Rapport d'information n° 358 : Mission effectuée en Bosnie-Herzégovine du 8 au 11 mai 1997


MM. Xavier de VILLEPIN, Guy PENNE et Michel ALLONCLE


Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées : Rapport d'information n° 358 - 1996/1997

Table des matières


I.L'INSTAURATION RÉUSSIE D'UNE PACIFICATION MILITAIRE
A.LES CLÉS D'UNE RÉUSSITE MILITAIRE
1.De la force de mise en oeuvre à la force de stabilisation
2.Les missions de la SFOR
3.L'OTAN maître du jeu
4.La France dans la SFOR
5.L'Otan en Bosnie : la fin des opérations extérieures traditionnelles de l'ONU ?
B.LES POINTS FAIBLES DU DISPOSITIF : LA FORCE INTERNATIONALE DE POLICE ET LES AMBIGUÏTÉS DU DÉSARMEMENT-RÉARMEMENT
1.Le groupe international de police : une mission limitée, des moyens insuffisants
2.Désarmement-réarmement : un périlleux équilibre
II.LES DIFFICULTÉS ET LES RISQUES LIÉS À LA CONSTRUCTION DU NOUVEL ÉTAT
A.UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL EN TROMPE-L'OEIL
1.En Bosnie-Herzégovine, une collégialité difficile à mettre en oeuvre
2.Un système contrôlé de protection des droits de l'homme
3.Les structures institutionnelles de chaque entité
4.Un fonctionnement laborieux dû à des arrière-pensées inconciliables
B.LA DANGEREUSE FRAGILITÉ DE DAYTON
1.Les signes d'une partition rampante
2.La difficile mise en oeuvre de dispositions essentielles de l'accord
III. LA VOIE ÉCONOMIQUE : LA RÉCONCILIATION PAR LA RECONSTRUCTION ?
A.LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE AU CHEVET D'UN PAYS RUINÉ ET SOCIALEMENT TRAUMATISÉ
1.Une aide nécessaire
2.Une aide conditionnelle
3.La coopération entre entités par le développement économique
B.LA FRANCE ET LA RECONSTRUCTION ÉCONOMIQUE DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE
1.L'essentiel de la participation française se fait par les financements multilatéraux
2.La méthode : l'essor des actions civilo-militaires (ACM)
LES OBSERVATIONS DE VOTRE DÉLÉGATION
ANNEXES
ANNEXE N° 1 -
PROGRAMME DE LA MISSION
ANNEXE N° 2 -
STRUCTURES INSTITUTIONNELLES DE
BOSNIE-HERZEGOVINE ET DES DEUX ENTITÉS 21
ANNEXE N° 3 -
RESULTATS DES ELECTIONS DU 14 SEPTEMBRE 1996 22
ANNEXE 4 -
POINTS DE REPÈRE CHRONOLOGIQUES
DE LA CRISE YOUGOSLAVE 24
ANNEXE N° 5 -
ETAT DES EFFECTIFS DE LA SFOR PAR PAYS 25
TOTAL : 35 000
ANNEXE N° 6 -
LISTE DES MILITAIRES FRANÇAIS DÉCÉDÉS EN COURS DE MISSION SUR LE THÉATRE DE L'EX-YOUGOSLAVIE
DE 1992 A 1997 27




N° 358

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 12 juin 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 juin 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée en Bosnie-Herzégovine du 8 au 11 mai 1997,

Par MM. Xavier de VILLEPIN, Guy PENNE et Michel ALLONCLE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart,  Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.

Bosnie-Herzégovine . - Rapports d'information.

Mesdames, Messieurs,

Une délégation de votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, composée de MM. Xavier de Villepin, président, Guy Penne et Michel Alloncle a effectué, du 8 au 11 mai 1997, une mission d'information en Bosnie-Herzégovine.

Son objectif était, à l'heure où ce pays n'est plus au premier rang de l'actualité, d'apprécier l'état d'application des accords de Dayton signés en décembre 1995, dans leur double aspect militaire et civil. L'arrêt des combats signifie-t-il, à lui seul, qu'une paix durable s'instaure ou bien n'est-il, pour les parties, qu'un répit avant d'autres échéances militaires ? La communauté internationale parviendrait-elle à consolider un Etat sur des bases territoriales et des fondements institutionnels que les trois communautés n'ont accepté qu'avec réticence ? Enfin la reconstruction économique et la mise en place rapide d'un système libéral de marché sont-elles possibles et à quel prix, dans un pays où quatre années d'une guerre cruelle ont succédé à 50 années de communisme ?

Votre délégation rappellera ici que la France aura été, dès le début de la guerre et avec quelques autres nations européennes, sous l'égide de l'ONU, celle qui s'est impliquée avec le plus de détermination dans l'action militaire et humanitaire conduite auprès des populations civiles pour tenter de limiter, autant que cela était possible, les souffrances qui leur étaient infligées. C'est elle également qui, au printemps 1995, suggéra aux autres nations d'adopter une posture militaire plus conforme à l'état de guerre qui prévalait, préparant ainsi le terrain aux négociations de Dayton.

La communauté internationale met aujourd'hui en oeuvre un arsenal d'organisations au service de la Bosnie-Herzégovine : l'ONU en premier lieu, bien qu'étant elle-même très en retrait, a confié à l'OTAN le règlement de l'aspect militaire, tout en gérant directement sur place une force internationale de police.

Le Conseil de l'Europe est impliqué dans les procédures de respect des droits de l'homme, l'OSCE organise et supervise les élections, de même que la mise en oeuvre des mesures de confiance et des programmes de désarmement. L'Union européenne et la Banque Mondiale financent et coordonnent, avec d'autres, la reconstruction économique.

Aujourd'hui, il importe de savoir si cette sollicitude multiforme suffira à inciter des partenaires déchirés à construire ensemble, dans un environnement très fragile, un Etat stable pour des populations qui, elles, aspirent à la paix.

*

* *

L'intérêt des informations recueillies et des entretiens avec les principales personnalités internationales ou bosniennes, doit beaucoup au travail réalisé et à la qualité de l'accueil réservé à votre délégation par l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine. Vos rapporteurs remercient tout particulièrement Son Exc. M. Yves Gaudeul, ambassadeur de France, M. Guillaume Bazard, premier conseiller, M. le Colonel Mie, attaché de défense, M. Claude Raynal, stagiaire de l'Ecole Nationale d'Administration et M. Pierre Bouédoz responsable du Poste d'expansion économique.

I. L'INSTAURATION RÉUSSIE D'UNE PACIFICATION MILITAIRE

A. LES CLÉS D'UNE RÉUSSITE MILITAIRE

1. De la force de mise en oeuvre à la force de stabilisation

L'annexe IA des accords de Dayton avait prévu la mise en place d'une force multinationale de mise en oeuvre de la paix, créée ensuite par la Résolution 1 031 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Cette force, dénommée " Implementation Force " (IFOR) a été, conformément aux accords de Dayton, constituée par l'OTAN pour agir " sous l'autorité et sous la direction et le contrôle politique du Conseil de l'Atlantique Nord (...), via la chaîne de commandement de l'OTAN ".

La mission de l'IFOR, forte de 60 000 hommes, déployée le 20 décembre 1995 dans le cadre de l'opération " Joint Endeavour  " a d'abord consisté à imposer la cessation des hostilités et séparer les belligérants. Il lui a ainsi fallu : superviser le marquage de la ligne de cessez-le-feu, de la ligne interentités [1] et de la zone de séparation (celle-ci s'étendant sur une distance de 2 kilomètres de part et d'autre de la ligne de cessez-le-feu) ; contrôler le retrait des forces des belligérants de part et d'autre de la zone de séparation ; contrôler la restitution de certains territoires entre les factions, le regroupement des armes lourdes et des unités dans leurs cantonnements, la démobilisation d'autres unités.

Cette mise en oeuvre du volet militaire s'est effectuée dans de bonnes conditions. Cela étant, la communauté internationale a décidé, à Paris, le 14 novembre 1996, d'accompagner le renforcement de la paix par sa présence dans le cadre d'une période de stabilisation .

Le Conseil de l'Atlantique Nord, le 27 novembre 1996, a donc choisi l'option dissuasion-stabilisation avec soutien limité au volet civil d'une durée de 18 mois, et une appréciation de situation à 6 mois (juin 1997) et 12 mois (décembre 1997), qui préluderait à un allégement du dispositif.

Sous couvert d'un mandat de l'ONU, l'OTAN a donc décidé la création d'une force de stabilisation (SFOR) pour prendre, par l'opération " Joint Guard " le relais de l'IFOR à la fin de l'opération " Joint Endeavour ", le 20 décembre 1996.

Avec un effectif presque réduit de moitié par rapport à l'IFOR (35 000 hommes), la SFOR n'a plus en charge les missions antérieures requérant un effectif important et une capacité de déploiement sur toute la zone. Le volet civil l'emporte sur le volet militaire et la force peut concentrer son effectif réduit sur des zones sensibles pré-identifiées.

2. Les missions de la SFOR

La SFOR a des missions spécifiquement militaires et des tâches de soutien.

Ses missions militaires ont pour objet de dissuader toute reprise des combats, d'assurer la protection et la liberté de mouvement de la force, de contrôler et de faire respecter les aspects militaires de l'accord de paix. Il lui revient également de sécuriser l'environnement au profit des organisations civiles, internationales et nationales, d'être à même d'intervenir rapidement sur le théâtre en cas d'incident.

Ses tâches de soutien doivent lui permettre d'établir des liaisons permanentes avec le Haut Représentant, et coordonner les actions avec les organisations internationales (Bureau du Haut Représentant, UNHCR, IPTF [2] , OSCE ...). Etre enfin en mesure d'assurer, au cas par cas, pour le Haut Représentant et les organisations internationales, le maintien de la liberté de mouvement, la liaison avec l'IPTF et le soutien des élections municipales.

3. L'OTAN maître du jeu

La SFOR réunit 35 000 hommes , soit la contribution de 15 nations membres de l'OTAN et de 17 Etats non membres dont la Russie. Comme l'IFOR, la SFOR agit sur décision du Conseil de l'Atlantique Nord.

Le commandement d'ensemble de l'opération est confié au Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), le général Joulwan. Sur le théâtre, la conduite des opérations et le commandement de la composante terrestre de la force (COMSFOR) reviennent au général Crouch, commandant des forces terrestres en région Centre-Europe (COMLANDCENT), son adjoint étant le général français Mansuy.

La SFOR est divisée en trois commandements de forces terrestres, confiés respectivement aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France, selon les secteurs suivants :

- Secteur nord (Etats-Unis) autour de Tuzla

- Secteur sud-ouest (Grande-Bretagne) autour de Banja Luka

- Secteur sud-est (France, nation pilote mais état-major multinational) sur l'axe Sarajevo-Mostar et incluant Gorazde, avec trois groupements multinationaux (franco-allemand, italien et espagnol).

