EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jean Huchon, Jean François Le Grand et Louis Minetti sur le bilan des propositions de la mission sénatoriale de 1993 chargée d'étudier la filière des fruits et légumes et sur la mise en oeuvre du règlement (CE) 2200/96 du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes.

M. Jean Huchon, rapporteur, a rappelé, à titre liminaire, que le Sénat avait autorisé la création d'une mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement des marchés des fruits, des légumes et de l'horticulture.

Il a souligné que, parmi la cinquantaine de propositions faites par la mission d'information, la réforme du fonctionnement de l'organisation commune du marché (OCM) des fruits et légumes était apparue comme une priorité. Il a indiqué que cette réforme avait été finalement adoptée par le Conseil des Ministres de l'Union européenne, le 26 juillet 1996. Il a précisé que ce nouvel environnement communautaire avait conduit le groupe de travail " fruits et légumes " de la Commission des Affaires économiques et du Plan à se pencher, à nouveau, sur cette filière importante tant en termes économiques qu'en termes d'emploi et d'aménagement du territoire. Il a rappelé qu'outre des déplacements en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), en Maine-et-Loire et à Rungis, le groupe de travail avait procédé à une vingtaine d'auditions.

M. Jean Huchon, rapporteur, a souligné que le groupe de travail avait souhaité, tout en effectuant un bilan synthétique des différentes propositions du rapport de la mission sénatoriale de 1993, examiner les modalités de cette nouvelle OCM et apprécier les perspectives d'avenir du secteur français des fruits et légumes à l'aube de l'an 2000.

M. Louis Minetti, rapporteur, a constaté que si la filière française des fruits et légumes connaissait une crise à la fois conjoncturelle et structurelle évidente, elle n'en disposait pas moins d'atouts réels : son image positive dans l'esprit du consommateur, et le fait que ce secteur constitue une filière économique importante utilisant 4,3 % de la superficie agricole utile, représentant plus de 16 % de la production finale agricole et comptant 1.800.000 exploitations d'une dimension moyenne de 1,3 hectare.

Il a précisé que la production française moyenne de fruits et légumes s'établissait à environ 10 millions de tonnes, dont 6 millions de tonnes de légumes, hors pommes de terre et 4 millions de tonnes de fruits, pour une valeur estimée à environ 32 milliards de francs.

M. Louis Minetti, rapporteur, a rappelé que certaines mesures avaient fait l'objet d'une traduction législative ou réglementaire, évoquant à ce propos l'amélioration du statut fiscal et social et des relations entre l'aval et l'amont de la filière, le renforcement de l'interprofession et le développement de la promotion.

Au niveau international, tout en reconnaissant que la situation actuelle était loin d'être satisfaisante, il a considéré que la mise en place, pour certains produits, des certificats d'importation et des clauses de sauvegarde constituait une première démarche positive. Il a fait remarquer que depuis 1992, considérée comme " l'année terrible " pour la filière, le secteur des fruits et légumes n'avait guère connu de périodes fastes. Il a fait valoir que cette situation de crise " quasi permanente " était révélatrice non seulement d'un environnement international et communautaire en pleine mutation, mais aussi d'un certain nombre de handicaps propres à la filière, comme l'atomisation de l'offre, l'état lacunaire de la mise en marché et la pression exercée par les grandes surfaces. Il a rappelé que le marché des fruits et légumes constituait en effet, pour les grandes et moyennes surfaces, un secteur des plus rentables et en pleine croissance.

M. Louis Minetti, rapporteur, a conclu son propos en précisant que le groupe de travail s'interrogeait sur l'opportunité d'instaurer un mécanisme de " coefficient multiplicateur " qui permettrait de garantir un prix minimum à la production. La profession paraissant partagée sur l'utilité d'un tel instrument, il a souhaité que le ministère de l'agriculture effectue des projections afin d'apprécier les conséquences de la mise en place de ce système.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a observé que la plupart des personnes rencontrées par la mission sénatoriale à l'occasion d'auditions ou de déplacements avaient insisté sur le fonctionnement peu satisfaisant des organisations communes de marché dans le secteur des fruits et légumes.

Il a rappelé que la réforme initiée au niveau communautaire depuis 1994 avait pu aboutir en 1996, avec le Règlement CEE n° 2200/96 du Conseil en date du 28 octobre 1996 instaurant un nouveau régime communautaire dans le secteur des fruits et légumes frais.

