III. DÉVELOPPER LES RÉSEAUX ET LES SITES NUMÉRIQUES

Considérer comme semble le faire France Télécom que les infrastructures nécessaires au développement des services multimédias sont suffisantes paraît très réducteur.

Certes, comme le remarquait le rapport du Commissariat général du Plan sur les réseaux de la société de l'information, " la quasi totalité des services existant aujourd'hui ne requièrent pas de débits de transmission élevés, comme le montrent les exemples d'Internet, qui fonctionne essentiellement sur des infrastructures traditionnelles, ou de Transpac (256kbits/s). Les besoins en transmission de données sont satisfaits dans la plupart des cas par les débits offerts sur le RNIS (canaux à 64kbits/s). Les services utilisant l'image, tels que la vidéoconférence ou la consultation de fichiers multimédias, exigent des débits plus importants, mais ne constituent encore que des niches réduites de marché, dont le développement reste lent. "

Les débits limités des réseaux actuels ne font donc pas forcément obstacle à la montée en puissance des nouveaux services. Le même rapport notait à titre d'exemple que les besoins des banques dépassent rarement 512kbits/s, parce que celles-ci cherchent à éviter la circulation systématique de gros fichiers. Des débits plus élevés ne paraissent pas non plus justifiés dans les relations avec la clientèle. Ainsi, si sur 300 000 entreprises clientes de la BNP, près de 20 % utilisent de manière significative les produits téléinformatiques proposés par la banque, aucun des services concernés ne nécessite une capacité de type large bande. En outre, l'intérêt et donc la solvabilité de services bancaires utilisant la vidéo restent douteux.

Par ailleurs, il faut noter que certaines techniques en phase d'expérimentation devraient permettre de transmettre de nouveaux services par les réseaux existants (cas de l'ADSL) ou en établissant des réseaux relativement peu coûteux (cas de la diffusion par micro-ondes). Ces techniques apparaissent comme des solutions de remplacement à l'équipement de la " boucle locale " en fibre optique, considéré comme trop coûteux eu égard aux incertitudes du marché du multimédia.

Il n'en reste pas moins que l'apparition de véritables services multimédias interactifs chez les particuliers nécessitera soit la diffusion hertzienne ou satellitaire numérisée, avec voie de retour filaire, soit la refonte des infrastructures de desserte et le déploiement d'une masse critique de fibre optique à proximité des utilisateurs. Le processus d'extension du réseau en fibre optique pourrait débuter par le raccordement des zones où se trouve concentrée la clientèle la plus susceptible de constituer un marché pour les services à valeur ajoutée, on pense aux centres d'affaires, aux grands laboratoires de recherche. Il convient donc de favoriser la constitution de sites numériques équipés de fibre optique afin de préparer le desserrement des goulots d'étranglement qui feront obstacle tôt ou tard à la constitution de marchés du véritable multimédia. En même temps, les obligations légales éventuelles de réseaux grand débit en tout point du territoire créeront les besoins.

Pour l'essentiel, les autoroutes de l'information resteront toutefois dans le futur proche constituées d'un ensemble de supports de diffusion divers interconnectés et permettant l'interopérabilité des services, à l'image d'Internet. Dans cette optique, l'Etat devrait favoriser l'émergence de standards multiopérateurs afin d'empêcher la segmentation des marchés et la constitution de positions dominantes sur tel ou tel segment. Cet objectif fait partie de la politique de la concurrence mentionnée ci-dessus. Sa réalisation appartient au premier chef aux entreprises impliquées dans les groupes de travail européens ou internationaux qui définissent des standards. On regrettera la faible implication des entreprises françaises dans ces instances dont dépend pour une bonne part la structuration des futurs marchés et la compétitivité de nos industries (cf. en annexe l'audition par la mission d'une délégation du syndicat de l'industrie des technologies de l'information).

Au-delà de l'action incitative qu'il peut mener dans ce domaine, l'Etat doit recourir en tant que de besoin à la voie législative pour débloquer des situations préjudiciables à l'ouverture des marchés. C'est ainsi qu'une discussion a été engagée au début de 1997 au Parlement, à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi sur la communication audiovisuelle, sur les conditions de la mise en place d'un " décodeur unique " permettant aux abonnés de recevoir l'ensemble des services de télévision numérique satellitaire. Le dépôt annoncé en 1998 d'un nouveau projet de loi permettra de reprendre sur cette question emblématique un débat que le renouvellement de l'Assemblée nationale a interrompu.

Le développement des autoroutes de l'information sous la forme de réseaux divers interconnectés implique des choix entre les solutions techniques évoquées dans la première partie du présent rapport (chapitre premier). Retenons simplement que la diffusion par satellite en orbite basse et la diffusion par micro-ondes se présentent comme des techniques adaptées à la configuration des zones rurales et qu'en zone urbaine apparaissent des possibilités de revitaliser l'économie du câble. Selon les câblo-opérateurs américains, la télédistribution classique ne devrait en effet représenter que 50 % de leurs recettes d'ici à cinq ans grâce à la possibilité d'offrir la téléphonie et l'accès à Internet. Les adaptations techniques des réseaux représentent un coût élevé (pour l'accès à Internet : mise en service de la voie de retour, ce qui implique la modification des amplificateurs du réseau, équipement des têtes de réseau en routeurs et en serveurs locaux. Ces coûts fixes sont évalués à quelque 25 millions de francs pour Paris et à 1 % de l'investissement total déjà consenti pour les réseaux du plan câble - Chiffres cités dans Ecran total du 18 juin 1997).

Cependant, ces investissements encourageraient l'abonnement au câble dont l'exploitation se rapprocherait dès lors du seuil de rentabilité. Par ailleurs, comme l'observe le rapport du Commissariat général du Plan sur les autoroutes de l'information, le câblage des villes moyennes offre de véritables perspectives économiques dans la mesure où, dans le cas de la construction d'un réseau câblé, le surcoût lié à la fourniture du téléphone ne dépasse pas 25 % de l'investissement alors que les recettes correspondantes sont comparables à celles du câble pour les abonnés résidentiels et quatre à cinq fois supérieures pour les abonnés professionnels.

Le câble pourrait ainsi retrouver un avenir, ce qui rend d'autant plus sensible la question du coût de la connexion au réseau téléphonique et aux autres réseaux de France Télécom.

Il est intéressant de formuler une dernière remarque pour conclure ce survol de la stratégie de mise en place des autoroutes de l'information. La télévision numérique terrestre permettrait de récupérer pour d'autres usages de très importantes capacités de diffusion au sein des fréquences hertziennes terrestres, actuellement engorgées par la diffusion de services de télévision classiques. Un passage à la diffusion numérique faciliterait en particulier le développement de la radiotéléphonie et de la radiomessagerie qui constituent des axes majeurs du déploiement des nouvelles technologies. Or les recherches, expérimentations et initiatives qui permettraient d'envisager à terme cette évolution se heurtent à l'attentisme des diffuseurs, tournés vers la diffusion satellitaire. Les pouvoirs publics français, quant à eux, restent passifs. Dans le même temps, les Etats-Unis ont lancé un programme d'abandon de la diffusion classique de télévision qui devrait susciter de notre part un regain de réflexion sur l'utilisation rationnelle des fréquences hertziennes terrestres.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page