A bien des égards, pour l'OTAN, l'opération IFOR-SFOR constitue une première . Tout d'abord parce que pour la première fois se trouvent déployées des troupes et mis en oeuvre un état-major exclusivement OTAN pour mener, en zone européenne et dans le cadre des nouvelles missions [3] , une action militaire. En second lieu, parce que l'état-major de la SFOR (quelque 1 000 personnes dont 100 Français), préfigure les groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), décidés dans le cadre de la rénovation de l'Alliance, par le Conseil Atlantique de Berlin de juin 1996. En effet, le noyau de cet état-major multinational provient de Landcent, basé à Heidelberg, à dominante américaine et allemande (163 officiers allemands et 175 officiers américains) auxquels s'adjoignent cependant d'autres nations : sur 38 nations participant à la SFOR, 21 participent à l'état-major. Les Etats-Unis y ont en charge des éléments essentiels : la responsabilité du renseignement et des opérations ; la Grande Bretagne a pour mission la tâche essentielle de la liaison avec les factions ; la France est en charge du génie -notamment du déminage- du système d'information et de commandement et du bureau planification, études et prospectives.

4. La France dans la SFOR

C'est également la première fois que la France, à travers une centaine d'officiers et sous-officiers, se trouve ainsi insérée dans un état-major OTAN opérationnel. Cette expérience de multinationalité est d'ailleurs double pour nos forces puisque, au-delà de l'état-major de la SFOR, celui de la Division multinationale sud-est (DMNSE) est également un état-major multinational, à la différence de ceux des secteurs britanniques et américains. Cela étant, dans le cadre de la DMNSE où se trouvent les 2.500 soldats français déployés en Bosnie, le fait que la langue française soit la langue de travail facilite grandement l'aspect opérationnel. Cette expérience de la multinationalité au quotidien au niveau d'un état-major de division est riche d'enseignements pour nos forces.

A l'état-major de la SFOR, nos officiers et sous-officiers sont dans une situation " d'immersion absolue " dans l'univers OTAN. Comme le général Mansuy, adjoint au commandant en chef de la SFOR, l'a indiqué à votre délégation, l'exercice requiert de nos armées de former des individualités adaptables à cet environnement, alliant une parfaite maîtrise de l'anglais -chose rare- à une connaissance des procédures OTAN et à des compétences professionnelles sûres.

A la condition que la France constitue un vivier d'officiers répondant à ces besoins, nos forces pourront tenir leur rang dans les états-majors de l'OTAN. D'après les interlocuteurs rencontrés par votre délégation, l'insertion progressive de nos forces dans les structures militaires atlantiques, si la décision en était prise, leur permettrait de se préparer à occuper dans de telles structures des postes de responsabilités que ne manqueraient pas sinon de leur disputer nos alliés britanniques ou allemands. Enfin, l'expérience IFOR et SFOR pourra être utilisée dans le cadre des réflexions sur la constitution, par la France, d'un noyau de PC de GFIM.

5. L'Otan en Bosnie : la fin des opérations extérieures traditionnelles de l'ONU ?

Le succès reconnu des opérations IFOR-SFOR conduites sous la responsabilité de l'OTAN doit être analysé au bénéfice de deux observations liminaires. La première tient à la finalité de la mission, à savoir principalement la séparation des belligérants et le contrôle des limites territoriales concédées à chacun d'eux. En soi, cette tâche consistant à séparer et isoler chacune des communautés, à l'évidence refusant de partager le même destin, était plus aisée que ne l'est désormais celle incombant au volet civil, tendant à promouvoir une réconciliation progressive et une coopération au quotidien.

La seconde remarque entend que soit reconnus à la FORPRONU et à travers elle aux 260 soldats, dont 68 Français qui ont payé de leur vie la mission qui leur était confiée, les mérites qui lui reviennent. Dans la mise en oeuvre initiale du volet militaire décidé à Dayton, son action de préparation a été décisive. L'antériorité et l'expérience des contingents britannique et français par exemple ont permis de suppléer, ici et là, la lenteur du déploiement des premières unités américaines. Si l'IFOR s'est mise en place dans un climat militairement apaisé -où plus aucun coup de feu n'était tiré- c'est en grande partie à la FORPRONU qu'elle le doit.

Ceci posé, on reconnaîtra que la prise en charge par l'OTAN de l'opération de restauration de la paix a donné des résultats que les règles d'engagement posées par l'ONU ne permettaient pas.

Ces résultats tiennent à l'application des règles de comportement habituelles, adaptées spécifiquement à une opération de restauration de la paix, à savoir : un mandat clair et réaliste, fondé sur le chapitre VII de la charte des Nations unies, avec des règles d'engagement plus souples et donc la possibilité d'utiliser un équipement adapté de protection et de dissuasion, que le principe de la seule légitime défense interdisait.

Enfin, sur place, la règle de l'unicité du commandement, se substituant à celle de la double clé de décision, a permis d'assurer à la force sa crédibilité.

L'expérience a également permis à la France de faire valoir auprès de l'OTAN des conceptions qu'elle défendait depuis longtemps : renouveau du rôle du comité militaire et de l'état-major international par rapport au SACEUR ; mise en place, à Sarajevo, d'un COMFRANCE -fort de quelque 70 hommes-, chargé de constituer " l'interface " entre les forces françaises déployées et le commandement de la SFOR, et dont la mission, à l'instar d'ailleurs d'autres forces nationales intégrées à la Force, est de faire valoir les intérêts de nos forces dans l'utilisation que l'état-major de la SFOR peut être amené à faire d'elles.

C'est dire à quel point les enseignements et les résultats, globalement positifs, de l'IFOR et de la SFOR peuvent influer sur la mise en oeuvre d'une nouvelle doctrine pour les opérations de restauration ou d'imposition de la paix. Les procédures traditionnelles des opérations ONU : contingents hétéroclites, mandats de compromis, équipement limité, règles d'engagement irréalistes, n'auront sans doute plus cours dans de telles opérations.

B. LES POINTS FAIBLES DU DISPOSITIF : LA FORCE INTERNATIONALE DE POLICE ET LES AMBIGUÏTÉS DU DÉSARMEMENT-RÉARMEMENT

1. Le groupe international de police : une mission limitée, des moyens insuffisants

· Une mission limitée

L'accord de Dayton, en son annexe 11, comporte un dispositif sur la force de police internationale.

Ce groupe international de police, qui dépend du Secrétaire général de l'ONU, remplit 4 missions principales :

- contrôler le travail de la police pour s'assurer qu'elle exécute ses missions conformément aux règles internationales sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier la liberté de mouvement, le respect et la protection de la personne humaine et de la propriété privée ;

- s'assurer que les instances de la justice pénale observent ces mêmes règles ;

- participer à la restructuration des différentes forces de police et assurer leur formation ;

- faciliter le déroulement d'élections démocratiques.

Le mandat initial du GIP a été renouvelé le 21 décembre 1996. Si la mission de contrôle de la police reste l'activité première, l'accent est mis sur le développement d'une police démocratique . Ainsi, le GIP est-il conduit :

- à diligenter des enquêtes sur les violations des droits de l'homme commises par les policiers ;

- à sélectionner les policiers reconnus aptes à demeurer dans leur force de police :

- à restructurer les polices bosniaque et bosno-croate pour en faire un corps unifié, au niveau fédération comme à celui de chaque canton, ainsi que de la police bosno-serbe ;

- à former les policiers.

Cet objectif de développement de la police locale concerne 1.000 policiers fédéraux et les dix polices cantonales (10.500 policiers). Pour les 7.000 policiers de Republika Srpska, la situation a été longtemps bloquée du fait du refus des autorités serbes de coopérer en matière de sélection, de restructuration et de formation de leur police.

Pour 1997, le GIP aura comme principaux objectifs de veiller aux cas de violations des droits de l'homme, de permettre le retour en sécurité des réfugiés et personnes déplacées et le bon déroulement des élections municipales. Surtout la Force de police devra veiller à assurer la liberté de mouvement dans toute la Bosnie-Herzégovine à travers l'IEBL. A cette fin et pour réduire les "checkpoints" qui sont autant de moyens de discrimination interéthnique, toute installation de poste de contrôle (délinquance et police de la route) par la police locale devra être agréé par le GIP.

· Des moyens insuffisants

Sur un effectif théorique initial de 2134 personnes, l'effectif réel maximum n'a jamais dépassé les 1855, dont cent vingt gendarmes français-, la moitié de cet effectif total provenant de pays en voie de développement... Au total, 35 pays participent au GIP, le contingent le plus important (188) provenant des Etats-Unis.

Ces policiers ne sont pas armés, leurs communications ne sont pas codées et leur extrême dispersion sur le territoire -conforme à leurs missions- les rend particulièrement vulnérables. Les incidents auxquels ils sont confrontés les contraignent donc à recourir à la SFOR, ce que cette dernière fait avec réticence, ne s'estimant ni équipée ni entraînée pour effectuer des missions de police. De même, le GIP a-t-il fait savoir que la mission d'arrestation des criminels de guerre -sauf à créer une police spéciale- ne correspondait pas à ses missions, de même que la mission de maintien de l'ordre. Cette dernière est revendiquée par les Etats parties comme part de leur souveraineté et ne saurait en tout état de cause être assurée avec les effectifs disponibles.

Le contingent de 120 gendarmes français, dont 4 officiers est uniquement déployé dans les régions de Sarajevo et de Mostar, c'est-à-dire dans la zone de compétence de la DMNSE sous commandement français. C'est la raison pour laquelle la France n'enverra pas d'effectifs supplémentaires à Brcko dans le cadre de l'envoi de policiers, décidé après l'arbitrage de février 1997.

2. Désarmement-réarmement : un périlleux équilibre

· La maîtrise des armements en Bosnie-Herzégovine

L'accord de Dayton, dans son annexe 1 B, prévoit un "accord sur la stabilisation de la région", aux termes duquel l'OSCE devait superviser plusieurs négociations destinées à développer la confiance et la transparence dans le domaine politico-militaire ainsi que d'établir des niveaux de forces les plus bas possibles de façon compatibles avec les besoins de sécurité des Parties.

Un premier "round" de négociations, conclues le 26 janvier 1996 à Vienne a permis d'établir une quinzaine de mesures et de confiance et de sécurité en Bosnie-Herzégovine : échange régulier de données militaires, notifications de changements dans les structures de commandement ou les dotations d'équipement, information sur les activités militaires inhabituelles..., retrait des forces et des équipements dans les cantonnements, demantèlement de forces irrégulières, etc... Surtout a été mis en place un régime multilatéral d'inspections et instituée une Commission consultative conjointe chargée du suivi de l'application de l'accord.

Une seconde négociation a abouti, le 14 juin 1996 à Florence, à un accord sur la maîtrise des armements en ex-Yougoslavie.

Ce texte, très proche des dispositions du Traité sur les Forces armées conventionnelles en Europe (FCE) impose à la RFY, à la Croatie, à la Bosnie et à ses deux entités des plafonds quantitatifs pour 5 types d'armement : chars, véhicules blindés de combat, pièces d'artillerie supérieures à 75 mm, avions de combat et hélicoptères d'attaque. Ces ratios ont été définis, pour les 3 pays parties -RFY, Croatie, Bosnie sur la base de 5 (RFY), 2 (Croatie) et 2 (Bosnie-Herzégovine). Enfin, pour cette dernière, le ratio pour chaque entité et de 2 (Fédération) et de 1 (Republika Srpska).