Il a souligné qu'à l'évidence, comme en témoignaient la crise de 1992, puis celles de 1995 et 1996, la réglementation communautaire et l'application qui en était faite ne permettaient ni d'intervenir efficacement sur le marché communautaire pour enrayer un effondrement généralisé, ni de réguler de façon satisfaisante les importations des pays tiers.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a indiqué qu'avait été choisi au niveau communautaire, pour le secteur des fruits et légumes, un système de libéralisme encadré, fondé sur un marché fixant le prix payé au producteur et déterminant ses revenus, mais tempéré par une réglementation garantissant la transparence et empêchant des déséquilibres excessifs. Rappelant que le Sénat avait adopté, au mois d'avril 1996, une résolution sur la proposition de règlement du Conseil portant Organisation Commune des Marchés dans le secteur des fruits et légumes, il a précisé que la nouvelle OCM prévoyait le renforcement des organisations de producteurs et de leur moyens techniques. Il a ajouté que ce dispositif avait pour objet d'inscrire la production dans un processus d'adaptation permanente aux attentes des consommateurs, se concrétisant par la mise en place de programmes opérationnels, destinés à financer les opérations de retrait communautaire, les compléments aux indemnités communautaires de retrait et les actions d'amélioration de la qualité et de mise en valeur commerciale.

Il a conclu en indiquant que si le système du retrait restait nécessaire, ce dernier devait cependant constituer un filet de sécurité et non un débouché en lui-même.

M. Jean Huchon, rapporteur, a indiqué que le groupe de travail était convaincu que la réforme OCM était nécessaire pour le secteur des fruits et légumes frais et qu'elle lui ouvrait des perspectives d'avenir. Il a estimé que cette réforme, contestée par certains, n'en offrait pas moins un cadre rénové et une opportunité à saisir dans un environnement conjoncturel et structurel difficile.

Après avoir rappelé que le renforcement de la filière " fruits et légumes " était déjà amorcé, notamment par la reconnaissance du rôle essentiel des organisations de producteurs et de l'interprofession, il a souligné que cette réforme appelait une mise en oeuvre à la hauteur des enjeux de la filière et regretté, à cet égard, que les groupements de producteurs n'aient pas pu, ou pas su, convaincre une grande partie des professionnels d'adhérer.

M. Jean Huchon, rapporteur, a fait part des interrogations du groupe de travail quant à l'intérêt du bien-fondé de nouvelles règles de reconnaissance et de fonctionnement des organisations de producteurs (OP), celles-ci risquant de conduire, à moyen terme, à accroître le nombre de groupements de producteurs au détriment, peut-être, de leur efficacité.

Il a souligné que les OP assurant la commercialisation devaient être le noyau dur du dispositif et fait valoir que figer la situation actuelle dans le but de rassurer les producteurs serait un leurre de nature à condamner, à terme, le secteur français des fruits et légumes.

Insistant sur le rôle que devaient jouer les pouvoirs publics en vue d'un bon usage de la réforme en cours, il a souligné qu'on ne pouvait plus produire, aujourd'hui, sans penser à tout moment à la commercialisation et que les programmes, financés par les fonds opérationnels, devaient désormais avoir une logique structurelle plutôt que conjoncturelle.

Rappelant, enfin, que le secteur des fruits et légumes représentait plus de 15 % de l'agriculture européenne, mais percevait moins de 5 % des subventions du FEOGA, il a conclu en regrettant la stricte maîtrise budgétaire qui présidait à cette réforme.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a tout d'abord regretté l'absence de traitement statistique au niveau communautaire.

Il a estimé que l'on pouvait imaginer, tant au niveau de chaque Etat qu'au niveau européen, la création d'un instrument aussi efficace que celui que constituait en France le Service des Nouvelles du Marché, et souhaité que des contrôles nationaux et communautaires soient renforcés afin de garantir une réelle transparence du marché.

Tout en se félicitant de l'accent mis par cette OCM sur le renforcement et l'harmonisation des contrôles, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a considéré que cette nouvelle réglementation n'aurait de sens que si le marché était moralisé et débarrassé de certaines pratiques ; il fallait donc qu'au-delà de l'OCM, chaque Etat définisse une politique globale des produits, dans laquelle s'inséreraient les programmes opérationnels, soumis à agrément national.

Il a souligné, à cet égard, que le groupe de travail se félicitait de la démarche française consistant à mettre en place une commission nationale des fonds opérationnels, composée de représentants de l'administration et de professionnels, afin d'assurer une certaine homogénéité dans l'utilisation des fonds.

