N° 102

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 21 novembre 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1),

sur

les avis de la Commission européenne relatifs aux différentes demandes d'adhésion à l'Union européenne


Par M. Nicolas ABOUT,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le choix politique de l'élargissement

La décision de principe concernant l'élargissement de l'Union aux pays associés d'Europe centrale et orientale (PAECO) a été prise par le Conseil européen de Copenhague en juin 1993. Tout en adoptant le principe de l'adhésion de ces pays, le Conseil européen a précisé que ceux-ci devraient répondre à certains critères et que " la capacité de l'Union à accueillir de nouveaux membres " devrait également être prise en compte. Sur ces points, les conclusions de Copenhague étaient les suivantes :

" Le Conseil européen est convenu aujourd'hui que les pays associés de l'Europe centrale et orientale qui le désirent pourront devenir membres de l'Union européenne. L'adhésion aura lieu dès que le pays membre associé sera en mesure de remplir les obligations qui en découlent, en remplissant les conditions économiques et politiques requises.

" L'adhésion requiert de la part du pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection, l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union. L'adhésion présuppose la capacité du pays candidat à en assumer les obligations, et notamment de souscrire aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire.

" La capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration européenne constitue également un élément important répondant à l'intérêt général aussi bien de l'Union que des pays candidats. "


Le Conseil européen de Madrid a confirmé et précisé ces orientations en retenant l'objectif d'un début des négociations d'adhésion six mois après la conclusion de la Conférence intergouvernementale (CIG) de 1996 :

" L'élargissement est à la fois une nécessité politique et une chance historique pour l'Europe. En assurant la stabilité et la sécurité du continent, il offrira non seulement aux Etats candidats, mais également aux membres actuels de l'Union, des perspectives nouvelles de croissance économique et de bien-être général. L'élargissement doit servir à renforcer la construction européenne dans le respect de l'acquis communautaire, y compris des politiques communes (...)

" Le Conseil européen répète que les négociations en vue de l'adhésion de Malte et de Chypre à l'Union commenceront, sur la base des propositions de la Commission, six mois après la conclusion de la Conférence intergouvernementale de 1996, en tenant compte de ses résultats (...)

" Il confirme, par ailleurs, la nécessité de bien préparer l'élargissement sur la base des critères fixés à Copenhague et dans le cadre de la stratégie de pré-adhésion définie à Essen pour les PECO ; cette stratégie devra être intensifiée afin de créer les conditions d'une intégration progressive et harmonieuse de ces Etats grâce notamment au développement de l'économie de marché, à l'adaptation de leurs structures administratives et à la création d'un environnement économique et monétaire stable (...)

" Après la conclusion de la Conférence intergouvernementale et à la lumière de ses résultats et des avis et rapports précités de la Commission, le Conseil prendra dans les meilleurs délais les décisions nécessaires au lancement des négociations d'adhésion.

" Le Conseil européen aspire à ce que la phase initiale des négociations coïncide avec le commencement des négociations avec Chypre et Malte ".


Le Conseil européen de Florence (juin 1996) a repris, d'une manière plus claire, l'objectif de commencer les négociations avec les PAECO six mois après la conclusion de la CIG :

" Le Conseil européen prend note du rapport du Conseil sur les relations avec les pays associés d'Europe centrale et orientale au cours du premier semestre de 1996 et souligne l'importance de la stratégie de préparation à l'adhésion, qui englobe désormais la Slovénie.

" Rappelant ses conclusions de Madrid, il réaffirme que les avis et rapports de la Commission sur l'élargissement qui ont été demandés à Madrid doivent être disponibles dès que possible après l'achèvement de la Conférence intergouvernementale de sorte que la phase initiale des négociations avec les pays d'Europe centrale et orientale puisse coïncider avec le début des négociations avec Chypre et Malte six mois après la conclusion de la CIG, compte tenu de ses résultats. "


Le choix politique de l'élargissement à l'Est a donc été effectué sans la moindre équivoque par le Conseil européen, que le traité sur l'Union européenne (article D) habilite à " donner à l'Union les impulsions nécessaires à son développement ", et à " en définir les orientations politiques générales. "

Les pays candidats


La liste des pays concernés par le processus d'élargissement a quelque peu évolué depuis 1993, dans la mesure où Malte a retiré sa candidature tandis que la Slovénie a déposé la sienne. De ce fait, outre la Turquie, dont la candidature est très ancienne, et Chypre, dix pays d'Europe centrale et orientale sont candidats à l'adhésion : la Bulgarie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie. Ces dix pays sont tous signataires d'" accords européens " avec l'Union, qui prévoient principalement une libéralisation progressive des échanges, notamment dans le domaine industriel (l'ouverture des marchés devant en outre s'effectuer plus rapidement pour l'Union que pour les PAECO) et une aide financière centrée sur la restructuration économique (programme PHARE).