Le tableau suivant récapitule les dotations autorisées :


Chars

Véhicules blindés de combat Artillerie

• 75 mm

Avions de combat Hélicoptères

d'attaque

RFY 1025 850 3750 155 53
Croatie 410 340 1500 62 21
Bosnie dont 410 340 1500 62 21
Fédération 273 227 1000 41 14
R. Srpska 137 113 500 21 7

Ces plafonds devront être atteints après une période dite de réduction (destruction ou exportation des équipements excédentaires) de 16 mois à compter du ler juillet 1996, soit au 30 novembre 1997.

Le Programme " Equip and train "

Les Etats-Unis, soucieux de rééquilibrer les forces militaires en présence et d'aider l'armée de la Fédération [4] à porter certains de ses équipements au niveau des plafonds, ont décidé unilatéralement la mise en oeuvre d'un programme "équipement et entraînement" (equip and train).

Le budget total du programme s'élève à 400 millions de dollars et plusieurs pays arabes contribuent également au réarmement de la Fédération. C'est ainsi que l'Egypte fournit des pièces d'artillerie et les Emirats Arabes Unis des chars et des véhicules blindés -de fabrication française...

Durant le séjour de votre délégation fut annoncée la livraison, par les Etats-Unis à la Fédération de 116 obusiers de 155 mm, l'une des plus puissantes pièces d'artillerie existantes, d'une portée de 20 km. Depuis le lancement du programme, la Fédération a pu également recevoir outre de l'armement léger et des obusiers de 130 mm M-59 (12) et 122 mm D-30 (12), 45 chars M-60, quelque 840 missiles antichars et une vingtaine de canons antiaériens.

Ce programme "équipement" se double d'un programme "entraînement", auquel participent quelque 160 instructeurs américains à travers la firme américaine MPRI (Military Personnel Resource Incorporated). Trois centres de formation ont été créés sur le territoire de la Fédération où est dispensé un enseignement à la manoeuvre "défensive" de contre-attaque, qui pourrait cependant sans difficulté se transposer en manoeuvre offensive.

Le rééquilibrage des forces en présence est en soi une préoccupation légitime puisque c'est l'extrême différence de potentiel militaire qui permit aux forces serbes d'obtenir les résultats que l'on sait pendant la guerre. D'une certaine façon également, ce programme américain est la mise en oeuvre de la ligne diplomatique prônée par les Etats-Unis depuis le début de la guerre, tendant à l'époque à lever, au profit des musulmans de Bosnie, l'embargo sur les armements décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies. De même, peut-on mettre en avant l'effet fédérateur, attendu par ce programme, entre les forces militaires croates (HVO) et musulmanes (Arbih) censées se fondre, à terme, en une seule armée de la fédération.

Il reste que ce programme qui permet, à quantité d'armement égale, un saut qualitatif substantiel à l'une des parties, est lourd de danger. Il est de nature, en novembre 1997, soit à l'issue du programme de réduction, à faire naître de part et d'autre un sentiment de déséquilibre des forces risquant d'inciter les unes ou les autres, singulièrement après le départ de la SFOR en juin 1998, à une éventuelle reprise des combats.

*

* *

II. LES DIFFICULTÉS ET LES RISQUES LIÉS À LA CONSTRUCTION DU NOUVEL ÉTAT

L'accord de paix conclu à Dayton le 21 novembre 1995 et signé à Paris le 14 décembre suivant consacre l'existence de la Bosnie-Herzégovine comme Etat unique, lui confère une existence institutionnelle et règle les questions territoriales qui furent à l'origine de la guerre.

Outre les aspects militaires de l'accord, déjà évoqués, il octroie à la Bosnie-Herzégovine les moyens d'une progression vers la démocratie par l'organisation d'élections et le respect des droits de l'homme, engage les parties à l'arrestation et au jugement des criminels de guerre, à promouvoir la liberté de mouvement et à assurer le retour des réfugiés. Il sert enfin de cadre à une indispensable reconstruction économique.

Un Comité directeur du Conseil pour la réalisation de la paix 5 donne à un Haut Représentant , qui le préside, " les orientations politiques concernant la réalisation de la paix ". Il lui revient de coordonner les aspects civils du plan de paix, de coopérer avec la Force multinationale, notamment par l'échange d'informations, enfin de veiller à ce que les parties se conforment à tous les aspects civils du plan de paix. Ce Haut Représentant n'est en aucune manière habilité à intervenir dans les questions militaires. Il n'a " aucune autorité sur l'IFOR et ne s'ingère pas, d'une quelconque manière, dans la conduite des opérations militaires ou dans la chaîne de commandement de l'IFOR " [6] .

Vos rapporteurs rappelleront tout d'abord le contenu institutionnel de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Ils décriront ensuite les difficultés que rencontre la mise en oeuvre de ces institutions et l'importance des problèmes encore en suspens -retour des réfugiés, recherche des criminels de guerre-, qui aujourd'hui font de la Bosnie-Herzégovine une construction politique bien fragile.

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL EN TROMPE-L'OEIL

1. En Bosnie-Herzégovine, une collégialité difficile à mettre en oeuvre

La structure institutionnelle mise en place par les accords de Dayton reflète, par sa complexité, la difficulté à faire coopérer des communautés déchirées, pour construire un Etat mal accepté par chacune d'entre elles.

L'Etat de Bosnie-Herzégovine, dont la capitale est Sarajevo, est formé de deux entités : la Republika Srpska (dont la capitale est Palé) et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, croato-musulmane, dont la capitale est -également- Sarajevo.

- le pouvoir exécutif est assuré d'une part par une présidence collégiale tournante de trois membres : un Bosniaque -M. Itzebegovic- un Croate -M. Zubak- et un Serbe -M. Krajisnik, d'autre part par un Conseil des ministres chargé de mettre en oeuvre les politiques et décisions de la Bosnie-Herzégovine dans les domaines de sa compétence.

Le président du Conseil est nommé par la Présidence [7] . Il nomme à son tour un ministre des affaires étrangères, un ministre du commerce extérieur et les autres ministres " autant que de besoin ". Il nomme également des vice-ministres " qui ne doivent pas appartenir au même peuple que le ministre ".

- le pouvoir législatif est bicaméral. Il est exercé par une chambre des représentants de 42 membres élus au suffrage universel par chaque entité, à raison de deux tiers -28- par la Fédération croato-bosniaque et un tiers -14- par la Republika Sprska.

La deuxième chambre -la chambre des peuples - comprend 15 membres nommés par les assemblées de chaque entité -deux tiers par la fédération (5 Bosniaques, 5 Croates), un tiers par la Republika Sprska (5 Serbes).

Les institutions centrales -législatives et exécutives- sont compétentes pour les affaires étrangères, le commerce international et les douanes, la politique monétaire, les communications, le financement des opérations publiques et la législation concernant l'immigration et le droit d'asile. Tout ce qui n'est pas explicitement dévolu à l'Etat central relève des compétences des entités ce qui confère à chacune d'elles des responsabilités considérables (justice, défense, finances, intérieur etc.). La Bosnie-Herzégovine enfin, dépend entièrement, sur le plan financier, des contributions de chacune des deux entités. Les recettes de son budget proviennent, à raison des deux tiers, de la Fédération et, à raison d'un tiers, de la Republika Sprska.

Force est de constater que ces institutions à vocation intégratrice, fonctionnent mal. Leur mise en place a été laborieuse , pour des raisons tenant d'abord à la localisation par rotation des administrations, en fait à la réticence évidente de chacun à faire vivre un Etat auquel il ne croit pas. Le refus réitéré des représentants serbes de venir siéger en nombre suffisant à Sarajevo, a longtemps bloqué le processus législatif auquel étaient pourtant suspendues mesures économiques fondamentales pour la reconstruction -Banque centrale, monnaie unique, législation douanière, dette extérieure, accord sur les prêts consentis par certains organismes internationaux, etc.

2. Un système contrôlé de protection des droits de l'homme

La Constitution de Bosnie-Herzégovine intègre la protection des droits de l'homme tels que définis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles.

Une Commission des droits de l'homme est chargée de protéger les droits garantis par la Constitution. Elle est composée d'une Chambre des droits de l'homme et d'un médiateur nommé par l'OSCE, compétent pour enquêter sur les violations des droits de l'homme, publier les résultats des enquêtes et engager des poursuites devant la Chambre des droits de l'homme. Celle-ci, composée de 14 membres [8] , saisie par le médiateur ou par toute partie ou personne ou tout groupe d'individus, peut, le cas échéant, contraindre les parties à cesser toute action qu'elle juge contraire aux engagements pris en matière de droits de l'homme.

La Constitution prévoit également une Cour constitutionnelle composée de 9 membres, 4 étant choisis par la Chambre des représentants de la Fédération, 2 par l'Assemblée de la Republika Sprska. Les trois derniers sont désignés par le Président de la Cour européenne des droits de l'homme [9] .

Cette Cour a pour compétence de régler tout différend constitutionnel entre les entités ou entre des institutions de la Bosnie-Herzégovine. De même est-elle appelée à statuer sur la question, posée par un tribunal, de la conformité d'une loi à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme.

3. Les structures institutionnelles de chaque entité

Elles opposent une conception décentralisée pour la Fédération croato-bosniaque à une approche plus centralisée pour la Republika Sprska.

La Fédération de Bosnie-Herzégovine comprend deux chambres :

- une chambre des représentants (140 membres élus au suffrage universel) et une chambre des peuples (60 élus auxquels s'ajoutent 60 membres nommés par les 10 assemblées cantonales à raison de 30 Bosniaques et 30 Croates).

Sur le plan local, les 10 cantons disposent chacun d'une assemblée élue au suffrage universel. Enfin, chacune des 40 opstinas -l'équivalent de nos communes- élit une assemblée municipale.

Le président et le vice-président de la Fédération sont élus par le Parlement de la Fédération (réunion des deux chambres). Il s'agit respectivement d'un Croate (M. Soljic) et d'un Bosniaque (M. Ganic). Enfin, un premier ministre bosniaque et un vice-premier ministre croate, complètent l'organisation du pouvoir exécutif de la Fédération qui comprend 11 ministères.

La Republika Sprska a choisi un système monocaméral, conforme à l'homogénéité de sa population, avec une assemblée nationale de 140 membres élus au suffrage universel pour deux ans au scrutin proportionnel.

Le pouvoir exécutif est exercé par le président de la Republika Srpska, élu au suffrage universel (Madame Plavsic). Le gouvernement -20 ministères- est dirigé par M. Klickovic, Premier ministre, assisté de trois vice-premiers ministres.

La totalité des premiers mandats électifs de Bosnie-Herzégovine comme des entités a été fixée à deux ans pour permettre de nouvelles élections générales en septembre 1998.