Compte tenu, notamment, des difficultés provoquées par l'installation de " non professionnels "dans le secteur des fruits et légumes, il a souhaité l'instauration de mécanismes permettant d'améliorer la connaissance des surfaces cultivées, des volumes produits et des producteurs eux-mêmes.

M. Louis Minetti, rapporteur, a souligné que la mise en place de la nouvelle OCM intervenait dans le secteur des fruits et légumes à un moment stratégique, à la veille des nouvelles négociations sur l'organisation mondiale du commerce, de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et de l'élargissement de l'Union européenne aux pays associés d'Europe centrale, orientale et baltes.

Il a estimé qu'il était ainsi grand temps que, simultanément avec cette nouvelle réglementation, les autorités communautaires prennent conscience des risques créés par la poursuite d'une politique commerciale avec les pays tiers qui fragilise, chaque jour un peu plus, le marché communautaire. Il a rappelé, à ce propos, que si la France était le premier exportateur mondial de pommes avec 650.000 tonnes, 50 % environ des fruits et légumes commercialisés en France étaient importés.

M. Louis Minetti, rapporteur, a regretté que le secteur des fruits et légumes, se révèle être une " monnaie d'échange " courante dans la plupart des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par la Communauté avec les pays tiers.

Il a fait remarquer que l'Union européenne devait avoir une politique commerciale extérieure réaliste, notamment en matière d'échanges agricoles, et fasse des choix cohérents entre multilatéralisme et bilatéralisme, de façon à permettre aux producteurs de s'adapter aux évolutions prévisibles.

Il a conclu son propos en précisant que la politique de la Communauté en matière d'exportation était ainsi à reconsidérer afin que l'Union européenne ne perde pas d'importants débouchés sur les marchés extérieurs.

Après avoir estimé que le suivi de ce secteur -si important en termes d'emploi et de revenu- était essentiel, M. Jean François-Poncet, président, s'est félicité de ce qu'un certain nombre de mesures aient été prises en sa faveur depuis 1993. Il a fait valoir que cette production complexe, au caractère hautement spéculatif, exigeait un regroupement de l'offre pour être en mesure d'affronter les défis de l'an 2000.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a confirmé que l'atomisation de l'offre perdurait depuis un grand nombre d'années.

Rappelant les évolutions qu'avait connues l'organisation de la production dans le secteur des céréales, du lait, de la viande bovine, de la volaille et des vins, M. Michel Souplet a regretté le trop grand individualisme qui subsistait dans la filière des fruits et légumes. Il a estimé nécessaire une certaine concentration de l'offre, dans le cadre d'une politique contractuelle.

M. Louis Minetti, rapporteur, après avoir souligné les spécificités du marché des fruits et légumes frais, a opposé à l'atomisation persistante de la production la concentration croissante, dans la distribution des grandes et moyennes surfaces.

M. Bernard Joly s'est inquiété des récents incidents intervenus entre la France et l'Espagne.

Reconnaissant la nécessité d'une certaine concentration de l'offre, M. Hilaire Flandre a rappelé qu'il ne fallait pas, pour autant, supprimer les petites unités de production.

M. Louis Minetti, rapporteur, a abordé le problème des ceintures vertes dans les zones périurbaines.

M. Gérard Larcher a souhaité que les règles relatives aux zones franches soient étendues aux ventes directes effectuées par les agriculteurs dans les zones périurbaines, afin de ne pas créer une situation de concurrence déloyale.

M. Louis Minetti, rapporteur, a regretté que certaines grandes exploitations, afin de poursuivre l'agrandissement de leurs surfaces, s'affranchissent de toutes les règles relatives au contrôle des structures.

Après avoir fait observer que certaines sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) favorisaient les agrandissements d'exploitation agricole au détriment des nouvelles installations -tenues qu'étaient ces sociétés par leur obligation de résultat-, M. Fernand Tardy a souhaité que la question du foncier soit abordée rapidement dans une réforme législative.

M. Hilaire Flandre a, en premier lieu, tenu à préciser que la plupart des SAFER, notamment en Champagne-Ardenne, jouaient un rôle efficace en faveur de l'installation des jeunes. Il a, en second lieu, dénoncé la multiplication des agrandissements non contrôlés d'exploitations agricoles, au travers de l'acquisition de parts sociales.

Mme Janine Bardou a estimé que le problème du foncier était fondamental en zone de montagne. Regrettant que les organisations professionnelles soient parfois tentées de favoriser les agrandissements au détriment des installations de jeunes, elle a évoqué la possibilité d'un plafonnement des aides européennes à l'agriculture.

La commission a ensuite adopté les conclusions du rapport.

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