3. Sanctionner les dévaluations compétitives ?

Dans le contexte du débat sur le renforcement de la convergence, la France a fait remarquer que le système actuel des aides communautaires donne une " prime " aux Etats dont les monnaies se déprécient, puisque ces aides, fixées en écus, augmentent en monnaie nationale en cas de dévaluation.

La France a ainsi proposé que tout paiement communautaire à un Etat ayant pratiqué une " dévaluation compétitive " soit recalculé afin de faire disparaître l'avantage résultant de l'aspect compétitif de la dévaluation. La part de la dévaluation qui dépasserait le différentiel d'inflation serait le taux applicable à cette correction.

La France a également proposé que soit étendue aux fonds structurels une forme de conditionnalité, analogue à celle applicable au fonds de cohésion. Le bénéfice de ces fonds pourrait être suspendu lorsqu'un Etat membre serait en situation de déficit excessif et se refuserait à corriger celle-ci.

Toutefois, la Commission européenne a repoussé ces propositions. Elle a résumé les motifs de son refus dans le document suivant :

Renforcement de la convergence durant la troisième phase de l'UEM

A l'initiative du ministre Arthuis, plusieurs suggestions visant au " renforcement de la convergence et à la lutte contre les fluctuations monétaires " ont été évoquées lors du Conseil ECOFIN informel qui a eu lieu à Vérone les 12 et 13 avril 1996. Elles s'inscrivent dans le cadre du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire et de la relation entre, d'une part, les États membres participants (pays " in ") et, d'autre part, les États membres qui ne participent pas encore et les États membres disposant d'une option de sortie (pays " pré-in ").

En particulier, M. Arthuis a proposé d'abord de trouver " une solution afin que ces fonds (fonds structurels) ne conduisent pas à des versements plus importants, une fois convertis en monnaie nationale, aux pays dont la monnaie s'est dépréciée. On pourrait par exemple concevoir, pour ces pays, la reprogrammation des versements sur la base de l'évolution du taux de change réel. "

M. Arthuis a ensuite suggéré d'introduire un " lien entre le versement des fonds structurels et la politique macroéconomique suivie dans nos pays. A la veille de la réalisation de l'Union économique et monétaire, le devoir de solidarité et le budget de l'Union doivent tenir compte des efforts accomplis en matière de convergence. Dans ces conditions, on pourrait s'inspirer de ce qui a déjà été instauré pour le versement des aides du fonds de cohésion, qui peut être suspendu en cas de non-respect des recommandations individuelles adressées à chaque État membre en situation de déficit public excessif ".

La Commission a accepté d'étudier ces idées, comme les autres suggestions faites lors du même Conseil informel (...). Une convergence renforcée est un élément essentiel de la relation entre pays " in " et pays " pré-in ". En outre, l'article 109M du Traité précise que la disposition selon laquelle " chaque État membre traite sa politique de change comme un problème d'intérêt commun " s'applique aux États membres faisant l'objet d'une dérogation durant la troisième phase.

La réalisation d'une croissance durable et harmonieuse dans un marché intérieur qui fonctionne bien implique que les États membres respectent l'objectif de la convergence économique. Un cadre politique privilégiant la discipline budgétaire pourrait contribuer à prévenir les perturbations économiques liées aux variations de taux de change entre l'euro et les monnaies des pavs " pré-in ". Cela étant, les propositions visant à moduler les versements des fonds structurels doivent être considérées en tenant compte des contraintes suivantes :

à il serait impossible de modifier les règlements régissant les fonds structurels avant la fin de 1999, ou de revoir le fonctionnement du budget communautaire avant la troisième phase de l'UEM. Une modification des règlements actuels des fonds structurels ne requerrait pas seulement l'unanimité, mais serait aussi contraire au principe de la confiance légitime pour l'ensemble des programmes en cours ;

à après la conclusion de la CIG, la Commission présentera une communication sur le futur cadrage financier pour la période postérieure à 1999. Afin de ne pas en compromettre la cohérence d'ensemble, aucun de ses éléments constitutifs ne sera en tout état de cause examiné avant cette date ;

à l'utilisation de l'écu dans les fonds structurels fait partie de l'acquis communautaire. Dans la perspective du passage à l'euro, il serait totalement inopportun d'intensifier, par le biais de mécanismes complexes, l'utilisation des monnaies nationales dans le budget communautaire. En outre, dans la mesure où. les États membres non-participants ont l'intention de rejoindre les autres dès que possible, la mise en place de ces mécanismes réclamerait un effort disproportionné eu égard à leur caractère temporaire ;

à l'introduction de l'euro comme monnaie unique réduira le risque de change qui pèse actuellement sur le budget communautaire. Il ne serait donc pas judicieux d'introduire de nouveaux mécanismes, tels que la modulation des versements en fonction des fluctuations des taux de change nominaux, qui entraîneraient un risque de change accru pour le budget communautaire ;

à enfin il convient de rappeler qu'aucun nouveau critère d'entrée dans la troisième phase de l'UEM ne doit être établi.

Le présent document de travail fait état de considérations techniques additionnelles dans ses deux chapitres ci-après, dont les principales conclusions sont les suivantes :

à la proposition consistant à lier les versements des fonds structurels à l'évolution des taux de change réels ne permettrait pas d'atteindre les objectifs visés. Le fait de sanctionner les dépréciations réelles, sans tenir compte de leurs causes, risquerait de pénaliser des pays qui ont stabilisé leur économie. Une dépréciation nominale ne résulte pas systématiquement ou exclusivement d'un manque de rigueur de la politique économique. En tout état de cause, il faudrait opérer des choix techniques arbitraires concernant la mesure de l'évolution des taux de change et les différentes possibilités de mise en oeuvre, qui pourraient influer considérablement sur les résultats. Enfin, il conviendrait de décider quel traitement réserver aux pays dont la monnaie s'est appréciée, et dans quelles proportions réduire les versements à ceux qui ont connu une dépréciation ;

à l'objectif de cohésion économique et sociale poursuivi par les fonds structurels est un objectif plus large que celui de la convergence nominale. En ce qui concerne la proposition visant à instaurer une conditionnalité macroéconomique pour les fonds structurels, le mécanisme existant de conditionnalité du fonds de cohésion ne rendrait pas compte de leur finalité à moyen et long terme. En outre, vu l'ampleur des fonds structurels, une suspension des versements pourrait avoir des effets disproportionnés dans les États membres, notamment si elle n'était pas liée à l'ampleur du déficit, avec le risque sérieux de compromettre le processus de rattrapage. Par ailleurs. d'importants problèmes techniques se poseraient, le principe de programmation impliquant une certaine continuité dans le soutien communautaire. Enfin, les principaux bénéficiaires des fonds structurels sont des régions et des groupes sociaux (les chômeurs, par exemple) qui ne doivent pas être pénalisés.

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