B. L'AFFIRMATION D'UNE VÉRITABLE IDENTITE AGRICOLE EUROPEENNE

Votre Commission des Affaires économiques estime nécessaire l'affirmation d'une véritable identité agricole européenne, dans le contexte actuel de réforme de la Politique agricole commune.

L'ouverture des prochaines négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l'élargissement de l'Union Européenne et les perspectives financières du budget européen font peser certaines incertitudes sur l'avenir de la Politique Agricole Commune.

La coopération franco-espagnole, notamment dans le secteur des fruits et légumes, pourrait être l'occasion de consolider la spécificité de la PAC, et, à travers elle, de forger une véritable identité agricole européenne.

1. La mise en place d'une stratégie méditerranéenne

Cette politique de coopération pourrait se traduire par la mise en place d'une stratégie méditerranéenne regroupant non seulement la France et l'Espagne mais aussi l'Italie, la Grèce et le Portugal. Ce " front méditerranéen " pourrait promouvoir et défendre les positions communes de ces Etats sur un certain nombre de dossiers et de produits. L'élargissement du Comité mixte à l'ensemble des Etats du Sud constituerait, dans un premier temps, la structure adéquate pour élaborer des positions communes : c'est ainsi par exemple que la France et l'Espagne devraient dans les jours à venir présenter un mémorandum de la réforme de l'OCM sur les fruits et légumes aux autorités communautaires.

La constitution d'une telle stratégie serait un atout essentiel pour l'inclusion des produits méditerranéens dans le volet agricole de l'Agenda 2000.

2. Une nécessaire adaptation des relations avec les pays tiers

a) Une " pause active " dans la multiplication des engagements internationaux

Le groupe de travail avait en 1997 souhaité le rétablissement d'une politique commerciale à l'égard des pays tiers conforme aux engagements internationaux et européens. Il avait estimé qu'il était grand temps que " les autorités communautaires prennent conscience des risques que provoque la poursuite d'une politique commerciale avec les pays tiers qui fragilise, chaque jour un peu plus, le marché communautaire ".

Les différents intervenants rencontrés par la délégation sénatoriale ont souhaité unanimement restaurer la préférence communautaire par une stricte limitation des accords préférentiels avec les pays-tiers.

Rappelons que l'Union européenne est le premier importateur mondial de fruits et légumes pour une valeur de 1.950 millions d'écus.

Les accords avec le Maroc ont fait notamment l'objet d'intenses discussions. Les espagnols considèrent que la France, qui importe aujourd'hui un volume important de tomates du Maroc, favorise ces échanges notamment en pratiquant un contrôle très relatif des prix et des valeurs, et ce au détriment des produits communautaires.

La délégation française, en accord avec les nombreuses personnalités espagnoles rencontrées, réaffirme son souhait, d'abord de ne plus conclure de nouvel accord préférentiel avec des pays tiers, puis, de procéder à un bilan détaillé des conséquences économiques, sociales et financières des accords existants. Un bilan " coûts-avantages " des accords en cours ainsi qu'un examen détaillé des conséquences de chaque nouvel accord doivent devenir la règle.

b) L'instauration d'un mécanisme de co-développement

Face à la multiplication de ces accords préférentiels, la mission sénatoriale de 1993 avait proposé l'instauration d'une taxe complémentaire suffisamment dissuasive et destinée à rapprocher le prix d'entrée du prix communautaire. Le produit de cette taxe pourrait, pour tout ou partie être ristourné au pays exportateur pour aider à son développement, notamment agricole en aidant à l'essor des cultures " vivrières ".

Une fraction pourrait être conservée au sein de la Communauté pour l'amélioration de la gestion des marchés des produits concernés.

Comme le précise la mission sénatoriale, une telle taxe répond à un double objectif. Elle vise, d'une part, à rétablir une concurrence acceptable entre produits d'importations et produits communautaires en réduisant l'avantage procuré par l'utilisation d'une main-d'oeuvre bon marché. Cet objectif est rendu prioritaire pour les propositions relatives à l'Accord Multilatéral sur les Investissement (AMI). Ce projet, élaboré par l'OCDE, vise à lever tous les obstacles à l'investissement. Il est considéré comme une menace directe pour la construction européenne, puisqu'il risque de remettre en cause le principe d'intégration régionale qui fonde l'Union. De plus, ce projet d'accord pourrait conduire à des effets " niveleurs " sur les économies fragiles des pays du Sud, niant toute capacité d'action aux Etats souverains.

La taxe permettrait, d'autre part, d'aider réellement au développement des pays exportateurs puisqu'une partie de ce prélèvement lui permettrait de conserver ses recettes d'exportations, voire de les augmenter. En outre, elle aiderait les pays émergents à construire leur propre économie en atténuant les effets de la mondialisation.

Ce processus de co-développement protégerait à la fois les intérêts des producteurs de la Communauté -en rétablissant les conditions d'une concurrence loyale- et ceux des pays exportateurs -la marge résultant de leurs avantages comparatifs leur étant directement ristournée au lieu de bénéficier aux intermédiaires.

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