4. Un fonctionnement laborieux dû à des arrière-pensées inconciliables

Le dysfonctionnement institutionnel est en partie la conséquence des résultats des consultations électorales du 14 septembre 1996. Elles ont porté aux responsabilités, dans chacune des deux entités et au sein de chacune des trois communautés, des représentants des partis nationalistes qui avaient conduit la guerre, a priori réticents à faire fonctionner des instances communes.

En effet, le 14 septembre 1996 ont eu lieu, conformément au Traité, les élections destinées à faire vivre les institutions nouvelles (six consultations ont donc été organisées : les élections à la Chambre des Représentants de Bosnie-Herzégovine, à la Présidence, collégiale, de Bosnie-Herzégovine, à la Chambre des Représentants de la Fédération, à l'Assemblée Nationale de la Republika Srpska, à la présidence de la Republika Srpska [10] , enfin les élections aux assemblées cantonales.

Les élections aux municipalités (opstinas) ont en revanche été successivement reportées et devraient finalement se tenir en septembre 1997. Les causes de ce report sont multiples : nécessité d'éditer une nouvelle carte électorale dans la mesure où l'IEBL traverse plusieurs opstinas, incertitude sur les règles relatives au lieu du vote : celui-ci devrait-il être le lieu souhaité de résidence manifesté par l'électeur ou celui d'une résidence effective ? Par crainte des uns et des autres de voir venir voter des électeurs minoritaires continuant cependant à résider dans l'autre entité, c'est cette dernière formule qui a été retenue. L'OSCE, chargée d'organiser ces élections municipales, est par ailleurs confrontée à un grave problème financier. Le coût de l'organisation de cette consultation des 13 et 14 septembre 1997 est évalué à 25 ou 30 millions de dollars, à base de financements volontaires, et donc aléatoires, des Etats donateurs.

Cela étant, les organes politiques majeurs exécutifs et législatifs ont été pourvus le 14 septembre 1996. Les électeurs ont majoritairement désigné les membres des "partis de la guerre" : le Parti de la communauté démocratique croate (HDZ), le Parti d'action démocratique (SDA, musulman), enfin le Parti démocrate serbe (SDS). Or, ceux-ci portent sur l'accord de Dayton et les perspectives d'une Bosnie-Herzégovine souveraine des appréciations difficilement conciliables.

Les musulmans du SDA ont le sentiment d'avoir, par les accords de Dayton, été privés d'une victoire militaire possible et d'avoir dû faire d'excessives concessions territoriales aux Serbes. Ils entendent légitimement que la totalité des dispositions de l'accord soient appliquées, en particulier celles relatives au retour des réfugiés, ainsi qu'à l'arrestation et au jugement des criminels de guerre. A défaut, ils n'imaginent pas se lancer dans une coopération intercommunautaire, aujourd'hui inexistante, avec la partie serbe.

Les clauses du traité appelant à un partage du pouvoir ne sont pas appliquées avec conviction et, d'une manière générale, le privilège moral, que les musulmans estiment avoir acquis au cours des années d'épreuve, les conduit à tenter de faire prévaloir leur propre conception du pays et de son organisation. Cette attitude de " domination " au sein des instances centrales, en contradiction avec le principe central d'un pouvoir partagé, a été l'un des risques dénoncés par le Haut représentant comme autant d'accrocs à l'accord de Dayton. " Nous devons empêcher un groupe, singulièrement les Bosniaques, de monopoliser les pouvoirs et les institutions ou de ne pas partager les pouvoirs dans les conditions prévues par l'accord de paix " 11.

Une large partie des Bosno-croates du HDZ pour sa part , reste attachée à l'indépendance, autoproclamée en 1991, de la "république croate d'Herzeg-Bosna" aujourd'hui illégale. Au sein de la Fédération, nombreux sont ceux qui souhaitent voir revenir en Herzégovine occidentale -majoritairement croate- les populations croates demeurées en Bosnie centrale -majoritairement musulmane-. Enfin la collaboration institutionnelle entre Bosniaques et Croates au sein de la Fédération, se heurte à l'opposition de deux conceptions : celle des deux peuples constitutifs égaux -vision croate- et celle qui met en avant le rapport de forces démographique -vision bosniaque. La pérennisation de la division de Mostar constitue également un douloureux abcès de fixation.

Quant aux Bosno-serbes du SDS , ils ont surtout retenu de Dayton la création d'une " République serbe ", totalement homogène sur le plan de la population et sur le territoire de laquelle les responsables s'opposent au retour des réfugiés. Dans la même logique, la Republika Sprska s'efforce de minimiser la coopération avec la Fédération tout en renforçant ses liens avec la république de Serbie-Montenegro, par la signature, notamment, d'un accord de coopération économique.

B. LA DANGEREUSE FRAGILITÉ DE DAYTON

1. Les signes d'une partition rampante

Les accords de Dayton ont officialisé une ligne de démarcation entre les deux entités sur la base, peu ou prou, de la ligne de front de novembre 1995, accordant 51 % du territoire à la Fédération et 49 % à la Republika Srpska. Cette ligne de partage a partiellement entériné les conquêtes militaires et les transferts de population qu'elles avaient entraînées et ce, d'une façon générale, au détriment principal des musulmans bosniaques " Tout l'Est (vallée de la Drina), qui était hier majoritairement bosniaque, ainsi que tout le Nord (vallée de la Save) qui était ici bosniaque, là croate, sont aujourd'hui aux mains des Serbes. Les Croates dominent l'Ouest (...) où vivaient surtout les Serbes (...) Au total, 22 communes (sur 101) ont changé de mains " [12] . Tout l'effort de la communauté internationale, sur le plan civil comme sur le plan militaire avec la SFOR consiste à empêcher que l'IEBL ne devienne une frontière de fait et à assurer la liberté de déplacement. Chaque entité n'est autorisée à ne poster qu'un nombre limité de " check-points " sur les routes reliant les entités entre elles. Dans les faits, ces déplacements interentités sont quasiment inexistants et pour le moment, cette ligne de démarcation est, de facto, une frontière. Les retours de réfugiés dans les zones où ils sont minoritaires sont toujours difficiles, et quasiment impossibles en Republika Srpska.

Enfin, les réticences à l'interconnexion des réseaux téléphoniques, l'inexistence de plaques d'immatriculation communes -chaque entité a la sienne ce qui interdit de fait les franchissements de l'IEBL- sont autant de signes du refus des autorités de préparer et d'appliquer une véritable liberté de mouvements.

Chaque entité reste de surcroît jalouse des attributs de sa souveraineté que sont une monnaie, une armée, ou une police spécifique. Enfin Bosno-croates, d'une part, et Bosno-serbes, d'autre part, entretiennent respectivement avec la Croatie et la RFY des rapports privilégiés comme le leur autorise au demeurant la Constitution de Bosnie-Herzégovine qui prévoit en son article III-2 que " Les entités ont le droit d'établir des relations bilatérales spéciales avec les Etats voisins, dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine ".

Des liens de toute nature s'établissent peu à peu entre la Croatie et le territoire de Herceg-Bosna, d'une part, et la République Fédérale Yougoslave et la Republika Srpska, d'autre part. Ainsi la Croatie et la RFY s'efforcent-elles d'étendre, respectivement dans les zones d'Herzégovine et de Republika Srpska leurs réseaux téléphoniques, leur système postal, leur régime douanier ou leurs structures de police, le tout sans le consentement des autorités politiques et institutionnelles de Bosnie-Herzégovine. Ces dérives ne pourraient être durablement tolérées par la communauté internationale, sauf à mettre à bas l'équilibre de l'accord de Dayton.

La tentation de la partition, la Croatie et la RFY reprenant respectivement les territoires peuplés par les leurs, est dans bien des esprits. Cette partition laisserait une communauté musulmane en dehors de tout cadre institutionnel et international protecteur et sans doute prête à porter son désarroi sur le terrain militaire.

2. La difficile mise en oeuvre de dispositions essentielles de l'accord

· Les réfugiés et personnes déplacées

Au plus fort de la guerre, 2,4 millions de personnes, soit environ un habitant sur deux de l'ancienne Bosnie-Herzégovine, ont été réfugiées ou déplacées.

En 1996, 250.000 réfugiés et personnes déplacées ont regagné leur région d'origine. Quelque 200.000 sont attendues pour 1997, majoritairement en provenance d'Allemagne, qui souhaite voir s'accélérer leur départ vers la Bosnie.

L'accord de Dayton, en son annexe 7, fait du retour des réfugiés une question centrale. A la Conférence de Paris du 14 novembre 1996, le Bureau directeur ministériel [13] est convenu avec la Présidence de Bosnie-Herzégovine de principes directeurs sur les aspects civils du plan de consolidation parmi lesquels figure l'objectif prioritaire tendant à "faciliter le retour ou la réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées, par des programmes progressifs et coordonnés qui répondent aux besoins locaux en matière de sécurité, de logement et d'emploi".

Cette question des réfugiés est l'un des points d'achoppement du volet civil : en Republika Srpska, les autorités -de la République ou des opstinas [14] s'opposent à tout retour de réfugiés non serbes dans la zone qu'ils administrent, dans la mesure où eux-mêmes, font-ils valoir, ne revendiquent aucun droit au retour pour leurs nationaux. A l'opposé, les autorités musulmanes considèrent les dispositions de Dayton sur les réfugiés et sur les criminels de guerre comme le principal intérêt de cet accord, estimant que leur non-respect entraînerait sa remise en cause globale.

Le retour des réfugiés -indépendamment de l'attitude des communautés majoritaires- se heurte à de nombreux obstacles. La situation économique, en premier lieu, qui, derrière une croissance assez vive, liée à l'aide internationale, laisse subsister un fort taux de chômage à plus de 50 % en Fédération et 60 % en Republika Srpska.

Dans un tel climat, le retour des réfugiés pose problème : pour les réfugiés eux-mêmes, mais aussi pour les habitants en place, qui souvent, même s'il appartiennent à la même communauté, voient revenir sans enthousiasme ceux qu'ils considèrent parfois comme des "déserteurs".

Il s'y ajoute, en second lieu, des difficultés juridiques, puisque pendant la guerre a été adoptée une législation spécifique, qui devrait être prochainement modifiée, sur les biens immobiliers abandonnés. Enfin, de nombreuses habitations et terrains ont été minés -il y aurait en Bosnie entre 1 et 3 millions de mines. Le déminage constitue l'une des actions principales à conduire dans le cadre d'une vision "intégrée" du retour des réfugiés.

Cette conception consiste, dans le cadre d'un projet de réinstallation sur un site, à prévoir plusieurs actions coordonnées : reconstruction de logements, assistance financière, déminage. Dans ce cadre, 22 municipalités ont été désignées comme prioritaires (3 en Republika Srpska, 19 en Fédération).

Une autre approche, qui n'a hélas pas rencontré beaucoup de succès jusqu'à présent prévoit un retour en zone de séparation (espace de 2 km de part et d'autre de l'IEBL).