Les premiers accords européens ont été conclus dès décembre 1991 avec la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. En février 1992 s'y sont ajoutés les accords avec la Bulgarie, la Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie. Des accords ont été signés avec l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, en juin 1995, et avec la Slovénie en juin 1996.

Le déroulement de la procédure

L'élargissement de l'Union est régi par l'article 0 du traité sur l'Union européenne :

Article 0

Tout Etat européen peut demander à devenir membre de l'Union. Il adresse sa demande au Conseil, lequel se prononce à l'unanimité après avoir consulté la Commission et après avis conforme du Parlement européen, qui se prononce à la majorité absolue des membres qui le composent.

Les conditions de l'admission et les adaptations que cette admission entraîne en ce qui concerne les traités sur lesquels est fondée l'Union font l'objet d'un accord entre les Etats membres et l'Etat demandeur. Ledit accord est soumis à la ratification par tous les Etats contractants, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Dans le respect du calendrier retenu par le Conseil européen, prévoyant l'ouverture des négociations d'élargissement six mois après les conclusions de la CIG, la Commission européenne a présenté en juillet dernier, soit un mois après la conclusion de la CIG, ses avis sur les différentes demandes d'adhésion des PAECO.

Il convient de rappeler que, par ailleurs, la Commission européenne a déjà rendu en juillet 1993 un avis sur la demande d'adhésion de Chypre. Cet avis conclut qu'" une intégration de Chypre à la Communauté suppose qu'intervienne un règlement pacifique équilibré et durable du problème chypriote, règlement qui rendra possible la réconciliation et le rétablissement de la confiance entre les deux communautés et la coopération entre leurs dirigeants. Les dispositions institutionnelles d'un tel règlement devraient, tout en sauvegardant les nécessaires équilibres entre les deux communautés et le droit pour chacune de préserver ses intérêts fondamentaux, être compatibles avec une participation normale de Chypre aux processus de décision de la Communauté européenne et à la bonne application du droit communautaire sur tout le territoire de l'île. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, et dans l'espoir de progrès décisifs dans les négociations actuellement conduites sous les auspices du Secrétaire Général des Nations Unies, la Commission est convaincue qu'un message positif doit être envoyé aux autorités et au peuple chypriotes confirmant que la Communauté considère Chypre comme éligible à l'adhésion et que dès que les perspectives d'un règlement seront plus assurées, la Communauté se tient prête à engager avec Chypre le processus devant finalement conduire à cette adhésion. "

Concernant la demande d'adhésion de la Turquie, la Commission européenne a rendu un avis en décembre 1989. Elle a alors estimé que " le contexte économique et politique de la Turquie " faisait qu'" il ne serait pas utile de procéder dès maintenant à l'ouverture de négociations d'adhésion avec ce pays ".

Le Conseil européen dispose donc de tous les avis nécessaires pour se prononcer en décembre prochain sur l'ouverture des négociations avec les différents pays candidats. Conformément à l'article 0 du traité sur l'Union européenne, les négociations ne peuvent être conclues qu'avec l'accord de tous les Etats membres. Le résultat des négociations est soumis à l'avis conforme du Parlement européen et sa ratification doit être autorisée par chaque Parlement national.

La position de la Commission europeenne

Les avis de la Commission européenne sur les différentes demandes d'adhésion, synthétisées dans le document intitulé " Agenda 2000 ", aboutissent aux conclusions suivantes :

- la Commission propose d'ouvrir des négociations avec cinq PAECO sur dix : l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie ; elle précise que la situation des autres PAECO sera réexaminée chaque année ;

- la Commission rappelle que la décision de principe d'ouvrir des négociations avec Chypre six mois après la conclusion de la CIG a déjà été prise par le Conseil européen ;

- tout en réaffirmant l'" éligibilité " de la Turquie à l'adhésion à l'Union européenne, la Commission ne propose pas d'ouvrir des négociations d'adhésion avec ce pays ;

- enfin, la Commission propose la mise en place d'une " Conférence européenne " réunissant les Etats membres de l'Union et tous les pays européens ayant vocation à adhérer à l'Union et liés à elle par un accord d'association, dans le but de " procéder à des consultations sur un large éventail de questions qui se posent dans les domaines de la PESC et de la coopération judiciaire et policière. "

Votre rapporteur estime que, quelle que soit la valeur des justifications avancées par la Commission, ces choix comportent des risques sur lesquels il juge souhaitable que la délégation du Sénat attire l'attention du Gouvernement dans la perspective du Conseil européen de Luxembourg.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page