoquant le rôle actif des associations des pêcheurs dans la genèse puis la mise en oeuvre des grandes législations nationales de protection de l'eau, Mme Françoise Peschadour a fait valoir que les objectifs défendus par la directive n° 92-43 Habitats s'inscrivaient en parfaite harmonie avec les orientations défendues par l'Union nationale pour la pêche, qui n'était pas du tout hostile à la mise en oeuvre d'une protection spécifique de la nature sous l'angle aussi bien des espèces que des habitats.

En ce qui concerne l'échec de la première phase de désignation des sites " Natura 2000 ", Mme Françoise Peschadour a mis l'accent sur trois facteurs défavorables, ainsi présentés : une atmosphère européenne tendue, des oppositions locales fortes, des choix en matière de sites trop vastes et sans cohérence.

A propos des difficultés du dialogue avec les responsables européens, l'exemple spécifique du cormoran -espèce protégée par la Directive 79/409 " Oiseaux " a été l'un des éléments ayant fondé la présence de l'Union Nationale pour la pêche dans le groupe dit des Neuf. En effet, malgré les protestations des pêcheurs et les témoignages convergeants d'une atteinte grave à la biodiversité aquatique liée à la prolifération des cormorans causée par la protection issue de la Directive 79/409, il n'avait pas encore été possible d'obtenir le déclassement de cette espèce.

Deuxièmement, en matière d'environnement, Mme Françoise Peschadour a déploré que la représentation des associations de la nature ne soit pas toujours liée à leur représentativité. De plus, la mise en minorité fréquente, au sein du Ministère de l'Environnement, de ceux appelés, désormais, les acteurs de la ruralité ne pouvait pas contribuer à la constitution d'un climat serein. Lorsqu'il a été établi que la liste du Muséum national d'histoire naturelle allait, sans aucune consultation des gens de terrain, constituer une référence européenne, le refus qui s'en est suivi ne traduisait qu'un divorce consécutif à une séparation déjà longue.

Enfin, les choix proposés par les experts scientifiques ont paru traduire une vision d'autant plus technocratique de la gestion de l'espace que les sites et leurs périmètres étaient pour un même type d'habitat ou d'espèce sans commune mesure d'un département à l'autre. Par ailleurs, faute de précisions, quant aux modalités précises de gestion des sites retenus, la thèse de la sanctuarisation paraissait prévaloir. La mise en place d'une zone écologique franche, sur près de 15 % d'un territoire déjà fortement confronté par ailleurs aux problèmes de déprise agricole, industrielle ou tout simplement humaine, à été vécue comme un camouflet par leurs gestionnaires mêmes.

En ce qui concerne les recommandations sur le déroulement de la deuxième phase, Mme Françoise Peschadour a insisté très fortement sur la nécessité d'une concertation systématique associant l'ensemble des partenaires propriétaires ou gestionnaires de l'espace rural concernés par le réseau " Natura 2000 ", non seulement au niveau national mais surtout au plan départemental et au plus près des sites désignés. Elle a souhaité à ce sujet voir pérenniser des comités de suivi ayant pour mission de veiller à la mise en oeuvre de la directive Habitats.

Au plan européen, à l'exemple des comités consultatifs compétents en matière agricole existant dans le cadre de la DG VI, elle s'est interrogée sur l'intérêt d'une instance pluripartenariale dans le cadre de la DGXI, ayant une capacité de concertation sur l'ensemble des domaines liés à la protection de la nature.

Mme Françoise Peschadour a considéré que le consensus comme critère de choix des sites " verts " entrant dans la liste transmise à Bruxelles et correspondant à 2,5 % du territoire français était un bon garant de sécurité pour la désignation et la protection des sites retenus, et a souligné qu'en raison de l'extrême diversité biologique du territoire français, il était sage de veiller au respect du principe de l'exemplarité des sites, faute de quoi des départements entiers pourraient faire l'objet d'une inscription dans le réseau.

A propos du moratoire français dont le contenu a été accepté par Mme le Commissaire Européen , et qui reçoit l'assentiment de l'Union nationale pour la pêche, Mme Françoise Peschadour a souhaité voir consolider l'acquis de ce mémorandum pour permettre de progresser avec la sécurité juridique nécessaire pour éviter qu'au détour d'un arrêt de la Cour de Justice européenne l'ensemble de l'édifice ne soit remis en cause.

En ce qui concerne le niveau de contraintes acceptables pour les règles de gestion applicables aux sites retenus dans le réseau " Natura 2000 ", Mme Françoise Peschadour s'est déclarée hostile à l'accumulation de règles et contraintes supplémentaires conduisant à toujours moins d'activité pour toujours plus de protection.

Elle a souhaité qu'en matière de gestion des sites, l'existence des plans de gestion piscicole soit reconnue comme la méthode permettant de garantir le niveau de protection souhaitée. Ces documents élaborés de façon concertée contiennent les éléments fondateurs d'une politique dynamique en faveur de la réhabilitation des milieux aquatiques. Cette reconnaissance par la Commission et les États membres permettrait de satisfaire à l'obligation du document d'objectifs et pourrait illustrer le principe de subsidiarité reconnu en matière d'environnement par le Traité de Maastricht.

A propos de ces contraintes qui pourraient être envisagées dans certains cas, Mme Françoise Peschadour a fait remarquer qu'elles ne devraient pas peser exclusivement sur les propriétaires ou les gestionnaires, et que l'Etat aurait également à en tenir compte lors de ses propres choix. Elle a fait valoir enfin que si, par endroits, des politiques systématiques d'interdiction de capture devaient être adoptées, ceci devrait donner lieu à des indemnisations compensatoires, rappelant que les cotisations des pêcheurs servaient très largement à l'entretien des milieux aquatiques.

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