Les projets pilotes de retours planifiés de 600 familles dans des villes de la fédération -Travisik, Jajce, Stolac, Bugojno- n'ont connu quelque réussite que dans les deux premières villes, les retours dans les deux dernières ayant dû être gelés après de graves incidents entre civils. Un système voisin des projets pilotes, le projet "villes ouvertes", consiste à accorder une aide financière aux municipalités qui acceptent sans discrimination le retour de leurs anciens habitants.

· Les criminels de guerre

Deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies [15] ont créé un Tribunal pénal international chargé de juger les personnes responsables des violations graves du droit humanitaire international à partir du ler janvier 1991.

Si ce tribunal ne dispose d'aucune force qui lui permette de faire respecter ses décisions, il peut dénoncer devant le conseil de sécurité de l'ONU tout Etat qui refuserait de coopérer, à charge pour le seul conseil de sécurité de prendre les sanctions éventuelles.

Ne pratiquant pas le jugement par contumace, il émet un mandat d'arrêt international entraînant soit l'arrestation de l'accusé, soit son confinement dans le pays ou l'entité qui refuse de le livrer. Siégeant à La Haye, le Tribunal pénal international a un effectif de 337 personnes dont 11 juges. Son budget , de 40 millions de dollars en 1996, pourrait atteindre 60 millions en 1997.

A ce jour, sur 74 inculpés, 44 sont formellement localisés (32 en Republika Srpska, 8 en Fédération, 2 en Croatie et 2 en Serbie). Sept d'entre eux sont accusés et détenus (4 croates et 3 bosniaques). Un seul -serbe- a été condamné.

Ce bilan, bien insuffisant au regard des traumatismes engendrés, en Bosnie et au-delà, par les atrocités commises pendant 42 mois de guerre, est pour l'heure l'un des principaux échecs de Dayton. Deux raisons principales peuvent l'expliquer : le refus des pays ou entités concernés de livrer les responsables installés sur leur sol ; le refus également, de l'IFOR puis de la SFOR, ainsi que celui du groupe international de police de procéder à l'arrestation des criminels localisés, estimant qu'une telle action n'entre pas dans leur mission [16] , laquelle sur ce point reste ambiguë. Il n'est pas exclu cependant qu'une pression constante de la communauté internationale, assortie de sanctions dans l'aide financière, conduise finalement à fragiliser ceux qui protègent les personnes recherchées. Quoi qu'il en soit, toute ébauche de réconciliation intercommunautaire ne pourra se développer sans la solution de cette question.

· Le sort incertain de la ville de Brcko

La ville de Brcko occupe, dans le cadre du découpage agréé à Dayton, une position stratégique. Pour les Serbes, elle relie les deux parties de la Republika Srpska ; pour les musulmans de Bosnie, elle donne accès à la Save et au Bassin du Danube.

En 1991, la ville était majoritairement peuplée de musulmans (44 %) et comprenait également des Croates (25 %), des Serbes (21 %) et 10 % relevant d'autres groupes ethniques. Conquise dès 1992 par les Serbes, ces derniers y ont procédé à un nettoyage ethnique faisant aujourd'hui d'eux les seuls, ou presque, occupants de la ville.

Lors des négociations de Dayton, la question de Brcko a été un grave abcès de fixation. Il a donc été décidé de surseoir à son règlement en prévoyant la mise en place ultérieure d'une commission d'arbitrage. Celle-ci a été mise en place, composée de deux représentants de la Fédération croato-musulmane et d'un représentant de la Republika Srpska, qui se sont vu désigner un troisième arbitre par la Cour internationale de Justice [17] . La Commission a rendu sa décision d'arbitrage le 14 février 1997 qui prévoit de :

- ne pas modifier l'IEBL,

- laisser Brcko en territoire de la Republika Srpska mais de confier la ville, jusqu'au 15 mars 1998 à un superviseur américain [18] dépendant du Haut Représentant et dont les directives prévaudront sur la loi serbe,

- créer un comité de conseillers représentant les instances internationales (OSCE, UNHCR, FMI),

- réhabiliter des installations portuaires sur la Save,

- subordonner le statut définitif de Brcko à l'application loyale des accords de Dayton par les factions, faute de quoi Brcko deviendrait un district spécial de la Bosnie où ne seraient applicables que les lois de Bosnie-Herzégovine et les directives du superviseur.

Cette solution d'attente a recueilli avec plus ou moins d'enthousiasme l'approbation des principaux protagonistes. Les pays du groupe de contact en tout cas la soutiennent, sachant qu'en mars 1998 -après les élections municipales-, une nouvelle phase, encore incertaine, s'ouvrira.

*

* *

III. LA VOIE ÉCONOMIQUE : LA RÉCONCILIATION PAR LA RECONSTRUCTION ?

A. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE AU CHEVET D'UN PAYS RUINÉ ET SOCIALEMENT TRAUMATISÉ

1. Une aide nécessaire

Après 42 mois de guerre, la population de Bosnie-Herzégovine, qui s'élevait à 4,5 millions d'habitants avant 1991, avait perdu 200 000 tués, 2,4 millions furent réfugiées ou déplacées, soit plus d'un habitant sur deux. Parmi ceux qui ont choisi l'exil, figuraient de nombreux cadres de l'ancienne élite yougoslave. Sur le plan économique, le PNB par habitant est passé, de 1989 à 1995, de 1 700 dollars à 300-400 dollars. La production industrielle ne correspond plus qu'à 10-15 % du niveau de 1989. 75 % de la capacité de production électrique a été détruite ou endommagée, le chômage affecte aujourd'hui encore plus de 50 % de la population active.

Les dévastations de cette guerre ont conduit la communauté internationale à placer la reconstruction économique, puis à terme, l'instauration en Bosnie-Herzégovine d'une économie de marché libre et ouverte parmi les priorités des aspects civils des accords de paix.

Pour concrétiser cette volonté, deux conférences des donateurs -qui réunissent 47 pays et 11 organisations- se sont réunies en décembre 1995 puis en avril 1996. Sur un besoin global de financement évalué à 5,1 milliards de dollars sur cinq ans, 1,9 milliard de dollars ont été réunis en 1996, dont 780 millions de dollars sur contributions européennes.

Ce financement a permis la mise en oeuvre de la première phase de reconstruction d'urgence. Les infrastructures élémentaires ont ainsi été rétablies -fourniture d'énergie, transports, communications, rétablissement de l'eau courante dans de nombreuses villes, reconstruction d'habitations-.

Cette aide -conditionnée au respect, par les entités comme par les autorités centrales des obligations souscrites dans le cadre du plan de paix- a essentiellement été dirigée vers la Fédération (98 %), la Republika Srpska, victime de son intransigeance sur certains points du plan de paix -retour des réfugiés notamment-, n'ayant presque rien reçu. Ainsi, sur le territoire de la Fédération, le salaire moyen a été multiplié par quatre, atteignant 160 DM pour la partie bosniaque et 330 DM pour la partie croate ; il plafonne à 70 DM en Republika Srpska.

Toutefois, cette reconstruction d'urgence n'est pas sans rencontrer de nombreux obstacles : les fraudes, la maintenance défectueuse d'infrastructures réhabilitées ou encore une gestion qui ne prend pas en compte un coût rationnel pour l'usager, qui permettrait de dégager des capacités d'investissements pour l'avenir. Surtout les rivalités multiples entre les deux entités, voire entre les sociétés gestionnaires relevant de chacune des trois communautés, empêchent une gestion centralisée : certains réseaux -transports ou électricité- sont encore subdivisés en trois sous-systèmes indépendants, et les sociétés d'exploitation de l'électricité ne coopèrent pas entre-elles. Enfin, chaque entité se refuse à interconnecter ses réseaux de télécommunications.

Pour autant, les progrès accomplis au cours de cette première année ont permis d'envisager une nouvelle étape : les financements internationaux, sauf à être investis à fonds perdus, doivent désormais s'appuyer sur une économie modernisée fondée sur une législation nationale qui aurait jeté les bases d'une économie libérale de marché.

Cette nouvelle étape proposée aux autorités de Bosnie-Herzégovine elles-mêmes et aux donateurs par M. Bildt, présuppose que soient rapidement mises en oeuvre un certain nombre de réformes de structures. Le Haut représentant a ainsi soumis aux autorités gouvernementales et législatives du pays un ensemble de mesures, liées entre elles, dénommées " Quick Start Package " comprenant des dispositions relatives aux droits de douane, au commerce extérieur et aux statuts de la Banque Centrale. Sur le plan monétaire par exemple, trois monnaies sont en circulation, le tuna croate, le dinar bosniaque et le dinar yougoslave. Cette pluralité aboutit de fait à faire du DM la devise exclusive de transaction. Le gouverneur de la Banque centrale de Bosnie-Herzégovine, nommé par le FMI [19] , a donc entre autres missions celle, prioritaire, de préparer l'avènement d'une monnaie unique. Celle-ci, dénommée le marka, échangeable au taux de 1 pour 1 avec le DM, serait d'abord émise comme monnaie de compte obligatoire pour les transactions opérées par l'Etat et les organismes publics. La mise en circulation de billets uniformes se heurtant à de nombreuses réticences, elle serait précédée par la diffusion de coupons échangeables. Il reviendrait à la Banque centrale d'émettre cette monnaie contre des devises (DM essentiellement). La Banque centrale ne serait pas, dans un premier temps, autorisée à consentir de crédits.

Si les autorités étatiques et celles de la Fédération se déclarent prêtes à recevoir des subsides et à effectuer leurs paiements dans cette devise nouvelle, il n'en va pas de même pour la Republika Srpska, liée monétairement à la RFY. En fait, les dirigeants actuels de l'entité serbe ne souhaitent guère voir s'instaurer rapidement une monnaie unique, qui rendrait symboliquement irréversible la constitution d'un véritable espace économique intégré en Bosnie-Herzégovine.

La situation du système bancaire de Bosnie-Herzégovine est préoccupante, sauf pour les établissements de petite taille, lesquels n'octroient pas de crédits mais se limitent à des opérations de placement. Aucune loi sur les investissements n'a encore été adoptée. La Banque centrale n'exerce qu'une action de coordination sur chacun des deux organismes de supervision bancaire existants : l'un pour la Fédération, l'autre pour la République serbe.

Quant au système fiscal, il privilégie encore excessivement les ressources liées au impôts indirects (droits de douane en particulier), au détriment d'une imposition directe à l'assiette réduite et aux taux souvent excessifs. Au demeurant, dans l'attente de la législation douanière, les recettes de budget de Bosnie-Herzégovine ne proviennent que des seuls versements des deux entités.

L'aboutissement de ces réformes essentielles pour l'avenir, achoppe sur les rivalités et les incidents qui émaillent en permanence le fonctionnement institutionnel des instances gouvernementales et parlementaires de Bosnie-Herzégovine. Un prêt de 32,7 M$ de la BERD, destiné au secteur vital des transports et inclus dans le " Quick Start Package " est ainsi bloqué depuis décembre 1996 puisque le Parlement de Bosnie-Herzégovine, qui doit donner son accord, a longtemps tardé à l'inscrire à son ordre du jour du fait, entre autres causes de blocages, de l'absence des représentants de la Republika Srpska à ses séances.

