2. Le capital

On a beaucoup parlé de l'investissement. Il est évidemment très difficile de prévoir le facteur capital à un horizon aussi lointain. Normalement, la fonction de production macro-économique dit que l'on devrait ajuster, comme le faisait remarquer Michel Didier, la productivité marginale du capital à son coût, ce coût étant constitué essentiellement du taux d'intérêt réel qui correspond à l'utilisation du capital.

Implicitement, ce qui est fait dans tout ce genre d'exercice - et cela avait été fait par Paul Dubois lorsqu'il avait fait une prévision du même type il y a une dizaine d'années - consiste à retenir l'idée qu'à moyen terme, à cet horizon de vingt ans, on imagine que le coût du capital change peu. Ceci revient donc à dire que le taux de croissance du capital est égal au taux de croissance de la production. Dans ces conditions, le taux de croissance potentielle du PIB est égal au taux de croissance du facteur travail, augmenté du taux de croissance de la productivité, multiplié par un facteur qui, en l'occurrence est de l'ordre de 1,3-1,4.

3. Le progrès technique

Il nous reste l'élément essentiel à prévoir, qui est la productivité et le progrès technique avec ses effets sur l'économie.

A cet égard, il y a des débats que rappelait en partie Henri STERDYNIAK tout à l'heure. Il y a des gens qui pensent que la productivité a changé dans les cinq dernières années. On a parfois du mal à interpréter ce qui s'est passé dans les trente années qui ont suivi l'après-guerre.

Si l'on prend les études les plus récentes, mais qui portent sur la période la plus longue - études qui portent sur les cent ou cent vingt dernières années et sur divers pays, notamment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, mais aussi les pays européens -, on arrive à trouver une tendance séculaire de la productivité qui est de l'ordre de 1 % par an et à interpréter les 2,8 % ou 3 % que l'on a vus pendant les trente années d'après-guerre comme un phénomène de rattrapage pour les pays européens, après des années particulièrement médiocres avant-guerre et aussi pendant la deuxième guerre mondiale.

Ce que j'ai retenu ici, c'est l'estimation sur les vingt dernières années, estimation qui correspond à une croissance de la productivité de 1,1 % par an et qui est assortie d'un écart-type trimestriel de 0,5 %.

Au total, tous comptes faits, quand on met 0,7 % pour la population active et quand on applique cette croissance de la productivité, on obtient un taux de croissance moyen de 2,3 % par an pour la croissance potentielle de l'économie française, avec un intervalle de confiance de + ou - 0,7 % autour de ces 2,3 % par an.

Voilà donc ma contribution à ce débat.

Si l'on maintenait l'âge de la retraite, il faudrait enlever 0,5 - puisque j'ai dit que c'était 0,2 au lieu de 0,7 -, on arriverait ici à 1,8 % au lieu de 2,3 %. Cela nous permet de cadrer les projections qui ont été données par l'équipe MIMOSA et qui, pour la France, nous donnent, en 1998, 2,7 % de croissance, en 1999, 1,8 %, et entre 2000 et 2005, 1,3 à 1,6 %.

Henri STERDYNIAK parlait de "projections grises", je dirais peut-être gris foncé. Il nous donne des chiffres qui sont vraiment tout au bas de ma fourchette, mais je n'ai pas l'impression que ma fourchette soit particulièrement pessimiste. Je trouve donc que la projection qui nous est donnée là est gris foncé.

Il y a d'ailleurs, par rapport au calcul que j'ai fait, une petite incohérence, car le taux de chômage qui est obtenu en projection, notamment pour la France, est stable. Si l'on est vraiment dans la fourchette gris foncé du point de vue de la croissance potentielle, peut-être que l'on pourrait imaginer que le taux de chômage associé à la projection devrait malheureusement être plus élevé.

Cet exercice est juste un moyen de mettre en perspective l'analyse de la croissance macro-économique menée avec cette fonction de production et les projections qui sont faites avec un outil bien différent au travers de ces gros modèles.

Il peut permettre aussi de faire une remarque par rapport aux grands débats de politique économique qui ont été esquissés entre Henri STERDYNIAK et Michel DIDIER.

Evidemment, pour faire une projection à cet horizon, il faudrait rajouter une idée d'évolution du chômage et, de ce point de vue, prendre position sur : est-ce la politique budgétaire qui est susceptible de nous aider à nous rapprocher de la croissance potentielle ? Est-ce au contraire le dynamisme des entreprises débarrassées des contraintes de politique économique ou de la toute puissance de l'Etat qui permettrait de se rapprocher de ce sentier qui est, semble-t-il, préférable aux sentiers que nous donnent les modèles keynésiens ?

La remarque que je dois faire est qu'à travers mon exercice très simple, ce qui paraît crucial, c'est d'utiliser le facteur travail et de bien l'utiliser.

Nous avons eu de très nombreuses études sur l'hystérèse du chômage, notamment sur le fait que dans les quinze ou vingt dernières années, à chaque fois que l'on observe une augmentation du chômage, on a l'impression que cette augmentation est acquise et que l'on n'arrive pas à revenir en arrière.

Il me semble que c'est sur ce point que l'on devrait faire porter la réflexion, et se poser la question suivante : s'il y a de l'hystérèse, est-ce parce que les politiques publiques pour traiter ce chômage, conduisent à le pérenniser ? Au contraire, est-ce parce que l'on a du mal à maintenir des politiques de dépenses publiques à de tels niveaux, car on avait pris l'habitude d'augmenter les dépenses publiques de manière régulière durant les Trente Glorieuses ?

Il y a là tout un champ d'investigation sur lequel je n'ai pas de réponse, je n'ai que quelques questions sur lesquelles Jean PISANI-FERRY qui espérait pouvoir apporter des réponses tout à l'heure aux questions posées, pourra peut-être nous éclairer, un autre jour.

Merci, Monsieur le Président.

M. Bernard BARBIER, Président .- C'est moi qui vous remercie, parce que vous avez apporté un éclairage qui va permettre maintenant une discussion.

Compte tenu du temps qui nous reste, compte tenu de notre souhait d'entendre Mme GRUNBERG et de lui laisser les vingt minutes prévues, je vous propose une brève demi-heure de discussion.

Le débat est ouvert.

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