2. Une aide conditionnelle

Il a été convenu que l'octroi de l'aide serait conditionné au respect, par les entités et le gouvernement central, des engagements souscrits par chacun pour l'application de l'accord de paix dans tous ses domaines.

Or, les retards institutionnels évoqués plus haut, les graves problèmes du retour des réfugiés, de la non-arrestation de certains criminels de guerre, les entraves à la liberté de circulation sont autant de motifs, pour la communauté des donateurs, de retenir leurs versements. C'est ce qui explique que la troisième conférence des donateurs, initialement prévue pour janvier 1997, a été reportée sine die. La tenue de cette conférence qui prévoit d'accorder 1,4 milliard de dollars au pays est suspendue à un accord conclu avec le FMI qui devrait également entraîner le rééchelonnement de la dette extérieure auprès des Clubs de Paris (dette publique) et de Londres (dette privée).

Cette conditionnalité de l'aide, qui constitue le seul véritable moyen de pression de la communauté internationale pour conduire les parties à " jouer le jeu " de Dayton n'est toutefois pas toujours d'un maniement aisé. D'abord en ce qu'elle contribue à retarder des investissements d'urgence indispensables au redémarrage économique, lequel conditionne lui-même le retour à une certaine normalité sociale et politique. En second lieu, les grands projets déjà lancés ne peuvent être aisément interrompus ou reconsidérés pour des raisons politiques. Enfin, lorsque la non-application de certaines dispositions de l'accord de paix est le fait de " potentats " locaux -le refus opposé au retour des réfugiés par exemple-, le maniement de la conditionnalité de l'aide, d'une façon aussi ciblée, est difficile. Récemment, a cependant été mise en place une procédure d'aide ponctuelle aux communes acceptant, à leur niveau, de mettre en oeuvre les dispositions de l'accord à l'égard des réfugiés notamment, les autres figurant sur une " liste noire ".

3. La coopération entre entités par le développement économique

La reconstruction économique est au coeur du processus de consolidation du nouvel Etat et, à terme, de la coopération des entités et des communautés entre elles. Aujourd'hui inégales devant le bénéfice de l'aide internationale, la Fédération, d'une part, et la Republika Srpska, d'autre part, le sont aussi devant les potentialités d'un développement économique équilibré. Avant la guerre, l'essentiel des capacités économiques de la Bosnie se situait sur ce qui est désormais le territoire de la Fédération et en particulier de sa partie musulmane, autour de Sarajevo, Tuzla et Zenica. Le découpage territorial a ainsi coupé des flux économiques et commerciaux traditionnels : " Il est frappant de constater que l'ancienne aire d'influence et de desserte de toutes les grandes villes est aujourd'hui coupée par la ligne de démarcation " [20] . La partie nord de la Republika Srpska, autour de Banja Luka, est bien plus portée à tisser des liens économiques avec la Fédération et au-delà, avec la Croatie qu'avec sa partie sud autour de Palé ou avec la RFY. " Ainsi, les deux entités ne peuvent guère espérer, au-delà d'une reconstruction financière de l'extérieur, connaître un développement si elles ne coopèrent pas entre elles afin de faire jouer à plein leurs complémentarités et de réunifier l'espace économique de la Bosnie (1)".

B. LA FRANCE ET LA RECONSTRUCTION ÉCONOMIQUE DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

L'un des objectifs de votre délégation était d'apprécier la part que la France prenait à l'effort international de reconstruction économique de la Bosnie-Herzégovine. Ce souci répondait à deux interrogations. La première concernait l'accompagnement militaire, humanitaire et aussi financier (16 milliards de francs) conduit par notre pays depuis le début de la guerre en ex-yougoslavie : quelle forme nouvelle prendrait-il dans la période d'après guerre ? Plus généralement, quelle part la France pourrait-elle prendre dans les financements multilatéraux consentis par la communauté internationale au nouvel Etat, quels flux commerciaux, économiques pourraient apparaître entre la France et une région dans laquelle elle n'avait pas été économiquement, jusqu'avant la guerre, particulièrement impliquée ?

1. L'essentiel de la participation française se fait par les financements multilatéraux

A titre bilatéral, la France a consenti, entre 1994 et 1996, trois protocoles financiers pour un total de 60 millions de francs destinés à des projets d'infrastructures :

- électricité à Sarajevo (EDF international, 27 MF) ;

- aviation civile : guidage électronique des atterrissages (Thomson-CSF, 11 MF) ;

- chemins de fer : ligne Sarajevo-Mostar-Ploce (Systra, 16 MF) ;

- eau : contrôle des canalisations à Sarajevo (SOGEA, 6 MF).

L'aide humanitaire d'urgence a également été l'un des canaux privilégiés de l'aide bilatérale française comme pour la station de pompage et de traitement de l'eau mise en service en 1997 à Gorazde (5 MF). Enfin, le Génie français a largement contribué à la rénovation de routes et de ponts.

Mais c'est davantage à travers les financements internationaux que s'opère la participation de la France, singulièrement via l'Union européenne. Celle-ci a contribué à la reconstruction à hauteur de 227 millions d'écus engagés en 1996, elle devrait le faire à concurrence de 296 millions d'écus par an en 1997 et 1998. La contribution de la France, à hauteur de 18 % de ces budgets, s'est élevée à quelque 270 MF en 1996, somme qui devrait être renouvelée en 1997 et 1998.

En 1996, en ce qui concerne les programmes européens, sur 227 millions d'écus engagés, 74 concernaient des fournitures ; 102 entreprises françaises ont été agrées, 27 ont remis une offre et 9 ont remporté des contrats pour un montant total de 4,9 millions d'écus, soit 6,5 % du total, à comparer avec les 22 % réalisés par l'Italie.

Plusieurs des interlocuteurs rencontrés par votre délégation, à commencer par Carl Bildt lui-même, ont souligné la lourdeur et la lenteur des procédures communautaires dans l'affectation des financements européens, citant en exemple les quatorze signatures à réunir pour le simple octroi d'un soutien financier à un journal indépendant. Les interprétations politiques intraeuropéennes interfèrent fréquemment, à Bruxelles, sur la mise en oeuvre des programmes et notamment sur l'attitude à adopter à l'égard de la partie serbe. Le représentant de la Commission à Sarajevo ne dispose pas de la même autonomie budgétaire que celle dont bénéficiait le représentant de l'Union européenne à Mostar, M. Koschnik. Cette absence de décentralisation est un handicap, notamment si l'on compare à ce que peut réaliser la Banque mondiale sur place. L'Union impose, au-delà de 200 000 écus (1,3 MF), l'obligation d'une procédure d'appel d'offre international, entraînant une mise en oeuvre par trop différée des projets. Le chantier du programme d'urgence pour l'Université, doté de 35 millions d'écus (285 MF) n'a pas encore commencé par suite de dysfonctionnements de la Commission.

Il résulte de tout cela une image négative de l'action communautaire qui a souvent conduit les responsables locaux et les Etats-Unis à critiquer la lenteur du travail engagé pourtant avec détermination par le Haut représentant. La " visibilité " de l'action américaine sur place en dépit d'un financement moindre d'US Aid, n'en apparaît que plus clairement.

2. La méthode : l'essor des actions civilo-militaires (ACM)

· La genèse des " affaires civiles "

Après la guerre du Golfe, une réflexion avait été engagée sur le support que pouvait constituer notre participation militaro-humanitaire à des opérations de maintien de la paix pour un positionnement économique et commercial, dans le cadre des phases de reconstruction et de " sortie de crise ". La présence militaire significative dans un pays, les activités de réhabilitation fréquemment engagées, même en période de combats entre factions, par le Génie (routes, ponts, eau etc...) constituent un acquis que jusqu'alors la France, contrairement aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne, n'avait pas vraiment exploité

C'est pourquoi, en 1994, a été formalisé, dans le cadre du ministère de la Défense, ce concept d'" affaires civiles ". Une cellule ad hoc a été créée au COIA (Centre d'opérations interarmées), chargée de coordonner les activités sur le terrain, afin d'expertiser puis satisfaire les besoins locaux.

En Bosnie, les actions réalisées au titre des actions civiles ont pris diverses formes comme le soutien logistique ou le conseil et l'orientation au profit d'entreprises françaises. C'est grâce à cette cellule qu'ont ainsi pu être conclus des contrats, impliquant des entreprises françaises, pour l'électrification de la ligne ferroviaire Mostar-Ploce et l'équipement de radionavigation pour l'aéroport de Sarajevo. Depuis le 17 août 1996, existe au sein de l'état-major du Comfrance, une Section d'études et de réalisations (SER), qui regroupe une trentaine d'officiers et de sous-officiers français. Elle participe, comme maître d'oeuvre et bureau d'études, aux programmes de reconstruction. A ce titre, l'Union européenne a passé par exemple deux conventions avec le Comfrance, concernant l'un la réhabilitation de l'université de philosophie de Sarajevo (sur financements européens non encore débloqués en juin 1997), l'autre des travaux d'infrastructure pour les télécommunications en Republika Sprska. Cette section assiste également l'ambassade de France et procède à la mise en place, à des postes importants, d'officiers de réserve français auprès du Bureau du Haut représentant, de l'IMG (International Management group) etc... Les Affaires civiles ont également été à l'origine de la création en janvier 1996 à Sarajevo d'une Chambre de commerce et d'industrie franco-bosnienne.

· La chambre de commerce et d'industrie franco-bosnienne (CCIFB)

La chambre de commerce et d'industrie franco-bosnienne est une association de droit local et la traduction concrète du projet, initié par les Affaires civiles, de faire participer les entreprises françaises à la relance économique du pays. Depuis sa création, elle a apporté aux entreprises différents services : une information sur le pays et les projets, la prospection commerciale, la mise en contact avec les administrateurs et des entreprises bosniaques, l'interprétation, la domiciliation d'entreprises françaises ... Soixante entreprises ont ainsi été assistées dans leurs démarches. Au demeurant, la Chambre de commerce internationale travaille désormais en lien étroit avec le Poste d'expansion économique, installé depuis à Sarajevo.

L'un des atouts de cette structure réside dans les liens créés avec les entreprises locales pendant la période du siège de la capitale. La société Sofinfra avait ainsi pendant le siège de la ville reconstruit, en dix-huit mois, l'ambassade de France ; les contacts noués à cette occasion avec les entreprises locales étaient autant d'acquis pour l'avenir. Malheureusement, la Chambre de commerce souffre d'un financement trop modeste : les cotisations des adhérents, qui constituent sa principale recette, pâtissent du trop faible nombre d'entreprises installées sur place. La région Rhône-Alpes a consenti une subvention de 300 000 francs, 100 000 F proviennent du ministère de l'Industrie et une somme comparable de l'Association des Chambres de commerce et d'industrie. Quant à l'appui en personnel consenti initialement par le ministère de la Défense, il est progressivement réduit. Or, la Chambre de commerce a été créée à une période où des moyens financiers importants étaient nécessaires, quitte à ce que certaines premières dépenses soient, dans une première phase, opérées à fonds perdus. L'objectif aurait pu être de faire de cette instance une agence de développement, à l'image de l'ODA (Overseas development Administration) britannique. Celle-ci est un organisme autonome, lié au Foreign Office et qui travaille en étroite osmose avec le ministère de la Défense lorsque des militaires britanniques sont engagés à l'extérieur.

Au demeurant, des aménagements pourraient d'ailleurs être apportés aux procédures françaises existantes : en matière de personnel, il conviendrait de faciliter la mise à disposition rapide soit de fonctionnaires, ce qui nécessiterait l'élaboration d'un statut adapté qui n'existe pas sauf dans le cadre des ambassades ou des postes d'expansion économique, soit de cadres d'entreprises. Pour ces derniers, le statut de réservistes militaires présente de nombreux avantages, bien que les PME, souvent les plus intéressées par les contrats attribués dans ce type de contexte, puissent éprouver des difficultés à se séparer trop longtemps de leurs collaborateurs.

Cela étant, l'existence sur le terrain, aujourd'hui, de trois pôles économiques et commerciaux français -la cellule civilo-militaire de Comfrance, la Chambre de commerce et d'industrie, le poste d'expansion économique-, même si elle bénéficie de la bonne entente et d'une coopération étroite entre chacun de leurs animateurs, risque, en terme de " visibilité " d'être source de complexité. L'idée d'un rassemblement, même partiel, de ces pôles en une structure pérenne, adaptés à ces situations de "sortie de crise" et qui pourrait s'inspirer du système de la Caisse française de développement pourrait être approfondie. Des capacités financières substantielles, une tutelle interministérielle, un mode opératoire souple, conjugués à la diversité des personnels impliqués (actions civilo-militaires, action économique extérieure ou représentant des entreprises), pourraient en faire un outil transposable à d'autres théâtres.

*

* *

LES OBSERVATIONS DE VOTRE DÉLÉGATION

- Première observation : les prochaines élections, municipales puis générales, conditionneront largement la suite du processus de paix.

Les 14 et 15 septembre prochain doivent avoir lieu les élections municipales en Bosnie-Herzégovine. Pour reprendre une expression de M. Carl Bildt, alors Haut-Représentant, il s'agira de " transformer 110 dictatures locales monoethniques en 110 démocraties locales pluriethniques". La possibilité d'un débat démocratique en amont de cette consultation est essentielle si l'on souhaite voir émerger une nouvelle classe de responsables bosniaques -qu'ils soient serbes, croates ou musulmans- plus soucieux de reconstruire leur pays, de porter un projet pour le nouvel Etat que de tenter d'obtenir par la paix ce qu'ils n'ont pu acquérir par la guerre. Il existe dans chaque communauté des individualités démocrates, considérant que l'heure de la revanche ou de l'hégémonie est passée. La population elle-même, lassée des combats et d'une économie de guerre n'est souvent incitée à désigner aux responsabilités les plus nationalistes des siens que parce qu'elle craint que la, ou les autres communautés, n'agisse de même. C'est bien plus la peur de l'autre qui génère l'intolérance que la volonté de voir la guerre reprendre. D'où l'importance pour la communauté internationale d'aider à la naissance et surtout au développement d'une presse pluraliste, déconnectée des slogans revanchistes. Des progrès en ce sens peuvent être constatés en Fédération pour la presse écrite. Il reste beaucoup à faire en Republika Srpska et, globalement, pour les médias audiovisuels.

- La deuxième observation est liée à la date de juin 1998 au delà de laquelle, normalement, la présence de la SFOR prendra fin, au moins dans son positionnement actuel. Une course de vitesse est ainsi engagée entre le volet civil et le volet militaire, chacun ayant été, par principe, déconnecté de l'autre. Une échéance définitive a été imposée à l'un sans qu'aucune garantie de déblocage ou d'avancée soit perceptible pour l'autre. En d'autres termes, le volet civil est affaire de générations, alors que le calendrier de la SFOR est essentiellement américain.

Tous les interlocuteurs de votre délégation ont fait part de leur inquiétude quant au départ programmé de la SFOR en juin 1998 qui, après un passage éventuel, six mois avant, à un dispositif allégé de dissuasion, interviendrait trois mois après l'échéance très sensible sur le statut de Brcko, et trois mois avant des élections générales dont les résultats, selon qu'ils permettront ou non de porter aux responsabilités des personnels politiques nouveaux, seront essentiels à la poursuite de la paix.

Le calendrier SFOR est donc à double tranchant : il peut signifier aux parties l'obligation de coopérer, sachant que la SFOR ne serait plus là pour garantir la stabilité militaire en cas de blocage et de querelles persistantes. Il peut également signifier, à ces mêmes parties, que tout redeviendrait militairement possible pour elles après juin 1998.

La communauté internationale est donc placée devant le dilemme suivant : cautionner par sa présence sécurisante au-delà de juin 1998 la persistance du blocage institutionnel et conforter ainsi les partisans de la partition, ou précipiter, par un départ prématuré et définitif, une éventuelle reprise des combats.

- La troisième observation concerne les missions de police .

Entre les missions de guerre assumées par l'OTAN à travers l'IFOR puis la SFOR et la mission limitée d'assistance et de formation policière confiée par l'ONU à un groupe international de police quelque peu démuni en moyens et en effectifs, la place reste vacante pour une force crédible de maintien de l'ordre et de la sécurité, capable sinon d'appliquer elle-même au moins de faire appliquer des décisions de justice, qu'elles concernent les criminels de guerre, les agissements des mafias qui prolifèrent dans certaines parties du territoire, ou le simple droit des citoyens de Bosnie-Herzégovine de se déplacer en sécurité à travers la ligne inter-entités. Il existe en Europe une expérience suffisante de forces de gendarmerie pour combler cette lacune que l'on constate aujourd'hui dans le domaine militaro-policier ; ce pourrait être l'une des configurations d'une force adaptée pour l'après juin 1998.

- La quatrième observation concerne l'aspect militaire. Il semble que l'outil mis en oeuvre par l'OTAN pourrait consacrer, pour des missions d'imposition de la paix de cette ampleur, la fin des opérations extérieures type ONU telles qu'elles se sont développées ces dernières années . La clarté du mandat, l'unicité du commandement, la capacité à combattre, la cohérence des états-majors, le principe de nation pilote, sont autant de notions pertinentes et efficaces qui devront être, le cas échéant, reprises pour d'autres actions du même type. Cela donnerait, le moment venu, à la démarche française à l'égard de l'OTAN un éclairage nouveau et important qu'il convient de prendre en compte.

- La dernière observation porte sur l'importance d'un redémarrage rapide de l'activité économique comme facteur de coopération entre parties et d'intégration progressive dans le nouvel Etat. La conditionnalité de l'aide extérieure à la mise en oeuvre des dispositions centrales de Dayton, opportune comme légitime pression de la communauté internationale, n'est pas, vos rapporteurs l'ont souligné, sans difficulté d'application. Ainsi l'actuel quota de répartition de l'aide entre la Fédération et la Republika Srpska (98,2 % contre 2 %), ne devrait pas perdurer et un rééquilibrage s'impose à cet égard. Il permettrait d'accréditer l'idée, auprès de la population serbe, que Dayton peut aussi signifier une chance de redressement économique et de prospérité. Cela pourrait contribuer, au sein de l'entité serbe, à soutenir le camp des réalistes, voire des démocrates, encore minoritaires et marginalisés.










ANNEXES

ANNEXE N° 1 -
PROGRAMME DE LA MISSION

JEUDI 8 MAI

14 H 30 : Arrivée à l'aéroport de Sarajevo

15 H 30 : Entretien avec M. Carl Bildt, Haut-Représentant

17 H 00 : Entretien avec M. Serge ROBERT, gouverneur de la Banque centrale de Bosnie-Herzégovine

18 H 00 : Entretien avec M. Paul MONNORY, Chef de mission de la BERD

19 H 00 : Entretien avec M. Husein ZIVALJ, Vice-Ministre des Affaires étrangères

20 H 00 : Diner de travail avec les Chefs de service de l'Ambassade, ainsi que Mme Michèle PICARD, juge à la Chambre des Droits de l'Homme de Bosnie-Herzégovine et M. Serge ROBERT

VENDREDI 9 MAI

09 H 00 : Entretiens au Parlement avec :

- M. Ivo LOZANCIC, Président de la Chambre des Représentants du Parlement de Bosnie

- M. Halid GENJAC, Vice-Président de la Chambre des Représentants du Parlement de Bosnie

- M. Avdo CAMPARA, Vice-Président de la Chambre des Peuples de Bosnie

10 H 00 Entretien avec M. Donato CHIARINI, Envoyé Spécial de Commission européenne

11 h 00 Entretien avec M. Alija IZETBEGOVIC, Président de la Présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine

11 h 30 Entretien avec M. Haris SILAJDZIC, co-président du Conseil des Ministres de Bosnie-Herzégovine

15 H 00 Entretien avec M. Dragan KALINIC, Président de l'Assemblée de Republika Srpska

17 H 00 Visite de la Chambre de Commerce et d'Industrie franco-bosnienne et entretiens avec les responsables.

18 H 00 Entretien avec M. Domenico MENICHINI, Directeur général de l'International Management Group.

19 h 00 Entretien avec M. Victor MASSENA, adjoint du Haut Représentant pour les questions économiques (à l'Ambassade)

20 H 00 Dîner-buffet à la résidence avec les principaux représentants de la Communauté française

SAMEDI 10 MAI

09 H 00 : Départ de l'hôtel pour Ilizda

09 H 30 : Décollage pour Mostar

10 H 00 : Programme + déjeuner à la division multinationale Sud-Est

14 H 30 : Décollage pour Sarajevo

15 H 00 : Survol de Sarajevo et environs

15 H 25 : Arrivée à Ilizda

15 H 45 : Exposé par le Général Raffenne, chef planification de la SFOR

16 H 30 : Visite du " Joint Operation Center "

17H 00 : Entretien avec le général MANSUY, Commandant adjoint de la SFOR et Commandant du Détachement français

17 H 45 : Entretien avec le général CROUCH, commandant la SFOR

18 H 00 : Départ pour le COMFRANCE

18 H 30 : Table ronde du Commandement français

19 H 30 : Dîner sur place

DIMANCHE 11 MAI 1997

09 H 00 : Entretien avec le Colonel PINARD-LEGRY et les responsables des Affaires civilo-militaires

10 H 15 : Entretien avec le Colonel de gendarmerie BETTON (IPTF) -groupe international de police-

11 H 00 : Visite du DETAIR (Aéroport de Sarajevo)

12 H 00 : Déjeuner sur place

15 H 30 : Décollage pour Ljubljana


ANNEXE N° 2 -
STRUCTURES INSTITUTIONNELLES DE
BOSNIE-HERZEGOVINE ET DES DEUX ENTITÉS
[21 ]

ANNEXE N° 3 -
RESULTATS DES ELECTIONS DU 14 SEPTEMBRE 1996
[22 ]

Principaux partis politiques

Fédération de Bosnie-Herzégovine

DNZ : Communauté démocratique populaire

HDZ : Communauté démocratique croate

SBiH : Parti pour la Bosnie-Herzégovine

SDA : Parti d'action démocratique

ZLBIH : Liste unifie ; coalition forme en juin 1996 par cinq partis d'opposition, elle est composée du Parti croate paysan (HSS), de l'Union sociale-démocrate de Bosnie-Herzégovine (USDB), du Parti social-démocrate (SPD), du Parti républicain et de l'Organisation bosniaque musulmane (MBO).

République serbe

DPB : Bloc démocratique patriotique ; coalition comprenant le Parti populaire serbe Nikola Pasic (NRS Nikola Pasic), le Parti de la patrie (OS), le Parti paysan ouvrier (SRS) le Parti démocrate (DS) et le Parti du centre démocratique (SDC)

SDS : Parti démocrate serbe

SMIP : Alliance pour la paix et le progrès ; coalition regroupant le Parti socialiste de la République serbe (SPRS), le Parti des sociaux-démocrates indépendants (SNSD), la Gauche yougoslave (JUL), le Parti social-libéral (SLS) et le Nouveau parti ouvrier (NRP)

ELECTION A LA PRESIDENCE COLLEGIALE DE BOSNIE

LE 14 SEPTEMRE 1996


Candidats Partis Nombre de voix
Candidats bosniaques
Alija Izetbegovic Parti d'action démocratique (SDA) 731.024
Haris Silajdzic Parti pour la Bosnie-Herzégovine 123.696
Fikret Abdic Communauté démocratique du peuple 25.586
Sead Abdic Liste unifie de Bosnie-Herzégovine 21.184
Ibrahim Spahic Parti démocratique civique de Bosnie-Herzégovine 4.113
Hasib Salkic Parti libéral de Bosnie-Herzégovine 3.949
Mirnes Ajanovic Parti bosniaque 2.398
Safet Redzepagic Parti de la prospérité économique 1.470
Candidats serbes
Momcilo Krajisnik Parti démocrate serbe (SDS) 690.130
Mladen Ivanic Alliance pour la paix et le progrès 305.992
Milivoje Zaric Parti patriotique serbe 15.400
Branko Latinovic Parti serbe de Krajina 12.578
Candidats croates
Kresimir Zubak Communaut démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (HDZ) 329.891
Ivo Komsic Liste unifiée de Bosnie-Herzégovine 37.519
Anton Stitic Parti démocratique civique de Bosnie-Herzégovine 2.224
Vinko Curo Parti libéral de Bosnie-Herzégovine 2.198

Note : En gras dans le tableau les trois Présidents élus au suffrage direct à un tour. Ayant récolté le plus de voix, A.Izetbegovic est élu président de la présidence pour deux ans puis une présidence tournante est prévue.

ELECTION DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS

DE BOSNIE-HERZEGOVINE

LE 14 SEPTEMRE 1996


Partis Nombre de sièges
Parti d'action démocratique 19
Parti démocrate serbe 9
Communauté démocratique croate de Bosnie-Herzégovine 7
Liste unifiée de Bosnie-Herzégovine 3
Parti pour la Bosnie-Herzégovine 2
Alliance pour la paix et le progrès 2
Total 42

Le Parlement de Bosnie Herzégovine est composé de deux Chambres : celle des représentants (42 membres dont 28 membres proviennent de la Chambre des députés de la Fédération croato-musulmane et 14 membres de la Chambre des députés de la République serbe) et celle du Peuple (15 délégués dont 5 Croates, 5 Musulmans et 5 Serbes).

ELECTION DE LA CHAMRE DES REPRESENTANTS DE LA

FEDERATION DE BOSNIE-HERZEGOVINE

LE 14 SEPTEMBRE 1996


Partis Nombre de sièges
Parti d'action démocratique 78
Communauté démocratique croate de Bosnie-Herzégovine 35
Parti pour la Bosnie-Herzégovine 11
Liste unifiée de Bosnie-Herzégovine 11
Union démocratique du Peuple 3
Parti croate du droit 2
Total 140

Le Parlement comprend deux chambres : une chambre des représentants, élue au suffrage proportionnel, composée de 140 députés pour une durée de deux ans et une Chambre des peuples composée de 30 Bosniaques, 30 Croates et 14 représentants des autres minorités élus dans chacun des 10 cantons de la fédération.

ELECTION DE L'ASSEMBLEE NATIONALE DE LA REPUBLIQUE SERBE

LE 14 SEPTEMBRE 1996


Partis Nombre de sièges
Parti démocrate serbe 45
Parti d'action démocratique 14
Alliance pour la paix et le prorès 10
Autres [23


] 14
Total 83

L'Assemblée nationale de la République serbe est constituée de 140 membres élus pour deux ans au scrutin proportionnel.

ELECTION PRESIDENTIELLE DANS LA REPUBLIQUE SERBE

LE 14 SEPTEMBRE 1996


Candidats Partis Nombre de voix
Biljana Plavsic Parti démocrate serbe 704.107
Abid Djozic Parti d'action démocratique 208.561
Zivko Radisic Alliance pour la paix et le progrès 189.116

Autres candidats : Predrag Radic (Bloc démocratique patriotique de la République serbe), Zlavko Lisica (Parti patriotique serbe), Dragan Dokanovic (Parti démocratique des fdéralistes) et Ljilja Peric (Parti de l'unité serbe).


ANNEXE 4 -
POINTS DE REPÈRE CHRONOLOGIQUES
DE LA CRISE YOUGOSLAVE
[24 ]

ANNEXE N° 5 -
ETAT DES EFFECTIFS DE LA SFOR PAR PAYS
[25]
TOTAL : 35 000

Nations OTAN

France : 2 500 [26] ; Etats-Unis ; 8 500 ; Grande-Bretagne : 5 000 ; Allemagne : 3 000 ; Italie : 1 700 ; Espagne : 1 400 ; Pays-Bas : 1 360 ; Canada ; 1 200 ; Danemark : 1 000 ; Turquie : 1 000 ; Norvège : 700 ; Grèce : 220 ; Portugal : 330 ; Belgique : 300 ; Luxembourg : 20.

Nations non-OTAN

Egypte : 300 ; Maroc : 800 ; Jordanie : 10 ; Malaisie : 1 530 ; Suède : 510 ; Finlande : 300 ; Autriche : 190 ; Russie : 1 500 ; Ukraine : 400 ; République tchèque : 650 ; Pologne : 471 ; Hongrie : 385 ; Albanie : 30 ; Pays baltes : 10 ; Slovénie : soutien logistique.

ANNEXE N° 6 -
LISTE DES MILITAIRES FRANÇAIS DÉCÉDÉS EN COURS DE MISSION SUR LE THÉATRE DE L'EX-YOUGOSLAVIE
DE 1992 A 1997
[27 ]

1992

Jean-Loup EYCHENNE, Marc DUBREUIL, André GUEGAN, Jean-Louis NAVARRO, Philippe CAPO, Jean-Pierre LLINARES, Eric MAROT, Frédéric VAUDET, Jean-Alain BATAILLE

1993

James CANAVESE, Patrick RODANGE, Rastislav BENKO, Jean-François DUCAROUGE, Sylvain ROYER, Louis LECHAT, Yannick BENOUARET, Jean-François LACOMBE

1994

Stéphane DUBRULLE, Johnny COMTOIS, Emmanuel DESCHAMPS, Jean-Marc CARBONNEL

1995

Bruno AZZI, Jean-Luc BIGOT, Christophe CHAUVET, Adriano de PINA OLIVEIRA, Franck GONNIN, Arnaud LEFEBVRE, David MACCHI, Antoine MARZO, Patrice TALARICO, Ralf GUNTHER, Eric HARDOIN, Raymond AUBLANC, Sylvain BEILON, Jean-Marie HERVE, El Hadj HOUIDEF, Marcel AMARU, Jacky HUMBLOT, Fabrice DUFLOS, Denis PANAZOL, Bastien OTTAVIANI, Mickael MARCHAND, Jozsef SZIRAKI, Gilles CARREAU, Eric DORLEANS, Régis AUZEREAU, Thierry CLERAN, Stéphane RAOULT, Thierry TANCHON, Jean-François GOSME, David MROCZKOWISKI, Olivier MEYER, Adam KLOS, Laurent ROBERT, Palasete SAKO

1996

Tamurea TUMATARIRI, Jérôme MALGARINI, Richard MORTKA, Manuel PATTIN, Bruno CARTIER, Carl RABILLER, Stéphane LE MEUT, Nicolas PARADIS, Francis DUMANT, Yannick LAPIE, Jean-Pierre DUMOULIN, Charles-Aymon AUPEPIN de LAMOTHE DREUZY

1997

Daniel CORO.



1 IEBL : interentities boundary line.

2 International Police Task Force, voir infra.

3 Hors défense commune de l'article 5

4 Actuellement encore séparée entre force croate HVO et musulmane Arbih

5 Composé de représentants de l'Allemagne, du Canada, des Etats-Unis d'Amérique, de la Fédération de Russie, du Royaume-Uni, de la France, de l'Italie, du Japon, de la Présidence de l'Union européenne, de la Commission européenne et de l'Organisation de la Conférence islamique.

6 Annexe 10 de l'accord de Dayton.

7 Il y a en réalité deux co-présidents : M. Siladzic, bosniaque et M. Bosic, serbe.

8 4 issus de la Fédération, 3 de la Republika Sprska et 7 désignés par le Comité ministériel du Conseil de l'Europe.

9 Il s'agit d'un Français, d'un Suédois et d'un Autrichien.

10 Voir en annexe le détail des résultats de ces consultations.

11 Déclaration de M. Carl Bildt, Haut représentant, devant le National Press Club, Washington, 1er mai 1997.

12 Paul Garde " Après Dayton, le déluge " ? in Politique internationale n° 72 (été 1996).

13 qui réunit quelque 15 pays et organisations internationales.

14 communes

15 n° 808 du 22 février 1993 et n° 827 du 25 mai 1996

16 D'après les accords de Dayton, il revient aux Etats ou entités de livrer les personnes recherchées refugiées sur leur sol. De surcroît, l'IFOR si elle a la possibilité d'arrêter les criminels de guerre, ne peut les rechercher.

17 M. Robert Owen, américain.

18 M.Robert Farrand.

19 Il s'agit du Français M. Serge Robert.

20 Michel Roux, " La Bosnie-Herzégovine en 1996 ", l'Europe centrale et orientale en 1996, Coll. " Les études ", la Documentation française.

21 Source : Ministère des Affaires étrangères

22 Source : Edith Lomel, l'Europe centrale et orientale en 1996, Notes et Documents, La Documentation française.

23 Parti radical serbe, Parti de la République serbe, Bloc démocratique patriotique de la République serbe, Parti serbe de Krajina. Liste unifiée de Bosnie-Herzégovine, Parti patriotique serbe.

24 Source : Ministère de la Défense.

25 Source : Ministère de la Défense, avril 1997.

26 Effectifs de l'Armée de terre déployés en Bosnie.

27 Un monument rappelant leur mémoire a été érigé à l'Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine.

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